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1. N 1298 Novembre d cembre 2000 88 RIT H RITAGE COLONIAL L N 1228 Novembre d cembre 2000 3 amp XI L H RITAGE COLONIAL Comme en 1949 la c r monie tait ani m e par des musulmans mais galement par des personnalit s locales Elle tait pr sid e par le repr sentant du pr fet l imam un conseiller municipal repr sentant le maire de Bordeaux le contr leur g n ral de la main d uvre africaine un inspecteur du primaire repr sentant l inspecteur d acad mie le directeur du camp d mi gration un membre de la commission consultative des questions nord africaines et un repr sentant syndical Contraire ment la c r monie de 1949 les person nalit s religieuses et militaires ne s y taient pas fait remarquer alors que l on notait la pr sence d un inspecteur d aca d mie Au fil de la journ e le caract re c r moniel officiel s effa ait derri re la f te populaire Dans une ambiance festive tait organis e une bour riche offrant de nombreux lots gagner bouteilles de mousseux et de vin vieux rouge r gion bordelaise oblige La c r monie religieuse se terminait par des chants hindous accompagn s par un fl tiste de l orchestre de Bordeaux une bourr e pour d lier les corps et clou de la soir e les num ros du fakir Kaddour Quelle personna lit religieuse musulmane pouvait bien assister cette c r monie2. cembre 2000 89 RIT L H RITAGE COLONIAL N 1228 Novembre d cembre 2000 9 ZX L H RITAGE COLONIAL culte musulman l poque l islam pouvait tre envisag comme une base de socialisation efficace pour une politique d ducation et de qualification de la main d uvre immigr e Jean Jacques Rager s appuyant sur les propos du pr sident Herriot du mar chal Lyautey et du ministre de l Int rieur c est dire de quelques unes des plus hautes autorit s de l tat estimait ainsi Une r or ganisation des cultuelles musulmanes en France m tropolitaine l tablissement d un tribunal coranique Mahakma Paris telles semblent tre les mesures islamiques qu il para t souha table de voir appliquer pour que s att nue l angoisse morale dans laquelle vivent les travailleurs musulmans transplant s en France 0 Le principe d irr ductibilit culturelle s accompagne souvent d un recours la m diation culturelle C est d j le cas en 1950 lorsque contre les formes maraboutiques de l islam le m me Rager pr co nise d appuyer des initiatives comme celles des nadis cr s par le mouvement des oul mas en 1936 Avant guerre l insuffisance des mesures prises par les pouvoirs publics avait men l Association des Oulama fond e en Alg rie par les Cheikhs Ben Badis et El Okbi en vue de lutter contre l analphab tisme et le maraboutisme ouvrir dans la r gion parisienne plu
3. famille Comme nul d tail n est rapport sur la c l bration de la f te de l A d el kebir annonc e par le titre et qu il n est pas question de sacrifice du mouton mais de vin d honneur et de couscous tra ditionnel on peut se demander si cette c r monie de l A d avait pu tre pr texte attirer un public d indig nes musulmans qui puis sent incarner le combat du p re de Jabrun Mais il est bien mentionn La f te rituelle de l Aid El Kebir a t marqu e mardi au foyer des Amiti s africaines par une mouvante c r monie et non l inverse Il fallait donc comprendre que la f te rituelle tait bien l occasion de comm morer le p re de Jabrun et non l inverse ce qui laissait supposer que ces deux c r monies pouvaient tre ind pendantes Un des moyens de le v rifier consistait poursuivre les recherches d ar ticles dans les journaux locaux correspondant aux jours de f te de l A d les ann es pr c dentes et suivantes Or dans un autre quotidien local La Nouvelle R publique un article paru trois ans plus t t comporte une photo de l int rieur de cette mosqu e Son intitul Les Musulmans de Bordeaux ont f t l Aid El K bir vient confirmer l absence de lien entre la c r mo nie militaire et la f te religieuse Il s agissait bien en 1946 comme en 1949 o l on avait utilis le terme Nord Africain de la f te des musulmans et non d une
