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1. Humiliation Belong 1 Directeur de l Institut d tudes Syst miques Chartrettes France 76 Jean Paul Mugnier Les secrets ont fait l objet ces derni res ann es d une litt rature abondante Dans le champ des th rapies familiales Guy Ausloos 1980 est probablement l un des premiers auteurs avoir d crit d un point de vue syst mique comment certains secrets pouvaient donner naissance une distorsion des liens au sein du groupe familial distorsion l origine de la pathologie de l un de ses membres En 1995 dans un article intitul Troubles mentaux graves et m connaissance de la r alit Matteo Selvini reprenait cette hypoth se en expliquant qu l origine de certains troubles psychotiques se trouvaient dans l histoire des parents des patients des traumatismes et des souffrances qui n avaient pas t reconnus comme tels et pour lesquels ils n avaient pas re u l aide qu ils taient en droit d esp rer Secrets familiaux quand le patient ne sait pas paru en 1997 prolongeait et compl tait cette proposition en expliquant que parfois le patient pouvait tre lui m me d tenteur de secrets concernant l un ou l autre de ses parents comme par exemple lorsque l enfant d couvre que son p re ou sa m re a une relation extra conjugale Dans le champ psychanalytique Serge Tisseron 1996 a galement abondamment d crit les m canismes de transmission interg n rationnel2. chapper au statut de d chet qu elle redoute le mal ne vient pas d elle Si malheureusement quoi qu elle tente pour y parvenir la victime choue dans cette qu te elle risque d osciller entre l id e de mettre fin ses jours supporter le regard de l autre tant une preuve quotidienne devenue insurmontable ou de faire dispara tre les t moins virtuels de l humiliation Il est possible comme le propose Anspach 2001 de comprendre ainsi certains crimes collectifs o un tueur tire dans la foule au hasard avant de se tuer lui m me comme l envisage Lo c Sans doute agit il ainsi pour que la vengeance soit totale Restaurer le lien avec l autre Tel doit tre le projet du th rapeute face l enfant humili qu il ait maintenant vingt ans trente cinq comme C cile ou plus de soixante comme Monsieur V Pour y parvenir il devra permettre l expression de cette souffrance de l enfant rest e intacte malgr les ans Bien souvent avant de se confier les patients v rifient que le d voilement de leur secret ne les privera pas d finitivement de leur dignit Pour cette raison il n est pas rare de constater que plus le secret rev t leurs yeux un caract re de gravit plus ils v rifient l engagement du th rapeute leur gard et sa capacit faire face la v rit qu ils s appr tent lui confier Les enfants dans ces situations font r guli rement preuve de d lica
3. Les cheveux de C cile pour la premi re fois ne sont pas tir s en arri re Cette coiffure lui donne habituellement une apparence tr s stricte Aujourd hui elle a l air d tendue rajeunie Le th rapeute lui en fait la remarque Ma fille m a dit la m me chose Je suis all e au cin ma avec elle On faisait la queue pour prendre nos billets et elle m a dit Je suis contente d avoir une maman qui sourit Qu tes vous all es voir Dans la peau de ma m re L histoire d une fille de treize ans qui se glisse dans la peau de sa m re Votre fille a justement treize ans Elle a eu envie de se glisser dans votre peau 78 Jean Paul Mugnier Je ne lui conseille pas Elle n y serait pas tr s son aise Et vous son ge vous auriez aim tre dans la peau de votre m re Cette m re il en a d j t question de nombreuses fois depuis le d but de la th rapie mais toujours pour constater l impossibilit de parler d elle Une seule chose est certaine sa mort a t difficilement surmontable pour C cile Il lui a fallu plusieurs ann es pour refaire surface Le voile maintenant pourrait peut tre se lever J aurais eu du mal je ne la connaissais pas Le th rapeute est surpris Ma m re je l ai connue quinze ans La premi re fois que je l ai vue je lui ai dit Bonjour madame Je ne me le suis jamais pardonn Mais c tait pour me venge
