Les rapports entre la Justice et la société globale. Un point de vue
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1. Si la participation des acteurs est dans le domaine d intervention de ce lieur qu est le juge d termin e par la vision du monde il faut d abord se demander si la mondialisation de certaines pratiques culturelles correspond une vision unifi e En cas de r ponse n gative les logiques voluant beaucoup plus lentement que les pratiques professionnelles il nous faut prendre en consid ration les diverses visions du monde en concurrence comme autant de sp cificit s respecter pour assurer la performance de l institution judiciaire c est dire pour fonder son autorit au double titre de la comp tence institutionnelle et personnelle selon la distinction propos e par M Alliot dans la section pr c dente Pour pr ciser ma d monstration je me situerai dans deux contextes d abord dans celui de la rencontre au sein du processus de mondialisation de la tradition occidentale avec d autres traditions Ensuite je commenterai bri vement cette requ te d exception culturelle qui dans le cadre du processus d occidentalisation du monde partage les mondes protestant et anglo saxon d une part latin et catholique de l autre L occidentalisation du monde L occidentalisation du monde et singuli rement du monde judiciaire domine l histoire des soci t s contemporaines et ce processus s est singuli rement acc l r depuis la chute du mur de Berlin et la disparition du deuxi me monde celui du comm2. voqu l oeuvre propos du pi tendu par l id ologie moderne d montre dans ses Essais sur l individualisme qu une des cons quences de la rupture du protestantisme au d but du XVI si cle est d avoir introduit non seulement une nouvelle eschatologie mais une conception neuve de la soci t l universitas chr tienne furent substitu es des societates comme collections d individus et d o est tir le terme actuel de soci t Sur le sens de cette rupture je me permets de citer quelques extraits Deux conceptions de la soci t Etat s affrontent dans le vocabulaire de l poque Il nous faut distinguer universitas ou unit organique corporate et societas ou association partnership dans laquelle les membres restent distincts en d pit de leur relation et o l unit est ainsi collective et non organique corporate Societas et les termes semblables associations consociatio a ici le sens limit d association et voque un contrat par lequel les individus composants se sont associ s en une soci t Cette fa on de penser correspond la tendance si r pandue dans les sciences sociales modernes qui consid re la soci t comme consistant en individus des individus qui sont premiers par rapport aux groupes ou relations qu ils constituent ou produisent entre eux plus ou moins volontairement Le mot par lequel les scolastiques d signaient la soci t ou les personnes morales e
3. les exp riences actuelles de m diation p nale qui pr tendent faire une v ritable place la n gociation s inscrivent sous le signe d ambigu t s et de contradictions dont je me suis fais l cho dans certains travaux r cents en tendant le champ du contr le social l ordre impos largissant ses domaines d intervention la famille surtout trang re et en r duisant le champ de l ordre n goci par l infantilisation d acteurs qui inversement devraient tre responsabilis s dans leur statut de citoyen ou d usager du service public de la justice Un des enjeux de l claircissement que nous apporterons la place d un ordre n goci sera donc d appr cier plus objectivement les fondements des fonctions qui paraissent maintenant associ es la figure du juge dans les soci t s contemporaines 30 C est Domat qui justifiait la contribution des Romains au Droit universel en supposant qu ils avaient eu la prescience de l clairage divin du catholicisme que lui m me recherchait en fabriquant ce droit commun coutumier qui fut une des origines de la codification donc de l uniformisation du Droit STE Le Roy M diation mode d emploi Droit et soci t volume 29 1995 p 39 55 Et le chapitre 34 du jeu des lois pp 341 362 16 On se souvient que dans Fonction de juger et pouvoir judiciaire j Fran ois Ost faisait appara tre trois figures compl mentaires celle du juge
4. terminant la fonctionnalit de notre conception de la justice Deux remarques peuvent tre faites pour clairer la nature des images ainsi impliqu es ou valoris es Premi rement cette requ te de neutralit n est pas inh rente au juge et la justice mais notre conception du Droit si le doyen Jean Carbonnier avait raison de souligner il y a une vingtaine d ann es que le signe diacritique du Droit occidental ai je la pr tention d ajouter est dans sa neutralit Deuxi mement cette neutralit du juge et du Droit trouve son v ritable fondement dans une conception religieuse du monde travers la repr sentation de Yahv Dieu de la Bible G rard Timsit en explore explicitement les implications quand il crit Quand les hommes ont remplac Dieu par l Etat ils n ont cependant pas renon ant Dieu renonc la conception d une loi qui f t la Parole de Dieu d un dieu la cis certes mais qui rest t dans la position supr me et omnipotent et omniscient et souverain Il n y a que Dieu et l Etat substitu Dieu dans ses attributs qui puisse mod rer de sa propre volont l exercice de sa propre puissance De telles pr mices r sultent n cessairement ce que j ai cru pouvoir appeler le monologisme du syst me normatif l existence d une logique unique unitaire verticale et hi rarchique l oeuvre au sein des syst mes normatifs 18 donc caract ristique de la traditio
5. R forme un ordre impos au sens d un ordonnancement de la soci t impos par un principe organisation religieux donc ext rieur et sup rieur la collectivit se met en place et rien ne permet de penser que nous les juristes en soyons sortis donc que nous nous autorisions aborder la vie juridique selon des ressorts adapt s aux volutions de la vie en soci t alors que cette vie dans la soci t contemporaine a volu et continue d voluer de mani re cruciale Pour r sumer des travaux collectifs r alis s dans le cadre du Laboratoire d Anthropologie Juridique de Paris LAJP travaux qui s tagent sur une quinzaine d ann es et qui ont requis la collaboration de magistrats d abord sur le th me de la justice des mineurs puis sur celui de la conciliation de la m diation et de la n gociation dans le champ judiciaire l une des conclusions significatives sous la plume d un magistrat est qu en d pit des multiples incitations venant de la Chancellerie introduire plus de n gociation dans le champ judiciaire magistrats et justiciables s y refusent ou en r cusent les implications des exceptions notables venant confirmer ce principe trop g n ral La pratique d un ordre n goci n appara t encore ni l gitime ni praticable pour le plus grand nombre qui recourt comme par r flexe la voie contentieuse la diff rence du monde judiciaire anglo saxon et protestant Bien plus
