Tourisme de mémoire et imaginaire touristique des champs de bataille
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1. l Ecole de P ronne S Audoin Rouzeau A Becker sur l importance des mutineries la these de la brutalisation la notion de culture de guerre 13 Le Monde Les Picards entre la m moire du feu et le d sespoir de l eau 17 mai 2001 14 Interview donn e R gis Guyotat pour le journal Le Monde Les Picards entre la m moire du feu et le d sespoir de l eau 17 mai 2001 15 Jean Pierre Dufour La m moire de la bataille de la Somme contrarie le troisi me a roport parisien Le Monde 1er d cembre 2001 16 Le Monde art cit 1er d cembre 2001 17 Cette vision culturelle et patrimoniale des espaces reconstruits doit tre relativis e certes le patrimoine de la reconstruction a fait l objet d un inventaire durant les ann es 1990 suivi de quelques publications et surtout d une s rie d expositions courant 2001 organis e dans 5 villes de la r gion des conservateurs de mus es et des acteurs culturels locaux Mais ce patrimoine demeure globalement peu connu reconnu et investi par les acteurs locaux lus et habitants l poque 18 La Voix du Nord Christophe L pine 2001 19 Les Picards entre la m moire du feu et le d sespoir de l eau Le Monde 17 mai 2001 20 Dans la presse mais aussi dans l ensemble des productions historiennes t l visuelles ou les catalogues d exposition voir par exemple Bonnard 2008 p 221 apr s avoir voqu les paysages marqu s par les dents creuse2. l initiative des acteurs publics locaux se multiplient en Picardie balisages de circuits dans la Somme et dans l Aisne financement de mus es comme VHistorial de P ronne 1992 ou de centre d interpr tation comme la Caverne du Dragon sur le n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme Chemin des Dames 1995 mise en sc ne de ruines de villages d truits implantation d uvres d art public constituent les marques MacCannell d une mise en tourisme qui s int gre des politiques de d veloppement et d am nagement des territoires Les acteurs publics locaux acteurs des conseils g n raux pr coc ment puis des municipalit s ou des communaut s de communes et plus r cemment du Conseil r gional investissent donc ce pass dont l h ritage est consid r comme un potentiel touristique une ressource Pecqueur 2007 voire un produit prioritaire Ce nouvel imaginaire touristique s impose cependant selon des temporalit s et des spatialit s vari es l chelle de la r gion Alors que dans le d partement de la Somme les premi res initiatives datent de la fin des ann es 1970 il faut attendre la d cennie 1990 pour que se d veloppe un programme de valorisation culturelle et touristique du Chemin des Dames dans l Aisne quant au d partement de l Oise il demeure en retrait jusqu une poque tr s r cente Depui
3. galement De la m me fa on les r actions anti parisiennes de 2001 li es aux inondations s inscrivent dans le jeu politique local et national parti Chasse P che Nature et tradition en lutte contre la Ministre de l cologie de l poque sur les questions de chasse Ils traduisent en tous les cas un rapport complexe ce pass traumatique et la reconstruction d une m moire du traumatisme l aune des enjeux du pr sent Hartog 2003 La vision de la Picardie comme terre meurtrie et sacrifi e associ e la figure d un Picard pour qui habiter ce serait subir traduit l invention d un imaginaire de la territorialit renvoyant la notion de figure imaginaire propos e par Bernard Debarbieux au sujet des montagnards Debarbieux 2008 Cet imaginaire de la territorialit reposant sur la guerre s av re largement relay par les discours touristiques Le site internet actuel du Comit r gional du Tourisme r f re ainsi explicitement un temp rament picard n de l adversit consult en 2011 Toutes ces preuves travers es ont d velopp chez le Picard des traits de caract re marqu s Ainsi la m fiance le repli sur soi mais aussi une grande noblesse dans l action une l gance du c ur la fid lit et une grande capacit d int riorisation un temp rament de cath drale souterraine r sume si bien Sophie de Paillette dans son livre Picardie Corps et
4. r gionale et m me les traits de ses habitants Se dessine ainsi l image du Picard ayant d velopp une culture de l enfermement li s ces v nements un fort sentiment de diff rence m l de frustration li au manque de reconnaissance par la nation et l Etat des sacrifices consentis durant la guerre Selon Philippe Nivet le traumatisme de la guerre aurait entrain le d veloppement d un complexe obsidional une ferme volont de rester d sormais entre Picards Les paysages marqu s de n cropoles et les sols regorgeant d obus compl tent ce tableau la fois comme repr sentation all gorique et comme traces mat rielles de l omnipr sence de la guerre au c ur de la Picardie o la mort r de dans le paysage et le sous sol St phane Audoin Rouzeau souligne que l id e d une identit propre aux r gions reconstruites apr s la guerre de 14 18 o la reconnaissance de la nation ne s est jamais exprim e sa juste mesure comme s il y avait une souillure au contact de l ennemi est quelque chose d obscur expliquer mais cela a laiss des traces Cependant la m moire du traumatisme n est sans doute pas le seul facteur de la mobilisation des acteurs locaux contre l a roport La volont de pr server le poumon vert picard d viter un quipement source de nuisances ou tout simplement la crainte de la perte de leur environnement l expliquent
5. colloque Le paysage all gorique entre image mentale et pays transfigur Toulouse para tre Equipe MIT 2005 Tourismes 2 Moments de lieux Paris Belin Estelmann F M ller O 2009 Schlachtfeldtourismus und dissidente Diskurse Zu den Geschichtsorten des Ersten Weltkriegs am Beispiel des Chemin des Dames in der franz sischen Region Picardie Gastbeitrag in Lenz R Salein K Kulturtourismus Ethnografische Recherchen im Reiseraum Europa Universit t Frankfurt Inst f Kulturanthropologie Garcia P 2008 Quelques r flexions sur la place traumatisme collectif dans l av nement d une m moire Monde in Auzas V amp Jewsiewicki B dir Traumatisme collectif pour patrimoine regards crois s sur un mouvement transnational Laval Presses de l Universit de Laval 373 380 Gueissaz M 2001 Fran ais et Britanniques dans la Somme Sur quelques mani res de visiter les champs de bataille de la Somme d hier aujourd hui Tumultes n 16 83 104 Gumuchian H Pecqueur B 2007 La ressource territoriale Paris Economica Anthropos Hertzog A 2010 La valorisation du patrimoine de la Premi re guerre mondiale en Picardie La fabrique d une ressource culturelle territoriale in Fournier L S Berni Boissard C Crozat D Chastagner Cl D veloppement culturel et territoires Paris L Harmattan 189 208 Hertzog A Les espaces de la valorisation patrimoniale et touristique de la Grande
6. g n ral de la Somme tient ces propos significatifs lors du colloque de 2008 Il est difficile d asseoir le d veloppement touristique et la valorisation d un territoire sur des souvenirs aussi douloureux Pour les acteurs publics et priv s de notre d partement la mise en tourisme d un th me aussi sensible a n cessit un certain nombre de pr cautions ll appara tra vident chacun que l on ne peut pas envisager le tourisme de m moire de la m me fa on que l on d veloppe le tourisme baln aire le golf ou la randonn e Les collectivit s locales ont toujours veill avec le Comit D partemental du Tourisme ce que la mise en tourisme de ces lieux de m moire n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme soit conforme l esprit et aux valeurs de respect et de recueillement qui caract risent ces lieux Plusieurs raisons l expliquent d une part la volont de s adresser aux touristes trangers notamment issus du Commonwealth souvent per us avant tout comme des p lerins aux comportements tr s diff rents de ceux des touristes fran ais 33 d autre part en d pit de la disparition des anciens combattants la volont de perp tuer la transmission des valeurs de cette communaut de m moire dans la gestion contemporaines de certains sites m moriels Cette actualit du p lerinage reste particuli remen
