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1. Article Surfaces comiques zones incertaines Paul Lefebvre tudes litt raires vol 18 n 3 1985 p 143 157 Pour citer cet article utiliser l information suivante URI http id erudit org iderudit 500723ar DOI 10 7202 500723ar Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 09 45 TUDES LITT RAIRES VOL 18 N 3 HIVER 1985 pp 143 157 SURFACES COMIQUES ZONES INCERTAINES paul lefebvre Dans la seconde moiti des ann es soixante dix non seu lement de nouveaux auteurs qu b cois ont commenc s illustrer dans le th tre comique mais ce qu ils proposaient tait neuf Avec l arriv e des Louise Roy Louis Saia Claude Meu2. e la Salle Port Royal par la compagnie Jean Duceppe en d cembre 1980 mise en sc ne de Louis Saia Publi e Lem ac 1982 197p Transport en commun et les Derni res chaleurs de Michel Chevrier et Louise Roy cr e par le Th tre des Voyagements dans leur salle en avril 1981 mise en sc ne de Jean Luc Bastien Non publi e La D prime de Denis Bouchard R my Girard Raymond Legault et Julie Vincent cr e par le Klaxon la Licorne en novembre 1981 mise en sc ne de R my Girard Non publi e Monogamy de Claude Meunier et Louis Saia cr e par le Th tre de Quat Sous dans sa salle en avril 1982 mise en sc ne de Louis Saia Non publi e Quatre tableaux d une cruaut sans nom de Marie Perreault et Louise Roy cr e par Medium medium la Licorne en mars 1983 mise en sc ne de Louise Roy Non publi e La trempoline est deux pieds du plafond de Marie Christine Lussier Marie Perreault et Louise Roy cr e par le Th tre D Aujourd hui dans sa salle en mai 1983 mise en sc ne de Lorraine Pintal Non publi e Raz de mar e de Denis Bouchard et R my Girard cr e par le Klaxon la Licorne en mai 1985 mise en sc ne de Gilles Renaud Non publi e
3. tlout ce drame se dilue travers de nombreux tableaux La d marche 0 10 devient alors vite pr texte une suite de num ros 7 Cette observation sur le c t peu inventif de l action et sur son effacement derri re des tableaux a beau tre juste reste voir ce qui ce moment l donne la pi ce son sens et ce qui nous int resse cr e le comique Car ce th tre se 146 TUDES LITT RAIRES HIVER 1985 pr sente d embl e comme aux antipodes de la com die intrigue fond e sur un encha nement de p rip ties Cela est particuli rement apparent dans celles de ces pi ces dont la caract ristique la plus visible consiste en des mises en pr sence successives de diff rents petits groupes de person nages outre da Lachance avec ses habitants de toutes les r gions du Qu bec pensons Broue avec ses seize buveurs et serveurs Mousse seize silhouettes mais des femmes cette fois dont le d cor est une buanderie la D prime avec sa trentaine de clients et d employ s du terminus Voya geur La trempoline est deux pieds du plafond et ses vingt cinq personnages ou Raz de mar e et sa vingtaine de participants une soir e d lections C est habituellement un cadre spatio temporel pr d termin qui fournit la pi ce ses bornes s agit d puiser le cadre la taverne Chez Willie de son ouverture sa fermeture pour Broue idem pour la buanderie de Mousse
4. une journ e au terminus Voyageur pour la D prime Bien s r la fin d une action peut coincider avec la limite pr vue ainsi le mariage t l phonique de Charles Edmond Gagnon la fin de a D prime ou les retrouvailles d Ida Lachance avec Marius lorsqu elle a compl t son tour des r gions de la province Une pi ce comme La trempoline est deux pieds du plafond a beau ob ir un d veloppement interne chaque sc ne est pr texte portraits Portraits dadolescentes dont l une crira portrait de la dramaturge dans la force de l ge seule et en compagnie de coll gues portraits d individus provenant de son public et de leur entou rage Ici encore l action s efface Elle s efface aussi dans les pi ces qui se concentrent autour d un plus petit nombre de personnages et nouveau l issue de la pi ce est habituellement inscrite ind pendamment de l action c est la soir e sur le patio dans Une amie d en fance c est un samedi en banlieue pour es Voisins c est la dur e du cours de th tre pour adultes de la premi re s ance la repr sentation publique pour Appelez moi St phane un niveau de structures fragmentaires au niveau des jeux que permet chaque sc ne on ne retrouve rien de spectaculaire ni d actions marqu es Et si on peut dire un mot des effets comiques pouvant jaillir ce niveau de jeux m caniques r p titions s ries effets de slap stick etc notons qu ils sont peu exploit s Ces
