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Le Serment d`Hippocrate et les sources philosophiques de l`éthique

1. 54 Ph don 67 c d 55 Aristote De l me 412 a 56 Marc Aur le Pens es Il 11 51 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 57 Cf l article de Michael Nuroc dans le Dictionnaire de la pens e m dicale p 961 et suivantes Les termes r animer et ressusciter ont une origine antique mais le mod le proprement dit de la r animation tabli partir de l examen de la notion de mort subite au 18 eme si cle ne s imposera en tant que sp cialit de la m decine qu au milieu du 20 me si cle 58 Cf Aristote De l me Il 434 a 59 Platon Ph don 62 a b Que Zeus s y retrouve r pond C b s 60 R publique 406 b 61 d 407 c d 62 Cf Aristote thique Nicomaque V 10 63 Cf Ruwen Ogien L thique aujourd hui maximalistes et minimalistes Paris Gallimard 2007 64 Plutarque Des notions communes contre les stoiciens Les Belles Lettres Paris 2002 XVIII 52 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 65 Alain Badiou op cit p 55 66 Cf R publique 405 c
2. activit m dicale a pour but d abord de manifester la solidarit de l humanit envers ceux qui souffrent ensuite de tout faire pour assurer aux malades les traitements les plus adapt s leur cas enfin d alimenter en toutes circonstances les comptes en banque du corps m dical mais personne ne songera appliquer un pareil sch ma l exercice de la m decine Pour prendre un autre exemple de cette union de la morale et de l int r t qui est souvent au centre de la d ontologie je citerai pour changer de champ d activit et de pays deux pr ceptes du pr sident de la soci t Olivetti Bruno Lamborghini Voici le premier Le d fi pour l entreprise est de veiller servir d exemple Et il faut dire le second tout de suite apr s sans temps mort une bonne conduite est la condition d une expansion continue On voit bien la d limitation entre d ontologie et thique quand il y a des h sitations sur les choix faire pour respecter la d ontologie d s que s engage un d bat d s qu appara t une interrogation sur les valeurs et le devoir ou une r flexion sur la mise en uvre de normes port e universelle on se trouve dans la sph re de l thique Il existe des thiques professionnelles que leur objet particulier et leur caract re r gional font appara tre voisines de la d ontologie mais elles s en distinguent radicalement par la fonction critique qui s y exerce Se demander au nom de vale
3. assistance qui lie le m decin son patient Dans toute cette affaire les partisans de l id e d un droit de mourir avaient repris globalement les analyses de Hume pour qui mourir est en effet un droit pour celui qui endure une infinie souffrance et de Stuart Mill qui voit dans le suicide une d cision personnelle li e une peur de la mort qui fait partie de la vie Or ces points de vue ont t ceux de la philosophie antique jusqu la fin de l Empire romain On les trouve chez S n que sous la forme d une justification du bien mourir par le souci d viter de vivre mal Du reste l euthanasie d abstention faisait partie aussi comme nous l avons vu de l thique du m decin grec ind pendamment du 39 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Serment Qui n interdit pas l abstention elle m me mais seulement la prescription de produits l taux ou le conseil qui pourrait orienter le malade vers leur usage Sur la limite si fragile qui s pare les deux formes l une active et l autre passive de l euthanasie l h sitation et le doute de l thique moderne sont la r plique parfaite de ceux du monde antique L euthanasie passive a ses racines dans lunivers hippocratique Les m decins de l Antiquit se refusai
4. d sert m dical L article 2 fixe les obligations envers la confr rie et les contreparties dues par l imp trant au titre de la formation qu il a re ue Les suivants traitent de la pratique m dicale et arr tent un certain nombre de r gles relatives la conduite du praticien en mati re de chastet et de secret comme pas d uvres amoureuses sur le corps des femmes des hommes libres et des esclaves article 7 et secret sur ce qui est vu et entendu au domicile du malade article 8 travers la visite du m decin au domicile du patient c est en quelque sorte la m decine elle m me qui rencontre la cit dans sa dimension intime Se d clinent alors dans le lien entre le m decin et le malade l innocence et la puret dont l article 5 a fait des fins ultimes Il faut surtout remarquer comment dans l article 5 expression de la quintessence notre analyse se trouve confort e il ne porte pas sur des conduites mais exclusivement sur des valeurs que le m decin doit viser conjointement dans son existence bios et dans son art techn Les serments plus ou moins loign s du texte grec initial que pr tent aujourd hui les nouveaux m decins dans de nombreux pays du monde alors m me que l action m dicale est strictement encadr e par les lois des codes et des r glements correspondent justement cette fonction thique et non pas d ontologique qui est d j dans le texte hippo
5. inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 savoir pour juger que pour faire L interpellation du possible Par ailleurs les progr s des sciences et des techniques qui accroissent sans cesse le pouvoir des hommes sur le cours des choses ont d multipli de fa on concomitante le questionnement thique Plus nous sommes ou plus nous pensons tre ma tres et possesseurs de la nature selon la formule proph tique de Descartes et on sait que Descartes attendait tout de la m decine du futur 10 plus les techniques auxquelles nous recourons sont innovantes et audacieuses plus s exerce une libert qui appara t sans limite et plus la d marche thique semble recevoir de justification et d aliment Car la fonction de l thique est fondamentalement la mise en cause d un pouvoir et son interpellation au nom de valeurs qu on juge un moment donn sup rieures L thique repose sur l id e que le possible ne s identifie pas au souhaitable et qu il existe une grande diff rence entre tre en mesure de faire ceci ou cela et pouvoir en r pondre Nous pouvons en ce sens d finir l thique comme une 8 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 interpellation du possible au nom de
6. ration Certes les avis de comit s d thique sont n cessaires du fait qu aucun acteur du soin ne peut lui seul ma triser la totalit des savoirs et des l ments de r flexion en cause Les avis du Comit National d thique par exemple se situent la jonction des techniques biom dicales des id aux et des normes morales 68 et ils expriment parfaitement l interpellation du savoir et du pouvoir au nom du devoir dont nous avons parl Il est d ailleurs normal que des tats de droit tablissent une r glementation que la m decine et le droit se doivent d clairer et de pr parer N anmoins ce qu on appelle en France lois bivo thiques de 1994 ou de 2004 sont des textes qui autorisent interdisent organisent et d finissent en termes r glementaires les pratiques dans des secteurs de pointe comme la recherche sur l embryon la transplantation d organes etc Cette l gislation m me si elle s est fond e sur un questionnement thique s exprime en codes et en injonctions de sorte que le mot bio thique est employ en fait pour 41754 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 biod ontologie ou biol gislation la fin d une communication sur humanisme m dical l Acad mie de M decine la premi re questi
7. sence de tout cela il lui faut une compl te ma trise de soi 35 R gle d honn tet ensuite dans Pr ceptes honn tet c est de ne pas accepter de soigner lorsqu on ne pense pas avoir pour le cas qui se pr sente toute la comp tence voulue Le m decin doit rester dit le texte un enfant de l art outrepasser sa comp tence c est commettre une forme sp ciale d injustice un viol du contrat tacite qui relie le praticien au malade confiant 36 L humilit est aussi une vertu n cessaire au m decin le trait pid mies rappelle qu il est le serviteur de l art et non son ma tre il doit rester soucieux de v rit et exigeant en appeler si n cessaire d autres que lui et savoir reconna tre ses checs ou son inexp rience 37 On n en finirait pas de recueillir dans le corpus les r gles relatives la conscience professionnelle au travail bien fait au refus de toute n gligence la douceur l affabilit au d sint ressement la retenue la biens ance et par biens ance c est dire ce qui convient 22 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 il faut comprendre ce que la raison commande de faire Il existe m me plusieurs textes d conseillant au m decin t
8. 07 F vrier 2012 00 00 Il est vrai que la m decine en un sens ne nous semble pas directement concern e par cette question du suicide Un grec se donne la mort tout seul par le poison en se jetant dans le vide ou en utilisant une arme et les raisons li es l tat de sant ne sont pas les plus fr quentes La motivation tient davantage une conception de la vie un ressenti de la qualit du v cu il s agit non de vivre mais de vivre bien dit S n que dans une des plus c l bres de ses Lettr es Lucilius On sait d ailleurs que le mot euthanasie avait en Gr ce ancienne un sens tr s diff rent de celui qu il a aujourd hui o il d signe le fait de procurer une mort indolore et o il traduit au fond le caract re insupportable de la mort pour les vivants le refus d une d ch ance incompatible avec l image lisse jeune et bien nourrie que nous nous faisons de l homme et de ses droits Aujourd hui le d bat sur l euthanasie pose en clair la question quand et comment au nom de l id e qu on se fait du bonheur peut on tuer quelqu un 65 Mais euthanasie Contrairement d ontologie est un terme authentiquement grec qui se rapporte l origine l tat de la personne malade l approche de la mort et qui n est pas corr l avec l action m dicale m me si les drogues effet apaisant taient d j connues au V eme si cle avant J C En grec euth
9. Antiquit convoquait dans ce cas la pens e platonicienne aristot licienne picurienne ou sto cienne etc L thique moderne a fortiori la bio thique n a gu re d autre rep re que la philosophie pour penser l humain dans un subit changement du monde et on ne voit vraiment pas ce que pourrait lui apporter sur ce point une rupture avec la raison m dicale antique dont le futurisme est tabli L thique grecque peut tre interrog e de la m me mani re sur les questions modernes de la fin de vie et de la mort volontaire auxquelles nous l avons vu toute l Antiquit a port un int r t passionn Partout dans le monde ce qu on appelle le droit de mourir s exprime pr sent dans des pratiques et des conceptions tr s variables Aux tats Unis par exemple le droit l assistance au suicide a connu une histoire rebondissements Il avait t rejet par la Cour Supr me en 1997 mais l tat de l Oregon a tabli une loi qui autorise un malade demander son m decin selon une proc dure pr cise de lui prescrire mais non de lui administrer des produits lui permettant de quitter la vie Cette disposition exige entre autres conditions la signature de deux autres m decins attestant que le malade est condamn une ch ance de six mois Par la voix de son comit d thique l American Medical Association s tait prononc e contre une telle possibilit o elle voyait une br che ouverte dans le devoir d
10. Renan on va organiser scientifiquement l humanit Le statut et la fonction de la morale de l thique et de la d ontologie doivent d abord tre pr cis si on ne peut s en tenir au traditionnel parall le selon lequel tymologiquement les deux mots thique et morale d signeraient la m me chose formul e une fois en grec partir de thos et une autre fois en latin partir de mores Certes il s agit dans les deux cas de construire une vie bonne partir des modes de vie en commun des m urs en grec thos d o thikos thik en latin mores d o moralis moralia etc Mais pr sent morale r sonne comme plus aust re et au contraire thique qui voque moins que morale l id e d obligation est plus attrayant et plus tendance Quant d ontologie il est clair que malgr l tymologie d apparence grecque et elle n est grecque que dans la mesure o le mot sert de cheval de Troie d une moralit pseudo antique 0 c est une cr ation lexicale r cente qui renvoie l id e 5 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 rassurante d un syst me pr tabli et codifi d obligations et d interdictions En fait la d ontologie est le plus souvent un substitut ambigu de la morale et de l
