Entre impossible et inutile : écrire un manuel de culture générale
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1. 1 HUISMAN PERRIN Emmanuelle LETERRE Thierry l ments de culture g n rale Paris La Documen tation fran aise 3 d revue et augment e 2010 1 d 1994 2 d 2005 Revue ATALA Cultures et sciences humaines ENTRE IMPOSSIBLE ET INUTILE CRIRE UN MANUEL DE CULTURE G N RALE 205 des lyc es n est pas un expert mais un sp cialiste capable de s man ciper des exigences de la division du travail intellectuel telle que la soci t moderne la conna t et pour une part l exige Le domaine de sp cialisation de Jacques Brunschwig la philosophie antique ne laisse gu re place l approximation et requiert une ma trise de ce qu on appellerait aujourd hui des comp tences particuli rement sophistiqu es telles que la ma trise des langues anciennes de la philo sophie de l histoire antique Son cerveau tait donc une vaste biblio th que mais il n avait pas l esprit biblioth caire Il ne rangeait pas les connaissances en petits bataillons serr s en bon ordre sur les tag res du savoir Cet esprit de libert intellectuelle qui se rar fie mesure que le savoir universitaire devient une expertise m a donn la confiance de repousser une th se pour crire un livre La th se il la dirigeait rien de directif chez lui cependant Sa meilleure direction tait de me laisser libre La condition souvent implicite parfois explicite quand je laissais un peu trop courir la plume tait que2. que je voudrais faire part ainsi que des solutions qu Emmanuelle et moi m me avons trouv es pour relever le d fi qu elle implique ATALA Cultures et sciences humaines n 14 La culture g n rale 2011 206 LA CULTURE G N RALE Pourquoi des manuels l ordinaire un manuel a pour but de revenir dans les grandes lignes sur un corpus d fini de connaissances Il a pour destination l enseigne ment ce qui suppose d une part que la mati re soit suffisamment pr cise dans l esprit d une communaut enseignante et d autre part que l on puisse transmettre des contenus sur lesquels on s accorde En ce sens le propos d un manuel est toujours programmatique soit qu il r ponde un programme tel qu on le d finit dans l enseignement secondaire et non seulement en France soit qu il affiche l ambition de promouvoir un cadre de r f rence consid r comme contraignant pour des tudes c est le cas des manuels de niveau universitaire Or la structure de la culture g n rale ne correspond qu imparfaitement ces diff rents aspects pas de communaut enseignante pas de contenus d finis pas de v ritable programme Plus exactement on trouverait ces trois aspects mais de la plus mauvaise mani re possible en partant de l existence d preuves sco laires Par une sorte de contradiction redoutable ce qui se veut le plus libre l aspect culturel se d finit par ce qu il y a de plus contraignant
3. contextualisation des apprentissages mais qui n appartiennent pas au corps de connaissances sp cialis es n cessaires l obtention du dipl me L ensemble qui correspond assez troitement l acquisition d une culture g n rale est ainsi d crit outre les cours sp cialis s de leur domaine de licence tou te s les tudiant e s de Miami doivent compl ter le Plan Global Miami pour une ducation lib rale Plus qu une formation pr pro fessionnelle ce Plan Global comprend des cours qui vous aident d ve lopper une agilit intellectuelle et une capacit probl matiser penser par vous m me et vous adapter un monde qui change Ce plan est tout sauf secondaire un quart d une licence y est consacr Il ne s agit pas certes de la culture g n rale au sens qu on lui donne en France Mais la philosophie de l ducation est la m me des l ments de savoir s imbriquent les uns dans les autres pour former un ensemble qui d passe la simple agr gation des contenus parce qu ils constituent une forme personnelle et r fl chie de savoir C est dans cet esprit que nous avons crit Emmanuelle Huisman Perrin et moi m me un manuel de culture g n rale C est ce titre qu un tel manuel est l gitime non pas au sens d un impossible et inutile pr cis de savoir universel mais comme exemple d une r flexion sinc re qui se partage Revue ATALA Cultures et sciences humaines