6. dans les pays de la communaut francophone Montr al AUPELF UREF 1994 59 70 12 contributions de la recherche internationale autour de la requ te de dialogisme ou de dialogue dialogal mes devraient permettre de r soudre les actuelles contradictions En fait j ai en t te l ouvrage de Laurent Cohen Tanugi Le droit sans l Etaf dont je viens de discuter des th ses dans mon Jeu des lois pr cit J avoue mon accord avec la premi re partie de son objectif dissocier les termes de l quation fran aise droit Etat c est dire de concevoir un droit qui ne soit pas presque exclusivement le produit d un Etat administratif centralis homog ne unitaire et monopololistique dit la quatri me de couverture et ma r ticence adh rer la solution pr conis e qui est de transf rer en France le mod le am ricain A cette r ticence nul anti am ricanisme mais le constat de divergences fondamentales entre les h ritiers de la R forme et ceux de la Contre R forme Ce qui n est plus une guerre de religions est toujours une opposition fondamentale sur le r le de l Etat assimil Dieu dans la Contre R forme parfois associ au diable dans la tradition puritaine de d fiance de l Etat qui fut celle des p res fondateurs de la d mocratie am ricaine L affaire Clinton incontournable actuellement r v le le foss entre nos cultures politiques et juridiques comme je l affirme depuis de nombreuse
7. de propri t ou donner aux fonctions du juge un sens qui renoue tant avec la figure du pacificateur qu avec le juge entraineur r habilitant le service public de la Justice Des modes de pens e et des dispositifs institutionnels neufs doivent appara tre d s lors qu il s agira de concilier sans confusion des cadres explicatifs et des solutions qui taient jusque maintenant tenus pour oppos s ou contradictoires Il est cependant bien vident qu il ne saurait y avoir de r ponse r formatrice adapt e sans projet de soci t la hauteur du d fi donc au pr alable sans des choix politiques labor s selon nos exigences d mocratiques de d bats publics Dis moi quelle soci t tu veux je pourrai te dire quelle justice y r pond tel semble tre la contrainte et l horizon de nos choix Certaines issues sont maintenant rep r es et travaill es mais un tr s r el effort reste faire si on veut poser les bons diagnostics et apporter les r ponses qu attendront nos concitoyens du XXI si cle A la mani re de la mutation que vivait la France en 1789 le futur de la Justice ne se pr sentera pas comme une r forme mais comme une r volution que nous pourrons rendre paisible et cr ative si nous savons nous y pr parer 4 Voir ci dessus la distinction apport e par Louis Dumont entre universitas et societas SE Le Roy Sortir d une repr sentation injuste de l enfant des banlieues approc
8. gravitent pas autour du pouvoir politique Ici nous attendons beaucoup de l Etat l bas ils n en attendent pas grand chose deux cultures politiques distinctes et qui ne se rejoindront jamais 4 Je n adh re sans doute pas toutes ces analyses mais il me para t significatif de constater que la loi a pris dans cette tradition puritaine la place de l Etat dans la tradition latine l une et l autre tant des avatars du Dieu jud o chr tien et la premi re trouvant dans le d calogue biblique puis dans la figure du juriste incarn e actuellement par le procureur Starr ce que l autre trouve dans l omnipotence et dans l omniscience du pouvoir incarn dans l Etat L une et l autre font galement l objet d un v ritable culte et on ne s tonnera pas du caract re inquisitorial de 26 Une pr sentation de l tat de la question dans le jeu des lois pr cit pp 323 340 27 Paris PUF Quadrige 1992 206 p 1 ed 1985 E Le Roy Un droit peut en cacher un autre Informations sociales n 22 demande sociale de droit mars 1992 pp 10 19 G Sorman Une com die am ricaine Le F igaro magazine du samedi 22 ao t 1998 p 7 13 toute enqu te mettant en cause le respect de la loi outre atlantique ou les faiblesses proches de l autocensure concernant les d voiements de l Etat chez nous A mon avis nombre de questions qui sont voqu es propos de la r forme de l Etat
9. les Musulmans appellent les portes de l effort nous obligerait actualiser dans le contexte europ en des th ories juridico politiques comme celle de la souverainet qui est d essence unitariste chez J J Rousseau ou juridico conomiques comme celle de la personnalit morale qui n ont gu re t enrichies depuis deux si cles J y reviendrai galement Questionner un ordre impos et r introduire la n gociation dans le champ du Droit et de la Justice De m me que le d calogue a t transmis par Dieu aux H breux sous la m diation de Mo se et dans les conditions que l on sait sur le Mont Sina de m me le Droit fut justifi et reste implicitement v cu comme un don de Dieu une cr ation divine G rard Timsit dans la citation pr c dente expliquait ainsi notre religion du Droit qui appara t explicitement sous la plume d un Domat par exemple Dans son ouvrage Les lois civiles dans leur ordre naturel Paris Cavelier 1694 p X Domat analyse l impact de deux sortes de puissances propres contenir les hommes dans l ordre de leurs engagements Il pr cise que c est pour l exercice de cette puissance que Dieu met dans les mains de ceux qui tiennent la premi re place du gouvernement l autorit 15 souveraine amp les divers droits n cessaires pour maintenir l ordre de la soci t suivant les loix qu il a 5 30 tablies Avec la tradition catholique et la Contre
