L`information en matiere de religion . Une spécialisation moralement
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1. chercher rep rer avancer Cet article est disponible en ligne l adresse http www cairn info article php ID REVUE RESSID NUMPUBLIE RES 11181D ARTICLE RES 111 0132 L information en matiere de religion Une sp cialisation moralement fond e par Philippe RIUTORT Lavoisier R seaux 2002 1 n 111 ISSN 0751 7971 pages 132 161 Pour citer cet article Riutort P L information en matiere de religion Une sp cialisation moralement fond e R seaux 2002 1 n 111 p 132 161 Distribution lectronique Cairn pour Lavoisier Lavoisier Tous droits r serv s pour tous pays La reproduction ou repr sentation de cet article notamment par photocopie n est autoris e que dans les limites des conditions g n rales d utilisation du site ou le cas ch ant des conditions g n rales de la licence souscrite par votre tablissement Toute autre reproduction ou repr sentation en tout ou partie sous quelque forme et de quelque mani re que ce soit est interdite sauf accord pr alable et crit de l diteur en dehors des cas pr vus par la l gislation en vigueur en France Il est pr cis que son stockage dans une base de donn es est galement interdit L INFORMATION EN MATIERE DE RELIGION Une sp cialisation moralement fond e Philippe RIUTORT R seaux n 111 FT R amp D Herm s Science Publications 2002 a couverture des questions religieuses dans les m dias rel ve2. existence d une t ti re religion hors de la presse confessionnelle concr tise la manifestation d un int r t accord la vie religieuse ordinaire et correspond souvent aux attentes de certaines fractions catholiques pratiquantes du lectorat d un journal non confessionnel Il y a eu une poque o dans Le Figaro vous aviez autant d informations religieuses que dans La Croix Et La Croix tant insupportable sur le plan id ologique certains pratiquants ils se tournaient spontan ment vers Le Figaro Entretien Journaliste presse confessionnelle novembre 2001 L INFORMATION RELIGIEUSE UNE INFORMATION COMME LES AUTRES Une rubrique en mutation La rubrique religion conna t aussi bien dans la presse confessionnelle que g n rale des transformations profondes depuis environ une dizaine d ann es et ne saurait plus gu re chapper d sormais aux logiques de revendication de l autonomie professionnelle qui gagnent les diff rents secteurs journalistiques ni davantage r sister aux imp ratifs conomiques qui p sent sur la confection comme sur le contenu du journal Ces derniers tendent d ailleurs marginaliser davantage que par le pass la rubrique religion comme en t moignent ses titulaires dont la place dans la r daction n appara t plus toujours tr s assur e particuli rement dans la presse non confessionnelle Le maintien m me de la rubrique ne va ainsi plus n cessairement
3. informateur religieux avec ses sources ne r sulte donc pas d une simple n cessit professionnelle puisqu elle constitue bien souvent le prolongement d activit s militantes pass es la mani re du passage par la JAC la JEC ou la JOC donnant naissance une vocation journalistique sp cifique 3 11 LAPLAGNE 1990 12 GRIGNON 1977 PELLETIER 2002 13 Henri Fesquet cr ateur de la rubrique religion au Monde prend galement inlassablement position dans les colonnes du journal en faveur de l ordination des femmes du mariage des pr tres L information en mati re de religion 137 Une expertise critique Cette conversion de dispositions initiales 4 laissant libre cours au journalisme d opinion autorise l invocation de ce que Padioleau nomme expertise critique c est dire l usage d une certaine comp tence technique pouvant l occasion se retourner contre l institution sous couvert de l emploi d une rh torique de l objectivit Cette comp tence provenant d une connaissance indig ne de l institution et qui autorise un regard critique est reconnue par de nombreux informateurs religieux contemporains A l poque du Concile les informateurs religieux taient des monstres sacr s les Fesquet les Bourdarias titulaire de la rubrique au Figaro taient des gens qui avaient le cuir tann Ils taient redoutables par leur efficacit et leur connaissance des moindres
4. l ext rieur dans le landernau A l int rieur de la r daction si je demandais aux gens de mon service personne ne sait la temp te que cela a d clench Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 La diminution de la couverture de l activit religieuse au quotidien autorise ainsi parfois un traitement d cal prenant ouvertement ses distances ainsi que le souhaitent g n ralement les responsables de r daction envers l actualit purement institutionnelle qui pr valait pr c demment et peut ainsi conf rer au journaliste au moins dans la presse g n rale une assez grande latitude dans le choix de ses sujets Certaines sp cificit s tendent opposer sur ce point La Croix tous les autres titres le quotidien poss dant la r daction de loin la plus importante de la presse fran aise se trouve dans l obligation de produire journellement une information de proximit figurant au contrat implicite qui le lie ses lecteurs alors que les autres titres s en dispensent g n ralement en r duisant d autant l espace accord 21 LEGAVRE 1992 22 parce que les catholiques sont d sormais conscients d tre peu nombreux une minorit l o ils vivent Lire la presse catholique leur permet de ne pas se sentir pour autant marginalis s BARBIER BOUVET in BRECHON WILLAIME 2000 p 241 L information en mati re de religion 147 la religion Une autre contrainte tenan
5. d butant ou un transfuge journaliste d agence cherchant chapper au desk ancien correspondant local int grant une r daction nationale ne sauraient pleinement s identifier une rubrique envisag e comme un moment souvent bref de leur carri re professionnelle cette nouvelle conception du poste la question vous voyez vous couvrir la religion dans dix ans Est ce que je serai encore journaliste dans dix ans Je n en sais vraiment rien Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 Au bout de dix ans pass s une rubrique on ne peut plus se renouveler On a des sch mas Il faut bouger D abord on s emmerde et puis on n a plus d id es On finit par dire toujours la m me chose Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 suscite la r probation de certains confr res attach s au double sens du terme au poste Je me m fie que certains consid rent la religion comme une fus e porteuse parce que a les chatouille alors qu il faut du temps pour m riter la confiance de ses interlocuteurs Entretien journaliste presse g n rale novembre 2001 La place croissante prise aujourd hui par des jeunes journalistes issus notamment des coles y compris dans un journal comme La Croix o l information religieuse dispose pourtant d un statut privil gi tend instaurer de fait un rapport plus distanci la rubrique Aujourd hui il devient de plus en
6. du carnet d adresses dans la mesure o ces contacts l du moins gr ce leur familiarit personnelle avec le r dacteur et leur moindre inhibition spontan e peuvent compenser la difficult rencontr e se renseigner des niveaux plus autoris s in GUISSARD 1998 p 161 16 Cette activit est jug e aujourd hui encore suffisamment importante pour qu au Monde par exemple le correspondant en Italie ne suive pas les questions vaticanes laiss es Henri Tincq 138 R seaux n 111 l aide de sources proches avec lesquelles ils entretiennent des relations r guli res A Rome mon poque la salle de presse tait nulle Il ne se disait strictement rien hormis la langue de bois Il fallait alors rencontrer des gens qui parlaient et avoir son propre r seau d informateurs c t des grandes interviews o les gens ne disaient pas grand chose Moi j avais mes entr es aupr s des j suites je savais qu ils me parleraient Interview avec A Woodrow janvier 2002 Une exp rience pass e un titre ou un autre dans l institution poss de alors l avantage pour l informateur religieux d tre per u moins comme un journaliste que comme un porte parole cette situation tant cependant l origine d un malentendu structural entre les logiques de l univers religieux et celles de l univers journalistique Lors d une messe de la presse un cardinal dans son se
