L`évolution des normçs de scienfificité
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1. L volution des normes de scientificit en droit Beno t FRYDMAN Dans un de ces courts et lumineux articles dont il avait le secret mile Benveniste se penche sur la gen se du terme scientifique 1 Si ce mot d signe couramment aujourd hui ce qui concerne la science ou ce qui est conforme aux exigences d objectivit de pr cision de m thode qu elle pose scientifique signifie proprement ce qui sert produire la science scientiam facere Marquant bien la diff rence entre ces deux sens Bo ce oppose scientalis scientificus Il rejoint ainsi Aristote qui forgea le n ologisme epistemonikos qui produit la science pour le distinguer d epistemen qui poss de la science Le Fran ais n a retenu qu un seul terme pour les deux notions et malgr l tymologie l id e d appartenance l a emport sur celle de production Cette derni re conserve pourtant toute sa pertinence lorsqu on traite de normes de scientificit en particu lier en droit Nous verrons en effet que si ces normes exercent une certaine fonction de contrainte sur les discours juridiques pr tention scientifique en tra ant une ligne de partage entre ce qui appartient la science du droit et ce qui lui est tranger elles 1 Gen se du terme scientifique in Probl mes de linguistique g n rale II Gallimard Paris 1977 Col Tel pp 247 253 2 Dictionnaire de la langue fran aise Robert 912. contribuent en m me temps la production de ces discours en jouant un r le de matrice g n rant de nouveaux concepts de nouvelles m thodes de nouvelles entreprises 3 Ces normes fonctionnent en quelque sorte la mani re des contraintes cr a trices que l crivain Georges Perec aimait s imposer pour canaliser et stimuler la fois le travail de l criture 4 L tude des normes de scientificit en droit suscite toutefois une difficult pr alable qui tient au statut du droit comme disci pline scientifique Peut on parler bon droit d une science juridique et est il d s lors l gitime de lui consacrer une place dans l tude des normes de scientificit en sciences sociales Le doute est permis si l on consid re uniquement l tat de balbu tiement qui caract rise encore ce jour l pist mologie juridique 5 Il para t ce propos significatif que Michel Fou cault qui s est beaucoup int ress au droit n aborde jamais celui ci dans l arch ologie des savoirs mais seulement dans la g n alogie des pouvoirs Et pourtant aurait il t absurde d en visager dans les Mots et les choses c t du langage des biens conomiques et des tres vivants un chapitre consacr au droit A lire le philosophe rien ne s y opposait et certainement pas les discussions encombrantes jug es vaines et oiseuses sur le statut scientifique de telle ou telle connaissance Pour Fou cault tout ce qui
3. du pouvoir politique et juridi que sur une assise rationnelle Les juristes eux m mes prennent grand soin d asseoir le privil ge de dire et d appliquer le droit sur une science authentique dont le fondement ne puisse tre mis en doute Aussi la pr tention du droit la science n a t elle rien d accessoire mais s impose au contraire comme un enjeu d terminant La rationalit et la v rit fondent et l gitiment la 7 Michel Foucault Les mots et les choses entretien avec R Beliour Les Lettres fran aises n 1125 31 mars 6 avril 1966 pp 3 4 repris in Dits et crits t I Paris Gallimard 1994 texte 34 pp 500 et sq sp c 503 504 8 Paris Gallimard 1975 9 in M FOUCAULT Dits et crits Paris Gallimard 1994 t II texte n 139 pp 538 645 93 justice Plus que de normes de scientificit le droit a besoin d un mod le de la science Cette pr occupation permanente em prunte toutefois au fil du temps des figures variables selon l volution des conditions politiques d une part et de l id e que le juriste se fait de la science d autre part Il s agit donc souvent pour reprendre la classification pro pos e dans Les mots et les choses de mod les transpos s partir d un autre domaine de connaissance et non de mod les constituants Foucault juge s v rement ces mod les transpos s dont il estime qu ils ne jouent qu un r le d image et perdent toute efficacit op ratoire 10 Si nous acc
4. 58 De cette fa on seulement le droit peut res ter ma tre du mouvement qu il doit sans cesse diriger 59 Le juge est rev tu d une l gitimit toute neuve Promu expert de la science du social il peut lire les lois secr tes d une volution harmonieuse dans les soubresauts qui agitent la soci t dont il doit pour cette raison conserver la ma trise 60 56 Ces auteurs ne sont jamais cit s par G ny mais on ne peut s emp cher de penser qu ils constituent les interlocuteurs v ritables encore qu inavouables de l cole de la libre recherche 57 M thodes d interpr tation et sources conna tra une seconde dition au lendemain de la guerre en 1919 58 Ibidem I1 185 p 229 59 Ibidem II 185 p 226 60 Sur cette question en particulier le rapport de la sociologie la ma trise du social voir dans ce volume la contribution de H l ne Desbrousses