4. je crois est cristallis e dans le titre que nous avons trouv l ments de culture g n rale L diteur l adopta sans trop de r ticence et il faut croire que c tait un bon titre puisqu on le retrouva plus tard chez un autre diteur avec une petite modification Pourquoi des l ments D abord pour une raison n gative Je ne voulais pas et je ne pense pas embarquer Emmanuelle Huisman Perrin injuste ment dans ce refus en disant qu elle ne le souhaitait pas plus d un manuel de culture g n rale Nous avions bien conscience qu un tel manuel serait un contresens et au fond c tait une de mes motivations pour crire l ouvrage je n tais pas satisfait de ce qu on trouvait sur le march Les ouvrages r dig s comme de longues dissertations qui couvrent l histoire du monde et son sens avec une dimension dogmatique dans l expos Le mod le explicite ou implicite tait celui d un trait d fen dant une opinion unifi e La facture m me des ouvrages nous semblait ancienne avec des maquettes assez lourdes dans la forme et un fond embrassant de vastes probl matiques histoire religions philosophie litt rature arts sciences comme on peut le lire dans le sous titre d un manuel contemporain et le tout en moins de quatre cents pages Ce type de produit a certainement son m rite Tout particuli rement ces livres sont souvent bien crits et une v ritable finesse culturelle s y lit De plus ils ont un e
5. s Nous avons retenu six th matiques principales pour travailler ces champs appel th mes dans la premi re dition mais plus clairement l ment dans les ditions suivantes la culture l tat la nation l histoire la modernit l thique Chacune de ces th matiques ATALA Cultures et sciences humaines n 14 La culture g n rale 2011 212 LA CULTURE G N RALE sert en fait de noyau de traitement une s rie ouverte d analyses person nelles Par exemple partir de l tat nous abordons la d mocratie la r publique le lib ralisme etc Cette s lection ne correspondait pas seulement dans notre esprit une volont de limitation qui assurerait le s rieux de notre entreprise en la concentrant sur des sujets qu il est raisonnable de traiter en 176 pages Il entrait dans notre perspective une analyse de ce qu est la culture g n rale paradoxalement focaliser le propos permet d indiquer la n cessit de l ouvrir En effet la culture g n rale renvoie une certaine capacit largir son champ d approche partir d une information qui ne peut porter que sur quelques aspects si large soit la culture d un candidat ou d une candidate elle sera toujours bien r duite par rapport aux ambitions que se donne l preuve ou m me par rapport celle des correcteurs C est en cela qu il faut comprendre le terme l ment non pas comme savoir l mentaire au sens de simplifi
6. Keywords general culture handbook liberal education sociology of handbooks culture competitive exams France ATALA Cultures et sciences humaines n 14 La culture g n rale 2011 204 LA CULTURE G N RALE Pour Emmanuelle avec qui le livre se fit et pour qui il se refit Lorsqu au d but des ann es 1990 je fus contact par la Documentation fran aise pour publier un manuel de culture g n rale mon h sitation fut l g re et j acceptai de m engager dans ce qui allait tre la fois mon premier livre et une tr s belle exp rience de co criture avec Emmanuelle Huisman Perrin S il me souvient bien c est moi qui suis all trouver cette coll gue que je connaissais un peu D s cette poque j appr ciais l id e de travail collectif et je ne fus pas d u Collaborer avec Emmanuelle Huisman Perrin a probablement t la meilleure chose qui me soit advenue dans ma carri re sinon d crivain du moins d crivant Je me rappelle linten sit de nos changes propos du fond comme sur la forme que devrait prendre notre ouvrage et je suis sensible cette id e qu une entreprise de culture g n rale ait r sult d un effort commun cela me para t refl ter une part de cette g n ralit inh rente la notion de culture g n rale Plus tard j ai appliqu le m me go t mon travail d adminis trateur universitaire en impliquant mes quipes avec des succ s divers selon la qualit de
7. de born et d bilitant en apparence pour l esprit des examens La culture g n rale existe dans l espace p dagogique fran ais seule ment par le biais des concours de la fonction publique fran aise et de quelques grandes coles qui linscrivent leur programme La justifica tion d un manuel de culture g n rale qu on en tirerait s apparenterait ainsi au syllogisme du pire en mati re d enseignement S il y a preuve il y a donc pr paration et enseignement Si la culture g n rale est mati re enseignement il n est peut tre pas inutile de fournir un manuel pour servir de base aux enseignants aux enseignantes et leurs l ves Si ce syllogisme est celui du pire c est qu on y reconna t le plus pr occupant des travers d un enseignement le fait d tre d livr en vue de l examen On risque ainsi de se trouver dans une situation o l on invente des comp tences et un enseignement pour complaire des requisits li s l existence de concours Tout de m me cette existence formellement p dagogique donne quelques traits la culture g n rale qui la font ressembler a minima une discipline Il est bien vrai en effet que dans tous les lieux de pr paration aux concours administratifs se trouvent des personnels 2 On aurait tort de croire que ces concours pour la fonction publique ne se trouvent qu en France aux tats Unis galement l on a ce type de s lection Mais il est vrai que la c