10. Les rapports entre la Justice et la soci t globale un point de vue anthropologique Communication au colloque du tribunal de grande instance de Cr teil sur le th me de la r forme de la Justice novembre 1998 Etienne Le Roy professeur d anthropologie du Droit l Universit Paris 1 Laboratoire d Anthropologie juridique de Paris leroylaj univ paris1 fr Traiter des rapports entre la justice et la soci t globale dans une perspective d anthropologie du Droit suppose d accorder d entr e de jeu quelques d veloppements aux d placements qu autorise ou qu induit ce type de perspective C est en effet en qualit d anthropologue que j ai t sollicit pour intervenir dans le d bat Bien qu africaniste et pratiquant l tude de la justice en Afrique je r cuse tout folklore ou tout exotisme dans mon intervention en raison de l application de mes travaux depuis une quinzaine d ann es diverses facettes de la justice en France Je n en aurai pas moins un propos d anthropologue parlant du Droit des juristes ce qui suppose que nous identifions en commun nos convergences possibles Cette approche anthropologique tient d abord son caract re comparatiste reposant sur le diatopisme comme confrontation et mise en relation tensionnelle entre pratiques culturelles pour d boucher sur le dialogisme comme explication des rationalit s qui fondent leur rencontre Les pr fixe
11. arbitre plut t lib rale celle du juge entraineur plut t technocrate et celle du juge pacificateur plus transmoderne finalement car associ e tant la pr qu la post modernit Quelle est dans ces trois figures la place des ordonnancements impos et n goci Quel serait chez le juge pacificateur la place institutionnelle d un ordonnancement accept qui pourrait retrouver dans le fil du rituel judiciaire certains avantages de l autodiscipline confuc enne Les chercheurs travaillent actuellement sur la possibilit de la revalorisation d un droit des proc dures en vue d viter une saisine exag r e des tribunaux en favorisant la r gulation directe de certains diff rents On enqu te aussi partir du droit de l environnement de la bio thique et du droit des mineurs sur le sens que pourrait rev tir ce que nous d nommons droit des rep res toutes ces questions relevant de nouvelles probl matiques de la transmodernit Conclusion la r forme de la justice sous l angle de la complexit et de la transmodernit Sans poursuivre explicitement cet objectif notre lecture a mis en vidence la quasi impossibilit de pr tendre r former la Justice si on ne cherche pas donner plus de signification et de coh rence aux trois questions que posait Robert Badinter au premier congr s mondial d Anthropologie du Droit Certes les r ponses que synth tisait Michel Alliot sugg rent d j d
12. en France et en particulier ce grand fantasme d un pouvoir des juges imposant son arbitraire technocratique la soci t politique seraient justement clair es par cette conclusion que je partage une fois n est pas coutume avec Guy Sorman aux Etats Unis et en France nous avons deux cultures juridiques et politiques qui ne sont pas pr tes se rejoindre Ce constat ne nous emp che pas de traiter le mal fran ais l o il appara t c est dire dans notre conception de l Etat et du Droit monopole de cet Etat ce qui est invoquer la relation entre la Justice et la soci t globale une autre chelle celle du pouvoir souverain La justice et la soci t globale dans le contexte d un Etat souverain De nombreux probl mes sont ici susceptibles d tre relev s Je n en traiterai que deux et fort succinctement celui relatif l uniformit du rapport la loi souveraine et celui du mod le d Etat et de Droit qu implique notre mod le FALL institutionnel impos valorisant la neutralit donc l ext riorit et la sup riorit de la figure du juge Des citoyens gaux devant la loi unique d une Etat souverain Nous avons d j par le biais d autres cultures et en usant de leur exp rience comme d un miroir pour investir la n tre compris que notre tradition n est pas universelle m me si sa contribution la requ te d universalit abolissant le racisme et organisant notre comm
13. es d placements explicites de probl matiques Ainsi Michel Alliot nous disait qu il faut se pr occuper de soigner le corps social avant de pr tendre traiter la culpabilit ou la d viance de certains de ses membres Ceci sugg re que dans l optique d une r forme de la justice le choix de politique judiciaire est discriminant par rapport des volutions techniques particuli res qui ne seraient en l absence d une nouvelle politique qu empl tre sur jambe de bois 33 Michel Alliot indiquait galement combien la formation intellectuelle et humaine des auditeurs de justice l Ecole Nationale de la Magistrature para t insuffisante en d pit de l investissement qu y consacrent les ma tres de conf rences face l ampleur des responsabilit s qui attendent les auditeurs dans leurs futures fonctions Fonction de juger et pouvoir judiciaire transformation et d placements Bruxelles Presses des Facult s Universitaires Saint Louis 1983 3 E Le Roy Tout va tr s bien Madame la Marquise un point de vue de Huron sur la politique p nale de la France des ann es70 et 80 Le nouveau bulletin du CLCJ N 6 d c 1997 1 10 17 Mais depuis quelques ann es on prend conscience que le monde change de plus en plus vite et que la crise de la modernit laquelle certains tentent de r pondre par un effet de surcompensation donc de surmodernit ouvre de nouvelles perspectives Ces perspectiv
14. es peuvent tre si inqui tantes que l effet retour principe du boomerang serait de sacrifier une id ologie r actionnaire du New Age en niant tant la crise que la rupture en cours Si l intelligence se refuse abdiquer elle peut d celer derri re ce que certains d nomment postmodernit et qui pr te surtout des formes de d responsabilisation ou de relativisme une situation de tr s r elle complexit Si certains se r fugient dans le pass et d autres dans le futur le plus grand nombre est oblig de concilier les inscriptions et les formes de solidarit dans le pass pr modernit le pr sent modernit et le futur Il s agit donc de conjuguer des exigences qui traversent la modernit de part en part tout en gardant ses apports incontestables dans le domaine de la libert individuelle des droits de la personne ou de l Etat de droit par exemple C est ce mouvement et cette nouvelle attitude que je qualifie de transmodernit et qui doit nous amener reconna tre les droits des collectifs c t de ceux des individus retrouver le sens de la communaut ou du communautarisme qui serait diff rencier du communalisme anglo saxon ou du collectivisme peii no a5 observer le trou noir existant dans l espace m dian entre le priv et le public concilier la gestion patrimoniale et ses formes originales d appropriation de la nature c t du droit
15. hes anthropologiques des parcours d insertion et de socialisation de jeunes C est pas juste la notion de justice et d injustice chez l enfant sous la dir de Michel Soule Paris ESF 1997 73 84 6 Pen tente un premier bilan dans l ouvrage pr cit Le jeu des lois Paris LGDJ 1990
