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1. changer Comment le num rique modifie en profondeur les conditions de socialisation de l change Michel Gensollen mars 2007 GET Telecom Paris SES D partement Sciences Economiques et Sociales 46 rue Barrault 75634 Paris Cedex 13 France 33 1 45 81 71 93 michel gensollen enst fr www gensollen net Echanger Comment le num rique modifie en profondeur les conditions de socialisation de l change R sum Dans un monde num ris tous les changes marchands sont enrichis par des changes d informations qui servent pr parer l achat et faciliter l usage Avec le d veloppement des biens d exp rience et des biens complexes c est sur ce second march que se forme l essentiel de la valeur Mais justement parce que les informations sont num ris es leurs changes se pr tent mal aux r gulations marchandes Le second march parfois appel m ta march ou interm diation constitue un syst me d changes sp cifique qui par certains c t voque les syst mes d changes archa ques et par d autres introduit des modes de r gulation originaux L change est asynchrone c est dire form de dons et de contre dons souvent l int rieur de groupes structur s et il porte sur des biens que la consommation ne d truit pas ils circulent se transforment et se r emploient L change retrouve ainsi l authenticit qu il avait perdue dans un monde de reproduction industrielle Il repose sur2. ce sont les anc tres L individu ne l a qu en d p t elle appartient ceux qui sont morts et ceux qui sont na tre Elle fait corps avec cette famille et ne peut plus s en s parer changer mars 2007 Michel Gensollen interactants auront de grandes difficult s n gocier un accord les co ts de transaction sont tr s lev s On verra que dans une conomie num rique V et W sont tr s loign s que V est souvent tr s faible voire nul puisqu gal au co t marginal de reproduction d un bien informationnel On est donc dans le cas o la violence de l change affleure facilement comme les discussions sur le piratage l ont clairement montr Les changes sont en r alit encore plus difficiles initier pour deux raisons sym triques l une vient du biais de perception de V par le vendeur l autre de l incertitude de l acheteur sur sa disposition payer W e Le vendeur surestime syst matiquement la valeur qu il attache ce qu il poss de L effet de dotation endowment effect consiste en ce que la disposition payer d un individu pour un bien qu il n a pas est inf rieur la compensation qu il accepterait pour tre priv de ce bien s il le poss dait cet effet qui explique l mergence des droits de propri t Gintis 2006 a t largement document Comme les biens informationnels sont non rivaux et qu on ne saurait en tre priv lorsqu on dispose des moyens techniques de les c
3. il est incapable de se d fendre ni de se secourir lui m me changer mars 2007 Michel Gensollen 17 Malinowski B 1922 Argonauts of the Western Pacific John Hawkins New York traduction frangaise Les argonautes du pacifique occidental Gallimard Paris 1963 Mauss Marcel 1925 Essai sur le don Forme et raison de l change dans les soci t s primitives PUF Paris 1968 Coll Bibliotheque de sociologie contemporaine publication originale l Ann e Sociologique 1 1925 http www uqac uquebec ca zone30 Classiques_des_sciences_sociales index html Mollick Ethan 2004 The Engine of the Underground The Elite Kiddie Divide SIGGROUP 25 2 pp 23 27 Rehn Alf 2004 The Politics of Contraband The honor economies of the warez scene Journal of Socio Economics 33 3 pp 359 374 http www alfrehn com page2 page2 html Rochet Jean Charles and Jean Tirole 2005 Two Sided Markets A Progress Report IDEI working paper November 2005 http idei fr doc wp 2005 2sided_markets pdf Seabright Paul 2004 The Company of Strangers A Natural History of Economic Life Princeton University Press Seabright Paul 2002 Blood Bribes and the Crowding Out of Altruism by Financial Incentives working paper IDEI Universit de Toulouse 1 amp CEPR1 http idei fr doc by seabright blood_bribes pdf Sperber Dan 2000 An objection to the memetic approach to culture in Darwinizing Culture The Status of M
4. les changes renvoient des changes parall les qui ont lieu sur des plateformes d interactions o se forment les valeurs Les entreprises assistent tonn es la mise en place de telles structures sur le web Elles tentent parfois de prolonger leurs pratiques de production de la demande en les utilisant directement ainsi lorsqu un producteur quipe gratuitement des blogueurs afin que ceux ci parlent de son produit ou lorsque le producteur d un film voire un parti politique suscite et manipule des blogs de supporters Il s agit l d applications des th ories classiques de l influence indirecte two step flow voir Lazarsfeld amp Menzel 1965 Mais au del de l influence et de la manipulation ni les producteurs ni les distributeurs ni les m dias de masse n ont encore vraiment trouv le r le qu ils pourraient jouer sur le web 2 0 Les changes d informations entre consommateurs cr ent des valeurs consid rables mais ces valeurs sont difficiles recueillir Les consommateurs sont th oriquement dispos s payer pour se former et s informer et aussi paradoxalement pour fournir de l information et donner des conseils De plus en raison de l existence de ces places d interaction les biens et les services qui vont s changer sur le march primaire auront une plus grande valeur pour les consommateurs Dans certains cas ils n auraient m me aucune valeur sans ces changes dans d autres cas leur commercialisation entrainer