4. redouble d attention et d cide de prendre contact avec un th rapeute plus m me de croire son pouse Ils sont re us ensemble dans un premier temps L a raconte son histoire et fait part des sentiments de culpabilit et de honte qui depuis l envahissent sentiments qui se sont intensifi s apr s la naissance de leurs filles que penseront elles de leur m re si un jour elles viennent apprendre Pour le deuxi me entretien nous proposons de voir L a seule Craintive elle accepte encourag e par son mari La premi re fois que c est arriv c tait chez lui ou chez vos parents interroge le th rapeute Chez lui J aimais bien y aller l apr s midi L ambiance tait tellement plus dr le qu la maison l poque mon p re tait au ch mage Il passait ses journ es seul dans son bureau les volets ferm s Ma m re n allait gu re mieux Il tait mari et avait des enfants beaucoup plus jeunes que moi Sa femme tait gentille L a se met pleurer Secrets et humiliation La foule ne doit pas savoir 85 Tout est de ma faute j aurais d faire attention Il aimait bien chahuter faire des chatouilles chaque fois sa femme lui disait d arr ter Que a nous nervait Moi au contraire j aimais bien Il m arrivait de rester chez eux le week end C est arriv un soir j avais onze ans Tout le monde tait couch Il est venu dans la chambre o j
5. tais install e Il voulait tre s r que je ne manquais de rien Il acommenc me caresser sous les draps J tais p trifi e Huit jours plus tard sa femme m a invit e pour le week end elle savait que a n allait pas bien la maison J ai accept en faisant semblant d tre contente Je suis arriv e chez eux souriante Je savais pourtant de quoi il tait capable Il a recommenc le soir m me Je sais bien qu il n avait pas le droit de le faire mais je ne peux pas faire autrement que de penser que je suis coupable En fait vous tiez tomb e dans un pi ge J imagine si quand sa femme a appel pour vous inviter vous aviez refus on vous aurait demand des explications Qu auriez vous pu dire S rement pas la v rit Vos parents avaient d j tellement de soucis vous m alliez pas les accabler davantage Et la vie chez eux tait si triste Au moins chez cet homme on riait on s amusait Peut tre m me tes vous arriv e chez lui avec le sourire pour tre certaine que personne ne pourrait deviner L a approuve d un hochement de t te Etlui a pens si elle sourit c est qu elle n est pas f ch e qu elle est d accord pour recommencer qu elle ne dira rien Vous tiez tomb e dans le pi ge C est toujours comme a que a se passe L a approuve de nouveau Ensuite les enfants pensent que c est de leur faute q
6. rapeute le temps de permettre chacun de surmonter son motion Je pr f rais me priver de piscine N oubliez pas que vous m avez battu s insurge Fabien face ses parents qui le pr sentent comme l unique responsable de tous leurs maux Comment a on t a battu Mais c tait pour ton bien C tait pour mon bien quand je rentrais de l cole Puis se tournant vers le th rapeute La premi re chose que je devais faire c tait montrer mes cahiers Si j avais une note en dessous de la moyenne ma m re me disait D shabille toi Elle m emmenait dans la salle de bain et me donnait des coups de ceinture Mais qu est ce que tu racontes s exclame la m re de Fabien Oses dire que ce n est pas vrai Le soir tu te plaignais aupr s de papa en lui disant C est ton fils tu dois le corriger montrer que tu es le p re J avais tellement honte des traces de coup dans le dos que les semaines o il y avait piscine je m arrangeais toujours pour me faire punir et ne pas y aller Sinon tout le monde aurait su que j tais un enfant battu C est vrai qu on yestall peut tre un peu fort confirme timidement le p re Mais moi le soir j en avais marre d entendre ma femme crier Je voulais avoir la paix Un point commun r unit C cile Lo c Monsieur V et Fabien le souci de tout mettre en uvre pour que personne ne sache ce q