5. 0 132p pr face de Laurent Mailhot Ida Lachance de Louise Roy et Louis Saia cr e au Conventum par les Productions du Rideau de tweed en f vrier 1978 mise en sc ne de Louis Saia Non publi e Broue de Jean Barbeau Germain Beauchamp Gaston Caron Robert Gurik Claude Meunier Jean Pierre Plante Francine Ruel et Louis Saia cr e par le Th tre des Voyagements dans leur salle en mars 1979 mise en sc ne des trois com diens Michel C t Marcel Gauthier et Marc Messier Lors des reprises les textes de Barbeau Beauchamp Caron et Gurik ont t supprim s des textes des trois com diens metteurs en sc ne ont t ajout s Non publi e Bachelor de Miche Rivard Louise Roy et Louis Saia cr e au Th tre des Voyagements en avril 1979 par les Productions du Rideau de tweed mise en sc ne de Louis Saia Publi e Lem ac 1981 87p SURFACES COMIQUES ZONES INCERTAINES 157 Appelez moi St phane de Claude Meunier et Louis Saia cr e par le Th tre des Voyagements dans leur salle en mars 1980 mise en sc ne de Louis Saia Publi e Lem ac 1981 135p Mousse de Denis Arcand Marielle Bernard Cl mence Desrochers Denise Gu nette Marie Christine Lussier Maryse Pelletier Louise Roy et Michel 0 cr e par le Th tre des Voyagements dans leur salle en novembre 1980 mise en sc ne de Jean Guy Viau et Michel C t Non publi e Les Voisins de Claude Meunier et Louis Saia cr
6. La D prime de Denis Bouchard R my Girard Raymond Legault et gt Julie Vincent Mise en sc ne R my Girard Te LA De W gt s EE en 150 TUDES LITT RAIRES HIVER 1985 d gager d une lecture strictement interne de l uvre 1 il n en est rien dans ce th tre il ne peut pas se bien comprendre sans une connaissance des lieux ext rieurs sur lesquels il s appuie Ces lieux ces cadres ne forment pas un syst me qui structure les pi ces de l int rieur ce qui importe ici c est le r f rent l ext rieur Ainsi truff es d effets de r el ces pi ces appellent continuellement un rapport de re connaissance de la part du spectateur faudrait signaler dans ces pi ces l importance de la banlieue D Une amie d enfance La trempoline est deux pieds du plafond en passant par es Voisins c est le nom que se donnent les Lavallois il y a le Parc des Voisins la F te des Voisins etc et Appelez moi St phane le milieu suburbain traverse ce nouveau th tre comique qui lui doit d ailleurs une partie de sa nouveaut En effet ce th tre est le premier mettre en sc ne ce milieu et ceux qui l habitent Milieu relativement neuf n avec la R volution tranquille la banlieue est litt ralement un lieu ali n tranger lui m me c est un lieu insens qui ne doit son existence qu la ville voisine Villes sans cimeti res sans ancres faisait remarqu
7. aract ristique premi re de la drama turgie nord am ricaine Si dans la dramaturgie europ enne ce que dit un personnage est d abord et avant tout son expression consciente la dramaturgie nord am ricaine pro pose un rapport bas sur l inconscient entre le personnage et la parole ce qui est dit est d abord et avant tout surface d un non dit Louis Saia dira que son personnage le plus r ussi est Dolor s dans Bachelor parce qu il est arriv crire un personnage qui n est pas conscient du tout gt 15 qui demande au spectateur de continuellement d lire ce qu elle dit Cette ouverture la distance facilite bien s r des effets comiques fond s sur la d valuation la d gradation Cette ouverture est aussi une porte au path tique le spectateur le moindrement qu on l am ne adh rer ce que vit le personnage est continuellement appel d duire le drame intime qui se cache derri re la surface Des pi ces comme Bachelor La trempoline est deux pieds du plafond certains passages d Une amie d enfance jouent continuellement sur la vibration entre le comique et le path tique que l on produit en variant le rapport du public cet cart entre ce que le personnage dit et ce que dit le personnage Mais c est dans les pi ces de banlieue que se trouve l usage le plus spectaculaire du rapport personnage langage Si l image de la banlieue comme zone dont le mode d emploi est encore d couvrir se r v le si fo
