15 Le Marec Spirale42F - SPIRALE Revue de recherches en
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1. la forme scolaire qui vise produire un savoir clos auquel il faut adh rer qui peut tre identifi et valu et surtout s inscrire dans le temps didactique La multiplication des points de vue et la difficult d en ma triser la discussion semblent tre en contradiction avec le bon usage du temps didactique D ailleurs pour Nicole Tutiaux Guillon le texte du programme de Seconde de 1987 nomme mais par exception les fonda teurs de l histoire de la R volution fran aise et ceux qui en ont renouvel l appro che Pour elle c est pour mieux souligner que le savoir scolaire doit s carter du d bat Cette lecture tendrait prouver qu il n existe pas de contradiction l int rieur du discours institutionnel et que toutes les discussions sur le sens des fameuses formules seraient bas es sur des malentendus Il reste que ce programme a t aban donn en 1995 et qu il est maintenant possible de mesurer l importance du revire ment effectu Les habits neufs de la probl matique Comme c est une habitude dans l cole fran aise le programme de 1987 a t balay sans retour critique ni v ritable explication Les nouveaux programmes de Seconde n ont pas abandonn la notion de probl matique mais ils en ont restreint le sens Dans la partie consacr e aux approches et m thodes les auteurs l inspec teur g n ral Dominique Borne et l historien Serge Bernstein annoncent2. La r f rence aux pratiques savantes Au del des conceptions de l apprentissage que r v le cet nonc ce qui est important ici c est la mani re dont le lien est tabli entre pratique scolaire et prati que savante avec les termes de m tier de chantier de forge d apprentis de ma tre de chefs d uvre le texte reprend d ailleurs les images des historiens de la p riode qui voient leur travail comme une pratique de l artisan au sein de son atelier Ici la mati re est le document Les l ves peuvent tre mis en face du document c est dire des mat riaux vari s avec lesquels s difie l histoire Les auteurs d rou lent ensuite le mode d emploi de la pratique documentaire par leur examen leur analyse leur critique leur confrontation voil nos l ves en tat de recevoir une perception fra che et directe des si cles coul s d en obtenir une compr hension plus vive et plus intime de se hausser une interpr tation originale En 1954 la pratique documentaire repose toujours sur la m thode historique et sa r f rence est l ouvrage de Langlois et Seignobos de 1898 Elle met en avant quelques uns de ses principes le document permet de d couvrir la r alit du pass le commentaire d un document peut faire merger son sens int gral apport de nouveaux documents est la seule origine d une nouvelle in terpr tation Telles qu elles a
3. un lent changement dans les pratiques On le mesure avec le pro gramme de 1987 Faire participer les l ves l aventure intellectuelle de l historien C est par cette formule ambitieuse que les Compl ments de 1987 annoncent le paragraphe sur l initiation la m thode historique Depuis les textes de 1954 la clarification s est op r e tout en affirmant qu il ne s agit pas de construire une comp tence pro fessionnelle les auteurs donnent la m thode l objectif de s identifier dans leur comportement avec l historien en face du r el D un point de vue pist mologi que la diff rence est perceptible Trois principes m thodologiques mergent qui rompent avec la vision positiviste de 1954 et qui installent la posture historienne en tension entre le consentement aux faits la n cessit d une connaissance critique de la m moire des soci t s et l inscription de l histoire dans les sciences humaines La pratique de l histoire est fond e sur l tude des documents et des t moi gnages qui permettent d approcher la r alit L histoire est aussi criture du pass et elle s dimente des interpr tations L historien doit conna tre et confronter les diff rentes lectures de ce pass pour r pondre des questions du pr sent L historien vise construire une probl matique propre aux sciences de l homme fond e sur une causalit multiple Si ces caract ris