11. Tom L Beauchamp et James F Childress Les principes de l thique biom dicale Paris Les Belles Lettres 2008 5 d p 13 6 Cf sur ce point l excellente ntroduction la philosophie occidentale de Pierre Jacerme Paris Agora 2008 7 Cf Platon Th t te 146 c d 8 Cf par exemple Banquet 220 e ou bien Gorgias 490 e 491 a L int r t platonicien pour la techn faiblira apr s la R publique lorsque la math matique aura finalement remplac la m decine en tant que mod le du savoir et de la comp tence 45 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 9 Le m decin est avec le pilote de navire un repr sentant de ces arts du salut dont fait partie la politique art royal Cf dans J Lombard Platon et la m decine le corps affaibli et l me attrist e Paris L Harmattan 1999 la place faite par Platon la techn m dicale en raison de sa dimension thique dans une recherche qui est avant tout politique 10 La m decine est un domaine o tout ce qu on sait n est rien comparaison de ce qui reste y savoir dit il dans le Discours de la m thode 6 partie uvres et Lettres Gall imard Paris 1952 p 169 11 Sur l expos de l thique de P Ric ur cf Soi m me
12. c est dire savoir faire et non savoir total que la m decine grecque a g n r une thique une techn suppose des ajustements au r el et donc des d lib rations par opposition au syst me d ductif et donc sans d lib rations que serait la science le niveau sup rieur du savoir celui que les Grecs appellent pist m 13 OU bien par rapport au syst me juridique qui est un l ment constitutif du code d ontologique qui tend aujourd hui de plus en plus se substituer l thique Le droit qui s exprime dans la r glementation et dans les divers codes forme un mode de r gulation de la m decine moderne travers un appareil juridique et un syst me explicite de sanctions et c est si paradoxal que cela puisse para tre autant de terrain perdu par l thique qui repose non sur les r gles du droit et le discours imp ratif de la l gislation mais sur la d lib ration d un agent moral en fonction de normes g n rales La diff rence est essentielle pour au moins deux raisons L une tient aux terrains d assiette non superposables de la r glementation et de l thique Ainsi aucune loi ne nous oblige nous montrer attentifs notre prochain et aucune loi ne nous interdit de trahir nos amis 14 Ignorer la souffrance des autres et trahir un ami sont des attitudes inacceptables mais elles sont g n ralement l gales La seconde raison est que du fait m me de l objet sur lequel elle s exer
13. de l aide la procr ation d une part et celle de la fin de vie d autre part L thique grecque permet une diff renciation morale entre plusieurs sortes de contraceptifs ceux qui emp chent l ovulation ceux qui emp chent la conception spermicides diaphragmes pr servatifs et ceux qui emp chent l implantation de l embryon Tout d pend du statut accord l embryon puis au f tus et de la d finition de la grossesse notions que l Antiquit avait r ussi penser Le m decin antique disposait de tout ce dont il avait besoin pour prendre une d cision clair e Aussi bien ces situations devaient tre assez courantes puisque la loi antique n interdisait ni la contraception ni l avortement et qu une appr ciation de la demande en fonction de l tat de sant et des motivations de la patiente d une part et des convictions du m decin d autre part tait donc possible Cela constituait une authentique situation thique par opposition l application de r gles d ontologiques L thique grecque a consid r qu il tait possible et parfois m me recommand de d sob ir en affirmant sa libert de choix du moins chaque fois qu autrui ne risquait pas d en p tir C est le propre de l thique de mettre en doute une norme au nom d une autre que l on juge sup rieure dans tel ou tel cas pr cis Cependant l thique grecque n avait pas le moyen de penser par avance tous les sujets par exemple la f condation in
14. de l thique Elle l est en effet mais elle l est simplement au sens o s il n y avait pas de morale ou d thique la d ontologie n existerait pas non plus Cependant elle s en loigne tr s vite et finit toujours bonne distance des rivages du royaume des normes comme de ceux de l thique Une d ontologie en effet est une thique de nature professionnelle et elle est par cons quent conditionnelle et particuli re appuy e sur des valeurs qui la diff rence de l universalit de la morale sont la mesure d un m tier donc d une activit et d un contexte d termin s Elle est une th orie des devoirs positifs ou n gatifs rassembl s dans un code sp cialis qui traite non pas des principes comme tels mais du permis qu elle d limite du prescrit qu elle recommande et du d fendu qu elle condamne et promet une sanction En pratique une d ontologie est un 13 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 code de l interdit et de l obligatoire les deux p les qui dans le syst me de la modernit encadrent et enserrent la libert ne la tol rant finalement que r siduelle En r alit la d ontologie est le plus souvent une sorte d thique express par laquelle peut tre faite l conomie d un v rit
15. de l Occident depuis la Gr ce ancienne La th se des auteurs selon leurs propres termes est que les textes antiques d thique m dicale ceux qui ont assur la continuit de l thique depuis Hippocrate jusqu au XX me si cle sont bien une mine de r flexions sur la relation entre le professionnel de sant et le patient mais sont inappropri s pour l thique biom dicale contemporaine en raison des avanc es de la biologie et de la m decine Il leur est reproch d ignorer les probl mes concernant la v rit l intimit la justice la responsabilit collective 5 Comment admettre que la philosophie antique f t elle consid r e dans sa seule application l thique m dicale aurait t incapable de penser la v rit et la justice deux id es essentielles longuement analys es dans l uvre de Platon qui a t le premier les noncer conceptuellement au nom de l Occident Quant l intimit Cest une notion qui est pr sente dans quantit d crits du corpus hippocratique Pour ce qui est enfin de la responsabilit collective on est fond se demander comment elle aurait pu chapper ceux qui ont invent et si finement analys la d mocratie moins qu on vise travers le mot collective la pseudo probl matique contemporaine si commune si insipide et si vide du travail en quipe Devant cette suspicion jet e sur la pens e grecque dont m me notre monde tec
16. decin philosophe et donc gal un dieu disait d j Aristote pour parler d Hippocrate 20 soulignant au passage l unit de la m decine et 16 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 de la philosophie qui a si fortement marqu le d veloppement de la pens e et de la science grecques et au del tout le discours m dical de l Occident 21 M decine et philosophie d terminent les lignes de partage entre les diff rents aspects de l aventure intellectuelle de la Gr ce et l histoire de la m decine sera tr s longtemps celle de sa relation avec la philosophie Cela est vrai dans les deux sens En Gr ce la m decine n a t aucun moment un ensemble isol de pratiques de comp tences ou de connaissances Au contraire elle a toujours t une des composantes tr s active et reli e aux autres de la vie culturelle grecque et du d bat sur la science auxquels elle a offert l exemple extr mement pr cieux l poque d une techn la fois hautement sp cialis e se pr tant l analyse des relations entre la pratique et le savoir et capable de se doter partir de cette analyse d un code d ontologique Elle a permis de comprendre comment un savoir lorsqu il est associ une habilet peut contribuer changer la vi
17. l inflation du discours thique d aujourd hui ne peut garantir la moralit des m decins qui le tiennent On sait bien par les crits hippocratiques quelles erreurs quelles fautes quelles perversions m me la m decine grecque a eu faire face Le livre Pr ceptes par exemple comporte une liste des diff rentes formes de charlatanisme qui avaient cours 25 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 43 De nombreux textes mentionnent aussi la cupidit l gendaire de certains m decins Dans Les Oiseaux Aristophane met dans la bouche d un personnage une raillerie significative contre Apollon le patron des m decins qu il aille gu rir puisqu il est gu risseur et qu il est pay pour a 44 Un autre signe indirect est que Soranos d Eph se inventeur de la gyn cologie m decin admirable par son humanit comme en t moigne son magnifique trait des Maladies des femmes Utilise propos d Hippocrate le mot aphilarguros celui qui n aime pas l argent et c est l vidence pour souligner le caract re trop rare et d autant plus exemplaire de la possession de cette qualit L ignorance de certains m decins est aussi soulign e dans plusieurs textes et il s agit de cette ignorance particuli rement gra
18. le dire en termes aristot liciens Ainsi s interroger sur la valeur de la vie ou sur le sens de l action de soigner 3 c est de l thique ant rieure Qui pr c de l action et qui met en cause tel ou tel aspect du royaume des normes Au contraire se demander s il faut prolonger une vie dans telle circonstance ou quelle est la meilleure attitude diagnostique et th rapeutique dans telle situation particuli re avec tels ou tels acteurs ici et maintenant c est de l thique post rieure celle o je confronte la r alit et les d cisions prendre o je m interroge sur le recours que 9 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 je dois faire aux l ments qui composent le royaume des normes L thique se trouve donc toujours d une mani re ou d une autre la jonction des principes et du r el Elle est un mouvement d articulation entre un syst me de valeurs et des donn es particuli res C est ce qui fait que l thique comporte toujours une attitude de questionnement et qu elle ne se r duit jamais purement et simplement un syst me de prescriptions d cid es d avance et enti rement codifiables L est en effet sa fronti re avec la d ontologie Car c est bien en tant que techn en tant qu art
19. m dicale D autre part celui qui pr te le serment co ncide avec les dieux qu il a d abord invoqu s D o l int r t de l appel tous les dieux theous pantas intervenant comme un renforcement absolu compte tenu des dieux nominativement d sign s juste avant Il y a aussi dans le texte un autre renforcement relatif celui l du serment oral horkos par une signature au bas d un crit xugrapph n Apollon est cit comme fils de Zeus et surtout comme p re d Ascl pios car c est ce en quoi il est m decin en plus de son art de la divination exploit Delphes et de sa qualit d alexikakos 24 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 celui qui loigne le mal gt On sait que malgr sa grande beaut Apollon a t plut t malheureux dans ses amours Laissant de c t ses autres d ceptions ne gardons que celle de ses nombreuses liaisons qui concerne la m decine Sa ma tresse Coronis une mortelle est enceinte de lui mais il apprend qu elle le trompe avec un mortel Il envoie sa s ur Art mis pourfendre l infid le de ses fl ches mais il est pris de compassion pour l enfant na tre et il l arrache du ventre de sa m re au moment o le corps de celle ci va tre br l sur le b cher fun ra
20. o la mort de Socrate en ex cution d une sentence judiciaire finit presque par relever en raison des circonstances d une esp ce de logique du suicide Le suicide appara t d abord comme une faute dans la mesure o il contrevient aux th ses orphiques et pythagoriciennes sur le caract re sacr de la vie Dans le Ph don C b s dit avoir entendu Philolaos un pythagoricien notoire soutenir qu il n est pas permis 33 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 de se donner la mort En r alit au fil des dialogues le point de vue platonicien va se modifier Dans la R publique le suicide sera jug acceptable et m me recommand dans un certain nombre de cas par exemple pour les victimes d une affection chronique invalidante lorsqu on souffre d un mal incurable ou d une infirmit irr versible il ne faut pas dit Platon tirer en longueur le jour de se donner la mort 60 La responsabilit de la m decine est engag e si elle va au del des limites qui lui ont t assign es on lit dans la R publique qu Ascl pios a r v l la m decine pour soigner par des moyens prouv s tels que drogues ou r sections des malades en bon tat corporel mais affect s d un mal local 61 et non pas p
21. philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 d id es qui d s l origine a accompagn les avanc es de la m decine La lecture des diff rents crits du corpus hippocratique monte bien qu il existe une sagesse pratique du m decin grec avec d une part la capacit de d lib ration thique bien s r mais aussi avec le respect de la morale qui vaut pour tout patient et tout citoyen et qui rev t une importance plus grande encore pour celui qui a en charge la sant et la vie des autres hommes La bonne conduite du m decin est d crite dans de nombreux trait s Du m decin De la biens ance O encore Pr ceptes comme devant tre conforme des r gles morales Par exemple d abn gation le m decin voit des horreurs il touche des choses r pugnantes et l occasion des malheurs d autrui c est lui qui recueille le chagrin 34 lit on dans le trait Des vents R gle de justice aussi tre galement utile tout malade qu il soit riche ou pauvre libre ou esclave viser la perfection et l quilibre dans la relation avec l ensemble des malades car dit le trait Du m decin dans toutes les relations sociales il faut tre juste les rapports du m decin avec ses malades ne sont pas de petits rapports puisque les malades se soumettent lui et qu en pr
22. que nous appelons pr sent le suicide m dicalement assist Qui est en fait une euthanasie o est simplement chang l agent d ex cution Les questions de la mort volontaire confirment que l exercice de la m decine antique a t soumis une thique fond e sur une philosophie de la nature et sur l exercice clair du jugement Le devoir du m decin n est pas toujours d aller contre la nature quand son dessein est in luctable ce que l art du pronostic si important chez Hippocrate permet de deviner Ainsi s claire le sens du pr cepte ne pas nuire Nuire signifie en fait aller contre la nature Ce qui s applique tout aussi bien selon le cas la conservation de la vie ou son interruption 37 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Pens e antique et questionnement moderne Tel est dans ses grandes lignes l difice humaniste qui a t construit par la m decine et par la philosophie de l Antiquit Cet h ritage nous concerne t il encore r pond il aux besoins de la techn m dicale d aujourd hui Ou bien doit il Serment d Hippocrate en t te laisser la place une r flexion plus moderne Nous avons vu que la pens e grecque peut clairer parfaitement la probl matique g n rale de la contraception et
23. sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 M taphysique de la naissance On peut m me dire plus pr cis ment que l thique a suppos d abord une m taphysique Les valeurs qui s expriment dans le Serment d Hippocrate par l interdiction de l avortement sont la cons quence directe de l affirmation de l existence de l me et de sa pr sence ou non dans le f tus L id e qu une vie f tale vaut une vie adulte va envahir rapidement le champ de l thique m dicale et y instaurer une controverse qui ne cessera plus D s l origine Platon et Aristote qui sont chacun leur mani re h ritiers du pythagorisme abordent diff remment la question de la vie naissante Platon croit une immortalit personnelle il accepte la dualit de l me et du corps et l id e de la transmigration des mes mais il se s pare du pythagorisme par la d finition qu il donne du d but de la vie qui est pour lui moment o l me commence son s jour dans le corps Or cet v nement dit Platon en substance ne se produit pas avant la naissance mais l instant de la naissance De ce fait le f tus n a pas d me il est un corps en attente d me il est dans la situation voqu e dans la R publique avec la sc ne d incarnation que rapporte Er le Pamphilien 49 D truire le f tus n e
24. syst me de soins dont les d veloppements techniques sont videmment tr s limit s Ainsi ce que nous appelons r anima tion n tait pas concevable m me si le vocabulaire lui m me existait 57 Un certain nombre de questions actuelles sont absentes du d bat antique parce qu elles ne correspondent aucune pratique effective De la m me fa on les conceptions de la mort antique n incluent aucun des crit res modernes et l id e de mort c r brale et la notion de coma en dehors de son sens originel de sommeil profond Sont totalement inconnues Seule existe sous l influence de la description aristot licienne de l me la notion encore vague 58 d tat v g tatif La plupart des interrogations thiques modernes li es la chirurgie de pointe au don d organes etc ne sont m me pas imaginables Une autre diff rence non moins importante est l absence dans le monde gr co romain d un cadre l gislatif de l action m dicale qui serait comparable aux dispositions de nos r glements et de nos codes La mort volontairel suicide et euthanasie 32 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Deux questions essentielles relatives la vie et la mort humaine le suicide et l euthanasie occupent n anmoins toute la pens
25. trait dans sa globalit alimentation climat environnement et que la m decine intervient dans le cadre de lunivers 23 Le terme eidos est utilis pour d signer le type d une maladie Il est employ dans cette acception par Thucydide dans La guerre du P loponn se Il 49 24 Platon Ph dre 65 c e 25 Il existe beaucoup d autres emprunts dans un sens et dans l autre On pourra consulter sur ce point W Jaeger op cit pp 3 45 et un aper u historique du chass crois permanent entre la m decine et la philosophie dans J Jouanna Hippocrate Paris Fayard 1992 pp 366 403 26 C est semble t il Diocl s de Caryste au IV me si cle qui introduit ces notions philosophiques dans la m decine 27 Platon Ph don 96 a 99 b Certes l historia a d u Socrate ainsi d ailleurs que la lecture d Anaxagore ce qui explique le cri Adieu la merveilleuse esp rance mais elle d finit le questionnement g n ral de la physique tel que le formule son tour Aristote M taphysique 985 a 48 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 28 Aristote M taphysique 986 a 29 Le phi de pharmakon est la 666 lettre du Serment Le m me double sens du mot est dans le latin potio 30 Cf ce suje
26. 408 c 67 Ruwen Ogien La vie la mort l tat Paris Grasset 2009 68 On peut se reporter par exemple aux belles tudes que sont le n 106 Questions thiques soulev es par une possible pand mie grippale ou le n 107 Les probl mes thiques li s aux diagnostics ant natals 69 Alain Badiou op cit p 56 70 Abel Olivier Autres Temps Les cahiers du christianisme social N 15 1987 p 3 La difficult trouver le premier mot de la premi re le on d thique vient probablement du fait que sauf tre consid r e comme le catalogue choisi et compar des morales pass es l thique ne s enseigne pas comme un savoir positif 71 La naissance de la philosophie correspond justement une r orientation de la pens e vers la r flexion thique les affaires humaines dit Socrate partir d une mise l cart de l tude de la nature r put e ne rien pouvoir apporter l thique 53 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 54 54
27. Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 CONF RENCE Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale Jean Lombard 1 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 e mot thique sugg re la fois l antiquit et la modernit il nous renvoie tout autant l origine lointaine du discours moral qu l extr me actualit Dire l thique c est voquer la g n alogie de la pens e remonter vers une dimension oubli e et presque mettre nu les structures de l Occident comme dit le juriste et psychanalyste Pierre Legendre A1 Mais dire l thique c est aussi d signer quelque chose qui est devenu omnipr sent et comme triomphant Badiou note que ce mot d thique Qui sent si fort son grec ou son cours de philosophie qui voque l thique Nicomaque Un best seller fameux est sous les feux de la rampe et que l thique venue tout droit de l Antiquit est maintenant pl biscit e sur le tard Elle fait un peu penser en ce sens une vieille fille r sign e qui devient sans comprendre pourquoi
28. able d bat thique Il n y a plus de contenu intrins quement moral dans les codes de d ontologie une fois qu a t accompli le travail de formalisation des r gles qui fixe les rapports entre un professionnel et un usager ou entre une action et son principe ainsi que le prix payer en cas de transgression de ces r gles Au d part c est sur des valeurs morales universelles que semblent reposer dans tous les codes de d ontologie les obligations et les interdictions qui sont faites aux professionnels elles sont d finies par r f rence des id aux d honn tet d honneur de loyaut de respect etc Mais ce n est pas par ce fondement moral qu une d ontologie s impose la preuve en est que lui d sob ir ne conduit pas prouver un sentiment de culpabilit un regret un remords ou quelque autre trouble de la conscience mais tre sanctionn par l instance qui a re u ce pouvoir c est dire s exposer une contrainte ou une d sapprobation essentiellement sociale Les r gles de la d ontologie qui sont de nature juridique et non pas morale exercent une fonction tr s diff rente de celle de l thique et m me en un sens une action contraire alors que l thique est questionnement r flexion usage critique de la raison quand ce n est pas subversion ainsi que nous l avons entrevu la d ontologie est un syst me de valeurs d j arr t es un code fixe d arbitrage dans les situations d fini
29. abord sur le m me plan que la cordonnerie chacune tant une certaine sorte de savoir sur pied d galit avec l autre jusqu ce qu on tablisse ce qu est vraiment une science et que la cordonnerie se trouve alors d class e FAI C est en tant qu elle va tre soumise des r gles que la m decine plus que toute autre techn retiendra l attention de Socrate 8 Platon comme on sait tente de trouver dans la comp tence et dans la moralit du m decin des r f rences et un concept de la comp tence qui permettraient la philosophie de penser les qualit s requises par le gouvernement de la cit 9 La philosophie a t d s ses d buts une mise en concepts du monde Mais l thique m dicale est aussi premi re pour d autres raisons qui tiennent aux enjeux de l intervention du m decin et au champ d action tr s particulier dans lequel elle s exerce l angoisse la souffrance le risque vital la peur de la mort renvoient des responsabilit s minentes qui touchent la personne humaine et qui exc dent de beaucoup la simple recherche de l efficacit ou le seul respect d une m thodologie qui pourrait autrement tre indiff rente son objet De fait l thique et la d ontologie ont t longtemps des modes de pens e et des syst mes de r f rence ins parables de la pratique de la m decine qu elles ont fini par symboliser En ce sens voquer une d ontologi e dans quelque domaine qu
30. acult de m decine travers le monde la question fondamentale qui se pose est celle ci peut elle encore relever de l thique hippocratique du Serment la conserver pour r f rence ultime cette m decine de maintenant qui voit travers le corps par l imagerie m dicale qui est capable de maintenir en vie des patients en tat de mort c r brale qui greffe des organes qui peut recourir aux th rapies g niques et choisir les individus na tre et qui est en ce sens selon le mot de Michel Serres aux commandes de l tre On observe pourtant qu l re de l amniocent se du monitoring f tal et du scanner on n est pas beaucoup plus avanc que la Gr ce antique lorsqu il s agit de d finir le statut ontologique d e l embryon ou du f tus ou de dire quel moment la grossesse commence r ellement la conception lors de l implantation du conceptus ou au moment de la nidation ce qui n anmoins commande tout comme du temps d Hippocrate le refus ou l acceptation sur le plan moral de tel ou tel moyen de contraception ou de telle ou telle intervention de la m decine en mati re de procr ation La plupart des probl matiques contemporaines les m res porteuses ou le suicide m dicalement assist peuvent frapper les esprits par la nouveaut des techniques dont use la m decine mais elles renvoient pour ce qui est des principes et des fins des syst mes conceptuels qui sont pr