4. pratique dans la gestion r publicaine des minorit s Les discours diff rentialistes des ann es trente ont t jet s dans les oubliettes de l histoire mais les pratiques communautaristes qui les accompagnaient ont elles perdur long temps sp cialement dans le traitement des populations coloniales L histoire de l islam en France est indissociable du traitement de ces minorit s coloniales comme nous allons le voir LA RECHERCHE DE LA MOSQU E PERDUE Un jour d octobre 1994 alors que je d roulais des bobines microfilm es du journal Sud Ouest mon attention fut atti r e par un article titr en gros caract res Les Nord Africains de Bordeaux ont f t VA d Kebir sic Cet article dat du 5 octobre 1949 voir encadr ci contre contenait quelques illustrations dont une photo d un imam devant sa mosqu e Il tait compos d un gros titre d un texte sur trois colonnes d un message encadr et d une illustration constitu e de trois photos La premi re L montre une plaque comm morative pos e la m moire pia du p re de Jabrun l image de gauche M Descud pronon ant l loge du d funt et la troisi me l imam Si Mohamed Ben Ahmed avec Tun de ses compatriotes devant la mosqu e de la rue Cornac gt 9O 9O O 0O 0O 0 LES NORD AFRICAINS DE BORDEAUX ONT F T LA D EL KEBIR La f te rituelle de l A d El Kebir a t marqu e mardi au foyer des Amiti s africaines par
5. trange m langeant hindouisme culte des astres et danse du pays On pouvait supposer en tout cas que les oul mas du Maghreb pr nant un islam rigoriste hostile aux superstitions et la prise de bois sons alcoolis es n taient pour rien dans le montage de telles d monstrations Outre ces quelques d tails pittoresques nous savons pr sent que cette f te ne s adressait pas aux seuls pratiquants com battants mais bien aux populations r sidant Bordeaux que ce soient les soldats d mobilis s les travailleurs ou leurs familles DEPUIS QUAND CETTE C R MONIE TAIT ELLE ORGANIS E La f te avait eu lieu un an plus t t en 1945 vraisemblablement pour la premi re fois les recherches dans les journaux ant rieurs cette date ne donnent aucun r sultat De plus la longue intro duction explicative du journaliste de Sud Ouest dans son papier du 19 novembre 1945 peut laisser supposer qu il n y avait pas eu de pr c dents avant cette fin de guerre Aussi loign s soient ils de leur terre natale les hommes ont coutume de se r unir r guli rement entre pays afin de comm morer les f tes ancestrales de chez eux C est ainsi que jeudi matin qui correspondait la f te de l Aid El Kebir ou f te du mouton nombreux taient les Musul mans venus la mosqu e rue Cornac participer aux pri res du marabout Chaibi suivies du sacrifice du mouton offert en holo causte au Proph te midi
6. accorde m me un entretien une d l gation des Marocains Bor deaux formant les Amiti s nord africaines Dans le domaine des int r ts conomiques priv s il convient de taire ses strat gies de production Le fait colonial a permis de g rer librement une cat gorie de la population que l on n imaginait pas pou voir assimiler Ainsi le discours officiel sur l assimilation s est appuy sur la cat gorie des trangers laquelle ne pouvait tre assimil le musulman c est dire l indig ne colonial Alors m me qu il exis tait des appareils l gislatifs et ex cutifs sp cifiques pour g rer la mino rit coloniale musulmane de l Empire fran ais toute manifestation symbolique langues cultures religion de cette minorit tait impossible sur le territoire fran ais m tropolitain Le nom musul man d signait une minorit mais ne devait jamais recouvrir une appartenance religieuse Et si l on tol re pour l islam quelques entorses la la cit sur les territoires coloniaux ce n est que pour conforter les musulmans en tant que minorit sociale et politique La r f rence islamique existe donc dans le r pertoire id ologique de la France coloniale comme synonyme de minorit La gestion de l islam en France a probablement t l entorse la plus compl te et la plus aboutie ce mod le d assimilation Peut on tablir une relation entre ceci et le fait que l on continue o
7. cultures et rappellent presque dans leur aspect physique les pay sages gascons Au point de vue ethnique il n y a pas de meilleure greffe pour la Gascogne IMMIGRATION DE PEUPLEMENT VS MAIN D UVRE COLONIALE Or le secteur industriel se satisfait plut t bien du type de main d uvre mobile et tournante que forment les coloniaux et n a gu re besoin de populations assimil es ou en voie d assimilation ni d une planification nationale de l immigration coloniale qui pourrait red finir les rapports entre patronat et syndicats On comprend donc que dans ce secteur l annonce d une politique centralis e de gestion de l immigration apr s la cr ation en 1920 d une commission inter minist rielle de l Immigration ne soit gu re bien accueillie par les organisations professionnelles et les syndicats locaux qui craignent 5 Marcel R mond L immigration italienne dans le Sud Ouest de la France Paris Dalloz 1928 p 128 6 Marcel Paon L immigration en France Paris 1926 23 p cit par Ralph Schor in L installation des Italiens dans le Sud Ouest 1919 1939 une greffe r ussie L immigration italienne en Aquitaine actes du colloque du 23 juin 1987 MSHA 1988 Talence 7 Bulletin conomique du Maroc avril 1937 cit par Joanny Ray dans Les Marocains en France th se pour le doctorat facult de droit universit de Paris 1937 p 279 Le repeuplement des campagnes d