4. une d marche probl matique fond e sur des rep res chronologiques et spatiaux m mori s s Au lyc e crivent ils l enseignement doit tre probl matique la recherche du sens est primordiale elle oriente les diff rentes op rations n cessaires la cons truction d un discours d histoire ou de g ographie recherche des donn es classe ment mise en relation Autrement dit la probl matique oriente le sens du dis cours et du texte de l histoire construire Cette construction s effectue selon une m thodologie qui ne doit rien aux interrogations pist mologiques contemporaines Sa r f rence au r cit ne cherche pas s inspirer des pratiques historiennes Sinon il aurait fallu s int resser aux pratiques langagi res comme le d bat scientifique ou les diff rentes formes de l criture historienne Quant la probl matique qui doit orienter le sens le programme et les do 202 LES M THODES HISTORIQUES DANS LES TEXTES OFFICIELS cuments d accompagnement ne l explicite pas D o vient elle C est aux ensei gnants de le deviner Il est cependant manifeste que la sensibilit de l historien Serge Bernstein s exprime dans la dominante d histoire politique du programme Christian Delacroix et Patrick Garcia 1998 121 vont plus loin Ils remarquent sur des points importants des choix historiographiques non explicit s Ils constatent ainsi dans le programme de Prem
5. parler et pour l l ve le p ril tait son inertie Tout en estimant que la parole magistrale tait la pratique premi re de l enseignement il pensait qu il tait bon de pr senter aux l ves des repr sentations authentiques des hommes et des choses d autrefois De fa on g n rale la charni re des XIX et XX si cles le probl me des m thodes p dagogiques dans les grandes classes se r sume la mani re de r guler l omnipr sence de la parole magistrale et ses solutions s organisent autour d une place plus importante accord e la parole lyc enne et plus marginalement l usage des manuels et d exercices rendant les l ves plus actifs Le second probl me de nature didactique consid re le lien tabli entre les disciplines scolaires et savantes Il se pose en termes de relation entre le savoir de l cole et celui des savants En 1907 Seignobos th oricien de la m thode histori que envisageait l usage de cette derni re chez les l ves les plus g s comme un exercice du doute m thodique appliqu aux r cits permettant la distinction des sources et des traditions dans une perspective d ducation au politique Avec cette proposition il inscrivait l enseignement de l histoire du c t des pratiques histo riennes Cette perspective est longtemps rest e lettre morte Malgr tout les pro grammes de l entre deux guerres puis ceux de l apr s guerre refl tent une exig
6. une d marche post critique construire un savoir et en m me temps montrer comment il a t construit comment il pourrait tre d cons truit voire construit autrement Derouet interpr te alors le programme d histoire de 1987 comme la recherche d une transposition de cette attitude historienne en s interrogeant sur la possibilit de faire passer une r flexion de ce niveau de com plexit dans l enseignement secondaire Pour lui il semble difficile de didactiser une telle d marche Vouloir faire entrer la soci t critique dans l cole conduit celle ci une impasse La culture scolaire et l ordre du discours Pour certains didacticiens le programme de 1987 marque aussi l entr e dans le monde scolaire de d marches qui lui sont ext rieures En 1996 Simone Guyon observe d abord que l introduction de la notion de probl matique cherche combi ner des objets scientifiques pas une lecture mais des lectures et des objets p dagogiques renforcer l int r t qu elle peut fournir une coh rence cognitive et intellectuelle au savoir et qu elle permet de r affirmer la supr matie de l ex plication et de la compr hension sur le r cit Guyon 1996 Elle remarque aussi que avec la volont de rafra chir les exercices canoniques l initiation aux d mar ches scientifiques et en particulier la probl matique est en grande partie imputa ble aux scientifiques eux m
7. Il n y a pas une lecture mais des lectures de la R volution crivent les r dacteurs des Compl ments en 1987 Suit une s rie de noms d histo riens de Michelet Vovelle qui ont leur mani re crit l histoire de la R volution fran aise Cette r f rence l historiographie n est pas unique dans le program me du lyc e Concernant le programme de Premi re le texte pr cise Pour l Alle magne nazie comme pour l URSS une approche historiographique permet de cerner les probl matiques essentielles Cette mani re de proc der est cependant excep tionnelle et on peut d abord en comprendre l int r t en r f rant les sujets aux grands d bats historiographiques du moment le renouvellement des questions dans les an n es pr c dant le bicentenaire de la R volution fran aise l Historikerstreit ou la controverse d clench e en 1986 sur l interpr tation du nazisme par les historiens allemands et la formidable d stabilisation que constitua la glasnost et la perestro ka sovi tiques de ces m mes ann es N anmoins c est dans l histoire de l enseignement et travers la r flexion l Minist re de l ducation Nationale 1989 p 23 SPIRALE Revue de Recherches en ducation 2008 N 42 195 208 Y LE MAREC sur les pratiques scolaires qu il est aussi possible de comprendre ce moment pro bl matique Je propose de le penser comme la tentative de r soudre des probl