7. edition 1974 p 32 34 L information en mati re de religion 139 Il tait impensable surtout l poque au Monde de ne pas publier un texte manant de Rome par exemple et d y consacrer une large place Mais on tait arm par notre formation le lire Et c t de larges extraits du texte proprement dit figurait un article de commentaires qui pouvait parfois tre tr s critique Entretien avec A Woodrow C est l une des raisons qui permet de comprendre que lors de la cr ation de la rubrique religion dans la presse g n rale qui s effectue g n ralement apr s 1945 celle ci se voit confi e g n ralement un pr tre ce fut par exemple longtemps le cas La Croix ou encore au Figaro avec par exemple Ren Laurentin ou d faut des journalistes ayant entretenu au cours de leur existence pass e des rapports troits avec l institution religieuse tels des anciens s minaristes par exemple Le cas du Monde est ce titre significatif fortement impr gn d s son origine ne serait ce que par la personnalit de son fondateur Hubert Beuve M ry par le christianisme la rubrique religion est cr e de toutes pi ces par Henri Fesquet qui apr s avoir connu Beuve en captivit entre au Journal en 1946 ou encore celle de son successeur Alain Woodrow ancien s minariste puis journaliste au cours des ann es 1960 aux Informations catholiques internationales avant de rejoindre Le Monde dans les ann
8. et l utilisent parfois comme une source parmi d autres L une des tensions importantes suscit e par l existence m me d une revue critique porte ainsi sur la d finition m me de l information religieuse Si un certain manque de rigueur peut tre reproch une revue trimestrielle con ue de mani re artisanale par une poign e de journalistes pris en d faut sur certaines enqu tes Ils ont sorti parfois de bonnes choses mais je ne les trouve pas toujours tr s cr dibles Ils n gligent quelque peu les r gles du journalisme Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 ceux ci sont g n ralement consid r s comme un alli par les informateurs religieux modernistes Le proc s qu on leur fait c est aussi parce qu ils emmerdent le monde Ils g nent l institution Ils disent parfois des v rit s Et si c est pas eux qui les publient o ce sera Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 alors qu ils suscitent l opprobre des journalistes traditionnels ainsi que des r dacteurs de la presse confessionnelle qui entretiennent souvent de longue date des relations de proximit avec les membres de l institution L absence de v ritable informateur religieux au sein d une r daction peut ainsi conduire certains journaux reprendre purement et simplement leur compte les th ses mises par la revue en lui offrant par exemple une tribune plus ample 6 Un
9. importance de sa r daction vis vis de laquelle les autres supports de presse sont contraints de se r f rer et parfois de se d marquer pour exister La Croix c est un truc invraisemblable ils sont sept ou huit On peut pas lutter Ceci dit d une certaine mani re ils sont un peu prisonniers de leur public Ils deviennent un peu parfois d ailleurs contre leur volont une sorte de bulletin officiel de l Eglise catholique Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 La place de la presse confessionnelle demeure encore aujourd hui d terminante dans la trajectoire professionnelle des informateurs religieux Si la premi re g n ration d informateurs religieux constitu e de pr tres d anciens s minaristes n est plus aujourd hui en activit les journalistes qui demeurent les plus attach s leur rubrique ont effectu la plupart du temps une partie consid rable leur carri re au sein de la presse confessionnelle Henri Tincq titulaire de la rubrique au Monde depuis 1985 vient de La Croix Elie Mar chal journaliste au Figaro depuis 1990 a t auparavant directeur de Radio Notre Dame radio confessionnelle de l archev ch de Paris Parmi la nouvelle g n ration d informateurs religieux certaines de ces logiques se retrouvent encore en partie Xavier Ternisien entr au Monde en 1998 a t sa sortie du Centre de formation des journalistes journaliste la revue j suite Croire
10. information religieuse Je suis journaliste et je traite de sujets divers dont la religion Informateur c est un truc qui me g ne Je n ai pas ce c t gr gaire Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 Ne disposant souvent pas d une culture religieuse aussi tendue que celle de leurs confr res et ne pouvant tre ainsi reconnus comme sp cialistes ils se L information en mati re de religion 143 d clarent d ailleurs plus souvent que les premiers ath es et ou sans ducation religieuse et s adressent prioritairement un lectorat a priori peu concern par ces questions ils se trouvent dans l obligation d avoir parler religion sans en avoir l air afin d accro tre sensiblement leurs chances d tre lus Je ne ferai jamais cinq pages sur des probl mes institutionnels mais plut t des papiers assez courts Ou alors il faut que les sujets touchent un maximum de lecteurs qu ils puissent s y reconna tre bid Ce souci de vulgarisation s il peut susciter une certaine condescendance de la part des informateurs religieux sp cialis s qui croient y percevoir certains signes d amateurisme De temps en temps quand on lit les papiers de nos confr res des hebdos on rigole parce qu on retrouve presque du couper coller de nos articles On sait qu ils nous ont lu quoi Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 aboutit la promotion de
11. Ils se demandaient un peu ce que je leur voulais Mais aussi moi je ne d jeune pas avec eux je ne prends pas le th avec eux Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 L invalidation de la pr tention de Golias tre per u comme un confr re part enti re s appuie d ailleurs sur ce registre Je ne pense jamais eux On ne les voit jamais sur le terrain aux conf rences de presse par exemple Entretien Journaliste presse confessionnelle juin 2001 L obligation consistant tablir des liens durables avec les sources privil gi es tend d montrer qu une socialisation religieuse pr alable constitue toujours en partie l un des fondements de la comp tence professionnelle Moi je baigne dans le milieu catho depuis que je suis tout petit Il est clair qu un article crit par un non catho je vais remarquer des choses On pourrait dire la m me chose sur le juda sme et l islam Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 La participation r guli re aux conf rences de presse la conf rence annuelle des v ques de Lourdes renforce ainsi la coh sion du petit groupe des sp cialistes de l information religieuse n cessaire dans une conjoncture o l avenir de la rubrique para t en partie menac le caract re extr mement minoritaire de ce journalisme sp cialis tend en effet limiter les permanents quelques personnes moins d une dizaine qui se re
12. aujourd hui Pierre Dharr ville charg L information en mati re de religion 155 de la rubrique religion L Humanit tout en relevant du service politique a t permanent la JOC Jeunesse ouvri re chr tienne et pigiste T moignage chr tien L entr e par la presse confessionnelle appara t toujours une voie d acc s normale la rubrique et permet parfois d effectuer dans de bonnes conditions dans un second temps un passage dans la presse non confessionnelle donnant acc s un plus vaste public et mettant profit la constitution d un carnet d adresses patiemment accumul Les clivages de l espace religieux se retrouvent en outre toujours leur mani re dans l espace journalistique en raison de l existence d une presse manant directement des institutions religieuses elles m mes dans la presse crite Tribune juive R forme comme dans les m dias audiovisuels KTO ou Fr quence protestante mais galement d une presse d opinion d fendant une position au sein de l espace religieux pour se limiter l exemple de la presse catholique l espace occup par T moignage chr tien diam tralement oppos ceux de France Catholique ou de Famille chr tienne s il tend ajuster des produits religieux conformes aux attentes diff renci es des divers publics int ress s subordonne galement la production de l information religieuse la d fense d int r ts
13. d tails C tait assez fabuleux Cette p riode l c est fini Entretien Journaliste presse confessionnelle novembre 2001 En effet l anciennet des relations instaur es avec des membres de l institution induisant une confiance r ciproque constitue alors un l ment essentiel d appr ciation de la comp tence journalistique et rend possible la mise en uvre d un savoir sot rique parfaite ma trise du vocabulaire religieux compr hension des enjeux th ologiques capacit de d chiffrement des enjeux internes et des clivages existants au sein de l institution op rant doublement et pour des raisons parfois diverses dans l espace religieux et dans l espace journalistiquel la mani re des qualit s attendues d un correspondant Rome couvrant le Saint Si ge qui doit faire figure de vaticanologue avertil6 Le silence oppos par les repr sentants de l institution religieuse refusant alors presque unanimement de jouer le jeu des m dias conduit les informateurs religieux laborer leurs papiers avec 14 Pour un constat similaire de la conversion de dispositions militantes souvent catholiques dans la moralisation de la presse conomique partir des ann es 1950 RIUTORT 2000 15 Le r dacteur en chef religieux de La Croix Michel Kubler pourtant lui m me membre de l glise pr tre assomptionniste rend bien compte de l imp rieuse n cessit dans ce domaine plus encore