5. contient de la pens e est justifiable d une arch ologie qui d voile la configuration pist mologique qui l a rendu possible et confirme son inscription dans l pist m 6 Aussi bien le droit est il comme institution comme pratique et comme discours qui pr tend la science justifiable d une inves tigation d ordre pist mologique ind pendamment de la valeur r elle de connaissance qu on lui reconna t ou qu on lui conteste 3 Comp Th KUHN La structure des r volutions scientifiques Paris Flammarion 1983 traduction de la deuxi me dition anglaise largie de 1970 propos du r le directeur du paradigme dans la science normale sp c ch Il 4 Voyez entre autres les cas bien connus de La disparition et de La vie mode d emploi 5 Sur le sous d veloppement de cette discipline Christian ATIAS pis t mologie juridique P U F Coll Droit fondamental Paris 1985 8 7 p 18 P Amselek a pu parier d un somnambulisme fondamental de la pens e juridi que qui prend rarement conscience des mod les et outils de connaissance qu elle d veloppe et met en uvre 6 M FOUCAULT Les mots et les choses Gallimard Paris 1966 Coll Tel pp 376 377 92 Le philosophe l indique clairement lui m me dans un entretien qu il accorde aux Lettres fran aises l occasion de la sortie des Mots et des choses en 1966 o il d clare j ai essay de faire dans un style videmment un peu
6. core Gustave Lanson le chef de file de l histoire litt raire en France sous la Troisi me R publique d clare Il y a dans tous les ouvrages de litt rature m me dans la po sie un sens perma nent et commun que tous les lecteurs doivent tre capables d atteindre et qu ils doivent d abord se proposer d atteindre Il y a une v rit accessible dans l tude litt raire et c est ce qui la fait noble et saine 32 De m me chez les jurisconsultes de l Ex g se Demolombe et Boileux affirment en termes prati quement identiques interpr ter ce n est pas changer innover c est fixer le sens exact v ritable d une disposition et d terminer sa port e l interpr tation de quelque source qu elle mane conduit donc au m me but En r alit il n y a qu une seule esp ce d interpr tation 33 La th orie du sens unique et v ritable culmine dans la doctrine juridique du sens clair labo Juridiques 1994 33 pp 59 83 31 F A WOLF Vorlesungen ber die Altertumswissenschaft Leipzig 1831 p 282 cit et traduit par T TODOROV Symbolisme et interpr tation Pa ris Seuil 1978 pp 138 39 32 M thodes de l histoire litt raire Paris 1925 pp 41 43 33 BOILEUX Commentaire sur le Code Napol on sixi me dition Paris 1856 t I 4 p 28 soulign par l auteur DEMOLOMBE Cours de Code Na pol on Troisi me dition Paris 1865 t Premier 115 p 137 Voir aussi BAUDRY LACANTINERIE Pr
7. rence la volont politique d un l gislateur historique dont le texte a sur v cu mais dont le r gne est depuis longtemps r volu la post rit des codes napol oniens illustre bien ce probl me Malgr ces difficult s et la scl rose qui paralyse progressivement cette pen s e immobiliste le mod le ex g tique s int grera durablement la m thodologie juridique Il faut attendre la fin du si cle pour que se manifeste au sein de la communaut des juristes une con testation radicale et qu une alternative th orique structur e soit propos e par l ouvrage de Fran ois G ny M thodes d interpr tation et sources en droit priv positif Cet ouvrage publi en 1899 marque la naissance de l cole de la libre recherche scien tifique et de plusieurs courants dans sa mouvance Ajoutons pour n y plus revenir que dans une perspective large l cole de la libre recherche s inscrit dans une tendance internationale lourde en th orie du droit de d placement du centre de gravit du l gislateur vers le juge mouvement auquel participent no tamment l cole du Freiesrecht en Allemagne et l cole r aliste am ricaine G ny consid re l herm neutique des Ex g tes comme une activit abstraite et st rile de juristes en chambre attach s exclu sivement des textes de lois vieillis et loign s des r alit s sociales de leur temps Il appelle les juristes innover audacieu sement adapter le droit aux exig
8. RIC UR La m taphore vive Seuil Paris 1975 sp cialement hui ti me tude M taphore et discours philosophique Jean Fran ois MALHERBE Le langage m taphorique l ge de la science Ed du Cerf Paris 1985 sp c ch IV La cr ativit du langage 94 sa suite s impose le mod le philologique de l cole de l ex g se qui r gne presque sans partage sur la doctrine fran aise pendant tout le XIXe si cle et se diffuse sp cialement travers les grands commentaires du Code civil qui se multiplient pendant toute cette p riode Ce n est que tout la fin du si cle en 1899 tr s pr cis ment que l ouvrage de Fran ois G ny M thodes d interpr tation et sources en droit priv positif osera attaquer de front ce mod le atteint par le temps et proposer comme alter native un mod le sociologique que d veloppera l cole de la libre recherche scientifique avec un succ s pratique mitig 1 Le mod le g om trique de P cole du droit naturel mo derne Ce qui rassemble les membres de l cole du droit naturel ce n est ni une conception philosophique commune de la nature ou du fondement de la loi ni une attitude politique bien d termin e on y trouve des absolutistes comme des lib raux mais bien un projet m thodologique un projet scientifique 12 L cole du droit naturel rompt avec la Scolasti que qui s panouissait dans la casuistique c est dire une discussion rh toriqu