8. Yannick LE MAREC ENTRE R F RENCES SCIENTIFIQUES ET ORDRE DU DISCOURS LES METHODES HISTORIQUES DANS LES TEXTES OFFICIELS D HISTOIRE R sum En 1987 le programme d histoire pour la classe de Seconde invitait les en seignants choisir une probl matique pour pr senter la R volution fran aise Cette approche est interrog e ici du point de vue de l pist mologie et de la didactique de l histoire En effet l intention des r dacteurs des programmes depuis un si cle est fond e sur la volont de cr er des liens entre pratiques savantes et pratiques scolaires Pourtant dans le cas pr cis de la R volution fran aise la r f rence aux pratiques historiennes notamment aux d bats l existen ce de plusieurs mani res de penser et interpr ter l v nement est consid r e par certains comme contraire aux attendus et aux pratiques normales de l cole Notre hypoth se est que en jouant la probl matique contre le probl me on se prive de penser la relation entre construction d une pens e historienne et apprentissage de l histoire Mots cl s Probl matique probl me pratiques historiennes pratiques scolaires L article s int resse un v nement qui a d j suscit de nombreux com mentaires l introduction dans le programme de 1987 il est en fait r dig en 1986 et les Compl ments en 1987 d une vision plurielle de la R volution fran aise et sa disparition en 1995
9. ans sa relation l histoire savante l histoire scolaire du programme de 1995 constitue une v ritable r gression Ce discours d ordre qui tente de refermer le moment probl matique dans les programmes du secondaire ne nous permet cependant pas de comprendre tota lement l chec de la probl matique C est pourquoi je propose de revenir la notion de probl me afin de la diff rencier de celle de probl matique RETOUR AU PROBL ME La notion de probl me est au c ur d une rupture pist mologique dans l his toriographie fran aise et occidentale Mais l absence d une v ritable th orie de l histoire probl me n est elle pas l origine des errements des propositions institu tionnelles en mati re de r f rence aux pratiques savantes Une th orie inachev e La notion d histoire probl me est d velopp e par les historiens des Annales Dans l entre deux guerres Marc Bloch et Lucien Febvre se sont int ress s aux d bats qui tentent de trouver des solutions philosophiques et scientifiques aux cons quences des bouleversements de la physique la relativit la m canique quantique Ces d bats affectent les sciences physiques mais posent aussi aux historiens de re doutables questions Il s agit d abord de rompre avec les principaux canons de 203 Y LE MAREC l histoire m thodique les faits historiques sont des donn es r elles de l objectif ils d terminent l histoire et
10. core fr quemment Il num re ces pratiques le choix et la formulation des curiosit s les sauts intellectuels par lesquels on passe de la trace la r alit les questions directrices qui inspirent la pens e les probl matiques les hypoth ses et leur mise l preuve les d finitions des objets mis en sc ne les corr lations qui nous servent fonder nos explications le travail constant de configuration l u vre d criture Moniot 1993 68 Comme on le voit pour Moniot la probl ma tique n est qu un l ment d un processus complexe dans lequel les premi res tapes chappent souvent aux pratiques scolaires Il appartient la didactique de ne pas les dissocier et de les repenser dans le cadre de la classe POUR CONCLURE Tout en restant exceptionnel dans l conomie g n rale du programme de 1987 l accent mis sur les lectures les probl matiques de la R volution fran aise ne c dait en rien la conjoncture de pr paration du Bicentenaire de l v nement Les formulations utilis es par les auteurs leur enthousiasme aussi rendaient compte du long cheminement de la pens e sur les pratiques scolaires promouvoir dans le cours d histoire L histoire de ces pratiques scolaires nous montre que les program mes tout en cherchant s loigner de conceptions pist mologiques d pass es n ont pas r ussi modifier la culture scolaire S appuyant d un c t sur les disc
