Le TTR en procès : une condamnation sans appel
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1. Mais cette cons quence n est pas la seule qu il faille relier l emprise du TTR sur l ensemble du syst me judiciaire Au del d une approche purement quantitative il faut s attacher aussi une valuation qualitative du travail judiciaire La multiplication et la complexification des t ches r sultant de l accumulation des r formes du droit p nal et surtout de la proc dure p nale ont conduit les parquets d abord mais ensuite aussi les magistrats du si ge modifier leurs pratiques pour faire face aux injonctions contradictoires qui leur taient adress es Si l on peut dire qu ils se sont bien adapt s ces nouvelles demandes on peut s interroger cependant sur la mani re dont ils ont t contraints de le faire et sur le bilan qu on peut tirer aujourd hui de la qualit de la justice rendue L impossible personnalisation de la r ponse p nale par des m thodes de traitement de masse des contentieux g n rant des poursuites et des d cisions st r otyp es et bar mis es Gr ce ou cause du TTR les magistrats du parquet se sont vus dispens s de porter une analyse approfondie tant sur leurs proc dures que sur la politique de leurs contentieux L un des plus s rieux reproches que l on puisse faire au TTR cet gard est d avoir introduit des routines st r otyp es dans les choix de poursuites faute la fois d une r flexion sur la capacit du syst me de r soudre r e2. Le TTR en proc s une condamnation sans appel Consid rations liminaires Accueilli dans les ann es 1990 comme une r volution judiciaire le traitement en temps r el des proc dures TTR est en faillite M me s il n a pas t jusqu au bout de ses critiques en pr conisant sa disparition le rapport Nadal sur la refondation du minist re public reconna t lui m me qu il est dans une crise profonde 1 La mission d tude sur le traitement en temps r el confi e par le garde des sceaux l inspection g n rale des services judiciaires est semble t il le premier bilan officiel qui va en tre dress Il s imposait d autant plus que le TTR a profond ment modifi le paysage judiciaire depuis le d but des ann es 2000 et que sa crise est devenue celle de la justice tout enti re Le TTR s est affirm puis impos d abord comme une r ponse la crise de l institution judiciaire des ann es 1990 au moment o celle ci tait attaqu e de toutes parts la fois sur sa l gitimit et sur son fonctionnement L objectif tait de rationaliser et de moderniser la justice p nale en r solvant deux probl mes d nonc s comme les causes principales de son inadaptation la lutte contre la d linquance le d calage entre le temps de l enqu te et celui du jugement d une part l illisibilit de la r ponse p nale d autre part Le TTR a donc t pr sent son origine comme une solution rapide et mo
3. En d finitive le seul bienfait du TTR a t de judicieusement exploiter le caract re public de ces proc dures rapides et punitives ce qui n est pas le cas de l instruction autre pourvoyeuse majeure d incarc ration La pr sence syst matique en province de la presse ces audiences donne la population le sentiment illusoire d un appareil policier et judiciaire s v re pr sent et efficace mais il ne s agit au final que de la mise en sc ne d un nombre tr s restreint d affaires qui permet la justice de compenser son ineffectivit pratique par un impact symbolique lev De la fonctionnarisation des parquets la prol tarisation des magistrats Destin au traitement individuel de masse le TTR s est accompagn d un changement de perspective sur l utilit de l intervention judiciaire celle ci tant valu e l aune de la diversification grande chelle des mesures qu elle permet de prendre Le TTR a modifi ainsi en profondeur la nature du travail des membres du parquet Ils doivent d sormais inscrire leur pratique professionnelle dans une obligation de r sultat caract ris e par la bar misation des d cisions voqu e plus haut qui refl te une nouvelle obsession pour la rationalisation de la r ponse p nale Celle ci doit faire entrer la vari t quasiment infinie des cas dans des protocoles automatis s routiniers et st r otyp s qui sont donc la fois r p titifs ch
4. aupr s des autres acteurs politiques administratifs et sociaux d autre part ils ont re u n anmoins pour ce faire une comp tence judiciaire accrue tant en cours d enqu te perquisitions coutes contraintes sur les personnes en pr liminaire que dans la gestion des proc dures et la d termination des peines CRPC composition p nale au d triment des juges du si ge juges d instruction juridictions de jugement sans qu il puisse tre tabli le gain que ces changements auraient permis en termes de pr vention de la d linquance et d efficacit du dispositif r pressif Enfin outre la surcharge des parquets qui n ont pu adapter leurs moyens leurs effectifs et leurs m thodes de travail ces nouvelles occurrences la fonction juridictionnelle s est trouv e elle m me rel gu e une gestion clat e des dossiers tant dans la phase de mise en tat JLD que dans la phase de jugement sans revenir sur ce qui a t dit de l ex cution des peines En particulier le JLD qui est con u comme le contrepoint juridictionnel l accroissement des comp tences du parquet appara t beaucoup plus comme un alibi que comme un acteur part enti re son statut ne lui apportant aucune s curit ni aucune l gitimit pour tre un partenaire part gale du parquet Il n est au mieux qu un contr leur intermittent d actes de proc dure totalement d contextualis s sur lesquels il n a lui m me aucune perspective d
5. de ces m thodes la situation fran aise ne saurait s y comparer car la justice actuarielle repose sur l laboration d indicateurs faisant l objet d tudes criminologiques approfondies tandis que les protocoles du TTR ne sont que les extensions de routines pratiques d pourvues de toute analyse criminologique pr alable Les mesures qu ils induisent par exemple l obligation de soins ne reposent sur aucune valuation scientifique mais sont d termin es uniquement par l offre dont disposent les parquets et les tribunaux laquelle est singuli rement indigente au regard des ambitions affich es L automaticit des r ponses voulue comme un mode de rationalisation des poursuites a donc pour cons quence que individualisation des mesures est g r e en r alit par l utilisation d un panel de dispositifs st r otyp s et une bar misation des mesures les parquetiers affect s au TTR n ayant pas la possibilit de s carter des modes d emploi qui leur sont fournis selon les instructions hi rarchiques qu il re oivent et devant s en tenir aux dispositifs locaux dont ils disposent Et pour s assurer de la conformit de leurs d cisions ces injonctions ils sont tenus de rendre compte de l ensemble de leur activit dans ses moindres d tails Cette automaticit des r ponses n est temp r e que par le manque de moyens lorsque les services du TTR ne peuvent plus fai
6. de la d linquance par les services de police et de gendarmerie leurs propres imp ratifs statistiques les conduisant d une part limiter l enregistrement et la prise en charge des faits de d linquance pour ne pas faire monter les chiffres de l ins curit et d autre part augmenter artificiellement le taux de r solution des affaires en multipliant les affaires d initiative qui ne r clament pas d enqu te consommation de cannabis sur la voie publique par exemple ainsi qu en limitant les investigations au cours des enqu tes pour cl turer celles ci au plus vite Il en est r sult ce que les praticiens d plorent aujourd hui un effondrement de la qualit du travail policier amplifi e par les r formes de la police qui ont cass ses savoir faire traditionnels auquel les parquets n ont pu ou su rem dier pour diverses raisons R organis s eux m mes selon la philosophie du TTR pour traiter dans l urgence les enqu tes des services de police et de gendarmerie ils ne sont pas parvenus prendre les distances qui s imposaient pour y porter rem de Bien au contraire travaillant en sous effectifs et surtout sans moyen de contr le des informations fournies par les services de police ils sont contraints de d cider des orientations des proc dures sans recul ni autre connaissance des dossiers que celle qu ils obtiennent lors des rapports t l phoniques que leur font les enqu teurs et qui d pendent de la qua
7. l opinion publique une modernisation s duisante mais factice et trompeuse de la justice Il associe positivement des m thodes manag riales en vogue du moins dans la communication qui en a t faite aux attentes d un traitement diversifi et personnalis de la d linquance et de la r cidive Il n a tenu cependant aucune de ses promesses et la situation de l institution judiciaire est aujourd hui bien au contraire des plus pr occupante Loin d avoir rationalis les m thodes de la justice p nale il ne fonctionne que de fa on chaotique avec des bouts de ficelle et de multiples arrangements qui servent dissimuler d un c t l absence de perspective des parquets et des tribunaux submerg s par des flots qu ils ne contr lent plus et de l autre l incapacit des dispositifs mis en place de r pondre aux fonctions qui leur sont th oriquement assign es pr vention de la d linquance et de la r cidive Une premi re proposition serait de d velopper les bureaux des enqu tes BDE qui ont t mis en place dans certains parquets pour prolonger et soulager le TTR en transmettant de la permanence t l phonique un autre service le suivi des affaires qui ne peuvent tre trait es dans le temps tr s court du TTR Les BDE ne sont pas cependant la solution aux d fauts intrins ques et aux insuffisances du TTR car ils ne remettent pas en question la logique m me de celui ci leur fonction tant simplement d abs