5. marxists org reference subject philosophy works ge benjamin htm Caill Alain 2004 Pr sentation du num ro De la reconnaissance Don identit et estime de soi La Revue du M A U S S N23 1er sem 2004 http www revuedumauss com Coase Ronald H 1960 The Problem of Social Cost Journal of Law and Economics October 1960 http www sfu ca allen CoaseJLE 1960 pdf Damon Frederick H 2002 Kula Valuables The Problem of Value and the Production of Names L Homme 162 2002 Questions de monnaie http Ihomme revues org document158 html Davies N B Territorial Defence in the SpeckledWood Butterfly Pararge Aegeria The Resident AlwaysWins Animal Behaviour 26 1978 138 147 Dawkins Richard 1982 The extended phenotype Oxford Oxford University Press Flahaut Fran ois 2003 Pourquoi limiter l expansion du capitalisme d Descartes et Cie 2003 Frey Bruno S and Felix Oberholzer Gee 1997 The Cost of Price Incentives An Empirical Analysis of Motivation Crowding Out American Economic Review 87 September pp 746 755 Fustel de Coulanges 1864 La cit antique tude sur le culte le droit les institutions de la Gr ce et de Rome BNF http gallica bnf fr ark 12148 bpt6k88408d item Gintis Herbert 2006 The Evolution of Private Property Journal of Economic Behavior and Organization forthcoming 2006 Girard Ren 1961 Mensonge romantique et v rit romanesque Grasset 1961 Godel
6. r seaux de distribution e La valeur croissante de l immat riel dans les produits et services a rendu la distribution moins co teuse et les syst mes d change plus fragiles D sormais les informations circulent sur des r seaux de t l communication pour des co ts tr s r duits mais elles peuvent tre copi es et partag es entre les consommateurs Les proc dures pour emp cher de telles duplications sont co teuses et diminuent le bien tre de fa on vidente pour tous au moins court terme e Enfin les moyens de mise en r seau en particulier Internet ont permis une mutualisation des capacit s de production des m nages Dans certains domaines en particulier pour les biens culturels la fronti re s estompe entre les productions r alis es par des professionnels ou par certains amateurs Un site comme MySpace donne l exemple d un march o se c toient des m nages consommateurs des m nages producteurs et des professionnels Les conditions techniques de l change ayant chang les repr sentations sociales associ es se transforment On tentera dans la suite de pr ciser partir de la description g n rale des syst mes d changes num riques et de la prise en consid ration des transformations conomiques actuelles comment le d lai de l change le groupe d quivalence et la nature des biens voluent Par certains c t s l change quaternaire se rapproche de l change pr industriel Mais il s en distingu
7. raisonnement classique sur l importance les co ts de transaction co ts qui limitent l internalisation des effets externes Coase 1960 Le raisonnement est pr sent ici dans le cas g n ral d changes r alis s hors d un rituel social de fixation des termes de l change le march concurrentiel tant un exemple d un tel rituel Voir Gintis 2006 pour les r f rences de diverses exp riences sur les chevaux les primates etc Voir en particulier l exp rience sur le papillon Tircis pararge aegeria men e par Davies 1978 changer mars 2007 Michel Gensollen institutions favoritisme dans une hi rarchie r duction de la fluidit voire collusion dans le cas d un march Le lien social doit tre cantonn la sph re priv e Pourtant dans les soci t s pr industrielles les changes n ont lieu qu entre des individus li s par des r seaux complexes et durables d obligations r ciproques Au reste il est souvent difficile de d terminer si les liens sociaux facilitent des changes utiles en eux m mes ou si les changes n existent que comme support des relations sociales qui constituent la raison d tre de ces traditions d objets Le cas de la circulation des objets kula Malinovski 1922 Leach 1983 Damon 2002 fournit divers exemples de l intrication qui existe entre l change et la construction de relations sociales aussi bien l int rieur d un m me groupe qu entre des soci t s distantes qui n
8. a consommation mais circulent par duplication et deviennent naturellement le support de relations sociales Pour saisir l originalit de l change num rique on insistera principalement sur deux points e Les technologies de l information et de la communication TIC n ont pas modifi directement le fonctionnement des march s ainsi l e commerce est bien une forme de commerce Mais les TIC et Internet ont transform profond ment les syst mes d change de biens et services en les d doublant c t d un syst me primaire classique de ventes de biens et de services s est constitu un syst me secondaire d changes d informations de conseils d aides et de formations La valeur des biens sur le premier march se forme d sormais en grande partie partir de ce deuxi me syst me d changes La logique des changes marchands ne se comprend qu partir des interactions qui ont lieu entre consommateurs sur des plateformes qui ne fonctionnent ni comme des march s bien qu il s agisse d changes ni comme des m dias de masse bien qu il s agisse de promotion e Les syst mes d changes num riques primaires ou secondaires ont une structure particuli re Ils sont form s le plus souvent de l articulation de deux structures d changes asynchrones Au sein d un groupe de pairs les changes ont la forme de dons et de d fis chacun cherchant acqu rir reconnaissance et statut On a pu rapprocher ce type d changes du potl
9. ait des co ts prohibitifs dition de documents hot lines etc changer mars 2007 Michel Gensollen 10 Or les valeurs cr es par les changes d informations ne peuvent pas tre recueillies sur les plateformes o elles s initient la gratuit des changes de m ta information comme l absence de transferts des valeurs cr es sur les march s secondaires vers les march s primaires sont la garantie m me de la qualit de fonctionnement des plateformes de l objectivit des critiques et de la pertinence des conseils Certains biens informationnels traditionnellement consid r s comme appartenant au march primaire deviennent progressivement des l ments d change des plateformes d interactions ainsi par exemple des contenus audio visuels lib r s de leurs supports physiques qui s changent gratuitement sur les r seaux de partage de fichiers Ils sont en quelques sorte devenus leur propre m ta information ils servent de conseil de mode d emploi et d chantillon ils s enrichissent des critiques et des commentaires des consommateurs successifs 2 2 Le recueil de la valeur cr e par les plateformes d interactions Depuis les d buts d Internet la question s est pos e de faire payer l information Aucune solution g n rale n a t trouv e mais certaines r ponses institutionnelles ont t mises au point A long terme le d veloppement des conomies quaternaires d pendra de l ad quation de ces