11. e ren voyer dos dos les auteurs qui se partagent l opinion Furet et Soboul Martin 1994 Pour lui la R volution fran aise est le seul domaine dans lequel les ensei gnants sont confront s des choix v ritables ce qui ne se concevrait pas sur des su jets comme l Holocauste Sans trancher sur l int r t de la d marche il remarque que l historiographie ne cr e pas en elle m me de valeurs d finitivement consacr es et qu elle ne se d veloppe pas selon un cheminement lin aire cumulatif Il est vain conclut il de croire que les enseignants devraient trouver en elle le c ur de leurs cours Il faut donc conclure a minima que la R volution fran aise est un exemple qui multiplie les difficult s pour introduire les l ves aux pratiques scientifiques LA PROBL MATIQUE ET LE FONCTIONNEMENT NORMAL DE L COLE M me r duit un exemple dans le programme de seconde la proposition des auteurs d envisager les probl matiques de la R volution fran aise a suscit de nom breux commentaires Les lectures critiques pr sent es ici l une centr e sur l volu tion de l histoire intellectuelle de la soci t l autre construite partir d un fonction 3 Pour l Allemagne nazie comme pour l URSS une approche historiographique permet de cerner les probl matiques essentielles Voici le paragraphe complet dont il est question Il n y a pas une lecture mais des lectures de la R vo
12. ence de plus en plus nette de transformation des m thodes p dagogiques et didactiques du cours d histoire Des prescriptions de plus en plus pr cises accompagnent les 196 LES M THODES HISTORIQUES DANS LES TEXTES OFFICIELS programmes Celles de 1954 sont particuli rement int ressantes pour comprendre la mani re dont leurs concepteurs tentent de trouver des solutions Le probl me est formul ainsi l enseignement de l histoire ne ferait pas encore assez grande part de l initiative personnelle chez les l ves et son principal d faut serait de ne point leur donner m me un aper u de ce qu est le m tier d historien La formulation re groupe la question de l activit de l l ve pendant le cours et celle du lien de l his toire enseign e avec l histoire des historiens L int ressement et l investissement des l ves dans le cours constituent les contraintes partir desquelles doivent se re penser les m thodes Selon les auteurs du programme une autre m thode consiste rait alors mettre les l ves en face du document De cette mani re introduits hardiment sur les chantiers o s laborent les chefs d uvre de notre discipline nos jeunes apprentis s en retourneraient l esprit plus d li possesseurs d un savoir mieux assimil et d autant plus durable qu ils ne le tiendraient pas d autrui mais qu ils l auraient forg eux m mes de toute premi re main
13. et d L cole dans plusieurs mondes 173 194 Paris Bruxelles De Boeck INRP Febvre L 1953 Combats pour l histoire Paris A Colin G rin Grataloup A M Solonel M amp Tutiaux Guillon N 1994 Situations pro bl mes et situations scolaires en histoire g ographie Revue Fran aise de P dagogie 106 25 37 Guyon S 1996 L enseignement de l histoire et de la g ographie l heure de la probl matique Historiens amp G ographes 352 91 107 Martin J C 1994 Dimensions pist mologiques d un d bat historiographique Le cas de la R volution fran aise in A Boureau ef alii L histoi re entre pist mologie et demande sociale 137 152 IUFM de Cr teil Moniot H 1993 Didactique de l histoire Paris Nathan Prost A 2002 Argumentation historique et argumentation judiciaire in J C Passeron et M de Fornel L argumentation preuve et persuasion 29 47 Paris EHESS Tutiaux Guillon N 2003 L histoire scolaire en France Un mod le r sistant aux d bats et aux controverses in Pistes didactiques et chemins d historiens Textes offerts Henri Moniot 267 284 Paris L Har mattan 206
14. g debates and to the fact that there are several ways of thinking and interpreting the event is often considered as con trary to the expectations and ordinary practices at school Our hypothesis is that by playing what we call a probl matique against the problem we deprive ourselves of thinking about the relationship between historian construction of knowledge and history learning Keyswords Problematique problem historians practices school practices Bibliographie Astolfi J P 2005 Probl mes scientifiques et pratiques de formation in O Maulini et C Montandon ds Les formes de l ducation vari t et variation 68 81 Bruxelles De Boeck Audigier F Cr mieux C amp Tutiaux Guillon N 1994 La place des savoirs scien tifiques dans les didactiques de l histoire et de la g ographie Re vue Fran aise de P dagogie 106 11 23 Baillat G 2000 Histoire et culture commune in H Romian d Pour une culture commune 402 417 Paris Hachette Castelli Gattinara E 1998 Les inqui tudes de la raison pist mologie et histoire en France dans l entre deux guerres Paris VRIN EHESS Delacroix C amp Garcia P 1998 L inflexion patrimoniale l enseignement de l histoire au risque de l identit Espaces Temps 66 67 111 136 Derouet J L 2000 Enseigner l histoire de la R volution dans une soci t criti que in J L Derou
