EN GUISE D`AVANT-PROPOS - Sénescence et mort cellulaires
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1. ration cellulaire La terminologie g n tique est particuli rement confuse Beaucoup de g nes sont identifi s par le nom d une mutation qui perturbe leur activit Dans les cas favorables ils re oivent un nom vocateur facile retenir Par exemple le g ne chico qui signifie petit gar on en espagnol r duit la taille des mouches du vinaigre quand une mutation l emp che de fonctionner correctement Mais le mot ne pr cise nullement la fonction du produit du g ne la prot ine Chico qui est de stimuler le m tabolisme du glucose donc la croissance des larves Tout aussi myst rieuse est la signification des sigles ou acronymes d signant les anomalies qui ont servi d nommer les g nes inkda arf et mdm2 En principe la situation devrait tre meilleure quand le nom d un g ne et d une prot ine voque directement une de leurs fonctions r elle ou suppos e Mais ce n est pas n cessairement le cas Personne ne peut deviner que le produit du g ne ctl est un enzyme la catalase qui d compose le peroxyde d hydrog ne L herm tisme franchit un nouveau palier lorsque les prot ines n avaient pas de fonction connue au moment de leur d nomination Passe encore si l abr viation ou le sigle adopt fournit un renseignement sur une propri t de la prot ine Par exemple le g ne p53 sp cifie une prot ine p dont le poids mol culaire est d environ 53 000 L opacit devient totale lorsqu un nom de code ne fournit aucune informatio2. ou encore les allonger en multipliant un motif structural ce qui donne leurs produits ARN et prot ines une organisation r p titive comportant des s ries identiques ou similaires de nucl otides ou d acides amin s Les virus participent au remue m nage g n ral car ils peuvent s introduire dans les chromosomes de la cellule qu ils infectent puis s en extraire et emporter un fragment d ADN qu ils implanteront ailleurs Avant propos UNE M MOIRE CELLULAIRE SURDIMENSIONNEE Les progr s rapides des techniques ont permis de s quencer en quelques ann es l ADN contenu dans le ou les chromosomes de plusieurs dizaines d esp ces bact riennes v g tales et animales En 2001 deux groupes de chercheurs publiaient une premi re version de la s quence nucl otidique de l ADN humain Pour donner une id e du caract re titanesque de l entreprise signalons que pour consigner sur un support mat riel l ensemble des quatre signes nucl otides dont l agencement constitue la m moire enferm e dans l ADN de nos 23 chromosomes il faudrait l quivalent d une quinzaine de dictionnaires Robert incluant au total environ trois milliards de signes Il n y a ni coupures ni espacements dans ces 23 s ries interminables de lettres que les cellules conservent et propagent sous la forme de paires de lignes dispos es c te c te repr sentant les deux brins de la double h lice Pour rep rer dans cette liste la pr sence d une information u
3. pass es autrement Trois exemples qui seront d velopp s dans le texte qui suit illustrent la propension ou plut t la tol rance la complication qui caract rise les m canismes cellulaires Les mammif res en g n ral et l homme en particulier ne craignent pas d encombrer leur g nome avec une norme quantit d information qui semble d pourvue d utilit Mais ils font quelquefois preuve de parcimonie en empilant deux g nes dans un m me espace Dans l ADN du chromosome 9 humain une petite r gion sert ordonner deux prot ines de fonction similaire INK4a et Arf mais form es de s quences d acides amin s compl tement diff rentes Il semblerait plus rationnel et en tout cas plus simple de confier les deux t ches des g nes distincts fussent ils contigus et contr l s par un m canisme commun Il para t tout aussi illogique de placer un processus vital la division des cellules sous le contr le de deux g nes antagonistes mdm2 et p53 dont les mammif res peuvent se passer sans trop de dommages puisque l inactivation de l un de ces g nes provoque des anomalies l tales chez les souris alors que l inactivation de l un et l autre n a gu re de cons quences Apparemment ces animaux ont innov en confiant au couple mdm2 p53 le contr le de la prolif ration cellulaire car les invert br s tudi s jusqu pr sent ne l utilisent pas tout au moins cet usage Dans une certaine mesure cette prise de contr le ap