8. dans un climat sympathique qui avait pour cadre le foyer du Marin un d licieux cous cous leur tait partag gr ce l initiative du Bureau de la main d uvre afri caine dont M Baud de Castelet est l actif directeur Quelques Euro p ens avaient tenu assister cette f te parmi lesquels l on pou vait remarquer M le repr sentant du Commissaire de la R publique M Bernard repr sentant le pr fet le colonel Mill re pr sident des Amiti s Africaines les commandants Desnous et Goure repr sentant la Croix Rouge MM Boisset inspecteur divisionnaire du travail et Capdeville du ravitaillement g n ral auquel on devait le d blocage de la viande et de la semoule M le Directeur du Foyer du Marin Prenant la parole l issue du repas M G rard Gourgue se fit l interpr te de tous les Musulmans pour affirmer une fois encore leur attachement la m re patrie En 1945 c est donc le savoir faire de La gestion minoritaire l arm e qui est mis contribution pour la fran aise n est pas exog ne l organisation et le d blocage du mou mais puise ses racines ton La pr sence militaire est d ailleurs dans la p riode coloniale majoritaire Gr ce ces indices on peut et les musulmans en constituent penser que la mosqu e de la rue Cornac la figure la plus difiante tait install e dans ou proximit d un foyer d anciens combattants dar el askri destin regroup
9. qui n avaient pas r ussi leur mission sociale mais avaient au contraire par leurs m thodes polici res contribu faire fuir les Nord Africains MAINTENIR LE MORAL DES TROUPES Ce que Jean Jacques Rager appelait de ses v ux pour les tra vailleurs musulmans dans le secteur civil le mar chal Franchet d Es perey avait tent de le r aliser quelques ann es plus t t en 1935 dans le domaine militaire en cr ant le comit des Amiti s africaines Ce comit reconnu d utilit publique en 1938 plac sous le patronage du minist re de la D fense et de la Guerre si geait Paris et comptait quelques personnalit s c l bres du monde militaire comme le g n ral Fr aud politique comme L on Bar ty et civil comme l orientaliste Louis Massignon professeur au Coll ge de France Il avait pour vocation d am liorer les conditions morales et mat rielles des militaires nord africains en leur offrant un cadre qui pourrait leur rappeler l ambiance du bled Dans les dar el askri maisons du combattant 0 le comit instal lait des caf s maures des salles de jeu mais aussi des salles de pri re am nag es auxquelles il affectait des imams Les repas taient contr l s afin que les militaires musulmans n y puissent consommer de viande de porc et les f tes religieuses taient respect es Apr s la guerre les missions d assistance des dar el askri ne se limit rent plus la population militaire ma
10. se d vouait enti rement en faveur des humbles et aussi des Nord Africains qu il prot gea et secourut Cette plaque d clara en terminant M Descud est le t moi gnage inoubliable de notre reconnaissance Le colonel Gallien son tour rappela le sacrifice magni fique de l adjudant chef Lecointe sous officier de devoir et d un grand courage dont le souvenir demeure parmi tous ceux qui l ont connu et aim Enfin M P Combes a rendu un profond hommage la m moire des deux victimes de la barbarie ennemie en retra ant leur vie exemplaire Il a galement exalt les liens d amiti qui unissent la France l Afrique du Nord Peu apr s les personnalit s taient r unies dans la grande salle du foyer au cours d un vin d honneur En termes excellents M Coquillat a remerci les autorit s d tre venues s associer cette c r monie et rappela les origines des Amiti s Africaines fond es par le Mar chal Franchet d Esperey Il a voqu ensuite les probl mes d accueil probl mes difficiles faute de cr dits suffisants et a fait appel l aide des pouvoirs publics pour continuer l effort de solidarit entrepris midi les anciens soldats nord africains et leurs familles taient convi s nombreux au couscous traditionnel Sud Ouest 5 octobre 1949 Que des Nord Africains pr sents Bordeaux en 1949 f tent l A d el kebir me parut tre en soi une information relativement inattendue mais que cette