14. de soi dans un quotidien national comme le note avec amertume l un des r dacteurs Si le journal est rachet par un grand groupe je peux tr s bien sauter demain matin et on traitera la religion partir des d p ches d agence Entretien Journaliste presse g n raliste novembre 2001 A l exception videmment de La Croix qui poss de avec sept journalistes la r daction de loin la plus toff e20 la t ti re religion tend ainsi dispara tre 20 La Croix dont l actionnaire principal depuis l origine est une congr gation religieuse les Assomptionnistes comprend en outre au sein de la r daction g n ralement un journaliste L information en mati re de religion 141 purement et simplement dans la plupart des quotidiens nationaux cette volution signifie clairement que le journaliste titulaire de la rubrique est moins certain qu autrefois de passer ses papiers puisqu un espace aussi minime soit il ne lui est plus automatiquement r serv Il y a encore quelques ann es la religion tait trait e pour elle m me Aujourd hui elle sert souvent de bouche trou ou est voqu e propos d affaires judiciaires par exemple On m interroge alors propos par exemple de la transfusion sanguine sur les positions des diff rentes religions Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 Cette volution tend ainsi r int grer d une certaine mani re l informateur religieux au
15. il y ait plus de diversit une pr sence de la presse juive musulmane Jusqu pr sent c tait surtout un club catho Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 Les contraintes qui p sent sur la presse confessionnelle tendent ainsi de fa on diffuse s imposer l ensemble des informateurs religieux ne serait ce que par l effet num rique produit par les informateurs religieux confessionnels notamment amateurs on estime une centaine le nombre de bulletins dioc sains per us comme des amis par l institution Cette ambigu t de position se retrouve ainsi pleinement chez les informateurs religieux par ailleurs membres de l institution pr tres par exemple qui doivent n anmoins lorsqu ils voluent dans la presse nationale construire parall lement vis vis de leurs confr res une cr dibilit journalistique qui 35 Un informateur religieux pr tre lui m me a pu tre accueilli Lourdes par un v que lui demandant ironiquement soulignant l ambigu t de son r le en faisant allusion la fable de La Fontaine la chauve souris s il s tait d plac en tant qu oiseau ou en tant que souris L information en mati re de religion 157 ne cesse cependant de leur tre disput e de l int rieur m me du monde des informateurs religieux Lorsque vous tes pr tre et journaliste vous tes l objet d un soup on permanent Aux yeux de vos confr res
16. journalistes c est in vitable vous tes per u comme ayant comme principale pr occupation de d fendre la boutique Aux yeux des religieux le fait d tre journaliste fait de vous quelqu un de pas compl tement fiable Entretien Journaliste presse confessionnelle novembre 2001 Cette position s av re n anmoins encore dans de nombreuses situations professionnelles une ressource d cisive dans la collecte de l information J ai par exemple un v que qui est un peu mon v que t moin C est un copain C est vrai qu un peu d anciennet et le fait d tre pr tre a aide a cr e des liens J ai par exemple des copains de fac qui deviennent v ques maintenant bid et place ainsi en difficult les informateurs religieux qui ne peuvent faire tat des m mes liens d interconnaissance Parfois j ai du mal pour avoir un interlocuteur La r ponse classique c est Notre r action sera dans La Croix Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 La mani re de parler de religion est galement tenue ne serait ce que par les attentes d un lectorat aux caract ristiques tr s sp cifiques par une certaine empathie dont s av rent particuli rement capables les journalistes familiaris s de longue date avec l univers religieux pour y avoir volu eux m mes un titre o un autre Il est indispensable de manifester une certaine empathie non pas pour les inst
17. le trombinoscope des v ques Tout le monde se jette sur la derni re dition avec gourmandise Si vraiment on consid re que c est pas bien Et bien on ne le lit pas bid L exemple de Golias tend n anmoins souligner les co ts sensiblement lev s et qui se mesurent par une marginalisation d une information religieuse ouvertement critique mise l cart par les autorit s institutionnelles comme par les informateurs religieux centraux la diff rence par exemple de La Vie dont l ind pendance difficilement acquise prend toutefois appui sur de nombreux soutiens au sein de l institution rompant aussi bien avec la biens ance en usage avec les sources qu avec les r gles journalistiques 27 ENTRE EMPATHIE ET PROFESSIONALIS ATION Une communaut professionnelle Les tentatives de professionnalisation de l information religieuse font l objet de revendications r currentes d autonomie de la part de journalistes envers leurs sources privil gi es Comme dans d autres secteurs tels que l information conomique par exemple les associations professionnelles ont pu divers moments contribuer asseoir les pr tentions l autonomie des journalistes L Association professionnelle des journalistes de l information religieuse AJIR cr e en 1920 proclame ainsi d s sa fondation dans ses 27 Au point par exemple de consacrer un dossier ses confr res intitul Jour
18. paradoxe expliquant en partie les effets de reprise dont Golias b n ficie peut ainsi tre soulev alors qu l exception notable de La Croix la vie interne et les enjeux de pouvoir existants au sein de l institution religieuse et particuli rement de l Eglise ne sont plus gu re abord s aujourd hui pour eux m mes la diff rence de l information religieuse traditionnelle Golias s en est d une certaine fa on fait la 26 A titre d exemple L Ev nement du jeudi qui ne dispose pas de journaliste attitr couvrant la religion a pu faire appel Christian Terras directeur de Golias pour un dossier consacr La France de Madame Boutin 4 f vrier 1999 150 R seaux n 111 sp cialit en d voilant les aspects cach s et sombres de l institution De ce fait il peut appara tre davantage encore pour les journalistes les moins familiaris s avec lunivers religieux comme une mani re de construire une comp tence ne serait ce qu au sein des r dactions partir de l ind pendance journalistique tout en disposant de scoops f t ce au second degr destination du grand public Le faible nombre d informateurs religieux contribue renforcer sensiblement en d pit de la confidentialit du tirage de Golias et des jugements controvers s que la revue peut inspirer ses effets sur l ensemble des acteurs des espaces religieux et journalistique Prenons
19. plus rare de d envisager de faire carri re dans l information religieuse Les jeunes disent pour cinq six ans a m int resse Pas plus Ils ont assez peur de se laisser enfermer par l tiquette et de ne pas pouvoir ensuite voluer vers d autres domaines Entretien Journaliste presse confessionnelle novembre 2001 146 R seaux n 111 m me si au sein des r dactions tout particuli rement dans la presse g n rale la rubrique religion fait nettement figure de rubrique mineure ne suscitant gu re de convoitises notamment en raison de son sot risme suppos Une information renouvel e Une des voies de promotion de l information religieuse consiste alors la transformer en une information ordinaire susceptible d entrer pleinement dans la logique m diatique et notamment dans celle du scoop Pris entre deux logiques contradictoires devant convaincre la r daction de l importance de l information qu il poss de sans pour autant violer des r gles l mentaires comme celle du off susceptibles de le marginaliser durablement aupr s de ses sources l informateur religieux prouve souvent les pires difficult s en raison de la technicit suppos e de sa rubrique faire saisir qu il s agit bien d une information exclusive m ritant un traitement exceptionnel Je produis quelques scoops Le probl me c est qu ils n int ressent personne Cela fait bien du bruit