7. mornes plaines et destruction de l environnement paysager certaines friches urbaines et industrielles L h ritage de la Grande Guerre s est donc inscrit dans l imaginaire touristique r gional la faveur d un contexte et d enjeux sp cifiques depuis les n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme ann es 1980 1990 alors m me que le traumatisme collectif d finit un imaginaire de la territorialit une composante de l identit r gionale picarde contemporaine Tourisme d histoire tourisme de m moire p lerinage le champ vaste et incertain d un tourisme en qu te de synchronie avec le monde contemporain Il s agit pr sent de voir en quoi le sens les valeurs et les fonctions sociales attribu s au tourisme de m moire en font un tourisme du pr sent en qu te de synchronie avec le monde contemporain Urbain 2003 mais aussi d une certaine mani re un tourisme tabou car demeurant intrins quement li l imaginaire du p lerinage et du traumatisme Les repr sentations contemporaines du tourisme de m moire chez la plupart des acteurs charg s de l organiser se structurent autour de l id e d un changement de paradigme li au passage d un tourisme de p lerinage un tourisme d histoire Cette repr sentation s impose des les ann es 1980 1990 moment o l h ritage de la guerre
8. rabilit latent galement exprim lors de la mobilisation collective contre le projet du troisi me a roport parisien Face ce projet d am nagement incluant la destruction de villages du plateau picard c est tout l imaginaire de la terre martyris e qui ressurgit comme en t moignent les slogans l entr e de certains villages menac s une r gion sacrifi e par la folie des hommes ras en 1918 relev et ras en 2015 L historienne Annette Becker commente dans le journal Le Monde Tout a du tre reconstruit apr s la guerre Les villages sont ici les n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme symboles de la reconstruction de la r sistance face l adversit C est pour cela que les habitants y tiennent tant et qu ils trouvent insupportable de les voir d truits nouveau A quelques exceptions pr s tous les hommes politiques de la Somme partagent cette vision hautement culturelle et patrimoniale de leur r gion Ce type d interpr tation est largement relay par la presse r gionale et locale Inondations guerre a roport l Est de la Somme cultive les blessures des si cles titre La Voix du Nord qui dresse le portrait d un territoire et de ses habitants ayant subi pendant la guerre et qui continuent de subir La Grande Guerre est donc vue comme un v nement fondateur structurant l identit
9. rit es Certains auteurs voient ces champs de bataille mis en tourisme avant tout comme des espaces en tension entrem l s entre une pratique initiale qui avait voir avec le p lerinage et n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme une tendance actuelle d velopper un service la carte qui segmente les propositions Trouche 2010 L implantation d uvres d art les multiples am nagements paysagers op r s sur certains lieux de bataille parcs comm moratifs coul e de bleuets instaurent de nouvelles modalit s d appropriation des lieux et produisent des imaginaires renouvel s Ils contribuent la cr ation de lieux hybrides entre le r el et le virtuel le savant et le spectaculaire le sacr et le profane La construction sociale de la d sirabilit par la positivation d un pass douloureux reposent sur quelques modalit s renouvelant la gestion mat rielle paysag re et symboliques des espaces de conflit nous en avons notamment identifi cinq l esth tisation la pacification la naturalisation la participation habitante et l urbanisation Esth tisation A la monumentalisation comm morative succ de une artialisation puisant dans des r f rences universalisantes R sidences d artistes expositions d art ou encore politique d implantation d art public sur les champs de bataille caract risent les modalit s
10. s inscrit pr cis ment dans l imaginaire touristique r gional en Picardie G n ralement situ e dans les ann es 1960 70 ce tournant touristique est expliqu par la progressive disparition des anciens combattants entrainant une modification en profondeur de la nature du tourisme des pratiques et des motivations Antoine Prost est sans doute l un des premiers mettre en exergue ces mutations partir de ses travaux sur Verdun Les p lerinages changent progressivement de nature crit il dans l article Verdun des Lieux de m moire Prost 1986 l histoire prend le relais de la ferveur Prost 1986 p 1771 D autres historiens vont dans le m me sens c est le cas de Serge Barcellini auteur d un rapport sur la valorisation touristique des champs de bataille meusiens publi en 2009 et intitul Le Temps de l Histoire dans lequel le tourisme contemporain d histoire tourn vers la p dagogie et la volont de compr hension rompt avec le tourisme de p lerinage et le Temps de la m moire Ces conceptions connaissent une diffusion certaine dans l espace public comme le montre un extrait de la Gazette des Communes de 1995 constatant l poque des p lerinages est r volue les v t rans ne sont plus qu une poign e Les sites perdent leur symbolique reliquaire pour entrer dans une nouvelle phase historique et culturelle Le tourisme de m moire est avant tout vu co
11. touristiques 12 Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme BIBLIOGRAPHIE Amirou R 1995 Imaginaire touristique et sociabilit de voyage Paris PUF Barcellini S 2009 Introduction au dossier Historial mus es et m moriaux de la Grande guerre Guerres mondiales et conflits contemporains n 235 3 5 Becker A Audoin Rouzeau S 2000 14 18 retrouver la guerre Paris Gallimard Billson B 2007 L exp rience de l Australie sur les voyages sur les sites des deux guerres mondiales in Actes des premi res rencontres internationales sur la m moire partag e La Documentation fran aise Bonnard J Y 2008 L Oise au c ur de la Grande guerre Archives d partementales de l Oise Brandt S 1994 Le voyage aux champs de bataille Vingti me si cle vol 41 18 22 Crozat D 2007 Thirdspace espaces potentiels et hyper r el nouvelles modalit s de la fuite dans l imaginaire in Viala L Villepontoux S dir Imaginaire territoires soci t s Contributions un d ploiement transdisciplinaire de la g ographie sociale Montpellier Universit Paul Val ry Montpellier 3 97 112 Debarbieux B 2008 Le montagnard imaginaires de la territorialit et invention d un type humain Annales de G ographie n 660 90 115 Desbois H 2010 Le paysage nigmatique Le Bay Bridge et l lan all gorique contemporain dans Lumi re virtuelle de William Gibson in Actes du
12. Guerre en Picardie L Oise un territoire en marge Actes du colloque La Grande guerre dans le d partement de l Oise Archives d partementales de l Oise Libel para tre Hartog F 2003 R gimes d historicite pr sentisme et exp riences du temps Paris Seuil Hobsbawm E Ranger T dir 2005 L invention de la tradition Paris Editions Amsterdam Lloyd D 1998 Battlefield Tourism Pilgrimage and the Commemoration of the Great War in Britain Australia and Canada Oxford Berg Lafon A amp al 2009 La grande guerre aujourd hui M moire s Histoire s Agen ditions de l Albret et Acad mie des Sciences Lettres et Arts d Agen Mac Phail H 2002 la Grande Guerre mode d emploi in Wahnich S Fictions d Europe La guerre au mus e Paris Editions des archives contemporaines 303 307 Nivet Ph 1998 Les cons quences du passage du front dans la Somme in Nivet Ph Dum nil A Picardie terre de fronti re Amiens Encrages Offenstadt N 2010 La Grande Guerre aujourd hui Paris Odile Jacob Offenstadt N dir 2004 Le Chemin des Dames de l v nement la m moire Paris Stock Panni F Jagelski K 2000 Les ruines en images Noyon et Soissons in Reconstructions en Picardie apr s 1918 Paris Reunion des Mus es Nationaux 204 220 Prost A 1997 Verdun in Nora P dir Les lieux de m moire Paris Gallimard dition Quarto Prost A Winte