4. 0 puis 30 35 en 2000 avec des pointes pr s de 60 Cela signifie qu une personne capable de lire les journaux quotidiens pouvait jusqu en 1900 comprendre ce qui se publiait dans Nature et Science En 1950 c tait difficile En 2000 c est devenu impossible Les autres publications scientifiques ont volu de la m me mani re mais des vitesses variables suivant leur sp cialit En mati re d herm tisme les biologistes battent largement les chimistes les g ologues les astronomes et les physiciens Notons cependant que l indice lexical ne tient pas compte des quations peu nombreuses dans les crits relevant de la biologie ce qui fausse la mesure des difficult s de compr hension DES M CANISMES COMPLEXES La complexit du vocabulaire employ par les biologistes tient la structure des tres vivants et leur mani re de fonctionner Les cellules et a fortiori les organismes multicellulaires sont des machines extr mement complexes o des milliards de mol cules interagissent en permanence dans un espace confin Comme chaque mol cule peut interagir plusieurs autres elle poss de souvent plusieurs fonctions C est particuli rement vrai pour les prot ines dont les cellules contiennent des milliers d esp ces diff rentes Chacune de ces esp ces doit recevoir un nom Chaque fonction doit tre d crite par un mot puis dans le vocabulaire courant ou cr de toutes pi ces Les tres vivants semblent pr
5. AR MILLIERS La m moire cellulaire s enrichit par un m canisme simple qui consiste dupliquer un g ne ou un groupe de g nes la suite d une anomalie de la m iose Le plus souvent les deux g nes dupliqu s se retrouvent c te c te sur le m me chromosome Si l op ration se r p te elle cr e des batteries de g nes contigus Si les choses demeuraient en l tat elles n entra neraient pas trop de complications Mais les g nes d doubl s ne restent jamais identiques En d pit de la fid lit qui caract rise la r plication du mat riel g n tique l ADN des changements se produisent de temps autre Des mutations surviennent et s accumulent au fil des g n rations si bien que les g nes dupliqu s ne cessent d voluer L un perp tue la fonction du g ne primitif dont l agent d ex cution est presque toujours une prot ine L autre peut acqu rir une fonction nouvelle diff rente de celle qu assure son compagnon Par le double jeu des duplications et d volution divergente des g nes les cellules ont peu peu enrichi leur panoplie de prot ines La duplication n est qu un m canisme de diversification parmi d autres Suivant un mot c l bre de Fran ois Jacob les tres vivants voluent en bricolant Ils savent non seulement d doubler leurs g nes mais aussi les remanier de multiples fa ons les fragmenter les retourner les transloquer en cr er de nouveaux en combinant des pi ces de diff rentes origines
6. Avant propos EN GUISE D AVANT PROPOS L a r daction d un document scientifique pose des probl mes pineux en particulier dans le domaine de la biologie en raison de la complexit du langage utilis pour d crire les processus vitaux UN LANGAGE HERMETIQUE Deux tudes parues dans la revue Nature 11 ans d intervalle permettent de mesurer la largeur du foss qui s pare le langage de la vie courante de celui qu ont adopt les scientifiques Un indice appel Lex pour Lexique value la richesse du vocabulaire employ par diff rents locuteurs de l anglais en se r f rant un th saurus de quelque 87 000 mots recens s dans divers magazines romans manuels et encyclop dies L indice lexical le plus bas 59 d finit le vocabulaire d un vacher qui parle ses b tes Une conversation banale entre adultes a une valeur de Lex estim e 41 Les crits pr sentent des difficult s lexicales croissant de 32 pour les livres destin s aux enfants 27 pour les bandes dessin es et 19 pour les ouvrages de fiction r serv s aux adultes Par convention l indice 0 est attribu aux journaux quotidiens tels que le New York Times et le Daily Telegraph En mati re scientifique le niveau de complexit lexicale n a pas cess de cro tre pendant plus d un si cle Prenons le cas des deux revues les plus importantes consacr es aux sciences naturelles Nature et Science Leur indice lexical est pass de 0 en 1900 15 en 195
7. ar la force des choses le texte ne rend compte que d une infime partie des connaissances accumul es sur le sujet choisi entre 50 et 100 articles paraissent par jour sur la s nescence et la mort cellulaire Dans le domaine de la biologie le nombre total de publications quotidiennes d passe largement le millier A l heure actuelle la liste des r f rences mentionnant la prot ine P53 comporte plus de 40 000 entr es Avant propos BIBLIOGRAPHIE Hayes DP The growing inaccessibility of science Nature 1992 356 739 40 International Human Genome Sequencing Consortium Initial sequencing and analysis of the human genome Nature 2001 409 860 921 International Human Genome Sequencing Consortium Finishing the euchromatic sequence of the human genome Nature 2004 431 931 45 Knight J Clear as mud Nature 2003 423 376 8 Venter JC Adams MD Myers EW Li PW et al The sequence of the human genome Science 2001 291 1304 51