8. la primaut de sa comp tence soit se posent en limite son action Un procureur exerce rarement sur un ressort de la taille d un d partement Souverain pour conduire l action publique sur un arrondissement ou plusieurs il devra n anmoins se confronter des autorit s d partementales ou des lus dont la zone de comp tence est soit plus large soit plus r duite mais dont la lisibilit en termes de s curit est claire tandis que celle du parquet ne l est pas Judiciairement il doit aussi composer avec le barreau le si ge et le directeur de son tribunal Tr s loin d tre le ma tre d oeuvre de la cha ne de s ret publique de ses moyens et de son organisation il ne peut que se r signer en tre un humble rouage une tape C est dire que n tant pas en amont de la cha ne il n a d autre choix que la subir Le TTR a t l occasion d institutionnaliser cet tat de fait La police ou la gendarmerie ont la capacit de facto et en toute connaissance de cause de verbaliser ou non une infraction de prendre ou non une plainte On aboutit ainsi ce qu on peut appeler le principe d opportunit de la verbalisation qu il faut mettre en parall le avec la quasi suppression du principe d opportunit des poursuites des parquets qu ils n exercent plus que pour orienter les proc dures non pour les s lectionner Au surplus les infractions complexes autres que les infractions de voie publique ne s
9. ait esp rer avoir vis vis des OPJ plac s sous son autorit Si l on ne saurait pr tendre que les d cisions des magistrats du parquet sont n cessairement les meilleures et devraient tre syst matiquement approuv es par leur propre hi rarchie il n en reste pas moins que l ensemble des relations qui se sont tablies dans le cadre du TTR conduisent ainsi une fragilisation de la cha ne de d cision et une remise en cause de l autorit du minist re public Une autre difficult est qu en pratique la diff renciation implicite des fili res au sein de la magistrature conduit ce que la hi rarchie parqueti re dispose d une exp rience du parquet de terrain d autant plus faible que cro t son niveau de responsabilit et que sa m connaissance du travail concret du parquet est ais ment d tectable par l ensemble de ses interlocuteurs Les parquetiers se sont trouv s ainsi embarqu s leur tour dans la m me logique de traitement quantitatif des contentieux que les services de police et de gendarmerie Au lieu de reprendre la ma trise de l action publique que le TTR tait cens leur redonner les parquets ne peuvent que g rer les flux des enqu tes au fil de l eau et au gr des choix faits en amont selon des crit res policiers sur lesquels ils n ont pas de visibilit ni de ma trise Mais ces choix s imposent eux car ce sont ceux sur lesquels les gouvernements assoient leurs politiques de c
10. an d ensemble s agissant tant des moyens humains que juridiques et mat riels ni r flexion strat gique et op rationnelle comme l aurait n cessit une r forme de cette envergure et de cette ambition La mont e en puissance du TTR s est au contraire effectu e dans l improvisation et les t tonnements et il n a cess d tre g r sans tude d impact ni perspective de long terme Les magistrats et les fonctionnaires ont d se d brouiller le plus souvent avec les moyens du bord dans un bricolage permanent en ne comptant que sur leur abn gation et leur imagination Mais le probl me n est pas qu une insuffisance de moyens par rapport aux ambitions Le TTR est affect de d fauts bien plus graves et toute am lioration ne risque finalement que de les amplifier Ce dernier a en effet impos aux parquets et aux tribunaux des injonctions contradictoires d individualisation des poursuites et de massification des contentieux qu il a li es au sein d une m me doctrine de r ponse p nale syst matique la d linquance Or les cons quences d une poursuite simultan e de deux objectifs incompatibles ont logiquement t l inverse des objectifs affich s et recherch s La massification des contentieux tout d abord a accompagn des d rives en amont comme en aval des poursuites par les parquets Elle s ins re elle m me dans une politique bien d crite et document e aujourd hui de suj tion du traitement
11. aque cas doit tre normalis selon un sch ma uniforme et extensifs les pratiques doivent pouvoir s aligner les unes sur les autres pour entrer dans le cadre de la normalisation voulue Le travail du parquetier ne consiste donc plus mobiliser un savoir faire personnel enrichi de qualit s acquises par une longue formation humaniste et une exp rience professionnelle acquise au fil des ans mais appliquer des protocoles compatibles avec les outils de traitement normalis s mis en place par la technostructure judiciaire le tout dans un contexte de moyens rares et en l absence de toute analyse criminologique pertinente Au lieu d tre encourag e l initiative et l innovation sont au contraire soigneusement combattues au nom d une rationalisation des choix judiciaires qui impose de ne plus sortir des processus enti rement reproductibles utilisant les ressources pr format es de l arsenal socio ducatif de l appareil judiciaire Le travail du parquetier est ainsi devenu celui d un ex cutant la cha ne priv de toute initiative Il doit rendre compte de la conformit de ses d cisions aux normes de traitement des proc dures et solliciter les instructions de sa hi rarchie d s qu un cas sort des sch mas pr tablis Le substitut de permanence se trouve pris en r alit entre des injonctions contradictoires puisqu il doit pouvoir d abord faire une analyse en termes juridiques et proc duraux complexes des situations b
12. ations en valeur relative mais qu il s accroisse irr m diablement en valeur absolue La th orie de la vitre cass e Les auteurs de cette th orie en 1982 James Q Wilson et Georges L Kelling ont expliqu partir d une exp rience r alis e en 1969 par un psychologue Philip Zimbardo et en prolongeant d autres travaux sociologiques ant rieurs que lorsqu un bien appara t manifestement abandonn il devient rapidement vandalis y compris par des personnes parfaitement ins r es socialement Ce type d incivilit s suscit es par la perception d un d laissement de l espace social au sein duquel s est install le d sordre ouvre ensuite la porte la d linquance elle m me Il faut par cons quent pour pr venir la seconde veiller ce que les premi res ne s tendent pas car elles entra nent une r gression des comportements collectifs La d linquance n est pas dans cette conception un comportement ou une cat gorie de comportements qui s opposent une soci t bien ordonn e mais le r sultat d une d gradation de l environnement social lui m me qui favorise des comportements de plus en plus antisociaux C est donc un d sordre social ambiant qui est la cause principale de la d linquance en tant que ph nom ne de r gression collective et non la d rive personnelle d individus qui commettent des actes antisociaux Broken windows Atlantic Monthly mars 1982 Traduit en fran ai
13. ccompagner de divers formulaires ou outils statistiques parall les renseigner ce qui ob re d autant la rapidit et la capacit de traitement au moyen de cet outil Il peut arriver que les magistrats ne soient plus en mesure de r pondre en temps r el aux sollicitations diverses des enqu teurs qui renvoient ainsi plusieurs fois les m mes demandes ce qui sature d autant plus la messagerie lectronique et majore le nombre de courriels traiter Pour peu que la permanence courriel soit g r e par plusieurs magistrats les enqu teurs re oivent ainsi plusieurs r ponses une seule demande parfois divergentes Si le temps de transmission par courriel s av re dor navant inexistant la capacit de traitement du flux re u par les parquets se trouve donc en r alit fortement ralentie par cet outil utilis souvent mauvais escient la perte de temps s ajoute l image de confusion et d incoh rence de la r ponse p nale parfois v hicul e par les parquets Une diversification r elle mais paradoxale des r ponses p nales Le TTR a cherch r soudre la quadrature du cercle en conciliant dans une m me approche l individualisation des modes de poursuites selon une conception inspir e de la th orie de la vitre cass e et de la doctrine de la tol rance z ro voir d finitions dans l encadr infra et la massification des poursuites en vue d apporter une r ponse judiciaire l ensemble