7. Secrets et humiliation La foule ne doit pas savoir Jean Paul Mugnier R sum Si certains secrets sont impos s ou prescrits par un adulte un enfant dans les cas d abus sexuels par exemple d autres s imposent d eux m mes lorsque la personne redoutant le regard des autres craint que la v rit sur son propre sort soit connue de tous G n rateurs de honte leur r v lation sera alors v cue comme une humiliation Nous proposons d aborder ce rapport entre secret et humiliation dans cet article ainsi que certains points auxquels le th rapeute sera attentif pour que le d voilement du secret ne repr sente plus une menace mais au contraire une tape constructive entre celui qui en est porteur et le reste du monde Abstract If some secrets are imposed or prescribed by an adult to a child in sexual abuse s cases others are imposed itself when a person dreading others looks fears that everybody could know the truth on his own life Generating shame their disclosures will be experienced as a humiliation The author proposes to approach this link between secretand humiliation and other aspects to which the therapist has to pay attention to avoid that secret s revelation becomes a threat but on the contrary to help it to represent a constructive step for the relation between the secret owner and the rest of the world Mots cl s Secret Honte Humiliation Appartenance Key words Secret Shame
8. ctimes de s vices sexuels ne peuvent se confier qu l ge de quarante ou cinquante ans Elles ont besoin pour parler d avoir donn un sens leur existence d avoir construit une famille etc Elles pourraient craindre sinon d tre identifi es au dommage subi et que celui ci devienne fondateur de leur identit D autres victimes au contraire pour survivre transforment avec le temps l affront en uvre d art Personne ne doit chapper la connaissance de ce qu elles ont subi Certains tenteront de plonger le spectateur de l uvre et par son interm diaire l humanit tout enti re dans un tat de 82 Jean Paul Mugnier stup faction il doit partager le malaise ressenti par l auteur lorsque lhumiliation avait lieu Louis Ferdinand C line illustre ce processus en particulier lorsqu il crit Mort cr dit cf Mugnier 2000 D autres comme Michel Del Castillo prennent par le biais de leur production artistique le lecteur ou le spectateur t moin de leur recherche de v rit comprendre ce qui a conduit leur bourreau ventuellement un parent les humilier Dans tous les cas quelle que soit la strat gie adopt e le d voilement rendre public ce qui jusque l tait secret s inscrit dans une qu te de reconnaissance Pour obtenir cette reconnaissance restituer l humiliateur la responsabilit de ses actes est une tape indispensable qui permettra la victime d
9. le du secret en utilisant le terme de suintement A la lecture de ces travaux il est possible de distinguer les diff rents types de secrets le plus souvent rencontr s dans la clinique secrets pouvant tre d tenus par une seule personne par deux membres du groupe familial ou encore par toute la famille vis vis du monde ext rieur ils concernent les avortements les filiations adult rines les enfants con us avant le mariage et le cas ch ant de p re inconnu les suicides les agressions sexuelles et les filiations incestueuses Tous ces secrets ont une caract ristique commune ils sont li s une notion de transgression de faute morale commise envers autrui ou envers soi m me et par cons quent ils sont porteurs de culpabilit et de honte La culpabilit rappelle la notion de responsabilit pour autrui se sentir coupable revient reconna tre son engagement dans la souffrance de l autre et ou de soi m me Si l objectif de la th rapie n est pas de culpabiliser ses patients il consiste en revanche leur permettre de prendre conscience de cet engagement et d exprimer cette culpabilit qui l accompagne Affirmer Secrets et humiliation La foule ne doit pas savoir 77 m me un enfant victime qu il n est videmment pas coupable des actes subis peut ne pas suffire si cela revient le priver de la possibilit d exprimer ce qui l am ne ventuellemen