13. L usage du registre de la paix en est un exemple aussi ancien que la guerre elle m me puisque le theme de la paix marque la m morialisation des champs de bataille d s la fin des combats monuments aux morts p lerinages pacifistes des anciens combattants Depuis les ann es 80 mesure que se d veloppe la Valorisation touristique publique des sites la distance l gard de la m moire de la conflictualit voire l occultation de certaines modalit s de violences de guerre semblent s intensifier au profit d autres registres comme celui de la paix de la r conciliation ou plus r cemment de la m moire partag e Ainsi le refus de la jouissance du spectacle de la guerre et la volont de pr server le visiteur des effets motionnels propres la mise en sc ne de l insupportable Wahnich 2001 sont ils clairement revendiqu s dans certaines modalit de la mise en tourisme comme l exposition mus ographique L Historial de P ronne se caract rise selon Jay Winter par un agencement visant mettre en sc ne une dimension apais e et pacifiste d une part et d autre part le discours de ce mus e est un discours de catastrophe partag e Winter 2004 Relevant l absence de toute h ro sation Phistorienne Sophie Wahnich analyse la disposition d uniformes et des objets des soldats au fond des fosses comme un choix d occulter l action guerri re au profit de la mort et du deuil L e
14. Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme Tourisme de m moire et imaginaire touristique des champs de bataille Anne Hertzog L pr sentation sous vitrine de la maquette du m morial de Lutyens dans le centre d interpr tation de Thi pval ouvert en 2004 est r v latrice des mutations qui affectent la valorisation des sites de m moire de la Grande Guerre en Picardie le m morial demeur durant des d cennies un lieu de visite et de p lerinage est devenu objet d histoire expos et expliqu par le truchement de la m diation mus ographique Le visitor center de Thi pval mat rialise la mise en tourisme d un site attirant pr s de 200000 visiteurs par an et n cessitant selon ses initiateurs un accueil et une interpr tation R alisation franco britannique sur une terre du souvenir britannique l espace de la bataille de la Somme il s inscrit dans un processus de r appropriation symbolique d un passe douloureux partag Ce visitor center est le lieu d expression d un nouvel imaginaire touristique associ aux lieux de m moire de la Grande guerre que nous aborderons non partir des motivations et des exp riences des touristes Stone Sharpley 2009 Winter 2011 mais partir de celles des acteurs publics locaux l origine de la mise en tourisme V cue comme un traumatisme marquant profond ment l imaginaire r gional la guerre est per ue comme un moment fon
15. contemporaines de la mise en tourisme Ainsi en 1998 l installation de l uvre d Ernest Pignon Ernest dans le bois de Soy court Somme et de celle d Haim Kern sur le plateau de Craonne pour ne citer qu elles entrainent l mergence de nouvelles repr sentations et usages des sites Le Chemin des Dames est devenu le lieu par excellence d une hybridation des pratiques et des repr sentations de l espace Pour ne prendre qu un exemple le champ de bataille du Plateau de Californie fait l objet depuis quelques ann es d une mise en valeur qui vise produire la fois un lieu d histoire d broussaillage de la for t pour exhumer les tranch es installation de panneaux explicatifs un lieu de m moire exhumation des ruines du village d truit du Vieux Craonne et restauration de monuments aux morts un lieu de randonn e et de tourisme de nature ouverture de sentiers signal tique de l ONF et mention d arbres remarquables enfin un lieu d exposition d art in situ depuis l installation de la sculpture Ils n ont pas choisi leur s pulture de l artiste Haim Kern command e par l Etat en 1998 L introduction d uvres d art contemporain sur les champs de bataille permet de souligner un autre aspect de cette entreprise de positivation qui parfois est l uvre dans la mise en tourisme l id e qu la signification historique des lieux doit se surimposer un message caract re universaliste
16. dateur de l identit r gionale et ses traces converties en espaces touristiques On assiste ainsi depuis les ann es 1990 la production d un imaginaire touristique r gional fond sur la guerre traduisant un tournant dans les repr sentations des lieux de la mort devenus espaces comm moratifs Audoin Rouzeau Becker 2009 p 219 et destinations touristiques MacCannell Le centre d interpr tation de Thiepval t moigne d une invention pour paraphraser Hobsbawm Hobsbawm Ranger 2005 d un tourisme de m moire par les acteurs publics locaux Parler d invention peut para tre surprenant alors m me que les champs de bataille comme la Somme attirent des milliers de visiteurs britanniques chaque ann e depuis la guerre Mais l investissement relativement r cent de ce mythe vivant britannique Winter J 1995 p 129 par les acteurs publics locaux d une part et l in gal int r t suscit par la promotion du pass guerrier dans la destination Picardie l chelle de la r gion d autre part montrent combien le tourisme de m moire s apparente bien la construction d une nouvelle cat gorie touristique imagin e dans un contexte sp cifique puisant dans des registres multiples produisant des lieux et des images et r inventant un rapport au pass et aux territoires Cette contribution d veloppera d abord la mani re dont la guerre et ses traces s insc
17. e d sirables Il faut se demander comment s op re spatialement cette construction sociale de la d sirabilit qui conduit positiver la m moire du conflit et donc r inventer le sens des lieux de m moire voire imaginer de nouveaux lieux v ritables espaces fictionnels ou hyper r els Crozat 2007 En effet avec la reconstruction et l effacement progressif des stigmates de la guerre la construction du champ de bataille en tant que destination touristique invite en premier lieu donner voir Ainsi depuis les ann es 1980 les processus d exhumation sans pr c dent des traces de la guerre et l intense marquage des lieux doit conf rer de la visibilit des l ments non appr hendables imm diatement puisqu appartenant au pass La reconstitution exigeant souvent un important dispositif technique et humain reconstitutions historiques de tranch es de ruines en constitue une modalit particuli re instituant un semblant de v rit travers des mises en sc ne pseudo r alistes et plus ou moins spectaculaires Le Sch ma r gional du tourisme de Lorraine en appelle ainsi une culture sans p dagogie des mus es plus spectaculaires des sites patrimoniaux plus anim s ventuellement par du spectacle vivant La mise en tourisme suppose des pratiques socio spatiales innovantes qui fa onnent des lieux o s articulent pratiques contemporaines et pratiques h
18. e la Grande Guerre et chercheur au centre de Historial de P ronne apr s l enfer de 14 18 le ressort est bris Bien des retards structurels d aujourd hui en d coulent le retard scolaire notamment Le Monde 17 mai 2001 Par ailleurs une repr sentation du territoire sacrifi indissociable de la guerre un imaginaire r gional associ l id e du traumatisme provoqu par ce conflit semblent s tre localement construits Ainsi en 2001 l ampleur des inondations de la Somme et le projet du troisi me a roport parisien auraient r activ les repr sentations de la Picardie comme un territoire meurtri par l histoire oubli par l Etat et sacrifi e par la nation C est notamment l interpr tation de l historien St phane Audoin Rouzeau dans le journal le Monde invoquant de vieilles blessures rouvertes par les inondations catastrophiques Il y a un retour de la m moire affirme t il dans le quotidien national L eau remplace le feu de la guerre L eau d truit les maisons les paysages les infrastructures tout est v cu de fa on traumatique comme lors des deux conflits mondiaux Je crois que la Picardie ne s est jamais remise compl tement des destructions de la premi re guerre mondiale et de celles de 1940 On ne comprend rien cette r gion si on oublie le champ de bataille Les inondations auraient donc r actualis un sentiment de vuln