8. bri vet des apparitions Les autres pi ces celles dont le nombre de personnages est plus r duit m me si leur pr sence sc nique est plus prolong e privil gient aussi le portrait chaque personnage devient en quelque sorte le repoussoir de l autre Si le nouveau th tre comique s labore dans des cadres dont la force est de r f rer efficacement un r el familier c est sur les personnages eux m mes vu que l action est toujours n gligeable que tout repose Pourtant ces personnages ne tendent pas avec clat et nettet vers la monomanie qui fonde souvent le personnage comique traditionnel La raideur bergsonnienne discr te dans l action dans les jeux l est aussi chez les personnages Pas davares absolus comme Harpagon ni de na fs irr cup rables comme le Fr re Nolasque ce qui n emp che pas d tre une des composantes d Angele dans Une amie d en fance tout comme la na vet est une des caract ristiques de Dolor s dans Bachelor C est aussi un th tre presque d pourvu de personnages d exception Les personnages se caract risent au contraire par leur c t familier quotidien low profile ouvrier de la construction enseignante tala giste vendeur de chaussures denturologiste chauffeur d autobus repr sentant syndical vendeur d automobiles usag es tudiant organisateur d lections pompier retrait religieux en civil coiffeur comptable serveuse taxidermiste pyromane pous
9. comique est d abord et avant tout fond sur l exploitation de cet effet de miroir Cet effet d ailleurs am ne proposer une explication au grand nombre d adaptations avec transposition des lieux et des noms qu on fait depuis quelques ann es lorsqu on traduit des pi ces comiques trang res en particulier am ri caines Une premi re hypoth se existe qui vaut aussi pour les drames et laquelle celle ci ne s oppose pas cette premi re hypoth se veut que la connotation locale attach e la langue qu b coise nuise la cr dibilit d une pi ce laiss e dans son contexte tranger En plus on pourrait supposer SURFACES COMIQUES ZONES INCERTAINES 153 que dans le cas des com dies Murder at Howard Johnsons devenant Meurtre l Auberge des Gouverneurs l effet miroir que permet l adaptation constitue une plus value comique s ajoutant celle du texte dont la valeur cet effet suite aux productions originales est d j connue assur e Outre ce jeu de miroir le nouveau th tre comique fait appel d autres proc d s comiques pour autant que ces derniers ne viennent pas briser l illusion r f rentielle sans jamais d passer les limites du plausible on les fr lera L o ce th tre se permet de jouer plus rudement c est dans le rapport entre les personnages et le langage Tous ces per sonnages sont fond s sur une sorte d hypertrophie de ce qui est depuis O Neill la c
10. d 1980 es Voisins de Claude Meunier et Louis Saia 1980 Transport en commun et les Derni res Chaleurs de Michel Cherrier et Louise Roy 1981 a D prime de Denis Bouchard R my Girard Raymond Legault et Julie Vincent 1981 Monogamy de Claude Meunier et Louis Saia 1982 Quatre tableaux d une cruaut sans nom de Marie Perreault et Louise Roy 1983 La trempoline est deux pieds du plafond de Marie Christine Lussier Marie Perreault et Louise Roy 1983 Raz de mar e de Denis Bouchard et R my Girard 1985 Si la com die traditionnelle se fonde sur l exposition l exploitation et le d nouement d une crise force est de voir que dans ce nouveau th tre il n en est rien la plupart de ces pi ces sont d pourvues d intrigue et l action il faudrait souvent dire les actions na qu une importance toute secondaire Les enjeux sont banals et les conflits rel gu s l arri re plan ne semblent tre l que pour instaurer une dynamique minimale Ce qui a d ailleurs un peu d boussol la critique lorsque ce genre de pi ce est apparu Par exemple Ida Lachance premi re de ces pi ces fond es sur la multipli cation de personnages pisodiques il y en a trente neuf a t ainsi comment e par Pierre Mailhot apr s avoir remarqu que cj est selon la plus pure syntaxe du drame traditionnel que se d roule action et avoir indiqu la structure actan tielle de la pi ce le critique remarque que