31. ad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 86 Pr ceptes 7 37 Littr III c 5 et XI 262 6 38 Cf Mame Sow Diouf L image du m decin dans la collection hippocratique th se d tat Paris Sorbonne 1992 39 L Ayache Hippocrate Paris PUF 1992 p 116 40 Sur les diff rentes formes modernes du Serment voir les annexes de la th se de Christophe Allix P rennit et actualit du Serment d Hippocrate Paris 1993 3 41 Paris Vrin 2009 42 Gallimard Seuil 2011 p 87 et suiv Gortyne est une ville de Cr te o a t retrouv un code juridique droit familial 43 c 7 Littr IX 258 16 44 Les Oiseaux v 584 45 c 13 50 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 46 cf Platon R publique III 406 a et suiv 47 Platon Le Politique 298 a b 48 L article 4 vise une double interdiction de prescrire qui porte d une part sur le pharmakon mortel et d autre part sur le pesson phtorion le pessaire abortif 49 Platon R publique X 621 b c 50 Aristote Politique 1335 b 15 25 51 Cf Aristote De l me 412 b 52 Cf aussi Aristote Histoire des Animaux VII 3 583 b 53 Cf S n que Consolation Marcia 24 4
32. ad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 M decine et philosophie Si on se r f re ces cat gories on est tent de voir dans le Serment d Hippocrate un texte d ontologique Il est vrai qu il comporte une trame d ontologique puisqu il traite des devoirs du m decin envers les confr res les malades les indigents Mais nous allons voir que le Serment est en r alit dans sa version initiale un texte d thique d origine philosophique issu pour tre plus pr cis du pythagorisme Il faut bien comprendre que si la m decine hippocratique disons m me la m decine grecque estime avoir le devoir et le droit de se penser et de se r guler elle m me comme elle le fait dans le Serment ce n est pas parce qu il existerait une sorte de capacit des m decins juger mieux que d autres en raison de leur science et de leur comp tence proprement m dicales ce qu il est bon du point de vue thique de d cider ou de faire pour soigner les patients sauvegarder la sant publique ou contribuer au bonheur de la cit Ce qui fonde l origine la comp tence thique de la m decine c est que l thique est du ressort de la philosophie et que la m decine grecque est alors elle m me une activit philosophique la fin de l Antiquit la c l bre formule de Galien le v ritable m decin est aussi philosophe ne veut pas dire autre chose latros sophos isotheos m
33. agir galement d un choix de vie d un d sir de conserver sa libert la t che d duquer ses enfants tant per ue comme trop contraignante Une autre raison d avorter est le souci d viter les d penses li es l ducation d un enfant On d cide aussi de pratiquer l avortement afin d viter une descendance qui aurait toutes les chances de compter des sujets faibles ou d biles donc la charge de la cit par la suite Il peut s agir galement d une raison li e la r gulation de la natalit importante dans les cit s grecques petites villes tats o la pression d mographique peut devenir rapidement trop forte Faute de pouvoir imposer un contr le des naissances au sens moderne du terme les cit s semblent avoir favoris une natalit adapt e laiss e l initiative priv e c est dire en pratique l avortement ou l infanticide d cid en famille L avortement est aussi dans l Antiquit comme aujourd hui le moyen que propose la m decine pour prot ger la future m re d une grossesse difficile et d un danger pour sa sant ou pour sa vie La distinction de l avortement th rapeutique et de toute autre sorte d avortement tablit une fronti re nouvelle en s parant ce que le m decin peut faire en faveur de la vie de fa on directe par les soins qu il prodigue ou bien de fa on indirecte en supprimant une vie possible pour sauver une vie existante et toutes les autres mani res jug
34. aibli et l me attrist e Paris L Harmattan 1999 43 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Jean Lombard Aristote et la m decine le fait et la cause Paris L Harmattan 2004 Jean Lombard La libert et la sant entretiens avec Ph Ungar CD Radio Suisse Romande Lausanne 2005 Jean Lombard thique m dicale et philosophie l apport de l Antiquit Paris L Harmattan coll ection 0 Hippocrate et Platon tudes de philosophie de la m decinel 2009 Jean Lombard et Bernard Vandewalle Philosophie et soin Paris ditions Seli Arslan 2009 Jean Lombard et Bernard Vandewalle Philosophie pour les professionnels de sant Paris ditions Seli Arslan 2010 447154 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 1 P Legendre L inestimable objet de la transgression tude sur le principe g n alogique en Occident Paris Fayard 1985 p 13 2 Alain Badiou L thique essai sur la conscience du mal Paris Nous 2003 p 15 et suivantes 3 Ethan B Kapstein La croisade pour l thique d entreprise Politique trang re n 3 2001 p 587 4
35. anasie s emploie pour d signer toute action visant procurer une lib ration une fin heureuse Dans ce sens antique la question qui se pose est de savoir si le sujet quitte la vie dans la plus grande paix possible M me si les Grecs n avaient pas comme nous hospitalis la mort ils avaient introduit le principe de non intervention en cas de maladie incurable Un des principes de la m decine hippocratique est de savoir ne pas soigner Ou plus pr cis ment ne pas traiter D abord tout art doit reconna tre ses limites et il est clair que certaines maladies sont hors de la port e du pouvoir m dical Traiter un patient dont on sait davance que le mal est ingu rissable peut aggraver sa souffrance et faire na tre en lui des espoirs qui seront d us II existe des situations o l art ne pourra pas s opposer la nature lorsque la maladie est en quelque sorte pleinement conforme au dessein de la physis il est indigne de l art de pr tendre lui substituer un autre plan Une toute premi re forme d 36 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 euthanasie passive est donc l application ce genre de cas du principe ne pas nuire proclam par les grands textes thiques au nombre desquels l article 3 du Serment qui recommande
36. anit uvres philosophiques t IIl pp 435 441 Dans ce texte c est l universalit du principe juridiq ue qui est voqu e 20 Sophos initi la sagesse savant instruit est l poque grecque classique le mot couramment employ pour d signer les philosophes La philosophie n existait pas comme champ disciplinaire au sens actuel et ses limites taient li es juste ment la place de la m decine et de la science de la nature au sein de enchev trement initial des tentatives pour comprendre le monde et atteindre la vie heureuse 47 154 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 21 Le lien entre les crits hippocratiques et les courants philosophiques fait l objet de l tude du Dr M Klippel La m decine grecque dans ses rapports avec la philosophie Paris 1937 La s paration des deux disciplines aura lieu bien plus tard l poque romaine Cf sur ce point J Lombard Aristote et la m decine le fait et la cause Paris L Harmattan 2004 p 7 et suivantes 22 La n cessit de saisir la nature comme un tout est analys e au d but du trait travers les conseils donn s au m decin arrivant dans une ville inconnue Il 13 L cole hippocratique enseigne constamment que l homme malade doit tre
37. atiquement inchang s depuis leur construction par la philosophie antique On voit bien alors qu il n est pas si facile de r organiser le royaume des normes Permanence d un c t et impermanence de l autre sont peut tre ce qui distingue le mieux l thique et la d ontologie qu on semble parfois confondre et je dirais m me qu on laisse dessein confondre L utilisation d un faux terme grec d ontologie fabrication de circonstance pour d signer ce qui doit ou ne doit pas tre fait d on est ce qu il faut et ce qui convient ou au contraire ce qu il ne faut pas et ne convient pas et l id e d un logos 12 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 du d on est attribu e Bentham au 19 eme si cle 16 entretient en effet l illusion que la d ontologie et l thique ont la m me origine et en quelque sorte le m me ge le m me poids et la m me signification Il n en est rien cependant m me si des textes anciens comme le Serment ont t pr sent s apr s coup comme des trait s de d ontologie En v rit d ontologie et thique repr sentent deux d marches non seulement diff rentes mais oppos es D ontologie et thique express Pourtant dira t on la d ontologie est bien une d pendance de la morale et
38. ce l thique ne peut relever que pour partie de l application de r gles g n rales pr tablies et ind pendantes de la r flexion du moment sur ce que la situation a d irr ductiblement singulier C est vrai de l thique m dicale plus que de toute autre parce que soigner n cessite dans un univers incertain et changeant o r dent la faute l erreur et l al a une pratique permanente de la d cision travers ce que Kant appelle des jugements r fl chissants Kant pose la distinction dans la Criti 10 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 que de la raison pure entre le jugement d terminant celui qui consiste partir d une r gle tablie et l appliquer un cas particulier et au contraire le jugement r fl chissant qui consiste en quelque sorte inventer une r gle pour le cas singulier que l on a traiter En somme soigner implique toujours de juger ce qui est possible Ce qui renvoie des jugements d terminants Mais implique assez souvent aussi de juger ce qui est pr f rable dans une situation si originale qu elle suppose des jugements r fl chissants 15 Il est clair que l thique contemporaine est fondamentalement r fl chissante dans la mesure o elle recherche des r ponses a
39. ce que Paul Ric ur a appel le royaume des normes 11 Il y a en effet une r gion du permis et du d fendu un ensemble de principes auxquels nous nous sentons li s par un sentiment d obligation et c est ce qu on peut appeler globalement la morale La morale est un discours normatif qui se fonde sur l opposition du bien et du mal Elle r pond de fa on imp rative la question que dois je faire L thique est tout autre chose Elle est un travail incessant un chemin vers la vie bonne 12 E lle r pond de mani re fractionn e parpill e dans les situations dont nous nous saisissons presque au vol la question comment vivre mais cette question ne recevra pas de r ponse globale tablie jamais transf rable ou g n ralisable Elle rebondira dans d autres questions singuli res En fait l thique vient dit Ric ur se briser en deux sur la morale dont elle forme la fois l aval etl amont Ily a d un c t en amont des normes une thique ant rieure qui s int resse aux fondement de l action qui s interroge sur les notions et les principes puis il y a d un autre c t en aval des normes une thique post rieure qui vise ins rer ces normes dans des situations concr tes qui joue le r le d une Sagesse pratique permettant de discerner la droite r gle orthos logos dans les circonstances difficiles de l action pour
40. comme un autre Paris d du Seuil 1996 texte repris et modifi dans l article thique du Dictionnaire d thique et de philosophie morale pp 689 694 12 Cf A Comte Sponville Dictionnaire de philosophie Paris PUF 2001 pp 218 219 13 Sur le statut interm diaire entre art et science de la m decine selon Aristote cf J Lombard Aristote et la m decine Paris L Harmattan 2004 pp 23 44 14 Cf sur ce point les analyses de Beno t Dubreuil R guler l thique par le droit Revue Kt sis 46 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 n 21 15 Cf Alain C Masquelet M decine contemporaine et disposition au soin in La philosophie du soin Ethique m decine soci t Paris P U F 2010 pp 214 217 16 J Bentham Deontology or the Science of Morality 1834 R dition par Elibron Classics 2005 17 Extrait du manuel Administration de l tablissement d une caisse de cr dit de Belgique section 2000 p 2 2 18 Cf Kant M taphysique des m urs Il Doctrine de la vertu 9 uvres philosophiques Paris Gallimard 1986 t I p 715 et suivantes 19 Cf la r futation par Kant d une objection de Benjamin Constant dans Sur un pr tendu droit de mentir par hum