20. sein de la r daction en le rattachant g n ralement selon les cas soit au service des informations g n rales soit au service soci t ce choix loin d tre anodin peut constituer un enjeu au sein d une r daction et influer fortement sur la d finition du contenu de l actualit religieuse Le r dacteur en chef voulait plut t rattacher la religion la Soci t service qui comprend surtout la culture les sciences et les m dias Moi je me suis battue pour rester aux Infos G n s Cela me permet tr s souvent d tre au plus pr s de l actualit et d voquer par exemple les probl mes de religion partir des faits divers Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 Ce d rubricage de fait de l information religieuse contraint le journaliste un travail d enr lement au sens o l entendent Callon et Latour susceptible de rallier leur cause d autres confr res int ress s par leur activit au sein de la r daction D sormais les informateurs religieux se doivent ainsi de convaincre de int r t de leur travail un public d abord restreint la r daction puis plus vaste les lecteurs ne disposant d ailleurs pas la plupart du temps de modes d appr hension religieuse de l actualit Cette situation conduit un renouvellement profond des pratiques journalistiques comme l atteste le d clin progressif du papier d analyse ou de l ditorial au pro
21. t elle proprement parler d un journalisme sp cialis Le doute para t l gitime dans la mesure o du moins en France la pr sence d une presse confessionnelle majoritairement catholique s inscrit pleinement depuis son apparition au sein de la presse d opinion son existence semble reposer sur une approche de l actualit empreinte de religiosit ne cantonnant justement pas les pr occupations d ordre religieux une simple rubrique mais impr gnant la ligne ditoriale du titre dans son ensemble D autre part et plus pr cis ment le travail de l informateur religieux ne se d finit gu re par le suivi d une actualit sp cialis e a priori la diff rence par exemple de celui du chroniqueur boursier ou du journaliste sportif puisque les activit s des autorit s ou institutions religieuses renvoient de multiples domaines et peuvent tre r pertori es dans des rubriques journalistiques diverses L informateur religieux peut faire parler un moine de la vocation et de la vie monastiques s int resser la g opolitique et l histoire en couvrant par exemple les voyages du Pape et en s interrogeant sur les diff rentes formes de pr sence du religieux dans l espace public la culture en traitant d expositions d uvres d art de musique l am nagement du territoire quand l glise regroupe des paroisses la famille videmment l thique avec les
22. th mes consid r s comme grand public qui peuvent en retour affecter le contenu de leur rubrique ne serait ce que par l int r t suscit au sein de la direction de la r daction par exemple la promotion accord e des sujets connotation religieuse acc dant en une comme pour se contenter de quelques cas le retour de Dieu la vogue du bouddhisme ou la v rit sur l islam en dehors de l attrait de l exotisme conduit galement d christianiser quelque peu voire d catholiciser une information religieuse longtemps cantonn e la couverture du monde catholique La situation ancienne ne demeure gu re en partie qu La Croix qui tout en s effor ant de couvrir l ensemble des religions accorde la primaut la religion catholique n tant pas officiellement le porte parole de l Eglise avec lequel le journal ne poss de aucun lien organique il n en est pas moins largement per u comme tel en premier lieu par ses lecteurs Une des transformations du contenu de l information religieuse revient ainsi accorder un int r t accru aux religions l intitul de la rubrique tant aujourd hui souvent volontairement d clin au pluriel et traduit un clivage assez fort au sein du milieu des informateurs religieux L volution du contenu du magazine L Actualit des religions publication du groupe Malhesherbes qui dite galement La Vie et T l rama constitue
23. 83 par la congr gation des Assomptionnistes la presse catholique s enrichit de T moignage chr tien en 1941 fond par ironiquement le 111 v que de France par le magazine critique Golias janvier 1999 il est issu de la presse confessionnelle journaliste La Croix durant une dizaine d ann es et a notamment pr sid l AJIR Association des journalistes de l information religieuse 7 SIMMEL 1999 1e dition 1906 p 379 8 GOFFMAN 1973 1 dition 1956 p 138 139 9 Pour une illustration de chevauchement de r le assum d un ancien r dacteur en chef de La vie Mon p re votre article de la semaine derni re La confusion m a toujours honor et oblig Elle m a aussi troubl BROUCKER 1992 p 99 10 ROUSSEAU 1982 136 R seaux n 111 un th ologien j suite Pierre Chaillet engag dans la R sistance puis dans la d colonisation au moment de la guerre Alg rie et de La Vie catholique illustr e cr e en 1945 devenue La Vie en 1976 avec le soutien des Dominicains par Georges Hourdin l figure marquante pour plusieurs d cennies de la presse confessionnelle n en 1899 journaliste depuis la fin des ann es 1920 engag sur le plan politique proche dans les ann es 1930 du Sillon de Marc Sangnier li l Action catholique apr s 1945 le fondateur de La Vie prend position en 1956 contre la guerre d Alg rie soutient les mouvements de d coloni
24. La r serve dont 3 Sur les luttes de d finition autour d un poste journalistique celui d ditorialiste RIUTORT 1997 4 On comprend ais ment que les informateurs particuli rement proches de l institution recommandent celle ci d occuper davantage le terrain m diatique L Eglise devrait bosser sur son langage Il y a un boulot qu elle n a aucune envie de faire et apr s elle s tonne si un v que ou un pr tre qui ont un parler plus accessible au grande public sont rig s en stars Entretien Journaliste presse confessionnelle novembre 2001 5 PADIOLEAU 1976 HAEGEL 1992 SCHLESINGER 1992 6 TINCQ in BRECHON WILLAIME 2000 p 172 Henri Tincq l un des deux responsables de la rubrique religion au Monde depuis 1985 fait figure d institution surnomm L information en mati re de religion 135 font preuve les acteurs religieux l gard des m dias ne sauraient ob ir une quelconque strat gie de communication explicite mais plus prosa quement aux logiques sp cifiques de fonctionnement de l univers religieux marqu par le secret qui comme l avait bien remarqu Simmel poss de l avantage d instaurer une confiance r ciproque entre membres d un groupement en leur conf rant une certaine protection l gard des regards ext rieurs les rendant d une certaine fa on invisibles et renfor ant d autant leur coh sion interne La divulgation d une informa
25. agazine comme Le P lerin 317 800 exemplaires OJD 1999 au sein de la presse catholique qui accorde la diff rence de La Vie 210 000 exemplaires OJD 1999 par exemple une place limit e l actualit politique et sociale l atteste 38 Un journal confessionnel qui ne perd pas de lecteurs c est d j en soi une r ussite Gagner un an en moyenne d ge cela devient un exploit Entretien Journaliste presse confessionnelle juin 2001 Voir BARBIER BOUVET in BRECHON WILLAIME p 229 242 39 Michel Kubler in GUISSARD p 168 169 reconna t ainsi l ambigu t fondamentale de l informateur religieux au sein de la presse confessionnelle en soulignant aux c t s des exigences journalistiques l existence d une t che d inculturation visant mieux faire conna tre le discours de l glise 40 Il est encore fr quent qu un v que organisant un rassemblement dans son dioc se s tonne de l absence de reprise dans La Croix L information en mati re de religion 159 du titre r f rence au mod le de l entreprise sociale tout en se r v lant terme efficaces par la s duction d un lectorat fid le peuvent n anmoins se m tamorphoser en frais de gestion structurellement non n gligeables 2 Les changements de formule r cemment intervenus La Vie soulignent par exemple les perspectives d volution de la presse confessionnelle dont les difficult s ne sont gu re diff
26. ais particuli rement sur la presse catholique L information en mati re de religion n a pu tre consid r e comme une information normalis e pendant plusieurs d cennies pour de multiples raisons Un ensemble de contraintes fortes ont pes sur elle la plupart du temps pleinement int rioris es par les titulaires de la rubrique dont les motivations apparaissent alors davantage de l ordre de l exercice d une mission que de la d livrance d une information brute il s agit ainsi souvent de rendre compte de la vie de l Eglise de l int rieur En outre la m fiance originelle manifest e par les institutions religieuses envers les m dias n a gu re contribu l mergence d un travail journalistique ordinaire De sorte que les seules pratiques journalistiques concevables rel vent alors du journalisme de routines qui tend instaurer des relations pr r gl es entre les journalistes et leurs sources Il rev t une dimension particuli re dans le cas des rapports particuli rement d licats instaur s entre informateurs religieux et autorit s catholiques comme en t moigne le constat manant d un journaliste pourtant rompu de longue date ces transactions Le d saccord est fr quent entre une Eglise domin e par une tradition de discr tion voire de secret et des m dias qui doivent ob ir des besoins de mise en sc ne et de th tralisation de l informationt