11. e au foyer r ceptionniste dans un bureau de dentiste commis au bureau des licenses employ de caisse populaire etc Leurs noms sont tout aussi familiers de Gaston Maheux Madame Roger Grenon en passant par Archie Bilodeau Jacqueline Dugas et Alphonse L gar Le caract re comique de ces personnages n est pas vident Pourtant ils font rire est bien certain qu il y a dans ces pi ces des gags identifiables souvent fond s sur un rapport d fectueux entre les personnages et le langage nous revien drons sur ce point Mais leur principale force comique semble r sider dans l effet de re connaissance qu ils provoquent chez le public Si le savoir faire dramaturgique mis au point la fin des ann es soixante avait permis de transposer sur sc ne le langage des couches populaires les auteurs de ce nouveau th tre ont pouss ce savoir faire dans un but mim tique Ces auteurs sont visiblement fascin s par les particularismes du 152 TUDES LITT RAIRES HIVER 1985 langage non seulement les particularismes de classe ou de r gion 13 mais ceux d velopp s par des conditionnements relatifs la mode aux m dias au travail Et ils ont d velopp une criture dramatique principalement vou e la r alisation de portraits linguistiques ahurissants par l illusion de v rit qu ils provoquent Sans compter qu la sc ne tout dans le jeu de l acteur dans son maquillage sa coiffure et son costume to
12. e l crit Pierre Sareil avec un sens tr s s r de la litote dans son essai l criture comique il est bon que l auteur ait pour lui une partie notable du public 19 Si la banlieue si importante dans ce th tre est risible sur sc ne c est que le th tre suivait ainsi un mouvement de pens e qui depuis quelques ann es remettait en question le consum risme l individualisme et le conservatisme li s l closion et la valorisation du mode de vie de banlieue Th tre illusion niste le nouveau th tre comique m nage entre lui et son objet la distance n cessaire pour que puisse na tre le comique mais ne porte gu re de discours critique original sur ce qu il repr sente se contente habituellement de se greffer un mouvement de pens e d j existant et suffisamment r pandu De plus son humour fond sur un regard 00 aux surfaces d unit s discr tes de la r alit est r fractaire une mise en valeur de ce qui articule le r el Les spectacles du Kiaxon la D prime et Raz de mar e portent une dimension critique plus forte mais pour ce faire ont du rompre avec le naturalisme Si la Colomba de a D prime tait d une concep tion maladroite l utilisation de personnages fantasmatiques hantant l esprit du Chef du parti dans Raz de mar e per mettait d tablir un discours critique assez nuanc noter SURFACES COMIQUES ZONES INCERTAINES 155 aussi que cette pi ce a recour
13. er Fer ron lieux de la discontinuit et du consum risme elles sont l image m me d un mode de vie moderne pas encore tout fait invent Dans es Voisins Georges remarque au sujet de la chambre de la fille de son voisin Bernard J te dis que moi son ge j aurais aim a avoir une chambre de m me Ce quoi Bernard r pond Qu est ce que tu veux notre ge n avait pas de chambre de meme gt 11 Ainsi nouveau th tre parce qu il traite aussi d une nouvelle classe sociale inexis tante la g n ration pr c dente Ou plus justement parce qu il traite de ceux qui ont v cu ce passage d une classe l autre Quelque chose les rattache Georges Dandin ou Monsieur Jourdain mais contrairement leurs pr d ces seurs ils n ont pas de mod le auquel essayer de se conformer Is essaient d tre les meilleurs de la classe moyenne avec pour seule aide les sollicitations de la publicit et comme seul moteur leurs fantasmes de m diocrit n est pas inutile par ailleurs de noter que dans les habitudes de consommation de ce nouveau groupe social figure le th tre l ger 12 qui inclut ce th tre dont nous parlons nouvelle classe nouveau th tre Certaines de ces pi ces on l a vu tendent carr ment au d fil la constitution d une galerie de portraits o plus SURFACES COMIQUES ZONES INCERTAINES 151 pr cis ment de silhouettes ne serait ce qu cause de la