8. en reprenant certains de leurs apports l cart du simple m mo c est le titre d une collection p dagogique de la Documentation fran aise le lecteur dispose de ce que nous avons appel Revue ATALA Cultures et sciences humaines ENTRE IMPOSSIBLE ET INUTILE CRIRE UN MANUEL DE CULTURE G N RALE 213 dans la premi re dition le texte principal Il consiste en un expos suivi sur lun des th mes retenus La r daction est lin aire exhaustive l argumentation soign e et probl matis e Nous ne nous contentons pas d voquer des analyses nous les mettons en uvre nous recourons notre propre analyse En cela nous nous rapprochons du mod le du trait Mais distance de ce mod le ce texte principal se trouve enrichi par diverses aides qui sont con ues de deux mani res diff rentes dans une ambition p dagogique qui nous rapproche du m mo Certaines sont consacr es l enrichissement ou l explication du texte principal D autres sont directement reli es l aspect scolaire de la culture g n rale comme mati re concours Ainsi l expos principal de chaque th me se voit augment par ce que nous d signions dans nos changes pr liminaires avec l diteur comme des encadr s l diteur a du reste accept de les pr senter mat riellement sous la forme d enca dr s dans la maquette Les formes en sont tr s vari es une explication conceptuelle une d finition une br ve biogr
9. Entre impossible et inutile crire un manuel de culture g n rale Thierry LETERRE R sum crire un manuel de culture g n rale est soit un contresens Soit une mission impossible La culture ne peut se r sumer se condenser se r duire Une culture est g n rale quand elle correspond la connaissance que l on peut uti liser pour d velopper sa r flexion personnelle Ce qu on appelle culture g n rale en France et qui n est pas sans affinit avec l ducation lib rale am ricaine ne vise pas fournir une connaissance sp cialis e mais plut t d velop per une attitude de pens e critique l gard de tout sujet Autrement une culture g n rale devrait couvrir tous les sujets et une encyclop die y suffirait peine C est pourquoi lorsque Thierry Leterre et Emmanuelle Huisman Perrin ont pr par leur manuel de culture g n rale ils lui ont donn le titre d El ments de culture g n rale Cela ne signifie pas que leur livre soit l mentaire au sens de simplifi mais plut t qu il offre les l ments d une r flexion que le lecteur doit d velopper pour lui m me R fl chissant la nature d un manuel l au teur en vient la conclusion que son livre sur la culture g n rale n est ni un trait g n ral ni un Simple m mento mais qu il constitue plu t t une bo te outils dans laquelle chacun peut trouver l aide n cessaire au d veloppem
10. ans sa m thode comme dans ses pr suppos s Nous sommes en effet partis de ce que le grand politiste Alfred Grosser il enseignait l poque dans le programme que je coordonnais Sciences Po Paris appelle air du temps ces id es qui flottent dans l esprit public sans tre forc ment claires et qui influencent le propos souvent de mani re inconsciente Je proposai de partir de cet air du temps et d en rendre compte de mani re syst matique partir d une source qui nous donnerait une image assez s re de ce dont on parlait l poque les grandes revues intellectuelles La Documentation fran aise commandita donc notre demande une tude sur les th mes abor d s durant les derni res ann es dans diff rentes revues fran aises et c est partir des r sultats de cette analyse que nous avons d cid des th mes de chaque l ment Si la m thode tait originale ce n est pas simplement parce que je pense elle n avait jamais t essay e l poque si elle l a t depuis C est surtout parce qu au fond elle prenait pour quelque chose de s rieux ce qu on reproche souvent la culture g n rale savoir d tre une conversation mondaine sur les sujets du jour Je pense avoir suffi samment expliqu que je ne crois pas que la culture g n rale se r sume des mondanit s et en tout cas nous avons voulu nous pr munir de la tentation d en faire Mais l aspect de conversation contemporaine me
11. aphie d un auteur cit dans le texte principal il y en a de nombreuses au fil de l ouvrage des ana lyses qui d veloppent tel ou tel point qui n aurait pas trouv sa place dans le corps de l expos des chronologies Fid le la m thode de la Documentation fran aise dont je dois dire qu elle a accompagn l ouvrage d un incomparable travail de documentation des extraits de textes font leur apparition dans certains chapitres C est ajouter encore un niveau qui nous loigne tant du mod le du trait dogmatique que de celui de l aide m moire en renvoyant des sources ext rieures d velop p es et non seulement cit es C est aussi une fa on de faire entrer une pluralit accrue des points de vue dans notre propre perspective Ces encadr s se caract risent par le fait qu ils suivent l expos expli citant visuellement le concept d un ouvrage o la lin arit de l expos s entrem le avec la diversit des connexions que l on peut tablir Il s agit de montrer au lecteur que la culture g n rale n est pas un contenu doctrinal que l on peut d velopper sur un fil rh torique mais bien un ensemble de r f rences de diverses sortes qui contribuent au propos En m me temps c est une fa on d indiquer comment aller plus loin dans sa lecture et d inciter ne pas se contenter des r f rences offertes par le texte mais les d passer et les r organiser pour soi m me Au reste nous avons encore
