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le dossier pédagogique - Lycéens et apprentis au cinéma

1. JOHN FORD Homme qui tua _loerty Valance gt wilt ia MODE D EMPLOI Ce livret se propose de partir des contextes de la creation du film pour aboutir a la proposition d exercices ou de pistes de travail que l enseignant pourra prouver avec ses classes Il ne s agit donc pas tant d une tude que d un parcours qui doit permettre l appropriation de l uvre par l enseignant et son exploitation en cours Des pictogrammes indiqueront le renvoi a des rubriques compl mentaires pr sentes sur le site www transmettrelecinema com vid o gt Directrice de la publication Fr d rique Bredin Propri t Centre national du cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l 01 44 34 34 40 R dacteur en chef Thierry M ranger R dacteur du livret Francisco Ferreira Iconographie Francisco Ferreira et Lara Boso R vision Cyril B ghin Conception graphique Thierry C lestine Conception printemps 2015 Cahiers du cin ma 18 20 rue Claude Tillier 75012 Paris T l 01 53 44 75 75 www cahiersducinema com Achev d imprimer par l Imprimerie Moderne de l Est juillet 2015 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur My name s John Ford make westerns Gen se L Ouest d pouill D coupage narratif R cit Une histoire vraie Rep res Le on d histoire S quen
2. Cette figure du regard perdu appara t plusieurs reprises dans Homme qui tua Liberty Valance mais elle est assum e par Vera Miles plut t que par John Wayne D s le d but du film Hallie semble hant e au moment o Appleyard lui propose d aller voir le d sert 4 cet instant le spectateur ne sait pas encore que la maison de Doniphon est d sign e et donc que les pens es de Hallie sont tourn es vers lui qui vient de mourir Puis son regard plonge nouveau dans le pass lorsqu ils arrivent devant la maison en ruines et cette fois il est question d un homme qui n est pas nomm 5 Figure de l absence Doniphon n existe encore que dans les yeux de celle qui n a sans doute jamais cess de l aimer comme le confirme la fin du film dans le train pour Washington par la gr ce d un fondu encha n le cactus en fleurs pos sur le cercueil preuve d amour chang e travers le temps d signe l objet des pens es de Hallie et la s pare de son mari l int rieur du plan 6 Il est d ailleurs remarquable que gt 7 Hallie ne soit pas seule dans ces trois images contrairement ce qui se passait pour les h ros solitaires incarn s par Wayne Appleyard et Stoddard m me s ils prouvent aussi de la peine illustrent en effet une contrainte ext rieure omnipr sente Hallie et Doniphon n ont connu aucun moment d intimit l cran M me apr s la mort du cowboy elle doit encore partage
3. handicap e chez Alfred Hitchcock Fen tre sur cour 1954 Sueurs froides 1958 de la violence bless e chez Anthony Mann Winchester 73 1950 L App t 1953 ou du cynisme indolent chez Ford lui m me Les Deux Cavaliers Les Cheyennes Plus exactement Stoddard donne voir la transition entre les deux mod les l id alisme maladroit du jeune avocat laissant la place la r signation roublarde du vieux s nateur Il s agit bien en l occurrence de la fin d un mythe Pompey Le serviteur de Tom Doniphon est un personnage discret et pourtant essen tiel dans le film il vit avec le cowboy lui pr te main forte dans les scenes du steak de la r union lectorale et du duel le sauve du suicide et assiste seul son enterrement jusqu l arriv e des Stoddard et d Appleyard On recensera ainsi ses differentes apparitions pour remarquer qu elles dessinent en creux une image de la condition des Noirs a la fin du XIXe si cle aux Etats Unis On notera ainsi les droits dont il est priv lors des lections de Shinbone il ne participe pas au vote et reste discre tement assis a l entr e du saloon lorsqu il vient y chercher Doniphon qui s enivre apres la mort de Valance le barman rappelle qu il lui est interdit de le servir La r action de Doniphon insistant pour qu il boive un verre avec lui prouve que leur relation d passe certains pr jug s mais qu elle n atte nue pas le paternalisme
4. le hold up le lynchage la partie de cartes la cavalcade le bain A ce titre la sc ne du duel qui conna t d j une variante au sein du film pourrait videmment tre compa r e avec d autres afin de mettre en lumi re la tension entre diff rence et r p tition le travail de reconfiguration de la mise en sc ne et le jeu sur la m moire du spectateur qui constituent l essence de l criture g n rique Deux exemples influenc s par le cin ma de Ford pourraient tout particuli rement s averer fructueux le duel final d tait une fois dans l Ouest C era una volta il West 1968 de Sergio Leone parce qu il int gre un flashback expliquant sa cause et celui d mpitoyable Unfor given 1992 de Clint Eastwood parce qu il met en sc ne un crivain sp cia lis dans les biographies de gunfighters pour souligner la difference entre la l gende et la r alit We 20 CRITIQUE Tout est relativement simple Lors de sa sortie en avril 1962 aux tats Unis L Homme qui tua Liberty Valance est plut t mal accueilli par la critique qui le trouve tant t fantaisiste et peu convaincant Variety tant t d suet et bavard The New York Times Abe H Weiler le d crit m me dans The New Yorker comme une parodie invo lontaire des meilleures uvres de M Ford La r ception critique fran aise en octobre de la m me ann e est globalement meilleure Elle c l bre ess
5. tat permettrait de prot ger les fermes et les cl tures farms and fences Bien str d autres westerns ont abord ce sujet avant le film de Ford Ainsi la lutte entre les le veurs et les fermiers appara t dans l Homme des vall es perdues Shane 1953 de George Stevens et la guerre des barbel s est au c ur de l Homme qui n a pas d toile Man Without a Star 1955 de King Vidor Mais la force de LHomme qui tua Liberty Valance est de ne pas repr senter directement le conflit il le d place et le m taphorise avec le duel pour mieux le dialectiser a travers les changes entre les personnages Car il n est pr cis ment plus question de repr senter l histoire il faut d sormais en d battre Le mythe du jardin Pour toutes ces raisons on peut dire que c est une loi pr cise que d fend le jeune avocat le Homestead Act ardemment soutenu par Horace Greeley dont il se r clame au d but du film Or cette loi essentielle qui acc l ra consid rablement la colonisation correspond l id al agrarien favo rable au partage des terres de Thomas Jefferson qui r vait de cr er une nation de petits propri taires pr serv e de la corruption des grandes villes europ ennes Car c est bien aux homesteaders qu incombait la responsabilit de cultiver les terres vierges et de fa onner la nouvelle Am rique Et c est bien aussi cet id al qu pouse Hallie en choisissant Stoddard plut t que Doniphon el
6. L Homme qui tua Liberty Valance a donc t con u comme un film d id es et non un film th se selon l expression de Joseph McBride l un des biographes de Ford Car les d cisions en apparence contra dictoires d introduire une question historico poli tique pr cise et d all goriser le r cit aboutissent ensemble une r flexion dialectique sur le fond et la forme du western Cela peut expliquer le choix surprenant de tourner le film en studio et en noir et blanc loin de la d mesure et des couleurs flam boyantes du d cor de Monument Valley qui tait pourtant devenu la signature plastique du cin aste De fait l abstraction du r cit appelait sans doute le d pouillement de la mise en sc ne La distribution anciens et nouveaux Ford envoya le sc nario John Wayne en juillet 1961 Il le comparait La Chevauch e fantastique qui avait r v l Pacteur en 1939 dans la peau du t m raire Ringo Kid Ce nouveau western serait leur vingt deuxi me collaboration et un appro fondissement de leur portrait commun du h ros de l Ouest Comme le futur interpr te de Tom Doniphon tait sous contrat avec la Paramount Ford approcha le studio pour produire le film sa propre soci t de production apportant la moiti du budget de 3 207 000 dollars Le tournage devait se d rouler du 5 septembre au 7 novembre de la m me ann e et William H Clothier qui avait d ja travaill sur Les Cavaliers fut choisi
7. pour diriger la photographie Toujours aussi fid le professionnellement Ford fit galement appel des acteurs qu il connaissait pour compl ter la distribution James Stewart Ransom Stoddard avait tourn dans Les Deux Cavaliers de m me que Jeanette Nolan Nora Ericson Vera Miles Hallie avait jou dans La Prisonni re du d sert et Woody Strode Pompey tait le sergent noir du film de 1960 En revanche Lee Marvin Liberty Valance et Edmond O Brien Dutton Peabody deux nouveaux venus apportaient leur exp rience particuli re dans des registres tr s diff rents Marvin s tait fait conna tre dans le r le du tueur sadique de R glement de comptes The Big Heat 1953 de Fritz Lang O Brien un habitu des seconds r les excentriques avait interpr t Shakespeare dans le Jules C sar du Mercury Theatre d Orson Welles en 1937 mais aussi dans l adaptation cin matogra phique de la m me pi ce r alis e par Joseph L Mankiewicz en 1953 The John Ford Stock Company On peut en outre mettre part trois com diens r currents dans la filmographie de Ford comme Wayne ils appartenaient sa troupe informelle qu on surnommait The John Ford Stock Company Andy Devine cinq apparitions John Carradine onze apparitions et John Qualen neuf appari tions allaient reprendre dans LHomme qui tua Liberty Valance des types fordiens constitu s depuis longtemps et qu ils avaient
8. uvre de Ford il explique pr cis ment que seules comptent pour le cin aste les illusions que la communaut peut se faire sur elle m me sur ses motifs sur ses d sirs et ses convoitises sur ses valeurs et ses id aux illusions vitales illusions r alistes plus vraies que la v rit pure On ne pourra donc pas reprocher au r ve am ricain de n tre qu un r ve c est ainsi qu il se veut tirant toute sa puissance de ce qu il est un r ve Ford ne manque pourtant pas de filmer aussi le cauchemar existentiel qui en r sulte 1 C est l Ouest Monsieur Quand la l gende devient r alit imprimez la l gende R critures La Chevauch e fantastique Vers sa destin e ou Le Massacre de Fort Apache LHomme qui tua Liberty Valance n en finit pas de r crire les uvres pr c dentes de John Ford ce qui est la fois singulier en raison de la pr cision des motifs que le film red ploie et banal dans la mesure o la reprise participe directement de la logique du genre On soulignera qu un western n est jamais en effet qu un exercice de variations partir d un r pertoire de types le cowboy solitai re le tueur Sauvage ou blas l Indien farouche le Mexicain festif le pied tendre l ivrogne truculent la bonne pouse l entra neuse au grand c ur le joueur professionnel et de sc nes arriv e du train l entrainement au tir le combat poings nus l embuscade
9. Peabody qui appara t plus complexe et joue un r le d terminant dans la destin e de Stoddard non seulement gr ce son discours lors des lections de Capitol City mais aussi parce que c est son agression qui d cide l avocat affronter Valance en duel Ford offre ce personnage tragicomique visiblement nourri de l exp rience shakespearienne de l acteur Edmond O Brien cf p 4 la digression la plus longue du film Seul et ivre dans le bureau du Shinbone Star il relit son article sur la d faite de Valance aux lections lorsqu il r alise que sa bonbonne d alcool est vide No courage left en conclut t il avant de se lancer dans un monologue d veloppant des variations autour de ce th me Et quand il d cide d aller se r approvisionner au saloon sa bonbonne en guise de crane il parodie Hamlet But have we credit That is the question have we credit Puis revenant au bureau en titubant apr s avoir trouv a boire il r cite approximativement le discours de la Saint Cr pin prononc par le roi dans Henry V pour motiver ses troupes l aube de la bataille d Azincourt On comprend mieux alors ce qui se joue dans cette s quence apparemment anecdotique dans son d lire thylique Peabody convoque Shakespeare pour commenter les v nements qui se d roulent Shinbone c est un moment historique o il faut rassembler son courage choisir son camp et accepter la bataille Le duel va bient t
10. Pompey Alors qu il leur donne un cours d instruction civique sur l importance du vote dans le cadre des prochaines lections terri toriales Tom fait irruption dans la classe et annonce que Valance s est mis au service des riches leveurs Tout le monde sort sauf Hallie qui apprend de Peabody que Ransom s exerce au revolver dans la campagne pour affronter Valance Elle appelle Tom laide 9 La le on de tir I don t like tricks myself 00 59 47 01 04 09 Tom rattrape Ransom cheval et l invite le suivre chez lui o Pompey et des ouvriers s affairent construire une nouvelle pi ce en pr vision du mariage avec Hallie Le cowboy donne une le on de tir l avocat il l humilie en tirant sur des pots de peinture qui l claboussent Exasp r Ransom frappe le plaisantin avant de repartir en voiture 10 Les lections de Shinbone We need a sta tehood 01 04 10 01 15 13 Les lections devant d signer deux d l gu s a l assembl e territoriale de Capitol City se tiennent au saloon Ransom m ne le d bat les riches le veurs veulent que le territoire reste un open range pour garder la mainmise sur lui alors que les petits propri taires ont int r t ce qu il devienne un tat qui assurera leur d veloppement et le respect des lois Ransom et Peabody sont lus triomphalement malgr la pression exerc e par Valance qui d fie l avocat soit il quitte la ville soit il le retrouv