11. une mouvante c r monie Dans le Dar el Askri pavois aux couleurs fran aises marocaines et tuni siennes M Coquillat pr sident du groupement d entraide recevait les personnalit s On remar quait notamment MM P Combes pr fet de la Gironde Turon directeur de son cabinet illisible repr sentant M F Audeguil Cast ran ministre pl nipotentiaire et conseiller g n ral le m decin g n ral Chamacy les colonels Albinet Aycard et Gallien l administrateur en chef Avron les repr sentants de M Durand s nateur du g n ral Chassin du capitaine de vaisseau Delpuech le commandant Marchand MM H Mallet Tisinier Descud Causs gue le commandant Autun l imam Si Mohamed Ben Ahmed le R P De Vivie Regie M Aubriot ing nieur en chef du Port de nom breux officiers des trois armes etc Apr s que M Pierre Combes eut d voil la plaque comm morative portant cette inscription la M moire du P re Louis de Jabrun et de l adjudant Chef Lecointe d port s et assassin s par l ennemi en raison de leur activit clandestine au b n fice des militaires nord africains une minute de silence fut observ e tandis que la musique du 57 8 ex cutait la sonnerie Aux Morts Puis M Des cud au nom de la R sistance prit la parole Il voqua avec une intense motion le souvenir du P re de Jabrun grand soldat h ros des deux guerres martyr de la charit et grande figure de pr tre Homme de bien il
12. une mosqu e de per sonnalit s manant des minis t res de l ducation et de la Guerre et des services d aide social UNE POPULATION QUE L ON N ENTEND PAS ASSIMILER Apr s la guerre le dar el askri ou foyer des Amiti s africaines de la rue Cornac tenu par d anciens officiers de l arm e fran aise continue recevoir des fonds du minist re de la Guerre qui sont d sor mais compl t s par des subventions de la ville et de l Office du Maroc de Bordeaux Le foyer n est plus exclusivement militaire mais s ouvre sur le quartier offrant ses services aux Nord Africains de la ville Vers la fin des ann es quarante et jusqu au d but des ann es cinquante les relations entre Bordeaux et le Maroc sont intenses L Office du Maroc subventionne le dar el askri devenu un p le culturel des Maro cains de la ville Quelques ann es plus tard la presse en fait un p le d activit s culturelles pour les musulmans de la m tropole girondine Lorsque l Office du Maroc y offre une diffa aux membres de l entou rage du sultan en visite Bordeaux en 19500 le Dar el Askri devient sous la plume des journalistes de Sud Ouest le Bar El Askri 3 o se c toient les joueurs de football des Girondins Mus tapha et M Bank et des collaborateurs du sultan du Maroc en visite 12 Sud Ouest 28 septembre 1950 13 Sud Ouest ibid A PUBLI Bordeaux Sidi Mohamed Ben Youssef Le sultan en personne y
13. LA GESTION COLONIALE DE L ISLAM BORDEAUX ENQU TE SUR UNE MOSQU E OUBLI E L analyse d une f te de l A d Bordeaux en 1949 est l occasion d une plong e dans l histoire des immigr s nord africains par Florence Bergeaud sociologue laboratoire CNRS Soci t s Sant D veloppement universit Victor S galen Bordeaux Cet article est tir de L institutionnalisation de l islam Bordeaux th se de doctorat en sociologie universit Victor S galen Bordeaux Il juin 1999 en m tropole d un retour sur la gestion de l islam dans le contexte de la France coloniale Une gestion qui tourne le dos la doctrine assimilationniste pr valant officiellement dans l Empire et qui ignore d lib r ment le credo assimilateur de la R publique l gard de limmigration Au point que l auteur en conclut que la gestion de l islam a sans doute t l entorse la plus compl te et la plus aboutie ce mod le d assimilation Un constat iconoclaste qui claire d un jour particulier les rapports que la France entretient aujourd hui encore avec l islam D centrer le regard port sur l islam est rest jusqu tr s r cem ment un v u pieu Des investigations l chelon europ en ont bien montr que le traitement de cette religion est non seulement li celui des institutions religieuses dans chaque pays mais aussi au traitement social des groupes immigr s dont sont issus les musul
14. c r monie militaire o l on aurait ras sembl des soldats d mobilis s pour honorer de leur pr sence vivante le sacrifice du p re de Jabrun La photo de personnes en position de pri re sert d illustration l article de La Nouvelle R pu blique On y voit l imam Cha bi peut tre un pr d cesseur de Mohammed Ben Ahmed devant sept coreligionnaires de dos en position de pri re dans un d cor arrondi qui s apparente bien l in t rieur d une mosqu e Dans le texte il est question de sacrifice de moutons et le rite se d roule comme il se doit le matin avec l immolation de ces animaux APR S LES PRI RES UN NUM RO DE FAKIR Le caract re religieux de la c r monie est d ailleurs soulign par le journaliste du quotidien Sud Ouest dans un article dat du m me jour La matin e a t consacr e aux pri res dans la mosqu e de la rue Cornac midi un repas r unissait autour des tables du Foyer musulman 36 rue Cornac les Nord Africains et leurs invi t s Dans les salles joliment d cor es un excellent menu fut servi avec le traditionnel mouton menu qui est l uvre du chef Bou cha b et de ses camarades du foyer de la rue Cornac l issue du repas M Mezziane Mohamed s adressa ses compatriotes et co religionnaires ainsi qu aux invit s et apr s avoir rappel le sens de cette f te c l bra l amiti qui unit l Afrique musulmane la France Sud Ouest 5 novembre 1946