41. cratique Aucun article du Serment d Hippocrate n est r ductible son contenu d ontologique en effet 20 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Par exemple l article 3 en appelle au refus de tout mal et de toute injustice d l sei avec l id e de causer un dommage et adiki il ne s agit pas d une consigne mais d un pr cepte de m me qu ensuite dans l article 4 ce n est pas simplement en tant que gestes prohib s que sont condamn s la prescription de poisons ou de dispositifs de contraception pesson phtorion et l aide l interruption de la vie mais en tant qu ils sont incompatibles avec le grand principe moral du respect de la vie Il s agit donc d un choix thique d une direction suivre beaucoup plus que d une r glementation proprement parler 131 De m me la mention du r gime diat masi toujours l article 3 renvoie un concept cl de la philosophie pythagoricienne de la vie et non une indication pratique M me l article 6 qui ressemble bien au premier abord une consigne digne de figurer dans un code quand il dit je ne pratiquerai pas l op ration de la taille je la laisserai aux gens qui s en occupent ce qui vise en fait interdire l op ration
42. de s abstenir de tout mal En vertu de cette abstention la d cision de ne pas intervenir le refus de soins si on veut l appeler ainsi ne rendent le m decin antique passible d aucune sanction Le d c s d un patient qui n aura pas t pris en charge ne pourra tre reproch personne L absence de soins en ce sens est admise qu elle soit demand e par le patient ou d cid e par le m decin Laisser mourir et se laisser mourir ne sont pas tenus pour des quivalents de tuer et de se tuer et de ce point de vue la notion d euthanasie passive n est gu re diff rente de ce qu elle est devenue depuis ceci pr s qu elle ne porte videmment pas en Gr ce ou Rome sur l interruption des proc dures maintenant courantes de maintien en vie L euthanasie passive des Grecs est une acceptation de l ordre des choses L euthanasie dite active interdite en principe par l article 4 du Serment qui prot ge la vie est cependant pratiqu e et elle rel ve de la conscience du m decin Rien ne s oppose ce que celui ci administre une drogue mortelle son patient qui souffre s il n existe pas d espoir de gu rison Malgr les dispositions du Serment et malgr l autorit globale qui est reconnue ce texte il semble qu il ne se soit gu re lev de voix en Gr ce ou Rome avant l poque chr tienne pour insister sur la n cessit de respecter l interdiction de l euthanasie Il en va de m me pour ce
43. de Platon et d Aristote et la proportion issue de l thique Nicomaque L h ritage de la pens e ionienne diffus par Pythagore et X nophane les r sultats de la philosophie pr socratique et de ses efforts pour comprendre la nature du vivant la notion m me d une enqu te sur la nature dont Socrate nous dit dans le Ph don 27 qu il se passionnait pour elle du temps de sa jeunesse et dont le programme a t repris par le trait des Chairs de la collection hippocratique apporteront un appui d cisif au d veloppement de la m decine et des domaines connexes qui lui permettront terme de se transformer radicalement Ces contacts incessants sont favoris s par le fait qu l instar d Hippocrate les m decins sont tr s souvent philosophes et que les philosophes sont souvent m decins Alcm on pr sent comme philosophe par Aristote 28 est un m decin qui le premier d finit la sant et la maladie Emp docle qui comme chacun sait ou croit savoir se jeta dans l Etna en laissant une chaussure au bord du crat re pour attester de sa disparition est un philosophe pythagoricien dont Galien parle comme d un m decin rival des Ascl piades de Cos et de Cnide Diog ne d Apollonie est philosophe mais il est tout aussi actif en biologie et en m decine Hippon et Philolaos sont philosophes et m decins repr sentants de th ories m dicales Rien d tonnant dans ces conditions ce que toute m decine ai
44. de la lithiase est en r alit de nature thique Il signifie qu un m decin digne de ce nom ne peut recourir une pratique dangereuse et m me compte tenu des techniques de l poque barbare Il s agit donc plut t sans doute d exprimer une conception humaine de la m decine il faut viter autant que possible les souffrances les plus grandes si elles ne correspondent pas un espoir raisonnable de gu rison et en l occurrence cette op ration tait tr s souvent fatale 32 Le Ser ment nonce des consignes mais il ouvre surtout un espace thique quivalent l encore de l espace politique litt ralement l espace de la cit un espace qui s organise autour d une libert Le Serment pose que c est de la conscience de chaque praticien aux prises avec la complexit du r el que rel veront d sormais les choix raisonn s par lesquels se d finit l exercice clair de l art m dical 33 C est chaque fois la totalit du savoir du savoir faire de l exp rience acquise et des id aux du royaume des normes que le m decin aura se r f rer et pas seulement des r gles fond es sur l troitesse d une situation et l tat momentan du savoir Ce n est pas dans les seules indications du Serment que les m decins grecs trouvaient toutes les ressources n cessaires leurs besoins d thique mais plus largement dans le d bat 21 54 Le Serment d Hippocrate et les sources
45. e vie et d un art de bonne r putation aupr s de tous les hommes et pour toujours Si je m en carte et me parjure qu il me soit donn tout le contraire Ce ne sont pas des paroles de pure forme encore moins une promesse conformiste et molle C est un rapport quasi mystique qui est cr par le prononc du serment un lien entre l humanit et la divinit On sait par la loi de Gortyne si bien tudi e par Michel Foucault dans Le ons sur la volont de savoir 42 qu un certain stade de la justice en Gr ce le fait de jurer pour les justiciables mais plus curieusement pour le juge lui m me ne garantit pas seulement qu on dit la v rit mais constitue la v rit m me Il en va de m me pour la moralit et c est pourquoi les divinit s cit es l article premier du Serment ne sont pas invoqu es m caniquement dans une sorte de litanie comme on pourrait le croire Je jure par Apollon M decin par Ascl pios Esculape par Hygie et Panac e par tous les dieux et toutes les d esses d accomplir jusqu au bout ce serment horkos et ce contrat crit xugrapph n selon mon pouvoir et ma facult de juger Ce sont des mots tr s forts On a traduit ici par pouvoir dunamis la puissance celle du savoir m dical et par facult de juger krisis le jugement au sens de choix et de d cision des moments dont le texte veut manifestement souligner l importance dans la pratique
46. e antique et forment ensemble pour l homme grec ou romain un espace de libert o se concr tisent les options philosophiques parmi lesquelles chacun peut exercer sa facult de choix Il est manifeste qu une thique occidentale du suicide est n e de la pens e grecque de la valeur de la vie entendons de la vie comme existence comme bios et non simplement comme z car c est la Gr ce qui pour l Occident a d fini pratiqu et en quelque fa on impos cet cart essentiel entre la vie naturelle z comme dans zoologie et cette autre chose qu on nomme existence bios comme dans biographie Cette existence peut tre aim e ou non sembler digne d tre v cue ou non et par cons quent elle peut tre dans le monde plut t permissif de la Gr ce ancienne conserv e ou quitt e La notion d un prix de la vie est commune aux deux probl matiques du suicide et de l euthanasie C est elle que se r f re Socrate dans le Ph don quand il explique C b s que c est la m me chose de se donner la mort en se rendant soi m me ce service ou bien de s en remettre un bienfaiteur tranger 59 Socrate a remarqu cette anomalie le m me geste jug acceptable dans leuthanasie passe pour impie dans le suicide Cette question est abord e dans le dialogue serr et palpitant qu est le Ph don apr s l avoir t dans certains passages de l Apologie de Socrate
47. e ce soit c est la plupart du temps se parer d une dignit qui a t d abord le propre de l activit m dicale c est dire une activit libre li e au pouvoir de la science mais ind pendante de tous les autres pouvoirs et tourn e vers l int r t en principe exclusif de ceux qui en b n ficient Et on voit bien qu il semble y avoir d sormais autant de d ontologies r elles ou pr tendues qu il y a de corps de m tiers Brandir l existence d un syst me d ontologique fait partie du plus l mentaire discours publicitaire et le terme de d ontologie remplit d sormais une fonction qui est principalement rh torique Parler de d ontologie c est faire la promotion de l activit concern e c est tenter de lui assurer un statut sup rieur En m me temps c est s affranchir le plus souvent de la justice commune en r servant la cor poration un pouvoir d autor gulation et d autodiscipline qui en pratique peut l instituer en quelque sorte juge et partie et la mettre l abri de la justice commune L id e de l autor gulation de la profession m dicale par ses repr sentants travers le conseil de l ordre par exemple plonge ses racines dans le statut de techn sup rieure de la m decine en Gr ce dont il d coulait qu il faut disposer au moins du m me 7154 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S
48. e humaine Elle a t par moments le centre de toute la connaissance de l homme et de la nature Elle a pratiqu une approche globale et mis en uvre un sens de la totalit qu illustre par exemple le trait hippocratique Air eaux lieux 22 dont la philosophie s est nourrie Elle a invent la notion d eidos la forme 231 dont on sait la place qu elle prendra dans la philosophie de Platon puis d Aristote mais qui est issue de la typologie m dicale et emprunt e l id e que chaque maladie a un caract re sp cifique Elle a contribu aussi la construction de l id e de nature en ouvrant la r flexion sur la sant en tant qu quilibre naturel et le traitement con u comme aide apport e la nature Elle a t pour tous les philosophes une source in puisable de notions et de r f rences dont les exemples les plus significatifs sont sans doute l aret emprunt e par Platon la m decine pour construire l id e de vertu sur celle de sant et le syst me de classification dialectique inspir de la m thode hippocratique qui est expos dans le Ph dre 24 C est galement dans des crits m dicaux qu Aristote d couvrira la notion de juste milieu dont le vocabulaire se trouve dans l Ancienne m decine Un trait qui a fourni en outre Platon la comparaison du m decin et du pilote origine de la cat gorie des arts du salut qui servira penser la comp tence et sur
49. e pr dominante dans l thique grecque Pour les Sto ciens par exemple la vie et la mort sont de ces choses qui ne d pendent pas de nous des choses indiff rentes N anmoins la mort volontaire se justifie et peut tre jug e conforme la raison dans le cas d une extr me souffrance quand la vie a perdu de son sens ou quand on n est plus en mesure d accomplir ses devoirs ou de vivre en honn te homme D s l ancien sto cisme on a consid r qu une bonne mort peut tre celle d un homme qui d cr te librement de quitter la vie Il peut convenir des gens heureux de quitter la vie et inversement des malheureux d y rester disait Chrysippe en ce sens 64 Il y a un suicide appel suicide philosophique r serv au sage qui y voit comme un devoir envers lui m me Ce suicide heureux en quelque sorte a un sens pr cis il est le signe du r gne de la raison Le sto cisme s affirme l comme une doctrine de la libert et on sait combien le suicide a pu tre admir dans l Antiquit et la place que tiennent dans la m moire collective Th mistocle Diog ne D mosth ne Emp docle D mocrite Caton Brutus Antoine Cl op tre et bien entendu Pythagore lui m me Vivre et mourir selon la nature 35 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi
50. enir par l exercice de l intellect s parer l me du corps 31 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Les vues d Aristote vont tre l aussi tout fait diff rentes de celles de Platon toujours en raison de la th se de l me informante 55 L me est la forme du corps elle ne lui pr existe pas elle ne lui survit pas elle en est contemporaine elle en est le principe immanent d animation ce qui conduit rejeter toute id e de r incarnation Aristote ne laisse l homme mortel aucune esp rance de survie personnelle De ce fait le suicide et l euthanasie apparaissent comme des sauts dans le n ant et ils sont en cons quence totalement proscrits Les picuriens d finiront leur tour la mort comme une dissolution compl te et la pens e sto cienne soutiendra que la mort n est ni bonne ni mauvaise qu elle est un simple effet de la nature 56 Ces conceptions conditionnent directement la mani re de juger le suicide et l euthanasie et elles d terminent par avance les grandes options morales qui leur tour infl chissent et redessinent l thique m dicale Il faut garder l esprit cependant que l thique grecque tout en recouvrant globalement le m me champ d interrogation que l thique moderne s applique un