11. compagnon que le poids d un tel crime d tournait d accepter l honneur que les colons dans leur majorit lui faisaient envoyer Washington pour repr senter leur commu naut Sans se le faire dire deux fois Stoddard se pr cipite recueillir leur mandat la roublardise cynique du premier l apaisement roublard du second fait juste contrepoids Cette duplicit complice l franche amus e ici singuli rement hypocrite marque fortement chaque pisode chaque sc ne surgie du pass et le portrait du s nateur se trouve affect chaque trait nouveau d un gal coefficient d ambiguit Au charme du western guilleret s ajoute donc celui d une peinture ambivalente continuellement r jouis sante renouvel e Doniphon est mort la particularit de son amiti est tout juste effleur e par le narrateur drap dans sa dignit officielle se racontant au pass simple le c l bre temps du mensonge De la confi dence si opportune du vrai tueur qui saurait maintenant certifier l int grit Et si Ransom Stoddard avait r ellement tu Liberty Valance Claude Ollier Homme qui tua Liberty Valance La Nouvelle Revue francaise n 120 d cembre 1962 repris dans Souvenirs cran Cahiers du cin ma Gallimard 1981 CONSULTER Filmographie dition du film CHomme qui tua Liberty Valance DVD Paramount 2002 Blu ray 2012 Autres films de John Ford La Charge h roique DVD Editions Mont
12. il est trait d assassin lors du d bat politique et il choisit de renoncer Surgit alors Doniphon qui r v le secr te ment Stoddard que contrairement aux apparences c est lui m me qui a tu Valance Innocent ses propres yeux sinon ceux des autres l avocat reprend confiance il pousera Hallie deviendra d l gu territorial gouverneur du nouvel tat puis s nateur tandis que Doniphon restera dans l ombre jamais Son r cit la presse termin le s nateur fatigu s entend dire que dans l Ouest quand la l gende devient r alit il faut imprimer la l gende Il repart en train avec sa femme pour Washington en se promettant de revenir s installer Shinbone La Chevauch e fantastique de John Ford 1939 Warner Bros 2 a 4 La Poursuite infernale de John Ford 1946 20th Century Fox La Charge h ro que de John Ford 1949 RKO Les Cheyennes de John Ford 1964 Warner Bros My name s John Ford I make westerns Lanecdote mille fois racont e n en est pas moins significative Elle se d roule le 22 octobre 1950 dans la Crystal Room du Beverly Hills Hotel o se tient une assembl e g n rale de la Screen Directors Guild le syndicat des r alisateurs am ricains Pr s de trois cents cin astes sont pr sents parmi lesquels Richard Brooks Frank Capra Delmer Daves et Fritz Lang l objet de la r union est la proposition de motion faite pa
13. incarn s auparavant dans des uvres majeures Ainsi Link Appleyard le marshal froussard compos par Devine est l h ritier de Buck le conducteur tout aussi peureux de la diligence dans La Chevauch e fantastique qui y avait d j une famille nombreuse r sultant de son mariage avec une Mexicaine Dans le m me film travers le personnage du joueur de cartes professionnel Hatfield Carradine repr sentait d j l aristocratie sudiste d voy e tout comme avec son r le du Major Cassius Starbuckle l orateur qui d fend la position des grands leveurs Capitol City Enfin dans La Prisonni re du d sert Qualen tait d j un migr scandinave Lars Jorgensen ainsi que le p re de Laurie c est dire de Vera Miles or si Hallie n est pas pr sent e comme la fille de Peter Ericson le restaurateur su dois de Shinbone elle n en recons titue pas moins avec lui et son pouse la m me image positive de la famille fordienne Le casting creuse donc un r seau souterrain entre les trois films ce que renforce videmment la pr sence de Wayne dans le r le principal On peut en tirer la conclusion suivante le cin aste avait pr vu de se retourner sur son uvre comme Stoddard revient sur son pass Il faudrait peut tre m me consid rer qu il s agit l d une trilogie mais seulement con ue comme telle partir de son troisi me volet La Chevauch e fantastique avait pleinement particip la f
14. le cin aste qui a impos son visage bourru son port viril et son l gendaire d hanch a Hollywood 24 films entre 1928 et 1963 H ros monolithique et sacrificiel figure de la force et de la d termination voire de l obstination il incarne l arch type de l aventurier am ricain Mais son personnage de plus en plus d sabus atteint une forme radicale d amertume tant t furieuse tant t goguenarde dans ses derniers westerns avec Ford Son interpr tation minimaliste repose sur sa pure pr sence il sanime en quelques gestes et s exprime en peu de mots comme le montrent parfaitement ses meilleures sc nes dans LHomme qui tua Liberty Valance Pour s imposer dans le plan il lui suffit de d clarer That s my steak Valance les mains pos es sur son ceinturon I ll be around en tournant le dos la cam ra ou encore Think back pilgrim en allumant une cigarette On pourrait r sumer sa carri re en trois images son apparition brutale dans La Chevauch e fantastique qui le transforme imm diatement en mythe par la puissance plastique d un travelling avant faisant merger son visage du paysage de Monument Valley sa disparition m lancolique dans le dernier plan de La Prisonni re du d sert la porte du foyer familial se refermant sur son dos tandis qu il retourne a l errance Les Deux Cavaliers de John Ford 1961 Columbia Pictures Mr Smith au s nat de Frank Capra 1939 Columb
15. lui donner raison et prouver qu il est bel et bien la conscience de la ville Mais pour l heure Valance et ses myrmidons surgissent dans son bureau pour l agresser et d truire son imprimerie Conscient de ce qui l attend Peabody les accueille pourtant avec cette boutade Liberty Valance taking liberties with the liberty of the press L ironie retourn e On rel vera utilement l ironie dont Stoddard est la victime tout au long du film propos de son origine g o graphique de son rapport la loi ou encore de sa virilit Ainsi Doniphon plaisante sur sa propension d fendre les femmes qu il s agisse de la veuve lors de l attaque de la diligence ce qui lui vaut d tre qualifi de Don Juan ladies man ou de Hallie lorsqu il la tient affectueusement par les bras see you re still protecting the ladies En outre le cowboy se moque de son pistolet bouchon pop gun et le promeut narquoisement as de la g chette gunslinger pendant la le on de tir Quant a Valance il le f minise en le d couvrant au restaurant dans son tablier blanc Lookee at the new waitress et en diverses occasions il l appelle hashslinger serveur dans une gar gote ou dishwasher plongeur m prisant sa pr tention exercer le m tier d avocat D ailleurs apr s l in cident du steak Peabody raille aussi a son propos le spectacle de la
16. par Ford est donc bien aussi celui de cette femme qui choisit la lumi re contre l ombre l alphabet contre les cactus le destin communautaire contre le foyer familial C est elle qui convainc Doniphon de sauver Stoddard c est elle qui d un signe de t te autorise son mari raconter l autre v rit aux journalistes Discr tement elle tient les r nes du r cit comme elle tient celles de la voiture retenant les chevaux d un geste s r lorsque Link en descend pour cueillir le cactus Et son histoire se confond avec celle de la nation qui a pous la raison politique avec ses id aux ses convictions et ses compromis mais pleure toujours ses h ros de l Ouest inflexibles et sublimes jusque dans leur brutalit invaincus m me dans la d faite Dans l pilogue du film Hallie laisse entendre qu elle n a cess d aimer Tom Doniphon lorsqu elle reconna t la fois que son c ur et ses racines sont Shinbone et qu elle a d pos le cactus en fleurs sur le cercueil Cest ce moment que le chef de train intervient pour saluer l homme qui tua Liberty Valance Stoddard s appr tait a fumer sa pipe mais il suspend son geste teint son allumette et baisse les yeux Hallie retient un instant son souffle puis elle expire p ni blement le regard fixe droit devant elle dans le vide Ils ne se voient plus ils ne se parlent plus Tout a t dit Chacun est renvoy a sa v rit int rieure Ils sont en
17. salle du service o se d roule la confrontation entre Doniphon et Valance et la cuisine o s panouit la relation entre Stoddard et Hallie le local du Shinbone Star avec l imprimerie o se fabrique le journal et son annexe qui sert de salle d cole la maison de Doniphon avec sa partie ancienne o il vit avec Pompey et la nouvelle pi ce qu il fait construire pour Hallie la ville de Shinbone avec la rue principale o se passe le duel et la ruelle sombre d o surgit Doniphon pour tirer le coup de fusil fatal et enfin le b timent de Capitol City avec la salle des lections o se tient le d bat et le bureau o a lieu la r v lation sur la mort de Valance Aux r cits ench ss s inter rogeant les conditions m mes du r cit r pondent donc des espaces embo t s qui mettent en abyme le dispositif sc nique d un film tourn selon l expression du critique am ricain Manny Farber dans le d cor irr el d une ville de carton p te o le cactus a t plant la veille 1 1 Manny Farber Espace n gatif PO L 2004 D DA decd ion AW DEA T 3 i Hi J i j of orar am cr de REPERES Le on d histoire Liberty Valance est le mal l tat pur la force du mal Ransom Stoddard est l esprit du bien et sa voix Leur duel rejoue d abord une dichotomie archa que Mais Valance est aussi l incarnation de l Ouest sauvage et de sa violence primitive tandis que Stoddard apport
18. une race bovine a tr s longues cornes notamment commune au Texas Et l allocution grandiloquente de honorable Major Cassius Starbuckle soldat juriste et homme d tat qui jette une feuille de papier vierge en pr ten dant renoncer au discours qu il a crit pour parler avec son c ur ajoute encore au sentiment d artifice et de ridicule Quant a Peabody il confirme le jugement de Kaintuck en buvant une gorg e d alcool cach derri re son chapeau avant de prendre la parole Mais son discours se r v le perspicace et la pol mique prend un tour encore plus s rieux quand on voque le meurtre de Liberty Valance de m me que le hors la loi avait provoqu une rupture de ton en pr sentant sa candidature a Shinbone suscitant une discussion de fond sur sa l gitimit Dans les deux cas une r flexion morale s l ve alors sur le rire et la com die se fait l instrument d une p dagogie du d bat politique Portraits comiques D autre part les types comiques abondent dans le film R duits un ou deux traits d finitoires ils occupent l arri re plan de l action dramatique pour surgir au moment opportun et d samorcer la tension ou introduire un d tail insolite Ainsi le begue Kaintuck multiplie les interventions drolatiques au restaurant il ne parvient pas finir ses phrases et oblige Hallie deviner sa commande l cole sa pr sence tonne Stoddard mais il avoue qu il est venu uniquement parc
19. violence dont il assume galement la responsabilit Et il le fait en connaissance des cons quences de son acte le meurtre de Valance est aussi un suicide quoi pense t il donc en allumant cette cigarette l incendie de sa maison ou l cran de fum e qu il crachera bient t au visage de son v ritable ennemi Il est impossible de le savoir puisque toute r alit n existe dans l Homme qui tua Liberty Valance que pour tre m tamorphos e par l image 12 GENRE Un dr le de western Le sc nario de l Homme qui tua Liberty Valance est structur sur le mod le classique de l alternance entre sc nes de tension et sc nes de d tente qui assure l quilibre dramatique du film C est pourquoi il d veloppe singuli rement les moments et les portraits comiques mais aussi les jeux sur le langage et les gags visuels qui introduisent autant de contrepoints humoristiques la gravit du r cit principal Cela correspond du reste au go t de John Ford pour les change ments de rythme les ruptures de ton et les digressions narratives ainsi qu son affection pour les personnages secondaires Com die politique Les deux r unions lectorales engendrent les sc nes qui donnent la plus grande place au registre comique Celle de Shinbone se d roule au saloon o le bar est ferm ce qui fait dire Peabody en manque d alcool que cela revient pousser la d mocratie beaucoup trop loin On y d couvre effect
20. 1917 et 1966 aventures T te br l e 1932 drame Le Mouchard 1935 biographie Vers sa destin e 1939 chronique sociale Les Raisins de la col re 1940 documentaire La Bataille de Midway 1942 guerre Les Sacrifi s 1945 romance L Homme tranquille 1952 et com die La Taverne de l Irlandais 1963 Westerns primitifs 1917 1926 Les westerns n en constituent pas moins le c ur de son uvre il n a pas seulement vu na tre et d cliner le genre il en a magistralement crit l histoire du western primitif au western cr pusculaire Ainsi entre 1917 et 1926 il en r alise 43 dont la majorit a t perdue ce sont ses ann es de formation aupr s de l acteur Harry Carey qui fut aussi le mentor de John Wayne et qu il dirige vingt cinq reprises notamment dans la s rie des Cheyenne Harry laquelle appartient Le Ranch Diavolo 1917 Cette p riode s ach ve avec deux superproductions o Ford r v le son sens de l pop e et participe au premier changement de cap du genre en int grant le mythe de la fronti re inspir de l historien Frederick Jackson Turner Le Cheval de fer 1924 retrace la conqu te du rail et Trois Sublimes Canailles 1926 la ru e vers lor Le western se fait r cit des origines de la nation La Prisonni re du d sert de John Ford 1956 Warner Bros Westerns classiques 1939 1950 Puis apr s treize ann es sans incursion dans le genre Ford s impose n