27. ciales n 131 132 p 30 40 MATONTI F 1996 Les bricoleurs Les cadres politiques de la raison historienne l exemple de la Nouvelle Critique Politix n 36 p 95 114 L information en mati re de religion 161 MOLOTCH H LESTER M 1996 1 dition 1974 Informer une conduite d lib r e De l usage strat gique des v nements R seaux n 75 p 23 41 PADIOLEAU J G 1976 Syst mes d interaction et rh toriques journalistiques Sociologie du travail juillet 1976 p 256 282 PELLETIER D 2002 La crise catholique Religion soci t politique Paris Payot RIUTORT P 1997 Au nom du nom ou comment investir son poste Le cas des ditorialistes d Europe 1 Scalpel n 2 3 p 79 105 RIUTORT P 2000 Le journalisme au service de l conomie Actes de la recherche en sciences sociales n 131 132 p 41 55 ROUSSEAU A 1982 Les classes moyennes et l aggiornamento de l Eglise Actes de la recherche en sciences sociales n 44 45 p 55 68 SCHLESINGER P 1992 1990 Repenser la sociologie du journalisme Les strat gies de la source d information et les limites du m dia centrisme R seaux n 51 p 75 98 SIMMEL G 1999 1906 Le secret et la soci t secr te in Sociologie Paris PUF p 347 405 WEBER M 1996 Sociologie des religions Paris Gallimard
28. e est le sacrement du Salut apport par le Christ P 27 156 R seaux n 111 place occup e au sein de l association professionnelle l AJIR dont l objectif maintes fois r affirm consiste largir sa base naturelle de recrutement Il y a tr s peu de journalistes de la presse g n raliste finalement membres de l AJIR Il y a une multitude de petites feuilles qui finissent par faire nombre Quand on organise un d jeuner c est symptomatique Chaque fois qu on invite quelqu un qui n est pas du s rail il y a moins de monde l ambassadeur d Isra l en France fera moins recette qu un j suite invit parler du secret de la confession par exemple Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 L int r t de l adh sion une association professionnelle croissant en outre sensiblement avec la confidentialit du titre en constituant souvent un acc s des interlocuteurs inatteignables sans cette m diation sans compter la possibilit de fr quentation de confr res voluant dans des m dias prestigieux permet de comprendre par exemple la surrepr sentation des feuilles confessionnelles provinciales Cette impr gnation au milieu appara t en revanche nettement moins n cessaire pour les journalistes voluant dans des m dias nationaux Je ne suis pas l AJIR Je mai pas grand chose y gagner m me si je n exclus pas d y adh rer un jour En fait il faudrait qu
29. egrettent g n ralement la perte de singularit On estime aujourd hui que la religion est un fait de soci t Alors on l installe dans la rubrique soci t Au niveau international par exemple on ne parlera de la religion que lorsqu elle fait v nement sur le plan g opolitique Or c est une mani re de ne pas prendre en compte le fait religieux comme tel C est ce que je d plore Entretien Journaliste presse confessionnelle novembre 2001 les seconds tout en disposant le plus souvent d une impr gnation religieuse originelle d fendent une mutation des contenus Les chroniqueurs religieux crivaient avant pour des petits publics de cathos On avait sa petite place r serv e une fois par semaine et c tait a des cases que le lecteur catho allait chercher Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 L information en mati re de religion 145 L opposition entre presse confessionnelle et presse g n rale n appara t cependant sur ce point gu re pertinente dans la mesure o ce clivage traverse largement l ensemble des titres et quand il y a lieu les r dactions elles m mes Des transformations dans la mani re d investir la rubrique sont d sormais clairement visibles les journalistes ayant investi ce secteur comme modalit d entr e dans la presse le poste tant jug l exception de la presse confessionnelle peu sensible il peut ais ment tre confi un
30. es 1970 L extension de la rubrique dans la presse non confessionnelle se produit dans le contexte du Concile Vatican II o les faits religieux sont susceptibles de faire durablement v nement en eux m mes La rubrique religion jusqu alors marginale tend d sormais s institutionnaliser durablement dans les quotidiens nationaux Avec Vatican II les rubriques religion ont t cr es un peu partout et Fesquet est devenu en quelque sorte le grand Pape Au d but du Concile les v ques fran ais lisaient surtout La Croix et un peu Le Monde C est presque devenu l inverse apr s Entretien avec A Woodrow 19 Tout un ensemble d l ments les pr dispositions des informateurs religieux la familiarit entretenue avec leurs sources l enjeu du moment portant sur la transformation de la vie de l Eglise concourent accorder un 19 Si seulement quatre organes de presse fran ais disposent d un envoy sp cial permanent pour le suivi du Concile AFP Le Monde Le Figaro La Croix ceux ci sont bient t rejoints par des envoy s sp ciaux d autres journaux L Express Le Nouvel Observateur qui face l v nement chargent un journaliste de la r daction de couvrir durablement les questions religieuses 140 R seaux n 111 poids crasant la vie institutionnelle qui constitue alors l essentiel des pages Religion con ues comme une rubrique en elle m me et pour elle m me l
31. et Millau d cernant des mitres d honneur tout en assurant une forte visibilit sociale une revue jusqu alors confidentielle a contribu rendre possible une prise de parole fortement distanci e envers l institution n h sitant pas r v ler au passage des pratiques consid r es jusqu alors d ordre priv l image de r v lations sur la gestion financi re d un dioc se par exemple Un clivage qui ne se r duit d ailleurs pas un simple conflit d ordre id ologique semble merger entre informateurs religieux ceux qui vivent leur activit comme un engagement et se sentent partie prenante un titre ou un autre au sein de l institution manifestent les r ticences les plus vives envers ce type d information L Eglise catholique c est ma famille Je ne peux pas me s parer de mes convictions Le respect des personnes pour moi est inform par ma foi chr tienne Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 L information en mati re de religion 149 alors que ceux qui s en tiennent le plus l cart qu il s agisse de leurs croyances personnelles se d clarant ath e agnostique ou de leur poste d informateur religieux voluant davantage dans la presse g n rale que dans la presse confessionnelle plut t dans les magazines que dans les quotidiens manifestent sinon de la sympathie souvent de l int r t pour ce type d information critique
32. et de visions du monde de tel ou tel groupement religieux Si le r le exerc par cette presse appara t en d clin mesurable notamment par l volution de ses tirages respectifs elle ne peut pas pour autant tre compl tement n glig e par les informateurs religieux pour lesquels elle a valeur de source illustrant un point de vue int rieur l institution l gard duquel ils se doivent de manifester g n ralement une distance critique Il s agit de la presse militante sont voqu s France Catholique et Famille chr tienne Ce ne sont pas des journalistes au sens o ils n ont pas le souci des faits mais les faits doivent se plier l id ologie Ils se d finissent d ailleurs davantage comme des militants que comme des journalistes Entretien Journaliste presse confessionnelle juin 2001 Un autre indice de l importance exerc e par la presse confessionnelle dans la production de l information religieuse est visible quantitativement par la 33 BOURDIEU 1971 34 L ditorialiste de France Catholique G rard Leclerc peut ainsi crire dans un ouvrage au titre vocateur Pourquoi veut on tuer l Eglise Paris Fayard 1996 C est la conjoncture qui m impose et c est aussi mon m tier de me d finir contre un certain nombre de courants ou de voix qui puissamment aid s par les m dias ont pris pour cible cette Eglise gardienne du dogme de la tradition et des Ecritures parce qu ell