10. ang s d pendent de la nature du couplage qui existe entre ces deux processus G n ralement les soci t s pr industrielles laissaient une part importante de la production sous la responsabilit des consommateurs les m nages constituant souvent de v ritables petites entreprises avec une main d uvre domestique L industrialisation a progressivement simplifi la part de la production laiss e aux m nages ceux ci n ont plus en th orie qu consommer c est dire d truire le bien en le transformant en utilit Les produits pr sents sur le march sont pass s du statut de biens interm diaires celui de biens finals ne n cessitant aucune transformation ni aucun travail r siduel pour leur pr paration ils se sont diff renci s et multipli s de fa on s adapter aux go ts des consommateurs Le march postindustriel qui merge actuellement conna t en raison du progr s technique et du d veloppement des biens informationnels une triple volution qui l loigne du march industriel tel qu il vient d tre voqu e Le progr s technique lectrom nager hifi vid o communication a rendu aux m nages une part du processus de production leur permettant ainsi d adapter plus pr cis ment le produit final leurs go ts Ceci a t pay par une complexit croissante des terminaux L information sur les produits et la formation l utilisation des quipements d passent aujourd hui les capacit s des
11. ar les plateformes d interactions 10 2 3 La copie authentique et le nouveau rapport aux biens 11 2 4 La reconnaissance sociale des m dias de masse aux groupes de pairs 13 changer mars 2007 Michel Gensollen Echanger Comment le num rique modifie en profondeur les conditions de socialisation de l change In old days books were written by men of letters and read by the public Nowadays books are written by the public and read by nobody Oscar Wilde 1894 L change ne se r duit pas au troc ou la vente et les march s ne constituent pas les seuls syst mes d changes possibles On le red couvre aujourd hui avec le d veloppement de la num risation des informations et de la mise en r seau des ordinateurs Les syst mes d changes se sont diversifi s et dans certains cas les structures archa ques qui avaient pr c d le march sont de meilleurs mod les pour comprendre la logique de leur fonctionnement L change num rique se distingue de l change marchand sur trois plans Il s agit d un change asynchrone c est dire que les deux apports en sens contraire qui constituent l change n ont pas lieu au m me moment on retrouve ainsi le sch ma archa que du don contre don Il s agit d un change qui ne se limite plus deux individus mais qui peut concerner tout un groupe Il s agit enfin d un change qui porte sur des biens tr s particuliers des fichiers qui ne disparaissent pas dans l
12. atch II s agit en tout cas d un tournoi aristocratique Ce qui a t produit est alors fourni au public et peut tre appropri copi modifi chang Les biens informationnels qui circulent ainsi se transforment mais ne se d truisent pas dans la consommation Ils acqui rent une valeur qui d pend de leur histoire lls servent de support Echanger mars 2007 Michel Gensollen des relations sociales particuli res relations entre avatars relations de groupe etc On peut rapprocher ce deuxi me type d changes de la circulation des objets kula On pr sentera dans une premi re partie la diversit des syst mes d change dans une seconde partie on voquera les syst mes d changes dans un monde num rique 1 La diversit des syst mes d change Le march a simplifi l change Il a r duit le temps de fermeture qui s pare le don du contre don La concurrence a fonctionn comme un rituel limitant la violence latente des changes Les m canismes de march excluent les liens sociaux comme input ou comme output des transactions Les r les des interactants sont clairement d finis producteurs pour les uns consommateurs pour les autres Enfin les biens marchands sont adapt s pour permettre des changes anonymes ils sont standardis s et tiquet s On va traiter ces divers points afin de mieux discerner en quoi le march s est distingu des changes archaiques ce qui aidera comprendre pourquoi
13. ctateurs ne soient pas libres de ne consommer que le contenu mais il doit aussi assurer que les contenus ont t labor s ind pendamment des contraintes de la publicit Un site comme Amazon lie contenu et m ta information mais doit assurer les utilisateurs que les recommandations ou les conseils n ont pas t pr par s ou dit s pour favoriser tel ou tel type de vente Pour tre efficace l change quaternaire repose souvent sur un engagement d honn tet de la part des gestionnaires des sites la cr dibilit de cet engagement peut constituer dans certains cas un l ment d terminant de la concurrence entre plateformes 2 3 La copie authentique et le nouveau rapport aux biens L change industriel porte sur des biens fongibles c est dire des biens qui ne peuvent se distinguer les uns des autres des biens standardis s qu on ne peut s approprier On ne peut pas les adapter les am liorer ou les faire circuler On ne peut que les d truire et dans cette transformation en d chets r aliser leur utilit fugace Le cas le plus habituel est peut tre celui du financement des m dias de masse par la publicit le consommateur a une disposition payer positive mais difficile recueillir directement pour regarder une mission de t l vision Il existe d autre part des entreprises qui ont une disposition payer positive pour que certains messages soient diffus s aux consommateurs 1 Quant aux d chets