16. it sociale chercher dans la totalit sociale le sens de ce qui est chez nous conomie 10 ou Droit ai je ajout dans un ouvrage r cent Concernant ce renversement de perspective pour le Droit et la Justice il me semble s imposer si comme j ai commenc en faire l hypoth se dans l introduction la situation contemporaine se caract rise par une sortie de modernit et qu une prise de conscience de l mergence d une transmodernit nous oblige red couvrir et penser dans un m me mouvement ce qu on avait abord auparavant de mani re successive et selon le principe de l opposition des contraires du type tradition versus modernit Je suppose donc que nous devons la fois examiner le rapport de la justice une universitas que nous d signons maintenant clairement comme notre commune humanit et le rapport que cette Justice noue avec chacune des societates qui dans le cadre formel de l Etat Nation et sous le crit re ai je d j indiqu de la souverainet politique constituent galement des soci t s globales au sens restreint Ce qui tait approch sous le principe aristot licien de l opposition des contraires doit tre interpr t maintenant dans la perspective de la compl mentarit des diff rences comme le fait le principe pr tendument postmoderne de la subsidiarit La r volution judiciaire annonc e est donc d abord et fondamentalement une r voluti
17. justice et la soci t deux chelles l une o le global quivaut au mondial et ce sera ma deuxi me partie l autre o le global quivaut au souverain donc au national Ce troisi me point nous ram nera la sp cificit fran aise et sa tradition judiciaire actuellement interpell e voire boulevers e le sens des volutions tant le cadre de la conclusion Quelques prol gom nes anthropologiques pour situer le sens des questions en d bat J ai donc sugg r de m arr ter ici sur le sens des mots non en philologue et en linguiste mais par simple souci de communication J ai en effet l exp rience de la sp cialit voire de la rigidit des vocabulaires disciplinaires En outre je sais que les d placements intellectuels ou mentaux que pratique l anthropologue soit entre les cultures soit au sein d une m me culture entre des ordres de pens e qui ne se c toient pas explicitement chez nous et que nous appelons la pens e symbolique ou tot mique peuvent appara tre comme de simples jeux pour ceux qui n en imaginent pas les applications pratiques dans nos propres cultures La notion de rapports La notion de rapports appara t sans doute dans une innocence que je ne chercherai pas faire dispara tre ceci pr s que que nos pratiques d anthropologues nous ont amen s pr ciser ce que mon dictionnaire Robert pr sente Travaillant sur notre conception de la propri t fonci re
18. lanc e par le principe de la compl mentarit des diff rences a sans doute t pouss e au plus loin dans les pens es animistes qui caract risent les soci t s traditionnelles en Afrique en Am rique en Asie du sud et en Oc anie Ici le monde a t organis partir d un chaos initial et sur la base 20 Les proc dures autorisant l appel ou la cassation sont am nag es dans un contexte d organisation hi rarchique ce qui est pour suivre G rard Timsit toujours sacrifier au fondement religieux l origine de la cr ation du monde dans le livre de la Gen se 1 Les rites sont les matrices liturgiques sur lesquelles il faut et il suffit que soient moul es les conduites pour que r gne le bon ordre L Vandermeersch Wangdao ou la voie royale Th se d Etat es Lettres Universit Paris 7 1975 IL 797 Ci Vandermeersch op cit HI 918 11 d une diff renciation progressive et la suite disent les r cits mythologiques d Afrique de l ouest d au moins deux tentatives qui ont chou Dieu n est donc pas le cr ateur du monde mais un animateur donneur d nergie plus ou moins puissant Dieu n est pas ext rieur la cr ation Il en est un des agents partie prenante dirait on S il est sup rieur c est seulement dans le monde de l invisible et sa puissance ne peut s exprimer que par la m diation de certains hommes que l on qualifie de juges traditionnels mais qui sont pl
19. lation un Etat neutre et impartial la bonne gouvernance etc Il s inscrit dans une perspective diffusionniste qui est galement celle de l anthropologie culturelle am ricaine Cette perspective induit une vision du monde o la conception d un march g n ralis e avec le support d un individualisme marqu et d une r duction drastique du r le de l Etat est naturalis e et appliqu e l ensemble des soci t s partir d un centre am ricain sorte de nouveau nombril du monde Pour un Am ricain il n y a pas d autre horizon que le march Pour un Fran ais pour lequel l horizon naturel est constitu par l Etat une telle repr sentation du march est n cessairement interpellante voire exotique jy reviendrai La repr sentation de la soci t qu on trouve dans le terme mondialisation sugg re la constatation dune connexion mondiale d j tablie donc l existence de relations l chelle du monde comme globe terrestre ces relations tant en voie de multiplication en passant par exemple du domaine des relations financi res aux communications et aux relations culturelles symbolis es par le r seau international d change de courrier lectronique ou Internet Au lieu d aller du particulier au g n ral induction le processus que d crit le terme mondialisation va du g n ral au particulier d duction Si souvent dans les cons quences de la globalization ou de la mondia
20. lisation on peut parler d am ricanisation le sens de ce processus peut tre fondamentalement diff rent et v cu sur un mode arbitraire et exclusif voire totalitaire dans le cas de la globalization plus s lectif dans le cadre de la mondialisation C est en effet dans ce contexte de mondialisation qu il faut analyser l volution du syst me international qu rant de tous les acteurs le respect de normes communes en vertu de la triple exigence des droits de l homme de l Etat de Droit et de la bonne gouvernance Sous l instigation des coop rations bilat rales et multilat rales et dans le cadre des conditionnalit s des programmes d ajustements structurels toutes les soci t s sont appel es adopter voire contraintes de le faire au moins de jure des normes de r gulation analogues Ainsi merge progressivement une nouvelle universitas la communaut universelle des droits de l homme ayant pour unique mais fondamentale r f rence une commune humanit Dans cette universitas la justice comme garante de l Etat de Droit est appel e jouer un r le qu on tient pour d cisif condition que son inscription dans le terreau des soci t s assure la l gitimit de son intervention En effet les travaux r alis s l chelle internationale dans le cadre de ce qui tait alors le Centre International pour l Enfance CIE devenu CIDEF sur les ph nom nes de marginalisation et d exclusion des jeunes m
