LA LECTURE À HAUTE VOIX - Association Française pour la Lecture
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1. le regard effectue un continuel va et vient entre le texte et l auditoire Chaque fois qu on revient au texte il faut d abord changer d accommodation puisque la distance de vision et la dimension de ce qui est regard ne sont plus les m mes et ensuite retrouver le passage exact ou l on doit faire de nouveaux pr l vements d indices Passer continuellement du texte l auditoire et de l auditoire au texte est une activit du regard qui n a rien d inn et qui s duque par l exercice L autre activit orale est plus pos e Une trop grande rapidit serait ici un d faut Il s agit de dire le mieux possible ce qu on a lu et compris en tant attentif l articulation et aux accents le tonique comme l affectif La diction se travaille aussi bien en situation de lecture que par des exercices sp cifiques Ce sur quoi il faut le plus attirer l attention de l l ve lecteur c est l importance des poses Ce sont elles qui r v lent et permettent la compr hension C est sur elles que doivent se porter remarques et conseils Dire assez lentement ce qu on a lu le plus vite possible d s que l l ve a compris cette n cessit ses progr s deviennent rapides L attention peut aussi tre attir e avec profit sur des conditions favorables plus g n rales par exemple la posture Tous les orateurs de tribune savent d exp rience que pour faire un discours on est mieux devant un pupitre sur lequel se trouve le texte de ce discours qu assis devant2. progresser dans ce type de lecture doit se rendre compte des conditions et qualit s qui en am liorent l efficacit Les interventions d enseignement doivent avoir pour objectif cette prises de conscience L auditoire cet gard doit tre invit jouer pleinement son r le C est lui en tant que destinataire de la lecture voix haute qui doit signifier si elle conforme son attente Sa critique va porter essentiellement sur la diction volume de la voix assez fort mais pas trop articulation nette ton juste et agr able Le r le du ma tre est ici r gulateur Il doit faire que les critiques restent constructives appropri es et mod r es L action du ma tre est galement tr s importante en direction du lecteur Il s agit de l aider prendre conscience de ce qui am liore sa lecture La ma trise la plus difficile acqu rir et sans doute celle de la coordination entre la lecture silencieuse d un morceau de texte et sa diction Les deux activit s oculaire et orale doivent se d rouler de fa on successive et coh rente Elles portent chacune simultan ment des probl mes diff rents La premi re l activit oculaire exige rapidit et mobilit Les pr l vements indiciaires doivent tre rapides comme dans n importe quelle lecture Mais alors que dans une lecture silencieuse pour soi les veux restent fix s sur le texte qu ils parcourent 1l n en est pas de m me dans la lecture voix haute pour autrui o
3. ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 18 juin 1987 LA LECTURE HAUTE VOIX Parmi les controverses de toutes natures au sujet de la lecture et de son apprentissage il en est qui naissent d ambigu it s ou d incompr hensions Edmond BEAUME essaie de repr ciser ce qu on entend par lecture silencieuse lecture oralis e et lecture voix haute et d en tirer les cons quences p dagogiques La lecture voix haute est l objet d une controverse dans laquelle le malentendu pourrait jouer un certain r le En effet l affirmation selon laquelle la lecture est avant tout visuelle et silencieuse se traduit pour certains par une n gation de la l gitimit de toute lecture voix haute Pr coniser une lecture id o visuelle impliquerait n cessairement de proscrire toute oralisation de la lecture C est l une confusion que l on rencontre fr quemment Elle est r v l e entre autres par les nombreuses questions pos es ce sujet l occasion de stages ou de conf rences consacr es la lecture On retrouve cette confusion de fa on plus surprenante sous la plume d universitaires Ainsi H l ne HUOT dans un article paru dans Psychologie scolaire crit elle I faut affirmer au contraire que tout autant que la ma trise de la lecture silencieuse la conqu te d une lecture voix haute intelligente c est dire linguistiquement significative est un objectif auquel l cole ne doit pas renoncer l