19. e des espaces de conflit visant Pintelligibilite du pass se distinguent des premiers mus es reliquaires implant s sur les champs de bataille L implantation de l Historial dans le ch teau de P ronne situ au centre de la ville manifeste la dissociation du mus e et du champ de bataille une forme de d territorialisation de la m moire pour mieux mat rialiser un concept historiographique neuf fond sur l approche compar e de la guerre et un projet universel illustrer une communaut de souffrance l chelle europ enne autrement dit se d tacher du territoire pour mieux s ancrer dans un imaginaire spatial plus vaste Ces nouvelles logiques de localisation traduisent cependant des enjeux plus complexes Ces mus es urbains sont aussi les points d appui du d veloppement culturel local et participent souvent aux projets de requalification urbaine 10 n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme Conclusion Le tourisme sur les champs de bataille et m me dans les villes en ruine est un ph nom ne ancien qui d bute avec la Grande Guerre guides Michelin Mais il suscite durant l entre guerre une certaine d fiance voire un rejet Il s affaiblit a mesure que les habitants effacent les stigmates de la guerre dans les paysages sauf dans les espaces fr quent s par les nations du Commonwealth Apr s des d cennies d occultation la g
20. e participe a la construction la reconstruction pourrait on dire d une nouvelle identit pour ces territoires Nouvelle identit qui se d veloppe et qui se fonde d sormais sur l accueil sur louverture aux autres l change et sur l enrichissement mutuel Le tourisme de m moire accompagne les habitants de ces territoires marqu s par les drames et le poids de l histoire dans une n cessaire volution une salutaire reconversion qui de terre d invasion les am ne devenir terre d accueil La fonction pacificatrice du tourisme est ici d pass e au profit d un imaginaire de la r silience le tourisme est invoqu comme reconstruction et reconversion d un territoire et d une soci t locale bris s En ce sens il est d sormais per u comme une composante de l identit des territoires leur permettant de surmonter le traumatisme Le m me lu en appelle une forme de tourisme o la valeur thique et morale sera encore plus pr sente o la visite de ces lieux de m moire sera un moyen de donner un sens notre avenir Aussi le tourisme de m moire est il de plus en plus associ un tourisme thique durable car il est per u comme un moyen de concilier protection du patrimoine d veloppement conomique et valeurs thiques et sociales captant par la m me les probl matiques propres certaines conceptions contemporaines du d veloppement durable Ces propos mo
21. ent d image et un discours plus personnalis sur les lieux voir le site internet du conseil r gional qui met en sc ne des habitants ambassadeurs du territoire en mobilisant leur exp rience des lieux Enfin l int gration d espaces situ s en dehors du champ de bataille donc diff rents des hauts lieux m moriels traditionnels tranch es villages d truits m moriaux un tourisme de m moire s inscrit dans une volont d int grer d autres types de m moires civils arri re et surtout de nouveaux territoires aux territoires traditionnels du tourisme de m moire Ainsi l int gration du patrimoine de la reconstruction dans la valorisation touristique de la Somme ou le projet Meuse le Temps de l Histoire r dig Serge Barcellini dans la perspective du centenaire tend bien au del du champ de bataille de Verdun le territoire touristique et m moriel de la m moire de la guerre Par ailleurs alors que l espace du souvenir et du p lerinage se cristallise sur le champ de bataille lieu du sacrifice de l ensevelissement des morts et du culte mat rialis par les m moriaux n cropoles cimeti res les villes deviennent de nouveaux p les dans la mise en tourisme des espaces de conflit partir des ann es 1980 avec l implantation urbaine d une nouvelle g n ration de mus es Ces mus es d histoire qui constituent une modalit sp cifique de la patrimonialisation et de la mise en tourism
22. evient l Historial de la Grande Guerre lanc en 1986 et inaugur en 1992 La construction de l Historial dans la ville de P ronne traduit importance des enjeux territoriaux locaux de la Valorisation des champs de bataille ses fonctions culturelles diversifi es mus e centre de recherche lieu d exposition temporaire et de concert en font un outil d am nagement du territoire destin quilibrer l offre touristique dans un territoire en marge vu comme un d sert culturel et touristique Construire une identit territoriale utiliser des ressources patrimoniales locales dans une perspective de d veloppement conomique et culturel sont les enjeux de ce projet qui vise capter le public des visiteurs britanniques Le m me type d enjeux caract rise le projet de d veloppement touristique du Chemin des Dames lanc en 1994 par le Comit d expansion de l Aisne dans un territoire rural en d prise Les d buts de la mise en valeur du Chemin des Dames dans les ann es 1990 coincident avec une prise de conscience de l int r t touristique que peuvent rev tir les lieux de m moire On parle beaucoup alors dans I Aisne mais aussi sur d autres territoires fortement marqu s par les pisodes guerriers de ce concept et des enjeux conomiques qu il sous tend C est un th me la mode dans les r flexions sur l am nagement du territoire Les am nagements entrepris sur le Chemin des Dames corre
23. ions contemporaines de la mise en tourisme MIT 2005 envisag e comme une construction sociale de la d sirabilit et d un imp ratif de s duction de ces lieux associ s la violence la mort au la destruction au deuil et au sacrifice Ces extraits que nous soulignons relev s dans le Sch ma R gional du Tourisme Lorrain pour la p riode 2007 2012 propos du tourisme de m moire associ au patrimoine militaire r gional nous semblent r v lateurs de cet enjeu de la mise en tourisme Une action ambitieuse pourrait viser un positionnement de r f rence sur ce th me en France voire en Europe tout en le positivant travers sa d clinaison pacifique les batailles qui ont fait l Europe et pouss les peuples se rapprocher Plus sp cifiquement sur le tourisme de m moire le message est travaill en coh rence avec la politique d image de la r gion et les th mes trait s le sont sous l angle de l avenir la rencontre des peuples plus que la guerre L enjeu est de disposer de produits permettant de communiquer une image tourn e vers l avenir la rencontre des 36 peuples plus que la guerre La construction de l espace de conflit comme une destination touristique c est a dire s duisante impose d interroger plus finement les repr sentations associ es la violence et aux traces des conflits ainsi que les registres utilis s pour les rendr
24. llectivit s locales dans un contexte de d centralisation politique et de retrait de l Etat Aussi l invention d une politique touristique associ e l h ritage de la Grande Guerre s inscrit elle dans un contexte national europ en et mondial caract ris par d importantes recompositions Il faut ainsi souligner l mergence de la Grande Guerre dans le champ de l historiographie fran aise partir des ann es 1970 80 Winter Prost 2004 qui joue un r le important dans la construction des imaginaires associ s la guerre Ces travaux qui se structurent notamment autour de l Ecole de P ronne et du Crid renouvellent les approches historiographiques du conflit et participent du retour de la Grande Guerre qui loin de se cantonner la sph re universitaire se mesure laune de la multiplication des documentaires films Lafon 2009 romans et m me chansons depuis les ann es 1990 que Il historien Nicolas Offenstadt qualifie de mouvement culturel d envergure Offenstadt 2010 Alors que disparaissent les derniers Poilus cette production culturelle offrirait des conditions renouvel es de diffusion des savoirs n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme et de transmissions des imaginaires de la Grande Guerre aupr s de cat gories sociales largies Il n est cependant pas certain qu elle forge des imaginaires aussi structurants que ceux d cri