51. ent faire durer une vie sans espoir et c est un sujet sur lequel il semble qu il ait exist malgr quelques exc s m dicaux voqu s par Platon 66 Un accord v ritablement g n ral Les m decins ont eu vis vis de leurs patients une libert d appr ciation qui pr figurait les modalit s modernes l interruption de soins Face cette question l thique moderne et celle d un m decin hippocratique ne sont gu re diff rentes En ce qui concerne l euthanasie active le lien avec l Antiquit est videmment moins net En Gr ce et Rome euthanasie voulait encore dire mort heureuse Le recours la m decine des temples pour la fin de vie reste fr quent dans toutes les cit s grecques m me de la part des repr sentants de la m decine rationnelle il y avait donc des accommodements avec la maladie et avec la mort et un m decin grec qui ne se sentait pas enti rement li par cet aspect du Serment aidait sur sa demande son patient mourir si son cas tait d sesp r et sa souffrance intol rable L Antiquit en tout cas a pens la mort comme tant une d livrance et elle a offert par avance la modernit une id e positive du droit de mourir et du devoir de laisser mourir puis par extension de faire mourir Sur bien des points la pens e antique avait anticip sur des r gles et des principes dont la valeur a t beaucoup plus tard d couverte ou red couverte En fait mais ce sera
52. es une source a priori d injonctions Pour prendre titre comparatif un exemple ext rieur la m decine on trouve ceci dans un code de d ontologie qui doit tre sign lors de l embauche par tous les employ s d une banque La raison d tre du pr sent code est d tablir les r gles qui r gissent la conduite professionnelle et morale des administrateurs des dirigeants des employ s et b n voles de la caisse Tous sont tenus de s acquitter de leurs fonctions avec int grit de bonne foi et dans l int r t de la caisse 17 Ce texte donne penser et il permet aussi de faire en quelques mots un magnifique voyage Avec le d but et la mention de l int grit On peut se croire dans le royaume des normes Avec la suite et l vocation de la bonne foi On aper oit encore en passant rapidement le champ de bataille de l thique Mais avec les terribles derniers mots dans l int r t de la caisse 14 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 On a compl tement chang de monde on est entr dans la pure d ontologie financi re dans la logique sans piti du profit Si on voulait appliquer ce sch ma la m decine il faudrait dire selon ce m me d grad de sens imperceptible et pervers peu pr s ceci l
53. es inacceptables de renoncer la vie ou de la d truire qui lui sont interdites Or ce parti de la vie a surgi brutalement L article 4 du Serment sur l interdiction des prescriptions d abortifs 48 est une avanc e soudaine une rupture clatante avec le quasi tat n ant de la moralit qui pr valait jusque l On remarque ici trois choses essentielles Premi rement le caract re en quelque sorte sacr ou tout au moins minent de la vie est constitu en tant que norme bien avant l apparition du christianisme et ind pendamment de lui dans une perspective minemment humaniste Ce n est que bien plus tard que l thique m dicale recevra les apports de la morale jud o chr tienne puis des Lumi res Deuxi mement ce n est pas une extension du savoir m dical qui a conduit une exigence thique plus grande mais c est cette exigence au contraire qui a t pos e d abord comme un appel une r f rence nouvelle un id al que le savoir et la pratique des m decins auraient d sormais faire leur Troisi mement en Gr ce ancienne ce n est pas la m decine ni la cit en tant que telle c est dire au pouvoir politique qu il revenait de fixer des r gles du bien et du mal en mati re de sant et de soin mais une sorte d valuation du monde une m ditation nouvelle sur la valeur de l existence et sur le prix des choses qui s est appel e la philosophie 28 54 Le Serment d Hippocrate et les
54. hnique est issu 6 l thique m dicale semble tre le meilleur terrain pour r aliser une mise en contrepoint de l Antiquit et de la modernit Les textes de la philosophie antique nous permettent en effet malgr l ge avanc de l thique 4154 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 m dicale de la conna tre en quelque sorte jeune fille La question pos e est de savoir ce que nous devons au syst me de valeurs antique dont le Serment d Hippocrate est l embl me mais cependant pas la seule source et d autre part si cet h ritage est encore aujourd hui un fondement possible pour l thique ou s il faut lui substituer une d marche plus moderne et si les progr s de la m decine doivent entra ner la disqualification de la premi re thique de l Occident en d autres termes si les avanc es du savoir peuvent bousculer les r gles de son utilisation ce qui pourrait tre un avatar de ce qu on appelle le scientisme Le scientisme est un renoncement par lequel on laisse la science r genter l usage de ses d couvertes La bio thique discipline qui se consacre aux conflits de valeurs suscit s par le d veloppement de la technoscience du vivant annonce peut tre ce moment redout o selon un mot inqui tant d Ernest
55. ibuts nous dirions des honoraires disproportionn s Pour finir continue Platon ils acceptent une r mun ration des parents ou des ennemis du malade pour le faire p rir 47 26 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Face cette r alit attristante l thique m dicale antique dont le Serment d finit le cadre appara t d autant plus nettement comme une thique totale Qui s appuie une philosophie de la vie et de la mort les deux extr mes entre lesquels la m decine tablit son empire Faire na tre et rendre possible la vie ou au contraire l emp cher faire bien mourir ou au contraire s interdire de faire mourir on reconna t l les deux grands probl mes autour de la procr ation et de la fin de vie qui sont encore au centre des d bats thiques contemporains thique de la vie C est en tant que proclamation d un id al favorable la vie en tant que guide qui trace et organise autour de cet id al les grandes orientations du soin humain que le Serment d Hippocrate est rest jamais un principe humaniste universel moralement incontestable Cependant il n allait pas du tout dans le sens d un consensus social et c est justement de son irruption comme id al ind pendant de la pratique dominante c est d
56. ins quarante jours L intervention qui est faite au cours de ce d lai emp che donc simplement la conception alors que celle qui a lieu apr s interrompt la vie La diff rence est consid rable L application de ce principe est l origine de pratiques qui ont travers les si cles En ce sens Aristote a d fini une premi re r glementation en la mati re et en m me temps ouvert la voie une thique restrictive o la libert est encadr e par la loi de la cit elle m me fond e sur l volution des savoirs Avec les diff rents courants du sto cisme toutes ces positions vont se trouver de nouveau d battues Un courant soutient que l avortement est toujours bl mable quelque titre qu il soit d cid Un autre plus r pandu va reconsid rer au contraire l interdiction de l avortement et l autoriser sous r serve de l application du principe aristot licien d sormais accept de la date limite On voit bien l encore que la morale a trouv sa source dans des conceptions scientifiques et philosophiques Par exemple S n que estime que la vie humaine commence au moment pr cis o se produit le premier souffle 53 En effet la respiration marque l entr e du nouvel tre dans le pneuma universel et la mort est un arr t du souffle signifiant au contraire la cessation de cette participation Dans un tel syst me c est l instant de la naissance que sous l effet de l air froid et de la tension qu il pro
57. ion est tudi e ce qui n est pas innocent dans le chapitre consacr aux injustices que l on commet l gard de soi m me 62 Celui qui recourt au suicide m rite d tre bl m pour avoir agi contre la vie c est dire contre la nature et en m me temps pour avoir oubli ses devoirs de citoyen On retrouve ici l argument platonicien retourn choisir de rester en vie c est tre aussi longtemps que possible utile la cit Et surtout naturellement il ny a rien apr s la mort On voit ici sur un exemple pr cis comment Aristote en d finissant un art de vivre complet qui r git toutes les d cisions de l existence y compris dans ses aspects les plus strictement individuels contribue 34 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 instituer cette lign e de l thique que Ruwen Ogien appelle maximaliste Dans le maximalisme la morale pr sente des id aux de perfection humaine auxquels nous devons tendre et nous avons donc des devoirs non seulement envers autrui mais aussi envers nous m mes Au contraire dans le minimalisme le monde moral moins envahissant se limite au souci d viter de nuire d lib r ment autrui Cette alternative minimaliste 63 plus soucieuse de la libert des individus semble bien tre rest
58. ire Cet enfant est Ascl pios n par une c sarienne mythologique mais post mortem puisque c est la seule c sarienne alors connue malgr la l gende pr tendument li e la naissance de C sar en fait Caesar est le surnom h rit par C sar d un anc tre n par une incision caedere signifiant inciser Quoi qu il en soit Ascl pios sera conduit par Apollon chez le centaure Chiron qui l l vera et lui enseignera la m decine En t te du Serment Ascl pios est invoqu comme h ros d une m decine puissante qui condamne et qui sauve comme on sait il poss dait le sang de la Gorgone M duse qui lui donnait le pouvoir de tuer instantan ment ou au contraire de sauver la vie et de ressusciter des morts Ascl pios eut quatre enfants tous rendus illustres par leur lien avec la m decine deux filles cit es dans le l article 1 du Serment Hygie d esse de la sant et Panac e litt ralement celle qui gu rit tout f et deux fils m decins Machaon mort en service la guerre de Troie et Podalire anc tre de la famille d Hippocrate qui na tra Cos la 17 eme g n ration de cette lign e En Gr ce ancienne tout m decin rejoint en pr tant le Serment cette descendance des Ascl piades Son adh sion est en ce sens pleine et enti re et elle va bien au del d un simple engagement professionnel Cela ne signifie nullement que les m decins de l Antiquit aient t parfaits pas plus que
59. ire des m urs qu il tient sa valeur n anmoins appel e morale Quoi qu il en soit c est sur cette affirmation de la valeur en quelque sorte absolue de la vie et sur l id e qu on se fait de la vie et de la mort que toute l thique va d sormais se construire directement ou indirectement 27 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Si nous reprenons ce processus depuis son origine nous voyons que nombre de penseurs antiques ont condamn l avortement la suite des Pythagoriciens qui les premiers avaient vu dans le f tus un tre humain en tant que tel prot ger Il faut bien comprendre cependant que cette th se allait compl tement contre courant des conceptions populaires et de l tat des m urs de l Antiquit L infanticide tait une pratique tr s r pandue chez les Grecs et chez les Romains et il est vident que dans un contexte o l infanticide est tol r a fortiori tuer un f tus ne pose pas de probl me moral Aussi semble t il logique que l avortement ait t une pratique tr s courante en liaison avec quantit de motivations qui situent bien le niveau de la r flexion thique dominante Dans la haute soci t grecque ou romaine les femmes appr hendent de voir leur beaut mise mal par une grossesse Il peut s