21. Agr g de lettres modernes et concepteur de documents p dagogiques il enseigne en sec tion cin ma audiovisuel au lyc e Rotrou de Dreux et dans le cadre du Master Pro sc nario r alisation et production de l universit Paris Panth on Sorbonne Il est galement d l gu g n ral du festival Regards d Ailleurs de Dreux R DACTEUR DU LIVRET Francisco Ferreira est ma tre de conf rences en tudes cin matographiques et en Litt rature com par e l universit de Poitiers Dans la continuit de sa th se de doctorat De Godard Faulkner l hypoth se scripturale son enseignement et sa recherche portent sur les relations entre l criture et le montage les formes de la reprise les figures de la disjonction et le d tail Depuis 1999 il inter vient r guli rement comme formateur dans le cadre des dispositifs d ducation l image Avec le soutien du Conseil r gional E Libert Egalit Fraternit CAHIERS PS CINEMA
22. John Ford Penser et r ver Vhistoire Yellow Now 2014 Tag Gallagher John Ford Lhomme et ses films Capricci 2014 Joseph McBride A la recherche de John Ford Institut Lumi re Actes Sud 2007 Sur John Wayne et James Stewart Denis Mellier John Wayne de dos Vertigo n 22 De dos automne 2001 Luc Moullet Politique des acteurs Cahiers du cin ma 1993 Sur le western Raymond Bellour dir Le western Gallimard 1993 Cl lia Cohen Le western Cahiers du cin ma coll Les petits Cahiers 2005 Jean Louis Leutrat Le western Quand la l gende devient r alit Gallimard 1995 Jean Louis Leutrat Suzanne Liandrat Guigues Splendeur du western Rouge Profond 2007 Autres Nicole Brenez De la figure en g n ral et du corps en particulier Linvention figurative au cin ma De Boeck 1998 Gilles Deleuze Cin ma I LImage mouvement Minuit 1983 Manny Farber Espace n gatif PO L 2004 Sitographie Jean Pierre Esquenazi Les westerns de John Ford Du lib ralisme d avant guerre au conservatisme d apr s guerre Mise au point revue universitaire lectronique 4 2012 http map revues org 788 Jean Luc Lacuve John Ford cineclubdecaen com http www cineclubdecaen com realisat ford ford htm transmettre www transmettrelecinema com e Des extraits de films e Des vid os p dagogiques e Des entretiens avec des r alisateurs et des professionn
23. Louis Missouri San Francisco Californie 1862 Homestead Act Le pr sident Abraham Lincoln promulgue la loi de propri t fermi re qui permet a chaque colon pouvant justifier qu il occupe un terrain depuis cing ans d en revendiquer la propri t priv e dans la limite de 160 acres 1865 Go West Horace Greeley directeur du New York Tribune publie un ditorial dans lequel il invite les v t rans de la guerre de S cession tirer avantage du Homestead Act en colonisant les terres appartenant au domaine public public land gt Mais la phrase Go West young man go West and grow up with the country qu on lui attribue souvent ne figure pas dans l article 1869 Pacific Railroad Fin de la construction de la premi re ligne ferroviaire transcontinentale qui relie Sacramento Californie Omaha Nebraska 1890 Eleventh United States Census la suite du onzi me recensement de la population le Bureau du recensement constate que l ensemble du territoire d volu aux Etats Unis est colonis Il d clare officiellement la disparition de la Fronti re terme qui d signait dans le langage courant le front pionnier s parant les r gions colonis es et les terres libres C est la fin de la conqu te de l Ouest 1893 The Significance of the Frontier in American History L historien Frederick Jackson Turner pr sente sa th orie de la Fronti re selon lui c est la
24. Marvin Edmond O Brien Andy Devine Ken Murray John Carradine Jeanette Nolan John Qualen Woody Strode Lee Van Cleef SYNOPSIS Le s nateur Ransom Stoddard et sa femme arrivent dans la petite ville de Shinbone pour assister l enterrement d un certain Tom Doniphon Somm d expliquer a la presse sa relation avec cet inconnu le vieil homme politique raconte son arriv e dans l Ouest des ann es auparavant lorsqu il tait un avocat id aliste Le jeune Stoddard voyage dans une diligence qui est attaqu e par des hors la loi il est battu fouett mort et abandonn sur la route par leur chef Liberty Valance Ramass par un leveur de chevaux Tom Doniphon confi un couple de restaura teurs et soign par Hallie une jolie serveuse dont Doniphon est pris il ne songe qu faire arr ter et condamner Valance Mais sa connaissance du droit son travail pour le journal local les le ons d instruction civique qu il donne quelques enfants et adultes ainsi que sa participation aux lections territoriales ne tiennent pas face la sauvagerie et l impunit du criminel notoire C est en duel selon le code de l Ouest que leur conflit se r gle Stoddard pourtant tireur inexp riment tue Liberty Valance Quelque temps apr s Capitol City avec l lection du d l gu au Congr s de Washington se joue l avenir du territoire qui pourrait changer de statut et devenir un tat Stoddard est candidat mais
25. Wyatt Earp sur la tombe de son fr re dans La Poursuite infernale et Nathan Brittles sur celle de sa femme dans La Charge h ro que La m lodie revient alors et le jeune homme explique qu il h site toujours passer l examen du barreau Il finit pourtant par se d cider le faire feignant de s en remettre au sort et la volont de la d funte trois reprises encore on entend le th me d Ann Rutledge dans le film d abord lorsque courtis par Mary Todd Majorie Weaver l occasion d un bal Lincoln la d laisse en apercevant la rivi re au loin cette fille de banquier deviendra plus tard son pouse mais Ford ne le montre pas ensuite pendant un trajet cheval suivant le cours de cette m me rivi re son compagnon de voyage lui faisant d ailleurs remarquer qu il la regarde comme si c tait une jolie femme enfin lors d une visite la m re et aux s urs des deux pr venus qu il d fend audacieusement dans un proc s pour meurtre au moment o il leur avoue qu elles lui rappellent ses ch res disparues c est dire sa propre m re sa s ur et Ann Soulignant le d sir refoul du personnage masculin dans la premi re s quence le leitmotiv musical figure donc ensuite sa profonde m lancolie provoqu e par la dispa rition d une femme qu il ne renonce jamais aimer la rivi re omni pr sente se substituant son visage vanoui pour mieux dire le temps qui passe et n efface pas les sentiments Ma
26. a nouvelle permet de faire ressortir les choix de narration et de mise en scene de John Ford Il introduit notamment deux scenes importantes l arriv e en train et le p lerinage devant la maison en ruines D autre part dans le film jusqu l arriv e des Stoddard et de Link Appleyard seul Pompey veille le cercueil Enfin Ford ne donne pas a voir le cadavre et il ne retient pas le mensonge du s nateur Bert Barricune mourut en 1910 Une douzaine de personnes a peine assis terent a ses fun railles Parmi elles un jeune reporter enthousiaste qui esp rait trouver matiere a un papier d inter t humain des l gendes couraient sur le d funt qui aurait t un as du revolver en son temps Quelques hommes vieillis sants entr rent sur la pointe des pieds seuls ou par deux la mine renfrogn e et l air crisp serrant dans leurs mains leurs chapeaux bossel s des hommes qui s taient saoul s avec Bert qui avaient jou au poker du pauvre avec Bert pendant que le temps les oubliait Une femme se montra portant une lourde voilette noire qui dissimulait son visage Des m ches blanches et jaunes taient visibles dans ses cheveux teints en noir Le reporter prit note mentalement une ancienne petite amie du Vieux Quartier Mais rien tirer de a impossible de mentionner cette anecdote Un par un ils defilerent devant le cercueil regardant le visage fig du vieux Bert Barricune qui n avait t pe
27. ard et s avoue aussi elle m me son amour ce qu illustre videmment la m me phrase musicale Ils sont serr s Pun contre l autre dans la cuisine cadr s en plan rapproch poitrine et elle embrasse son front en pleurant quand soudain le bruit hors champ de la porte qui s ouvre lui fait tourner la t te Un changement d axe introduit alors Doniphon en plan large et le th me d Ann Rutledge est brusquement interrompu par celui bref sombre et martial de l homme de l Ouest Une telle juxtaposition sonore oppose explicitement les sentiments de Hallie et ceux de Doniphon elle marque mieux leur rupture d finitive que ne le ferait une formu lation verbale Lamoureux conduit s y risque pourtant sa mani re laconique dans un discours double sens confirmant que les choses du c ur ne peuvent se dire ouvertement D sol d arriver trop tard Hallie puis Stoddard Mais tu tes bien d brouill tout seul Vaincu dans un duel de musique et de mots sans armes feu et in gal il ne lui reste plus qu sortir pour aller se saouler au saloon Les fant mes du pass Apparemment focalis sur Stoddard le r cit filmique d veloppe donc un conflit int rieur second et parall le au sien port par la m lodie de Newman qui rapproche singuli rement Hallie et non le s nateur de la figure de Lincoln dont elle reprend l tat d me m lancolique et le refoulement amoureux Le drame racont
28. astes des producteurs il ajoute Je ne pense pas que nous devrions nous mettre en situation de diffuser des renseignements n gatifs sur un r alisateur qu il soit communiste qu il batte sa belle m re ou qu il fouette ses chiens Il se lance alors dans un loge de DeMille qui se conclut pourtant par ces mots Je ne taime pas C B Je n aime pas ce que tu repr sentes et je n aime pas ce que tu a 4 s A T a murs fe a F John Ford sur le tournage de La Chevauch e fantastique 1939 Warner Bros Coll CAC as dit ici ce soir Joe Mankiewicz a t calomni et je pense que tu lui dois des excuses Enfin Ford propose une r solution qui est imm diatement adopt e par l assembl e Que M DeMille et l ensemble du conseil d admi nistration d missionnent et que nous accordions a Joe un vote de confiance et puis nous rentrerons chez nous et nous dormirons un peu Nous avons des films a faire demain Cette c l bre d claration publique permet de se faire une id e de l homme et de l artiste qu tait John Ford int gre courageux fid le ses opinions comme ses amis mais aussi habile influent et espi gle Car il ne faut videmment pas se fier la modestie de son entr e en mati re il n tait pas seulement un r ali sateur de westerns comme en t moigne la diversit des autres genres abord s dans les quelque 140 films courts et longs m trages qu il a mis en sc ne entre
29. aux villes marchandes de l Est o ils les vendaient Nombre d entre eux s taient ainsi consid rable ment enrichis devenant ce quon appelait des barons du b tail l expression cattle barons est utilis e par Peabody lors de sa discussion avec Stoddard sur les nouveaux lecteurs Mais l arriv e des homesteaders menacait la fois leur mode de vie et leur mode de production les petits fermiers g n ralement des cultivateurs avaient le droit pour eux et ils devaient cloturer leurs cent soixante acres de propri t sils voulaient prot ger leurs cultures du passage des animaux ce qui fut facilit par l invention du fil de fer barbel en 1874 Ils r dui saient ainsi le domaine d exploitation des grands leveurs et g naient les convois de troupeaux les cl tures pouvant en outre blesser le b tail ou rendre inaccessibles les points d eau n cessaires son abreuvage S ensuivirent de nombreux conflits souvent mortels les magnats de l levage n h sitant pas engager des tueurs pour r gler leurs comptes comme lors des Sheep Wars qui oppos rent les leveurs de gros b tail aux petits leveurs de moutons Il en est d ailleurs question dans le film lorsque Doniphon annonce que Valance et ses hommes engag s par les big ranchers ont tu le vieil Holiday et son fils De m me Stoddard fait allusion aux Fence Cutting Wars en affirmant pendant les lections de Shinbone que devenir un
30. ce Images modifi es Genre Un dr le de western Motif Mi do r mi do si la sol fa mi Figure Le regard perdu Acteurs The Duke and the Dude Parallele Les h ros sont admirables Critique Tout est relativement simple A consulter 10 12 14 16 17 18 20 FICHE TECENIQUE L Homme qui tua Liberty Valance The Man Who Shot Liberty Valance i q I TOGETHER FOR y THE FIRST TIME JOHN WAYNE j of Tour time VERA MILES LEE MARVIN EDMOND OBREN mov oeme enw 1 Store PS hea a BARRE ed ee a Paramount Pictures Etats Unis 1962 R alisation Sc nario Image Son Montage Musique D cors Costumes Producteur Production Dur e Format Tournage Sortie Interpr tation Tom Doniphon Ransom Stoddard Hallie Stoddard Liberty Valance Dutton Peabody Link Appleyard Doc Willoughby Cassius Starbuckle Nora Ericson Peter Ericson Pompey Reese John Ford James Warner Bellah Willis Goldbeck d apres la nouvelle ponyme de Dorothy M Johnson 1953 William H Clothier Charles Grenzbach Philip Mitchell Otho Lovering Cyril Mockridge Sam Comer Darrell Silvera Edith Head Willis Goldbeck Paramount Pictures 2h 03 1 85 35mm noir et blanc 5 septembre 7 novembre 1961 22 avril 1962 Etats Unis 3 octobre 1962 France John Wayne James Stewart Vera Miles Lee