14. charg de la m me fonction si ce n est que la d cision juridictionnelle continue d tre sollicit e pour les cas consid r s comme plus lourds et n cessitant une forme de contrainte accrue Mais dans tous les cas faute de toute analyse sur les causes de la d linquance supposer que l expression ait un sens la nature de l intervention judiciaire a conditionn une r ponse d sormais st r otyp e normalis e et mod lis e par les pratiques du TTR jusque dans les d cisions juridictionnelles L acteur judiciaire parquetier ou juge appel fournir une solution pour pr venir la d linquance est somm de produire ainsi une r ponse en piochant dans un panel de mesures mises sa dispositions et qu il utilise comme une bo te outils bien que leur efficacit n ait jamais t ni analys e ni test e ni moins encore confirm e Il n en poss de donc comme seul mode d emploi que ses propres convictions sur leur utilit et leur efficacit ou les routines voire les pr jug s et les pr suppos s qui ont fini par les rendre incontournables Ainsi dans certains parquets les agressions sexuelles font l objet de poursuites syst matiques quelles que soient les faiblesses des proc dures ou encore les violences intrafamiliales donnent lieu des proc dures st r otyp es comprenant placement sous contr le judiciaire puis SME avec obligation de soins loignement du domicile interdiction de contacts Toutes
15. derne pour traiter l int gralit du flux p nal chaque affaire tant trait e distance le traitement des dossiers s en trouverait fortement acc l r Le traitement traditionnel dit par courrier avait pratiquement vocation dispara tre A la c l rit devait s ajouter l efficacit la relation troite que le TTR suppose avec les officiers de police judiciaire OPJ paraissait de nature renforcer le contr le des parquets sur la police judiciaire volution th orique et adaptation pratique des missions de la justice ont alors t r unies dans la doctrine synth tis e par le TTR on attendait que la rapidit et la g n ralisation d une r ponse judiciaire diversifi e apportent la solution la fois aux mutations des formes de la d linquance et aux dysfonctionnements de la justice une justice exclusivement r active qui ne parvenait plus g rer des contentieux croissants et des formes de d linquance de plus en plus complexes le TTR avait l ambition de substituer une justice proactive qui reprendrait la ma trise de ses flux et remplirait sa fonction de pr vention de la d linquance et de r insertion des condamn s Cette vision th orique et id alis e s est trouv e confront e la r alit du travail des parquets si bien que les principes directeurs qui r gissent le TTR doivent aujourd hui s appr cier l aune de ses r sultats Le jugement s v re port par l
16. des infractions poursuivables dont les auteurs sont identifi s Les parquets se targuent d un taux de classement sans suite historiquement bas 11 en 2012 mais au prix d un engorgement du syst me judiciaire qui n est plus ma tris et qui a conduit aussi bien les parquets que les juridictions modifier en profondeur leurs approches du traitement des dossiers Les promoteurs du TTR ont vu dans celui ci le double avantage de permettre une prise en charge de l ensemble de la d linquance poursuivable moins les classements sans suite au profit notamment d un traitement alternatif des faits de d linquance dont la finalit se voulait avant tout ducative sans pour autant d boucher sur une p nalisation massive des contentieux Or c est pr cis ment le contraire qui s est produit En d cidant de traiter une majorit du contentieux par des voies extra juridictionnelles 3 me voie poursuites simplifi es ou alternatives pour apporter une r ponse judiciaire toute infraction dont l auteur tait identifi les charges pesant sur l institution judiciaire parquets et juridictions ont doubl du fait m me qu elle ne s lectionnait plus ses contentieux On rel vera d ailleurs que si le nombre de personnes incarc r es ne cesse d augmenter ce n est pas contrairement une opinion tenace parce que seraient privil gi s les modes de poursuites aboutissant l emprisonnement tout au contraire
17. diciaire de s adapter aux nouveaux aspects de la d linquance En d autres termes l action publique a t consid r e comme l un des instruments privil gi s du conditionnement r insertion des d linquants gr ce l application d une r ponse judiciaire syst matique toute infraction dont l auteur tait identifi entra nant le syst me judiciaire dans une course incontr l e contre la d linquance et la r cidive Cette conception non ma tris e de l action publique a non seulement noy les parquets sous l afflux des dossiers traiter par la quasi limination des classements sans suite 89 des infractions poursuivables font d sormais l objet d une r ponse p nale ou para p nale mais elle a aussi brouill tous les rep res de l intervention judiciaire Celle ci s est vue d pouill e en effet de toute signification autre qu utilitaire dans le sens o il ne lui est plus demand que de pr venir la d linquance et la r cidive travers des contentieux s lectionn s selon des crit res qui chappent aux juges puisqu ils sont l aboutissement d un processus auquel ils ne sont pas associ s mais qui leur est pr sent comme enti rement rationnel et normalis Il n y a plus de diff rence de fond entre l action du parquet manageant des dispositifs de traitement cens s conduire la r insertion des d linquants par des mesures alternatives qui rel vent d sormais de sa comp tence et celle du tribunal correctionnel
18. du rapport probation TIG incarc ration sur une longue p riode Ann es Au 1 1 1991 Au 1 1 2012 Nombre de personnes incarc r es condamn s 29 235 48 554 pr venus 19 870 16 454 total 49 105 31 8 65 008 29 Nombre de personnes suivies par CPAL SPIP SME 94 960 128 772 TIG 10 507 30 310 total 105 467 68 2 159 082 71 Faut il voir dans cette invariance des rapports entre les peines une propension permanente des magistrats privil gier quand m me l incarc ration comme on le pr tend souvent On pourrait soutenir en effet que l augmentation des peines alternatives l emprisonnement comme le SME et le TIG dissimule ou sert d alibi l augmentation du nombre de personnes que les juges continuent d envoyer en prison Rien n est moins s r pourtant puisque outre l augmentation dans la m me proportion des peines d emprisonnement et des peines ducatives qui ne d montre pas une disposition particuli re des juges envers la prison malgr l instauration des peines plancher on note que l accroissement des capacit s d incarc ration dans le parc p nitentiaire a entra n globalement une diminution de la surpopulation carc rale ce qui signifie pour le moins que les magistrats n ont pas profit de l accroissement des capacit s d accueil en prison pour y envoyer plus de personnes Ann es Capacit s p nitentiaires Nombre r el de d tenus au 1 1 laux de nombre de places th or
19. e contentieux cibl s Il suffit de comparer les statistiques officielles du minist re de la justice quelques ann es d intervalle pour mesurer quel point la justice a modifi ses modes d intervention et percevoir les raisons pour lesquelles elle ne peut plus faire face aujourd hui aux missions qui lui sont confi es En 1996 les parquets avaient re u 5 185 495 proc s verbaux pour des crimes des d lits et des contraventions de 5 classe 4 114 672 avaient t class s sans suite et 590 235 affaires avaient t poursuivies Les poursuites avaient donn lieu 364 064 condamnations 2 695 pour des crimes 332 871 pour des d lits et 28 498 pour des contraventions de 5 classe En 2012 les parquets ont trait 4 494 744 affaires soit 690 751 proc dures de moins dont 1 226 753 donnant lieu r ponse judiciaire 635 518 de plus parmi lesquelles 686 602 ont abouti des condamnations ou des compositions p nales prononc es pour 2 703 crimes 638 827 d lits et 45 072 contraventions de 5 classe Ainsi tandis que le nombre d affaires trait es par les parquets diminuait de plus de 15 le nombre des affaires poursuivies et des condamnations a t multipli par 2 entre 1996 et 2012 En effet tandis qu en 1996 le seul d bouch des poursuites tait pratiquement la saisine d une juridiction en 2012 les sanctions parajudiciaires ou quasi juridictionnelles compositions p nales et les alternatives a
20. e et post p nale Il n existe non plus aucun contr le v ritable des modalit s de contr le elles m mes auxquelles sont souvent soumis les pr venus et les condamn s et il est rare sinon exceptionnel que les checs soient sanctionn s bien qu ils soient la condition de la cr dibilit de l ensemble du syst me Quant ceux qui les prononcent parquetiers juges la suite des mesures qu ils d cident leur est rarement communiqu e leur mise en oeuvre tant laiss e des intervenants qui n ont aucun compte en rendre Quand elle l est il n en est ensuite g n ralement tir aucune cons quence On doit donc se demander cet gard si l absence de tout audit en la mati re n est pas surtout l aveu implicite de son chec et du risque qu il y aurait le voir rendu public faute de toute solution de rechange l Rapport Mme la garde des sceaux ministre de la justice Refonder le minist re public p 84