21. lui qui dira l arr t le plus droit et le t moin qui m morise la d cision du tribunal La sc ne de jugement du chant XVIII de l Iliade d Hom re AFAD op cit 1996 186 188 Ainsi quand on approche le figure du juge plut t que la justice obtient on une r ponse relativement univoque la justice tant associ e cette fonction du lieur Sans doute les apports des soci t s varient sur le plan comparatif selon que l on insiste dans la concr tisation du sens du lien sur ce qu on relie ou que l on partage le lien peut associer le visible et l invisible dans les soci t s traditionnelles ou le pass et le futur dans les soci t s contemporaines Il peut galement nouer les individus autour de l Etat dans la modernit alors que le mandarin nouait les sujets autour de la personne de l Empereur dans la tradition confuc enne Ces diff rences ne semblent pas substantielles Notons pourtant et sous r serve de le pr ciser plus tard que si une certaine unit de la figure du juge merge en apparence c est pour mieux mettre en vidence la diversit de ce qui fonde son autorit et que nous devrons trouver dans les visions du monde et les projets singuliers de soci t s Ce que soci t veut dire Ce qu on d signe par soci t et ce sera la troisi me contrainte d une lecture anthropologique de la Justice parait galement recouvrir une difficult inattendue Louis Dumont dont j ai d j
22. n e Toutes ces repr sentations chinoises ou africaines sont coh rentes en vertu des principes de base qui structurent leurs visions du monde Ces visions du monde concernent encore les trois quart de l humanit et rien ne permet d affirmer qu elles sont susceptibles de c der notre repr sentation occidentale du monde surtout si la d route financi re actuelle de l conomie nondiale s amplifie en une crise des r gulations modernes et capitalistes conduisant ainsi certains peuples renouer avec des explications qui ont plus fondamentalement fait leurs preuves que les rem des du Fonds Mon taire International Faut il choisir entre l am ricanisation du monde et l exception culturelle la fran aise En intitulant ainsi cette rubrique je n ai pas voulu entrer dans une opposition bien caract ristique des ambigu t s 2 PEEN 525 de la th orie des droits de l homme entre universalisme et particularismes Je m en suis d j expliqu et les 7 Cette figure est voqu e dans la note 7 ci dessus 2 T serait suspect qu un magistrat se r clame de la franc ma onnerie et l id al du magistrat parait bien r sum e par Pierre Drai lors de la pr paration de ce colloque affirmant que l homme doit dispara tre derri re la fonction E Le Roy Les droits de l homme entre un universalisme h tif et le ghetto des particularismes culturels L effectivit des droits fondamentaux
23. n g n ral universitas tout conviendrait bien mieux que soci t la vue oppos e qui est la mienne selon laquelle la soci t avec ses institutions valeurs concepts langue est sociologiquement premi re par rapport ses membres particuliers qui ne deviennent des hommes que par l ducation et l adaptation une soci t d termin e On peut regretter qu au lieu d universitas il nous faille parler de us pour d signer la totalit sociale mais le fait constitue un h ritage du Droit naturel moderne et e ses suites Le regret ainsi exprim serait il le signe de quelque conception r actionnaire et le d bat simplement historique Notons d abord qu il est galement partag par un nombre croissant d anthropologues sensibles la juste observation que Louis Dumont faisait en pr face l ouvrage de Karl Polanyi et qui s applique tout autant au Droit 8 Ici Dumont indique qu il r f re une note de Barker cit e par Gierke Natural Law Cambridge 1934 p 45 qu l conomie Indiquant d abord que la civilisation moderne et son histoire deviennent compr hensibles dans un sens tout nouveau une fois vues en relation avec les autres civilisations et cultures l auteur ajoute Dans une telle d marche le comparatisme revient refuser jusqu au bout la compartimentation que notre soci t et elle seule propose et au lieu de chercher dans l conomie le sens de la total
24. n judiciaire occidentale La figure occidentale du juge s inscrit dans la repr sentation d un Dieu cr ant partir du n ant le tohu et bohu et par la force de sa parole un monde qu il nomme donc qu il s approprie Dieu est ainsi d abord ext rieur ses cr atures et c est l o la neutralit revendiqu e par le juge trouve son explication cruciale c est parce qu il est ext rieur ou tranger aux parties qu il est r put neutre donc garant de l galit devant la loi Mais Dieu donc le juge dans son registre est galement sup rieur aux parties en conflit et cette sup riorit dans le registre de la Justice doit tre constamment rappel e par le rituel de l institution Enfin le Dieu est omniscient et omnipotent et le juge qui l incarne dans ce registre en mettant en oeuvre les principes de qualification des faits au regard de la loi s approprie sinon le monde au moins le champ du conflit et I E Le Roy en association avec C Kuyu La politique fran aise de coop ration judiciaire bilan et perspectives Observatoire permanent de la Coop ration fran aise Rapport 1997 Paris Karthala 1997 36 65 J Carbonnnier Les ph nom nes d internormativit European Yearbook in Law and Sociology La Haye 1977 18G Timsit Archipel de la norme Paris PUF les voies du droit 1997 p 10 11 PA Garapon L ne portant des reliques essai sur le rituel judiciaire Pa
25. naire pour faire pr valoir un mod le homog ne uniforme et enti rement soumis des principes de contr le hi rarchique qui imposent de toujours rester l int rieur du m me mod le et prisonnier de certains de ses choix implicites politiquement et techniquement Je pense en particulier ce choix de l uniformisation de tous les aspects de la vie juridique et judiciaire qui par exemple aboutit actuellement remettre en question le fonctionnement de la justice des mineurs parce qu atypique au regard de la s paration des fonctions d un magistrat L chec de la politique de la ville r v lant la situation critique d une partie de la jeunesse des banlieues on veut en faire porter le chapeau aux magistrats de la jeunesse sans chercher comprendre que c est le fonctionnement de la justice des mineurs qui a jusque maintenant contribu retarder ou contr ler une explosion sinon in luctable Ce primat de l uniformit comme garantie de l galit des citoyens devant la loi est un dogme non questionn qui interdit en fait de se donner les moyens de penser son juste niveau le probl me de la r forme de la justice Le questionner est ainsi un pr alable pist mique l ouverture de la justice une r flexion appropri e Peut tre faut il pour paraphraser Confucius traiter le prince en prince c d le politique en politique et le fils en fils c a d le mineur comme un mineur R ouvrir ce que