25. me Si l on oublie les guerres et les souffrances qu ils ont d endurer on ne comprend rien aux Picards affirme l historien Philippe Nivet L h ritage de la guerre occupe une place ambivalente dans l imaginaire touristique r gional tant t pr sent comme un atout pour la notori t et le d veloppement touristique il est aussi pr sent comme un frein Le sch ma du tourisme du d partement de la Somme l exprime au d but des ann es 2000 L association du nom du d partement l image difficile de la Grande guerre des paysages plats et monotones un temps froid et pluvieux Un manque de fiert et de connaissance de l histoire et du patrimoine de la part des habitants Une th matique de la guerre de 14 18 ne touchant qu un public restreint et renfor ant l image de tristesse associ e au d partement Une culture et une histoire de replis des habitants pas toujours propices la rencontre et l change 10 ans plus tard le Sch ma r gional du tourisme voque encore l image d une Picardie qui ne fait pas assez r ver une image peu attach e au tourisme et peu per ue comme une destination valorisante La guerre n est pas aussi explicitement mentionn e mais le document souligne un vrai probl me de s duction et fait l inventaire des obstacles au r ve et a l motion situation au Nord de la France le climat peu cl ment per u comme froid et humide les
26. me d s l entre deux guerre Prost 1986 Sur le Chemin des Dames des monuments clairement pacifistes font l objet de pratiques de visites et de comm morations r guli res voir Jagielski dans Offenstadt 2004 p 270 Le th me de la paix prend une importance croissante partir des ann es 1980 comme le montre la construction du M morial de la Paix Verdun De m me si certains lieux de m moire sont rig s en symboles de r conciliation franco allemande d s les ann es 60 dans le contexte de la construction europ enne Chemin des Dames le th me de la m moire partag e est un registre de plus en plus convoqu dans les processus de mise en tourisme contemporains La fonction pacificatrice du tourisme de m moire nourrit donc l imaginaire touristique et innerve les discours tant au niveau de l Etat qu au niveau local En 2005 le secr taire d Etat aux Anciens Combattants proclame dans une p riode troubl e par les grands v nements internationaux le tourisme de m moire appara t ainsi comme un vecteur de paix un vecteur d change et de respect mutuel entre les peuples En 2008 I lu charg du tourisme aupr s du Conseil g n ral de la Somme voit dans le tourisme de m moire un moyen de c l brer la paix entre les nations Sa pr sentation lors d un colloque tenu en Picardie en 2008 est particuli rement clairante sur le sens donn ce tourisme Le tourisme de m moir
27. mme un tourisme ducatif cens r pondre aux besoins de compr hension et d interpr tation des espaces de combats et des lieux de m moire dont le sens chapperait aux g n rations contemporaines L lu charg du tourisme de m moire dans le d partement de la Somme d fend l id e d un passage d un tourisme de p lerinage untourisme de compr hension historique Le circuit du souvenir de la Somme est d sormais qualifi d espace historique de la bataille de la Somme Ce tourisme d Histoire consacre l historien expert comme figure centrale du processus contemporain de mise en tourisme La vocation p dagogique des champs de bataille s ancre dans les ann es soixante dans une histoire bataille centr e sur la compr hension des v nements militaires et la m moire combattante Mais partir des ann es 1980 1990 elle profite des renouvellements historiographiques histoire culturelle histoire sociale approche compar e comme P ronne et int gre un certain nombre de d bats non exempt d id ologie comme le montre l importance prise par la th matique des fusill s pour exemple dans les strat gies de communication et de m diation sur le Chemin des Dames depuis quelques ann es Estelmann M ller 2009 Les recherches anglo saxonnes portant sur le tourisme des champs de bataille ou de m moire nuancent l opposition entre tourisme et p leri
28. nage insistant sur les l ments de convergence et la complexit des pratiques et des motivations Winter 2011 Aussi la plupart des travaux anglo saxons contemporains se distinguent d une vision en termes de succession de r gimes de touristicit en r f rence aux r gimes d historicit d Hartog Pour aller dans ce sens on peut aussi souligner que les champs de bataille semblent avoir suscit tr s t t un tourisme d Histoire si on qualifie ainsi un tourisme mu par la volont de comprendre les faits historiques s tant d roul s sur les lieux En 1919 le guide Michelin consacr l Ourcq propose un ouvrage qui soit la fois un guide pratique et une histoire Nous ne concevons pas une telle visite comme une simple course dans les r gions d vast es mais comme un v ritable p lerinage Il ne suffit pas de voir il faut aussi comprendre a Des la guerre se d veloppe galement une forme de tourisme li la d couverte des paysages d vast s Panni Jagelski 2000 Bonnard 2008 que les acteurs locaux tentent de maitriser Des imaginaires touristiques diff rents coexistent donc n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme tout au long du XX me si cle ce que note d ailleurs Antoine Prost propos de Verdun L historien montre galement que les p lerinages combattants rigent la paix comme valeur supr
29. ndamment montr le sens des lieux de m moire pour les diff rentes nations et comment Verdun focalisent l imaginaire li e au souvenir de la guerre du c t fran ais contrairement par exemple au Chemin des Dames 6 Sur ces aspects voir Offenstadt 2004 notamment 7 Un inventaire du patrimoine de la Grande Guerre de Picardie est lanc partir de 1991 par le service r gional de l inventaire en collaboration avec les services de l Etat DRAC DIREN 8 Vision commun ment partag e par l ensemble des acteurs publics de l am nagement de la culture et du tourisme de l poque 9 Cit dans Estelmann F M ller O Schlachtfeldtourismus und dissidente Diskurse Zu den Geschichtsorten des Ersten Weltkriegs am Beispiel des Chemin des Dames in der franz sischen Region Picardie Gastbeitrag dans Lenz R Salein K Kulturtourismus Ethnografische Recherchen im Reiseraum Europa 2009 10 Voir Premi res rencontres de la M moire Partag e organis es conjointement par le Secr tariat aux anciens combattants et l Unesco en 2006 11 www cheminsdememoire gouv fr telechargement Word ConventionLille doc 12 Le crid est le collectif de recherche international et de d bat sur la guerre 14 18 implant Craonne sur le Chemin des Dames ce r seau de chercheurs N Offenstadt R Cazals F Rousseau s oppose notamment a n 1 2012 Les imaginaires touristiques 11 Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme
30. nsemble de la mus ographie met selon elle dans ombre une part de la violence de guerre et ne permet pas de prendre la mesure du combat du c t de ceux qui donnent la mort La sobri t la distanciation l esth tique volontairement sensible plut t qu motionnelle produisent un effet de d n gation de la violence de guerre et un cecum nisme humaniste II refoule la m moire de la conflictualit guerri re qui pourraient encore tre per ue comme une conflictualit politique Wahnich 2001 La dimension europ enne y est galement clairement exprim e mus e trilingue pr sentant un triple point de vue sur les v nements dans une perspective de construction d une histoire commune Ce type de dispositif relevant de la patrimonialisation et de la mise en tourisme s int gre donc des enjeux politiques et territoriaux Une certaine ambivalence se retrouve dans l approche des paysages des champs de bataille ou des lieux marqu s par les destructions tant t les paysages sont porteurs des signes du traumatisme dents creuses ruines vide laiss par les destructions dans les paysages urbains tant t ils incarnent la s r nit et la paix retrouv e Cette description trouv e sur le site du Conseil R gional n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme de Picardie en 2006 montre la capacit du discours touristique produire des
