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SUIVRE LA LUMIERE BLANCHE

1. il avait pass toute une batterie d examens Il b n ficiait toujours malgr ses nombreux carts d une insolente bonne sant Il perdait l app tit restait clo tr chez lui Sa famille ses amis inquiets ne parvenaient pas le faire sortir de cette apparente torpeur II finit par dispara tre Longtemps on privil gia la th se du suicide mais les importants r seaux auxquels il appartenait ne d couvrirent rien Un jour pourtant on crut tenir une piste celle d un SDF v tu en Versace C tait d autant plus surprenant que tous ses v tements taient sigl s au nom de Ludo On soup onna un meurtre La garde vue prolong e du pauvre bougre ne donna rien Il ne d mordit pas de ses propos on lui avait remis cette belle veste chez Emma s o ses d clarations furent d ailleurs confirm es et compl t es par le t moignage de quelques b n voles de l association qui racont rent avoir re u un jour plusieurs malles de v tements remis par un g n reux donateur dont la description hormis la taille et la couleur des yeux ne correspondait en rien celle du jeune dandy Il s agissait bien d un trentenaire mais il tait d crit comme chauve et porteur d une longue barbe Ses v tements surtout avaient frapp les b n voles On tait au d but de l hiver Chauss de sandales us es il portait une p lerine de bure qui le prot geait difficilement du froid Vrai avec un b ret et des lune
2. je pouvais mettre les pieds la place des mains sur les lignes Etait ce en lien avec le fait qu cet endroit pr cis le texte avait pris une forme po tique et que donc on pouvait compter les pieds des vers Toujours est il que dans une sorte de pieds pieds cette position m offrait du recul et que je lisais beaucoup plus vite en ayant une vision plus globale Combien de temps mis je pour atteindre le mot fin je n en ai aucune id e ce moment pr cis et comme je m appr tais clamer un ouf d finitif de soulagement les v nements se pr cipit rent et ma situation empira brusquement Le livre se referma brutalement sur moi et se mit se contracter comme s il voulait me dig rer J avais d couvert que la lecture peut tre le contraire d une vasion voici maintenant que je d couvrais ersatz du Reader Digest la digestion du lecteur Perdu au milieu de contractions de plus en plus violentes je percevais d ailleurs cette lecture comme de plus en plus indigeste La naus e me prit grandit grossit jusqu me faire expulser le trop plein de mayonnaise et de mousse au chocolat ingurgit es au souper Qu est qui t arrive mon poussin J ai vomi Je vois bien Regarde moi a tu m en as mis partout Des draps tout propres chang s ce matin Je t avais bien dit que tu mangeais trop hier soir Quelle id e j ai eu de te faire une mayonnaise pour accompagner le reste de r
3. I tituba et Svetlana dut le soutenir a va pas C est rien a va passer tu veux bien prendre le volant Ils rentr rent sur Paris le soir m me Tandis que la Porsche cabriolet jaune franchissait le p age il songea au v u de la religieuse Certes ils avaient de la route faire mais ce bon voyage lui paraissait vraiment bizarre Les deux amants venaient de passer quinze jours intenses avec au menu farniente visites de sites prestigieux promenades en bateau restaurants gastronomiques et surtout de vibrants corps corps Ils se s par rent sur les Champs lys es Ludo ne revit pas Svetlana C tait coutumier Il passait ainsi d une conqu te l autre Conqu te est un euph misme car il lui tait ais de s duire de belles et ravissantes jeunes filles Comme disait Coluche il vaut mieux tre beau riche et en bonne sant que laid Il avait un faible pour les mannequins de renom Il les additionnait un rythme plus effr n que celui des collections des grands couturiers dont il fr quentait assid ment les d fil s Il ne v nt pas celui de chez Dior ni m me au suivant On ne le vit plus en galante compagnie On ne le vit m me plus du tout Quelque chose s tait comme bris en lui Des bouleversements profonds avaient chamboul tout son tre Ses centres d int r t s taient effrit s les uns apr s les autres sexe voitures alcool fringues Se croyant malade