9. a port au pouvoir mais dont il d teste le principe et craint le retour il tente de se forger la tradition qui par nature fait d faut cet ano nyme 50 L cole de l Ex g se s emploie ainsi recueillir un h ritage juridique r volutionnaire d j fort dulcor par la codi fication et sanctifier la volont du l gislateur historique tout en se pr munissant par une interpr tation conservatrice contre toute r activation de cette volont dans le sens du mouvement 51 3 Le mod le sociologique de l cole de la libre recherche scientifique Le mod le herm neutique de l Ex g se pose des probl mes d application importants aux juristes diff rents certes mais aussi difficiles dans leur genre que ceux qu avait suscit s le mod le jusnaturaliste Par exemple comment trouver dans la vo lont du l gislateur historique la solution aux probl mes nouveaux que l volution des techniques des m urs et des con textes sociaux pose chaque jour l institution judiciaire Ou 49 A DUFOUR op cit sp c pp 256 58 50 Le pass d une illusion Essai sur l id e communiste au XXe si cle Pa ris Laffont Calmann L vy 1995 ch premier sp c pp 28 29 51 Sur l dulcoration des id aux du droit naturel par la contre r volution cons Fi GAUTHIER Triomphe et mort du droit naturel en R volution 1789 1795 1802 PUF Paris 1992 105 encore comment justifier la solution adopt e par r f
10. al et en comparant son importance celui des int r ts qu ils contra rient 55 52 G NY M thode d interpr tation deuxi me d Paris 1919 Il p 221 53 Ibidem 1 8 7 p 19 Salleiles plus prudemment en fait une science sociale Ibidem Pr face XVIII 54 Ibidem 1 184 p 225 55 Ibidem II 8 173 p 173 107 On voit bien quelles sont les r f rences intellectuelles de G ny et de son cole la sociologie de Durkheim l utilitarisme de Bentham mais surtout la philosophie positiviste d Auguste Comte On note ainsi un amusant glissement dans la cha ne syn tagmatique au niveau des titres des ouvrages la M thode d interpr tation du droit positif de G ny devient dans un ouvrage de Vander Eycken publi en 1906 soit sept ans plus tard M thode positive de l interpr tation juridique Toute fois derri re ces grandes r f rences se profilent bien des difficult s pist mologiques r v latrices des ambigu t s profon des du projet de G ny D abord le statut de la d cision judiciaire elle rev t un caract re scientifique mais sa port e est strictement limit e l affaire trait e et donc pas g n ralisable G ny refuse toute jurisprudence contraignante mais elle ne se confond pas non plus avec la d cision quitable qui particuli re elle aussi n a pourtant pas de valeur scientifique On comprend mal en quoi consiste cette science du particulie
11. cis de droit civil t premier dixi me d Paris 1908 100 p 52 l interpr te doit d terminer le v ritable sens de la loi 101 r e par l Ex g se et consacr e par les cours de cassation fran aise et belge qui y demeurent fid les jusqu ce jour Suivant cette doctrine non seulement le texte de la loi a un sens unique mais encore ce sens peut en principe tre saisi imm dia tement et de mani re vidente par le lecteur et sp cialement par le juge qui ne peut d s lors l luder sous pr texte d interpr tation Interpretatio cessat in claris Ce sens unique et scientifiquement garanti co ncide avec l intention de l auteur 35 ou de son alter ego juridique le l gisla teur Pour Schleiermacher tout discours correspond une s rie de pens es chez celui qui discourt 36 et la compr hen sion parfaite consiste mieux comprendre celui qui discourt qu il ne s est compris lui m me Il s agit avant tout d exhumer la vie et de retrouver l esprit et le g nie de l auteur dont le texte est l expression Nous voulons tre oubli s crit Lanson et qu on ne voie que Montaigne et Rousseau tels qu ils furent tels que chacun les verra s il applique loyalement patiemment son esprit aux textes 37 Schleiermacher n h site pas convoquer l autorit supr me pour ent riner le primat de l intention de l au teur jusque dans l interpr tation de l criture Si on demande en outre pourquoi
12. e de cas difficiles la disputatio s appuyant sur les autorit s 13 et le proc d de l analogie 14 Les jusnaturalis tes projettent de remplacer les discussions rh toriques per ues comme interminables arguties par des d monstrations contrai gnantes qui seules apportent la certitude Ils se d livrent de l autorit des anciens au profit de l vidence rationnelle qui s impose au sujet comme crit re de la v rit et donc de la solu tion des esp ces 15 Ils se d fient de l interpr tation extensive des textes fond e sur l analogie car la similitude n est plus la 12 A DUFOUR Droits de l homme droit naturel et histoire Paris PUF L viathan 1992 p 49 13 En particulier les jurisconsultes romains via le Digeste 14 Sur les formes et l utilisation du raisonnement analogique l ge classi que et plus g n ralement dans la pratique juridique B FRYDMAN Les formes de l analogie in L analogie et la m thodologie juridique Revue de la Recherche Juridique Droit Prospectif Presses Universitaires Aix Marseille 1995 4 pp 1053 1054 15 BARBEYRAC C est l honneur de notre si cle qui plus que tous les si cles pass s a secou le joug d une Autorit destitu e de preuves in S PUFENDORF Le droit de la Nature et des Gens ou Syst me g n ral des Prin cipes les plus importants de la morale de la jurisprudence et de la politique traduction J Barbeyrac Londres Nours 1740 Pr face du t