12. bleu presque turquoise pour contraster avec le texte principal en noir L dition revue et augment e de 2010 s loigne de ces flamboyances et pr f re un violet sombre pour les parties color es Ces choix ne sont ni n taient les n tres mais ceux de l diteur mais nous les approuvions dans leur ensemble Nous avions du reste conscience de publier dans une collection Formation Administration Concours au format unifi tout le moins je ne peux h siter livrer une interpr ta tion sociologique des changements de couleur Finies les ann es 1990 en teintes vives trois lustres plus tard une atmosph re de crise donne aux couleurs sombres une l gance plus discr te Dans les deux cas le livre s annonce comme un ouvrage p dagogique o l on se rep re ais ment Nous tions aussi convenus de marges assez larges pour pouvoir laisser la place des notes personnelles au fil du texte Quant aux choix de fond je pense que le titre que nous avons retenu les claire suffisamment l id e d l ments de culture g n rale avait pour intention de se d marquer de l puisante tentation encyclop dique des manuels ordinaires Il ne s agissait pas pour nous de couvrir l ensem ble de l volution des id es depuis la moiti du XVIII si cle mais bien d clairer quelques th mes sp cifiques ou plut t comme nous l expli quions dans la pr face la premi re dition des champs d interrogation pr cis ment cern
13. celles ci Mais avec Emmanuelle nous formions moins une quipe qu un quipage Ce livre fut notre quip e L acceptation enthousiaste d Emmanuelle Huisman Perrin leva les doutes que je pouvais avoir si j en avais mais je ne crois pas Il y avait pourtant de quoi r fl chir peut tre plus longuement que je ne l ai fait l poque l id e d un manuel n est pas toujours bien re ue et le domaine de la culture g n rale semble s y pr ter moins qu un autre D autres aspects pouvaient tre consid r s j tais suppos crire une th se et un projet de livre risquait d interf rer En fait mon directeur de th se Jacques Brunschwig s accommoda gracieusement de l id e d un doctorant publiant la gr ce intellectuelle tait incontestablement son partage Je le note la fois en hommage un grand intellectuel disparu mais aussi en forme de codicille ce qui va tre mon propos l id e de culture g n rale tient une repr sentation des savoirs particuli rement rebelle aux classifications parce qu elle renvoie une attitude lib rale de la pens e plut t qu un contenu disciplinaire norm Or cette atti tude de la pens e a longtemps t celle de l universitaire intellectuel particuli rement exemplifi dans la tradition des humanit s en France Jacques Brunschwig tait en tout point un mod le de ce grand h ritage pour lequel l universitaire ce qui a longtemps inclus les professeurs
14. compl t l aide la lecture et la pr paration scolaire au del des encadr s qui d multiplient le texte principal la fin de chacun des six l ments on trouve quatre sections qui permettent d approfondir l information une bibliographie comment e une bibliographie rappelant les r f rences du texte principal ATALA Cultures et sciences humaines n 14 La culture g n rale 2011 214 LA CULTURE G N RALE ainsi que deux sections plus nettement scolaires les sujets de concours se rapportant l l ment et des citations utiles Nous pouvions ainsi rappeler que nous ne perdions pas un instant de vue le but pratique auquel est subordonn un manuel de culture g n rale l existence d exa mens qui sanctionnent une pr paration r ussie Quels l ments Notre intention de s lectionner notre propos au lieu de recourir un traitement global qui couvrirait tous les aspects de l volution des id es depuis le XVIII si cle pour nous concentrer sur un petit nombre de th mes six au final qui sont rest s les m mes au fil des ditions avec pour seul changement de repousser le chapitre sur la crise de la culture du premier au dernier rang tait sans doute une bonne solution mais elle posait aussi bien un probl me Comment en effet choisir de fa on pertinente ces six sujets La r ponse que nous avons pu donner cette interrogation est je crois particuli rement originale d