26. ns la conception que nous en avons et que nous pourrions tenir bien na vement pour universelle Ce serait faire preuve d ethnocentrisme ou pratiquer une M Se VS ns As 5 s 7 i caricature que la pens e moderne favorise Ceci clairci on doit se demander ce que veut dire justice On sait PUF 1962 E Le Roy Le code Napol on r v l par l Afrique Un droit inviolable et sacr la propri t Paris ADEF 1991 pp 145 150 E Le Roy Der Stand der Rechtsanthropogie in Frankreich ein Projekt f r das 21 Jahrhundert Zeitschift f r Rechts Soziologie 2 89 dezember 1989 222 235 iN Rouland Anthropologie juridique Paris PUF Col Droit fondamental 1988 401 Lj voque ici sans avoir la place de le d velopper l effet du principe de l englobement du contraire que d veloppe Louis Dumont comme fondement de l id ologie moderne et pour r soudre la contradiction ind passable le caract re polys mique de la notion la justice tant successivement une valeur un sentiment un principe un pouvoir une institution Qu un signifiant ait tant de signifi s en fait n cessairement un symbole voire une fiction si on suit la d finition canonique de la fiction fictio est figura veritatis La justice est bien une approche de ce que nous tenons pour bon et bien Mais pour l anthropologue qui consid re galement que la justice n est pas tant ce qu en disent ses textes fondateurs
27. oit donc construire ce sens le d celer dans les diverses manifestations du monde sensible souvent con ues comme les reflets d un monde invisible Or il est frappant de constater qu il existe d ind niables parall lismes entre les mani res de penser RE T l univers Dieu et le Droit D o la proposition penser Dieu c est penser le Droit qui ne doit tre prise que comme m taphore de la relation qui existe entre les visions du monde et les visions du Droit Si dans certaines de ses illustrations cette th orie n o culturaliste pouvait se pr senter comme d terministe la vision du monde induisant m caniquement une conception du Droit sur le mode de la corr lation les travaux actuels valorisent la complexit des soci t s et la diversit des r f rents donc le caract re plural des facteurs culturels affectant la conception du Droit selon des montages originaux propres chaque tradition juridique C est la transposition de cette d marche la justice et l institution judiciaire que je r aliserai plus sp cialement dans cette communication en postulant que la conception de la justice est l expression d une vision de la soci t que l on cherche promouvoir ou g rer La conception de la justice Cependant la conception de la justice exige galement quelques pr cisions d un point de vue anthropologique la premi re exigence tant de ne pas pr ter aux autres civilisatio
28. on conceptuelle qui est dict e par l ardente obligation qui sera la n tre de fonder la justice de la transmodernit sur des bases correspondant la complexit qui caract rise cette transmodernit Car c est la vie toute la vie rappelle le recteur Alliot qui doit tre prise en compte par nous sans rien refuser de ce que vit et croit une soci t La justice et la soci t lorsque le global quivaut au mondial y SE Kw r A D on Les travaux r cents sur la mondialisation soulignent l quivoque que constituerait une transposition non critiqu e de l anglais globalization en mondialisation en raison d une diff rence de signifiants qu induisent ces deux termes L anglais globalization connote une tentative de g n ralisation d un ph nom ne ou d un processus L Dumont Essais sur l individualisme pr cit pp 82 et 83 10 L Dumont Pr face Karl Polanyi La grande transformation aux origines politiques et conomiques de notre temps Paris Gallimard 1983 p XVI l E Le Roy Le jeu des lois une anthropologie dynamique du Droit Paris LGDJ col Droit et soci t p 32 12 Outre Le jeu des lois pr cit j voque ici divers travaux publi s dans le cadre du GEMDEV Mondialisation les mots et leschoses Paris Karthala 1999 essentiellement celui du capitalisme apparemment triomphant avec son cort ge d institutions ou de pratiques d riv es telles la d r gu
29. ontrent que l analyse des ph nom nes de mondialisation s inscrit toujours dans un contexte relationnel tout processus de mondialisation ayant pour corollaire un processus de localisation Dans le vocabulaire de la Banque mondiale car la Banque a d galement prendre en compte ces facteurs et les int grer dans sa strat gie globale cet effet de localisation et de prise de racines est trait sous le terme de sp cificit s Voyons ce qu en dit Arturo Isra li 13 Je serai redevable de vos observations mon adresse courriel leroylaj univparis1 fr 14 E Le Roy Crises mondialisation complexit sociale sp cificit s des situations et g n ralit s des pratiques A la recherche des enfants des rues sous la dir de St phane Tessier Paris Karthala 1998 178 194 La sp cificit comprend plusieurs l ments Le premier correspond la pr cision des objectifs d une activit particuli re les m thodes pour la r aliser et les moyens de v rifier son r sultat Un autre l ment prendre en consid ration est de savoir comment les activit s affectent la participation des acteurs Ces deux l ments contribuent d finir la mani re dont les acteurs peuvent tre r compens s pour leur performance sur la base des r sultats obtenus On peut partir de l hypoth se selon laquelle la sp cificit a des effets pr cis sur les acteurs et par cons quence sur la performance de l institution