8. les chromosomes et s par s par d normes intervalles remplis de s quences apparemment d pourvues de signification dont beaucoup ont t introduites par des virus et consciencieusement recopi es de g n ration en g n ration Il n existe pas seulement des espaces vides entre les g nes Il y en a aussi l int rieur puisque la plupart d entre eux comportent des r gions internes appel es introns qui ne servent apparemment rien parce qu elles ne figurent pas dans leurs produits finaux les ARN fonctionnels Ces derniers ne conservent que les exons c est dire les l ments de s quence encadrant les introns Le nombre d introns par g ne varie de O pr s de 200 avec une moyenne de 9 et une longueur cumul e 20 fois sup rieure celle des exons Au total les s quences vraiment utiles les exons repr sentent environ 1 5 de l information v hicul e par l ADN humain Mais compte tenu de la longueur des introns nos cellules peuvent en fin de compte transcrire c est dire copier sous la forme d ARN environ 30 de leur information g n tique ce qui repr sente environ un milliard de nucl otides Un chiffre norme Avant propos DES COMPLICATIONS APPAREMMENT SUPERFLUES Une impression d irrationnel se d gage l examen de l organisation des chromosomes et des m canismes qu ils gouvernent Si un ing nieur plut t qu un bricoleur avait dirig les processus volutifs les choses se seraient sans doute
9. miteront aux termes assez peu usit s et aux techniques d velopp es depuis peu Certains choix pourront sembler arbitraires et certains claircissements inutiles ou pas assez explicites Ces inconv nients sont in vitables car tous les lecteurs n ont pas les m mes centres d int r t ni la m me formation scientifique Tous n ont pas non plus gard en m moire les d tails de ce qu ils ont appris au cours de leurs tudes ou tudi par la suite Le texte qui suit devrait tre accessible aux biologistes ayant une formation universitaire Il propose plusieurs niveaux de lecture 1 un expos relativement bref 2 un ensemble d annexes d taillant des techniques des m canismes et des maladies dont la description est n cessaire ou utile a la compr hension g n rale mais para tra sans doute superflue a certains lecteurs 3 une s rie d explications comportant plus de 200 entr es relatives aux mots ou abr viations marqu s par un ou deux ast risques dans le corps principal de l expos et dans les annexes Apr s une br ve introduction historique sept chapitres de longueur tr s in gale traitent des processus qui peuvent limiter la dur e de la vie des organismes unicellulaires et pluricellulaires Les trois premiers ont une vocation essentiellement descriptive Les trois suivants sont plus sp culatifs Le dernier traite des moyens qui pourraient retarder la s nescence des cellules donc ventuellement prolonger la vie humaine P
10. n qui pourrait clairer le lecteur Ainsi les chiffres d signant le g ne 14 3 3 voquent trois op rations qui ont t n cessaires pour purifier la prot ine portant ce nom bizarre Avant propos MULTIPLIENT LES DIFFICULT S DE COMPR HENSION Deux options s offrent aux auteurs d sireux de d crire les progr s r cents des recherches dans un domaine particulier de la biologie La premi re consiste renoncer au jargon propre chaque sous discipline Mais cela conduit utiliser des p riphrases alambiqu es et remplacer le jargon par un autre peut tre encore plus lourd La seconde option est de recourir au jargon quitte en expliquer le sens ce qui oblige souvent remonter d article en article jusqu la publication originale d crivant la cr ation de chaque sigle ou acronyme C est le parti qui a t adopt dans le texte qui suit Il est videmment impossible de d finir tous les concepts de base cr s par les biologistes g nes all les dominance homozygotie etc d expliquer les termes g n raux d crivant la structure et le fonctionnement des cellules ADN ARN prot ines glucides mitose m iose r plication transcription traduction etc et de fournir le mode d emploi des techniques les plus courantes utilis es dans les laboratoires chromatographie lectrophor se clonage mol culaire s quen age de l ADN obtention de prot ines pures par g nie g n tique etc Les explications se li
11. nd parfois leur d roulement impr visible resteront toujours environn s de myst re UN VOCABULAIRE PEU COHERENT Pour tenter de comprendre et de d crire le fonctionnement de la machinerie cellulaire les biologistes ont d d velopper des m thodes de plus en plus labor es et cr er un vocabulaire de plus en plus complexe comportant un nombre sans cesse croissant de mots de sigles et d acronymes Des termes nouveaux servent d signer des techniques r cemment mises au point des mol cules et des m canismes inconnus jusqu alors C est le domaine des mol cules qui conna t l expansion la plus forte En quelques ann es on a d couvert des milliers de prot ines qu il a fallu nommer de m me que les ARN et les g nes qui dirigent leur synth se Malheureusement la terminologie s est d velopp e de mani re peu rationnelle de sorte que les innombrables n ologismes et abr viations qui pullulent dans les publications biologiques n apprennent souvent rien concernant la structure et les fonctions des entit s mat rielles ou immat rielles qu ils d signent L existence de synonymes n est pas non plus de nature faciliter les choses Pour couronner le tout des termes dont la signification para t vidente peuvent induire en erreur Ainsi les facteurs de croissance n agissent pas toujours chez les animaux en augmentant la taille et le nombre des cellules qui les constituent Il en est qui ont plut t tendance freiner la prolif