21. e sens souhait En effet les parquets eux m mes ont perdu de vue leur position vis vis des services d enqu tes La pratique des parquets tait traditionnellement de ne jamais remettre en question la d cision d un magistrat du parquet l gard de ses interlocuteurs ext rieurs afin de garantir l autorit et la cr dibilit du parquet en soulignant son indivisibilit quitte r examiner les l ments de la proc dure et exprimer en interne et apr s coup un d saccord Aujourd hui les hi rarchies de la gendarmerie ou de la police ont le fr quent r flexe de prendre fait et cause pour leurs troupes elles ignorent le magistrat de permanence et saisissent directement le sup rieur hi rarchique de ce dernier pour voir infl chir la d cision du permanencier La pr sentation toujours logieuse pour l enqu teur souligne l inverse les insuffisances et l irresponsabilit du magistrat de base face la facult d entendement n cessairement sup rieure de sa hi rarchie La r ponse est fonction du niveau de distance de sang froid de respect du principe du contradictoire de la r percussion m diatique r elle ou suppos e de l affaire Mais il n est plus rare que la tradition d ontologique des parquets soit cart e pour aboutir des d saveux eux aussi en temps r el du magistrat de permanence qui s expose ainsi perdre au fil du temps le capital de cr dibilit et d autorit qu il pouv
22. ement connus il est ais de d cider d un d ferrement d bouchant par exemple sur une comparution imm diate Si on admet que plus de la moiti des comparutions imm diates d bouchent sur un mandat de d p t et que cette proc dure produit elle m me environ la moiti des mandats de d p ts prononc s par la juridiction le TTR doit bien alors tre consid r comme l outil majeur de la r pression au sein du tribunal Si toutefois on rapporte le nombre de mandats de d p t prononc par chaque TGI au nombre d affaire qu il re oit il est difficile de s loigner ou m me d atteindre le ratio d 1 d incarc ration effective A titre d exemple un parquet qui re oit 160 000 proc dures sur une ann e et qui oriente 1 300 affaires en comparutions imm diates d bouchant sur 800 mandats de d p t se situe sur un taux d incarc ration effective via la poursuite TTR de 0 50 Si le nombre de mandat de d p t issu du TTR est rapporter au chiffre r el de la d linquance allant du double au quintuple de la statistique officielle raison du type d infraction dit chiffre noir non d clar le taux d incarc ration par mandats de d p t s av re au final purement symbolique et math matiquement n gligeable En d autres termes multiplier par deux la capacit du TTR en nombre de fonctionnaires ou de magistrats d boucherait sur un r sultat final statistiquement assez constant et tout fait r siduel en terme de r sultats
23. en 2012 43 8 seulement des infractions poursuivables taient orient es dans le circuit juridictionnel y compris les CRPC le reste faisant l objet de mesures alternatives sans passage devant une juridiction ou de classements sans suite Il faut donc arriver cette premi re conclusion qui contredit tous les discours ind finiment rab ch s sur la justice p nale et l emprisonnement et qui se v rifie dans tous les chiffres la justice n a pas aggrav la p nalit elle l a au contraire r duite autant qu elle le pouvait Mais elle l a fait en accroissant et en diversifiant ses interventions Ainsi si l on rapporte le nombre d incarc rations celui des condamnations prononc es il y avait eu 78 778 entrants et 79 414 sortants de prison en 1996 pour 364 064 condamnations prononc es soit respectivement 21 6 et 21 8 En 2012 90 982 personnes sont entr es en prison et 87 958 en sont sorties soit un rapport de 13 3 et 12 8 entre le nombre de d tenus entrants et sortants et celui de condamnations prononc es La conclusion est donc sans appel si le nombre d incarc rations augmente ce n est pas parce que les tribunaux sont plus s v res bien au contraire mais parce que le contentieux p nal a explos 686 602 condamnations en 2012 soit une augmentation de 88 5 par rapport 1996 C est la raison principale qui explique la fois que le nombre d incarc rations augmente moins vite que celui des condamn
24. ensemble et ses d cisions sont d s lors profond ment marqu es par l improvisation l al a voire les rapports de force qui ne lui sont pas souvent favorables puisque ces magistrats ne sont pas impliqu s eux m mes dans la logique de l enqu te ni moins encore de la pr vention Quant la phase de jugement les tribunaux sont saisis de poursuites pr s lectionn es selon des crit res qui leur chappent pour lesquelles les juges peuvent avoir le sentiment d une simple instrumentalisation de la d cision judiciaire qu il leur est demand de rendre Cette volution va devenir d ailleurs patente et g n ralis e avec le projet de contrainte p nale qui reviendra faire du tribunal correctionnel un simple prescripteur de condamnation tout le processus judiciaire en amont et en aval chappant de facto l intervention juridictionnelle ce qui accentuera un processus qui est d j largement amorc avec les r formes de l ex cution des peines au cours de ces derni res ann es Une doctrine de pr vention de la d linquance obsol te improductive et inefficace qui brouille galement tous les rep res judiciaires Le TTR associ aux nouveaux modes de conduite de l action publique et de jugement a ainsi fortement contribu au d veloppement d une doctrine de pr vention dont l obsolescence a t en r alit dissimul e par la modernisation des techniques de travail qu il a introduites emp chant de ce fait l institution ju
25. ent de peine soit 45 577 h berg es mais 128 772 suivies par les SPIP dans le cadre de mises l preuve soit pr s du triple des d tenus x 2 8 Quelle est la logique d un tel glissement de l emprisonnement vers les autres peines dans les d cisions des tribunaux Tout semble se passer comme si ceux c1 tablissaient une r gulation automatique consistant maintenir un nombre de condamnations l emprisonnement ferme en tout ou partie peu pr s r gulier en valeur absolue entre 105 000 et 125 000 par an quel que soit le flux des affaires juger Les autres peines prononc es viendraient simplement s ajouter ce socle quasiment intangible parmi lesquelles le SME est de loin la favorite et semble m me avoir pour fonction principale d tre non pas une peine finalit ducative mais une variable d ajustement servant diminuer la part d emprisonnement ferme prononc e dans les condamnations ceci est d ailleurs tout fait visible dans la gestion des peines plancher qui lorsqu elles sont encore prononc es comportent une part le plus souvent importante de mise l preuve afin de diminuer la partie ferme d emprisonnement En int grant la d tention provisoire dans les chiffres de l emprisonnement pour affiner l analyse la d tention provisoire n a cess de diminuer tandis que l emprisonnement apr s condamnation augmentait le tableau suivant confirme cette grande stabilit
26. es praticiens du droit sur la mani re dont le TTR a remodel l ensemble du syst me judiciaire fran ais porte t 1l sur l insuffisance ou l erreur de diagnostic au moment de son introduction Est ce plut t que ses objectifs n taient pas pertinents Le TTR a t il besoin d tre simplement am lior ses moyens renforc s ou l institution judiciaire traverse t elle une crise plus profonde qui impose de repenser enti rement ses missions On ne saurait se lancer dans des propositions visant palier les d fauts voire les vices du TTR sans poser par cons quent en pr alable des questions de fond sur ce qu est devenu le fonctionnement de la justice p nale Or il appara t bien vite que le TTR plac au c ur du m tier de magistrat a cherch concilier deux objectifs contradictoires et probablement m me incompatibles l individualisation des poursuites d un c t la massification des contentieux de l autre Ce vice cach du TTR n a fait ensuite que s accentuer en affectant m me de proche en proche l ensemble du fonctionnement du syst me judiciaire Une perte d identit des parquets et un effondrement de la qualit des poursuites caus s par une inflation incontr l e des contentieux Alors m me que le TTR visait inscrire la justice dans un programme de rationalisation et de modernisation on peut s tonner tout d abord que son introduction puis sa g n ralisation aient t men es sans pl
27. iques de l ann e suivante surpeuplement 1990 36 615 49 105 34 11 2012 36 992 65 008 14 06 1990 201 55 65 32 39 20 05 a Mais qu est ce qui explique alors cette mani re de faire Cela laisse penser en r alit que le noyau dur de la d linquance prise en charge tant rappel que cette population est cibl e par les modes de poursuites du TTR qui se refl te dans les incarc rations apr s condamnations et les d tentions provisoires demeure lui m me peu pr s immuable les seules modifications notables se faisant par un jeu de vases communicants Ceci confirme que la diversification des peines est sans effet sur la r duction du niveau de cette d linquance et qu elle sert ainsi g rer non la d linquance elle m me mais seulement la r ponse la d linquance En d autres termes et pour r sumer l inflation p nale caus e par le TTR s est autor gul e en utilisant les peines mixtes ou avec sursis et mis l preuve et autres mesures ducatives comme variables d ajustement l augmentation m canique du nombre des peines provoqu e par l inflation du contentieux n entra ne pas une diversification en raison de l utilit que chacune d entre elles est suppos e poss der mais uniquement pour satisfaire la demande de condamnation sans compromettre les fragiles quilibres de la situation carc rale qui tend plut t s am liorer Pour le reste il suffit ensuite au