13. e litige Il usera bien de cette libert en proc dant une recherche scientifique de la meilleure solution Le nouveau mod le scientifique pr n par G ny se r f re explicitement la sociologie Celle ci suffirait tout fait nous donner toutes les clart s n cessaires si elle r alisait jamais les esp rances qu on a fond es en elles estime t il Il consid re d ailleurs le droit positif comme une branche de la sociologie appliqu e 53 Pour dire le droit le juge doit se fonder non plus sur l investigation d une volont mais sur l observation attentive et m thodique des r alit s sociales Le juge fonde sa d cision sur les lois de l organisation sociale envisag es d un point de vue dynamique car la pratique judiciaire ne doit pas seulement refl ter l ordre existant mais participer sa r forme dans la direction du progr s Seule la libre recherche scientifique peut assurer le v ritable progr s du droit dans le sens social 54 Le juge doit favoriser le progr s de la soci t par la consid ration toujours d terminante du but de la norme et de l utilit sociale de sa d ci sion Pour mesurer cette derni re le juge doit valuer en fonction des conditions conomiques et sociales les int r ts en pr sence et privil gier en droit le plus important On ne d couvrira crit encore G ny la mesure juste et vraie des droits individuels qu en scrutant leur but conomique et soci
14. ences du moment bien plus faire de la pratique juridique et sp cialement judiciaire un ins trument privil gi de r formation de l ordre social vers le progr s G ny admet certes le caract re obligatoire et contrai gnant de la loi mais prenant en quelque sorte ses adversaires au mot il limite strictement la port e imp rative de celle ci aux situations que le l gislateur a effectivement entendu viser lors qu il a promulgu la loi l exclusion des cas de figures qu il n a pas ou n a pu envisager et donc en particulier des situations nouvelles Loin de couvrir l int gralit du champ juridique comme c tait le cas dans le mod le du Code la l gislation ap para t dans la pr sentation qu en donne G ny comme la r glementation ponctuelle de probl mes pr cis Elle n offre crit il qu une information tr s limit e sur l tat du droit ta 106 blissant quelques r gles indispensables 52 Au del s tend un vaste domaine de rapports sociaux que le juge arbitre Sur quelle base devra t il statuer lorsque comme cela se produira d sor mais souvent la loi est reconnue muette Il ne sera pas soumis la jurisprudence ni la doctrine qui selon G ny peuvent appor ter des clairages mais ne font pas autorit En r alit en dehors du commandement de la loi strictement interpr t et de l inter vention de la coutume exceptionnelle en droit fran ais le juge retrouve toute libert pour trancher l
15. est donc de reconstituer la pens e du l gislateur 40 Plus explicitement encore Laurent nonce Il faut revenir la r gle tablie par les auteurs m mes du Code Quelle est l uvre de l interpr te c est de reconstruire la pen s e du l gislateur en effet n est ce pas la pens e qui constitue l essence de la volont et par suite l essence de la loi 41 Sur la base de ces principes ex g tes et philologues d finis sent de fa on normative une technique d interpr tation en deux tapes solidaires Schleiermacher distingue ainsi l aspect gram matical qui comprend le discours partir de la langue en tudiant les mots et leurs liaisons et l aspect technique ou psy chologique qui se fonde sur la connaissance de la particularit de celui qui expose comme tant son unit interne 4 De m me Lanson pr conise d tablir d abord le sens litt ral par l histoire de la langue la grammaire et la syntaxe historique et ensuite le sens litt raire qui d tache ce qui est propre l auteur du contexte de son temps cherchant saisir dans un accent dans un reflet dans un tour les intentions profondes et serr es qui souvent corrigent enrichissent et m me contredisent le sens apparent du texte 43 Pour Schleiermacher cependant il ne s agit pas de deux esp ces d interpr tation mais au contraire toute interpr tation doit r aliser les deux 4 Les juristes de l Ex g se distinguent galement de
16. fit exclusif le pouvoir de formuler les normes On pourrait cet gard tablir un int ressant parall le entre les ef forts d ploy s en France par le pouvoir centralisateur dans l mergence la consolidation et la ma trise d une langue natio nale et ceux consentis avec sans doute moins de succ s dans la formation et la mise en uvre d un droit national 26 Dans les 24 Domat les exceptions sont des r gles qui bornent l tendue des au tres Loix civiles Livre pr liminaire ch I 7 Leibniz sapientem semper agere per principia seu regulas nunquam per exceptiones nisi cum regulae con curunt inter se et altera alteram limitat Cit par G GRUA O C p 244 note 5 et Il est vrai qu il y a des r gles qui ont des exceptions surtout dans les conventions o il entre beaucoup de circonstances comme dans la jurispru dence mais il faut que toutes ces exceptions et sous exceptions bien d termin es jointes avec la r gle ach vent l universalit C est de quoi la juris prudence fournit des exemples tr s remarquables Nouveaux Essais sur l entendement humain IV ch 7 811 Voir galement sur cette question R S ve Leibniz et l cole moderne du droit naturel Paris PUF 1989 pp 202 et sq 25 En ce sens M MIAILLE Une introduction critique au droit Paris Maspero 1986 sp c pp 315 319 26 Un travail de ce type ma s centr sur la p riode pr c dente a t tent par Xavier Marti