15. e Les statistiques d mo graphiques du Sud Ouest attestent de cette division de l immigration les r gions rurales sont peupl es par les Italiens et les Espagnols puis bien plus tard par les Portugais Seules les r gions urbaines et le secteur secondaire emploient des salari s africains La gestion centrale de l immigration soutenue par un discours offi ciel assimilationniste se heurte donc la logique d administration priv e de la main d uvre coloniale locale Les milieux politiques et conomiques bordelais distinguent immigration pour laquelle on parle d assimilation et main d uvre coloniale La premi re est des tin e au peuplement la seconde est un produit colonial n gociable avec les int r ts fran ais d outre mer Apr s la guerre la mise en place de proc d s d ducation syst matique s accompagne d une r flexion sur la culture et non plus sur la race et les g nes devenus tabous On fait alors cas du d nuement moral des trangers africains de leurs sp cificit s culturelles La gestion de la religion joue un r le essentiel dans ce dispositif de moralisation des Nord Africains L ISLAM COMME BASE DE SOCIALISATION DES NORD AFRICAINS L histoire de l islam en France n est pas lin aire Qui se sou vient que dans les ann es cinquante un orientaliste ou un juriste pouvaient proposer sans provoquer d moi une r organisation du N 1298 Novembre d
16. er abriter et fournir la main d uvre de travail ou conserver une r serve mili taire en pr vision d autres conflits Indochine notamment Le rituel religieux de l A d el kebir devait avoir t int gr dans l agenda des f tes de l arm e coloniale arm e qui apportait ici apr s guerre son savoir faire l organisation de l A d pour les civils anciens militaires nouveaux travailleurs ou futurs combattants LES ORIGINES DE LA MOSQU E DE LA RUE CORNAC Pour comprendre comment une histoire aussi r cente a pu chap per la m moire locale il faut consid rer l Histoire non seulement comme une s rie de faits mais aussi comme un discours C est la plus ou moins grande ad quation entre les deux qui permet aux v ne N 1298 Novembre d cembre 2000 85 RIT L H RITAGE COLONIAL N 1228 Novembre d cembre 2000 86 XL L H RITAGE COLONIAL ments d exister en tant que faits historiques donc m morables Quand le discours historique justifie des faits qui ne co ncident pas avec les souvenirs parce que l uvre de justification devient plus importante que l esth tique de la reconstitution alors ces faits s effacent peu peu et imparfaitement Des lambeaux d histoire peuvent ainsi appa ra tre comme des anomalies des exceptions un mod le que le dis cours officiel a rig en norme C est le cas du traitement des musul mans en France L enqu te archivistique bordelaise a permis de
17. f te fasse l objet d une annonce publique et qu il y fut question de mosqu e me sembla plus surprenant encore La lecture de cet article soulevait plusieurs interrogations 499Q _ A PA Pen a DO N 1298 Novembre d cembre 2000 81 RIT L H RITAGE COLONIAL N 1228 Novembre d cembre 2000 82 IL L H RITAGE COLONIAL O se trouvait cette mosqu e Qui avait organis cette c r monie de l A d el kebir Pour quel public L article ne donnait pas d in formations sur la localisation exacte de la mosqu e ni d indice per mettant d en valuer la superficie l origine qui la fr quentait et durant quelle p riode L avarice de d tails pouvait indiquer que son existence apparaissait assez vidente au journaliste pour qu il ne juge pas opportun d expliquer avec pr cision de quoi il s agissait exactement Le lecteur savait seulement qu elle se situait proxi mit d un foyer des Amiti s africaines appel aussi dar el askri maison du soldat fond par le mar chal Franchet d Esperey g r par un certain M Coquillat et en partie subven tionn par les pouvoirs publics me nieenqu t d docile Les discours diff rentialistes 2 fl Le compl mentaires Les r sultats furent des ann es trente ont t Jetes maigres Beaucoup de pistes s effac rent dans les oubliettes de l histoire au bout de quelques semaines Ma trou mais les pratiques communautari