14. de noter qu un achat cr dit est un change synchrone l acheteur dispose du bien dans le m me temps que le vendeur re oit le paiement du tiers qui assure le r le de pr teur Le pr t int r t est un m lange d achat de temps et de sp culation sur la solvabilit de l emprunteur ce type de contrat ne sera pas consid r sp cifiquement ici dans la mesure o la num risation n en a sensiblement modifi ni les pratiques g n rales ni les repr sentations 3 On ne reprend ici la distinction plus pr cise Godelier 1996 entre objets marchandises les objets dons et les objets sacr s cette derni re cat gorie ne jouant pas de r le sp cifique dans les syst mes d changes voqu s ici changer mars 2007 Michel Gensollen chang s c tait par exemple le cas de la terre dans les cit s grecques Fustel de Coulanges 1864 D autres biens ne peuvent faire l objet que d changes asynchrones et avec un ensemble de fermeture tr s large ainsi du don d organes ou dans certains pays du don de sang Sur un march les prix doivent tre affich s et les biens et services doivent tre standardis s de sorte que leur type et leur qualit soient lisibles lorsque la qualit est probl matique biens d exp rience divers m canismes doivent se mettre en place syst me critique aide des distributeurs bouche oreille etc Les variables ici consid r es synchronisme ensemble de fermeture et type de biens sont
15. des relations personnelles et induit de nouvelles formes de r seaux sociaux Dans de nombreux domaines l conomie quaternaire correspond la mont e en puissance d une production r alis e par des amateurs experts Les syst mes d changes num riques reposent sur l articulation entre deux structures d une part un groupe de pairs produit des biens informationnels dans le cadre de tournois pour la reconnaissance ce qui voque le potlatch d autre part les biens informationnels circulent par copie et r emploi ils acqui rent par leur histoire une valeur particuli re ce qui voque la circulation des objets kula Une culture originale se met en place qui se caract rise moins par ses contenus que par les m canismes de leur volution par r plication s lection Sommaire 1 La diversit des syst mes d change 4 1 1 L change asynchrone don et contre don ss 4 1 2 La violence de l change la ritualisation eecceceeeeeeeeeeeeeeceeeeeeaeeeeeaeeeeeeeeeaeeesaeeeeeeeeeneee 5 1 3 La demande de reconnaissance dans l change le lien social 6 1 4 L change sym trique les consommateurs producteurs ccececeeeeeeeeeeeeneeteeeeeseeeesaeeseneees 8 2 De l change marchand l change num rique 8 2 1 La dualit des syst mes d changes march s et plateformes ccesceeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeees 9 2 2 Le recueil de la valeur cr e p
16. e par des particularit s qu on va voquer maintenant 2 De l change marchand l change num rique L conomie peine mod liser l change num rique dans le mesure o le mod le classique du march ne rend pas compte des r alit s d une conomie quaternaire Les intervenants sur les plateformes d interactions producteurs consommateurs interm diaires distributeurs etc s organisent spontan ment pour tenir compte des contraintes propre aux produits informationnels mais ils ne savent pas interpr ter ce qu ils font dans le seul cadre qui leur soit familier celui des changes marchands de biens physiques On a souvent l impression lire ce qui s crit sur l conomie changer mars 2007 Michel Gensollen d Internet ou sur le financement de l innovation que ce sont moins les solutions concr tes qui sont difficiles mettre au point que les concepts qui permettraient d en comprendre la logique On va tenter d voquer avec plus de pr cision les l ments novateurs de l change quaternaire en indiquant dans chaque cas en quoi le mod le du march s oppose la compr hension de ce qui s invente par essais et erreurs sur les plateformes d interactions du web actuel Certains d ailleurs nomment ces applications web 2 0 pour insister sur la nouveaut des structures interactives qui la diff rence des sites des ann es 90 ne se contentent plus de transposer servilement le mod le du march du centre commerc
17. emetics as a Science Robert Aunger ed pp 163 74 Oxford Oxford University Press Stigler George J and Gary S Becker 1977 De gustibus non est disputendum American Economic Review March 1977 67 2 pp 76 90 Wilkinson Gerald S 1990 Food Sharing in Vampire Bats Scientific American February 76 82 Wu Tim 2003 Network Neutrality Broadband Discrimination Journal of Telecommunications and High Technology Law Vol 2 p 141 2003 http ssrn com abstract 388863 Zeiler Kathryn and Charles R Plott 2004 The Willingness to Pay Willingness to Accept Gap the Endowment Effect Subject Misconceptions and Experimental Procedures for Eliciting Valuations American Economic Review 2004 http ssrn com abstract 6 15861 Echanger mars 2007 Michel Gensollen
18. ent la fois la psychologie de l offre et la technologie de la demande C est dire d une part la dynamique de l innovation les processus cognitifs qui permettent le passage de l invention technique au produit pertinent et d autre part la formation des go ts et les techniques de production de la demande L homo conomicus trouve en lui m me des go ts pr cis qui n voluent que de fa on exog ne c est dire ind pendamment des ph nom nes que l conomie mod lise Cette hypoth se extravagante a t souvent critiqu e voire ridiculis e pour une synth se voir Flahaut 2003 Le d veloppement des m dias de masse a mis en lumi re que la formation des go ts et la production de la demande taient des ph nom nes conomiques de premier plan Aujourd hui les consommateurs doivent apprendre discerner et utiliser des quipements complexes qui se renouvellent rapidement Les changes d informations et de conseils qui pr parent et suivent l change des biens et services exigent des structures d interactions complexes on parle de plateformes d interm diation ou de m ta march s Ce qui est nouveau avec le d veloppement d Internet c est que la formation de la demande s est progressivement d tach e de la production et de la distribution des biens et services ainsi que des m dias de masse dans une certaine mesure elle est aujourd hui entre les mains des consommateurs eux m mes Dans une conomie quaternaire tous