15. d e d un contenu pr d fini ATALA Cultures et sciences humaines n 14 La culture g n rale 2011 208 LA CULTURE G N RALE La d finition institutionnelle de la culture g n rale Cette ind finition ne doit pas conduire croire que la culture g n rale repose dans le pur ciel des principes d connect e de toute injonc tion institutionnelle se d finir tout au contraire chaque concours comportant une preuve de culture g n rale prend soin de d terminer ce qu on entend par l ou par une formule quivalente le mot g n ral s y retrouvant souvent mais pas toujours le mot culture Mais les indications programmatiques taient et demeurent som maires l poque o nous r digions notre manuel les futurs admi nistrateurs territoriaux par exemple j utilise des guillemets pour laisser une administration qui se refuse toujours f miniser les g n riques la responsabilit de ses formulations se voyaient soumis une composition portant sur l volution g n rale politique conomique et sociale du monde ainsi que sur le mouvement des id es depuis le milieu du XVIII si cle jusqu nos jours devant permettre d appr cier l aptitude du candidat exprimer sur le sujet propos tant une analyse des faits et des v nements qu une interpr tation personnelle et argument e Les futurs directeurs d h pitaux avaient droit une composition sur un sujet d ordr
16. de la nation le travail effectu pour notre manuel a t r ellement s minal Plus largement je me suis aper u en travaillant aux tats Unis que t cher de d velopper une culture g n rale dans la formation de l ensei gnement sup rieur n tait nullement une illusion locale particuli re ATALA Cultures et sciences humaines n 14 La culture g n rale 2011 216 LA CULTURE G N RALE la France Une partie importante de l enseignement universitaire am ricain est consacr e susciter les attitudes et les aptitudes que nous voudrions voir se refl ter dans la culture g n rale Certes les formes d acquisition de cette culture que nous appelons aux tats Unis lib rale sont diff rentes si l on veut Elles ne se sp cialisent pas en une mati re d examen sp cifique que serait la culture g n rale mais se r partissent sur des cours identifi s pour leur signification g n rale au del d une sp cialisation donn e Comme la culture g n rale en France l id e s impose qu une formation ne repose pas seulement sur des contenus disciplinaires mais sur la capacit r fl chir au del des contenus d apprentissage la signification de ce que nous avons appris titre de simple exemple je rappellerai qu on ne peut obtenir la licence de l universit de Miami Ohio sans avoir suivi des cours qui r pondent des crit res tr s pr cis notamment en termes de pens e critique et de
17. e g n ral relatif l volution des id es et des faits poli tiques conomiques sociaux et culturels en France et dans le monde l cole nationale d administration on soumettait candidats et candi dates du concours externe une composition sur l volution g n rale politique conomique et sociale du monde et le mouvement des id es depuis le XVIII si cle supposant outre des connaissances pr cises sur l volution du monde et des id es depuis le milieu du XVHI si cle la d tention par les candidats d une solide culture g n rale historique L cole nationale de la magistrature dont les sujets aux concours ont souvent t mes pr f r s quand j en traitais pour mes tudiantes et tu diants de l Institut d tudes politiques de Paris admettait tout simplement que cette composition ne comport ait pas de programme limitatif On ne manquera pas d tre frapp par la g n ralit des textes organisant les preuves d ordre g n ral Elles laissent apparemment peu de prise pour organiser un manuel Pourtant quelques lignes de force mergent Tout d abord la p riodisation retenue celle de l poque contemporaine ou peu s en faut selon la d finition des historiens fran ais on veut que les candidates et les candidats s attachent une conception de la modernit qui d bute la transition de l Ancien R gime 3 Pour une revue un peu plus compl te cf mon site Web Se pr pare
18. ent d une pens e autonome Mots cl s culture g n rale manuel du cation lib rale sociologie des manuels sco laires culture concours administratifs Abstract Writing a handbook on general culture is either a misinterpretation or a mission impos sible as a true culture cannot be summarized condensed or reduced A culture is general when it coincides with all the knowledge that one can use in order to develop a personal reflection What is called general culture in France and is akin to the notion of Liberal education in the US does not aim to provide a specialized knowledge but rather to develop critical thinking on any topic Otherwise a general culture would virtually cover every topic and a handbook would not suffice to the undertaking hardly an encyclopedia would This is why when working on their hand book of general culture Thierry Leterre and Emmanuelle Huisman Perrin chose the title of Elements of General Culture It does not mean that their book is elementary in the sense of simplified but that it offers elements of reflection that the reader may develop for her or himself Reflecting on the ordinary goals of handbooks the author of this article concludes that his book on general culture is neither a treatise on general culture nor a guide but rather a toolbox in which everyone can find the appropriate help to think in an autono mous fashion