14. limiterons pour cette tude ce qui se d duit des textes 2 laissant de c t les questions sp cifiquement pos es par leur repr sentation ce qui ne nous interdit pas compl tement dy recourir pour clairer certains points D ailleurs texte et repr sentation ont ici les m mes ma tres d uvres les auteurs o un des auteurs r gle nt toujours sauf de rares exceptions la mise en sc ne Sans vouloir corroborer l id e naive de la repr sentation comme prolongement du texte notons qu ici ces deux pratiques rel vent dun m me travail d auteur continu Quelles sont les uvres constitutives de ce nouveau th tre comique Dans la d termination du corpus entre un empi risme certain il s agit de regrouper des pi ces qui premi re vue ont un air de parent un style commun Car il est bien vident que ce nouveau th tre comique qu il s agit ici de circonscrire est loin de regrouper toutes les com dies crites et jou es depuis le milieu des ann es soixante dix Le biais le moins al atoire est celui des auteurs ou plus pr cis ment celui des familles d auteurs On pourrait ainsi d finir le corpus qui nous int resse comme tant les com dies produites par deux familles d auteurs la premi re tant celle de Louise Roy de Louis Saia et de Claude Meunier la seconde tant constitu e autour de Denis Bouchard et de R my Girard Roy Sala et Meunier avec leurs divers collaborateurs ce sont des a
15. nier R my Girard Denis Bouchard et quelques autres s est d velopp un th tre d humour qui allait se distinguer par son exceptionnel succ s la D prime a eu 317 repr sen tations Broue conna tra bient t sa milli me Une amie d en fance et Appelez moi St phane ont b n fici de nombreuses reprises Ces chiffres spectaculaires peuvent s expliquer en partie par le d veloppement r cent de structures de produc tion ayant mis au point des strat gies de mise en march extr mement efficaces N anmoins le succ s de Broue et de la D prime se compare avantageusement celui de spectacles d artistes de vari t tels Jean Lapointe ou Yvon Deschamps et cela en d pit du fait que le th tre ne profite pas aussi assid ment du puissant r seau t l visuel que les vari t s La popularit de ces spectacles th traux est donc r elle les producteurs ne l ont pas tant cr e qu ils ont d velopp le savoir faire pour l exploiter Comme tout succ s ce nouveau th tre comique mettait en lumi re des r alit s jusque l n glig es employant pour 144 TUDES LITT RAIRES HIVER 1985 ce des proc d s in dits ou plus justement peu sollicit s pr c demment Nous nous attacherons dans cet article cerner les caract ristiques de ce nouveau th tre comique montrer en quoi il diff re des pratiques qui l ont pr c d et sugg rer quelques pistes quant au x sens qui s en d gagent Nous nous
16. os e de ce th tre l ger pour son propre compte r v lait entre autres que le public de cette compagnie provenait en grande majorit de la banlieue et qu il pr f rait voir du th tre comique 13 Encore l on y va d une fa on excessive Louis Saia dans un entretien d crit de cette fa on la langue de Dolor s le personnage principal de Bachelor elle a l accent d Hochelaga dans le bout de Pie IX entre Sherbrooke et Ste Catherine Paul Lefebvre entretien avec Louis Saia Jeu 21 1981 4 p 78 14 Un des plus purs exemples de ce type de relation la sc ne se trouve dans les Belles S urs de Michel Tremblay le monologue le plus ri et applaudi de la repr sentation est immanquablement celui o Yvette Longpr num re tous ceux qui ont f t sa belle s ur Fleur Ange David 15 Louis Saia Jeu 21 1981 4 p 76 16 Claude Meunier et Louis Saia es Voisins Lem ac 1982 p 63 17 Claude Meunier et Louis Saia Appelez moi St phane Lem ac 1982 p 15 18 Avec la popularit des Lundis des Ha Ha soir es de stand up comics anim es par Ding et Dong Serge Th riault et Claude Meunier 19 Pierre Sareil l criture comique P U F 1985 p 25 N O Annexe Corpus de base par ordre chronologique de cr ation Une amie d enfance de Louise Roy et Louis Saia cr e au Conventum en janvier 1977 par les Productions du G ant Beaupr mise en sc ne des auteurs Publi e Lem ac 198
17. proc d s tr s efficaces pour pro voquer le rire sont aussi tr s visibles comme le sont les le S 0n n 0 gt O 2 2 Le O c 2 D O LS 2 2 0 D O 0n ks 0 0 S2 gt O q 148 TUDES LITT RAIRES HIVER 1985 p rip ties accumul es un niveau plus global or la visibilit de l action est ce quoi ce th tre se refuse Dans les cadres de ces pi ces cadres dont la valeur r f rentielle est pr cise et famili re au public l action doit se donner comme vidence Stories only happen in stories disait Wenders dans l tat des choses De toute vidence ce th tre la ne veut pas avoir lair de conter des histoires Ce qui s ex cute dans ces cadres c est un travail d exposition des personnages et de leur langage Ces pi ces se passent ici et maintenant ni pass isme ni exotisme C est un th tre dont l action se d roule dans des lieux familiers la classe moyenne et dont les caract ristiques sont exacerb es On parle du style lavalois sic de l ameu blement de Gaston et d Ang le dans Une amie d enfance 8 et de leur bar avec un petit toit en paille typique du sud en g n ral comme le pr cise Gaston les pouses dans 5 Voisins se rencontrent au rayon des produits congel s chez Steinberg c est dans une r tisserie Saint Hubert que se passe le banque