31. nternationale interdisciplinaire de tourisme grandes collections princi res ou bourgeoises des for ts chasse et d une nature pr serv e aux portes de Paris renvoient un imaginaire de la vill giature et des chapp es belles slogan du CDT au d but des ann es 2000 qui ne laisse gu re de place la promotion du souvenir de la Grande Guerre M me dans les villes d vast es Noyon jusqu une p riode r cente la guerre est un pass concurrenc par les pisodes plus glorieux de l histoire urbaine qui alimentent des traditions historiographiques locales davantage tourn es vers l histoire religieuse ou l arch ologie Dans la Somme l invention d une politique touristique et culturelle autour de la guerre r pond des enjeux d am nagement du territoire Initi par le Comit d partemental du Tourisme d s la fin des ann es 1970 le circuit du souvenir relie l ensemble des lieux de m moire et des n cropoles situ s dans l est du d partement pour structurer un territoire d j fortement investi par les acteurs du Commonwealth L importance prise par le tourisme de m moire dans la Somme s explique aussi par l impulsion donn e par le pr sident du Conseil g n ral Max Lejeune ancien secr taire aux Anciens combattants et dont l histoire familiale fut marqu e par le conflit C est lui qui lance l id e d un mus e de la bataille de la Somme d s La fin des ann es 1970 qui d
32. ntrent que bien que d velopp sur les traces du pass le tourisme de m moire se con oit bien comme un tourisme du pr sent en qu te de synchronie avec le monde contemporain Urbain 2003 Le sens donn au tourisme s inscrit non seulement dans un rapport au pass et une construction m morielle li e la guerre mais il s ancre galement dans certaines conceptions id alis es du tourisme comme facteur de rapprochement entre les peuples Les significations et finalit s attribu es ce tourisme renvoient aussi aux nouveaux cadres normatifs du d veloppement des territoires tourisme durable aux valeurs thique paix droits de l Homme et aux enjeux politiques construction europ enne construction d une m moire europ enne contemporains Pourtant l imaginaire du p lerinage ne s est pas effac Visiter Verdun c est faire un p lerinage au c ur d une terre meurtrie titre ainsi le Magazine Voyage et Histoire en 2006 L imaginaire du p lerinage qui caract rise le tourisme des champs de bataille dans l imm diat apr s guerre Prost 1986 Lloyd 1998 Winter J 2001 Winter C 2009 2011 continue de marquer les conceptions contemporaines du tourisme de m moire Les valeurs de sacralit de respect le deuil la comm moration du sacrifice n ont pas disparu des registres discursifs A propos de la valorisation touristique de la Somme l lu en charge du tourisme pour le conseil
33. pace de la p dagogie et d un tourisme d histoire Artistes historiens mais aussi de plus en plus sc nographes et techniciens y confrontent leur repr sentations au service de la construction de la d sirabilit La construction de l attractivit de la destination touristique repose quelques fois sur la positivation de la m moire d un pass douloureux laquelle t moigne de l ambiguit croiser les registres touristiques plaisir divertissement fascination ceux de la violence et du deuil NOTES 1 Il faut en effet souligner le r le actif d s les ann es 1970 1980 des acteurs d partementaux dans la valorisation des sites historiques du c t fran ais aux c t s des associations locales tr s nombreuses dans les territoires du front L Etat principalement investi dans la politique de comm moration nationale n a finalement jou qu un r le assez secondaire dans la valorisation des sites m me s il participe financi rement certains am nagements mus ographiques d s le milieu des ann es 1980 2 Sch ma du Tourisme de la R gion Picardie 2000 3 Documentation du Conseil g n ral Mission du Chemin des Dames 1994 2011 4 un autre niveau d chelle Communaut s de communes et Pays ont galement fait de la Grande Guerre et de ses traces le point d appui de leur d veloppement touristique Pays du Coquelicot dans la Somme par exemple de m me que certaines communes 5 Les historiens ont abo
34. paysages all goriques Partez en randonn e sur les champs de bataille traversez les villages jadis meurtris arr tez vous dans un cimeti re ou poussez les portes de l Historial de P ronne Ressentez l motion vous gagner dans ces lieux aujourd hui emplis de calme et de s r nit Les Picards ont reconstruit leurs villes force de courage et de volont la Vall e de la Haute Somme a retrouv sa verdure les coquelicots ont envahi les champs les grands arbres veillent nouveau sur le Chemin des Dames les paysages y sont tonnamment beaux La nature a retrouv ses droits la Picardie tranquille rend hommage aux hommes qui sont tomb s jadis pour sa libert site internet du Conseil g n ral de la Somme en 2006 L id e de r silience fortement pr sente dans un certain nombre de discours sur les paysages passe galement par l id e de la m moire partag e La construction sociale de l attractivit touristique et de la d sirabilit passe par l implication habitante le sch ma r gional du tourisme fait l un des piliers du renouvellement de la politique touristique r gionale Le site internet du CRT publie depuis peu les t moignages d habitants la fois ambassadeurs et guides Cela implique aussi une r appropriation des m moires habitantes et non pas seulement combattantes Mireille Gueissaz en voquant la difficult des habitants dd la Somme se positionner dans leur propre terri
35. r J 2004 Penser la Grande guerre Un essai d historiographie Paris Seuil Point Histoire Sharpley R Stone PR 2009 The Darker Side of Travel The Theory and Practice of Dark Tourism Clevedon Channel View Trouche D 2010 Les mises en sc ne de l histoire Approche communicationnelle des sites historiques des guerres mondiales Paris L Harmattan n 1 2012 Les imaginaires touristiques 13 Via revue internationale interdisciplinaire de tourisme Urbain J D 2003 Tourisme de m moire Un travail de deuil positif Cahiers Espaces Tourisme de m moire n 80 d cembre 5 9 Wahnich S dir 2001 Les mus es lieu du politique Tumultes n 16 Winter C 2009 Tourism social memory and the Great War Annals of tourism research vol 36 n 4 Winter C 2011 Exploring Visitor Motivations explorations in the Great War town of leper Belgium International journal of tourism research vol 13 164 176 Winter J 1995 Sites of Memory Sites of Mourning the Great War in European Cultural History Cambridge Cambridge University Press POUR CITER CET ARTICLE R f rence lectronique Anne Hertzog Tourisme de m moire et imaginaire touristique des champs de bataille Via Les imaginaires touristiques n 1 2012 mis en ligne le 16 mars 2012 URL http www viatourismreview net Article6 php AUTEUR Anne Hertzog Maitre de conf rences en g ographie Universit de Ce
36. rgy Pontoise n 1 2012 Les imaginaires touristiques 14