19. ffet rassurant dans la mesure o l acheteur se dit qu il peut peu pr s tout trouver dans l paisseur des pages Revue ATALA Cultures et sciences humaines ENTRE IMPOSSIBLE ET INUTILE CRIRE UN MANUEL DE CULTURE G N RALE 211 Inversement d autres produits jouent l extr me d pouillement et ser vent plut t d aide m moire avec l inconv nient que l aide m moire devient l ultime r f rence ce qui est la fois intellectuellement st rile et peu efficace pour crire une composition qui se distingue de la masse en d veloppant quelque peu une appr hension personnelle du sujet Notre propre r flexion s est situ e peu pr s entre les antipodes de ces deux approches traditionnelles celle du trait dogmatique et celle de l aide m moire Au plus ext rieur le format ne rappelait pas le trait de culture g n rale ni l ouvrage bref mais plut t un ouvrage didactique facile glisser dans un sac la maquette a m me t revue depuis notre premi re dition ainsi que celle de la s rie pour accentuer ce carac t re pratique en raccourcissant un peu le format Dans le m me ordre d id es le nombre de pages devait tre limit pour chaque dition moins de 180 pages Enfin il nous fallait de la couleur permettant de distinguer les diff rents aspects d un texte que nous voulions pluriel enrichi par des remarques des d finitions des rappels La premi re dition comme la deuxi me pr f rait un
20. mais bien dans l id e que l on combine des l ments pour cr er des structures complexes Notre id e tait qu il fallait partir de notre manuel le recomposer le r investir sur d autres sujets pour notre part nous fournirions les premiers et sans doute un peu plus que les premiers l ments en vue d une telle fin Dans cet esprit nous avons imm diatement pens un texte mul tiples niveaux c est dire constitu de diff rents l ments eux m mes situ s sur plusieurs registres Cette multiplicit se donne voir ne serait ce que formellement gr ce la maquette en deux couleurs et deux colonnes Dans la premi re dition nous adjoignions m me un mode d emploi la suite de la pr face pour rendre compte de cette diversit et expliquer comment en tirer le meilleur parti Ce mode d emploi a disparu partir de la deuxi me dition mais l intention est demeur e Nous voulons que pour le lecteur et la lectrice terme ce manuel soit devenu non plus notre ouvrage mais son outil person nel J attirerai l attention sur cette derni re expression ni trait ni aide m moire nous avons cherch faire de notre ouvrage un livre outil ou plut t un livre trousse outils Un livre plusieurs niveaux Les outils qu offrent nos l ments de culture g n rale sont de plusieurs sortes et permettent de mettre distance les deux mod les de manuel que j ai voqu s plus haut tout
21. ne culture g n rale ne pas crire pour complaire aux id es la mode un moment donn ni aux dogmes ni aux id es toutes faites y compris propos de la culture mais susciter la libert de jugement la n tre et nous l esp rons celle de nos nombreux lecteurs et lectrices Trois ditions revues et augment es des l ments de culture g n rale plus tard je ne regrette pas ce qui avait t peine une d cision plut t un coup de c ur quand j avais accept la proposition de la Documentation fran aise au fil des r ditions ce livre est devenu un compagnon de ma vie intellectuelle En m obligeant visiter de nouveau les sujets que je voulais tirer au clair il y a quinze ans il me permet souvent sous l ami cale mais ferme gouverne d Emmanuelle de reprendre cette attitude intellectuelle qui fait le prix d une culture g n rale en me d tachant de mes pr occupations sp cialis es pour m ouvrir une r flexion plus large mais tout aussi personnelle plus en un sens car la sp cialisation est d abord une contrainte une renonciation poursuivre ses id es au del d un p rim tre universitaire balis En un sens en effet ce livre appartient mon pass car je ne suis pas toujours revenu sur certains sujets que j y ai trait s telle la modernit sauf pour les remettre jour l occasion des r ditions du livre En m me temps sur d autres sujets en particulier sur la question
