"Maîtres contemporains" 1976 - Texte critique pour la
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1. et aux nomenclatures rassurants Au lieu d tre au c ur de la soci t l artiste est rejet sa p riph rie jet en p ture un march sp culatif sans scrupule Brutalis par mille moyens insidieux ou violents l artiste est souhait secr tement maudit vou au seul bon vouloir salvateur d une petite minorit arrogante qui s octroie le savoir et le pouvoir Il faut faire preuve d un sacr ent tement pour peindre aujourd hui croire contre vents et mar es que le monde m rite encore des images Le travail patient de Victor Cupsa les heures les jours les mois souvent pass s sur une m me toile comme si chaque fois il s agissait d une uvre ultime de la d cisive bouteille la mer est une de ces t ches modeste secr te silencieuse o la merveilleuse l exceptionnelle Punique petite flamme qui vacille co te que co te tant qu il y a la vie trouve l application de sa n cessit irr ductible Le travail du peintre me fait irr sistiblement penser celui du conspirateur m me utopie et au bout du compte m me m pris m me incompr hension m me d sinvolture de la part des autres des muets La prise de parole de Pindividu qu il soit poseur de bombes ou de questions commence dans les secrets d un face face avec soi m me par le truchement d un mat riel p rilleux manipuler La peinture de Cupsa est d abord ce face face avec la toile blanche cet affront2. un visible imm diatement perceptible Imposer la v rit d une pratique o le travail et la patience comme une asc se deviennent une r gle de rigueur offre la peinture de Cupsa son image cette paisseur fictive que produit un faire de longue haleine Le r pertoire d images de Cupsa ni clectique ni syst matique para t de source obsessionnelle Il ne s agit pas d une peinture de vari t La t che est s rieuse l imaginaire est affaire d me Cupsa est un exil l anecdote est trop futile le quotidien trop pr caire Ses images crieront ses angoisses chanteront ses espoirs Le mot cl de l incipit de ce texte est une n gation celle du mot concession La peinture de Cupsa est d abord cette n gation ce refus d o cette difficult du premier abord et ce texte qui n en finit plus de tourner autour du pot qui multiplie les biais ceux des consid rations sociologiques de caract re g n ral ceux qui veulent prendre en compte comme si l exclusive tait possible la seule facture les timides indiscr tions biographiques etc comme s il s agissait de dompter cette peinture d cid ment insaisissable Le moment de v rit est bien celui de l affrontement avec l image Mais elle d range bouscule interroge beaucoup trop profond Reprenons nos fl neries L admiration que Cupsa porte Solj nitsyne celui de ces milliers de pages rudes poliss es par la m moire le sou
3. La peinture de Victor Cupsa sans aucune concession est le reflet d une exigence int rieure un moment o s vissent les art supporter de toutes sortes o les revues d art ne s offrent gu re de reproductions en couleurs o le sensationnel est le pain quotidien des professionnels de l avant gardisme o d innombrables supports plus ou moins ph m res et internationaux fabriquent sati t des arts fictifs du concept l art corporel o de d risoires t moignages photo servent d ersatz des uvres absentes il est bon de pr ciser que ce qui est ici nomm peintre n est pas un quelconque fabricant de batik un terroriste du geste sublime un forcen du jet de couleur un maniaque de la reproduction photographique mais un homme qui ne semble vivre que pour peindre peindre que pour vivre Son attitude la fois modeste et solitaire est l encontre de cette course aux m dias et aux pr faciers laquelle travers les mondanit s au prix de toutes les concessions un peintre dans le vent se doit de participer A ces pr cipitations dans l imm diat Cupsa r pond par un travail patient et m ticuleux Je ne suis pas de ceux qui jettent l uvre d art du c t de la mort dans une intemporalit supr me d o elle dominera it le commun des amateurs prostr et en adoration avec le d dain qui caract rise les choses livr es un plus honorable destin que le lamentable destin mortel qui nous acca
4. ble Je crois que comme il y a des cantatrices et des bouchers il y a des peintres Qu ils partagent le destin des autres hommes avec parfois plus de confort parfois plus de tragique parfois en fonctionnaire z l Leur production est leur image c est dire la n tre Ils ont choisi de communiquer de petites banalit s leur tr sor par le moyen somme toute quelque peu cul depuis quelques mill naires de pinceaux et de couleurs pendant que d autres choisissent les sons d autres les mots d autres encore ce que l on appelle avec ironie ou pudeur un certain art de vivre semblant tonnamment privil gier l tre aim aux g n rations futures Ceci dit seule fin de pouvoir entrer en peinture avec toute la s r nit qu exige le travail de Victor Cupsa Ce n est pas facile Ici point de mode d emploi commode point de th orie n buleuse mais une simple vidence voil une peinture bien faite H y a l d j mati re plaisir jubilation peut tre Cela ne fait il pas un peu vieille France ce go t du travail bien fait On entend d j la longue litanie chantant les vertus d antant ou le tout fout l camp de Mouloudji Pourtant le bien peint comme le bien crit me para t un signe finalement peu d testable de respect pour l ventuel interlocuteur En plus P re de l anonymat industriel d une cybern tique envahissante de planifications h tives le t moignage d