28. la petite d linquance de rue ou de proximit au d triment des formes plus labor es et plus complexes de criminalit n cessitant des investigations plus approfondies La petite d linquance de rue est en effet la plus visible la moins complexe celle qui requiert le moindre investissement en termes d investigation et la plus sensible enfin aux motions de l opinion publique Plus une affaire est simple et circonscrite plus elle sera trait e rapidement et aura de chances d aboutir une d cision judiciaire tandis que les infractions graves ou celles dont la d couverte n cessite des actes d enqu tes longs et complexes seront abandonn es ou dans le meilleur des cas trait es par des voies longues hasardeuses et non prioritaires C est l aune de ces constatations qu il convient d examiner comment les contentieux de masse qui ont envahi le syst me judiciaire sont trait s effectivement Des outils de travail qui ont un impact direct sur la production judiciaire S agissant des outils de travail le t l phone est structurellement condamn ne pouvoir prendre en compte qu un nombre restreint des proc dures arrivantes ce nombre pouvant m me s av rer dans certaines situations tout fait r siduel Le t l phone est un outil s duisant par sa souplesse et sa rapidit mais il s est vite av r d cevant Il a t tent de le compl ter voire de le remplacer par les fax et mainte
29. les 9 restant alimentant le stock de celles qui sont trait es par la voie conventionnelle Selon l observatoire des juridictions de 2012 le ratio de traitement des proc dures transmises au parquet par magistrat tait de 3 977 en 2011 ce qui correspondrait donc 3 619 affaires trait es en TTR par magistrat du parquet 91 soit un quivalent en emplois de 1 320 magistrats Or selon la derni re localisation des emplois de magistrats tablie par la chancellerie il y aura en 2014 1 662 magistrats du parquet dans les tribunaux de grande instance TPI et magistrats plac s tous niveaux hi rarchiques inclus Les160 TGI sont class s en quatre groupes selon leur taille d croissante groupe 1 12 TGI groupe 2 30 TGI groupe 3 41 TGI groupe 4 77 TGI si l on admet que tout au plus il existe 1 parquetier de permanence TTR par TGI dans les trois derniers groupes soit 148 TGI et en moyenne 5 dans les douze plus importants TGI soit 60 permanenciers le nombre de magistrats du parquet affect s au TTR est d environ 200 en continu 24h 24 et 365 jours par an On mesure ainsi l cart entre les effectifs et les besoins et l on comprend la saturation qu a engendr e le TTR Si l on quitte l aspect purement quantitatif on rel ve qu une autre cons quence in luctable de la conception qui a pr sid la mise en forme du TTR et ce n est sans doute pas la moindre est la concentration de la r ponse p nale sur
30. les r ponses judiciaires visent par ces m thodes inoculer des pr ceptes de bon comportement travail domicile honn tet temp rance respect de l autre etc par des moyens plus ou moins coercitifs et des pratiques de contr le d ducation ou d exemplarit inscrites le plus souvent dans une prise en charge psychologique ou m dico psychologique cens e encadrer le parcours de conditionnement de l individu d linquant Le probl me tant tout d abord que la massification des contentieux interdit en tout tat de cause une v ritable individualisation de ce parcours dont rien n atteste ensuite qu il ait une quelconque efficacit car aucun des l ments de ces dispositifs n a jamais t soumis une analyse objective De fa on compl tement paradoxale et sans qu aucune justification n en soit jamais fournie seules des r ponses automatiques standardis es et d personnalis es entrant dans des cadres pr format s sont en r alit prononc es m caniquement soit par les parquets soit par les juges du si ge Leur pertinence ne fait jamais l objet d une valuation critique ni avant ni pendant ni apr s la prise en charge judiciaire le seul objectif poursuivi tant de faire face une gestion de masse requise par la politique de r ponse judiciaire g n ralis e Aucune tude n a jamais t faite pour valuer le retour de ces dispositifs bien qu ils occupent d sormais l essentiel de l activit pr p nal
31. lit et de la loyaut de leurs interlocuteurs Chacun s accorde aujourd hui reconna tre qu il leur est difficile voire impossible de prendre la distance que requiert un travail de magistrat par rapport l imm diatet et la pression du travail policier Le TTR des formations et des m thodes de travail qui ont fait perdre la justice et la police leur professionnalisme Le compte rendu t l phonique fait par l enqu teur au magistrat du parquet qui est devenu la r gle prive celui ci du regard qu il avait autrefois sur les proc s verbaux Il a t maintes fois soulign par les praticiens la diff rence entre la description de la proc dure faite par les OPJ et sa r alit avec pour cons quence des nullit s ou des enqu tes reprendre leur arriv e au tribunal La g n ralisation du TTR s est accompagn e en parall le d une vaste campagne d habilitation des gardiens de la paix en qualit d OPJ Si certains de ces nouveaux OPJ peuvent s av rer tr s r actifs et d une grande comp tence force est de constater que beaucoup sont plut t d sempar s La prise d initiative leur est difficile de m me qu ils ont du mal concevoir la direction que doivent prendre les investigations On doit remarquer par ailleurs que les magistrats ont pour la plupart re u une formation universitaire en droit leur regard est utile pour d tecter les probl mes proc duraux ou les l ments constitu
32. llement les probl mes de d linquance et m me sur la question de savoir quels taient ces probl mes et s ils comportaient une solution dans la direction recherch e et sur les moyens ventuels d y parvenir Pour satisfaire aux imp ratifs de traitement des flux ininterrompus les magistrats du parquet mais aussi du si ge se r f rent ainsi des normes implicites forg es sur le tas et sans validation scientifique ou retour d exp rience Elles se sont diffus es silencieusement et ont entra n une automatisation des d cisions par le recours des r ponses types essentiellement connotation m dico psychologique et ducative Les parquetiers affect s au TTR ont d se plier progressivement des instructions imposant des choix de poursuites automatiques dont ils peuvent de moins en moins s carter en raison de la forte re hi rarchisation des parquets qui s est op r e en parall le C est souvent le cas par exemple en mati re d agression sexuelle o la doctrine la plus r pandue dans les parquets impose d envoyer quasi syst matiquement l affaire devant le tribunal correctionnel sauf invraisemblance criante de la plainte quelles que soient la cr dibilit du plaignant la nature des charges et la gravit des faits L alcool mie au volant a suscit la m me r ponse syst matique de poursuite souvent prolong e par la mise en place d un appareillage m dico ducatif lourd g rer e
33. n action la justice ayant en quelque sorte absorb elle m me le choc du TTR pour viter qu il ne se propage dans la production p nale mais au prix d une perversion de ses propres m canismes d cisionnels Une logique perverse qui a caus des dommages collat raux majeurs en dehors du champ troit du TTR Ce tour d horizon ne peut passer non plus sous silence les effets pervers qu a galement entra n s le TTR sur l instruction et le JLD alors m me qu ils auraient pu appara tre comme pargn s par celui ci Tout d abord l touffement progressif de la juridiction d instruction par le parquet gr ce au TTR est devenue un lieu commun M me si le projet de disparition du juge d instruction qui tenait c ur d une majorit de la classe politique de droite et de gauche n a pu aboutir cette juridiction est loin toutefois d tre sortie indemne de 25 ans de TTR et de r formes de proc dure p nale essentiellement dirig e contre elle Son autonomie et sa capacit d action ont t rogn es progressivement mais inexorablement au profit d un parquet d sormais tentaculaire et quasi militaris Apr s une longue p riode d asphyxie de la juridiction d instruction o l accroissement des pouvoirs d enqu te pr liminaire des parquets a permis de restreindre les ouvertures d information la portion congrue il semble qu on assiste depuis quelque temps une remont e du nombre d ouverture