33. fit de l enqu te ou du reportage genres envisag s explicitement comme des moyens d attraction et de renouvellement du lectorat membre de la congr gation alors que le r dacteur en chef charg de la religion tout en tant g n ralement journaliste repr sente officiellement la Congr gation Se nommant ironiquement lui m me commissaire politique il signe g n ralement les ditoriaux et exerce un droit de regard sur le service religion dont le chef est toujours un journaliste professionnel 142 R seaux n 111 Pendant les vacances il arrive de passer des trucs J ai fait pendant l t une enqu te Dieu sur Internet J avais trouv des trucs d lirants Je m tais vraiment bien marr J ai une copine pas du tout catho qui l a lu J ai fait aussi des trucs sur les ermites J en avais rencontr cinq Il ne faut pas faire que a naturellement mais le d fi pour moi il est l quoi Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 S1 le statut de l informateur religieux est plus incertain le maintien m me d un r dacteur temps plein ne s occupant que des affaires religieuses s av re souvent remis en question En dehors de la presse confessionnelle particuli rement La Croix et La Vie rares sont les r dactions maintenir la rubrique religion l exception des grands quotidiens nationaux si Le Monde constitue une notable exception en poss dant de
34. herche en sciences sociales n 44 45 p 2 53 BRECHON P WILLAIME J P sous la direction de 2000 M dias et religions en miroir Paris PUF BROUCKER J de 1992 La presse catholique en France Paris Centurion CASTRIES C de 1996 P re Di Falco L attach de presse de Dieu Paris Editions du Rocher DEFOIS G TINCQ H 1997 Les m dias et l Eglise Paris CFPJ GOFFMAN E 1973 1956 La mise en sc ne de la vie quotidienne 1 La pr sentation de soi Paris Editions de Minuit GRIGNON C 1977 Sur les relations entre les transformations du champ religieux et les transformations de l espace politique Actes de la recherche en sciences sociales n 16 p 3 34 GUISSARD L 1998 Le pari de la presse crite Des professionnels chr tiens s expriment Paris Bayard HAEGEL F 1992 Des journalistes pris dans leurs sources Les accr dit s de l H tel de Ville de Paris Politix n 19 p 102 119 LAPLAGNE G 1999 L histoire de La Vie Paris Cerf LEGAVRE J B 1992 Off the record Mode d emploi d un instrument de coordination Politix n 19 p 135 157 LENOIR R 1992 Champ judiciaire et r forme de l instruction in Delmas Marty Proc s p nal et droits de l homme Vers une conscience europ enne Paris PUF p 183 219 MARCHETTI D 2000 Les r v lations du journalisme d investigation Actes de la recherche en sciences so
35. ise en cause pure et simple X consiste produire comme dans d autres secteurs de la presse une information critique visant rompre avec le journalisme de routines Ne passant plus automatiquement par l entretien de relations r guli res avec les responsables des institutions religieuses il repose sur un renouvellement sensible des sources en tentant de contraindre les autorit s r agir prendre la parole en les confrontant syst matiquement par exemple des points de vue critiques 23 En 1997 La Vie vendait seulement 10 000 exemplaires en kiosque sur une diffusion de 240 000 4 Le P lerin 22 000 sur 350 000 6 2 La Croix 3 600 sur 95 000 3 7 Chiffres OJD cit s par BARBIER BOUVET in BRECHON WILLAIME p 240 24 LENOIR 1992 MARCHETTI 2000 25 Cette recherche de sym trie est d nonc e comme preuve d incomp tence par les informateurs religieux traditionnels en r action une encyclique une cha ne a pris soin d interroger Mgr Defois Mais elle a aussi d cid d accorder un temps de parole quivalent par souci d quilibre un point de vue contraire une revue au tirage confidentiel r dig e par une quipe de catholiques contestataires sans r f rence ni repr sentativit H Tincq in DEFOIS TINCQ 1997 p 75 76 Sur les oppositions entre journalistes de fond et d investigation BAISNEE 2001 148 R seaux n 111 Je
36. itutions mais pour la spiritualit L empathie correspond ce que le lecteur attend d une information religieuse qui poss de un peu de chaleur et d paisseur humaine Entretien Journaliste presse confessionnelle juin 2001 Une des principales diff rences qui s pare en effet la presse confessionnelle de la presse profane tient ce que dans la premi re l tendue des points de vue exprim s quelle que puisse tre par ailleurs dans certaines circonstances la teneur critique envers l institution de certains articles ou 158 R seaux n 111 tribunes6 se doit de respecter les caract ristiques d un lectorat souvent demandeur d une information de service tablissant un lien entre croyants d une m me religion 7 Certaines volutions morphologiques du lectorat particuli rement catholique renforcent ce ph nom ne en tout premier lieu son ge lev et son vieillissement r gulier8 comme certains indices de conservatisme social et politique peuvent entrer en contradiction avec le d sir professionnel de journalistes voluant y compris au sein de la presse confessionnelle et ayant pour projet d informer sur et non plus seulement pour la religion Une r daction comme La Croix appara t particuli rement travers e par ses contradictions en raison de la position centrale qu elle occupe dans la production de l information religieuse et son rapport sp cifique l institution
37. nalistes ou cat ch tes Les informateurs religieux en question Golias n 64 1999 L information en mati re de religion 151 statuts son caract re non confessionnel ce qui peut se traduire dans les faits par le choix d un pasteur comme pr sident alors que l crasante majorit des journalistes comme des titres pr sents sont catholiques Les difficult s voire le refus pur et simple de la part des institutions religieuses d admettre les contraintes et les exigences propres l univers journalistique sont observables en de multiples occasions On passait notre temps leur dire qu on n tait pas une courroie de transmission On leur disait qu ils avaient leur presse pour a les feuilles paroissiales Entretien A Woodrow Des incidents peuvent encore se produire comme la fin des ann es 1980 au cours de l assembl e g n rale des v ques Lourdes lorsqu un v que pr sent demande aux repr sentants de la presse de r citer le Notre P re et que plusieurs journalistes quittent alors la salle 8 L organisation de l Eglise catholique analys e par Max Weber comme un id al type de pouvoir hi rocratique s apparente ainsi largement au fonctionnement d un corps au sein duquel les divisons internes imputables la division technique du travail et la division sociale qui l accompagne sont en grande partie occult es par un esprit conf rant au groupement une homog n it le cond
38. ne suis pas coinc en tant que source car comme je n ai pas de liens personnels avec eux ils ne vont pas me fermer la porte ni consid rer que je les ai trahis Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 Le silence que se voient parfois opposer certains informateurs religieux les conduit ainsi mettre l accent plus ou moins volontairement sur les personnalit s en marge de l institution le cas Gaillot constitue ce titre un exemple id al typique quitte majorer leur influence r elle La scandalisation s av re un moyen comme un autre de faire grandir l int r t suscit par une information jug e bien peu strat gique ordinairement par les r dactions Une partie de mon travail consiste trouver des sujets susceptibles d int resser des personnes qui sont tr s loin de la religion Ma pr occupation en fait c est d crire pour des gens qui n ont pas la religion pour pr occupation Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 La place occup e par des publications critiques l image de la revue et maison d dition Golias clairement marqu e gauche qui regroupe des catholiques contestataires d sireux de r former de l int rieur l institution en se livrant une d nonciation de certains comportements jusqu alors peu m diatis s est cet gard r v latrice La publication d un trombinoscope des v ques en 1990 sur le mode du Gault
39. omaine L information religieuse tend ainsi constituer l un des derniers refuges d une presse d opinion une comparaison avec les derniers vestiges de la presse partisane et les mutations dont elle fait l objet l image de L Humanit par exemple pourrait ainsi s av rer f conde prise en tenailles entre militantisme discret et professionnalisme d clar 41 CHICOU in GUISSARD p 61 81 42 Voir L volution de Bayard Presse suscite des inqui tudes parmi les salari s Le Monde 18 octobre 2000 43 Ce qui monte c est la recherche d une sagesse comme art de vivre dit Jean Paul Guetny directeur de L Actualit des religions Si j avais continu dans la lign e des Informations catholiques internationales je serais mort Le Monde 14 avril 2001 L Actualit des religions dont la ligne r dactionnelle est enti rement tourn e vers le dialogue interreligieux a connu une augmentation consid rable de son tirage 30 000 exemplaires OJD 1999 REFERENCES BAISNEE O 2001 Les relations entre la Commission et le Corps de presse accr dit aupr s de l Union europ enne crise et renouvellement des pratiques P le Sud n 15 p 47 60 BOURDIEU P 1971 Gen se et structure du champ religieux Revue fran aise de sociologie 3 p 295 334 BOURDIEU P SAINT MARTIN M de 1982 La sainte famille L piscopat fran ais dans le champ du pouvoir Actes de la rec
