Ebauche d`une renaissance
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1. Mais au del des indices des d tails parses du puzzle c est le choix du split screen id e esth tique essentielle du film puisqu elle en assure sa coh rence qui est lui seul embl matique du processus de monstration et de distanciation de la douleur La division de l cran qui s impose tr s vite apr s la lettre placard e montre la c sure plus judicieusement encore la blessure effective traduite par le d chirement m me de la mati re du plan qui est artificiellement scind e en deux Si la blessure charnelle ou mentale ne s offre pas nos yeux la collure est quant elle bien visible litt ralement incarn e dissociant les deux parties du cadre La division a galement une autre fonction elle souligne la volont de se diff rencier et de cr er deux identit s distinctes m me si elles interagissent en vue de cr er un sens que seul le spectateur peut lui attribuer Les deux images que Patrick Carpentier soumet notre regard sont ainsi indissociables m me si elles gardent leur int grit et leur poids elles ne sont jamais gales devant un spectateur qui doit continuellement choisir de faire sens Elles se r pondent cr ant un cho fait tant t de rimes formelles tant t de fixit et de mouvement de pr sence et d absence engendrant quilibre ou d s quilibre un diptyque cin matographique dans une circulation constante qu elle soit th matique ou plastique Leur nature est en effet volubile al atoire tou2. particuli rement personnel la proximit de la cam ra des mains du visage des lettres nous inclut dans un cercle intime Ce dernier baroud d honneur offre cette lettre au regard du monde telle celle re ue par Sophie Calle et d construite dans Prenez soin de vous sortant des images se pla ant dans l espace public int grant sa m moire intime la cartographie de la ville sur ses murs dans sa chair comme pour dissoudre sa douleur dans le v cu des lieux Malgr les apparences le film de Carpentier est bien plus qu une simple histoire personnelle celle d une obsession et d une bauche du lent r apprentissage vers une identit propre Au del de tout ce qui rend ce r cit unique des lieux Bruxelles comme carte du tendre articulation g ographique de l motion des personnages la m re les amis le p re figure de l absence dont il a aussi fallu faire le deuil des d tails les mains le visage la peau s immisce le sentiment d une r sonance intime ramenant la surface celle de l autre absent qui nous manque encore et toujours mais que l on cherche oublier c est la condition de ma survie car si je n oubliais pas je mourrais
3. Ebauche d une renaissance Les 9 Mardis de Patrick Carpentier Un article de Muriel Andrin Universit Libre de Bruxelles Juillet 2008 L absence dure il me faut la supporter Je vais donc la manipuler transformer la distorsion du temps en va et vient produire du rythme ouvrir la sc ne du langage Manipuler l absence c est allonger ce moment retarder aussi longtemps que possible l instant o l autre pourrait basculer s chement de l absence dans la mort Roland Barthes Fragments d un discours amoureux Pour prier Saint Antoine il y a un mode d emploi Il faut faire un v u et br ler une bougie pendant 9 mardis cons cutifs Ce saint miraculeux exauce tout aussi difficile soit il et ce avant la fin des neuf mardis Cela d bute comme un jeu tragique des lettres coll es tal es sur la place publique sur un mur du centre ville Des lettres adress es l tre aim parti et que l on tente d enterrer vivant puisqu il ne meurt pas Puis s ensuit cette incantation ce souhait qui renvoie l enfance et aux promesses face des peurs insurmontables neuf mardis et neuf bougies pour exaucer un v u Pourtant cela n a rien d un jeu la douleur est bien pr sente d j balis e dans God is a Dog celle d une s paration subie qui marque au fer rouge et vire l obsession Dans Les 9 Mardis deuxi me pi ce de la trilogie Irr gularit de la d chirure le narrateur qui le r alisateur Patrick Carpentier pr te s
4. a voix semble vouloir tenter de la ma triser de la mettre distance en l exposant aux yeux de tous comme pour mieux retrouver une identit propre Le film s articule alors sur la structure claire et pr destin e de la vie scand e par les 9 mardis qui suivent le v u et qui devraient dans un monde id al et o les souhaits se r alisent marquer la fin du calvaire L ensemble du film semble d s lors s appuyer sur la n cessit de t moigner de la fragmentation et de rena tre d une dissociation identitaire quel que soit le mode utilis La distance s introduit dans la narration par la pr sence des deux voix masculine mais aussi cette fois f minine qui vient offrir une autre perspective sur le r cit et met en place son articulation temporelle puisqu elle explique le v u et les neuf mardis comme si cette issue envisag e ne pouvait tre assum e par la voix masculine La fragmentation s offre aussi dans ce qui nous est montr dans les corps fragment s les mains si souvent film es en gros plans mais aussi les cheveux coup s La voix surench rit encore dans cette id e au travers des exp riences racont es qui font que la vie ne sera plus jamais comme avant de l agression la petite peau du r ve qui se d tache de soi Dans le discours les exils sont nombreux ponctuellement g ographiques l Italie mais surtout mentaux plongeant dans les traumatismes du pass des autres s parations amoureuses ou le deuil du p re
5. tes les configurations semblent possibles de la r p tition du m me jusqu au noir total qui envahit un des crans ou les deux L exc s s empare de la vision par les d bordements du cadre la surabondance d images diversifi es jeux vid o uvres d art dessins anatomiques qui eux aussi mettent en sc ne l intime La c sure en deux crans n est donc pas le miroir parfait de la dissociation tant d sir e d avec l tre aim le sujet ne se d tache pas de l autre il ne le circonscrit pas dans une autre case L autre s chappe se rebelle surgit l o on ne l attendait pas comme en t moigne le presque murmure de la voix lancinante qui d crit l arriv e de la lettre ou une rencontre fortuite au coin d une rue Tr s vite l espoir de voir ce deuxi me film devenir le lieu de la gu rison s effiloche et se mue en une variation de la douleur rien n est simple et tout semble condamn devoir se prolonger Le corps de l Autre ressemble l abject de Kristeva une partie de soi que l on veut refouler refuser dont on veut se dissocier mais qui d finit notre identit Sans elle nous ne sommes plus nous m mes Le retour l apaisement et l acceptation ne s est donc pas encore accompli par le biais du discours cin matographique m me si il lui a donn une impulsion salvatrice L encadrement du r cit par le placardage de la lettre le confirme il faut d passer le discours et offrir un acte symbolique plus fort m me si toujours
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