31. conqu te de l Ouest qui a d velopp la d mocratie et non les centres d cisionnels de la c te atlan tique car elle a fa onn le caract re am ricain optimisme esprit d innova tion gout de l action et individualisme en affranchissant les pionniers de leur origi ne europ enne Le mythe de la Fronti re est n le western va le populariser 10 SEQUENCE Images modifiees Le film est int gralement construit autour de son retournement final introduit par le flashback enchass qui r crit la s quence du duel et affecte la l gende Dans LImage mouvement Gilles Deleuze d finit ce pro c d comme une image modifi e qu il qualifie de forme thique plut t qu pique une image est montr e deux fois mais la seconde fois modifi e ou compl t e de mani re faire sentir la diff rence entre la situation de d part et la situation d arriv e cette derni re ne consistant alors pas en un simple r tablissement de l ordre pisodiquement menac De fait en innocentant Stoddard la version de Doniphon rend possible la substitution de la loi crite de la civilisation la loi tacite de Ouest Mais elle transforme aussi fondamentalement la perception et la compr hension du spectateur car elle r v le un jeu complexe de reprises internes qui concerne plusieurs autres s quences et bouleverse les perspectives du r cit tout entier Dans sa premi re version la s quenc
32. cord est impossible c est lui qui est perdu et l amour 1 Lessentiel pour le r alisateur est de photographier le regard des gens Cit par Scott Eyman in Print the Legend The Life and Times of John Ford Simon amp Schuster 1999 ACTEURS The Duke and the Dude La Chevauch e fantastique de John Ford 1939 Warner Bros La Prisonni re du d sert de John Ford 1956 Warner Bros Le film orchestre la rencontre fantasmatique de deux images oppos es de l id al am ricain incarn es par deux immenses stars du cin ma qui repr sentent deux traditions antagonistes du jeu de l acteur John Wayne figure inalt rable du h ros qu on surnommait The Duke et qui s tait sp cialis dans l underplaying sous jeu et James Stewart ma tre de loverplaying surjeu qui personnifiait de film en film un type quelconque dude Fid le sa m thode habi tuelle John Ford tire parti des traits propres chacun de ses com diens de leurs caract res et de l h ritage de leurs pr c dents r les pour les amplifier et faire exister ses personnages l cran L Homme qui tua Liberty Valance actualise ainsi le face face d autant plus troublant du mythe et de l homme ordinaire que son argument sc naristique feint d inverser les r les PII be around John Wayne est l homme fordien par excellence dont lidentit s est fa onn e au fur et a mesure de sa longue collaboration avec
33. dont il fait preuve en l appelant my boy et en se faisant appeler Mister Tom Plus condescendant encore est le geste de Stoddard la fin du film lorsqu il glisse quelques dollars dans la main de Pompey en pronon ant cette formule Pork chop money l argent des c telettes de porc Mais la position de Ford lui m me est sans ambigu t puisqu il lui fait r citer dans la sc ne de l cole avec l aide de l avocat les premiers mots de la D claration d ind pendance alors qu on aper oit derri re lui le portrait d Abraham Lincoln qui signa l abolition de l esclavage 17 18 PARALLELE Les h ros sont admirables La fameuse d claration de Maxwell Scott This is the West sir When the legend becomes fact print the legend 1 condense toute l ambiguit d un film qui pr sente deux h ros d chus l un Tom Doniphon parce que ses valeurs morales sont obsol tes l autre Ransom Stoddard parce que ses valeurs morales s av rent corrompues puisque c est au prix dun mensonge qu il a contribu a faire merger la civilisation Faut il donc partager lavis du directeur du Shinbone Star et penser que ce mensonge tait n cessaire Interrog sur ce point par Peter Bogdanovich pour un livre d entretiens John Ford a r pondu par l affirmative mais en jouant sur la m me quivocit Oui parce que je pense que c est bon pour le pays Nous avons beaucoup d
34. du cr puscule celle des h ros vieillis tant t m lancoliques tant t cyniques mais toujours ambigus int riorisant d sormais les contradictions de la nation am ricaine Elle s ouvre avec une pop e psychologique selon le mot de Ford lui m me un film dont l action est absolument d pouill e et le style pur La Prisonni re du d sert 1956 qui d tourne le traditionnel r cit de captivit pour lui substituer une qu te destructrice men e par Ethan Edwards h ros aigri et raciste anim par des pulsions meurtri res et incestueuses sans doute le personnage le plus complexe cr par le tandem Ford Wayne Le Fronti re chinoise de John Ford 1966 MGM cin aste poursuit sa r flexion sur le racisme dans Le Sergent noir 1960 puis sur les crimes commis contre les Am rindiens dans Les Cheyennes 1964 qui d crit leur longue marche le Northern Cheyenne exodus depuis le Territoire indien au sud du Kansas jusqu aux terres de leurs anc tres dans le Wyoming Ford traite d ailleurs la guerre de S cession avec le m me d sen chantement dans Les Cavaliers 1959 o une troupe d enfants derni re r serve sudiste met ironiquement en fuite un r giment nordiste pendant la campagne de Vicksburg Enfin dans Les Deux Cavaliers 1961 il confie James Stewart le r le dun marshal corrompu qui n h site pas marchander avec leurs familles le sauvetage de femmes et d enfants enlev s par
35. e les citoyens travailleurs et s rieux le homesteader le commer ant le b tisseur de cit s qui ont besoin de routes de digues et d un tat pour prot ger les droits de chaque homme et de chaque femme Or significativement le journa liste n adresse pas seulement son long discours la foule pr sente dans la salle des lections qui se r partit d ailleurs clairement entre leveurs d un c t et petits fermiers de l autre comme le mon trent leurs pancartes mais aussi directement au spectateur l acteur Edmond O Brien film fronta lement brisant plusieurs reprises linterdit du regard cam ra La le on d histoire est pour nous Cest le spectateur d un western nostalgique de l Ouest h ro que qu il faut convaincre des b n fices du progr s Open range Le d bat porte donc sur l accession au statut d tat et sur l une de ses cons quences la fin de lopen range c est dire de la libre p ture dans les plaines de la r gion Il est l aussi historique Les cattlemen s taient install s sur des terres certes nouvelles mais appartenant au domaine public Ils pratiquaient l levage extensif dans des ranchs tablis au milieu de la prairie sans cl tures ce qui permettait aux cheptels de se d velopper exponentiellement et ils marquaient leurs b tes au fer rouge pour les distinguer de celles des voisins Puis ils les faisaient convoyer par des cowboys endurcis jusqu
36. e dans le magazine Cosmopolitan en juillet 1949 puis dans un recueil intitul Contr e indienne en 1953 John Ford en a acquis les droits pour 7 500 dollars avant d engager en mars 1961 James Warner Bellah et Willis Goldbeck d ja cosc naristes du Sergent noir pour en faire l adaptation Bellah tait lui m me l auteur des trois nouvelles lori gine du cycle de la cavalerie de Ford quant Goldbeck qui avait assur la production de leur pr c dente collaboration Ford lui confia galement celle du film venir L adaptation vers un film d id es L essentiel du travail d adaptation a d abord consist d velopper le contexte politique de l histoire racont e par Dorothy M Johnson en introduisant le th me du conflit entre les magnats de l levage et les petits propri taires fermiers Liberty Valance qui n est qu un hors la loi sans attaches dans la nouvelle devient ainsi un tueur gages au service des gros leveurs tandis que Ransom Stoddard qui cherche seulement se venger dans le texte o il s appelle Ransome Foster se trouve port James Stewart John Ford et John Wayne sur le tournage de L Homme qui tua Liberty Valance Swashbuckler Films par son id alisme et entend d fendre les habi tants de Shinbone dont le nom remplace celui de Twotrees D s lors les deux sc nes consacr es aux lections permettent d expliciter la nature et les enjeux du d bat nouveau lui aus
37. e de le publier parce que dans l Ouest quand la l gende devient r alit il faut imprimer la l gende En quittant les lieux Ransom remarque un cactus en fleurs d pos sur le cercueil de Tom 15 Le retour Washington The man who shot Liberty Valance 01 55 49 01 58 15 Dans le train pour Washington Ransom annonce a Hallie qu il souhaite s installer Shinbone comme avocat Il lui demande qui a pos le cactus sur le cercueil Elle r pond que c est elle Lemploy du train les interrompt pour se r jouir de rendre service l homme qui tua Liberty Valance vid o 2EOT Une histoire vraie Who was Tom Doniphon Avec cette question du journaliste LHomme qui tua Liberty Valance commence comme un r cit d enqu te le titre nigmatique du film en serait d ailleurs la fois la pr misse et la conclusion ce qui motive le flashback et d termine le premier r cit ench ss celui de Stoddard Cela implique galement un aller retour pr sent pass pass pr sent et une structure en boucle le film s ouvre sur l image du train qui arrive Shinbone et se cl t sur celle de son d part Il s agit d une forme narrative simple que vient compliquer le second r cit enchass celui de Doniphon en introduisant un flashback dans le flashback correctif celui l puisqu il r crit une sc ne que le spectateur a d j vue pour en modifier le d nouement et cons quemment la r solution d
38. e du duel est compos e de 32 plans et construite classiquement sur les figures de l alternance et du montage en champ contrechamp qui font ressortir la logique du conflit Elle commence lorsque Stoddard sort dans la rue en v rifiant son revolver 01 27 01 alors qu il vient de d couvrir les s vices inflig s Peabody par Valance Elle s ach ve quand Stoddard rejoint la cuisine du restaurant apr s avoir tu son antagoniste 01 31 23 On suit d abord l avocat pendant sa marche jusqu au saloon Il s arr te devant la vitrine du Shinbone Star apercevant le docteur et deux femmes qui soignent Peabody Puis il arrache ce qui reste de l criteau endommag par Valance sur lequel il avait inscrit sa profession Attorney at law confirmant qu il renonce ses principes pour s abandonner la loi des armes Enfin il croise Highpockets et Kaintuck Au m me moment Valance vient de gagner une partie de poker au saloon gr ce une main compos e d as et de huit noirs Le film ne le pr cise pas mais il s agit de ce qu on appelle une dead man s hand en r f rence Wild Bill Hickok qui avait ces cartes en main quand il fut tu Deadwood en 1876 La mort du hors la loi est donc plac e sous le signe du destin Il boit un dernier verre en proclamant que puisque Stoddard est arm ce qui va arriver rel ve de la l gitime d fense Il sort du saloon et les deux opposants se retrouvent face face dans la rue A1 S
39. e l avocat se trouve encore sous le troisi me B1 En un raccord le dernier pot de peinture et la jarre explosent claboussant Stoddard B2 et A5 le contrechamp donnant ensuite voir Doniphon et Valance qui clatent de rire avec le m me m pris B3 et A6 Mais la victime r agit en frappant Doniphon au visage qui tombe dans la poussi re abasourdi B4 et en abattant Valance qui s effondre au sol mort A8 Le duel reconfigure donc la le on de tir en assimilant les deux rivaux de Stoddard la cause politique et la cause amoureuse se confondant ainsi tandis que les motivations et le portrait de Doniphon s obscurcissent il ne repr sente ni un ami ni une figure positive Et il s agit bien la d une premi re image modifi e pr parant celle que le cowboy prendra lui m me en charge Ainsi lorsqu il explique l avocat qu il n a pas tu Valance Doniphon introduit le flashback en crachant la fum e de sa cigarette et le plan devient flou C1 avant de virer au noir ce qui d signe le caract re vanescent des images qui vont suivre Surtout c est son dos qui fait le noir et le d fait lorsqu il avance dans la ruelle C2 il se confond avec les t n bres comme s il les portait en lui et d voile progressive ment l image en marchant comme si elle manait de son corps D abord spectateur de la sc ne adoss contre un mur C3 il finit par r cup rer le fusil de Pompey et tirer sur Valance en m me temp
40. e l enqu te qui a tu Liberty Valance Un paradoxe s en d duit en le contredisant le r cit de Doniphon porte atteinte l int grit de celui de Stoddard il le d cr dibilise tout entier parce qu il souligne son caract re subjectif mais puisqu il en fait partie int grante par le jeu du double ench ssement il se r fute n cessairement aussi lui m me Sur le plan strictement logique si lon ne peut pas se fier au r cit du s nateur cause de celui du cowboy alors on ne peut pas se fier non plus au r cit du cowboy Or inversement et pour les m mes raisons si le r cit de Doniphon est faux alors celui de Stoddard qui linclut l est aussi En revanche au niveau de la vraisemblance du r cit cadre des fun railles la correction narrative qu apporte Doniphon repr sente la condition m me de la v racit de l histoire que raconte Stoddard il faut que Doniphon ait tu Valance et s en soit confi seulement Stoddard pour que celui ci devenu c l bre et s nateur gr ce lui ait une raison valable et secr te d assister son enterrement C est pourquoi tenter de d m ler le vrai du faux n a aucun sens Les faits et la l gende sont parfaitement indissociables ils se conditionnent et s engendrent mutuellement Il faut les croire tous les deux ou ne croire rien La d construction du western entreprise par Ford ne consiste pas d faire les mythes qui le constituent mais les reconduire e