18. is s tendirent la population civile musulmane locale laquelle ils fournissaient information aide ali mentaire et assistance m dicale La pr paration des indig nes musulmans tait galement desti n e maintenir le moral des troupes en vue de la guerre qui s an non ait En 1934 la veille de l ouverture du premier dar el askri le mar chal Franchet d Esperey s adressait ainsi au minist re de la Guerre La pr paration morale des indig nes musulmans aux devoirs qui leur incombent l gard de la France en cas de conflit est d sormais une n cessit vitale et urgente si nous ne voulons pas que l Afrique du Nord au lieu de nous donner des forces ne nous en prenne Les dar el askri furent mis la disposition du gou N 1298 Novembre d cembre 2000 41 RIT L H RITAGE COLONIAL N 1228 Novembre d cembre 2000 2 XI L H RITAGE COLONIAL vernement du Commande ment comme le pr voyaient les statuts du comit des Ami ti s africaines pour tre uti lis s des fins de contre pro pagande et de renseignements et accessoirement de recrute ment de volontaires pour les unit s combattantes C est donc dans les circons tances intellectuelles poli tiques et sociales de la guerre et de l apr s guerre que nous pouvons replacer la mosqu e de la rue Cornac cit e dans Sud Ouest en 1945 Nous com prenons mieux pr sent les raisons de cette association autour d
19. mans Il est ques tion dans ces tudes des limites qu entend donner le politique au champ religieux et des diff rentes mani res d y parvenir selon que l on est un tat belge britannique fran ais ou allemand Reste que l islam ici n est pas sp cifi ce pourrait tre n importe quelle autre reli gion d un groupe minoritaire La comparaison europ enne nous per met de mettre en vidence la relativit des traitements de l islam selon les pays et donc de minimiser le r le du dogme religieux dans les expres sions religieuses C est d j un premier point que les tudes men es l chelle nationale ne nous permettaient pas de mettre en vidence Si l on a pris conscience du r le de l tat dans la d finition du champ religieux musulman au travers notamment du statut et des fonctionnements ou dysfonctionnement des institutions islamiques on ne p cherait pas par juridisme si l on devait en attribuer la cause une application trop stricte des lois qui r glent les rapports entre tat et religion Une conception trop troite de la la cit serait en cause dans le fait que la quatri me g n ration de musulmans en France doit encore se contenter d aller prier dans des mosqu es garages Le probl me est que la la cit ne constitue pas dans ce pays N 1298 Novembre d cembre 2000 29 RIT L H RITAGE COLONIAL N 1228 Novembre d cembre 2000 80 XL L H RITAGE COLONIAL un corps de textes juridi
20. mettre en vidence un traitement diff renci des immigr s deux niveaux local et national Parmi ces immigr s les indig nes musul mans ont un statut part Ils sont juridiquement d finis comme sujets ou prot g s fran ais sur le territoire m tropolitain dont les colonies ne sont que les prolongements leur citoyennet est accord e selon les appartenances Si le discours savant pr f re ignorer cette entrave aux principes r publicains et si les th oriciens de la R publique jettent un voile pudique sur cette histoire les industriels et commer ants des grands ports fran ais n ont pas oubli quels produits et quelle fa on de mener leurs affaires ils doivent leurs fortunes Bordeaux on orga nise avec les musulmans du quartier des bourriches avec du vin pour f ter l A d el kebir Pour comprendre comment cette entorse au mod le fran ais a pu produire jusqu aujourd hui une tension forte entre un discours th orique sur le mod le assimilationniste r publicain et une r a lit qui en est tr s loign e il faut cesser de consid rer le niveau national pour prendre en compte l chelon d une ville L espace per tinent des relations avec les immigr s dans une ville m tropolitaine comme Bordeaux jusqu la fin de la premi re moiti du XX si cle n est pas la France mais le monde colonial Inversement c est en consid rant l espace colonial que l on met en vidence le r le
21. migratoires du quadruple point de vue sani taire moral professionnel et ethnique L int r t de la France est non seulement d attirer les l ments trangers qui pr sentent avec notre race les affinit s les plus grandes mais encore de les r par tir dans la r gion qui par ses caract res physiques et la nature de ses cultures se rapproche le plus de leur pays d origine Ainsi leur d paysement sera t il moins grand et leur assimilation plus rapide La r gion bordelaise et plus largement le Sud Ouest constituent un cas de figure exemplaire pour les partisans de cette assimilation contr l e et coordonn e qui aiment comparer la r ussite de l im plantation des pins avec la greffe des trangers Br montier pour vaincre le d sert des Landes y sema des pins Pour vaincre laban don des hommes dans cette Gascogne si riche et accueillante nous avons d y semer des trangers d clare un universitaire bor delais Apr s avoir h sit un temps sur le choix de la greffe kabyle on opte en milieu agricole aquitain pour la greffe italienne plus rapide et spontan e en tous points pr f rable aux autres car la Gascogne d vast e par ce nouveau phyllox ra qu est pour elle depuis pr s d un si cle la d natalit a essay bien des plants pour se reconstituer Latins comme nous les Italiens du Nord retrouvent en Gascogne le m me ciel le m me climat les m mes