19. entretiennent que de rares relations commerciales Les objets kula des colliers et des brassards sont consid r s la fois comme des uvres d art ils sont alors admir s pour leur forme et comme des antiquit s c est dire des objets ayant une histoire des t moignages pr cieux de leurs propri taires successifs Ces objets circulent entre les diverses les l est de la Nouvelle Guin e les Trobriand Amphlett Dobu Tubetube Misima Woodlark Bennett et font un tour complet en une dizaine d ann es Les colliers circulent dans le sens des aiguilles d une montre et les brassards en sens inverse Il s agit d changes asynchrones dons suivis de contre dons qui ont lieu lors de voyages sp cifiques ceux qui se d placent re oivent des objets d un certain type Ils rendront des objets d un autre type lorsque leurs partenaires se d placeront Les individus qui prennent part ces changes sont en relation durable De tels liens personnels sont pr cieux dans la mesure o ils ont t difficiles tablir de m me que les objets eux m mes les r seaux de relations sont re us en h ritage En effet une relation kula est pr c d e d une longue pr paration des petits cadeaux de peu d importance porc bananes ignames permettent de tester par la fa on dont ils sont re us si une relation est envisageable Des cadeaux plus pr cieux lames de hache ceintures spatule d os pr parent l initiation de la relation k
20. es de donn es d encyclop dies de logiciels ou de fichiers pirat s De telles activit s ne sont pas marginales elles transforment d j certains pans des industries num riques celle des logiciels celles des contenus culturels elles conditionneront d une fa on ou d une autre l conomie quaternaire On va pr senter la structure g n rale des syst mes d change asynchrones sur l exemple du monde du warez piratage de logiciels et de contenus culturels Les groupes impliqu s dans ces activit s ont fait l objet de diverses descriptions entre autres Hinduja 2003 Mollick 2004 et d au moins une tude ethnographique longue Rehn 2004 15 La phrase date d une interview de 1968 In the future everyone will be world famous for 15 minutes 1 Sur la reconnaissance agonistique et d mocratique voir le num ro sp cial de la revue du M A U S S De la reconnaissance Don identit et estime de soi N 23 2004 et en particulier l introduction d A lain Caill changer mars 2007 Michel Gensollen 14 Le monde du warez warez scene existe depuis une quinzaine d ann es au moins sous la forme d crite ici qui d pend des possibilit s offertes par Internet Alf Rehn dans une tude qui rel ve de ce qu on pourrait appeler l ethnographie virtuelle a recueilli des donn es sur la p riode 1996 2000 concernant la production et la distribution de softwares pirat s warez Certains groupes sont sp cialis s da
21. es occidentales ce temps renvoyait a une vie future On parlera dans la suite d changes synchrones lorsque le temps entre le don et le contre don est nul c est le cas classique d un achat sur un march et d changes asynchrones lorsque ce temps est appr ciable ii Les deux mouvements de l change peuvent avoir lieu entre deux individus comme dans le cas de l achat vente ou bien faire intervenir plusieurs membres d un groupe d fini de fa on plus ou moins pr cise l ensemble de fermeture de l change peut tre ainsi plus ou moins vaste et structur Par exemple dans le cas de la kula chaque participant se trouve pris dans un r seau complexe d changes ceux qui peuvent lui donner des brassards ceux qui il doit donner des brassards et en sens contraire ceux qui peuvent lui donner des colliers et ceux qui il doit donner des colliers D une fa on plus g n rale les changes peuvent avoir lieu l int rieur de groupes ferm s le don un individu du groupe est compens par un contre don venant de n importe quel autre individu de ce groupe On trouve de tels exemples d changes ouverts chez un grand nombre d animaux un exemple classique est l change de nourriture entre les chauves souris vampires Wilkinson 1990 iii Les changes doivent enfin porter sur des biens et des services acceptables et souvent pr par s sp cialement pour permettre l change Certains biens ne peuvent tre Il convient
22. etit groupe de pairs Le rapport sentimental au bien est au c ur de la diffusion au contraire des biens industriels standardis s les biens informationnels ne disparaissent pas ils acqui rent une histoire et se recomposent lls constituent des ensembles de biens circulants certains se diffusent par copies au sein de r seaux techniques peer to peer relay s par des r seaux personnels amis coll gues connaissances etc d autres circulent par r emploi citation transformation par exemple les blogs se citent les uns les autres et constituent comme un seul discours plusieurs voix Actuellement les syst mes d change num riques sont trait s de fa on h t rog ne par le droit Certains abusent de l exception de copie priv e et sont poursuivis pour atteinte au droit d auteur mais les auteurs eux m mes ont des positions plus nuanc s que leurs diteurs D autres comme Wikipedia semblent se conformer la lettre du droit mais une l gislation pourrait se mettre en place qui consid rerait de tels systemes de production diffusion comme des concurrents d loyaux des syst mes marchands Les diteurs d encyclop die pourraient faire valoir que des contributeurs amateurs n occasionnent pas les m mes charges que des professionnels ils constituent une concurrence d loyale D autre part la qualit du produit fourni au public n est ni uniforme ni contr l e ce qui met en danger le savoir collectif Enfin le fisc pourrait p