10. olicier disponible Dix minutes plus tard le jeune homme est install dans un bureau 2 Direction de l Action Sanitaire et Sociale Secrets et humiliation La foule ne doit pas savoir 79 Je vous coute l invite le lieutenant de police Voil ma s ur m accuse d avoir eu des relations sexuelles avec elle d tre le p re de son enfant Si c est vrai vous devez m enfermer car je suis un monstre et je m rite la peine de mort Re u trois semaines plus tard par le th rapeute Lo c continue de nier les faits malgr la pr cision des d clarations de sa s ur qui d ailleurs ne l accuse pas vraiment non seulement elle tait consentante mais de plus les rapports sexuels pouvaient avoir lieu aussi son initiative Peu importe de tels actes sont contre natures et Lo c tant l a n s ils avaient eu lieu il en aurait d apr s lui la totale responsabilit Si ma s ur continue de m accuser alors il ne me reste plus qu une chose faire me tuer Mais pas question de mourir tout seul puisque je suis innocent Je fais comme ce type Nanterre Je tire d abord dans la foule histoire de mourir accompagn Je ne voulais pas manquer l cole Monsieur V asoixante cinq ans Il ne comprend pas bien pourquoi ses enfants ont tellement insist pour qu il vienne cette consultation Mais puisque cela semble leur faire plaisir C est vrai qu entre lui et ses parents il n
11. perdu son mari Elle voulait que je dorme avec elle Elle me prenait dans ses bras et elle me serrait contre elle Elle tait compl tement folle J en parlais Annie Elle me proposait de partir avec elle Mais je ne voulais pas fuguer Je lui expliquais Apr s tout le monde saura que l on est de la DASS et notre vie sera fichue Quand vous repensez toute votre histoire selon vous qu est ce qui VOUS a sauv C cile r pond sans h siter Un ducateur Monsieur C Un jour j avais quinze ans je n en pouvais vraiment plus d tre avec cette femme Je l ai appel son Service J ai eu de la chance il tait l Je lui ai dit si vous ne venez pas me chercher maintenant je fugue Il m a r pondu de rester l o j tais qu il venait me chercher Il devait tre six heures du soir Il est arriv peu de temps apr s Je me souviens encore de sa 2 CV Il n avait aucune solution pour me loger Il m a emmen chez lui m a pr sent e sa femme et m a install e dans la chambre d ami Je savais qu il n avait pas le droit de le faire qu il prenait un risque pour moi Alors j ai pens s il prend un risque pour moi c est que je compte pour lui que je dois valoir quelque chose Le lendemain il m a demand si je voulais qu il essaye de retrouver ma famille C est comme a que j ai revu ma m re deux mois plus tard Un jour c tait peut
12. r de m avoir abandonn e J avais deux ans quand j ai t plac e C cile si avare de paroles jusque l se met parler Ses souvenirs d enfance sont rest s chez une assistante maternelle qui sur les conseils de l assistante sociale lui rappelait r guli rement qu elle n tait pas sa m re Ils taient trois enfants de la DASS chez cette femme qui les levait seule De sa famille elle ne recevait aucune nouvelle Peu lui importait d ailleurs Une autre question la pr occupait pourquoi ne m adopte t on pas Unique r ponse entrevue par l enfant qu elle tait sans doute y a t il quelque chose en moi de mauvais qui me rend inadoptable Mais comment se construire une existence sur de telles bases Dans ces conditions une seule solution lui tait apparue avoir l air la plus normale la plus banale possible Personne ne doit savoir d o je viens que je suis une enfant plac e sinon c est la vie tout enti re qui est fichue Je suis un monstre Sans avoir re u aucune convocation Lo c se rend la brigade des mineurs Il demande tre entendu de toute urgence par un officier de police Ses yeux hagards et son locution trop rapide de quelqu un qui n est pas dans son tat normal il est vident qu il a bu pour se donner du courage conduisent la jeune femme charg e de l accueil prendre sa demande au s rieux Elle fait patienter Lo c le temps de trouver un p