18. rte dans ce th tre c est que les personnages de cette nouvelle classe sont encore mettre au point leur langue Laurent Mailhot dans sa pr face l dition Lem ac d Une amie d enfance insiste sur cette ques tion comparant les glissements et d rapages gt d Ang le et 154 TUDES LITT RAIRES HIVER 1985 20 89 6 de Coco Des fois je parle pis men rends pas compte 16 dit Luce dans es Voisins sorte de Cantatrice chauve r aliste ou l on s exprime par des phrases st r o typ es ou rien n arrive s changer parce que les codes sont brouill s et que tout ce qui se dit finit par se r duire sa fonction phatique montrant paradoxalement que la commu nication jamais ne s tablit Comme on a quitt la ville pour un bungalow de banlieue on essaie de quitter une vieille langue pour une nouvelle que l on essaie de bricoler avec ce qui mane de la publicit des m dias Mais vous face au th tre l est ce que vous pensez que le th tre qu b cois m rite d tre jou ou si vous abondez plus pour une chose l un Feydeau un boulevard de m urs parce que c est un probl me le joual au th tre y a d la mentalit culturelle l dedans quand m me Cet humour naissant d une absence de contr le sur le langage par le sujet de l locution aura une norme fortune dans la pratique des stand up comics qui vers 193818 commenceront devenir tr s populaires Comm
19. s une action labor e se distinguant ainsi des autres pi ces du genre Reposant principalement sur l tonnement inh rent au fait m me de repr senter sur sc ne aspect visible et audible de r alit s quotidiennes il semble in vitable que ce nouveau th tre comique perde de son int r t lorsque la nouveaut sur laquelle il s appuie cessera d en tre une La dissolution du genre a d j d ailleurs commenc s op rer L exactitude photographique d velopp e dans ce th tre a influenc des dramaturges dont la pratique tait assez diff rente pensons a Marie Laberge par exemple qui avec le Banc 1983 a repris la structure du cadre unique qui voit d filer un grand nombre de personnages Le savoir faire relatif la construction de personnages sert maintenant Louise Roy consolider ses pi ces dramatiques o les p rip ties sont importantes ainsi Je ne t aime pas 1984 crite en collaboration avec Yves Desgagn s Le passage de l effet de re connaissance des personnages du premier au second plan est tangible aussi dans Raz de mar e o l action comme on l a vu importe Quant aux d rapages langagiers ils ont migr de la sc ne th trale celle des vari t s La mise en sc ne hyperr aliste du banal semble d j tre un ressort comique de moins en moins puissant r cup r s les proc d s mis au point dans ce th tre semblent maintenant vouloir servir pour la construc tion d objet
20. s th traux plus complexes Notes _ Pensons en particulier aux productions Jean Claude Lesp rance res ponsable de la diffusion de Broue et de a D prime 2 Quand ils sont disponibles Si plusieurs ont t publi s d autres sont gard s comme s il s agissait de secrets d tat Certaines de ces questions sont extr mement int ressantes Signalons celle de la production des effets de r el dans l conomie g n rale de la repr sentation et celle relative au fr golisme gt caract risant habituel lement le travail des acteurs de ces spectacles 4 On trouvera en annexe une liste des pi ces s lectionn es mentionnant le producteur le lieu et le metteur en sc ne de la cr ation Lors des reprises les sc nes crites par Jean Barbeau Germain Beau champ Gaston Caron et Robert Gurik ont t supprim es des textes des trois com diens metteurs en sc ne se sont ajout s on 156 TUDES LITT RAIRES HIVER 1985 Pierre Mailhot Ida Lachance Jeu 8 printemps 1978 p 140 Ibid Louise Roy et Louis Saia Une amie d enfance Lem ac 1980 p 29 Ibid p 48 10 Voir ce sujet le brillant article de Yolande Villemaire Il tait une fois dans l est l empire des mots Jeu 8 printemps 1978 pp 61 75 11 Claude Meunier et Louis Saia les Voisins Lem ac 1982 p 121 12 Un sondage r alis an dernier par la Compagnie Jean Duceppe dont la programmation est abondamment comp