4. eul ce type de lecture permet vitesse et efficacit En effet la lecture orale ne peut d passer 9 000 10 000 mots l heure vitesse maximale de l oralisation compr hensive alors que lecture visuelle atteint facilement 27 000 mots l heure voire d avantage pour des lecteurs prodiges Il est d autre part bien connu que la majorit des lecteurs fran ais adultes ou coll giens pratiquent une lecture de type interm diaire chuchot e ou subvocalis e dans laquelle des ph nom nes vocaux ou subvocaux ont encore beaucoup d importance Les performances de vitesse se situent dans ces cas l autour de 13 000 mots l heure Ces lecteurs l n ont pas su se d partir des habitudes d oralisation et de leurs r sidus qui sont un frein une plus grande efficacit On comprend donc que les enseignants qui ont compris l importance de ces analyses puissent se fixer pour objectif p dagogique que tous les enfants et pas seulement un quart ou un tiers d entre eux parviennent une lecture visuelle Cela implique une p dagogie qui prenne r ellement en compte cet objectif et non celui de la lecture orale Il s agit l d un choix fondamental ou bien on organise un enseignement qui vise faire de vrais lecteurs visuels ou bien on met en place une p dagogie qui fera des d chiffreurs qui oralisent pour essayer de comprendre 2 La lecture voix haute est autre chose que la lecture orale Le rejet de cette lecture orale que nous ven
5. ire cette phrase et le reste de l article on a l impression qu H l ne HUOT s est elle aussi install e dans cette confusion qui consiste croire que ceux qui pr conisent une lecture id o visuelle auraient renonc avoir pour objectif la conqu te d une lecture voix haute intelligente Il me semble donc tout fait n cessaire d apporter une nouvelle fois un certain nombre de pr cisions sur quelques types fondamentaux de lecture 1 Opposition fondamentale entre lecture orale et lecture visuelle Les sch mas que Fran ois RICHAUDEAU lui a consacr s sont d sormais assez bien connus Dans le premier type lecture orale les signes crits sont d abord transform s en sons et c est partir de l coute de ces sons que le lecteur construit le sens Autrement dit il se rend auditeur du message crit L oralisation pr c de et permet la compr hension source r cepteur destinataire les ondes la m moire artificielle l imprim la m moire individuelle lumineuses les ondes les cordes vocales sonores ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 18 juin 1987 La lecture visuelle supprime ce passage par l oralisation le sens est saisi imm diatement l appareil phonatoire restant au repos source r cepteur destinataire ad les ondes la m moire artificielle l imprim la m moire individuelle lumineuses On sait que s
6. isant un paragraphe d j lu par d autres et que toute la classe a sous les yeux Quand on lit voix haute pour soi la fonctionnalit de la situation est finalement assez peu diff rente Ce qui change alors c est qu au lieu d avoir un auditoire on est soi m me son propre auditoire On s coute soit pour v rifier si l on sait bien son texte soit pour le plaisir de s impr gner par la voie auditive de tout ce qu on trouve d expressif dans le sens du texte comme dans ses sonorit s ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 18 juin 1987 b Il doit tre adapt Cela veut dire qu il doit porter sur chacune des trois op rations d crites plus haut lecture visuelle diction r troaction Il est indispensable que l apprenti lecteur prenne conscience des qualit s requises pour que sa lecture dans ce type de situation soit efficace la lecture visuelle doit tre rapide moins je mets de temps pr lever un morceau de texte et le comprendre plus je peux en consacrer le dire et surveiller mon auditoire la diction doit tre intelligible nette et claire et adapt e au sujet du texte le ton doit tre juste la r troaction doit tre simple et permettre de modifier ventuellement sa diction en fonction des r actions de l auditoire Cette diversit des l ments prendre en compte pour que la lecture voix haute soit efficace en rend la ma trise difficile Celui qui veut
7. ons d opposer la lecture visuelle implique pour certains celui de toute lecture voix haute C est l une erreur fondamentale qui m rite qu on s y arr te Il existe des situations de lecture voix haute tout fait fonctionnelles et tr s int ressantes Il peut s agir de lecture pour soi ou pour autrui Dans le premier cas lecture pour soi on peut ranger la lecture le plus souvent re lecture de l acteur r p tant son r le celle de l l ve apprenant par c ur sa r citation ou encore celle de l amateur de po sie qui prouve le besoin d entendre les heureuses successions de belles sonorit s Dans le second cas lecture pour autrui on trouvera aussi bien l adulte lisant un conte un ou plusieurs enfant s que l orateur lisant son discours la tribune d une assembl e ou le journaliste qui lit son journal la radio ou la t l vision Ces exemples de lecture pour autrui n ont rien de limitatif nombreuses sont les situations de ce type Il est donc tout fait recommand de les prendre en consid ration dans l enseignement de la lecture Encore convient 1il de le faire en tenant compte de leur sp cificit et en comprenant bien la diff rence essentielle entre lecture orale au sens d fini plus haut et lecture voix haute Lorsque que je lis voix haute j effectue trois op rations principales premi rement une op ration de lecture visuelle silencieuse portant sur un morceau de texte inf rieur gal o