40. probl mes de l embryon du clonage l ducation C est en fait une information extr mement g n raliste2 Entretien Journaliste presse confessionnelle juin 2001 L tendue consid rable des sujets susceptibles d choir la religion invite s interroger pr cis ment sur les d finitions concurrentes de la 1 Ce terme consacr par les professionnels eux m mes souligne bien l ambiguit du poste en d pit de son impr cision il est g n ralement pr f r journaliste religieux encore plus quivoque m me s il semble faire l objet n anmoins aujourd hui de certaines r serves voir infra 2 L troitesse du milieu journalistique tudi dans cet article nous conduit pr server l anonymat des personnes qui se sont aimablement pr t es au jeu de l entretien Cette r gle ne s impose pas aux journalistes n tant plus en activit 134 R seaux n 111 rubrique et sur les luttes successives dont celle ci s av re faire l objet et qui conditionnent les mani res d occuper le poste d informateur religieux LA DEFINITION ORIGINELLE DU POSTE UNE QUALIFICATION MORALE De la proximit l institution comme ressource Evoquer l apparition et l institutionnalisation de la rubrique religion dans les m dias et particuli rement dans la presse crite revient se pencher l origine principalement sur la presse confessionnelle et dans le cas fran
41. pte des contraintes r elles qui p sent sur sa source et qui rel vent des logiques de fonctionnement de l espace religieux Imaginons qu un v que me parle d un autre v que en me disant c est un vrai con je ne peux pas me permettre de l crire car celui qui l a dit est mort parce qu il a bris le consensus Cela n a rien voir avec la politique o on peut toujours tout d mentir bid L une des particularit s de la conf rence annuelle des v ques revient produire une sorte de rite d institution d limitant une sorte de fronti re invisible entre ceux qui en sont et les autres redoublant en cela l opposition entre les v ritables rubricards et les intermittents du religieux Nous on va toutes les conf rences de presse On va passer chaque ann e une semaine Lourdes en novembre sous la pluie On se tape les synodes des protestants qui sont tous en province Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 32 H Tincq in DEFOIS TINCQ p 82 L information en mati re de religion 153 Je ne suis pas all Lourdes cette ann e cause de mon emploi du temps alors que je souhaitais y aller C est un lieu important pour nouer des contacts Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 Quand ils m ont vu d barquer a leur a fait bizarre jeune journaliste sans impr gnation religieuse qui ne se rend pas Lourdes faute de temps
42. qui s accompagnent d in vitables pressions morales exerc es sur une presse jug e amie Les logiques conomiques si elles pr sentent incontestablement un caract re moins affirm dans ce secteur de l information que dans d autres ne sauraient enfin devoir tre n glig es pour autant la presse catholique et notamment les deux principaux groupes qui la composent Bayard Presse et Malesherbes Publications n ont gu re pu se dispenser de s interroger r cemment sur l avenir de leurs publications et notamment sur l ventuelle red finition du caract re confessionnel comme in vitablement sur la place accorder d sormais l information religieuse Les sp cificit s propres la gestion d une entreprise de presse confessionnelle faible attrait pour les annonceurs refus de l usage de certains proc d s commerciaux pour garantir la qualit 36 La presse confessionnelle tant celle qui suit de pr s et accorde de l importance et commente les points de vue de l institution est ainsi souvent amen e les juger La Vie qui de longue date s efforce d adopter un point de vue distanci s est ainsi prononc e en faveur du Pacs l inverse de l piscopat et a consacr r cemment une enqu te qui a fait grand bruit sur les d rives sectaires au sein de l Eglise catholique 15 f vrier 2001 37 Le succ s durable en d pit d une lente rosion de son lectorat d un m
43. rentes sur ce point de la presse d opinion en g n ral prises entre la fid lit et une d confessionnalisation affirm e la rubrique religion est ainsi sensiblement r duite un recours croissant aux pigistes vise compenser la diminution du nombre de r dacteurs afin de devenir un magazine d actualit comme un autre au risque de perdre une partie de son identit aupr s d un lectorat militant La place de la religion fait alors l objet d un d bat le choix consistant accompagner l offre de nouveaux services religieux comme l atteste la cr ation des Essentiels La Vie cahier tourn vers la spiritualit pourrait alors contribuer mettre l accent sur la spiritualit 3 au risque peut tre de se d tourner de l information religieuse en tant que telle et de transformer ainsi une nouvelle fois la nature du poste d informateur religieux L information en mati re de religion semble relever toujours en grande partie en d pit de profonds renouvellements visant sa banalisation notamment au sein de la presse g n rale d une information sp cialis e divers titres par les logiques de recrutement de journalistes dot s de dispositions sp cifiques susceptibles encore souvent de porter un regard empathique sur l activit religieuse renforc es par l troitesse d un milieu favorisant l entretien de relations interpersonnelles mais aussi par la relative technicit pr t e au d
44. rmon s tait adress nous en nous disant Vous tes l pour porter le message du Christ dans le monde J ai t oblig de faire un papier dans Le Monde pour dire que c tait faux on est l pour informer sur l Eglise comme sur les mosqu es Entretien avec A Woodrow L une des caract ristiques des informateurs religieux est souvent leur rapport ambigu l institution qu ils ont pu quelquefois envisager de rejoindre cette situation propice au double bind peut n anmoins rendre possible des conversions professionnelles particuli rement dans une conjoncture o l actualit religieuse est principalement voire exclusivement constitu e par des v nements de routinel8 savoir les enjeux internes portant sur le degr et le rythme de transformation de l institution Le d cryptage de prises de position gu re pour ne pas dire jamais rendues publiques requiert en outre une r elle ma trise des clivages internes l institution et des soubassements qui les rendent possible L essentiel du travail de l informateur religieux par ailleurs presque exclusivement consacr la religion catholique consiste ainsi en une analyse et une mise en perspective des textes religieux ainsi que des d bats notamment th ologiques auxquels ils donnent lieu 17 Pour une analyse du double bind aux confins des champs politique et intellectuel voir MATONTI 1996 18 MOLOTCH LESTER 1996 1
45. sation en lan ant Croissance des jeunes nations 1961 tout en d fendant des positions modernistes au sein de l Eglise en militant tour tour en faveur du sacerdoce des femmes du mariage des pr tres des pr tres ouvriers de la th ologie de la lib ration en inscrivant ses choix dans l esprit du Concile Vatican II per u et revendiqu alors comme le symbole de l ouverture de l Eglise au monde par l avant garde catholiquel2 L volution de la presse catholique s accompagne de l essor de nouvelles g n rations intellectuelles comme en t moignent entre autres le mouvement Vie nouvelle ou encore la cr ation d Economie et Humanisme par le dominicain Louis Lebret qui se constituent apr s 1945 et tendent incarner les franges modernistes de l Eglise voire les volutions progressistes de la revue personnaliste Esprit fond e en 1932 par Emmanuel Mounier Une certaine homologie est alors perceptible entre les propri t s des lecteurs la plupart du temps engag s un titre ou un autre dans l institution et celles des journalistes charg s de la rubrique religion ce qui conforte d autant un journalisme militant crit la premi re personne valorisant particuli rement les ditoriaux et les papiers d analyse dans une conjoncture o en outre le devenir de l institution para t constituer le principal sinon le seul enjeu v ritable L entretien d une proximit de l
46. t au lectorat conf re une caract ristique propre en partie v rifiable encore aujourd hui la presse confessionnelle le poids particuli rement lev des abonn s dans les recettes du journal qui s explique galement par la faiblesse des recettes publicitaires tend souvent apparenter sa lecture un acte militant et justifie en grande partie la volont de ces entreprises de presse sp cifiques d entretenir des relations suivies avec un groupe suffisamment homog ne constituant une communaut de lecteurs L informateur religieux de la presse g n rale sur lequel ces obligations ne p sent pas doit en revanche s efforcer de trouver constamment un angle neuf afin de proposer un renouvellement fr quent de ses papiers Dans ce contexte une plus faible ma trise des enjeux institutionnels internes loin de constituer une carence professionnelle peut s av rer un atout pr cieux pour red finir le contenu de la rubrique en la reliant davantage aux probl mes de soci t Le d fi c est d accrocher le lecteur et de faire que quelqu un qui n est pas catho lira un article sur les cathos idem sur les juifs ou sur l islam Pour moi si on ne s engage pas dans cette voie l la rubrique est morte Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 L une des voies de l gitimation de l information religieuse dans un contexte de d sint r t manifeste pouvant conduire sa rem