13. reuve d une part de son engagement l gard de ces patients qui redoutent le regard qui sera port sur eux et d autre part de sa capacit penser le monde de l enfant ou de la Secrets et humiliation La foule ne doit pas savoir 87 personne humili e l issue de ce processus peut tre leur sera t il enfin possible de se r concilier avant tout avec eux m mes R f rences ANSPACH MR 2001 charge de revanche Seuil Collection la Couleur des Id es Paris AUSLOOS G 1980 Secrets de famille In BENOIT J C dir Changements syst miques en th rapie familiale E S F Paris MUGNIER J P 2000 L enfance meurtrie de Louis Ferdinand C line ditions L harmattan Paris SELVINI M 1995 Troubles mentaux graves et m connaissance de la r alit Th rapie Familiale XVI 2 131 144 SELVINI M 1997 Secrets familiaux quand le patient ne sait pas Th rapie Familiale XVIII 2 109 125 TISSERON S 1992 La Honte psychanalyse d un lien social Dunod Paris TISSERONS 1996 Secrets de famille mode d emploi d Ramsay Paris 1997 r dition Marabout Cahiers critiques de th rapie familiale et de pratiques de r seaux n 33 2004 2
14. si celui ci avait une fonction protectrice pour la victime Complice par sa non intervention il lui confirme qu elle ne m rite pas d autre sort De plus son silence repr sente une nouvelle menace S il laisse faire c est peut tre qu il est d accord Ne risque t il pas d s lors de tout raconter S il parle il rejoint le camp des humiliateurs sauf s il d nonce le mal qui a t fait Mais la victime le souhaite t elle vraiment S ilsetait laquestion demeure pourquoi n a t il rien fait Comptais je si peu pour lui pour qu il n intervienne pas Ceci tant la preuve peut tre de mon statut de d chet Tout tre humain cherche pr server l estime qu il a de lui m me Pour y parvenir il doit s assurer de gagner ou de conserver celle de ses semblables L enfant humili plus qu un autre sera sensible certains signes apparemment anodins qu il interpr tera comme une forme de m pris un bref regard compatissant un rire entendu comme un ricanement une phrase insignifiante interpr t e comme un sarcasme etc Tous ces messages seront v cus comme une menace menace que l autre sache aittout devin menace que ce qui doit rester secret soit su de tous Finalement il devra pour se r habiliter vis vis de lui m me tout faire pour s assurer sans cesse de l estime des autres Dans cette perspective il est ais de comprendre pourquoi un grand nombre de vi
15. t se sentir coupable et donc galement responsable de ce qui lui arrive La honte comme l explique Tisseron 1992 est d sint grateur de lien Avoir honte revient se sentir coup du reste du monde Un individu peut avoir honte de ses actes de s vices subis mais aussi de sa famille quand bien m me il n aurait rien se reprocher lui m me Nommer la honte reconna tre l existence de ce sentiment chez son patient revient faire un premier pas vers la reconstruction du lien En effet tre honteux de ses actes lorsqu ils causent du dommage autrui ou par exemple avoir honte de son parent alcoolique r v le la repr sentation chez la personne d un autre soi possible ou d une autre appartenance possible Dire un enfant Tu n as pas avoir honte si ton p re boit tu n y es pourrien s av re insuffisamment aidant pour lui Mieux vaut lui expliquer galement qu il est normal d prouver ce sentiment dans ces circonstances preuve de son d sir d un avenir diff rent pour lui m me ou pour ses enfants de sa capacit se repr senter plus tard autre que son p re La honte s av re donc intimement li e au secret Si le secret g n rateur de honte est connu celui qui en est le d tenteur se sentira humili C est ce lien entre secret et humiliation que je propose maintenant de d velopper La foule ne doit pas savoir Consid rons les exemples suivants L histoire de C cile