17. h ologiques On peut en effet observer textes l appui que juristes de l Ex g se et philologues adop tent dans leurs champs d tudes respectifs des m thodes d interpr tation similaires qu ils con oivent comme seules scien tifiques et qui sont marqu es par l histoire et la psychologie 30 28 Pr face p xi 29 Ibidem t ler 8 1 pp 2 3 30 Je r sume ci dessous les conclusions de mon tude Ex g se et Philo logie un cas d herm neutique compar e Revue Interdisciplinaire d tudes 100 J en synth tise les principes fondamentaux Premi rement le texte de base doit tre tabli ou r tabli dans une version uni que et originale pr alable n cessaire toute investigation scientifique Chez les juristes cette condition se trouve remplie par l uvre de la codification et les formalit s strictes de publica tion des lois post r volutionnaires Ensuite l ex g se philologique affirme la diff rence de l ancienne herm neutique l existence d un sens unique et v ri table pour chaque texte d terminable en principe par l investigation scientifique Ainsi selon le philologue Wolf Deux explications qui concerneraient le m me passage ou deux sensus ne sont jamais possibles Chaque phrase chaque suite de phrases n a qu un sens m me si on peut bien discuter de ce sens Il peut tre incertain n anmoins pour celui qui cherche il n y en a qu un seul 31 Plus cat goriquement en
18. ion essentielle pour les juristes qui d signe une totalit un ensemble de r gles homog ne et au tonome b n ficiant d une validit qui lui appartient en propre L ordre juridique permet de repr senter dans un tableau unique toutes les r gles de droit quelle que soit leur origine Celles ci peuvent d sormais fonctionner toutes ensemble 21 G GRUA La justice humaine selon Leibniz Paris P U F 1956 pp 241 et sq 22 Ibidem p 246 23 Ibidem p 261 97 La notion d ordre se pr cise dans celle de syst me L en semble des signes juridiques ainsi repr sent forme un syst me postul coh rent et complet qui doit permettre au niveau de l application des normes cette fois de fournir chaque cas liti gieux une et une seule r ponse conforme au droit Id alement le syst me doit permettre la r sorbtion de l interpr tation dans la formalisation En pratique sa construction jamais achev e commande une chasse permanente aux lacunes et aux antino mies L id e de syst me emporte la r pudiation de l exception qui ne peut plus tre con ue que comme la limitation du champ d application d une r gle juridique par celui de la r gle qui la borne 24 Sur le plan politique le concept de droit naturel occulte d importants enjeux de pouvoir mais fonctionne de fa on am phibologique 25 A travers l entreprise de remise en ordre et le projet de codification se manifeste la volont royale de confis quer son pro
19. ipe d une jurisprudence rationnelle de part en part 20 La solution des esp ces par le juge pr occupe galement ce ju riste de formation et de profession qu est Leibniz Arm d un outil logique et math matique sup rieur celui des membres de l cole du droit naturel dont il critique le manque de rigueur et l insuffisance des r sultats pratiques Leibniz poursuivra sa vie durant une vaste entreprise de formalisation du droit qui impli que la construction d une langue juridique parfaite et artificielle d une logique d ontique dont il jette les bases partir de la lo 16 Les mots et les choses O C p 65 17 En ce sens Leibniz Nova Methodus 1667 VI 1 cit par G GRUA La Justice humaine selon Leibniz Paris P U F 1956 p 250 Adde sur le d clin de l analogie M FOUCAULT O C p 69 18 Hobbes Pufendorf et Leibniz notamment s y r f rent express ment comme mod le 19 GROTIUS De iure bello ac pacis Prol gom nes 58 et Livre II ch XXII ler 20 PUFENDORF Le droit de la nature et des gens Livre I ch II 11 ep gique modale et la conception d un vaste syst me classificatoire regroupant en tableaux l ensemble des d finitions et des l ments simples tir s de l analyse du droit romain et ou germanique 21 Le tableau des l ments simples doit permettre id alement de produire par le moyen de l ars combinatoria l ensemble des cas possibles tels qu ils se sont pr sent
20. l criture n est pas n e de fa on tout fait miraculeuse sans faire appel des hommes alors il faut r pon dre que l Esprit divin ne peut avoir choisi cette m thode qu afin que nous reportions tout aux auteurs mentionn s Voil pour quoi cette interpr tation peut seule tre la bonne 38 De m me chez les juristes de l Ex g se et notamment pour Toullier l interpr tation c est l art de d couvrir les pens es qu expri ment les paroles ou les crits 39 et l uvre de l interpr te 34 M VAN DE KERCHOVE La doctrine du sens clair des textes et la ju risprudence de la Cour de cassation in L interpr tation en droit Approche pluridisciplinaire Bruxelles Pub des Fac St Louis 1978 pp 13 50 35 T TODOROV op cit p 140 36 Les citations de Schleiermacher sont tir es de la traduction de Ch BERNER Herm neutique Paris Ed du Cerf 1987 On cite ci apr s le manus crit et la pagination de la traduction Herm neutique g n rale 1809 1810 p 75 et Abr g d herm neutique 1819 3 5 pp 114 115 37 LANSON Essais de m thode de critique et d histoire litt raire rassembl s et pr sent s par Henri Peyre Paris Hachette 1965 pp 47 et 69 38 Note de 1828 sous Abr g 1819 13 p 120 39 TOULLIER Le Droit civil fran ais suivant l ordre du Code t I Bruxelles Wahlen 1845 304 p 349 et 8 307 p 351 102 j 4 selon Baudry Lacantinerie