34. nant les courriels la simplicit d utilisation et la rapidit de ces derniers ayant t envisag s comme le palliatif aux insuffisances de l outil t l phone L encore c est confondre d un c t la rapidit d change et de communication apport e par les outils et de l autre la capacit d laboration de synth se et de traitement des diff rents personnels qui les utilisent L change par t l copie ou courriel peut s av rer adapt lorsqu il s agit de transmettre en urgence une proc dure par la voie d mat rialis e ou de formuler une r ponse affirmative ou n gative une question simple telle qu une autorisation de r quisition de destruction de scell s En revanche lorsqu il s agit d exposer et de r sumer les l ments d une proc dure en cours et de solliciter des directives d enqu tes la formalisation de ces changes est co teuse en temps Les enqu teurs sont contraints de r diger une synth se courriel en plus de leur proc dure ce qui consomme un temps de r daction suppl mentaire non n gligeable Les magistrats qui se contentaient auparavant de cocher la case idoine sur leur soit transmis d enqu te avec au besoin un ajout manuscrit rapide se doivent de taper laborieusement au clavier de leur ordinateur des instructions compl tes fussent elles st r otyp es ce qui revient r crire les mentions d un imprim qui tait r dig une fois pour toutes auparavant La permanence par courriel peut s a
35. ns laquelle ils n ont d ailleurs jamais r ussi trouver une place clairement d finie et moins encore reconnue Notamment les rapports avec les pr fectures et les autres institutions administrations collectivit s locales services de police sont demeur es ambigus la concurrence entre leurs comp tences et leurs implications respectives ayant t finalement r solues par une pr minence de fait sinon de droit du pr fet et m me parfois des lus locaux et des directeurs de police sur le parquet C est ainsi que raccroch es aux organes et organismes de toute sorte cr s pour faire face une d linquance qui chappait au contr le les politiques d action publique sont devenues le simple accessoire variant au gr des changements d orientation des majorit s successives des politiques de la ville ou de priorit s dont l ad quation avec la r alit sociale et d linquante tait plus suppos e que r elle les parquets n ont pas pu ni su introduire dans ces m canismes une plus value n1 m me une vision op rationnelle des probl mes de d linquance qui aurait fait reconna tre une valeur leur apport Ceci a eu une triple cons quence d une part les parquets sont devenus un r f rent incontournable des politiques de pr vention certes mais au prix d une perte de leur identit et en s impliquant dans des approches parfois tr s loign es de leur fonction dans lesquelles ils n ont rien gagn en termes de reconnaissance
36. nt des dossiers d instruction sont ob r s et fortement retard s par la primaut m caniquement accord e la petite d linquance de rue par le TTR Les parquetiers estiment qu une affaire qui arrive rapidement au parquet par le TTR doit en sortir rapidement sans distinction sur son niveau de priorit encore ce serait pourtant la seule occasion qui leur est accord de retrouver une ma trise du cours de l action publique notre connaissance aucun parquet ne l exerce Bien au contraire il est revendiqu d audiencer le plus rapidement possible les COPJ Les affaires de TTR trait es en urgence viennent ainsi c toyer des dossiers d instruction dont l ge peut varier entre 3 et 10 ans malgr ou cause de la gravit des faits poursuivis et qui ne doivent de passer enfin l audience que parce que le service de l audiencement l inscrit au r le d une audience en catastrophe pour viter la prescription de l action publique Le TTR a eu une autre cons quence celle d une confusion croissante peut tre moins visible mais tout aussi pr occupante entre les r les respectifs du parquet et des juges du si ge L accent a t mis quasi exclusivement en effet sur l utilit de la r ponse judiciaire p nale depuis les poursuites jusqu l ex cution des peines Cette v ritable obsession utilitariste a eu deux effets qui auraient d s exclure mais qui se sont en r alit conjugu s achevant de br
37. nt pour cons quence que des affaires d une gravit mineure voire insignifiante sont trait es en urgence alors que la juridiction est par ailleurs en charge de dossiers graves en souffrance de traitement ou de jugement Quand bien m me les parquets s aventurent demander aux services d viter le placement en garde vue pour certains types de contentieux il peut leur tre r pondu que la comp tence de d cision de placement en GAV incombe au seul OPJ le parquet ne devant tre inform qu a posteriori Il convient de rappeler galement que le magistrat de permanence n est pas seulement sollicit quand une personne est plac e en garde vue Ce sont les enqu teurs qui fixeront l emploi du temps des parquets et les affaires qui seront trait es en priorit par la permanence raison de leurs appels Il peut arriver que les parquets soient appel s pour voquer le quotidien des conflits de proximit des circonscriptions qu il s agisse de ressorts ruraux ou plus tonnamment des grands centres urbains Une permanence d action publique est donc un bateau ivre qui d rive au gr du hasard des appels soumis la logique de traitement au coup par coup des initiatives des agents de police et de gendarmerie Le TTR organe de l affaiblissement de la r pression La qualit majeure reconnue au TTR est sa force de frappe Pour des faits rapidement lucid s simples mais graves ou des auteurs tr s d favorabl
38. ommunication sur la s curit et qu ils n ont eux m mes aucune ma trise du travail policier dont ils sont d pendants A la d gradation de la qualit des enqu tes et plus g n ralement du travail policier s ajoute ainsi une perte de contr le de l approvisionnement de la justice en aval car les parquets n exercent plus de filtre sur les proc dures qui leur arrivent des services de police et de gendarmerie Ils ne servent que de gare de triage pour les orienter parfois m me en c dant sous les pressions que commandent l urgence de leur mode de d cision ou l impact des affaires sur l opinion publique Il est devenu fr quent en particulier pour ne pas dire quasiment syst matique que les proc dures soient renvoy es directement devant le tribunal sans que le parquetier qui les a suivies n ait lu les proc s verbaux ni examin les carences de l enqu te ni v rifi lui m me les charges relev es contre les personnes poursuivies ou d autres auteurs souvent oubli s au cours de poursuites a minima pas plus que les qualifications de renvoi devant la juridiction elles aussi approximatives et a minima On peut ainsi constater sans exag ration une d pendance des parquets envers les services enqu teurs dont d coulent la fois l inflation des contentieux et la d gradation de la qualit des proc dures Un engorgement de l activit judiciaire auto provoqu et auto entretenu sur des types d
39. ont tout simplement pas identifi es comme des infractions par les services en charge de collecter les plaintes En revanche ces m mes services pourront d cider d apporter une attention particuli re un type d infraction plut t qu une autre et surtout de prioriser leur traitement Dans ce contexte une instruction explicite du procureur pourra tre ex cut e avec lenteur maladresse ou insuffisance voulue ou non En tout tat de cause le parquet n aura pas la possibilit pour autant qu il fixe des lignes directrices en mati re de choix de poursuites de v rifier leur mise en uvre En revanche une affaire ayant donn lieu une garde vue souverainement d cid e par les enqu teurs sera trait e par le procureur dans la journ e Cela n emp chera pas d ailleurs qu un nombre appr ciable de garde vue d bouchent sur des classement sans suite non seulement parce que l infraction n est pas suffisamment caract ris e mais parfois m me parce qu il n y a tout simplement aucune infraction reprocher la personne retenue Ainsi tandis que le parquet ne peut contr ler les initiatives des services d enqu tes et se trouve oblig de les traiter l attribution des moyens pour traiter les instructions des parquets d pend en revanche de la hi rarchie de la police ou de la gendarmerie et en pratique de la bonne volont et de l int r t des enqu teurs eux m mes Ces modes de s lection des priorit s ont videmme
40. orber une partie du contentieux qui n a pu tre trait et de d compresser ainsi la permanence t l phonique Il serait tout aussi vain de vouloir simplement sans rien changer par ailleurs augmenter les moyens du TTR Non seulement cela ne r soudrait rien mais on verrait s aggraver encore les d rives dont il est la cause ou l une des principales causes et le vecteur Paradoxalement il faut revenir l objectif initial du TTR qui a t d voy par sa mise en uvre rendre la justice proactive lui permettre de ma triser les flux de d linquance qu elle g re et redonner un sens l action de la justice Des parquets au bord de la rupture dont les missions et la fonction se sont brouill es En voulant faire des parquets et dans leur sillage des tribunaux les r gulateurs des dysfonctionnements sociaux on a introduit dans le syst me judiciaire des m canismes qui lui sont trangers C est bien pourquoi d ailleurs les parquets se sont trouv s aux avant postes de cette politique p nale qui n a plus grand chose voir avec les fonctions juridictionnelles traditionnelles Mais en impliquant les parquets et les tribunaux charg s de la mise en uvre de ces politiques dont ils n ont pas la ma trise dans des politiques de pr vention sans rapport avec la mission de la justice on a rapproch d abord les parquets d une logique d administration de mission qui n est pas dans sa nature et da