15. i re que la crise de 1929 est relativis e et que cette relativisation co ncide avec la mont e en puissance des doctrines lib rales partir des ann es quatre vingt Pour eux ce changement de perspective rel ve d une culture sociale historiquement situ e Pour ma part je reprends l expression de Jean Pierre Astolfi 2005 70 qui voque le curriculum cach en place de fa on silencieuse Concernant La p riode r volutionnaire la proposition r duit la focale aux exp riences politiques en France de 1789 1815 Le programme pr cise Il s agit en d gageant les tapes majeures de la p riode de proposer un expos pro bl matique des exp riences politiques et institutionnelles qui ont marqu en France la mise en uvre de conceptions nouvelles Ce n est sans doute pas un hasard si la seule occurrence du mot probl matique se trouve plac e dans la partie sur la p riode r volutionnaire Mais que reste t il de l ancienne conception Exit les historiens et leurs probl matiques au sens de points de vue historiographiques cons truits et parfois concurrents Il reste une lecture d histoire politique de l v nement qui ici aussi rel ve d un curriculum cach Quelle est la l gitimit d une telle pro position Tant du point de vue des finalit s que de celui de l historiographie il est difficile de plaider la n cessit On est bien oblig d admettre que d
16. il ne peut y avoir d histoire que des faits Ces certitudes sont remises en cause dans les sciences dures par la r volution de Heisenberg qui oblige reconsid rer l id e d observation objective En microphysique il n y a pas de m thode d observation sans action des proc d s de la m thode sur l objet observ Il y a donc une interf rence essentielle de la m thode et de l objet crit Bachelard en 1938 Comment traduire ce constat en histoire l illusion de l objet historique le fait extrait des archives pur et neutre Febvre oppose donc le choix le sujet la th orie issus de ces nouvelles conceptions pist mologiques tout fait est d j une interpr tation Le fait brut n existe donc pas du point de vue scientifique Sans th orie pr alable sans choix conscient de l his torien il n existe pas de travail scientifique possible Comme les instruments du micro physicien modifient l observation la th orie de l historien par l clairage qu il met en place sur son objet historique le construit de fa on particuli re En cons quence les historiens doivent changer leur conception empiriste d termi nisme du r el en approche th orique constructive un d terminisme assoupli de la raison Les faits historiques m me les plus humbles c est l historien qui les ap pelle la vie en faisant des choix c est dire en se posant un probl me Poser un probl
17. ion fran aise proc de d une volont d int grer le relativisme critique en prenant en compte la pluralit de lecture du ph nom ne r volutionnaire et qu elle s inspire du rapport Bourdieu Gros Pour ces deux professeurs au Coll ge de France en effet la crise de l gitimit des savoirs scolaires ne peut se r soudre que dans une autre conception du savoir Il s agit d enseigner en m me temps un savoir positif et son pist mologie Pour Derouet la R volution avec la richesse de son historiographie est le terrain choisi par les r dacteurs du programme de Seconde afin d y exercer les yeux neufs de la connaissance critique Les Compl ments proposent bien les noms d une dizaine d auteurs mais Derouet n en retient qu un celui de Fran ois Furet Il consid re son parcours depuis son ouvrage crit avec 5 Le programme de seconde est pourtant publi au Bulletin Officiel 1 du 5 f vrier 1987 et les Compl ments au BO 3 du 9 juillet 1987 tandis que le rapport Bourdieu Gros est remis bien plus tard au ministre de l ducation Nationale le 8 mars 1989 200 LES M THODES HISTORIQUES DANS LES TEXTES OFFICIELS Denis Richet La R volution fran aise comme sans doute le premier exemple de ces entreprises de second degr qui invitent la discipline la vigilance pist molo gique et en m me temps r int grent la m moire dans le territoire de l historien Il y voit l amorce d
18. lution Michelet et Tocqueville Mathiez et Gaxotte Soboul et Cobban Furet et Vovelle l historio graphie de la R volution fran aise avance par le d bat et la confrontation des points de vue Aucune probl matique ne peut dans l enseignement se fonder sur une lecture sens unique Il va de soi que le d bat sur l historiographie de la R volution restera toujours pr sent l esprit des enseignants se refl tera dans la probl matique mais ce niveau ne sera pas engag par lui m me 199 Y LE MAREC nement normal de l cole expriment le rejet ou la relativit d une r f rence ext rieure l cole comme modalit l gitime de sa transformation Les impasses de la soci t critique Jean Louis Derouet 2000 analyse la d marche des Compl ments de 1987 dans une perspective historique du discours critique sur l cole Il montre que les critiques de l cole n ont pas pargn les savoirs et qu il est possible d organiser la chronologie de ce processus en trois p riodes Une premi re jusqu aux ann es soixante peut tre caract ris e par la relative certitude sur ce qu il convient d enseigner et sur la mani re de le faire L enseignement diffuse un fond commun de valeurs et de connaissances s res ayant effac les lignes de construction qui ont permis de les laborer Il n est d ailleurs pas possible de s parer les m thodes des objectifs l interp n t