23. ial ou de la cha ne de t l vision 2 1 La dualit des syst mes d changes march s et plateformes Le mod le conomique standard consid re les fonctions d utilit des consommateurs comme exog nes c est dire soit inn s et l on invoque des besoins l mentaires soit partiellement acquis et l on consid re qu un tel apprentissage se fait en dehors de la sph re marchande dans un espace priv compl tement s par du domaine conomique Pour certains biens les conomistes conc dent que les go ts peuvent tre modifi s par la consommation ant rieure une sorte d accoutumance voire d addiction doit tre prise en compte par exemple pour les drogues ou les biens culturels Stigler amp Becker 1977 Dans certains cas galement on peut assister des ph nom nes d imitation des comportements irrationnels de mode qui conduisent des instabilit s et des bulles soudaines Les produits radicalement nouveaux posent aussi des probl mes la fois de mesure indices h doniques et de mod lisation de la p riode transitoire d acculturation des consommateurs Tout cela est pr sent comme des cas particuliers sans grande importance d chec des march s market failures mais d une fa on g n rale l change se mod lise par la confrontation d une offre techniquement contrainte avec une demande psychologiquement autonome A ce sch ma peut tre pertinent court terme dans un environnement stable chapp
24. ier Maurice 1996 L nigme du don Fayard Paris 1996 Hinduja Sameer 2003 Trends and patterns among online pirates Ethics and Information Technology 5 pp 49 61 Lazarsfeld Paul and Herbert Menzel 1965 Mass Media and Personal Influence in The Science of Human Communication Wilbur Schramm ed New York Basic Books pp 94 115 Leach Jerry and Edmund Leach 1983 The Kula New Perspectives on Massim Exchange Cambridge University Press 1983 Lerner Josh and Jean Tirole 2002 Some Simple Economics of Open Source Journal of Industrial Economics 52 pp 197 234 Lessig Lawrence 2006 Testimony of Lawrence Lessig Senate Committee on Commerce Science and Transportation Hearing on Network Neutrality February 7 2006 http www lessig org blog archives Lessig_Testimony_2 pdf 21 La critique de l crit que Platon pr te Socrate dans le Ph dre 274 insiste justement sur le fait qu un texte ne r pond pas aux objections et ne permet donc pas l apprentissage On croirait que les textes s expriment comme des tres pensants mais questionne t on dans l intention de comprendre l un de leurs dires ils n indiquent qu une chose toujours la m me Une fois crit tout discours circule partout allant indiff remment de gens comp tents d autres dont il n est nullement l affaire sans savoir qui il doit s adresser Est il n glig ou maltrait injustement il ne peut se passer du secours de son p re car
25. il faut bien s en d barrasser Les co ts de ces traitements sont socialis s la r partition des charges ne d pend pas directement de la consommation et externalis s vers des pays qui acceptent de les traiter On n abordera pas ici changer mars 2007 Michel Gensollen 12 Les biens produits en s rie n ont pas d authenticit d unicit d originalit Il leur manque cette sorte d aura que selon Walter Benjamin les uvres d art elles m mes ont perdue l ge de la reproduction m canique Il n existe plus entre le possesseur et l objet poss d de v ritables liens que les rituels d change doivent d lier et renouer Il n y a donc plus besoin de lien social entre les interactants puisque ces relations privil gi es servaient principalement pr parer le double travail de s paration et d appropriation L exemple voqu plus haut des changes kula permet de bien voir comment se m lent d une part les relations sentimentales avec les objets consid r s chacun dans l originalit de sa forme et dans l histoire de ses possessions successives et d autre part les relations entre les interactants qui permettent de d nouer les relations aux objets dans le cadre ritualis de l change asynchrone Si la perte d authenticit des biens industriels vient de leur production en s rie on s attendrait ce que la num risation prolonge une telle tendance et corresponde a une sorte de reproduction m canique mise e
26. il peine aujourd hui s adapter aux changes num riques 1 1 L change asynchrone don et contre don La circulation des biens et des services dans une collectivit peut reposer sur des proc dures tr s diverses mais dans tous les cas l change est form d au moins deux mouvements en sens contraire i ces mouvements sont s par s par un temps plus ou moins long ii ils mettent en cause deux individu ou tout un groupe iii ils portent enfin sur des biens ou des services qui ont t pr par s pour l change Sous la diversit des situations concr tes ces trois variables permettent de typer les changes et de rep rer en quoi la circulation des biens des services et plus g n ralement des valeurs est en train de se transformer sous nos yeux i Les deux mouvements constituant l change peuvent tre plus ou moins synchrones le don quelles que soient sa motivation et son interpr tation sociale est s par du contre don par un temps socialement prescrit Dans le cas du troc ou de l achat vente ce temps est nul et les deux mouvements sont simultan s Dans le cas de la circulation des objets kula Malinovski 1922 qui sera voqu e dans la suite le temps s parant le don gift de sa contrepartie clinching gift d pendait des conditions de navigation entre les les et de la disponibilit d un objet convenable il pouvait atteindre quelques ann es Dans le cas du don g n reux des soci t s chr tienn