12. ouver le besoin de multiplier les interactions qui se d roulent en leur sein et les agents de ces interactions Cette tendance est due leur mani re d voluer que l on peut qualifier de conservatrice ils aiment acqu rir mais d testent jeter La propension tout conserver s explique en partie par le fait qu aucun organisme ne peut chaque g n ration d truire une Avant propos trop grande partie de l h ritage que lui ont l gu ses pr d cesseurs sous la forme d un certain nombre de g nes S il perd une part importante de l information contenue dans ceux ci il ne peut plus synth tiser les macromol cules ARN et prot ines qui lui permettraient de fonctionner correctement Les cellules supportent mal les pertes de m moire Mais elles acceptent les gains sans trop de r ticences Cette tendance au conservatisme se manifeste chez certains animaux qui poss dent une m moire cellulaire surdimensionn e par rapport la complexit de leur anatomie et de leur physiologie Ainsi le ver n matode Caenorhabditis elegans dont il sera beaucoup question par la suite a presque autant de g nes que les mammif res Pourtant son corps se compose essentiellement d un syst me reproductif d un syst me digestif et d un syst me nerveux Il est probable que cet animal d rive d un anc tre beaucoup plus complexe qui aurait subi une simplification radicale de son organisation mais conserv l essentiel de ses g nes DES GENES P
13. para t comme un luxe inutile D une mani re plus g n rale les cha nes d interaction entre les g nes ou leurs produits sont plus compliqu es qu il ne semble premi re vue n cessaire Il arrive souvent qu un facteur A stimule par l interm diaire d une s rie de relais B et C l activit d un g ne y donc la synth se de la prot ine correspondante Y Les cha nes d interaction font fr quemment intervenir des suites d inhibition et d activation entre prot ines repr sent es respectivement dans le texte par un T couch et par une fl che aboutissant la mise en activit d un g ne repr sent e par une fl che ondul e A E lt cC w yY a Y En fait un nombre pair d inhibitions ci dessus correspond une stimulation tandis qu un nombre impair aboutit une r pression Da 2 FH zu 2 Ces complications ne sont pas purement gratuites car elles offrent le moyen de connecter plusieurs cha nes d interaction me x Avant propos Mais elles rendent singuli rement ardu le travail des biologistes Une m me cause par exemple une mutation ne produit pas toujours des effets constants ni faciles interpr ter parce que les syst mes tudi s sont h t rog nes et que d innombrables interconnexions embrouillent leur fonctionnement Ce n est pas une raison pour renoncer la m thode analytique et pour consid rer que les processus vitaux marqu s par une ind termination qui re
14. tile il a fallu mettre en uvre des algorithmes de recherche puissants labor s en d terminant des motifs structuraux typiques de telle ou telle macromol cule Ces motifs se pr sentent sous la forme de s quences dites consensus construites en comparant les ARN ou les prot ines cens s remplir la m me fonction chez divers organismes y compris les bact ries Ces s quences sont les vestiges d un pass commun C est l h ritage l gu leurs descendants par les organismes fondateurs de chaque groupe h ritage sans cesse modifi au cours des g n rations successives mais pas au point de devenir m connaissable en d pit d innombrables erreurs de copie qui se sont accumul es au fil du temps D abord estim 30 000 le nombre de g nes humains a t par la suite r valu la baisse Les chiffres les plus r cents font tat d environ 21 000 g nes sp cifiant des prot ines et un nombre assez mal connu de g nes dont les produits sont des ARN intraduisibles Le travail de s quen age fait clairement ressortir la tendance g n rale au conservatisme qui caract rise la transmission de la m moire cellulaire Parmi les quelque 21 000 g nes identifi s chez l homme beaucoup peuvent tre regroup s en familles de taille variable cr es par duplications en cascade Les familles comportent moins de dix pr s de 800 repr sentants Les 30 plus vastes regroupent au total presque 8000 membres qui sont parpill s sur tous
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