4. L IMAGE VOL E No l Liotard Tu ne peux pas rentrer comme a Attends moi dehors ce ne sera pas long Ludo venait de signifier Svetlana belle blonde slave la jupe trop courte qu elle ne pourrait rentrer avec lui dans la Basilique Saint Pierre de Rome Lui Ludovic trentenaire flambeur h ritier d une des plus riches familles fran aises l gamment v tu d une veste safari de chez Giorgio Armani bermuda de chez Gianfranco Ferr sandales en cuir de chez Gucci Le beau brun au teint h l par quinze jours de vill giature p n tra dans l ombre rafra chissante de l glise H dit il surpris d tre soudain bouscul La coupable une bonne s ur tout de noir v tue s loignait sans lui pr ter attention Ludovic encore h b t ne fit pas tout de suite le lien en ramassant l objet par terre C tait une image pieuse sans doute tomb e du br viaire de la servante de Dieu Raccordant enfin les l ments il faillit appeler Outre qu elle tait un peu loin il la trouvait fort impolie Il rangea l image dans sa poche Sa visite de la c l bre Basilique fut br ve Il voulait juste photographier la piet de Michel Ange En sortant il croisa de nouveau la route de la religieuse Buon Viaggio lui ass na t elle avec un sourire aussi surprenant que l avait t son coup d paule ce moment il f t saisit d un sentiment trange une sorte de malaise I
5. ange image Ath e inv t r il avait d abord essay de s en d barrasser Poubelle WC rivi re rien n y avait fait toujours l image r apparaissait chaque fois sous des traits nouveaux Il eut droit Bernadette Soubirou aux quatre ap tres vang listes Saint Antoine Il tenta m me d abandonner Saint Michel sur le mont qui porte son nom Il y s journa quatre jours et en revint transform l image de Saint Fran ois pr cieusement rang dans un missel trouv dans l abbaye Enfin apr s avoir termin sa mue chez les franciscains et s tre compl tement fondu dans la cr dulit des fid les l glise catholique et apostolique il avait quitt la France Son d part pour l Afrique n avait pas t induit par un go t pros lyte mais par un besoin compassionnel presque compulsif que ce continent berceau pr tendu de l humanit lui avait permis d assouvir Son sacerdoce cette vie sacrificielle s achevait de fa on mis rable tel qu il lavait choisi pour tre au plus pr s des compagnons humains qu il tentait d aider en les aimant ou le contraire Ahmed dix ans s introduisit furtivement dans le dispensaire Apr s avoir inspect l espace de quelques agonisants il s int ressa celui plus prot g de l homme blanc On n chappe pas facilement aux r putations et au pr t penser Ludovic reposait seul inconscient Son menu bagage et ses v tements n ayant rien offe
6. lus romantiques comme ce rocher surplombant une sauvage cascade o je m attardais les pieds dans le vide ou plus risqu m me comme ces feuillets de bandes dessin es cach s dans un cahier en classe et qui m avaient valu une m morable gifle ou encore quand plus tard devenu adulte j occuperai le temps d un don de sang lire un magazine Fa on pr tentieuse de dire m me pas mal Mais imaginer me retrouver lire d guis en Tom Pouce prisonnier d un livre g ant Ce livre vivant me for ait avancer de ligne en ligne et peu peu je d couvrais une sorte de mode d emploi Les seules pauses qui m taient autoris es correspondaient aux fins de phrases Si par chance je tombais sur des points de suspension j y restais suspendu quelques instants plus longs pour reprendre mon souffle Ailleurs point de r pit m me les virgules ne supportaient pas d arr t le tenter c tait risquer l apostrophe Je profitais des points d exclamation pour pousser un tr s fort ouf anticipant le point final Quant aux points d interrogation inutile d esp rer les questionner sur le pourquoi et le comment de ma situation Au bout de trois pages laborieusement d couvertes et qui se tournaient d elles m mes lorsque je les achevais je d couvris une m thode plus rapide et plus confortable Au moment o le livre dans une esp ce de mouvement de trampoline me ramenait en haut de la quatri me page je m aper us que
7. rt d int ressant le regard vif d Ahmed se porta sur le poing serr de Ludo d o d passait un coin de papier Alors qu il s appr tait le forcer se desserrer celui ci se rel cha naturellement laissant tomber l image de Saint Fran ois Un bruit de pas fit sursauter le jeune gar on qui ramassant prestement l objet s enfuit en courant Ludovic murmura en souriant Buon Viaggio Le sourire demeura fig sur son visage tandis qu il rendait l me du moins l esp rait il Dieu labri sous une pave calcin e de v hicule tout terrain Ahmed d couvrit l objet insolite il s agissait d une image repr sentant la main de Fatima Allahou Akbar dit il en rangeant son pr cieux butin au fond de sa poche D LIVREZ MOI No l Liotard Tu vas attraper des h morro des Combien de fois n ai je pas entendu cet avertissement de la bouche de ma douce et gentille maman C est vrai que s journer aux toilettes un long moment n est pas forc ment recommandable Mais quand la passion de lire vous emporte les d bordements les exc s et autres fac ties ne doivent pas surprendre C t exc s je poussais le bouchon un peu loin Passe encore de lire dans les toilettes c est banal Mais quand en guise de toilettes il s agissait d une cabane en bois dont le plancher tait constitu de deux planches suffisamment espac es pour pouvoir s y d sencombrer les intestins vou