41. e la loi de Est a Shinbone c est dire la civilisation C est l essence m me du western quexprime ainsi l opposition entre les deux hommes ils forment un couple antagoniste qui transpose le mythe de la Fronti re dans la structure dramatique du film Or comme le front pionnier a fini par submerger les terres vierges le good guy va emporter sur le bad guy On peut n anmoins formuler leur conflit autrement si l on consid re qu ils repr sentent galement deux conceptions de la libert D une part le bandit ne porte pas si mal son pr nom car il renvoie la libert anarchique du territoire lorsque celui ci nest pas encore organis aux plans l gislatif juri dique et conomique Cest un homme d action qui conquiert sa libert par les armes ftit ce au d triment de celle des autres Elle ne peut tre pour lui qu individuelle D autre part l avocat homme d id es et de mots qui voyage avec ses livres de droit d fend une libert collective n cessitant d tre expliqu e travers l ducation civique et m diatis e par les articles du Shinbone Star mais aussi garantie par la Constitution et par l tat qui seul peut imposer la loi et l ordre Education is the basis of law and order peut on lire sur le tableau de la salle de classe o tr nent les portraits de George Washington et d Abraham Lincoln tandis que Doniphon et m me Peabody ironisent sur cette expression Laffron
42. e le soir m me pour un duel 11 Le duel You got yourself out of that fix real handy 01 15 14 01 37 14 Dans la soir e Valance et ses hommes agressent violemment Peabody Ransom renonce alors a s enfuir et le duel a lieu dans la rue Contre toute attente l avocat en sort victorieux Mais bless au bras il est soign par Hallie sous les yeux de Tom qui le f licite tout en comprenant qu il vient de perdre celle qu il aime Apr s s tre enivr au saloon il rentre chez lui avec Pompey 12 La maison incendi e The horses Pompey The horses 01 37 15 01 39 27 Tom met le feu a la nouvelle aile de sa maison Pompey le sauve des flammes puis lib re les che vaux de leur enclos 13 Les lections de Capitol City Think back pilgrim 01 39 28 01 54 05 Plus tard a Capitol City se tient l lection du d l gu territorial au congr s de Washington Peabody propose la candidature de Ransom mais mis en cause pour le meurtre de Valance par le repr sentant de son adversaire politique l avocat quitte la convention Tom le rattrape et lui confie qu il n est pas le meurtrier c est Tom cach dans une ruelle sombre qui a abattu Valance d un coup de fusil D livr de ses scrupules Ransom peut donc se faire lire et pouser Hallie 14 La fin d une histoire Print the legend 01 54 06 01 55 48 Le r cit du s nateur s ach ve mais le directeur du journal refus
43. e personnes qui sont suppos es avoir t de grands h ros et vous savez sacr ment bien qu elles ne l taient pas Mais c est bon pour le pays d avoir des h ros admirer comme Custer un grand h ros Eh bien il ne l tait pas Non qu il ait t un homme stupide mais il a agi stupidement ce jour l D un autre c t bien s r la l gende a toujours quelque fondement Largument que d fend ici le cin aste maintient parfaitement la posture dialectique de son film les mythes sont n cessaires et illusoires ils servent la nation et abusent l opinion publique Les h ros sont faillibles et il faut les admirer ou sont admirables et il faut douter d eux Or l exemple qu il retient est d autant plus int ressant qu il concerne l une des figures les plus embl matiques de l histoire am ricaine et qu il en a lui m me tir un film en 1948 Le Massacre de Fort Apache s inspirant de la bataille de Little Big Horn au cours de laquelle George Armstrong Custer conduisit cinq compagnies du 7e r giment de cavalerie la d faite contre les guerriers sioux et cheyennes de Sitting Bull et de Crazy Horse en raison selon nombre d his toriens d une s rie d erreurs de strat gie Requiem pour un massacre Il s agit donc de l histoire du lieutenant colonel Owen Thursday Henry Fonda qui nouvellement nomm au commandement d un fort dans le Territoire de l Arizona provoque le carnage de ses troupes
44. e que son patron a tir au sort lesquels de ses employ s devaient s instruire le jour des lections Shinbone il essaye en vain de rentrer dans le saloon avec une bonbonne d alcool enfin toujours accompagn de son ami Highpockets il rencontre Stoddard juste avant son duel avec Valance son b gaiement ext riorisant alors ponctuellement la peur de l avocat De m me Herbert Carruthers le simple d esprit qui se comporte comme un enfant alors qu il est adulte forme un duo comique avec son p re apr s l avoir surpris la p che le vieil homme le tra ne en classe et demande Stoddard de lui infliger une correction mais le professeur refuse pour la raison vidente qu il est trop grand aux lections de Shinbone Doniphon le renvoie l cole au pr texte inverse qu il est trop jeune pour voter aux lections de Capitol City son p re lui retire une premi re puis une deuxi me fois une sucette de la bouche mais Herbert en ressort imm diatement une troisi me de sa poche Il s agit l d une utilisation traditionnelle du comique de r p tition qu on retrouve avec Doc Willoughby le compagnon de beuverie de Peabody incapable de monter seul dans sa voiture et donnant d inutiles conseils m dicaux au marshal Get your supper and go to bed No charge Le m decin d chu figure r currente du western fournit galement l occasion d un gag partir d une variation sur un clich du genre l i
45. els du cin ma l ouest du temps laube des ann es soixante alors que Sam Peckinpah et Sergio Leone pr parent leurs armes le maitre du western classique John Ford c l bre ses soixante huit ans en sonnant le glas du genre Il r alise un western cr pusculaire qui r unit deux des stars les plus importantes de l poque deux images possibles du h ros John Wayne taciturne et implacable et James Stewart volubile et douloureux Lun des deux est l homme qui tua Liberty Valance Le film s ouvre sur le constat de la disparition de Ouest historique et en propose une relecture la fois m lancolique et d sabus e tragique et dr le Loin des grands paysages dans un d cor de carton p te et sous un clairage expressionniste r inventant le cin ma muet un vertigineux ench ssement de flashbacks d construit la l gende et interroge les rapports entre la violence et la loi l individu et la communaut la tradition et le progr s Int gralement plac sous le signe de la r cri ture non seulement des v nements historiques et des grands r cits cin matographiques qu ils ont inspir s mais aussi des films de Ford lui m me ce p lerinage dans l espace et dans le temps jusqu au tombeau de la Fronti re repr sente avant tout une poignante lecon d histoire s R DACTEUR EN CHEF Thierry M ranger est depuis 2004 critique et membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma
46. ent bient t le voir pour lui demander de confirmer son offre Lair compos par Newman accompagne alors leur dialogue ponctuant l inqui tude qu prouve Hallie l id e de ne pas arriver apprendre puis la joie qui se mani feste sur son visage lorsque son futur enseignant la rassure Quelques instants plus tard pendant que Doniphon r v le Peabody son intention d pouser la jeune femme celle ci montre Stoddard le cactus en fleurs offert par le cowboy et plant par Pompey dans Parri re cour Or le th me musical s impose nouveau tandis qu il lui demande si elle a d j vu une vraie rose d montrant ainsi l emprise affective croissante qu il exerce sur elle Plus clairement encore la fin de la s quence de l cole les deux personnages se disputent parce que Stoddard a renonc faire cours en apprenant les nouvelles violences commises par Valance Et l avocat demande Hallie de rejoindre Doniphon qui ne cherche qu la prot ger cet instant pr cis la m lodie r appara t ironiquement pour signifier que c est lui qu elle aime ce que corrobore sa r action affol e quand elle apprend qu il s entra ne au tir pour se confronter au bandit Doniphon qu elle appelle l aide n est d ailleurs pas dupe puisqu il prend soin de dire express ment son rival que Hallie est sa petite amie Mais c est en vain car l issue du duel alors qu elle soigne son bras elle avoue enfin Stodd
47. entiellement le classicisme du film dans Combat Henry Chapier salue une fable morale dont les ressorts dramatiques n ont rien envier une trag die l antique dans Arts Jean Louis Bory loue un excellent sc nario joliment doux amer dans Le Figaro Louis Chauvet admire un beau film plein d lans oratoires de m ditation et d action dans T l rama Gilbert Salachas estime qu il atteint un quilibre presque parfait entre les touches d motion et le sens de l humour enfin dans Les Cahiers du cin ma Claude Jean Philippe met l accent sur sa dimension universelle En revanche Positif ne propose pas de compte rendu du film et deux critiques relativisent s rieusement ces louanges Yvonne Baby crit dans Le Monde qu il souffre d tre compar La Chevauch e fantastique dont il n a ni le lyrisme ni le style inspir tandis que Marcel Martin d plore dans Les Lettres fran aises un cin ma appliqu anonyme et froid qui serait l apoth ose de la m canique Mais am ricaines ou fran aises positives ou n gatives toutes ces critiques semblent aveugl es par l abstraction de la mise en sc ne de Ford son apparente simplicit et elles manquent l ambivalence profonde du film Dans ce contexte un article ressort singuli rement celui r dig pour La Nouvelle Revue fran aise par l crivain Claude Ollier associ au Nouveau Roman qui vacue assez rapidement l
48. es qualit s tradition nelles de divertissement et d efficacit pour mieux faire ressortir la dimension r flexive de enchassement des r cits subjectifs et ambiguit corr lative des personnages premi re vue sans trop s attarder tout est relativement simple le s nateur Ransom Stoddard cheveux blancs tr s consid r au terme d une brillante carri re qui va peut tre le porter la vice pr sidence de l Union se rend impromptu dans le lointain Etat de l Ouest qui fut le th tre de ses premiers exploits l occasion d une interview accord e au journal local il d truit lui m me la l gende qui est l origine de sa fortune politique ce n est pas lui qui a d barrass la contr e du fameux et redoutable hors la loi mais un certain Doniphon qui vient de mourir et sur le cercueil de qui il s incline Stoddard croyait au triomphe du Droit Doniphon n y croyait pas arm jusqu aux dents c est lui qui l instant fatidique a mortellement frapp l ennemi public et non Stoddard sur le point d tre occis Mais les journalistes d chirent leurs notes laissons la l gende intacte cest bien plus beau ainsi quoi bon en fin de compte laver les cerveaux de leurs images erron es D o ce double enseignement le Droit sans la force n est rien et la l gende emportera toujours sur la v racit des faits Le film est construit sur un grand retour arri re correspondant au r cit de Stoddard Reto
49. ia Pictures tragique solitaire et infinie du m me d cor monumental son cercueil dans CHomme qui tua Liberty Valance v ritable tour de force de la mise en sc ne qui prend acte non de la fin du mythe mais de son changement de nature tre selon l image d apr s une expression de Nicole Brenez Wayne ma plus besoin d tre dans l image puisque sa pr sence spectrale irradie d sormais le film tout entier You talk too much think too much James Stewart vient du th tre et surtout des com dies de Frank Capra o il s est fabriqu une identit d Am ricain moyen homme imparfait et mal assur emp tr dans son corps trop grand ne sachant que faire de ses mains dont l extr me mobilit est devenue sa signature d acteur Gr ce Capra il est pass ma tre dans l expression exag r e de la maladresse et de l agitation notam ment travers les morceaux de bravoure oratoires de Mr Smith au s nat Mr Smith Goes to Washington 1939 et de La vie est belle Its a Wonderful Life 1947 o il d cline toutes les formes de balbutiements et de bafouillements qu on retrouve dans la bouche de Ransom Stoddard You talk too much think too much lui reproche le laconique John Wayne Tom Doniphon au d but de la s quence du flashback ench ss Mais ce qui fascine dans l Homme qui tua Liberty Valance c est que Ford lui fait retrouver cette nature qu il avait d laiss e au profit de la passivit
50. is la m lodie sugg re aussi que les choix de vie de Lincoln ont t dict s par le souvenir de la morte qu il s agisse de ses tudes de ses relations amoureuses ult rieures ou de ses d cisions professionnelles Le deuil v cu par le futur pr sident des tats Unis et sa glorieuse destin e se trouvent ainsi inextricablement li s Images ci dessus et les deux suivantes Vers sa destin e de John Ford 1939 20th Century Fox Le duel amoureux Dans L Homme qui tua Liberty Valance le theme d Ann Rutledge corr l d sormais aux motions de Hallie change de valeur selon la temporalit dans laquelle il intervient Ainsi lorsqu on l entend au d but et la fin du film dans la sc ne o la femme du s nateur et Link Appleyard vont revoir la maison de Doniphon puis dans celle o son mari vient la chercher aupr s du cercueil pour repartir Washington la musique refl te son attachement amoureux au cowboy disparu Mais tout au long du flashback c est son affection pour Stoddard que d signe progressivement la m lodie les senti ments naissants h sitants contradictoires puis infrangibles que comme Lincoln Hallie nose pas exprimer et dont sans doute elle n a d abord pas conscience Cela commence dans la cuisine du restaurant lorsque le juriste devenu plongeur lui propose de lui apprendre lire Vex e elle se met en col re et quitte subitement la pi ce pour aller servir les clients mais elle revi