5. de Cupsa me para t le plus souvent comparable une h raldique mettant en place un jeu symbolique subtil savant hautain Le monde d crit par Cupsa est doublement p trifi par sa rigoureuse mise en peinture qui fige toute vie possible dans une embl matique par le go t de sujets eux m mes p trifi s tels que statues ou ruines L all gorie la m taphore lanalogie le symbole sont les moyens que se donnent ces images qui sont aussi moments d ternit Figures de Boudha ou de condotti res elles sont fix es dans la pierre ou dans l encaustique d une vieille ic ne La vie para t chass e de cet univers glacial o r gne l id e et ses m canismes Pourtant Cupsa nous livre aussi la femme et le d sir nudit grise d voil e par la fourrure bijoux pingl s m me la peau seins amoureusement polis gonfl s de passion g n reusement offerts sur un billot de bois pour quel sacrifice Idole de fer ou de marbre d une anatomie de r ve cern e de phallus p trifi s dans leur rection La tourmente sexuelle que pr sente Cupsa est douloureuse l rotisme qui y pr side est celui d une distance infranchissable telles ces femmes emmur es muettes expos es par es de leur seule solitude Nous savons comment la peinture flamande s est r g n r e est entr e en Renaissance par limitation que les peintres faisaient de l art du sculpteur La peinture de Cupsa riche de sculptures d appareillage
6. e l effort individuel ne me para t pas n gligeable Aujourd hui l exercice d un art quel qu il soit avec la qu te du chef d uvre qu il suppose immanquablement t moigne d une existence possible dans un monde vou la pr cipitation et l aveuglement Contre les enr gimentements et les ali nations la peinture peut tre le support le r v lateur mais aussi la muraille si ce n est Parme qui permettent de d fendre de montrer de faire vivre enfin ce jardin secret en proie aux bulldozers et aux d molisseurs de toutes sortes qui tracent les voies royales d un avenir b tonn d une logique absurde Donner forme et couleur ses r ves ses d sirs mais aussi ses r probations les plus profondes conjuguer Pamour et la r volte avec la m me ferveur donner voir un ordre des choses qui rompe avec linextricable d sordre quotidien telles sont les t ches du peintre Cette distance que prend le peintre avec le monde n est ni un refus aristocratique ni un d fi cynique mais la conjonction de la causa mentale ch re aux renaissants et de la pesanteur mat rielle des moyens du faire Cette marginalit impos e aux artistes est la revanche d une soci t qui refuse de se voir de se montrer de d voiler ses ab mes de laisser appara tre ses cr tes qui ne supporte que l indistinct d une grisaille Soci t si peu s re elle m me qu elle ne laisse place qu aux ex g tes aux mus es
7. ement d une pens e avec la r alit mat rielle et historique de la peinture Au moment o de fa on incantatoire le mot peinture est doubl pour d signer des exp riences souvent d risoires manipulations l mentaires que l on s empresse d j d enseigner dans nos coles des beaux arts un acad misme chassant l autre la peinture ici ne joue pas de cette st rile rh torique mais d une pratique ancr e dans les profondeurs de l histoire de l art De Sienne aux traditions ic niques orientales le mus e imaginaire devient op ratoire dynamique Il ne s agit pas l d une habitude d un laisser aller qui perp tue la tradition par manque d exp rience mais au contraire d un choix d lib r original courageux Au printemps 1970 lors de sa vaste exposition au Mus e d Art Moderne de la Ville de Paris sous le titre l espace m taobjectal Cupsa pr sentait des objets un environnement la fois plastique et musical avec la collaboration de Joanna Bruzdowicz Si d j se trouvait l le th me central que perp tue sa peinture aujourd hui celui de la carc ration la forme en tait tr s diff rente Constatant la voie sans issue o le menait l objet puis le n ant du pur concept il s arr ta de travailler toute une longue ann e avant de d cider un retour d cisif la peinture L urgence de dire impliquait un mode formel qui obligeait suivre une stricte discipline pour produire
8. s minutieux se veut aussi irr m diable son tour qu un art de la pierre Enfin le th me de la crucifixion retour aux sources de l ic nographie occidentale supr me d fi un monde hostile et accablant signe d une spiritualit vivante cette croix v tue d un lourd manteau dress e sur un champ de bl accueille sur ses bras quelques oiseaux assagis Merveilleuse parabole d une boulversante sinc rit cette toile d une ambition peu commune o le hi ratisme l humour et une fra cheur spontan e se m lent est l image d un peintre hors du commun Jean Louis PRADEL PARIS Juin 1976
9. venir la n cessit de t moigner n est pas trang re une certaine complicit fervente Le combat du peintre est un peu le m me que celui de P crivain Refusant toutes les facilit s la mode ce peintre solitaire t moigne de l homme un moment o le seul formalisme tient lieu de discours Comme premi re image j ai choisi la plus outrageuse un visage biface la fois le peintre lui m me et un christ d ic ne apparaissant disproportionn immense au dessus d une ligne de c mes escarp es enneig es le tout en partie masqu par un chevalet supportant une toile grise o se dessine un immense il de pierre Image complexe image g n rique o se lit l ambition d mesur e du peintre mais aussi son interrogation son d sarroi Quel est ce peintre que je suis Pour qui se prend il ce fabricant d images de marbre ternelle et muette image aveugle pour les aveugles la toile qui nous fixe production d un trange Janus cran tendu entre le peintre et le spectateur d risoire elle est m dium l intersection de toutes les voies ouvertes par un tableau qui se veut une mise en situation de la peinture Mais ce discours abondant redondant m me d autres toiles pr f rent se fermer tout enti res sur un mutisme insistant je pense en particulier ce mur par de larmes lourdes lentes celles d un plaisir contraint alimentant une mer d acier La forme de discours choisie par la peinture
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