21. t dans La trempoline est 5 deux pieds du plafond Appelez moi St phane se d roule dans les locaux dun centre culturel a D prime se passe carr ment au terminus Voyageur de Montr al Dans toutes ces pi ces on n arr te pas de nommer des villes des rues des tablissements connus Dolores dans Bachelor travaille chez Eaton rue Ste Catherine Ang le fait ses achats l Hypermarch tandis que Solange son amie d enfance est serveuse la salle manger du Motel Continental sur le boulevard Laurentien Et Coco lamant de Solange travaille proba blement au magasin Canadian Tire o Georges dans es Voisins est all acheter le shampoo pour le toit en vinyle de sa voiture Les objets qui peuplent ces lieux sont aussi pr cis aussi tangibles aussi nomm s Dolor s se pr sente une bouteille de Neet la main chantonne la rengaine du commercial de la bi re Rallye et dans son r ve Dieu arrive en taxi Diamond la vie d un simple d esprit dans a D prime gravite autour des billets de Mini Loto une horloge Molson gr ne les heures la taverne Chez Willie Tout cela cr e un r seau 02 6 8065 tr s puissants liant ces textes au grain m me du r el dont font partie les spectateurs Si la g ographie chez Michel Tremblay malgr un rapport en apparence serr la topographie montr alaise est d abord et avant tout une organisation symbolique dont le sens peut se
22. ut concourt aussi ce maniaque travail de mim tisme ne s agit pas tant de dire que de donner entendre La repr sentation exacte de la surface du r el tant auditive que visuelle fait rire sur sc ne au Qu bec Longtemps nourri de repr sentations th trales partir de textes trangers comme de textes qu b cois qui se donnaient comme symbole de la r alit tout en tant incapables d tre des images de la soci t le public jouit de voir la repr sentation de sa propre surface 14 Ce rire de re connaissance est analogue celui qui accompagne l apparition d un proche dans un film de famille La capacit nouvelle d tre repr sent exactement c est toujours le cach le priv comme les sacres qui provoquent le plus le rire provoque la jubilation d un public qui n en revient pas longtemps habitu ne voir que d autres Fran ais Am ricains etc jouir du privil ge de la repr sentation mim tique C est comme si le public traversait une sorte de stade du miroir il jubile devant la constitution de sa propre image Mais l analogie avec le concept psychanalytique s arr te je crois ici le public ne s identifie pas il identifie Ainsi le rire na t sans que le portrait soit n cessairement caricature mais uniquement parce que le portrait fait op rer un passage du senti 06 16 on jouit de ce que la repr sentation d coupe et fige un fragment de r el Le nou veau th tre
23. uteurs qui n crivent jamais seuls ont produit un ensemble de textes qui sans tre homog ne provient sorte de fond commun Pour qui a suivi leur volution au cours des ann es devient possible de percevoir les diverses personnalit s malgr les signatures multiples mais l n est pas l objet de notre tude Quant Denis Bouchard et R my Girard ils ont crit au sein de leur compagnie le Klaxon Raz de mar e et ont t deux des artisans de a D prime Sans tre apparent s la famille pr c dente ils crivent un th tre qui outre le succ s partage on le verra les principales caract ristiques des pi ces du premier groupe Nous proposons ainsi comme corpus du nouveau th tre comique les pi ces suivantes ici num r es selon la date SURFACES COMIQUES ZONES INCERTAINES 145 de leur cr ation 4 Une amie d enfance de Louise Roy et Louis Saia 1977 Ida Lachance de Louise Roy et Louis Saia 1978 Broue de Jean Barbeau Germain Beauchamp Gaston Caron Robert Gurik Claude Meunier Jean Pierre Plante Francine Ruel et Louis Saia puis avec des ajouts de Michel C t Marcel Gauthier et Marc Messier 1979 5 Bachelor de Michel Rivard Louise Roy et Louis Saia 1979 Appelez moi St phane de Claude Meunier et Louis Saia 1980 Mousse de Denis Arcand Marielle Bernard Cl mence Desrochers Denise Gu nette Marie Christine Lussier Maryse Pelletier Louise Roy et Michel Rivar
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