41. ouiller toute la signification de l action de la justice une subordination de la d cision juridictionnelle aux mesures cens es pr venir la r cidive ou r ins rer les condamn s mais qui a t d voy e par l instrumentalisation des jugements et une gestion des mesures postp nales marqu e par les effets m caniques du TTR C est ainsi qu il n est pas rare de voir le jugement reprendre sous forme de SME les dispositions du contr le judiciaire l arsenal des mesures ducatives ou de soin tant mobilis avant comme pendant et apr s le jugement dans des vis es essentiellement utilitaristes Ceci pourrait sembler coh rent si ce n est qu il brouille les repr sentations aux yeux des magistrats comme des justiciables incapables de comprendre la signification d un jugement et de saisir le sens d une d cision qui elle m me ne cherche plus se distinguer des mesures de s ret qui l ont pr c d e Qu elles soient p nales ou post p nales ces mesures sont tout aussi st r otyp es et nul ne se soucie de leur effectivit en aval pas plus qu on ne s en est souci en amont le nombre de r vocation de CJ est infinit simal alors que le non respect des mesures est fr quent et il en est de m me des SME En acceptant ainsi de modeler leurs d cisions sur les modalit s mises en place dans le cadre de la r ponse p nale syst matique les tribunaux ont instaur leur tour des routines dans les jugements l insta
42. r de celles des parquets dans les poursuites notamment en faisant un usage intensif du sursis avec mise l preuve et du TIG qui a fait une progression impressionnante bien que plus modeste en valeur absolue comme le montre le tableau ci dessous Ann e 1984 1994 201299 19842012 Ensemble des peines prononc es 419 454 100 406 505 100 617 22 100 47 14 toutes juridictions Emprisonnement ferme En votalit 81 962 84 062 90 570 14 56 Avec sursis 13 309 6 217 4 572 0 77 simple 9 770 13 637 27 159 4 40 Avec SME 105 04 22 7 103 916 22 2 122 301 19 80 16 43 Total Sursis avec misc l preuve Partiel 9 770 13 637 27 159 4 40 Int gral 16 964 28 423 49 662 8 04 Total 26 734 6 4 42 060 10 3 76 821 12 44 187 35 ravail d int r t g n ral Sursis 1 152 10 591 8271 Peine principale 2 477 10 536 16 460 Total 3 629 0 96 21 127 5 2 24 73 4 554 42 Les donn es pour 1984 et 1994 proviennent de Dix ans de peine probatoires Carine Burricand et Cynthia Haral InfostatJustice n 49 octobre 1997 Les donn es de 2012 proviennent des Chiffres cl s de la justice 2013 et ds Les condamnations ann e 2012 minist re de la justice d cembre 2013 Cette survalorisation du SME dans le prononc des peines est confirm e par les statistiques p nitentiaires au 1 janvier 2013 il y avait 60 344 personnes condamn es sous crou dont 19 5 b n ficiant d un am nagem
43. r un m me dossier ainsi que la bri vet contrainte des changes dans un d lai proc dural souvent tr s court ne permettent ni une transmission des savoirs techniques ni une valuation de l interlocuteur Une autre cons quence moins souvent point e est que les enqu teurs ne sont pas toujours au clair sur l articulation institutionnelle les comp tences de chacun et ce qui devrait tre leur relation avec le magistrat du parquet En pratique certains ont des difficult s op rer une diff rence entre un e adjoint e administratif ve et un e substitut e Dans la mesure o ils ont pour interlocuteurs habituels les magistrats les gardiens de la paix consid rent assez facilement que ces derniers sont leurs homologues naturels de m me grade au minist re de la justice Les appels sont donc fr quents pour une demande de conseil et le ton peut assez vite s av rer familier l enqu teur n ayant plus conscience du r le du magistrat Les appels au parquet peuvent aussi s av rer simplement utilitaristes soit par exemple un tout premier appel sur l affaire juste avant l expiration des premi res 24 h de GAV pour avoir une prolongation Plus gravement un gardien de la paix qui n obtiendra pas une d cision conforme ce qu il attendait peut assez facilement ne pas h siter exprimer un d saccord S il conteste il sait qu il aura la possibilit de s adresser sa hi rarchie pour obtenir une d cision dans l
44. re face d une mani re ou d une autre l afflux des dossiers pour traiter leurs routines selon les st r otypes habituels et que l orientation de poursuites prescrite par les instructions hi rarchiques aboutit une saturation Dans ce cas des voies de contournement sont pr vues ou improvis es au sein des parquets avec l aval de la hi rarchie voire son initiative C est ainsi par exemple que tel procureur d une grande juridiction donne comme instruction permanente de convoquer par OPJ moins de 4 mois lorsque ce d lai est atteint en raison de l augmentation du stock en attente le parquet bascule ses poursuites sur d autres voies comme la CRPC m me pour des affaires o la culpabilit est discut e ou dans lesquelles la gravit des faits m riterait la saisine du tribunal Cette voie proc durale all g e est alors g r e par une r duction significative du niveau des peines propos es afin d obtenir un minimum de refus de la part des personnes poursuivies et d viter galement les rejets d homologation par le juge Une absence de ma trise de l action publique On se doute que la gendarmerie et la police nationale ne prennent pas leurs directives d action publique aupr s des parquets avec lesquels les r unions d action publique sont somme toute tr s pisodiques Le procureur de la R publique souffre institutionnellement du fait qu il cohabite avec de nombreux acteurs qui soit lui disputent
45. rt puis un bracelet lectronique et pour finir une lib ration conditionnelle apr s avoir oubli de mettre ex cution les sursis r voqu s sans autre contrepartie que d aller pointer pisodiquement au P le Emploi pendant le temps th orique de tout ou partie de la peine La seule limite tant la dur e de deux ann es qu autorise la loi Dati de 2007 un an pour les r cidivistes parfois d ailleurs repouss e en raison des subtilit s offertes par les r gles en mati re d ex cution des peines Les am nagements de peine viennent ainsi au soutien galement de la gestion de la population p nale par les tribunaux qui prononcent les condamnations essentiellement dans un but sinon d sengorger les prisons du moins viter l explosion qu aurait d susciter l effet m canique du TTR La diversification des peines et de leurs modalit s d ex cution s est r v l e tre avant tout un instrument d vacuation du contentieux vers des peines inoffensives Ceci montre en r alit la grande r silience du syst me judiciaire qui a mis spontan ment en place des dispositifs de r sistance et de contournement pour emp cher le syst me de basculer dans la d mesure puisque les structures p nitentiaires auraient t incapables de dig rer l afflux massif d incarc rations qui aurait d se produire Il n emp che que cela s est fait au d triment de son propre fonctionnement interne et de la coh rence de so
46. rutes qui lui sont pr sent es par les enqu teurs dans des conditions dont il a t soulign qu elles taient loin d tre optimales Mais cette phase d valuation des situations ne peut d boucher ensuite que sur une r duction du cas trait selon les crit res d un mode op ratoire dont la ma trise lui a t retir e Le tout dans des conditions de travail le plus souvent tr s d grad e tant sur le plan mat riel qu humain Faut il s tonner dans ces conditions que non seulement les fonctions du parquet soient d laiss es par les jeunes magistrats les anciens ayant eu d j la possibilit de passer au si ge mais qu elles fassent na tre des maux professionnels dont on n aurait pu imaginer qu ils puissent affecter le m tier de magistrat stress burn out d pression maltraitance au travail harc lement moral suicides sans tre encore heureusement des situations banales ont du moins cess de para tre inconcevables dans un milieu qui se croyait traditionnellement prot g par son statut et la position sociale laquelle ses membres croyaient avoir acc d Une pollution progressive de l ensemble du syst me judiciaire par le TTR La confusion propre au service de traitement en temps r el est contagieuse pour les autres services Ainsi en est il pour le service de l audiencement dont les disponibilit s sont monopolis es par le TTR Le jugement des dossiers d importance haute ou moyenne ou le jugeme