21. le des normes de scientificit nouvelles r gissent donc les sciences herm neutiques au sein desquelles le droit reprend toute sa place La d couverte du sens suppose une recherche la fois his torique et psychologique Historique d une part car la s mantique philologique fonctionne comme une tymologie le sens v ritable du texte est reconstitu en remontant l origine de sa premi re nonciation il est d s ce moment tabli une fois pour toutes D autre part le sens lui m me se d finit comme une donn e psychologique puisqu il co ncide avec l tat de con science d un sujet f t il un tre mythique comme le L gislateur par exemple L interpr tation r ussie suppose l tablissement d une communication et m me d une connivence entre l esprit de l auteur et celui de l interpr te On peut galement sur les m mes bases rendre compte de l cole historique du droit de Savigny et Grimm qui durant la m me p riode domine la science juridique allemande L cole historique exalte la coutume con ue comme le produit d une lente maturation du Volksgeist de l Esprit du Peuple comme une des manifestations visibles de la vie de cet organisme qu est la communaut nationale Pour cette cole la formation d un droit national passe non par une codification la fran aise jug e artificielle mais par la reconstitution historique des sources po pulaires du droit On enseigne classiquement que tout s pare l cole hi
22. les maintiendra par des moyens coactifs ou coerci tifs 29 Apr s 1804 la doctrine consacre ses meilleures forces la r daction de commentaires monumentaux du Code civil sui vant le plus souvent l ordre m me des articles du Code Cette technique donnera son nom l cole de l Ex g se qui domine ra pratiquement sans partage le champ juridique fran ais pendant tout le si cle Le mod le scientifique de l Ex g se se distingue du mod le jusnaturaliste en tant qu il appara t comme une nouvelle herm neutique Le travail scientifique du juriste fran ais du XIXe si cle consiste pour l essentiel interpr ter le Code et les lois positives Le raisonnement juridique suppose d sormais la com pr hension correcte des textes Au contraire du jusnaturalisme qui entendait r sorber l interpr tation dans la formalisation et rempla ait la glose des textes traditionnels par de vastes tableaux classant des signes juridiques anonymes l cole de l Ex g se renoue avec l antique tradition juridique du commentaire et de l interpr tation de la loi Mais l interpr tation dont il s agit n a que peu de rapport dans sa m thode avec l herm neutique an cienne et la tradition scolastique L cole de l ex g se met en uvre un nouveau mod le normatif d interpr tation qu il con vient de mettre en parall le avec celui qu impose la m me poque l cole philologique dans le domaine des tudes litt rai res philosophiques et t
23. n Langue fran aise et droit coutumier en France l poque moderne in Langage et droit travers l histoire R alit s et fictions Leuven Paris Peeters 1989 pp 135 et sq 98 deux cas rationalisation et modernisation dissimulent mal la vo lont de puissance Le mod le d ductif des syst mes de droit naturel modifie galement en profondeur la nature du rapport de droit dans un sens favorable l autorit Le vinculum iuris romain tait per u comme un rapport horizontal entre deux sujets de droits gaux g n rateur de droits et d obligations Le syst me du droit naturel d veloppe au contraire le concept d un rapport juridique vertical puisque tout droit particulier d rive d un principe g n ral pos dans et soutenu par le syst me global Le droit objectif d cr t par Dieu ou par le Souverain s impose comme source des droits subjectifs Le mod le biblique du commandement l emporte sur le mod le romain de Ia relation Dans la foul e un renverse ment s op re dans l ordre des mati res le droit priv traditionnellement trait en premier et comme fondement du droit public d rive pr sent de celui ci et vient en second 27 On ne saurait toutefois limiter la port e du droit naturel cette interpr tation unilat rale Principe organisateur du droit national le droit naturel qui se place sous le signe de la raison et donc de l universel l est surtout du droit des gens discipli
24. n Belgique le Procureur G n ral pr s la Cour de cassation Paul Leclercq acquis aux id es nouvelles entra ne la haute juridic tion r former sa jurisprudence dans un sens progressiste sur plusieurs questions importantes durant la p riode de l entre deux guerres notamment sur la question de la d finition des l ments constitutifs de la responsabilit Mais apr s le d part de son Procureur la Cour de cassation retourna souvent sa ju risprudence ant rieure Dans l ensemble les juges fran ais et belges n endoss rent pas l habit r formiste taill leur mesure par G ny et ses disciplines et laiss rent au l gislateur le soin d adapter le droit aux nouvelles conditions politiques Derri re le projet m thodologique propos par G ny et les r f rences scientifiques et philosophiques sur lesquelles il prend appui se laisse ais ment deviner une prise de position politique Face la critique radicale de la soci t et du droit op r e par Marx et Engels 56 et compte tenu du danger repr sent par les mouvements sociaux r volutionnaires 57 la libre recherche scientifique manifeste une profession de foi l galiste et r for miste Elle affirme la fois l urgence d une r forme sociale sa possibilit dans le cadre juridique existant et la n cessit du droit comme instrument de cette r forme G ny appelle le juge de venir l interpr te l gitime du mouvement si intense des id es sociales