8. ture orale et lecture voix haute 3 L enseignement de la lecture voix haute est n cessaire et difficile L enseignement de ce type de lecture doit prendre en compte sa sp cificit a Il doit tre fonctionnel Cela est vrai aussi bien dans le cas de la lecture pour autrui que celui de la lecture pour soi On peut lire pour autrui pour des objectifs divers communiquer une information inattendue de type utilitaire recette mode d emploi renseignements pris dans une encyclop die un annuaire etc faire conna tre la teneur d un projet de lettre qu on vient de r diger sortie de classe commande de livre et dont on va faire une critique collective pour l am liorer ventuellement r p ter un dialogue qu on l on doit interpr ter sur sc ne il y a alors deux lecteurs chacun lisant son r le lire le paragraphe suivant tr s attendu par l auditoire car non encore connu de lui d une histoire suivie pisodes etc Dans tous les cas sauf peut tre celui de la r p tition dramatique ce qui caract rise la situation de lecture et la rend fonctionnelle c est que l auditoire attend information que le lecteur va donner condition bien s r qu il n ai pas lui m me le texte sous les yeux ce qui aurait pour r sultats de faire dispara tre cette fonctionnalit quoi sert en effet d couter quelqu un si ce qu il dit nous est connu C est pourtant h las ce qu on voit trop souvent dans des classes un l ve l
9. u sup rieur une phrase avec attribution de sens je lis je comprends deuxi mement une op ration de diction je dis ce que j ai lu et compris ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE M LES ACTES DE LECTURE n 18 juin 1987 troisi mement une op ration de r troaction qui en prend en compte l effet produit par ma diction soit sur moi m me dans le cas d une lecture pour soi soit mon auditoire dans le cas d une lecture pour autrui Ces trois op rations se succ dent et se chevauchent dans le temps ce qui pose le probl me de leur synchronisation et leur coordination La lecture voix haute est donc tr s difficile car elle implique d abord la lecture visuelle laquelle elle ajoute deux autres op rations qui viennent la compliquer Mais surtout il convient de voir que son sch ma est diff rent de celui de la lecture orale m moire indivi cordes duelle vocales du lecteur imprim Ce qui est essentiel ici c est que la compr hension pr c de l oralisation je vois des signes crits je comprends ce qu ils veulent dire puis je dis ce que j ai compris qu ils veulent dire Alors que dans la lecture orale je vois les signes crits je les prononce j coute La position relative de l oralisation et de la compr hension est donc invers e selon qu il s agit de l une ou l autre lecture De m me que nous avons oppos lecture orale et lecture visuelle il convient donc de distinguer tr s nettement lec
10. une table ou un bureau D une part la position assise le fait de baisser la t te pour voir le texte sur la table comprime f cheusement les muscles de l appareil phonateur Toutefois l aisance obtenue par la position debout se trouve diminu e dans le cas ou l on tient le texte la main absence de pupitre car il faut alors apprendre le tenir la distance optimale des yeux chaque pr l vement oculaire Les l ves doivent tre invit s s en rendre compte et s entra ner en cons quence ASSOCIATION FRAN AISE POUR LA LECTURE LES ACTES DE LECTURE n 18 juin 1987 Conclusion Lire voix haute pour soi ou pour autrui est une activit sp cifique tr s int ressante et tr s difficile Il est donc important de lui consacrer des s quences particuli res Mais il faut le faire en ayant bien conscience des processus mis en jeu et surtout les diff rences fondamentales qui existent entre lecture orale selon le premier sch ma de Fran ois RICHAUDEAU et lecture voix haute Le fait de pr coniser un apprentissage de la lecture bas sur le visuel n est en rien contradictoire avec l objectif de faire acqu rir une bonne ma trise de cette lecture haute voix Il nous est apparu au contraire que c est lorsqu on est un bon lecteur visuel qu on peut aussi tre un bon lecteur voix haute Edmond BEAUME
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