19. me c est pr cis ment le commencement et la fin de toute histoire Pas de probl me pas d histoire Des narrations des compilations mart le Lucien Febvre 1953 Pourtant malgr son importance cette r flexion ne se traduit pas par l qui valent en histoire de l apport de Bachelard aux sciences Febvre n crit pas le Nouvel esprit historique Castelli Gattinara 1998 L historien contemporain Antoine Prost le confirme les Annales n ont pas remis en question fondamentale ment l pist mologie de l cole m thodique Il montre que Marc Bloch l autre fon dateur de la c l bre revue pourtant sensible aux d bats philosophiques et pist mo logiques de son temps b tit son Apologie pour l histoire selon un plan qui n est pas tr s diff rent de celui de Langlois et Seignobos 1898 ou de la M thode histo rique de Seignobos C est la m me architecture deux niveaux les faits qu il faut tablir par la critique des t moignages et des documents l explication et la compr hension qui construisent partir des faits un discours intelligible Prost 2002 Que devient la th orie Que devient l histoire probl me Faut il en conclu re que la r solution des questions pos es d s le d but du XX si cle par l enseigne ment de l histoire ne peut pas s accomplir dans le cadre de l histoire probl me parce que la discipline de r f rence elle m me est rest e ma
20. mes d enseignement de l histoire pos s d s le d but du XX si cle mais aussi comme une solution qui n aurait pas abouti Si l introduction de la notion de probl matique constitue la solution envisag e pour reconstruire une pist mologie de l histoire scolaire et la centrer sur des bases qui tiennent compte du discours des historiens l analyse met en vidence un double d calage d abord avec les pratiques norma les de l cole et ensuite entre cette solution et les pratiques r elles des historiens Une piste sugg r e ici consiste revenir la notion de probl me en histoire pour penser sa reconstruction dans le cadre scolaire LES ORIGINES SCOLAIRES DE LA PROBL MATIQUE L tude des programmes d histoire pour le lyc e permet de constater en un si cle une volution importante dans la conception de l histoire On peut y lire l mergence de la notion de probl matique comme une r ponse possible des pro bl mes rencontr s dans la classe R soudre deux probl mes La compr hension des choix de 1987 peut se faire dans la perspective de r solution de deux probl mes ouverts depuis un si cle un probl me p dagogique et un probl me didactique Depuis les crits des p res fondateurs de l histoire r publicaine Lavisse et Seignobos particuli rement ces deux questions constituent des points d achoppe ment du dispositif d enseignement Pour Lavisse le professeur courait le danger de trop
21. mes universitaires de la Commission permanente pour l enseignement de l Histoire de la G ographie et de l ducation civique pr sid e par l historien Jacques Le Goff Cette demande des historiens appara t dans une configuration scientifique qui met en avant la pluralit des m moires des repr sen tations du monde des rapports au pass des coles historiques et g ographiques Finalement crit Simone Guyon la probl matique est la transcription dans l cole de la pluralit des conceptions sur le pass et sur l histoire qui existent hors de l cole Aussi se demande t elle si la probl matique scolaire peut tre plurielle ce moment de l analyse il faut pr ciser que depuis la fin des ann es qua tre vingt les didacticiens de l histoire et de la g ographie interrogent les rapports entre savoirs savants et savoirs enseign s Autour de Fran ois Audigier et la suite des travaux de Chevallard et de Chervel la recherche en didactique de l histoire g ographie a d velopp l id e que les savoirs scolaires sont des constructions parti culi res de l cole pour r pondre aux finalit s qui sont les siennes Les savoirs scientifiques travers s d enjeux scientifiques politiques et thiques sont des r f rences complexes Ils ne peuvent tre que des sources d inspiration pour les savoirs scolaires et des outils pour analyser les productions des l ves caract riser leurs sa voirs et ven