60. it le sujet d un autre expos m me si le maximalisme s est construit plut t sur l aristot lisme et a t relay bien plus tard par la morale kantienne l Antiquit a surtout cr l thique minimaliste qui retient pour principe le seul souci de ne pas nuire autrui On retrouve ici l id e du ne pas nuire dont les hippocratiques avaient fait un pr cepte essentiel du Serment Il est bien vrai que c est le maximalisme qui est moderne et que c est au contraire le minimalisme o la libert humaine trouve pleinement s exercer qui est un legs antique Ruwen Ogien montre dans La vie la mort l tat 40 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 67 que m me dans les soci t s dites lib rales l tat intervient par la menace et par la force pour encadrer la vie la mort la procr ation pour faire r gner des normes universelles et interdire des crimes qui pourtant seraient sans victimes la mort assist e la gestation pour le compte d autrui l aide la procr ation pour tous le clonage reproductif ne causent de tort personne thique bio thique biod ontologie Mais l thique est souvent dessaisie de ces questions au profit de la d ontologie qui substitue la consigne la d lib
61. la coqueluche d un salon 21 L image est clairante de la m me fa on que la vieille fille a t autrefois pleine d attraits et peut tre m me follement s duisante l thique a eu une glorieuse jeunesse elle a t dans la Gr ce ancienne la recherche d une excellence dans la mani re d tre la poursuite d une existence ordonn e au bien d une sagesse de 2 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 l action Bien plus tard au si cle des Lumi res thique a d sign chez Kant la moralit la raison pratique Mais ensuite l ge est venu Comme chez la Vieille fille les traits se sont alt r s la beaut a perdu de son clat L thique moderne tend devenir une sorte de r gulation vague de ce qui se passe et de ce que nous faisons une codification vis e consensuelle de la vie de la mort et des gestes des hommes D o cette prolif ration normative qui d ferle pr sent sous le nom d thique pour les v nements du monde il y a une thique des droits de l homme pour les rapports sociaux une thique du vivre ensemble pour les m dias une thique de la communication pour le cadre de vie une thique de l environnement pour lunivers du profit une thique des affai
62. on son seul contenu en oubliant l essentiel savoir qu il est un serment par lequel le m decin s engage devant les dieux Pr ter serment a t en Gr ce ancienne un acte fort contrairement l id e tr s affaiblie que nous nous faisons pr sent du fait de promettre En pratique dans les facult s d aujourd hui qui ont maintenu formellement une prestation de serment les nouveaux m decins d clarent surtout accepter par avance de se conformer une sorte de bonne conduite du m decin au regard des lois et des r glements qui r gissent la soci t la cit et la m decine 40 Cet engagement est surtout d ordre professionnel En revanche le serment des Grecs est personnel celui qui le pr te accepte de lui lier son existence Le lien cr avec la divinit invoqu e est si fort que le seul fait de jurer authentifie par avance la qualit thique ou pist mologique de ce que produira ensuite l activit de celui qui a jur comme le montrent les analyses d Agamben dans Le sacrement du langage arch ologie du serment 23 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 41 Le neuvi me et dernier article du Serment d Hippocrate le dit explicitement si accomplis ce serment jusqu au bout qu il me soit donn de jouir d un
63. on qui avait t pos e tait justement croyez vous qu il puisse y avoir des lois bio thiques La r ponse est videmment non si les textes ainsi nomm s sont bien des lois ils ne sont pas bio thiques et s ils taient bio thiques ils ne seraient pas des lois ce qui ne signifie nullement qu il ne faut pas l gif rer sur ces sujets Quoi qu il en soit l accolement de thique et de bio est par lui m me mena ant 69 De la m me fa on les recommandations de bonne pratique selon une expression de plus en plus utilis e anticipent sur la r flexion thique au point de la remplacer par une sorte de mode d emploi pr f rentiel M me s il est bon sans aucun doute que de telles recommandations existent pour le cas o l thique serait absente La vocation de l thique n est certainement pas d assurer la production continuelle de r gles suppl mentaires et de r glements ad hoc Elle est de permettre d assumer partir du royaume des normes le risque impr dictible de la nouveaut L attitude thique ce n est pas d avoir des solutions en r serve c est de cultiver et perfectionner ce que Bachelard appelait le sens du probl me Socrate a invent la philosophie non comme un savoir referm sur une v rit d j faite mais comme une qu te jamais achev e du vrai En ce sens l thique y compris m dicale et surtout m dicale est une responsabilit philo
64. our traiter les corps dont l int rieur est g t par la maladie avec un r gime d puisements et d arrosages de d tail Un tel r gime est tout juste bon assurer dit Platon une longue et mis rable existence gt au d triment de l int r t individuel et collectif La mort appara t ainsi dans un certain nombre de cas comme une issue permise honorable ou m me raisonnable Se dessine alors un bon suicide celui par lequel son auteur prend la responsabilit de quitter une vie qui le rend malheureux ou lui apporte une souffrance Le suicide sera jug excusable dans l uvre tardive de Platon que sont les Lois sous r serve de correspondre une infortune gravissime mais qu il revient apr s tout chacun de d finir L existence d une me qui survit au corps d une perspective apr s la mort n est de toute vidence pas sans lien avec cet assouplissement esp rer une survie personnelle au del de la mort modifie de fa on radicale le prix consenti pour conserver la vie pr sente L encore Aristote va adopter un point de vue oppos la conception aristot licienne de l me comme forme du corps et disparaissant par cons quent avec lui conduit logiquement une interdiction compl te du suicide Dans deux passages de l thique Nicomaque Aristote soutient qu il n est pas moralement permis un homme m me incurable m me gravement handicap de quitter volontairement la vie La quest
65. oute th tralit gt tout effet de mise en sc ne Ce portrait du m decin antique id al m riterait une longue tude 38 lui tout seul mais il sera de plus en plus conforme en allant vers l Antiquit tardive aux id aux du sto cisme Le m decin se d crira finalement dans des termes emprunt s ou empruntables Cic ron pict te S n que Marc Aur le C est que l exercice de la m decine suppose et en m me temps g n re une certaine sorte de sagesse L thique m dicale en ce sens a bien t d abord et nous verrons jusqu quel point elle est demeur e une province de la philosophie D s l origine c est bien la philosophie que l thique m dicale interroge et c est aussi en termes philosophiques qu elle s interroge Il est remarquable que l thique hippocratique ait d bord largement le domaine technique du soin Le principe de la m decine grecque tant de r tablir l harmonie du cosmos l thique de ceux qui soignent a pour fin comme les soins qu ils dispensent de r tablir une harmonie perdue le mod le m dical s applique tous les domaines r gis par le rapport entre les parties et le tout 39 Surtout l attitude thique d finie par les Grecs prend sa source dans l engagement que repr sentait alors le serment lui m me en tant que modalit particuli re du logos La pire erreur de lecture qui peut tre commise propos du Serment serait porter attenti
66. pes et non pas dans un syst me de consignes On remarque que le mot pharmakon occupe une place minente les lettres qui le composent sont juste au milieu de l ensemble des 1333 lettres qui forment le texte du Serment cheval sur la 666 eme et on sait que pharmakon signifie aussi bien rem de que poison c est dire en fait vie ou mort prendre non pas comme des contraires absolus mais comme les orientations oppos es d une m me action comme les extr mit s d un seul et m me axe 19 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 29 Alors certes le Serment nonce comme le fait un code de d ontologie les comportements convenables du m decin et les interdictions qui s imposent lui Plusieurs articles sont consacr s aux aspects contractuels de son entr e en fonction ses devoirs envers ses pairs horkism nois les Ks fr res de Serment en quelque sorte succ dant aux fr res de sang 30 puisque la principale fonction du Serment a t de prot ger outre la m decine elle m me les familles d tentrices du savoir m dical lorsque l enseignement s est ouvert d autres par suite du trop petit nombre de descendants susceptibles de perp tuer la tradition les Grecs ont aussi invent l id e de
67. res Ce qu on a appel une pouss e d thisme 3 est un fait marquant du 21 eme si cle commen ant Un signe des temps la prolif ration thique 3 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Sans doute est ce m me une caract ristique de la modernit L innovation semble apporter avec elle son propre id al monde nouveau thique nouvelle en quelque sorte Comme si la vie et la mort l espoir et la souffrance la destin e et le soin dispens l homme par l homme pour ne parler que du domaine de l thique m dicale n taient pas les m mes notions dans la Gr ce ancienne et aujourd hui par del toutes les avanc es du savoir et des techniques Car si cette identit n tait pas absolue tremblerions nous en regardant une trag die grecque C est pourquoi on peut mettre au rang des grands chocs pas toujours positifs qu une lecture peut occasionner celui que donne la toute premi re page du livre de Beauchamp et Childress Les principes de l thique biom dicale 41 Il est frappant que cet ouvrage pr sent comme un classique comme une r f rence radicale de la bio thique triomphante proc de d s ses vingt premi res lignes la mise en cause de ce qui constitue le fondement de l thique m dicale
68. sophique Non pas que le philosophe en ait la charge encore moins lui tout seul Mais c est en tant qu il adopte une posture philosophique et qu il philosophe que le m decin ou tout autre expert doit s y exercer Et aujourd hui encore faire de l thique comme on dit puisque certains se proclament fhicie ns ce n est pas d cliner une id ologie et noncer les r gles qu on peut en tirer c est au contraire 42 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 selon la belle formule d Aristote dans Ethique Nicomaque parachever la philosophie des choses humaines II y a l une t che infinie alors que la r volution de la biologie mol culaire et de la nano m decine a d j commenc que le corps va devenir un syst me organique sur lequel interviendront les biotechnologies et les syst mes d information qu en somme une esp ce jusqu ici encore th orique d homme immortel se profile l horizon du soin Heureusement l thique grecque que nous avons re ue en h ritage est autre chose qu un savoir positif 70 Fondamentalement le message qui est encore si actuel du Serment d Hippocrate est que soigner suppose toujours de philosopher 71 R f rences Jean Lombard Platon et la m decine le corps aff
69. st donc pas tuer un tre humain et d s lors l avortement ne pose pas de probl me sur le plan moral C est partir d une conception toute diff rente de l me et du corps qu Aristote va introduire une exigence suppl mentaire Le texte majeur sur ce point se trouve dans la Politique l avortement sera pratiqu avant que vie et sensibilit surviennent dans l embryon le caract re respectable ou au contraire abominable de cette pratique sera d termin par l absence ou la pr sence de la sensibilit ou de la vie 29 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 50 Ce passage annonce plusieurs changements importants qui sont rapprocher de la conception aristot licienne de l me comme forme du corps cette th se modifie la repr sentation que l on peut se faire de la grossesse puisque l me et le corps 51 sont une substance unique et apparaissent au fil d un m me processus L avortement est donc r glement en fonction de ce statut nouveau de l embryon Il n est d fini comme acceptable qu avant l apparition de la vie v g tative ce qui correspond au quaranti me jour de la grossesse 52 Selon la science grecque de l poque le sperme fait coaguler le sang de la femme et ce processus dure au mo