22. ns le langage courant et fait l objet d intenses d bats dans les ann es trente L tat envisage ainsi la cr ation d un office national d immigration pour harmoni ser les politiques des sept minist res qui s occupent alors de la ques tion des trangers et am liorer la collaboration avec les organisa tions professionnelles tout en stoppant l an mie d mographique Gouvernements de droite et de gauche prouvent le m me besoin de r guler l immigration m me si la finalit de leurs actions diver gent Pour la gauche r guler l immigration c est prot ger les int r ts des salari s contre la concurrence d une main d uvre tran g re sous pay e Pour les gouvernements de droite la politique d immigration se justifie essentiellement par la n cessit d adap ter les flux de main d uvre aux besoins des entreprises fran aises de l Hexagone Affiche Ren Lastate 1925 Coll biblioth que Forney N 1298 Novembre d cembre 2000 37 RIT H RITAGE COLONIAL L N 1228 Novembre d cembre 2000 88 XL L H RITAGE COLONIAL Mais du point de vue des entreprises locales notamment agricoles une politique macro conomique de l immigration semble encore trop rigide L immigration est alors compar e une greffe ne pouvant prendre que sous certaines conditions d ad quation entre environ nement t che effectu e et origine raciale du travailleur Il s agit de s lectionner les flux
23. peupl es du Sud Ouest de la France conviendrait tout fait leurs aptitudes il s agit de Kabyles 8 D cret du 18 juillet 1920 de perdre leurs initiatives en ce domaine La proposition du minis t re de l Int rieur de cr er un service des Affaires indig nes nord africaines SAINA Bordeaux pour contr ler et porter secours la main d uvre nord africaine suscite quelques r sistances dans les milieux conomiques bordelais Il met en danger la r gulation des mouvements migratoires par les conomies locales et fait peser sur elles la menace d un contr le accru de l tat l issue de cette p riode on voit se dissocier politique de recru tement et strat gie d assimilation des trangers destin s au peuple ment L Europ en immigr sous l gide de la convention internatio nale sign e entre la France et les pays Le pr wg e d irr ductibilit d migration Belgique Italie Pologne culturelle s accompagne souvent Tch coslovaquie est destin au peu d un recours la m diation plement et affect en zone rurale l Afri Contre les formes maraboutiques cain est recrut pour des t ches mili de l islam par exemple on pr conise taires ou de d veloppement industriel d appuyer des initiatives comme celles employ comme main d uvre tour des nadis ces cercles d ducation nante et de remplacement dans le sec 27 cr s par le mouvement des oul mas teur secondair
24. pposer islam et mod le r publicain deux entit s de nature bien diff rente alors que naissent les quatri mes g n rations de musulmans en France Dossier Zslam d en France n 1220 juillet ao t 1999 Soheib Benche kh Les croyants les plus proches de la la cit la fran aise sont les musulmans Dossier La cit mode d emploi n 1218 mars avril 1999 Jocelyne Cesari L islam en France naissance d une religion Dossier Passions franco maghr bines n 1183 janvier 1995 o 010 2 70 a Ana an a N 1228 Novembre d cembre 2000 43 RIT L H RITAGE COLONIAL
25. pri mordial jou par les grandes villes portuaires Bordeaux mais aussi Marseille Nantes dans l conomie coloniale donc dans la gestion des ressources humaines des pays assujettis Point n est besoin d al ler emprunter aux Anglo Saxons les origines du mod le minoritaire que l on a vu se dessiner en France La gestion minoritaire la fran aise n est pas exog ne mais puise ses racines dans la p riode colo niale et les musulmans en constituent la figure la plus difiante M TAPHORES HORTICOLES Dans les ann es vingt l appel la main d uvre trang re pour pallier la p nurie d ouvriers dans les grandes industries et le sec teur agricole ne parvient plus enrayer les causes end miques et 1 Benjamin Stora La gangr ne et l oubli La D couverte 1991 p 23 2 J Pluyette 1930 cit par G rard Noiriel Le Creuset fran ais Seuil 1988 p 118 3 G rard Noiriel Le Creuset fran ais op cit p 118 4 Ibid p 118 119 structurelles de la baisse d mographique de la France de 1918 Plu sieurs tentatives d introduction de populations trang res sont effectu es pour repeupler le pays et revitaliser le secteur conomique L id e qu il faut une politique de gestion concert e de l immigration qui ne se r duise pas au simple recrutement de la main d uvre trang re commence trouver audience dans les partis politiques le mot immigration passe alors da