51. ivement le joyeux d sordre dans lequel le processus d mocratique se met en place le vote se fait a main lev e sous les cris et les clats de rire de l assistance au point que Doniphon doit frapper vigoureusement du maillet pour obtenir le calme crasant au passage le chapeau du r dacteur en chef du Shinbone Star Ce dernier est ensuite d sign comme candidat par les ins parables Highpockets et Kaintuck non seulement parce qu il sait lire et crire mais surtout parce que quand il boit il a la langue bien pendue l expression anglaise talk the ears off a woo den Indian sav rant d autant plus savoureuse que Kaintuck la prononce en b gayant Au demeurant Peabody ne manque pas de d montrer son talent oratoire en num rant dans un discours aux accents lyriques tout ce qu il peut repr senter pour ses concitoyens en tant que journaliste leur conscience leur chien de garde et leur p re confesseur Mais Doniphon lui fournit ironi quement une chute il est surtout l ivrogne de la ville towndrunk Capitol City cest le mariage de la politique et du spectacle qui suscite le rire un cowboy de rod o p n tre a cheval dans la salle des lections pour monter sur sc ne et faire tournoyer un lasso autour du candidat des leveurs de b tail Buck Langhorne tandis que sa monture s abreuve a la carafe du pr sident de s ance m content Le nom m me du candidat se veut satirique puisque la Longhorn est
52. la col re The Grapes of Wrath 1942 La Bataille de Midway The Battle of Midway 1945 Les Sacrifi s They Were Expandable 1946 La Poursuite infernale My Darling Clementine 1948 Le Massacre de Fort Apache Fort Apache 1949 La Charge h ro que She Wore a Yellow Ribbon 1950 Rio Grande 1952 l Homme tranquille The Quiet Man 1956 La Prisonni re du d sert The Searchers 1959 Les Cavaliers The Horse Soldiers 1960 Le Sergent noir Sergeant Rutledge 1961 Les Deux Cavaliers Two Rode Together 1962 L Homme qui tua Liberty Valance The Man Who Shot Liberty Valance 1963 La Taverne de l Irlandais Donovan s Reef 1964 Les Cheyennes Cheyenne Autumn 1966 Fronti re chinoise Seven Women Vera Miles dans La Prisonni re du d sert de John Ford 1956 Warner Bros Andy Devine dans La Chevauch e fantastique de John Ford 1939 Warner Bros John Carradine dans La Chevauch e fantastique de John Ford 1939 Warner Bros Woody Strode dans Le Sergent noir de John Ford 1960 Warner Bros GENESE L Ouest d pouill Lhomme qui tua Liberty Valance est originel lement une nouvelle de Dorothy M Johnson dont deux autres textes ont t adapt s au cin ma La Colline des potences Delmer Daves 1959 et Un homme nomm cheval Elliot Silverstein 1970 Privil giant la forme courte et le genre d abord litt raire du western elle a publi sa nouvell
53. le qui n ayant jamais vu une vraie rose voudrait qu on endigue un jour la rivi re pour cultiver toutes sortes de fleurs elle qui demande son mari la fin du film quand il voque le projet de loi sur lirriga tion sil n est pas fier d avoir transform une terre aride en jardin Qu en est il alors de Tom Doniphon Il appartient au monde de Valance dont il comprend qu il est perdu et il choisit celui de Stoddard dont il sait qu il lui est interdit Il devient l homme de la tran sition qui rend possible le projet de la nouvelle communaut en abandonnant ses projets per sonnels Il tue Valance il br le sa maison il renonce Hallie Et il quitte la fiction dans un plan qui souligne son paradoxe il vient de rassurer Stoddard lequel rejoint les hourrahs des lecteurs et il avance p niblement vers la sortie jetant sa cigarette dans un geste qui m le la d tresse lamertume avant de passer devant une affiche lectorale et de dispara tre d finitivement dans le hors champ Sur l affiche on peut lire VOTE TERRITORY AND THE OPEN RANGE Il vient de mettre fin au monde auquel il croyait La force de l homme de l Ouest s est ainsi mise au service des id es de l homme de l Est Il ne restera de lui qu un cactus en fleurs sur un cercueil son jardin La conqu te de l Ouest Certains enjeux du western et tout particuli rement dans L Homme qui tua Liberty Valance ne donnent toute leur me
54. les Comanches Mais c est certainement l Homme qui tua Liberty Valance 1962 qui repr sente le point d aboutissement de la d construction du genre en probl matisant comme jamais les rapports entre la violence et la loi l individu et la commu naut la tradition et le progr s Le dernier western Il faut pourtant r server une place part Fronti re chinoise 1966 le dernier film de John Ford d une exceptionnelle beaut Si son action se d roule dans une mission chr tienne en Extr me Orient il n en est peut tre pas moins en d pit des apparences un western Il en condense en tout cas nombre de parti cularit s commencer par le traitement de son h ros sacrificiel le Dr Cartwright mais avec cette r jouissante nouveaut Cest une femme interpr t e par Anne Bancroft M lancolique et furieuse comme Ethan Edwards dans La Prisonni re du d sert elle sauve son tour la communaut en se donnant un Barbare avant de s clipser en partageant avec lui une tasse de poison pour clore l uvre de Ford sur ces mots So long you bastard FILMOGRAPHIE SELECTIVE John Ford 1917 Le Ranch Diavolo Straight Shooting 1924 Le Cheval de fer The Iron Horse 1926 Trois Sublimes Canailles Three Bad Men 1932 T te br l e Air Mail 1935 Le Mouchard The Informer 1939 La Chevauch e fantastique Stagecoach Vers sa destin e Young Mr Lincoln 1940 Les Raisins de
55. loi et de l ordre emergeant de la sauce et de la pur e the spectacle of law and order here rising up out of the gravy and the mashed potatoes Mais Stoddard est d abord un pied tendre tenderfoot comme le dit Doniphon d s le premier soir d o ses surnoms les plus r currents tous deux synonymes de l appellation sarcastique des nouveaux arrivants dans l Ouest dude un touriste en provenance de l Est dans la bouche de Valance et pilgrim pelerin dans celle de Doniphon qui ignore evidemment ironie du sort qu un p lerinage se fera bien a Shinbone avec Hallie pour son propre enterrement ie 14 VIO T Mi do r mi do si la sol fa mi John Ford prouvait une telle affection pour un th me musical compos en 1939 par Alfred Newman pour son film Vers sa destin e consacr aux pr misses de la carri re d avocat d Abraham Lincoln qu il d cida de l int grer vingt trois ans plus tard la musique de CHomme qui tua Liberty Valance en compl ment de la partition crite par Cyril Mockridge et de la dizaine d airs traditionnels qu on peut galement y entendre Dans les deux films cette m lodie m lancolique est associ e une figure f minine et au sentiment amoureux mais avec un double effet d inversion dans l un elle d signe la constance des sentiments de Lincoln Henry Fonda pour son premier amour Ann Rutledge Pauline Moore dans l au
56. n montrant leur fabrication il raconte ensemble l histoire et l histoire de l histoire Back to the West Cette double ambition se manifeste d s l introduction du premier flashback Stoddard ouvre son r cit en opposant le train qui renvoie la fin de la conqu te de l Ouest et la diligence qui en symbolise les temps h roiques Il s approche alors d une vieille diligence entrepos e dans l atelier du charpentier et entrepreneur de pompes fun bres C est sur elle que d bute quelques instants plus tard le fondu encha n qui remonte le temps jusqu au voyage interrompu par l attaque de Valance et de ses sbires Or lorsque le s nateur en enl ve la poussi re pour lire le nom de la compagnie de transport laquelle elle appartient il d couvre stup fait que c est celle qu il avait emprunt e par le pass pour tenter sa chance dans l Ouest La coincidence attire in vitablement l attention sur le nom en question Overland Stage qui fonctionne comme une allusion la fois historique et cin matographique Car ce nom voque d une part la premi re ligne transcontinentale de transport par diligence aux tats Unis et d autre part le mod le fordien du western classique La Chevauch e fantastique dont le titre original est justement Stagecoach et o l on suit un voyage en diligence sur l Overland Stage Line D s lors le retour en arri re se joue trois niveaux celui du r cit Stoddard se
57. ondation du mythe cin matographique de l homme de l Ouest La Prisonni re du d sert en avait pr sent la face la plus sombre L Homme qui tua Liberty Valance devait d clarer sa mort symboliquement signifi e par l image du cercueil de Doniphon D autres membres de la troupe fordienne furent encore invit s tenir des petits r les C est le cas de Carleton Young Maxwell Scott le directeur du Shinbone Star de Shug Fisher Kaintuck le b gue de Jack Pennick Jack le barman du saloon de Willis Bouchey Jason Tully le chef de train d Anna Lee Mrs Prescott la veuve de la diligence et de Frank Baker un joueur de poker l poque tous repr sentaient des visages fami liers pour le spectateur des westerns de Ford si bien qu ils incarnaient collectivement l id e m me de communaut si importante dans son uvre Quant aux interpr tes des acolytes psychopathes de Valance Strother Martin Floyd et Lee Van Cleef Reese qui s tait d ailleurs sp cialis dans les figures de m chants taciturnes depuis Le train sifflera trois fois High Noon 1952 de Fred Zinnemann ils pr figuraient les r les qu ils allaient assumer dans le western moderne l un chez Sam Peckinpah notamment dans La Horde sauvage The Wild Bunch 1969 et l autre chez Sergio Leone dans Le Bon la brute et le truand Il buono il brutto il cattivo 1966 La nouvelle de Dorothy M Johnson La lecture de l incipit de l
58. oquent son pro pri taire sans le nommer et une pi ce de la maison qu il ma jamais fini de construire Link descend de la voiture pour cueillir un cactus 4 Devant le cercueil Put his boots on 00 07 33 00 13 47 L entretien entre Ransom et les journalistes se termine le s nateur expliquant la raison de sa pr sence en ville l enterrement de Tom Doniphon dont ses interlocuteurs n ont jamais entendu parler Avec Hallie et Link il se rend chez l entre preneur de pompes fun bres oti se trouve le cercueil veill par Pompey un vieil homme noir Ransom demande a voir le corps puis exige qu on mette ses bottes ses revolvers et ses perons au d funt Les journalistes surgissent et revendiquent le droit de savoir qui tait Doniphon Ransom les suit dans la pi ce voisine ott il reconnait une diligence poussi reuse celle dans laquelle jeune dipl m en droit il est arriv Shinbone pour la premi re fois Il commence raconter son histoire 5 L attaque de la diligence PIL teach you law Western law 00 13 48 00 17 31 Quatre hommes attaquent la diligence qui trans porte Ransom et d valisent les passagers Mais l avocat leur r siste et leur chef le fouette sauva gement pour lui apprendre la loi de l Ouest avant de s enfuir en le laissant pour mort 6 Le bon Samaritain What kind of a com munity have I come to here 00 17 32 00 27 42 Tom Doniphon et Pompey
59. ou veau avec La Chevauch e fantastique 1939 le premier de ses quatorze westerns parlants qui introduit deux constantes de son uvre le h ros scind quwincarne John Wayne et le d cor de Monument Valley sublime et subjectif Mais c est aussi le western classique qu il fa onne en s assurant de la simplicit de l intrigue en d clinant la typologie des r les et des sc nes oblig es en alternant les moments de tension et de d tente et en d veloppant sa maitrise de la composition de l image et du montage qui opposent l int rieur le foyer et Pext rieur l errance La Poursuite infernale 1946 c l bration de Wyatt Earp Henry Fonda et de la fusillade d O K Corral o l on voit encore se confondre la vengeance et la justice constitue l apog e de ce classicisme Mais les deux premiers volets dux cycle de la cavalerie qui se consacre la d fense des fronti res et s ach ve avec Rio Grande 1950 d clinent bient t une vision plus ambivalente de la conqu te de l Ouest d j dans Le Massacre de Fort Apache 1948 inspir par la d faite du g n ral Custer en juin 1876 une l gende difiante se substitue une r alit atroce tandis que dans La Charge h ro que 1949 pr cis ment au lendemain de la bataille de Little Big Horn Nathan Brittles John Wayne prend sa retraite militaire et porte un regard d sabus sur les guerres indiennes Westerns cr pusculaires 1956 1964 Voici l heure