25. ne de pr dilection des grands jusnaturalistes modernes tels Grotius Pufendorf et Vattel Il permet la gestion de rapports complexes dans un monde de la Chr tient divis par la R forme et largi par les grandes d couvertes D autre part si le droit naturel est un facteur d organisation du droit positif il sert galement d talon pour sa critique Personne n ignore que sous sa ban ni re les r volutionnaires combattront le pouvoir absolu et d clareront les droits naturels inali nables de l homme 2 Le mod le philologique de P cole de l Ex g se Si l re r volutionnaire consacre un moment la victoire du droit naturel sur le terrain politique elle marque assez brutalement sa fin sur celui de l pist mologie juridique Apr s la codification napol onienne la dogmatique juridique rejette en termes tr s durs le jusnaturalisme au profit d un positivisme l galiste de 27 Sur cette question voyez S VE op cit pp 20 22 99 stricte ob dience Dans son Trait de l interpr tation juridique 1849 le doyen Delisle crit ainsi propos du jusnaturalisme Une th orie qui ne peut se plier la pratique est un je ne sais quoi qui n est pas digne de fixer l attention ou qui certainement ne constitue pas la science du jurisconsulte 28 Les droits tels que les envisage le jurisconsulte n existent donc que sous la condition d un pouvoir qui les appr ciera et qui apr s les avoir reconnus
26. ordons que ces mod les valent principalement comme m taphores nous soutenons l inverse qu ils n en sont pas moins charg s d une grande valeur heuristique Le r le indispensable de la m taphore dans le pro cessus de la d couverte et de la connaissance non seulement philosophique mais aussi scientifique est pr sent bien connu et reconnu 11 Je m attacherai pour ma part montrer le r le effec tif de ces mod les de raisonnement import s sur la formation de concepts sp cifiquement juridiques et leur influence sur la prati que du droit J voquerai galement les relations qu ils entretiennent avec des pr occupations plus politiques Durant la p riode que nous avons choisi savoir la fin de l ancien r gime le tournant des r volutions lib rales et la nais sance des sciences sociales trois mod les de raisonnement dominent successivement le champ des tudes juridiques fran aises A partir du XVIIe si cle l Ecole du droit naturel moderne rompant avec la tradition scolastique con oit une science du droit nouvelle sur la base d un mod le math matique ou g om trique Ce mod le sera assez brutalement r voqu apr s le grand tournant de la R volution fran aise qui para doxalement consacre d une certaine fa on sa victoire sur le terrain politique et sp cialement apr s l v nement majeur que constitue pour le droit fran ais la codification napol onienne A 10 M FOUCAULT op cit p 368 11 Paul
27. particulier l histoire non pas tant de la pens e en g n ral que de tout ce qui contient de la pens e dans une culture de tout ce en quoi il y a de la pen s e Car il y a de la pens e dans la philosophie mais aussi dans un roman dans une jurisprudence dans le droit m me dans un syst me administratif dans une prison 7 Ce sont bien entendu d j ici les travaux futurs qui s annoncent notamment Surveiller et punir8 mais Foucault aura alors quitt le terrain de l pist mologie des sciences pour aborder le probl me du pou voir et de sa g n alogie Remarquons cependant que la question du droit surgit pr cis ment dans la transition entre ces deux p riodes de son uvre et qu elle occupe une position cl d intersection entre les probl matiques du savoir et du pouvoir Foucault s en explique dans une s rie de conf rences donn es Rio de Janeiro en mai 1973 sous le titre La v rit et les formes juridiques 9 o il pr sente le droit comme le lieu par excel lence o les pratiques sociales et les strat gies de pouvoirs se constituent en discours scientifiques Le droit marque le point o la g n alogie des pouvoirs s articule sur l arch ologie des sa voirs Cette position charni re en fait pour nous un objet d tude privil gi Effectivement le discours des th oriciens du droit et la pra tique judiciaire antique et moderne se caract risent par le souci permanent de fonder la l gitimit
28. r Ensuite il est difficile de savoir si les lois de l organisation sociale qui guident le juge dans sa d cision sont des lois scientifiques descriptives du social ou des r gles normatives Sans doute un peu les d ux pour G ny qui reproduit ici la position quasi naturaliste de Comte sur les sciences morales Enfin quant la fonction du juge doit il se contenter d tre la courroie de transmission du mouvement so cial dans le domaine juridique ou joue t il au contraire un r le moteur dans la r forme de la soci t par le droit mais dans ce cas sur la base de quelle l gitimit Malgr ces zones d ombre la libre recherche introduit ou r introduit dans la th orie juridique plusieurs concepts int res sants Elle d veloppe ainsi une conception volutive du droit le juriste ne regardant plus pour en d terminer le contenu dans la direction de son origine de sa source mais vers son but son ac complissement On observe dans la foul e la r habilitation du jugement t l ologique et d une conception cons quentialiste de l application du droit fond e sur un calcul de type utilitariste dont les param tres conomiques et sociaux demeurent cepen dant flous 108 she ann a die mrin he Le 2e ee di me ms de G ET ne arsar Quant l influence du nouveau mod le sociologique sur la pratique judiciaire dans un premier temps elle ne fut pas n gli geable mais au total elle sera limit e C est ainsi qu e