22. ontem poraine La dimension culturelle dans cette vis e tient une perspective r flexive plus qu la revue d un patrimoine culturel Cette dimension est particuli rement soulign e dans les rapports de jury et parfois ATALA Cultures et sciences humaines n 14 La culture g n rale 2011 210 LA CULTURE G N RALE dans les textes qui organisent l preuve lorsqu ils insistent sur limpor tance de l analyse personnelle des faits ou l interpr tation person nelle La culture g n rale est li e la capacit analyser un contexte d un point de vue original et distinct Cr er un livre outil Que l preuve de culture g n rale soit plus pr cise au niveau des intentions latentes qu il n y para t ne revient pas dire qu on y gagne en facilit pour ce qui concerne la pr paration d un manuel Si elle est plus d finie l ambition n en est pas moins consid rable et au fond pose des probl mes sur les deux plans de la d finition du p rim tre historique et du but r flexif assign l aspect culturel de l preuve Pour les auteurs d un manuel cela se r sumait deux grandes questions comment embrasser trois si cles d histoire et leur effet dans le monde contempo rain Comment apprendre r fl chir travers un manuel Il me semble qu avec Emmanuelle Huisman Perrin nous avons apport quelques r ponses que nous esp rons pertinentes ces interrogations La premi re de ces r ponses
23. quoi que je fisse je le fisse avec pr cision C est le meilleur exemple que je puisse donner de ce qu est l esprit vivant d une culture g n rale Jacques Brunschwig tait sans doute possible l un des meilleurs dans son domaine et il ne faisait pas bon laisser tra ner du vague dans son argumentation Il m a appris prendre l poque j aurais t enclin crire perdre le temps de renseigner mes r f rences avec le plus grand soin dans mes travaux universitaires Mais c tait un sp cialiste qui n avait pas le go t de la sp cialisation en ce sens qu il aimait consid rer les choses sans s enfer mer dans un sujet f t ce le sien C est du reste ce qui avait marqu son entreprise intellectuelle lorsqu il s tait mis croiser une culture logique moderne et l tude des textes anciens particuli rement ceux des sto ciens J appliquerais volontiers cette attitude l id e de culture g n rale On se tromperait vouloir opposer culture g n rale et culture sp cialis e Une culture qui n est pas sp cifique n est tout simplement pas une culture mais un bavardage Ce qui est g n ral c est l ind pendance avec laquelle on peut choisir ses sujets Mais la culture en elle m me ne supporte pas les g n ralit s Et c est l je crois que se situe la difficult d un manuel de culture g n rale bien des gards la culture ne se r sume pas ne se g n ralise pas C est de cette difficult
24. r aux concours de la fonction publique lt http thierryleterre free fr spip php article85 gt Revue ATALA Cultures et sciences humaines ENTRE IMPOSSIBLE ET INUTILE CRIRE UN MANUEL DE CULTURE G N RALE 209 et de l re contemporaine Ensuite le domaine il s agit de la politique et de la soci t voire de l conomie plus rarement de faits culturels La culture dont il s agit a un aspect fortement politis non au sens partisan l vidence mais au sens du type d int r t sollicit Les arts la litt rature n y figurent qu titre secondaire non pas en propre mais comme partie d un mouvement des id es dont on veut que les pr pa rationnaires s impr gnent On discerne le type de pr occupation qui dis tingue l preuve de culture g n rale loin d tre un exercice d sint ress cet examen renvoie une valuation relativement pouss e de la capacit de futurs fonctionnaires s inscrire dans une dur e et un esprit histo riques qui sont essentiellement ceux o la France moderne s est forg e Ici s claire le propos de la culture g n rale aux concours de recru tement On l a tour tour caricatur e comme une conversation bour geoise dont l objet tait de faire montre d une culture fond e sur des r f rences de bon go t ou comme une s rie de g n ralit s sans fonde ment un parfait exemple de vide intellectuel En r alit elle est plus troitement circonscrite dans ses bu
25. rique et l on doit avouer que la consultation des meilleures copies mises la dispo sition du public par certains concours risque de confirmer l impression Ceci dit la diversit des origines intellectuelles des enseignantes et des enseignants de culture g n rale n est pas seulement un d faut que l on paie par une h t rog n it des contenus d livr s Elle est aussi le reflet de la volont d envisager une culture g n rale qui ne se limite pas des savoirs que les disciplines sont cens es organiser ou au niveau de l enseignement sup rieur cr er mais qui les traverse tous On sait quels sont les contenus de la discipline historique de la disci pline philosophique de la discipline math matique ou plut t on esp re le savoir comme on esp re se mettre d accord sur un curriculum qui permette de d finir ce qui chaque niveau doit tre connu parce qu il est reconnu par la communaut enseignante de cette discipline En revanche parce que par d finition la culture g n rale est g n rale elle embrasse potentiellement tout contenu de savoir ce qui n a pas t sans donner mauvaise r putation aux preuves surtout orales de culture g o l on interroge parfois la candidate ou le candidat sur tout et sur rien C est cependant une d rive par rapport un principe assez clair ce n est pas par d faut mais par principe que la culture g n rale est hostile l i