27. in un commerce plus quilibr assure une meilleure efficacit Inversement l change menace toujours de retourner la violence en tout cas il envenime les rapports entre les interactants sans proc dures sp cifiques il met en danger le tissu des relations sociales Dans le cas le plus simple de la vente d un objet qui a une valeur V pour celui qui la poss de et une valeur plus grande W pour celui qui veut l acheter les interactants sont confront s une double difficult e une difficult cognitive en effet les valeurs V et W n appartiennent pas leur savoir partag de plus l un comme l autre n ont pas int r t r v ler la vraie valeur de V et W le vendeur va naturellement afficher un prix de r serve V tr s lev l acheteur une disposition payer W tr s faible si bien que le projet d achat semble sans objet puisque g n ralement W lt V e une difficult normative quand bien m me les quantit s V et W seraient connues de tous il n y a pas de r gle qui s impose clairement pour le partage du surplus W V d gag par la vente p V donne le surplus l acheteur p W le donne au vendeur la fixation d un prix entre V et W r alise un partage arbitraire entre les deux interactants potentiels Si chaque change doit tre n goci en dehors de toute ritualisation certaines transactions qui d gageraient un surplus social positif n auront pas lieu et pour celles qui finalement auron
28. inon dans la mesure o une prise en compte convenable de ces co ts conduirait un d placement plus rapide de la valeur vers des changes virtuels Dans The Work of Art in the Age of Mechanical Reproduction 1936 Walter Benjamin crit Even the most perfect reproduction of a work of art is lacking in one element its presence in time and space its unique existence at the place where it happens to be This unique existence of the work of art determined the history to which it was subject throughout the time of its existence This includes the changes which it may have suffered in physical condition over the years as well as the various changes in its ownership The authenticity of a thing is the essence of all that is transmissible from its beginning ranging from its substantive duration to its testimony to the history which it has experienced Since the historical testimony rests on the authenticity the former too is jeopardized by reproduction when substantive duration ceases to matter And what is really jeopardized when the historical testimony is affected is the authority of the object One might subsume the eliminated element in the term aura and go on to say that which withers in the age of mechanical reproduction is the aura of the work of art This is a symptomatic process whose significance points beyond the realm of art One might generalize by saying the technique of reproduction detaches the reproduced object from the do
29. ins 1982 a pu tre critiqu e Sperber 2001 Aunger 2002 et la recherche d une articulation satisfaisante ph notype g notype s est r v l e difficile dans le domaine de la culture Mais il est peu douteux changer mars 2007 Michel Gensollen 16 que les syst mes d change num rique induisent une culture originale en raison des m canismes l gaux ou non de partage et de reconstruction des contenus L crit a transform les cultures orales en instaurant le r gne du discours auquel on ne peut r pondre l absolutisme du Livre L imprimerie en multipliant les livres et les lecteurs a r duit ce pouvoir un crit peut r pondre un crit une telle libert ayant d ailleurs s imposer toutes les formes de censure et de propri t intellectuelle La culture des m dias de masse dans laquelle nous vivons aujourd hui a r tabli un discours sans r plique ph m re et spectaculaire La num risation avec Internet restaure une sorte d quilibre entre des discours entrecrois s au moins tant que se d velopperont librement les syst mes d changes num riques R f rences Aunger Robert 2002 The Electric Meme New Theory of How We Think Free Press June 2002 Bakos Yannis and Erik Brynjolfsson 1998 Bundling Information Goods Pricing Profits and Efficiency April 1998 http ssrn com abstract 1 1488 Benjamin Walter 1936 The Work of Art in the Age of Mechanical Reproduction http www
30. institutions aux r alit s techniques et conomiques des changes sur les plateformes d interactions On va tenter d voquer les principaux types de solution qui ont t invent s pour recueillir la valeur des contenus et de la m ta information Une premi re solution consisterait extraire directement la valeur que les usagers attachent l existence m me des plateformes d interactions par exemple par un abonnement Cela est r put impossible parce que des solutions alternatives gratuites existeront toujours des sites comme MySpace del icio us etc n auraient pas suffisamment de clients payants pour que des interactions puissent se d velopper de fa on utile On notera toutefois que certaines plateformes sophistiqu es comme Second Life parviennent faire payer un abonnement substantiel pour fournir des outils d interaction il est vrai un nombre relativement limit d abonn s et dans le contexte particulier des univers persistants MMORPG Massive Multiplayer Online Role Playing Game De fa on plus inqui tante pour la survie m me d internet la mise en cause de la neutralit du r seau fournirait bien une solution pour valoriser l information L clatement d Internet en sous r seaux autonomes dont les abonnements seraient la contrepartie de l acc s aux infrastructures aux contenus aux logiciels d interaction et aux m ta informations permettrait des transferts de valeur des infrastructures vers les contenus De n