22. mpl ments pr cisent sobrement que l historiographie de la R volu tion Fran aise avance par le d bat et la confrontation des points de vue Cependant si cette approche par l historiographie est reprise une fois dans les Compl ments crits pour la classe de Premi re la m thode n est pas g n ralis e et sa proposition d application la classe de Seconde sur le cas de la R volution fran aise la rend extraordinaire Surtout alors qu il est clairement tabli que des choix doivent tre faits aucune indication ne vient les guider C est l sans doute la plus grande faiblesse de la proposition Pour les auteurs il va de soi que le d bat sur l historiographie de la R volution fran aise restera toujours pr sent l esprit des enseignants C est eux qu il appartient de choisir une probl matique m me si l on sait depuis la fin du XIX si cle que l enjeu de la R volution fran aise d passe l v nement lui m me et que les choix qu il est possible de faire sont fortement orient s par des querelles id ologiques Le sp cialiste actuel de la R volution fran aise Jean Cl ment Martin a pr sent la R volution comme une des rares questions sur laquelle le d bat public a convoqu des arguments de toutes natures brouillant durablement le discours des historiens Il a aussi analys de mani re n gative les intentions de cette partie du programme qui a pour cons quence selon lui d
23. ours th oriques mais de l autre n gligeant les pratiques r elles des historiens les pro grammes ont choisi la probl matique contre le probl me Certains didacticiens ont raison de mettre l accent sur le caract re r sistant des traditions et de la culture sco laire Mais on doit aussi se garder comme le note Jean Pierre Astolfi de l gitimer l isolement des savoirs scolaires et de justifier le fonctionnement du syst me di dactique 2005 69 C est pourquoi si on ne veut pas en rester un enseignement des r sultats de l histoire savante et un savoir de type propositionnel il convient de r fl chir la transposition conjointe des savoirs et des pratiques r elles des histo riens pratiques de probl matisation et pratiques langagi res Yannick LE MAREC IUFM des Pays de La Loire Universit de Nantes Centre de Recherche en ducation de Nantes CREN EA 2661 205 Y LE MAREC Abstract In 1987 in France history teachers for the freshman courses in High schools were invited to present the French Revolution by the means of a problematique In this contribution I m questioning this approach from an epistemological and didactical point of view Indeed the intention of the program s drafters since a century is based on the desire to create links between scientific practices and school practices Yet in the case of the French Revolution the reference to historians practices includin
24. pparaissent la pratique documentaire expos e et les concep tions pist mologiques qui l accompagnent marquent une fronti re qu il n est pas vident de franchir Le texte refl te d ailleurs en creux par un certain nombre de pr cautions d usage les pratiques courantes celles des le ons causeries dans les petites classes et celles des expos s des grandes classes coup s de fr quents appels la m moire et la r flexion De m me qu ils expriment sans am bigu t l id e que l objectif n est pas de former de jeunes rudits et qu il ne faut 2 parer LS E En 1957 dans son manuel d enseignement de l histoire Marcel Reinhard consid re que la m thode historique ne peut tre mise en uvre que dans l enseignement sup rieur 197 Y LE MAREC pas se leurrer sur le niveau des esprits les auteurs tentent seulement de rendre acceptables et accessibles des pratiques jusqu alors peu r pandues de commentaire de texte ou de gravure ou d tude m thodique et pr cise des documents Ils proposent des pratiques scolaires qu ils consid rent transpos es de pratiques scienti fiques parce qu ils pensent que ces derni res sont les seules pouvoir assurer la l gitimit des premi res L approche scolaire du document sur laquelle insistent lon guement les Instructions de 1954 et qui reste valide pendant trois d cennies mar que le d but d
25. ration de l histoire positiviste et de la m moire de l tat na tion est sensible tous les niveaux de l cole Une seconde p riode est celle du foisonnement critique qui culmine en tre 1964 et 1975 et conjugue des critiques de diff rentes natures scientifique psy chop dagogique et politique Insistons sur le premier terme Sous l influence des historiens des Annales le savoir des historiens a volu S loignant des concep tions positivistes favoris par des rapprochements avec les autres sciences sociales notamment l anthropologie il s est donn comme objectif une compr hension glo bale de l volution des soci t s Alors que l histoire commence prendre en compte la diversit des points de vue sur le monde comment accepter que l enseignement soit toujours centr sur la nation fran aise La troisi me p riode de recherche de nouveaux points fixes de la fin des ann es soixante dix au milieu des ann es quatre vingt est marqu e par une certaine incertitude dont t moignent les al as sur le positionnement des questions li es au temps et l espace la convergence des critiques commencent aussi r pondre des inqui tudes sur l impact du relativisme culturel et une demande de retour la directivit notamment sous le minist re Chev nement C est dans ce contexte qu il faut situer l criture du programme de 1987 Derouet consid re que la partie sur la R volut