47. tion l ext rieur de l institution ne peut alors s exercer que sous certaines conditions extr mement pr cises s apparentant assez largement au partage d un secret d initi au sens o l entend Goffmans instaurant une certaine distance objective envers les non familiers ne partageant pas les m mes codes Dans cette configuration une certaine proximit manifest e envers l institution perceptible sous de multiples traits une impr gnation religieuse effectu e au sein de sa famille d origine un militantisme au sein de l institution autorise l mergence d une activit journalistique r alisant une ad quation entre les dispositions de l informateur religieux et les attentes de l institution sa principale sinon son unique source en lui conf rant d embl e une qualification morale L emprise exerc e alors par le champ religieux sur le champ journalistique au sein duquel il tend se r fracter tend inscrire la presse religieuse particuli rement catholique au sein de ce qui l on appelle la presse d opinion assumant clairement une position occup e au sein d un espace religieux en pleine transformation dans l apr s 1945 La presse catholique visible d s la fin du XIX si cle conna t des transformations majeures et durables partir des ann es 194010 outre l hebdomadaire Le P lerin fond en 1873 et le quotidien d informations g n rales La Croix cr en 18
48. tiques inqui tantes la conf rence piscopale pr f re depuis 1992 tenir ses d bats huis clos CASTRIES 1996 p 20 152 R seaux n 111 Comment rendre compte de mani re non seulement int ressante mais juste d un v nement ou d un d bat si le journaliste est tenu la porte La perte d int r t et de popularit des d bats annuels des responsables de l Eglise de France Lourdes est largement due cette m fiance pour les journalistes aussi inefficace qu imm rit e 2 La pratique du silence et l officialisation du consensus contraignent les journalistes contourner la r gle en faisant toujours usage de leur connaissance indig ne de l institution Les journalistes n ont acc s qu au hall d entr e la salle des pas perdus De temps en temps ils sortent ils vont prendre un caf et nous on s emmerde Chacun a son ou ses v ques On va le voir et on lui demande Etes vous libre d jeuner Et lors du repas apr s un verre de vin rouge on l interroge Alors qu est ce qui s est pass dans les votes C est la b a ba du m tier mais on rame On se dit qu on fait le trottoir Entretien Journaliste presse confessionnelle juin 2001 Plac dans une situation consistant produire une information ne se limitant pas la reprise du laconisme du communiqu officiel qui ne justifierait gu re son d placement le journaliste doit galement tenir com
49. trouvent r guli rement changent leurs opinions sur tel ou tel v nement et finissent par tr s bien se conna tre et se reconna tre L troitesse du milieu contribue NS ainsi par exemple ce qu un journaliste de La Croix revendiquant pleinement ses attaches lEglise puisse voquer des liens d amiti ancienne remontant des tudes th ologiques conduites dans la m me facult avec le directeur de la revue non conformiste Golias 154 R seaux n 111 Un professionnalisme inachev La mani re de parler de religion para t en partie encore command e par ce rapport particulier aux sources exigeant en partie une confiance fond e sur la dur e Les relations de confiance sont le fruit de plusieurs ann es pass es dans la rubrique Quand on est remplac en vacances ou malade on finit par voir la diff rence car le rempla ant ne dispose plus lui que des sources officielles Entretien Journaliste presse g n rale octobre 2001 La place dominante exerc e dans la production de l information religieuse par les m dias confessionnels marque durablement le pensable et le dicible et tend en faire encore aujourd hui la fois une information sp cifique Divers indices attestent en effet le poids pr pond rant de la presse confessionnelle visible num riquement La Croix est institu de fait en journal de r f rence en mati re de production de l information religieuse en raison de l
50. uisant concevoir toutes les relations sociales sur le mod le de la famille qui tend favoriser une vison consensuelle transclassiste du monde social30 peu propice l exposition publique des diff rends Les informateurs religieux sont ainsi encore contraints aujourd hui de construire patiemment un r seau de relations susceptible de contourner les silences de l institution L assembl e g n rale des v ques qui se tient chaque ann e Lourdes est une illustration du caract re toujours provisoire des compromis r alis s puisque susceptibles d tre remis en question du jour au lendemain apr s avoir obtenu par l interm diaire de l AJIR louverture de certaines cessions au public de journalistes le huis clos est redevenu la r gle partir de 199231 Cette d cision fait ainsi l objet de r criminations y compris de la part des Journalistes consid r s comme particuli rement l gitimes par l institution 28 WOODROW 2001 Les 80 ans de l AJIR 29 WEBER 1996 1 dition 1911 1913 30 BOURDIEU SAINT MARTIN 1982 p 39 31 Le p re Di Falco alors porte parole des v ques justifie ainsi la mesure le porte parole des v ques a eu pour fonction principale d informer les journalistes des r sultats et conclusions des travaux de la conf rence piscopale en veillant bien ce qu ils n en d naturent pas le contenu Rappelons que face des d rives journalis
51. un 144 R seaux n 111 r v lateur implicite des diff rentes conceptions de l information religieuse Alors que les entrants dans le secteur ont tendance approuver cette volution et souligner l importance du d fi qui consiste int resser progressivement de nouveaux publics la rubrique afin de lui assurer une p rennit L avenir de la rubrique c est clair C est davantage de soci tal moins d institutionnel et une plus grande place accord e la pluralit religieuse L Actualit des religions est compl tement l dedans Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 les journalistes les plus anciens dans le m tier et qui se d finissent d abord comme catholiques se montrent nettement plus r serv s Il y a un point avec lequel je suis en d saccord profond avec la ligne du groupe Malesherbes C est L Actualit des religions L interreligieux devient une mode aujourd hui Il y a toujours un groupe de dialogue qui dialogue plus que l autre mais le probl me c est qu ils ne dialoguent pas entre eux Entretien Journaliste presse g n rale novembre 2001 De m me un clivage profond oppose traditionnels aux modernistes sur la sp cificit du contenu de la rubrique alors que les premiers ayant pass g n ralement de nombreuses ann es voire toute leur carri re de journaliste en tant qu informateur religieux parfois dans le m me journal r
52. ux r dacteurs l un rattach au service France l autre au service International Le Figaro Lib ration L Agence France Presse poss dent ainsi chacun un informateur religieux temps plein comme quelques quotidiens r gionaux Ouest France Les Derni res Nouvelles d Alsace alors que les quotidiens populaires n en poss dent traditionnellement pas et les cha nes de t l vision plus depuis la d cennie 1980 Un des effets directs du d rubricage de la religion est de conduire n cessairement l apparition d intermittents du religieux le terme est employ par les int ress s rattach s un service et couvrant au cas par cas l actualit religieuse parmi d autres sujets Ce mode de traitement qui s est notamment instaur la radio France Inter par exemple et dans la plupart des hebdomadaires d actualit Le Point L Express Le Nouvel Observateur mais parfois galement au sein des quotidiens nationaux induit implicitement de nouvelles conceptions de l information religieuse nettement moins int gr s leurs sources envers lesquelles ils n entretiennent que des relations pisodiques ils n assistent g n ralement pas par exemple ne serait ce que pour des raisons d emploi du temps aux conf rences de presse ces journalistes ne se d finissent pas en tant que tels comme rubricards et ne revendiquent plus gu re l tiquette d informateur religieux Moi je ne fais pas de l
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