70. t t une philosophie et ce que la fonction thique en particulier ait t d l gu e la philosophie ce qu elle est finalement rest e 18 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 La v ritable nature du Serment d Hippocrate En l occurrence le Serment d Hippocrate est un moment de la philosophie pythagoricienne Son nonc est caract ristique de l criture pythagoricienne il comporte dans le texte grec neuf articles appari s entre eux selon le proc d stylistique dit des anneaux imbriqu s qui est une tradition remontant Pythagore lui m me An neaux imbriqu s signifie que l article 9 le dernier est mettre en parall le avec l article 1 que le 8 est sym trique du 2 le 7 du 3 etc l article 5 qui est en position centrale et donc sans sym trique repr sentant l apog e du texte et en exprimant la quintessence I dit ceci Purs et saints je conserverai ma vie et mon art ce qui est le point supr me l akm le sommet de la pens e thique des hippocratiques avec l invocation des valeurs de puret hagnos et de saintet hosios et de leurs deux grands champs d application la vie bios et l art techn On voit aussit t qu on est l dans les normes et les princi
71. t l tude de Louis Lacam Le Serment d Hippocrate Lacour diteur N mes 1999 31 Les sages femmes d Ath nes elles pratiquaient de mani re licite des avortements 32 On ne sait pas exactement en r alit comment cet article doit tre compris d autres op rations aussi risqu es n tant pas proscrites par la tradition hippocratique Il est possible que cette partie de texte ait t ajout e tardivement et son authenticit est douteuse 32 moins qu on doive lire plus directement je ne pratiquerai pas la castration comme le sugg re Littr c est d ailleurs l interpr tation de Gomperz appuy e sur l utilisation de temn o au sens d masculer 33 Paul Ric ur a bien montr qu il existe un triple encadrement normatif de l acte m dical par les r gles du Code de d ontologie secret droit du malade la v rit principe du consentement clair par les r gles issues du savoir biologi que et m dical et par les r gles administratives relatives la sant publique et au traitement social de la maladie mais qu au del de l application de ces r gles c est une intervention de la phron sis m dicale qui permet finalement au m decin de juger et de d cider 34 Littr VI 90 4 35 Littr IX 206 4 49 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d ac
72. thique un signe de leur d naturation de leur n gation et m me bien des gards de leur abandon Nous verrons que tout ce qui est confi la d ontologie est le plus souvent perdu pour l thique et qu il y a dans cette d rive que les Grecs avaient su viter un trait caract ristique de la modernit L thique m dicale mod le de toute thique L thique m dicale ce sera notre point de d part est tenue juste titre pour la premi re des thiques Elle l est d abord d un point de vue chronologique le Serment d Hippocrate est l imp rissable mod le d une forme alors nouvelle d encadrement du savoir faire qui tout la fois accr dite ce savoir faire l organise et le fait exister pleinement en tant que profession l origine p rofesser signifie pr ter serment D une certaine mani re le Serment est en Occident la premi re codification qui ait transform une pratique en une activit authentique en l inscrivant dans un espace d fini non plus seulement par des objectifs mais par des valeurs Jusque l cette pratique tait comme toutes les autres dont rien ne la distinguait formellement De la m me fa on dans le 6 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 Th t te de Platon la g om trie est d
73. tout la comp tence politique 25 17 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 En sens inverse la philosophie apporte la m decine aux diff rents stades de son d veloppement la puissance de son appareil conceptuel innovant Elle montre comment la nature la causalit la n cessit naturelle l erreur l acc s au savoir par l observation et par l exp rience peuvent tre pens s L id e du d terminisme d un ordre du monde qui explique et garantit la r gularit des ph nom nes de la valeur de l observation et de la rigueur de l interpr tation de ce qui a t observ pour s en tenir ces exemples permettra la m decine de se doter d un cadre th orique et d avancer encore dans la voie de la rationalit M me si plusieurs coles de m decine dont celle de Cos portent spontan ment une grande attention aux questions d pist mologie on peut dire que la mani re philosophique de penser le monde a largement contribu au d passement de la d marche empirique et la fondation la m decine en tant que savoir L encore des id es et des concepts franchissent la ligne de partage passant cette fois de la philosophie la m decine La m decine 26 applique au r gime l id e de convenance et de conduite appropri e venue
74. ui est encore pr sente son poque dans les rites fun raires mais il la rationalise thanatos va se ramener alors apallag la s paration lire la s paration de l me d avec le corps dans la ligne du pythagorisme La rupture est que Platon red finit la mort partir de l id e non plus d une pr sence mais d une absence des morts Il la pense comme un d part et en cela il contredit d une mani re radicale la tradition archa que qui voulait que les morts continuent de vivre d une autre mani re les rites taient justement accomplis pour les apaiser et pour se concilier leurs bonnes gr ces Le progr s du logos est de substituer ces rites une certaine id e du sens de la mort partir d une th orie de l me dont on sait la place qu elle va tenir dans la pratique philosophique elle m me Deux formules du Ph don sont r v latrices ce qu on appelle mort c est entre me et corps le fait d tre d li et mis part et d autre part ceux qui mettent le plus de z le d lier l me ce sont les philosophes Et c est le fait de r aliser de son vivant ce d liement et cette mise part qui constituent l exercice m me de la philosophie 54 Selon la formule du Ph don M l t thanatou devient la devise philosophique par excellence Se pr parer la mort veut dire en fait s exercer penser au sens platonicien des termes o penser c est parv
75. urs qu on juge sup rieures si on doit se soumettre telle ou telle prescription de la d ontologie c est entrer dans l thique Le passage d un niveau l autre est constitutif de la dialectique sur laquelle se construit la vie morale et dont l thique seule peut assurer la conduite Par exemple la plus grande violation qui soit du devoir de l homme envers lui m me rappelle Kant est le mensonge La v racit est un devoir absolu qui peut s appeler loyaut droiture et bonne foi 18 En revanche la jonction des normes et du r el fait appara tre dans certains cas l utilit de dissimuler sciemment la v rit par exemple quand l annonce d un diagnostic m dical s v re peut ajouter au mal ce qui s appelle chez Kant mentir par humanit 19 Nous sommes alors dans une interrogation thique O est recherch e partir des id aux accept s des exp riences ant rieures et de l analyse de la situation concr te l attitude adopter Enfin si nous trouvons dans un code des indications r gissant les cas pr cis dans lesquels la v rit est due ou au contraire doit tre dissimul e nous sommes dans un syst me proprement d ontologique dont seule la remise en cause ou bien le refus pourra relancer une d marche proprement thique 15 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d ac
76. ux questions pos es par les cas in dits que la puissance technicienne ne cesse de rendre possibles On remarque cette occasion que les progr s de la m decine si consid rables qu ils aient t depuis ses origines n enl vent rien et on devrait m me dire ajoutent la nature conjecturale et aventureuse de tout art du soin Sur le plan moral la m decine moderne n est pas plus s re que la m decine antique au contraire elle l est moins parce que toute extension du pouvoir de la science et de la technique est porteuse de risques nouveaux et engage une responsabilit accrue En un sens il y a thique parce que tout ce qui est possible ne gagne pas devenir r el ou plus exactement ne doit pas le devenir thique et puissance th rapeutique 11 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 C est pourquoi on soutient aussi bien que l thique du Serment d Hippocrate conserve toute sa valeur et toute sa force ou au contraire qu elle est d pass e et qu elle doit tre remplac e par un autre syst me prenant mieux en compte la r alit de la m decine et des soci t s modernes Ind pendamment des adaptations contemporaines du texte du Serment des modalit s de sa prestation de la forme et de l nonc retenu par telle ou telle f
77. ve qu on peut reprocher des d tenteurs du savoir La critique de la connaissance th orique ou effective est du reste une constante dans la m decine hippocratique On trouve aussi nombre d exemples d actes m dicaux qui sont contraires aux dispositions du S erment comme des avortements de convenance c est dire non justifi s par des raisons m dicales Ainsi le trait De la nature de l enfant d nonce un m decin qui a assist une courtisane dans une tentative d avortement faite parce que la poursuite de la grossesse aurait pu g ner son activit 45 Platon observateur avis de la m decine grecque ne se prive pas non plus diverses reprises de mettre en cause des pratiques dont il a pu avoir connaissance Par exemple la m decine excessive celle qui veut soigner tout prix et contre tout bon sens comme dans le cas bien connu d H rodicos de S lymbrie sur lequel il revient plusieurs fois Cette m decine abusive qui s acharne 46 n est plus dit Platon dans la R publique qu une m thode d levage appliqu e la maladie Ce th me rejoint par certains c t s celui de la cupidit dans un passage c l bre du Politique Platon d crit par quelles horreurs doivent passer des patients que les m decins veulent absolument sauver ils les maltraitent les incisent et ils br lent leurs chairs et ils exigent du malade en compensation des versements qui sont de vrais tr
78. vitro et le transfert d embryon qui taient inimaginables On voit bien dans la controverse rebondissements sur les m res porteuses que jamais la libert humaine devant la procr ation n avait atteint un pareil degr La technique dite des m res porteuses induit potentiellement l existence de cinq parents le p re et la m re sociaux si joliment d nomm s le couple d intention le p re et la m re g n tiques et la m re dite gestatrice On atteint ici un seuil inhabituellement lev de d construction de l organisation humaine puisque les notions de famille de maternit de paternit de filiation sont modifi es 38 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 simultan ment Ni le Serment d Hippocrate ni l thique m dicale antique ne peuvent donner d armes pour affronter les probl mes soulev s par ces extraordinaires avanc es de la biologie et de la g n tique Mais on observe aussi que le monde moderne n en fournit pas non plus et qu il choue r guli rement d gager des consensus s en remettant d incessants d bats d bouchant sur des avis aussit t controvers s car certains progr s de la biom decine prennent de court non seulement les rep res moraux des hommes mais leurs repr sentations du monde L
79. voque l me devient elle m me Il s ensuit que tout comme chez Platon le f tus n a pas d me ontologiquement il est une plante et l avortement est donc autoris On voit partir de ces quelques l ments qu au moment o l h ritage de la Gr ce passe au monde de la Rome chr tienne les termes du questionnement thique sur la vie naissante sont peu de choses pr s ce qu ils sont maintenant On note galement qu ils portent d j la marque de la divergence entre deux conceptions de l thique en fonction de la place qui est accord e au libre choix des hommes divergence qui s aggravera consid rablement dans le d bat moderne 30 54 Le Serment d Hippocrate et les sources philosophiques de l thique m dicale crit par Jean LOMBARD ancien l ve de l E N S inspecteur d acad mie docteur d Etat en philosophie Mardi 07 F vrier 2012 00 00 M taphysique de la mort Ce clivage se retrouve dans l thique de la mort qui tout autant que celle de la vie va relever en Gr ce ancienne de la philosophie La premi re pens e antique de la mort s tait construite autour du sentiment populaire de d ploration de la condition mortelle partir de la crainte du tr pas dont la po sie hom rique tait l cho La mort tait pour les Grecs le passage du monde des vivants au redoutable et invisible territoire o habitent oi thanont s ceux qui ont fini Platon h rite de cette mort grecque archa que q

Le Serment d`Hippocrate et les sources philosophiques de l`éthique

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