47. s d informations mais cette possible renaissance ou ce bol d air de l instruction ne doit pas faire illusion Les enqu tes complexes ont en effet quasiment disparu pour les raisons d j voqu es sauf titre anecdotique dans quelques JIRS pr sent es en vitrine de l institution judiciaire mais squelettiques et ultra minoritaires Les ouvertures d information sont d sormais dict es essentiellement par le besoin de g rer des d tentions provisoires quand l affaire ne peut tre pour des raisons de d lais essentiellement jug e en comparution imm diate ou quand des actes d investigation n cessaires comme des expertises ne peuvent tre effectu s sous l gide du parquet Force est de constater que globalement les juges d instruction ne sont plus au centre du dispositif p nal lourd et que les dossiers d instruction ont cess d apporter des plus values aux enqu tes Parmi les explications possibles de cette situation se trouvent la complexification et l alourdissement important des r gles proc durales qui ont t impos s l instruction et qui d tournent les juges d instruction de leur c ur de m tier qui est l investigation au nom du principe sacr de rapidit des proc dures Ce qui n emp che pas malgr tout que l effet principal voire unique d une ouverture d information est un allongement sensible des d lais de jugement les dossiers d instruction sans d tenus tant de
48. s sous le titre Vitres cass es Les cahiers de la s curit int rieure n 15 1 trimestre 1994 p 163 180 La doctrine de la tol rance z ro ou du Quality of Life Policing Souvent confondue avec la th orie de la vitre cass e la doctrine de la tol rance z ro a t le mot d ordre de l ancien procureur Rudolph Giuliani lors de sa campagne lectorale pour la mairie de New York en 1993 puis de sa politique apr s son lection Bien que proche par certains aspects de la th orie de la vitre cass e puisqu elle prend en compte les actes d incivilit s au m me titre que ceux de d linquance elle s en distingue par le fait qu elle pr conise une r ponse intransigeante tout acte antisocial m me mineur afin de restaurer l ordre et la s curit alors que la th orie de la vitre cass e n induit pas l adoption d une m thode plut t qu une autre Elle se limite mettre l accent sur l impact que provoque une d gradation de l environnement qui suscite l mergence de comportements inciviques ouvrant ensuite eux m mes la voie une d linquance structurelle La th orie de la vitre cass e impliquerait une remise en ordre des espaces sociaux plut t qu une action sur les individus auteurs d incivilit s ou d infractions mais il est vrai que la doctrine de la tol rance z ro peut aussi tre employ e comme moyen d action pour mettre fin aux d sordres d crits par la th orie de la vitre cass e
49. surcro t les derniers audienc s S agissant du JLD sa place d sormais bien assise dans tout le pr contentieux p nal en fait un acteur incontournable qui cependant n a pas trouv de l gitimit dans le dispositif du TTR La faiblesse de son statut il est nomm ou dessaisi sur simple d cision sans recours du pr sident du TGI l quivoque de ses pouvoirs peut il par exemple mettre un pr venu en libert au motif que la proc dure est irr guli re Peut il refuser une coute ou une perquisition au motif que les charges invoqu es par le parquet sont insuffisantes etc et son ext riorit aux enqu tes sur lesquelles il est appel prendre des d cisions en font un alibi aux mains du parquet qui statue lui aussi dans l urgence et avec un minimum d l ments d appr ciation plus qu un juge du si ge de plein exercice Bien qu il ait t un l ment d terminant de la mise en place et de l extension du TTR le moins que l on puisse dire est que en dehors de la gestion de la d tention provisoire le JLD demeure un intrus dans la proc dure p nale dont l utilit actuelle m riterait une s rieuse discussion sauf conforter l opinion qu il n est qu un simple alibi l accroissement consid rable de l emprise du parquet dans la proc dure p nale Faut il sauver le soldat TTR En fin de compte si le TTR a t efficace c est l vidence comme l ment de discours pour pr senter
50. t au rendement tr s incertain dont l efficacit en tout cas n est jamais mesur e C est encore le cas des violences intrafamiliales qui entra nent des mesures de contr le judiciaire format es comme l interdiction faite l auteur pr sum de retourner au domicile familial d entrer en contact avec les plaignants et l obligation de se soumettre des soins m dicaux quand le tribunal n est pas saisi en comparution imm diate Le comble tant d ailleurs que le suivi de ces mesures contraignantes n est pas v ritablement assur que leur violation ne donne peu pr s jamais lieu sanction et que leur efficacit n est pas non plus valu e De m me les parquets ont ils mis en place des routines pour orienter syst matiquement certains types de contentieux en fonction par exemple du montant du pr judice vers la m diation p nale mais ils n assurent aucun suivi d initiative des dossiers envoy s aux d l gu s du procureur pour valuer l issue de la mesure Il peut m me arriver que ces derniers aient l interdiction d entrer en contact avec les magistrats Cette typologisation des r ponses p nales est souvent justifi e en prenant exemple sur les pays anglo saxons Grande Bretagne tats Unis Canada qui ont adopt un traitement actuariel de la d linquance les tribunaux eux m mes appliquant des bar mes de peine d termin s selon des grilles quasi automatiques Quoi que l on pense
51. tifs de l infraction sur lesquels ils se concentrent effectivement mais la technique d enqu te est un m tier de police elle r sulte avant tout de l observation du terrain se th orise difficilement et ne se pratique pas au moyen de quelques minutes d change t l phonique distant Les enqu teurs se trouvent donc en manque d encadrement technique et op rationnel qu ils peinent souvent rencontrer et ils ne sont d ailleurs pas demandeurs la plupart du temps du renforcement du niveau d exigence devant peser sur eux Il a galement t maintes fois rappel que la qualit des comptes rendus tait souvent m diocre les enqu teurs n ayant pas une claire conscience du cadre proc dural et des l ments de l enqu te pr senter Leur compte rendu est souvent confus non juridique non synth tique et m me en tant directif 1l est difficile de les ramener un cadre pr cis Un cadre de compte rendu par points successifs similaire ceux pratiqu s dans l arm e a t con u en collaboration entre les minist res de la justice et de l int rieur mais celui ci est parfaitement inconnu ou du moins inappliqu par les enqu teurs Les OPJ sont dor navant si nombreux qu il est difficile pour les magistrats qui sont eux m mes plusieurs tourner sur la permanence de les identifier La masse des affaires le grand nombre des intervenants c t justice et c t police se succ dant souvent su
52. ux poursuites respectivement 75 493 et 547 678 repr sentaient 45 2 des affaires poursuivables et 50 8 des affaires poursuivies En 1996 les effectifs des juridictions taient alors globalement de 60 102 agents dont 6 287 magistrats de l ordre judiciaire En 2012 ils taient de 77 542 agents dont 7 687 magistrats Pour un doublement du nombre d affaires trait es les effectifs globaux des agents dans l ensemble des juridictions n ont donc augment que de 30 et ceux des magistrats de 22 Sans doute le traitement des affaires qui ne sont pas poursuivies devant une juridiction mobilise t 1l moins de magistrats et de fonctionnaires que les proc dures juridictionnelles mais les chiffres montrent quand m me que l inverse de ce que la diversification des r ponses judiciaires aurait d produire la charge des juridictions s est accrue dans la m me proportion que l augmentation du nombre global d affaires trait es puisque le doublement de l activit a t g n ral Ces observations posent le probl me de l valuation des capacit s de traitement op rationnel du TTR en termes de ressources humaines Selon l observatoire de la justice p nale 2002 2012 l ensemble des juridictions a re u 5 250 696 affaires nouvelles et les parquets en ont trait 4 779 607 soit 91 en 2011 derniers chiffres disponibles dans le cadre de cette enqu te On peut estimer que ce taux repr sente approximativement l activit du TTR
53. x magistrats de se convaincre que le SME ou le TIG poss de des vertus curatives intrins ques bien qu ils n aient peu pr s aucun moyen de savoir ce que deviennent leurs d cisions une fois qu elles ont t prononc es et que les r vocations des mesures non respect es SME TIG jours amendes etc soient des plus al atoires et statistiquement insignifiantes Un m me d voiement en aval des condamnations Ce qui n appara t qu apr s un examen attentif des d cisions juridictionnelles est en revanche devenu patent quand on se penche sur l ex cution des peines Personne n ignore dans les tribunaux que les am nagements de peine d emprisonnement multiformes et d une grande souplesse d utilisation sont aujourd hui un droit du condamn et qu ils servent avant tout g rer de la m me mani re non la d linquance ou la r insertion mais le nombre de places disponibles dans les tablissements p nitentiaires De plus en plus fr quemment les peines d emprisonnement sont converties par les JAP en TIG ou jours amendes ce qui pose la question de la coh rence des d cisions juridictionnelles Il n y a pas un magistrat p naliste qui ne puisse non plus raconter quelques anecdotes sur la mani re dont il a vu le parquet et le juge de l application des peines jongler avec les articles du code de proc dure p nale en accordant parfois pour la m me peine d emprisonnement et la queue leu leu d abord une semi libe
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