30. ou ses glossateurs que ce qu en font ses praticiens c est moins de la justice que du juge dont on va parler Tr s pr cis ment on consid rera le juge une figure d autorit le th me du premier congr s mondial d anthropologie du Droit tenu dans les locaux de l Ecole Nationale de la Magistrature ENM de Paris du 24 au 26 novembre 1994f Dans ses conclusions le recteur Michel Alliot notait tout d abord que le congr s a fait place le plus souvent une approche fonctionnelle La communaut se d finit par sa Jonction qui est de g rer la vie Elle noue les fils de vie entre les groupes et les individus dans le visible et dans l invisible au del anc tres nations Etat nature etc elle m me imm diatement ou par l interm diaire la terre Dieu l Etat la loi Si elle limine quelques uns de ces fils c est pour mieux nouer les autres Lier est plus important qu exclure Apr s avoir rappel la relation entre la fonction et l institution ainsi que l anciennet de cette repr sentation du 7 n r pa F juge comme lieur ce m me auteur concluait Du juge on attend partout qu il puisse remplir sa fonction de lieur et pour cela qu il ait une comp tence institutionnelle re ue et une comp tence personnelle reconnue elles sont les sources de sa l gitimit AFAD 1996 23 Il pr cisait enfin en r pondant Robert Badinter qui en ouvrant ces travaux avait pos les t
31. partir du mode de pr sentation du livre II du code civil j ai ainsi eu l occasion de mettre en vidence le caract re dualiste de cette pr sentation dualiste qui est un trait sp cifique de la pens e tot mique comme le montre Claude L vi Strauss dans Le tot misme aujourd hui Paris comme un sens II apparu la fin du XVI si cle donc avec la modernit et o rapport est entendu comme connexion relation et surtout dans le cas comme corr lation rattachement d un effet une cause Depuis une dizaine d ann es exactement depuis le premier colloque franco allemand des anthropologues du Droit tenu Fribourg en B en avril 1988 le mot d ordre de nos recherches est de toujours rapporter l observation des ph nom nes juridiques aux logiques qui les fondent 2 Bien plus le fondateur de l anthropologie du Droit en France le recteur Michel Alliot ancien directeur du Laboratoire d anthropologie juridique de Paris a labor une th orie de la diversit des r ponses juridiques qu il qualifie d arch types th orie que mon coll gue Norbert Rouland a qualifi de n o culturaliste et que dans son manuel il pr sente ainsi Le monde mat riel ne s impose donc l homme que par des m diatisations qu en op rent son esprit et son affectivit Or l homme est en qu te d un sens de lunivers et de sa propre existence sens qui n est pas donn dans l exp rience imm diate Il d
32. ris Centurion 1985 r dition O Jacob 1997 10 son r glement Il est donc bien le gardien de la paix sinon le gardien des promesses l avatar du juge d paix aboli en France en 1958 Certes le Droit reconna t qu il existe des limites humaines incontestables l intervention du juge mais ces limitations sont contrebalanc es par l affirmation d une comp tence institutionnelle irr cusable de la part du corps des magistrats en terme d autorit judiciaire ici de pouvoir judiciaire ailleurs lorsque le principe de la s paration des pouvoirs est pouss son terme L ensemble de ces repr sentations est si substantiellement inscrit dans notre conception de la Justice que bien fou serait celui qui pr tendait s en manciper magistrat ou justiciable Pourtant ces repr sentations sont insupportables dans d autres traditions Les mandarins chinois se demandaient d j au XVII si cle sur quelles pr tentions scientifiques reposaient les affirmations des J suites r sidant la cour de l Empereur J suites qui pr tendaient que le monde avait t cr partir du n ant alors que la pens e confuc enne repose sur l id e que le monde est incr au sens qu il a toujours exist on n a pas de preuve de sa cr ation et qu il existera toujours car rien ne sugg re dans l exp rience humaine son abolition De m me si l interm diaire institutionnel dans la tradition chr
33. rois questions suivantes qui doit on juger comment doit on juger avec qui Qui doit on juger La soci t avant les parties car la vie est li e la paix il faut d abord r tablir la paix une paix qui ne soit pas statique une culture de paix qui soit en mouvement Comment doit on juger L illusion de l efficacit technique du syst me juridictionnel nous fait souvent passer c t du vrai travail qui est un travail de lieur et de repr sentations dans l imaginaire de la soci t au cas par cas Avec qui doit on juger Avec des magistrats autrement form s Pourquoi cacher le d sarroi des jeunes magistrats qui n ont re u qu une formation technique Une v ritable formation juger doit tre ouverte sur la vie sur toute la vie sans rien refuser de ce que vit et croit une soci t AFAD 1996 29 entre le principe d galit que revendique la modernit et les ph nom nes de hi rarchie qui structurent les rapports sociaux Voir L Dumont Essais sur l individualisme une perspective anthropologique sur l id ologie moderne Paris Seuil col Esprit 1983 268 p p 120 et s AFAD Le juge une figure d autorit publi sous la direction de Claude Bontems Paris L harmattan 1996 685 p TS Vilatte montre dans cet ouvrage que dans l Iliade Hom re d crit le bouclier d Achille et la fameuse sc ne du jugement en mettant en vidence le r le de l istor qui est la fois ce
34. s ann es Pour illustrer mon propos je citerai un journal que je n ai gu re l habitude de fr quenter mais qui explicite certaines de nos diff rences de part et d autre de l Atlantique Il s agit d un ditorial de Guy Sorman qui m riterait d tre reproduit int gralement Apr s avoir situ dans son contexte historique les p lerins du Mayflower en 1620 et l pisode des sorci res de Salem G Sorman crit On ne comprend rien aux Etats Unis si on ne tient pas compte de ces fondements puritains Tous les Am ricains ou presque d clarent croire en Dieu Un Dieu assez ind fini pour que tous s y retrouvent chr tiens juifs bouddhistes ou musulmans Les Etats Unis ne sont donc pas devenus une soci t la que comme la n tre ce qui colorie l affaire Clinton et la dramatise la r duire ses dimensions uniquement juridiques et partisanes passerait c t de l essentiel Bien entendu sans le juridisme propre aux Etats Unis il n y aurait pas eu d affaire du tout les Fran ais prouvant quelque difficult saisir l importance l amp bas de la loi et du juge Chez nous on s accommode Aux Etats Unis on plaide face la loi il n existe ni humbles ni puissants ni passe droit le pr sident des Etats Unis est soumis au droit commun les juges veillant cet h ritage d mocratique l oppos de notre tradition hi rarchique Les Am ricains ne vivent pas l heure de Washington ils ne