37. rivent peu peu dans l imaginaire touristique r gional alors m me qu elle est per ue comme un traumatisme collectif marquant durablement la r gion et ses habitants Elle s interessera ensuite aux conceptions du tourisme de m moire d velopp es par les acteurs publics picards elle tentera de montrer en quoi le sens les valeurs et les fonctions sociales qui lui sont attach s en font un tourisme du pr sent en qu te de synchronie avec le monde contemporain Urbain 2003 mais aussi d une certaine mani re un tourisme tabou car demeurant intrinsequement li l imaginaire du p lerinage Enfin elle questionnera la mani re dont les espaces de conflits sont remodel s dans leur sens symbolique mais aussi dans leur g ographie par les conceptions contemporaines de la mise en tourisme MIT 2005 envisag e comme une construction sociale de la d sirabilit et d un imp ratif de s duction de ces lieux associ s la violence la mort au deuil et au sacrifice Comment la Picardie devient une destination touristique de m moire Cette contribution d veloppera d abord la mani re dont la guerre et ses traces s inscrivent peu peu dans l imaginaire touristique r gional alors m me qu elle est per ue comme un traumatisme collectif marquant durablement la r gion et ses habitants A partir des ann es 1990 les am nagements visant Valoriser touristiquement les champs de bataille
38. s les ruines les trous d obus il conclue l ouvrage en soulignant que pr s d un si cle plus tard ce conflit demeure au c ur de l Oise 21 Le Monde art cit 17 mai 2001 22 Site internet du CRT consult en Mai 2011 23 Voir ce sujet Auzas V Jewsiewicki B dir Traumatisme collectif pour patrimoine regards crois s sur un mouvement transnational Presses de l Universit de Laval Canada 2008 24 Ex contr leur g n ral des arm es charg des politiques m morielle au sein du Minist re de la D fense 1995 historien de la m moire de la premi re guerre mondial Serge Barcellini est charg de valoriser les sites de la guerre au sein du Conseil g n ral de la Meuse depuis 2008 25 Rapport en ligne 2009 voir aussi Barcellini Serge Introduction Guerres mondiales et conflits contemporains 3 2009 n 235 p 3 5 Ou encore Du tourisme de p lerinage au tourisme d histoire dans Administration revue de l administration territoriale de l Etat n 228 d cembre janvier 2010 2011 26 Intervention de Dominique Camus Le tourisme de m moire en Picardie pour une int gration r gionale lors du colloque Le tourisme des m moires en Picardie au service du d veloppement conomique et culturel de la Picardie ACSE DRT ONAC UPJV Amiens janvier 2008 27 L analyse des pratiques touristiques est devenue un objet de recherche en soi que ce soit dans le champ d tude du DarkTourism Thana
39. s le d but des ann es 2000 le Conseil R gional se montre son tour particuli rement volontariste dans ce domaine On peut ainsi lire dans son Sch ma du Tourisme labor en 2000 que l histoire la culture le patrimoine sont une ressource fondamentale pour le d veloppement de l industrie touristique en Picardie Son patrimoine gothique son histoire marqu e par les deux guerres mondiales sa tradition industrielle peuvent contribuer l attractivit de la r gion et d marquer la Picardie des autres r gions Le processus d int gration de la guerre dans l imaginaire touristique r gional s articule la g ographie des traces de la guerre elle m me d termin e par l extension du front mais surtout par la g ographie de leur patrimonialisation L in gale appropriation patrimoniale et m morielle des traces est de ce fait un facteur important de l inclusion contrast e de la Grande Guerre dans l imaginaire touristique r gional Avant les ann es 70 cette appropriation est bien plus visible dans les secteurs britanniques du front o s difie un v ritable complexe de deuil britannique entre les deux guerres mondiales contribuant faire de la Somme un mythe sacr pour les Britanniques alors que dans le m me temps l imaginaire fran ais de la guerre se focalisait sur Verdun Gueissaz 2001 p 96 Ainsi les premi res initiatives du Comit du Tourisme de la Somme dans les ann es 1970 s articulen
40. spondent certes une n cessit en termes de pr servation et de valorisation du patrimoine mais ils r pondent aussi tr s clairement cette ambition de concilier tourisme et m moire Cette volont est toujours de mise Damien Becquart charg de mission aupr s du Conseil g n ral de l Aisne Au cours des ann es 1980 1990 face la d sindustrialisation et la vuln rabilit de certaines activit s la fabrique de nouvelles ressources territoriales reposant sur la m moire et le tourisme appara t localement comme une r ponse possible Le tourisme de m moire est une cat gorie de plus en plus convoqu e par les acteurs publics locaux comme un levier de d veloppement et de requalification des territoires L expression pass e dans le langage courant est officialis e par la politique de l Etat qui l impulse comme nouvelle fili re partir de la fin des ann es 1990 Le tourisme de m moire r pond ainsi une finalit politique et diplomatique travers la notion de m moire partag e conjointement promue par l Unesco et le Minist re de la D fense 10 et enfin conomique comme en t moigne une convention sign e entre le Minist re du Tourisme et le secr tariat d Etat aux anciens combattants en f vrier 2004 ent rinant le r le conomique dans le d veloppement des territoires ae L organisation du tourisme de m moire est cependant largement prise en charge par les co
41. t des pratiques comm moratives et touristiques d j anciennes touchant plus particuli rement les secteurs militaires des nations du Commonwealth Somme Battelfields devenus des espaces m moriels et des lieux de p lerinage intens ment am nag s par les diff rentes nations d s l entre deux guerres L int gration du Chemin des Dames situ dans l Aisne l imaginaire touristique r gional est plus tardive signe de sa place plus marginale dans la m moire nationale et dans l imaginaire de la Grande Guerre Plusieurs raisons peuvent l expliquer le Chemin des Dames est d abord une bataille introuvable selon l expression de Philippe Olivera dans Offenstadt 2004 p 36 dont la territorialisation demeure floue rendant difficile l ancrage spatial de la m moire il est ensuite indissociable de l un des plus importants checs militaires fran ais offensive Nivelle de 1917 et des grandes mutineries du printemps 1917 Offenstadt 2004 Enfin lieu d amn sie nationale F Rousseau dans Offenstadt 2004 p 360 il est un lieu peu investi par les visites officielles ce qui lui conf re une symbolique politique de port e limit e du moins jusqu en 1998 lorsqu a l occasion du 90 anniversaire de la fin de la guerre la venue de Lionel Jospin premier Ministre le r int gre en quelque sorte l espace m moriel national Le processus d int gration de la guerre a l imaginaire
42. t perceptible chez les nations du Commonweath The Vimy Pilgrimage d signe encore aujourd hui la visite des monuments et cimeti res de Vimy Nord certains rites sont r activ s la m daille du p lerinage d cern e aux tudiants canadien en visite sur le champ de bataille Certains tour operators r f rent toujours cet imaginaire En 2006 le ministre des anciens combattants Bruce Bilson australien soulignait propos du d veloppement du tourisme sur les champs de bataille nous devons nous souvenir que notre but ultime est de comm morer les services rendus et les sacrifices pas de cr er une attraction touristique Bilson 2007 conception que l on retrouve tr s fid lement d velopp e dans les projets de comm moration du centenaire de la Grande Guerre Ainsi l imaginaire du p lerinage et de la comm moration marque t il encore aujourd hui l imaginaire touristique des lieux de m moire du Commonwealth symboles du sacrifice combattant mais aussi de l identit nationale Winter 2001 Audoin Rouzeau 2002 et vient nuancer l id e de l mergence d un tourisme historique uniquement pr occup de p dagogie Sens du tourisme sens des lieux lieux de m moire r invent s pour susciter la d sirabilit Il s agit a pr sent d analyser les mani res dont les espaces de conflits sont remodel s dans leur sens symbolique mais aussi dans leur g ographie par les concept