26. rqu e par une pist mo logie d pass e Les pratiques r elles des historiens La r ponse est complexe car le jugement d Antoine Prost sur le dernier livre de Marc Bloch ne peut effacer l aspect novateur et les ruptures que les travaux em piriques du co fondateur des Annales ont constitu es dans l historiographie fran aise Ainsi son livre sur les Caract res originaux de l histoire rurale fran aise vaste synth se crite en 1931 d veloppe une histoire probl me fond e sur une lec 204 LES M THODES HISTORIQUES DANS LES TEXTES OFFICIELS ture critique de l historiographie sur l attention bien noncer les questions plut t que pour l instant chercher les r soudre Cette remarque est importante Elle nous permet d insister sur le fait que dans la pratique des historiens la cons truction du probl me est bien premi re Or les programmes et les Compl ments de 1987 et de mani re encore plus tranch e ceux de 1995 mettent au contraire l ac cent sur une lecture une interpr tation c est dire qu ils donnent la notion de probl matique le sens d une r ponse Cela n a plus qu un lointain rapport avec les pratiques des historiens dont Henri Moniot nous a donn un mod le utile pour la di dactique L historien traque les sources crit il mais son art et sa science ne sont pas une simple m thodologie du traitement critique des documents comme on le r duit en
27. tiques concernent l historien les Compl ments tentent aussi d en proposer une version pour l l ve il doit prendre en m me temps conscience des limites de l objectivit historique et de la r gle imp rative de la confrontation des points de vue et des lectures L intention des auteurs est donc de mettre en uvre une conception de l histoire qui donne de l importance la construction col lective des savoirs dont le sens est laiss ouvert approcher la v rit Elle est mise en pratique dans l tude de la R volution fran aise Le cas de la R volution fran aise Le texte pr cise en effet qu il appartient chaque enseignant de choisir sa probl matique et cette id e est suivie de la fameuse formule Il n y a pas une lecture mais des lectures de la R volution Le paragraphe continue en grenant des doublettes d historiens Michelet et Tocqueville Aulard et Taine Mathiez et Gaxotte Soboul et Cobban Furet et Vovelle Cette succession dans le temps de puis le milieu du XIX si cle d auteurs repr sentant des interpr tations diff rentes de l v nement est compl t e par leur juxtaposition deux deux pr cisant ainsi que sur ce cas historiographique les d bats se menaient plusieurs niveaux dans 198 LES M THODES HISTORIQUES DANS LES TEXTES OFFICIELS une discussion avec la tradition et dans la confrontation avec des propositions pr sentes Les Co
28. tuellement d terminer d autres modalit s d enseignement Les savoirs scolaires de par leur vocation construire et transmettre une culture commune pour tous les jeunes ont tendance fermer le sens refuser la pluralit des inter Cet ouvrage est crit entre 1963 et 1965 tandis que Penser la R volution fran aise date de 1978 201 Y LE MAREC pr tations refuser la dimension politique des savoirs et donc loigner ce qui fait douter Audigier Cr mieux Tutiaux Guillon 1994 On comprend dans ce cadre la signification de l expression aussi radicale formul e par Simone Guyon la probl matique dans sa conception la plus exi geante est incompatible avec la culture scolaire Sans douter de l int r t d appren dre probl matiser mais doutant de sa faisabilit l auteure insiste sur le fait que probl matiser c est introduire des points de vue sur le savoir c est mettre en dis cussion ce savoir Cette approche peut contribuer d stabiliser le rapport au sa voir et la discipline Or toute la culture scolaire est marqu e par une recherche du consensus Comme le dit Nicole Tutiaux Guillon partir d une description des pratiques scolaires l histoire scolaire en France est un mod le r sistant aux d bats et aux controverses 2003 Cette auteure montre que les obstacles se situent d abord du c t des traditions d enseignement mais qu ils sont aussi li s
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