8. s avouerez que c est d j plus surprenant Ajoutez y des pisodes nocturnes la lueur d une lampe de poche avec l habilet n cessaire pour ne pas risquer de perdre celle ci ou le livre accompagnateur dans les ab mes miasmatiques de ces WC de campagne J avais dix ans et la campagne tait altilig rienne A l poque je lisais surtout des bandes dessin es et des revues sportives Je lisais en d f quant comme d j expliqu mais encore en mangeant ce qui tait compl mentaire Enfin je lisais en m endormant du moins avant de dormir Et quand la passion l emportait sur le sommeil surtout quand il s agissait de romans d aventures je transformais mon lit en caverne que ma lampe de poche emplissait de son halo pr cieux Tu lis trop tu vas t ab mer les yeux Encore un conseil suivi de peu d effet Je m enivrais de livres on pourrait dire s enlivrer puisque il s agissait bien de se livrer aux livres Si je n tais pas tr s vari dans mes choix litt raires je me montrais tr s inventif dans mes fa ons de lire assis couch debout accroupi genoux sans que ce soit une attitude religieuse m me si lire tait est toujours pour moi comme aller la messe D ailleurs j appr ciais beaucoup le silence pais et le calme profond des glises o il m arrivait de trouver refuge un livre sous le bras Un soir o j accomplissais ce rite de lecture pr c dant l endormissement j pro
9. ti et surtout de te laisser finir la mousse au chocolat Moi j tais bien trop content de la disparition de ce cauchemar pour m attarder sur des d tails aussi futiles Une fois lav et chang comme il tait un peu tard pour remettre le lit en tat je terminais la nuit dans la couche parentale dont mon p re travaillant en d placements tait provisoirement absent L le corps et l esprit d livr apais je m endormis enfin du sommeil du juste Cet pisode ne me d couragea pas de mes int r ts livresques mais m incita consid rer l exc s de gourmandise avec m fiance et qu il tait moins dangereux de d vorer des livres qu une mayonnaise au chocolat
10. ttes on aurait cru coir l abb Pierre d clara encore tout mu le chiffonnier Gaby tout en se d lestant du lave linge qu il portait seul C est dire que ce passage avait marqu Pendant plusieurs ann es plus aucune trace de Ludovic ne vint renseigner sa famille qui r sign e avait entrepris les d marches pour organiser la succession de celui qui occupait une place importante dans la hi rarchie entrepreneuriale familiale Une carte postale du Niger parvint un jour la m re de Ludovic Elle tait ainsi libell e Ch re maman ma vie s ach ve qui fut tr s belle Je t aime Il faisait une chaleur moite tropicale dans ce coin isol du dispensaire nig rian de Tchiroc rine Allong sur un lit de camp Ludovic retrouvait un semblant de conscience Quinze ans s taient coul s depuis son d part de France Auparavant il avait s journ pr s d un an dans un couvent de Franciscains Il y avait fait l apprentissage des vertus qu on pr te cet ordre aust rit chastet pauvret fraternit Fr quemment caress e du bout des doigts pr cieusement abrit e au fond d une poche se trouvait une image pieuse Elle repr sentait Saint Fran ois d Assise Quand il lavait ramass e Saint Pierre de Rome c tait celle de Sainte Th r se de Lisieux Apr s que les m decins l aient d clar sain de corps pas forc ment d esprit Ludovic s tait int ress de plus pr s l tr
11. uvai un sentiment trange Mes oreilles bourdonnaient ma t te tournait et ne pouvant me concentrer sur l acte de lire je d cidai de dormir La nuit pensai je pourvoirait dissiper ce malaise C est alors que la chose se produisit Le livre que je venais de poser sur la chaise en paille qui servait de chevet se mit grandir de fa on d mesur e Il grandit jusqu occuper tout l espace disponible dans cette pi ce polyvalente qui servait tout la fois de cuisine de salle manger et de chambre Plus qu une pi ce vivre un endroit tout faire o tr nait un de ses lourds fourneaux la fa ade joliment maill e Quand il ne put plus grandir c est moi qui me mit rapetisser jusqu me retrouver dans une chelle de un dixi me Petit bonhomme d peine quarante centim tres j tais maintenant gar au beau milieu des pages d un livre de cinq m tres par quatre Ce livre vivait et les lignes qui garnissaient ses pages taient comme autant de fils tendus auxquels je m accrochais pour viter de tomber Mais une force implacable m imposait de me d placer le long de ces lignes Effectuant en m me temps un fastidieux travail de d chiffrage de lecture lin aire j avais l impression de r apprendre lire en syllabant comme un d butant Dieu sait si j en avais utilis voire imagin des endroits incongrus pour lire des plus banaux comme la voiture l autobus le train d autres p

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