43. toire questionne l imaginaire d une m moire partag e ignor s par les p lerins venus c l brer leur guerre et honorer leurs morts ils se trouvaient doublement exclus de l imaginaire francais de la guerre de 14 en tant que civils des r gions occup es et en tant que victimes d une bataille de plus de quatre ans n ayant pratiquement aucun statut dans l imaginaire national Pour Annette Becker la m moire centr e sur une exp rience exclusive celle des combattants des tranch es tendait rejeter dans l oubli les douleurs exceptionnelles et minoritaires notamment g ographiques les occup s D abord parce que pendant le conflit les occup s fran ais se sont trouv s plac s en quelque sorte en dehors du territoire national g ographiquement et symboliquement la guerre a en effet consist d fendre le sol national sacralis ce sol que les tranch es terre de sang et de mort m l s symbolisent Ceux qui ont pass la guerre hors ou loin de ce sol comment ne seraient ils pas condamn s tre exclus de cette m moire l Car comment comm morer des victimes qui ne sont pas des h ros Becker Audoin Rouzeau 2000 p 250 Or pr cis ment l une des mutations contemporaines de la mise en tourisme des espaces de conflit est la tentative de d centrer le regard en Picardie les habitants sont d sormais sollicit s pour participer par leur r cit et leur t moignage au changem
44. tourism de l histoire culturelle Lloyd 1998 Winter J 2001 ou des Tourism Studies Winter C 2009 2011 28 Volume consacr l Ourcq Chantilly Senlis Meaux 1919 voir aussi Brandt 1994 29 Extrait du discours du secr taire d tat a la d fense cit dans Actes des Premi res rencontres de la M moire partag e La Documentation Fran aise 2006 30 Intervention de Dominique Camus Le tourisme de m moire en Picardie pour une int gration r gionale lors du colloque Le tourisme des m moires en Picardie au service du d veloppement conomique et culturel de la Picardie ACSE DRT ONAC UPJV Amiens janvier 2008 31 Intervention de Dominique Camus cit e 2008 actes en ligne 32 Le Magazine du tourisme d Histoire n 1 consacrant un dossier a Verdun 33 Bien que des recherches r centes montrent qu une minorit d entre eux se per oivent comme des p lerins aujourd hui voir Winter C 2011 34 Voir le r cit de Sharon Adams d un voyage effectu par des familles d anciens combattants canadiens sur les champs de bataille europ ens P lerins ombre de la guerre 1 11 2009 La revue L gion http www legionmagazine com fr index php 2009 11 pelerins a lombre de la guerre 35 http www anzaccentenary gov au 36 Extraits du Sch ma r gional du tourisme pour la Lorraine p riode 2007 2012 37 Sch ma r gional du tourisme Lorraine p riode 2007 2012 en ligne n 1 2012 Les imaginaires
45. touristique r gional est rythm par les ann es comm moratives qui redessinent temporairement la g ographie m morielle et touristique r gionale Cependant la promotion de ce pass guerrier dans la destination Picardie est plus ambivalente qu il n y parait Elle met en jeu les conceptions identitaires et les strat gies des acteurs dans la construction de l image des territoires Le cas de l Oise montre ainsi que la longue et totale occultation de ce pan du pass dans l imaginaire touristique d partemental en d pit d initiatives locales d inventaire puis de valorisation patrimoniale des traces dans le Nord Est du d partement partir des ann es 1980 est en grande partie li e la volont des acteurs locaux d ancrer le d partement dans d autres imaginaires Hertzog 2011 qui le rattache notamment la r gion capitale Ainsi les discours et les repr sentations territoriales identifient l Oise comme un espace de vill giature int gr la m tropole parisienne vision du territoire h rit e et structurant l imaginaire r gional de longue date comme le montrent les projets d am nagement d un Grand Paris int grant le sud du d partement d s le d but du XX me si cle Bonnard 2008 La Valorisation des ch teaux du pass royal imp rial ou princier des villes Senlis Compi gne Chantilly du patrimoine artistique n 1 2012 Les imaginaires touristiques Via revue i
46. ts par Mireille Gueissaz au sujet des Britanniques Le visiteur britannique australien canadien crit elle arpente la Somme et ses hauts lieux comme il visite Ypres Paschendaele Gallipoli en r f rence une mythologie patriotique guerri re et parfois mystique Il parcourt une terre rendue sacr e par le sang de ses h ros Ce n est pas en cours d histoire mais en classe de litt rature que lui a t transmise la m moire de la Grande Guerre et de ses 850 000 morts Le complexe de deuil britannique ne se r sume donc pas aux cimeti res et aux m moriaux entretenus pas les pays du Commonwealth britannique Un imaginaire puissant dont tous les visiteurs ont t nourris d s leur plus jeune ge le r seau des panneaux indicateurs de la Commonwealth War Graves Commission qui balisent les routes l norme litt rature romanesque militaire et ou touristique concernant la Somme et ses champs de bataille tout ceci forme un maillage symbolique qui contribue grandement rendre la Somme infiniment famili re au visiteur des pays du Commonwealth Gueissaz 2001 p 103 L inscription de la guerre et ses traces dans l imaginaire touristique r gional est aussi relier au contexte de la mondialisation celle des flux touristiques et un autre niveau celle des courants de m moire Maurice Halbwachs qui selon l historien Patrick Garcia traversent la plupart des soci t s contemporaines et se str
47. ucturent d sormais l chelle mondiale suivant l hypoth se que la Shoah comme v nement fondateur en n gatif Ricoeur constitue la matrice du rapport contemporain au pass entrainant un mouvement d introspection qui impose aux soci t s nationales de revenir sur les pages les plus tragiques et les moins glorieuses de leur histoire Garcia 2008 p 373 Cela nous conduit interroger la place de la guerre dans l imaginaire r gional celle ci est per ue comme un traumatisme collectif marquant durablement le territoire et ses habitants Le poids de la guerre dans l imaginaire r gional Les effets d sastreux des deux conflits mondiaux sont r guli rement rappel s par les acteurs locaux pour expliquer le retard conomique ou les difficult s de d veloppement auxquelles la Picardie est confront e de fa on structurelle dans un article de 1998 consacr aux effets du passage du front dans la Somme l historien ami nois Philippe Nivet questionne le handicap long terme l cho port de la guerre de 1914 et les cons quences indirectes de la charge que les destructions et la perte de substance d mographique ont repr sent pour la r gion peuvent ils contribuer expliquer certaines formes de retard qui ob rent aujourd hui le d veloppement du d partement Nivet 1994 p 185 En 2001 une id e similaire est d velopp e par l historien St phane Audoin Rouzeau sp cialiste d
48. uerre et ses traces s inscrivent cependant peu peu dans l imaginaire touristique r gional des r gions du front et notamment en Picardie depuis les ann es 1980 mais selon des temporalit s et des spatialit s vari es Ce tournant qui fait des traces de guerre une ressource touristique s inscrit dans un contexte global en r ponse des enjeux locaux de construction identitaire et de d veloppement territorial Il est active par des acteurs et des regards ext rieurs hommes politiques historiens des pratiques import es des r f rences ou des mod les labor s ailleurs et s inscrit dans le contexte de la mondialisation et des recompositions territoriales Les valeurs et le sens attribu au tourisme de m moire par les acteurs locaux en font un tourisme en prise avec le pr sent L imaginaire touristique du p lerinage ne semble pas s effacer pas au profit d un tourisme d Histoire lui m me en profonde mutation sous l effet des renouvellements historiographiques A la fois lieux de destruction et de cr ation lieux de comm moration et lieux d exposition lieux de recueillement et lieux de distraction les sites historiques faisant l objet de politique de valorisation renvoient des repr sentations et des usages hybrides A Thiepval voisinent le m morial des ann es trente et sa r plique mus ographique le lieu de m moire et l objet d histoire l espace de la comm moration et du p lerinage avec l es
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