29. raducteur 10 95 forme du savoir mais l occasion de l erreur comme l crit Foucault 16 Ils pr f rent l analogie horizontale des cas la d duction verticale depuis des principes certains et g n raux jusqu aux solutions particuli res 17 De m me que Spinoza mais sans pousser aussi loin que l auteur de l thique le formalisme de la d monstration more geometrico les jusnaturalistes modernes se donnent les math matiques et tout sp cialement les El ments d Euclide pour mod le de scientificit 18 I s agit au d part d un petit nombre de r gles ou de lois tenues pour accord es ou consid r es comme videntes d elles m mes la mani re des axiomes de reconstituer par d monstrations progressives l ensemble du droit naturel voire m me d un droit positif r form selon les r gles de la droite raison On est frapp la lecture des auteurs par la con fiance qu ils manifestent dans la possibilit de rejoindre et m me de d passer dans le domaine juridique le degr de certitude pr t aux sciences physiques ou math matiques Si Grotius fid le encore sur ce point l artistot lisme limite les ambitions de la raison au domaine des principes l exclusion de leur application dans des contextes contingents 19 Pufendorf affirme contre lui la possibilit d atteindre l exactitude jusque dans la solution des cas particuliers d duite des principes g n raux et donc la possibilit de princ
30. s ou se pr senteront aux magistrats charg s de les trancher 22 Cet arse nal logique est cens immuniser les juges contre les arguties des avocats que Leibniz ne portait pas dans son c ur 23 Toutefois malgr le projet leibnizien qui ne pourra d ailleurs aboutir il n y aura pas au total d absorption du droit par la logique ou les math matiques mais plut t une r organisa tion du savoir et des empiricit s juridiques sur la base d une mathesis propre au droit Le droit naturel moderne fournit le cadre en m me temps que l instrument conceptuel de cette en treprise dont les ma tres mots sont l ordre et le syst me Le juriste moderne s emploie en priorit restaurer l ordre dans la masse des signes juridiques qu il trouve dispers s dans une multitude de textes divers l criture sainte pour le droit divin r v l le Code de Justinien pour le droit romain les ordonnances et dits pour la l gislation royale mais aussi les coutumes des pays de France dont la r daction a t entreprise partir de l Ordonnance de Montil les Tours 1454 les arr ts des Cours souveraines etc Ainsi Domat met l Les loix civiles dans leur ordre naturel selon le titre de son grand ouvrage publi en 1689 en s aidant principalement du droit romain consid r comme raison crite mais dont il faut galement r am nager l ordonnancement Remettre de l ordre dans le droit permet d instaurer l ordre juridique not
31. storique et l cole de l ex g se qui s opposent effecti vement sur les questions de la codification et de la hi rarchie des sources On n aper oit pas qu elles ne peuvent si bien s affronter 47 AUBRY et RAU I 40 p p 193 194 Dans le m me sens BAUDRY LACANTINERIE I 101 in fine p 53 48 Principes 272 pp 341 42 104 que parce qu elles partagent un certain nombre de pr misses non discut es sur la nature du droit qui forment le sol commun de leur affrontement De part et d autre c est la m me qu te de l origine pour d voiler l me secr te de l auteur de la norme Comme le remarque l historien de la pens e juridique Alfred Dufour les deux coles recourent au m me concept fondamen tal de source du droit 4 Le concept de source est import des sciences naturelles via la th ologie et introduit en droit l initia tive de l cole historique La source du droit c est la fois son origine et son fondement La t che du juriste du XIXe si cle est d y remonter par les voies de l histoire et de la psychologie Un mot enfin sur la signification politique de la doctrine de l Ex g se dans le contexte fran ais La r f rence permanente et sourcilleuse la volont du l gislateur historique et en particu lier du codificateur napol onien illustre bien semble t il l attitude ambigu que Fran ois Furet stigmatise comme celle du bourgeois du XIXe si cle h ritier d une r volution qui l
32. ux moments dans l interpr ta tion D abord l interpr tation grammaticale qui selon Aubry et Rau s attache d terminer le v ritable sens d un texte obscur ou incomplet en s aidant des usages de la langue et des r gles de la syntaxe 45 Ensuite l interpr tation dite logique qui d apr s Laurent fait conna tre l esprit de la loi les motifs qui ont guid ses auteurs 46 Selon Aubry et Rau L interpr tation logique est elle m me d clarative extensive ou restrictive suivant 40 Pr cis de droit civil t premier 101 p 52 41 Principes 273 p 343 344 La m me id e est d j d velopp e au 272 pp 341 2 42 Idem p 98 43 La m thode de l histoire litt raire p 44 Sixi me et Septi me ta pes de la m thode 44 Herm neutique g n rale 1809 1810 p 75 45 Cours de droit civil fran ais 1 Cinqui me d 40 p 193 46 LAURENT Principes 272 p 341 2 103 qu elle a simplement pour objet de rechercher le v ritable sens d un texte obscur ou incomplet ou qu elle se propose d tendre ou de restreindre la sph re d application d une disposition l gale dont la r daction quoique claire et compl te en elle m me ne rendrait cependant pas exactement la pens e du l gisla teur 47 Comme l indique encore Laurent ces deux interpr tations concourent et elles se confondent m me 48 Par le moyen d une th orie de l interpr tation origina
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