35. s dia en grec et trans en latin sont actuellement et en association avec diverses racines topos le point le lieu pris ici comme site culturel logos le discours et sa rationalisation la modernit qui interviendra plus tard dans notre analyse des Communication au colloque La r forme de la Justice Enjeux et perspectives T G I de Cr teil 16 octobre 1998 outils linguistiques destin s expliquer des d placements des points de vue de la recherche sur le Droit pour les deux premiers termes de la recherche sur la soci t pour la notion de transmodernit Quelques prol gom nes qui ne sauraient viser l exhaustivit devraient permettre de passer d un l gitime tonnement initial de la part du praticien du Droit une attitude intellectuelle plus dialoguante se donnant les moyens d une rupture pist mologique si l volution que nous pressentons des probl mes de soci t devait conduire la Justice non une simple r forme mais bien une v ritable r volution J axerai donc mon propos sur un argumentaire en trois temps Dans un premier temps je ferai une br ve pr sentation de l interpr tation anthropologique qu on peut donner du th me de cette communication sous la LE forme qu est ce qu un anthropologue peut entendre par rapports Justice et soci t globale Puis je m arr terai sur cette derni re expression pour examiner les rapports entre la
36. tienne le clerc puis tatique occidentale le fonctionnaire dont le juge doit appara tre dans une neutralit affich e pour assurer l galit de traitement entre les hommes sous la saisine de l autorit supr me Dieu l Etat son quivalent chinois le mandarin qualifi de p re et m re du peuple n est pas neutre C est un agent engag repr sentant de 1 Empereur et n agissant qu en tant que tel pour favoriser par le respect des rituels et de leur tr s exacte reproduction un ordre du monde dont l Empereur est le centre Ceci explique que dans la pens e chinoise l ex cution du rite li soit toujours pr f r e l invocation de la loi fa Ceci explique aussi que l intervention du mandarin comme administratieur juge ne soit pas de poursuivre la g n ralisation de l galit mais de respecter l in galit des conditions et des destins Dans l humanisme confuc en note L Vandermeersch les hommes sont tous dissemblables et la vertu consiste les traiter dissemblablement chacun selon son statut social traitez le prince en prince le sujet en sujet le p re en p re le fils en fils comme le disait Confucius au duc Jing de QI Au fond remarque ensuite l auteur il ne s agit l nullement d in galit mais de diff renciation de r les particuliers fen de tous les membres de la collectivit formant le corps social re Cette diff renciation des fonctions contreba
37. une humanit a t et reste notable Nous avons galement compris que ce qui fait probl me c est un arch type que pr c demment G rard Timsit associait au principe d unit et que je qualifie moi m me d unitarisme dans mes propres travaux sur les droits de l homme pr cit s Cet arch type au sens de Michel Alliot intervient dans le champ social comme un mod le inconscient structurant l ensemble des formules d organisation au sein des soci t s qui et selon des modalit s appropri es chacune d entre elles se r clament tant t de l h ritage h breux en nous situant comme les h ritiers monoth istes des religions du Livre avec les Juifs et les Musulmans tant t de l h ritage chr tien ce qui r duit les divergences aux seules Eglises ou traditions issues du Christianisme Ainsi dans la tradition de la Contre R forme et par diff renciation avec d autres traditions byzantines ou protestantes Dieu puis l Eglise l Etat le Droit la 14 Personne juridique le temps prom th en l espace du Territoire la Nation le March ont tous t progressivement construits selon le m me moule unitariste de r duction de la diversit l unit impos e du principe du concept ou de l instance qui subsume l organisation consid r e Ce principe d organisation est naturellement la clef du mod le bureaucratique tatique et la Justice en a subit les cons quences d s la p riode r volution
38. unisme M me la Chine b n ficie de politiques de coop ration judiciaire lui permettant d entrevoir les contraintes et les d fis de l Etat de Droit Suivant actuellement une exp rience de coop ration judiciaire entre le Canada et la Chine qui vient de d buter Montr al et Beijing je puis largir des analyses qui taient jusque maintenant centr es sur le continent africain A travers ces exp riences de coop ration judiciaire nous avons la possibilit de confronter trois mani res de penser lunivers Dieu et le Droit donc la justice Au regard des pens es animiste et confuc enne fondant les conceptions de la justice dans les traditions africaine et chinoise notre tradition juridico judiciaire appara t domin e par la neutralit attribu e au magistrat ou revendiqu e 15 A Isra li Le d veloppement institutionnel les organisations l preuve de la sp cificit et de la concurrence Paris L Harmattan 1997 p 53 cit par E Le Roy 1998 p 188 pour ce qui concerne son intervention J C Magendi dans sa communication ce colloque en traite sous la forme de la requ te d impartialit L image du juge comme tiers neutre et impartial est pour nous la garantie d une bonne justice Tout conflit d int r t doit aboutir une demande de dessaisissement du juge et deux interventions en traiteront durant la seconde partie du colloque Il s agit donc bien d une repr sentation centrale d
39. ut t analogues l istor de la tradition hom rique Le juge africain n est ainsi qu un gu risseur des maux de la soci t et il arrive effectivement que la fonction de juge puisse tre associ e lle du tradipraticien la gu rison des corps humains est ainsi li e la gu rison du corps social C est donc plus particuli rement cette tradition animiste que s applique la notation de M Alliot ci dessus Qui doit on juger La soci t avant les parties car la vie est li e la paix il faut d abord r tablir la paix Le juge africain est un lieur du groupe parce qu il est un lien entre le visible et l invisible Chez les Wolof du S n gal o j ai t introduit dans ces modes de pens e le crit re de choix d un juge tient moins une position institutionnelle qu la comp tence personnelle d tre borom xam xam c est dire ma tre de la connaissance profonde grand initi Ce qui est insupportable aux yeux d un Fran ais est la condition requise pour tre l gitimement requis trancher un conflit Ici il faut tre du groupe pour en conna tre les choix les valeurs et la coutume C est donc le crit re du partage et de l appartenance au groupe qui sera mis en vidence car l id al pour citer encore les Wolof du S n gal est de r gler le conflit cii bir u deuk cii bir u keur dans le ventre du village ou dans celui de la maison
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