60. parnasse 2007 La Chevauch e fantastique Montparnasse 2007 La Poursuite infernale DVD 20th Century Fox 2004 Blu ray 2014 La Prisonni re du d sert DVD Warner 2000 Blu ray 2007 Vers sa destin e DVD Filmedia 2012 Le Massacre de Fort Apache DVD ditions Montparnasse 2012 Les Cavaliers DVD MGM United Artists 2004 Blu ray 2012 Les Cheyennes DVD Warner 2006 Les Deux Cavaliers DVD Sony Pictures Entertain ment 2005 Les Raisins de la col re DVD 20th Century Fox 2005 Blu ray 2012 DVD ditions Autour du film Peter Bogdanovich Directed by John Ford DVD Warner dition am ricaine 2009 Bibliographie La nouvelle Dorothy M Johnson l homme qui tua Liberty Valance Contr e indienne ditions Gallmeister 201 Sur LHomme qui tua Liberty Valance Barth lemy Amengual La structure de l glan tine Positif n 243 juin 1981 Jean Louis Leutrat L Homme qui tua Liberty Valance Ftude critique Nathan 1995 Claude Ollier Homme qui tua Liberty Valance Souvenirs cran Cahiers du cin ma Gallimard 1981 Sur la vie et l uvre de John Ford Peter Bogdanovich John Ford University of California Press 1978 en anglais Patrick Brion John Ford La Martini re 2002 Jean Collet John Ford La violence et la loi Editions Michalon coll Le bien commun 2004 Jacques D niel Jean Francois Roger Charles Tatum Jr dir
61. pour assouvir son d sir de gloire M prisant la fois les Indiens et ses propres soldats il trahit la parole Le Massacre de Fort Apache de John Ford 1948 RKO Radio Pictures du capitaine Kirby York John Wayne qui avait r ussi obtenir une n go ciation pacifique avec Cochise Miguel Incl n et s effondre au milieu de ses hommes au cours d une charge suicidaire acc dant dans la mort la renomm e dont il avait tant r v A la fin du film qui pr figure celle de VHomme qui tua Liberty Valance York prend la t te de la garnison et re oit la visite de journa listes ils doivent l accompagner lors d une exp dition contre Geronimo Lun d eux en profite pour voquer un tableau expos Washington repr sentant la charge h ro que de Thursday et attestant qu il est devenu une l gende le h ros de tous les coliers d Am rique Le nouveau commandant qui s tait oppos la d cision absurde de son pr d cesseur accr dite pourtant cette version officielle Il affirme que le tableau est juste dans le moindre d tail et pr cise Aucun homme n est mort plus courageusement ni n a gagn plus d honneur pour son r giment Un autre journaliste s enquiert alors d un officier tu pendant la bataille Collingwood dont il corche le nom ce qui agace York Et un troisi me de remarquer C est l ironie de l histoire on se souvient des Thursday mais les autres sont oubli
62. quette de Thursday Pour finir le r giment quitte le fort suivant les m mes man uvres que lors de la sortie ayant abouti au massacre film selon les m mes cadrages et avec la m me chanson de marche militaire recouvrant la bande son The Girl I Left Behind Me V rit individuelle et illusion collective l vidence York ne ment pas pour prot ger l image du vaniteux lieutenant colonel mais celle des modestes soldats de la cavalerie ces fant mes qui d filent sur cran comme dans sa m moire Le montage oppose d ailleurs le plan lyrique o il parle d eux tournant le dos aux journalistes absorb dans ses pens es le regard port vers le d sert celui prosa que o il revient vers ses interlocuteurs et fait all geance au portrait de Thursday en leur servant le discours qu ils ont envie ou besoin d entendre C est l esprit de corps qui s exprime travers le nouveau commandant son d vouement c est dire justement ce qui manquait au pr c dent dont il d tourne la l gende personnelle pour faire l histoire des anonymes repr sentant le v ritable honneur de l arm e Pourtant en se terminant sur la reproduction l identique de la mise en sc ne de la premi re sortie du fort le film sugg re ironiquement que la perp tuation du mythe tout comme celle des rituels qu il engendre risque bien de conduire aux m mes cons quences d sastreuses York est tragiquement condamn continuer l
63. r ses sentiments avec d autres Or d une certaine mani re son regard se perd pour les viter il disjoint les affects et d tache les tres l inverse deux des plans les plus troublants du film sont ceux o le regard de Hallie r unit Stoddard et Doniphon apr s la s quence de l cole La jeune femme appelle le cowboy dans la rue parce qu elle vient d apprendre que l avocat s entraine au tir pour combattre Valance Cela implique d abord une classique interpellation du hors champ mais l aussi un fondu encha n semble actualiser la pens e de Hallie tandis que son regard change de nature il commence par tre inquiet 7 puis devient songeur quand appara t en surimpression le plan o Doniphon rattrape Stoddard dans l espace ind termin et 8 9 fantasmatique du d sert 8 Lenchainement sugg re un entre deux de l image prise entre la subjectivit du personnage f minin et lob jectivit suppos e de l nonciateur invisible du film Le regard perdu figure ainsi la puissance de la pens e Enfin une fois seulement Doniphon regarde dans le vide lorsqu il quitte Capitol City apr s avoir renonc Hallie 9 Il ne s agit pas alors d un regard tourn vers le pass mais du d sespoir d un homme priv d avenir d j mort symboliquement Ses yeux teints voient le futur vanoui ceux de Hallie consid rent le pass disparu et leurs regards se ratent dans le temps irr versible Le rac
64. r un groupe de r alisateurs appartenant au conseil d administration et men s par Cecil B DeMille Ils souhaitent imposer un serment de non communisme aux membres du syndicat mais aussi envoyer aux producteurs la liste des r alisateurs refusant de signer ledit serment ils sugg rent ainsi la cr ation d une nouvelle liste noire dans l esprit de celle tablie en 1947 par la commission sur les activit s anti am ricaines qui regroupe d j les noms d artistes hollywoodiens soup onn s de sympathies avec le Parti communiste Or le pr sident de la Screen Directors Guild Joseph L Mankiewicz soutenu notamment par John Huston et Joseph Losey s oppose cette motion C est pourquoi DeMille l attaque violemment et tente d obtenir sa r vocation La r union houleuse a commenc 19h30 et plusieurs cin astes tels que Rouben Mamoulian George Stevens et William Wyler ont d j pris la parole pour contrer DeMille et d fendre Mankiewicz Mais c est seulement un peu apr s minuit que l un des fondateurs du syndicat jusque l silencieux portant une casquette de base ball des lunettes noires et des chaussures de sport fumant sa pipe ou selon une vieille habitude m chonnant un mouchoir l ve la main pour prendre la parole de mani re d cisive Il d clare d abord Je m appelle John Ford Je fais des westerns Puis apr s avoir rappel que la cr ation m me du syndicat avait pour but de prot ger les cin
65. rem morant son pass celui de l histoire am ricaine que le film entend explicitement revisiter et travers l autocitation celui du western et du cin ma de Ford lui m me En outre le registre de cette triple relecture est annonc gr ce au m me fondu encha n la faveur d un chevauchement sonore de la voix de Stoddard qui glisse de l image du pr sent celle du pass en d formant une citation attribu e l ditorialiste Horace Greeley cf p 9 Go West young man go West and seek fame fortune adventure Pr cis ment au mot adventure Valance surgit de l en deca du cadre pour tirer un coup de feu arr ter la diligence et contredire ironiquement l enthousiasme du personnage narrateur A cet instant le bandit repr sente le hors champ du discours de Stoddard Greeley sa part cach e il surgit pour ainsi dire des coulisses de l histoire pour en corriger le cours innocent Les coulisses de l histoire De fait la m taphore des coulisses se trouve concr tement mat rialis e tout au long du film par le traitement du d cor La plupart des lieux sont d doubl s constitu s d un espace public principal et d un espace secondaire attenant priv ou cach mais d terminant pour le d roulement de l action les pompes fun bres avec l atelier o Stoddard parle aux journalistes et l arri re pi ce o Hallie Pompey et Link se recueillent devant le cercueil le restaurant avec la
66. rsonne Ses cheveux en brosse taient blancs sa figure rid e aussi vide que sa vie l avait t La mort cependant y avait ajout de la dignit Une grande gerbe s etalait derri re le cercueil Sur la carte on lisait S nateur et Madame Ransome Foster I n y avait pas d autres fleurs except quelques boutons p les et sans feuilles roses et jaunes parpill s sur le tapis recouvrant le pas de la porte et qui passaient presque inapercus Plissant les yeux le reporter finit par les identifier nom d un fusil Des boutons de figuier de barbarie Des fleurs de cactus Cela paraissait appro pri pour le vieux des fleurs qui pous saient sur les terres en friche de la prairie Bon c tait gratuit pour ceux qui se donnaient la peine de les ramasser et les amis de Barricune n avaient pas l air for tun s Mais pourquoi le s nateur avait il envoy une couronne Quelque chose retarda la c r monie et entrepreneur des pompes fun bres s impatienta Le reporter se redressa sur son si ge quand il vit entrer les deux derniers amis du d funt Le s nateur Foster pas de doute c est lui avec son bras estropi et voil pro bablement sa femme Le Congr s est toujours en session il a donc fait le chemin depuis Washington Pourquoi se donne rait il tant de peine pour une vieille pave comme Bert Barricune Quand l enterrement fut termin le repor ter lui posa la question Le s na
67. s Pendant ce temps le commandant s est approch de la fen tre de son bureau pour jeter un il dehors Il d clare solennellement Ils ne sont pas oubli s parce qu ils ne sont pas morts tandis que la cam ra change d axe de prise de vue York est film frontalement depuis l ext rieur travers la fen tre et le r giment conduit par Thursday d file en surimpression sur cette image On entend une version instrumentale de The Battle Hymn of the Republic jusqu la fin de la tirade du personnage Ils vivent juste l dehors Collingwood et les autres Ils conti nueront vivre tant que vivra le r giment La paye est de treize dollars par mois leur r gime des haricots et du foin peut tre de la viande de cheval avant la fin de cette campagne Ils se battent pour des cartes ou du mauvais whisky mais partagent leur derni re goutte d eau York maintenant film en plan rapproch paules ajoute Les visages peuvent changer et les noms mais ils sont l ils sont le r giment l arm e r guli re aujourd hui et dans cinquante ans encore Puis il se retourne vers les journalistes en plan am ricain et marche vers un portrait de Thursday accroch au mur Ils sont de meilleurs hommes que ceux qu ils taient Thursday a fait a Il en a fait une unit dont on peut tre fier Un soldat interrompt alors la conversation et York rejoint la troupe pr te pour le d part en rev tant la cas
68. s que Stoddard C4 puis il retourne vers la cam ra pour r introduire l obscurit Son geste est parfaitement ambivalent ni moral ni amoral il r quilibre le rapport de force entre les deux tireurs tout en trahissant la r gle m me du duel Il ne se substitue pas Stoddard mais le double dans les deux sens du terme Il le sauve et le trompe l emp chant aussi de se sauver lui m me Et ce faisant il r crit encore une autre s quence celle du steak renvers au restaurant d j il s tait interpos entre les deux hommes trans formant la nature m me de la confrontation D1 d j Pompey assurait ses arri res le m me fusil en main D2 ne laissant aucune chance Valance de s en sortir d j la logique galitaire du champ contrechamp se trouvait an antie par la figure exc dentaire de Doniphon surgissant du hors champ Or une derni re image modifi e est encore impliqu e par le jeu vertigineux de r criture du film Le plan de Doniphon contre le mur avant qu il intervienne pour changer le cours du duel reprend en effet celui o apr s avoir surpris Stoddard dans les bras de Hallie ombre parmi les ombres EL pr voyant C2 il allume une cigarette sur son chemin vers le saloon E2 anticipant C3 On pouvait alors penser que cette image marquait son d pit amoureux Elle explicite d sormais son intervention il tue le hors la loi non pour sauver l avocat mais pour d fendre celle qu il aime contre une
69. semble dans le plan dans le train dans la vie mais s par s par un fant me Et on entend une derni re fois le th me spectral d Ann Rutledge Le pass n est jamais mort Il n est m me pas pass crirait William Faulkner 1 William Faulkner Requiem pour une nonne 1951 15 16 vid o GURE Le regard perdu noiire The main thing about directing is photograph the people s eyes disait Ford Une image r currente dans ses films le prouve repr sentant le regard perdu dans le vide d un personnage absorb dans ses pens es Il s agit le plus souvent du h ros afflig au moment o il songe la mort de ceux qu il aime Trois exemples choisis parmi les r les de John Wayne en attestent le regard de Ringo Kid dans La Chevauch e fantastique alors qu il vient de mentionner la mort de son fr re 1 celui de Kirby York dans Le Massacre de Fort Apache tandis qu il fait l loge des soldats morts au combat 2 celui d Ethan Edwards dans La Prisonni re du d sert quand il comprend qu il ne pourra pas sauver la famille de son fr re d une attaque des Comanches 3 Tous ces personnages sont alors absents au monde qui les entoure et qui semble s vanouir dans le flou de l image Ils contemplent des visions int rieures plong s dans une m lancolie qui interrompt le r cit pique pour impressionner la pellicule de leur humanit tourment e Le western devient tragique