26. quement d finis qu il est plus convenable si l on en croit les juristes eux m mes de parler d esprit de la la cit que de lois la ques Si on s accorde penser qu on n applique pas les lois la ques mais que l on en interpr te les principes alors qu est ce qui guide ces interpr tations L islam n est pas vide de toutes repr sentations bien au contraire et la recherche historique d l ments t moins de sa pr sence tout au long du si cle nous montre combien la place qu on lui attribue est li e son statut politique et symbo lique selon les poques Pour l apercevoir une autre forme de com paraison peut tre op r e celle qui consiste non pas regarder l tat d en haut mais d en bas au niveau des r gions L exploration des pratiques locales de gestion des populations trang res permet d chapper au discours national qui occulte les sp cificit s r gionales Bien entendu et ceci explique sans doute les raisons pour lesquelles ce niveau a t peu tudi un tel choix com porte des risques commencer par celui d tre contest par la fai blesse des sources qui tayent sa pertinence Si en effet les discours officiels qui confortent l id e de l existence immanente d un mod le d int gration r publicain et contribuent ainsi d finir l identit fran aise sont nombreux il n en est pas de m me de ces contre discours qui ont pourtant t d une grande efficacit
27. sieurs Nadi cercles d du cation Ces cercles tendance religieuse o jeux de hasard et boissons alcoolis es sont interdits ont pour but de poursuivre l ducation intellectuelle morale et sociale des Musulmans r sidant dans la r gion parisienne On y fait r guli rement des cours de langues arabe et fran aise des causeries des conf rences morales et religieuses Les oulama ennemis du fanatisme enseignent avant tout les principes du Coran v ritable code de vie Ce type d as Conf rence de l Union des organisations islamiques de France en 1994 Farido Sabo IM m dia 9 Jean Jacques Rager Les musulmans alg riens en France et dans les pays islamiques Paris Belles Lettres 1950 p 207 b Musulman d signait une minorit mais ne devait jamais recouvrir une appartenance religieuse Et si l on tol re pour l islam quelques entorses la la cit sur les territoires coloniaux ce n est que pour conforter les musulmans en tant que minorit sociale et politique 10 Centres cr s par le comit des amiti s africaines dans de nombreuses villes de France une cinquantaine et d Afrique du Nord 11 Recham Belkacem Les musulmans alg riens dans l arm e fran aise 1919 1945 L Harmattan Paris 1996 sociation pouvait en effet convenir assez bien la politique d du cation de l poque Ces cercles auraient par exemple servi de relais aux anciens SAINA
28. stes vaille suscitait scepticisme voire refus qui les accompagnaient ont elles Peu peu je me rendis compte que je perdur longtemps menais deux investigations en paral sp cialement dans le traitement l le accumuler des informations his des popu lations coloniales toriques tout en essayant de com prendre pourquoi tel chemin devenait impraticable pourquoi telle piste ou telle autre refusait d tre d poussi r e pourquoi y compris dans les milieux musulmans on s int ressait plus aux d couvertes arch ologiques musulmanes du Moyen ge qu une mosqu e de 1945 Que pouvait r v ler de l histoire pass e cette sorte d amn sie col lective et quelles incidences pouvait elle avoir sur la fa on de traiter des affaires musulmanes aujourd hui LE MYST RE S PAISSIT En ce jour de l A d on remarquait la pr sence de personnalit s du monde politique militaire conomique et religieux local pr fet de la Gironde maire de Bordeaux s nateur conseiller g n ral colonels et autres officiers de l arm e fran aise pr tre et imam La pr sence militaire y apparaissait largement majoritaire le p re de Jabrun et l adjudant chef Lecointe s taient distingu s durant la guerre dans leurs actions de r sistance en faveur des humbles et des Nord Africains Cette c r monie semblait s adresser tout sp cia lement aux anciens soldats nord africains accompagn s de leur
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