26. semble pertinent et cela d autant plus qu avec un recul de seize ans entre la premi re et la troisi me dition r cemment parue je m tonne que Revue ATALA Cultures et sciences humaines ENTRE IMPOSSIBLE ET INUTILE CRIRE UN MANUEL DE CULTURE G N RALE 215 ces choix qui se voulaient en partie dict s par l air du temps aient si bien r sist au passage des ann es Consid rons nos l ments avec un certain recul l tat demeure une pr occupation ainsi que la nation ainsi que l immigration la morale Plus loign es de l influence imm diate de l air du temps l histoire et la culture de mani re vidente si l on tient compte du cadrage de type historique des textes d finissant la culture g n rale aux concours font partie int grante de la r flexion sur la culture g n rale Ce qui a vari et parfois consid rablement c est l vi dence le contenu que nous mettons dans ces l ments Au d but des ann es 1990 j crivais mes analyses internationales dans l euphorie suivant l croulement du communisme europ en Mais dans les ann es 2000 nombre des passages traitant de ces aspects ont t supprim s alors que le terrorisme ou la mondialisation faisaient l objet d une attention plus soutenue Nous avons ainsi fait voluer le propos mais en respectant notre inspiration initiale qui tait de ne jamais c der l air du temps tout en tant capables d y r pondre C est je crois l ambition r elle d u
27. ts que dans sa d finition telle qu elle appara t dans les textes administratifs Elle agr ge une vision du monde qui est essentiellement celui o la France se reconna t pays d Ancien R gime qui a volu vers une d mocratie r publicaine moderne Cela ne signifie pas du reste qu on se limite au pays le cadrage est his torique le XVIII si cle non national Il n emp che que ce cadrage a lui m me un sens particulier pour un pays qui se revendique volontiers comme l un des lieux privil gi s et l un des grands h ritiers de cette p riode des Lumi res vers laquelle assez unanimement les textes qui d finissent les preuves de culture g n rale nous orientent comme vers une origine Il faut en tirer une conclusion importante le monde dont parle la culture g n rale est celui des faits sociaux plus que celui de l histoire culturelle On le remarque trop peu mais ce qui d finit la culture g n rale aux concours c est moins la culture comme s rie de r f rences socia lis es sur le beau et le bien que la vie sociale elle m me Autant les textes d finissent assez vaguement leur objet explicite autant ils permettent de cerner assez pr cis ment leur intention implicite la capacit s orien ter dans un monde que l on consid re comme nourri par la r f rence son volution Pour autant il ne s agit pas d histoire mais plut t des r sultats de cette histoire en termes d organisation de la soci t c
28. ulture g n rale n y figure pas du moins au sens fran ais du terme Revue ATALA Cultures et sciences humaines ENTRE IMPOSSIBLE ET INUTILE CRIRE UN MANUEL DE CULTURE G N RALE 207 enseignants qui pr parent la culture g n rale Il y a de plus des textes officiels qui indiquent ce qu on entend par l et circonscrivent certains contenus Et il est loisible de reconna tre en eux une sorte de cadre formel et programmatique Seulement la ressemblance est plus formelle que substantielle La pr sence d enseignants et d enseignantes de culture g n rale n qui vaut pas l existence d une communaut enseignante proprement dite La culture g n rale est souvent un raccord dans la charge de travail d un enseignant sp cialis dans une discipline ou une autre philosophie sou vent histoire lettres droit aussi ou dans mon cas science politique Cela ne permet pas de cr er une dynamique commune alors que les r f rences et parfois les r flexes et les attentes intellectuels d pendent troitement de la formation d origine de l enseignant En fait la culture g n rale comme mati re enseignement pourrait s analyser comme le lieu de disjonction par excellence entre pratiques scolaires et disciplines intellectuelles Cela entra ne une contradiction souvent rep r e entre une ambition de culture et la r alit d un exercice qui parce qu il est trop g n ral risque de se limiter une prestation rh to
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