70. si sur le passage du statut de territoire a celui d Etat De la m me mani re les sc naristes ajoutent deux person nages importants Pompey l ami et domestique de Tom Doniphon et Dutton Peabody le r dacteur en chef du Shinbone Star Le premier offre l occasion de plusieurs notations sur la condition des Noirs le second rend pr pond rant le th me de la presse qui est associ e aux valeurs d mocratiques D autre part le sc nario ne se contente pas de maintenir limpr cision g ographique du r cit litt raire le nom du territoire o se situe l action n tant stipul dans aucune des deux uvres il en efface galement les indications chronolo giques En effet l enterrement se d roule en 1910 dans la nouvelle et le duel trente ans plus t t tandis qu aucune date n est donn e dans le film qui prend ainsi une dimension plus all gorique Le traitement de l analepse ou du flashback est d ailleurs diff rent dans le texte elle est prise en charge par un narrateur omniscient dans le film Cest le s nateur qui raconte les v nements du pass aux journalistes de sorte qu il leur avoue la v rit sur le duel Or ce r cit ench ss participe directement de la dimension r flexive du film en mettant l accent sur l alternative entre la l gende et les faits c est dire sur le choix et la mani re de raconter plusieurs niveaux dans son criture m me et la structure de sa narration
71. son serviteur trans portent Ransom chez un couple de Su dois Peter et Nora Ericson qui tiennent un restaurant avec Paide de Hallie Alors qu il se fait soigner Ransom apprend qu il a t agress par Liberty Valance un bandit notoire et Tom lui conseille de sarmer pour r gler cette affaire l avocat s nerve sid r de d couvrir une communaut qui semble m priser la loi 7 Un samedi soir Shinbone That s my steak Valance 00 27 43 00 47 44 Quelque temps apr s au restaurant Peter et Nora font la cuisine Hallie assure le service en salle et Ransom lave la vaisselle tout en lisant un livre de droit D couvrant que Hallie ne sait ni lire ni crire il propose de lui apprendre Tom offre un cactus en fleurs a Hallie dont il est amoureux avant de s asseoir la table de Dutton Peabody le r dacteur en chef du Shinbone Star Mais Liberty Valance et ses acolytes arrivent faisant fuir le marshal Valance reconnait Ransom apportant son steak a Tom et lui fait un croche pied qui le propulse au sol avec son plateau Tom ordonne alors au bandit de ramasser le steak Tous deux sont pr ts a d gainer leurs armes mais Ransom r cup re lui m me le repas et les hors la loi quittent le restaurant 8 Le cours de d mocratie Education is the basis of law and order 00 47 45 00 59 46 Ransom travaille d sormais au Shinbone Star tout en enseignant quelques l ves parmi lesquels Hallie Nora et
72. ssue du duel il est appel pour secourir Valance et il demande hativement du whisky mais lorsqu on lui tend une bouteille au lieu de lutiliser pour soigner le bless selon la convention il en boit une longue rasade et le d clare mort Link Appleyard Mr Law and Order himself repr sente sans doute le plus important de ces caract res comiques Omnipr sent il se d finit par son app tit et sa couardise passant son temps manger cr dit dans le restaurant des Ericson se cacher dans l ombre contre les murs ou derri re les portes pour viter Valance perdre ses moyens chaque fois que le nom du hors la loi est prononc et sursauter la moindre occasion que Peabody le surprenne par derri re que Pompey recharge son fusil pr s de lui ou que les portes battantes du saloon se referment sur son dos Geignard mais aussi roublard il sait rappeler les limites de sa juridiction de town marshal pour s viter des ennuis qu mander un article flatteur dans le Shinbone Star ou fanfaronner lorsque tout danger est cart en pr tendant avoir personnellement chass de la ville les acolytes de Valance Il n emp che que pendant la partie de poker il fait exceptionnellement preuve de courage en tenant t te au bandit pour essayer de prot ger Stoddard Et il semble finalement acqu rir une v ritable dignit avec l ge comme on le constate dans les sc nes au pr sent Shakespeare Shinbone Reste Dutton
73. sure que si le spectateur est familier avec les principaux v nements histo riques partir desquels le genre construit ses mythes Les quelques rep res chro nologiques qui suivent s lectionn s parce que le film de Ford y fait allusion ont pour vocation d aider expliquer le d bat id ologique qu il met en sc ne 1787 Northwest Ordinance Le Congr s vote l ordonnance du Nord Ouest qui entra ne la formation du premier territoire organis par les tats Unis Elle tablit les modalit s de gestion des terri toires et celles de l accession au statut d tat C est le d but de l expansion a l ouest des Appalaches 1830 Indian Removal Act Le pr sident Andrew Jackson promulgue la loi ordonnant le d placement des populations indiennes vivant l est du Mississippi vers un territoire situ louest 1845 Manifest Destiny Le journaliste new yorkais John L O Sullivan expose sa th orie de la destin e manifeste selon laquelle la nation am ricaine a pour mission divine de r pandre la d mocratie et la civilisation de l oc an Atlantique l oc an Pacifique 1848 California Gold Rush La d couverte de gisements d or a Sutter s Mill attire en Californie pr s de 300 000 aventuriers am ricains et trangers 1858 Overland Stage Line Avec le soutien financier de la Wells Fargo la compagnie Overland Mail ouvre la premi re ligne de transport par diligence reliant Saint
74. tement entre Stoddard et Valance s av re donc fondamentalement id olo gique et il correspond a un moment pr cis de l histoire de la conqu te de l Ouest Cattlemen vs homesteaders Alors qu il a proc d au recensement des nouveaux lecteurs qui montre que les colons arrivent r gu li rement Stoddard retrouve Peabody au Shinbone Star et d couvre la premi re page du prochain tirage CATILEMEN FIGHT STATEHOOD Small Homesteaders In Danger Le conflit poli tique qui se pr pare oppose ainsi la premi re vague de pionniers la seconde les cattlemen sont les leveurs de b tail arriv s la suite des trappeurs les homesteaders sont les fermiers qui ont profit plus tard de Homestead Act pour s installer dans les nouvelles contr es entra nant avec eux les marchands les artisans les pr tres les m decins et les journalistes ce propos lors des lections de Capitol City Peabody donne une petite le on d histoire de la colonisation il voque d abord les hordes de bisons et les Peaux Rouges soumis la loi de la survie et du tomahawk puis l arriv e des aventuriers les pionniers et les chasseurs de bisons les plus intr pides d entre eux tant les cattlemen qui se sont empar s du vaste open range pour en faire leur propri t priv e leur loi tant celle des mercenaires les hired guns et enfin le chemin de fer et le peupl
75. teur faillit lui dire la v rit mais il se retint temps Il d clara Bert Barricune a t mon ami pendant plus de trente ans Il ne pouvait pas donner la v ritable r ponse il tait mon ennemi il tait ma conscience c est lui qui m a fait ce que je suis Dorothy M Johnson l homme qui tua Liberty Valance Contr e indienne ditions Gallmeister coll Totem 2013 p 115 116 D COUPAGE NARRATIF Le DVD utilis pour le minutage est celui de l dition Paramount 2002 mais le d coupage propos ne correspond pas au chapitrage du DVD 1 G n rique Directed by John Ford 00 00 00 00 01 21 Apr s lapparition du logo de la Paramount quatorze cartons se succ dent en fondu enchain pour donner 4 lire les cr dits du film sur des images de poteaux indicateurs et de planches de bois peut tre celles d un cercueil 2 L arriv e Shinbone The cactus rose is in blossom 00 01 22 00 05 56 Un train entre en gare de Shinbone Ransom et Hallie Stoddard en descendent et sont accueillis par Link Appleyard l ancien marshal de la ville Sit t avertie la presse locale obtient un entretien avec le s nateur tandis que Link conduit Hallie dans le d sert pour y voir les cactus en fleurs 3 La maison abandonn e He never did finish that room 00 05 57 00 07 32 Link et Hallie s arr tent devant une maison en ruines entour e de cactus Ils v
76. tre elle exprime l h sitation affective et l ambivalence des sentiments que ressent Hallie partag e entre Tom Doniphon et Ransom Stoddard Ainsi d une uvre l autre la reprise du motif musical perp tue une th matique mais en d place les enjeux mettant en relief une volution significative de la repr sentation et de la fonction du personnage f minin dans le r cit fordien Le deuil de Lincoln Lincoln est allong contre un arbre lisant un livre de droit lorsque Ann Rutledge l interpelle depuis le hors champ pour sa premi re et unique apparition dans Vers sa destin e un raccord regard donne voir la jeune femme resplendissante tenant un panier de fleurs fra chement cueillies alors qu est introduit le th me musical Celui ci continue pendant une promenade romantique le long d une rivi re au cours de laquelle le protagoniste ne parvient pas exprimer ses motions malgr les sollicitations gentiment insistantes de celle qui valorisant ses capacit s intellectuelles et humaines lui fait part de ses espoirs de le voir poursuivre des tudes Lincoln semble mal l aise et ind cis mais il lui donne n anmoins un signe d affection en d clarant qu il aime ses cheveux roux juste avant qu elle ne reparte Dans la s quence suivante elle est morte C est l hiver il vient se recueillir et fleurir sa tombe enneig e au bord de la rivi re tout en lui confiant ses pens es comme le feront plus tard
77. uivent 24 plans en champ contrechamp tant t larges tant t rapproch s soulignant le d s quilibre des forces en pr sence c est dire la dext rit et l assurance de Valance A2 face l inexp rience et la crainte de Stoddard qui h site sortir de ombre A3 Le bandit effraye l avocat en tirant dans une jarre suspendue pr s de sa t te A4 et A5 sen amuse A6 puis le d sarme en le blessant au bras Mais Stoddard parvient ramasser son revolver de la main gauche et au moment o son adversaire le vise entre les yeux il lui tire dessus A7 Valance s croule sous le panneau annon ant les lections A8 ce qui laisse pr sager la carri re politique du vainqueur du duel Pourtant avant m me que Doniphon ne donne son explication des faits la victoire de Stoddard appara t d autant plus invraisemblable que la sc ne ant rieure de la le on de tir avait d montr sa maladresse dans le maniement des armes moins qu on ne la comprenne au contraire et rebours comme une pr fi guration de celle du duel Doniphon y jouant le r le de Valance Il y a en effet un troublant encha ne ment d actions commun ces deux sc nes Comme Valance Doniphon entend humilier Stoddard parce qu il le soup onne d avoir s duit Hallie Il lui fait poser trois pots de peinture sur les poteaux de son enclos chevaux et a instar du bandit tirant dans la jarre pendant le duel A4 il commence tirer sur les pots alors m me qu
78. ur enti rement subjectif donc qui fait tout le charme d un des meilleurs John Ford de ces derni res ann es alerte comme toujours joignant l ironie une tr s s re description des hommes et des lieux d une mise en sc ne directe parvenue depuis longtemps son point d quilibre magistralement interpr t par James Stewart et John Wayne pour la premi re fois r unis Liberty Valance joue d une mani re divertissante du coefficient de d formation propre la chose rem mor e Ces tableaux d autrefois que Stoddard voque nous les voyons tels qu en sa m moire ils ont t simplifi s lagu s ornement s enjoliv s d terminant chez le narrateur une fixation une rigidit la fois sch matique et nouvelle des attitudes et des propos et chez John Ford une petite autocritique du genre western m lant le trait l g rement caricatural au clin d il un retour du h ros sur son pass retour du metteur en sc ne sur quelques uns de ses films Cela dit il n en reste pas moins que Ransom Stoddard s est fort bien accommod de la l gende autour de son nom cr e par l attribution d un exploit fictif Au c ur de son aveu git un r cit au second degr celui par lequel Doniphon en quelques phrases br ves r tablit l authenticit des faits la v ritable trajectoire de la balle qui fut fatale au bandit lib rant du m me coup une joie tr s vidente justifier l emploi de la violence et la conscience de son
79. uvre de Thursday qui n a du reste pas manqu de courage mais de lucidit il servait d j une l gende qui le d passait Il n emp che que la diff rence entre les deux hommes est r elle et essentielle Elle modifie fonda mentalement la situation initiale malgr son apparente r p tition Car m me s il cache la v rit aux journalistes York porte en lui la conscience de la faute de Thursday Mieux encore parce qu il la cache il en assume d sormais la responsabilit elle devient son propre fardeau Telle est galement la port e implicite de son discours double sens qui articule la v rit individuelle et l illusion collective en faisant paradoxalement du mensonge la garantie de sa conscience morale LHomme qui tua Liberty Valance inverse cette configuration c est le faux h ros qui t moigne lui m me aupr s des journalistes non pour confirmer mais pour r futer sa propre l gende comme si Thursday ou Custer revenaient d entre les morts pour r crire l histoire Le dilemme de Stoddard diff re donc profond ment de celui de York puisqu il doit assumer publiquement une vio lence avec laquelle il est en d saccord et secr tement un abus de confiance sur lequel il a difi sa carri re Son drame est de ne pas pouvoir s en d faire comme le lui rappelle Maxwell Scott en choisissant de pr server l illusion de la communaut Dans les quelques pages de LImage mouvement que Gilles Deleuze d die l

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