16. t mais d une mani re diff rente dans les rencontres avec Lo c cet adolescent accus par sa s ur d tre le p re de son enfant Comme malgr P vidence il continuait de nier les faits nous lui avons pos la question suivante Imagine que ton meilleur copain se soit rendu coupable de tels faits et qu il le nie quel conseil lui donnerais tu Le jeune homme r pondit sans h siter Je lui dirais de dire la v rit que a vaut mieux pour tout le monde m me pour lui Alors comment comprendrais tu que je ne te dise pas ce que toi m me tu dirais ton meilleur ami Si je te disais autre chose tu pourrais penser que je ne suis pas un th rapeute tr s s rieux que je ne m int resse pas vraiment toi Lo c reconna tra les faits aupr s de son p re deux jours plus tard en expliquant que lui m me avait tout comme sa s ur t abus enfant par le grand p re paternel ce que celle ci avait d voil l ge de six ans Conclusion L humiliation surtout lorsqu elle se prolonge et la honte qu elle entra ne conduisent ceux qui en sont victimes redouter de perdre leur dignit Pr sents sans tre vraiment l ils se sentent parfois survivants dans un monde auquel ils ne sont pas certains d appartenir totalement C est au r tablissement de cette appartenance que le th rapeute doit s attacher Pour tenter d y parvenir il devra bien souvent fournir la p
17. tesse demandant si a va la personne qui tente de les aider En r alit ils craignent par leurs confidences de la d go ter Si tel tait le cas la vision d eux m mes comme des tres d go tants serait d finitivement confirm e Puisque la pr sence r elle ou virtuelle d un tiers cr e l humiliation et donne naissance un sentiment de honte d sint grateur de lien le th rapeute Secrets et humiliation La foule ne doit pas savoir 83 devra au contraire tre un tiers qui relie Pour atteindre cet objectif plusieurs points sont prendre en compte Donner la preuve son patient qu il compte qu il a de l importance La suite du r cit de C cile illustre cette premi re proposition J tais tr s en col re contre mon assistante maternelle Quand elle nous sortait avec ma s ur je l appelle ma s ur m me si elle tait plac e comme moi elle nous pr sentait en disant Voici mes nourrissonnes Je d testais a Mais en m me temps je n avais qu elle je le savais Pour se venger on lui en faisait voir treize ans elle n a plus voulu de nous Elle a pr tendu qu elle ne savait pas s y prendre avec les ados que nous tions trop dures On nous a s par es plac es dans des familles d accueil voisines Vous savez il s y passe de dr les de choses dans les familles d accueil Ma s ur Annie s est mise fuguer Moi j tais avec une femme seule qui avait
18. tre six mois plus tard je l ai entendu lui dire Vous savez 84 Jean Paul Mugnier votre fille c est une montagne de douleur J ai t tr s en col re contre lui j avais peur que ma m re le prenne comme un reproche du style cause de vous votre fille souffre Mais en m me temps j tais si contente qu il ait compris que derri re mes cris j tais comme une corch e vive Vous savez je n tais pas facile mais au moins je ne lui faisais pas peur Je l ai recherch des ann es plus tard pour le remercier Malheureusement je ne l ai pas retrouv Penser la souffrance de l enfant et les moyens mis en uvre par lui pour y faire face L a a quarante ans lorsqu elle d cide de r v ler les abus dontelle a t victime enfant de la part du meilleur ami de ses parents Elle souffre trop physiquement et psychologiquement pour garder son secret plus longtemps En analyse depuis dix ans elle n en a jamais rien dit craignant de ne pas tre crue En effet lorsqu de rares reprises elle a fait une allusion ce qui lui tait arriv elle a craint que son th rapeute mette ses propos sur le compte de fantasmes C est finalement son mari qu elle d cide de se confier Probablement redoutait elle galement qu il ne se lasse de vivre avec une femme ternellement d pressive et qu aucune th rapie ne semble aider Elle est rassur e par sa r action Il se montre compr hensif
19. u il en est de la v rit sur eux m mes Que le secret vienne tre d voil et tout avenir la vie enti re leur semble impossible Garder secret ce qui est v cu comme humiliant afin d chapper l humiliation montre que celle ci s inscrit dans une relation et n cessite la pr sence d un t moin r el ou virtuel En effet c est l existence de ce suppos regard qui fait na tre chez le sujet humili le sentiment de perdre sa dignit son statut d tre humain Humiliateur et humili ne sont jamais seuls lorsque l humiliation a lieu L autre est l repr sentant lui seul l humanit tout enti re Secrets et humiliation La foule ne doit pas savoir 81 S il est effectivement pr sent dans la r alit et n emp che rien il condamne le sujet humili une sorte d exil qui fait de lui un tranger tranger lui m me et l autre il peut sombrer dans l indiff rence Le manque d empathie dont il a t la victime peut l entra ner n en plus avoir pour personne Le clivage accompagne souvent ce processus Strat gie de survie il consistera reporter sur un autre plus ou moins proche une victime innocente la col re n e du d sespoir que l humiliation a fait na tre Bien souvent la rage la plus importante n est pas ressentie l encontre du bourreau de lui on sait quoi s attendre mais du t moin qui a vu et n a rien emp ch a fortiori
20. u ils auraient d se prot ger que peut tre le mal vient d eux Ils ne peuvent plus rien dire parce qu ils craignent d tre accus s qu on leur reproche de ne pas l avoir dit tout de suite Mais tu savais de quoi il tait capable alors si tu y es retourn e c est que tu voulais bien Et a recommence parce que l abuseur lui il sait tout a Et les enfants ont peur Ils se disent Si jamais se sait plus personne ne voudra de moi ma vie sera fichue L a pleure M me si cetentretien n entra na pas aussit t la disparition de certaines de ses difficult s en particulier dans le domaine de la sexualit les angoisses 86 Jean Paul Mugnier de L a diminu rent d intensit Elle se montra par exemple plus assur e dans sa relation avec ses filles En fait ce qu elle avait prouv l poque o ces actes avaient eu lieu un th rapeute pouvait l imaginer parce que d autres enfants lui avaient confi des r cits semblables Elle tait son tour comme ces enfants qui essayant de sortir du pi ge dans lequel ils taient tomb s s y taient pr cipit s davantage Son histoire n tait pas unique unicit qui aurait fait d elle un tre part Si la honte lui faisait courir le risque de se couper du monde la reconnaissance de sa souffrance au contraire la reliait l humanit Ce souci de r tablir le lien entre l enfant et le reste du monde tait pr sen
21. y avait pas beaucoup d changes Enfin c tait un autre temps une autre fa on d lever ses enfants Il faut dire pr cise Monsieur V ma m re avait de graves probl mes de sant Elle tait pileptique Elle faisait des crises de grand mal l poque je vous parle de a c taitil y a plus de cinquante ans On ne voyait pas les choses comme maintenant ces crises c tait comme si le diable tait en elle On n avait pas les m dicaments Je me souviens avec mon petit fr re il nous arrivait de partir l cole alors qu elle faisait des convulsions allong e sur le sol faisant sur elle Parfois en tombant elle se blessait sa t te saignait Je prenais mon fr re par la main on l enjambait Je lui disais d p che toi on va tre en retard Je voulais pas manquer l cole parce que sinon il aurait fallu donner des explications J aurais eu trop honte C est dr le mon fr re m a toujours dit qu il avait gard des images qu il en avait souffert Moi je n en ai jamais souffert Monsieur V est subitement pris d un sanglot C estidiot je vais pas me mettre pleurer mon ge 80 Jean Paul Mugnier La femme de Monsieur V lui tend un mouchoir en papier Vous savez c est un peu comme un enfant qui tombe et s corche le genou Il se rel ve et devant les copains il affirme en serrant les dents M me pas mal propose le th
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