31. itions contribuer ou des strat gies rationnelles de signalement En tout cas l introduction d une tarification la consommation et d incitations financi res la production vident les plateformes de leurs donateurs et donc de leurs utilisateurs Ce n est pas comme on l a cru longtemps l absence de micro paiements qui emp che le recueil direct de la valeur cr e sur les m ta march s Venons en maintenant aux deux principaux sch mas de recueil de la valeur cr e sur les march s secondaires Ces proc dures i la fourniture li e et ii le d placement pr servent la gratuit apparente des changes i La fourniture li e consiste offrir des biens composites une part du bien a une utilit positive pour le consommateur une autre part a une utilit n gative ou nulle mais le producteur ou un autre acteur trouve un avantage cette consommation Le syst me repose sur l efficacit de la liaison entre les deux biens le progr s technique change continuellement la situation en offrant de nouveaux moyens pour les consommateurs de disjoindre les deux composants du produit et aux producteurs de les lier plus fermement Par exemple dans le cas de la t l vision l introduction du magn toscope a offert aux consommateurs des moyens nouveaux de disjoindre contenus et publicit s dans les missions qui leur taient propos es Diverses mod lisations ont t d velopp es pour d crire cette classe de recueil de valeur le
32. lair que la construction de relations sociales prend le pas sur la tradition des objets Dans les potlatchs des indiens Kwakiutl Mauss 1925 il s agit d afficher une relation sociale une position hi rarchique soit en donnant soit mieux encore en d truisant pour afficher qu on n attend m me pas de contre don De tels changes ne servent pas seulement une r allocation des biens l vidence ils sont aussi et peut tre avant tout une demande de reconnaissance sociale Dans les changes synchrones ou 7 Les r seaux de relation comme les objets sont re us par tradition avunculaire puisqu il s agit d une organisation matriarcale Ils peuvent aussi peuvent faire l objet des cadeaux rituels entre le p re biologique et le fils 8 Au sujet des indiens Kwakiutl sur la c te Nord Ouest des Etats Unis Mauss 1925 crit Dans certains potlatch on doit d penser tout ce que l on a et ne rien garder C est qui sera le plus riche et aussi le plus follement d pensier Dans un certain nombre de cas il ne s agit m me pas de donner et de rendre mais de d truire afin de ne pas vouloir m me avoir l air de d sirer qu on vous rende On br le des bo tes enti res d huile d olachen candle fish poisson chandelle ou d huile de baleine on br le les maisons et des milliers de couvertures on brise les cuivres les plus chers on les jette l eau pour craser pour aplatir son rival Non seulement on se fait ainsi progresse
33. logiquement ind pendantes mais empiriquement corr l es En effet le march a limit la circulation des biens au cas des changes synchrones dyadiques et portant sur des biens standardis s On trouve aujourd hui encore dans les soci t s industrielles quelques cas d changes archa ques quelques march s de biens d occasion des cadeaux rituels des dons g n reux etc mais ces changes sont sans importance conomique Ils sont consid r s comme irrationnels comme des vestiges sociaux Quand les conomistes tentent d en rendre compte ils les mod lisent comme des imperfections d risoires du syst me g n ral des changes marchands Dans le monde num rique qui se met en place avec le d veloppement d Internet les changes redeviennent plus vari s aussi bien au plan du synchronisme que des ensembles de fermetures ou que de la d finition des biens Cela ne veut pas dire que l on revienne des changes archa ques mais plut t que les march s industriels voluent progressivement vers des syst mes d changes vari s dans leur fonctionnement et leur m canismes de recueil de la valeur 1 2 La violence de l change la ritualisation La violence conduit parfois l change et l change se fait toujours au risque de la violence L envahisseur comprend vite qu il a int r t plut t ran onner qu d truire Le Danegeld devient bient t commerce asym trique o une des parties impose les prix et les quantit s enf
34. main of tradition By making many reproductions it substitutes a plurality of copies for a unique existence 14 Sur Internet on utilise le terme troll pour d signer une personne qui cherche nuire la dynamique de la plateforme d interactions en induisant des conflits en incitant la pol mique et en provoquant les autres participants changer mars 2007 Michel Gensollen 13 Les biens artisanaux les uvres d art les objets kula tirent leur aura on l a vu de leur forme unique et de l histoire des hasards qui a fix cette forme particuli re De fa on sym trique les biens informationnels tirent leur aura des possibilit s qui leur sont ouvertes d essaimer et de se transformer par copies successives L o les biens archa ques s inscrivaient dans le pass et l histoire les biens informationnels se projettent dans l avenir et dans leur capacit se transformer par duplication et diffusion c est dire par des m canismes de mutations s lections Enfin le caract re asynchrone des changes num riques qui s oppose au strict synchronisme des changes industriels est lui aussi sp cifique on ne revient pas tout fait au don contre don archa que On va d velopper maintenant ce point plus en d tails 2 4 La reconnaissance sociale des m dias de masse aux groupes de pairs Dans le monde de l change industriel la demande de reconnaissance ne peut pas passer par les achats ventes anonymes du ma
35. mbolic act rather than utilitarian activity is the question of nuking This refers to the practice of removing software that are either duplicate releases or otherwise regarded unworthy e g children s games are often erased willy nilly from the participating servers Was the aim of the network to maximize members possibilities to get hold of software this makes little sense Duplicates would actually improve the spreading of programs partly because the most desired software are most likely to create the conditions for a race and thus create dupes as a result but are still removed from the network as quickly as possible 19 Rehn 2004 donne un exemple de tels textes Always remember we do this just for fun and we are against commercialisation in fact we buy all our own games as we love games and we are not joking if you like this game buy it we did Identical text found on NFO of both Myth dated September 30th 2000 and Deviance dated August 4th 2000 2 Sur les kiddies voir l article de Mollick 2004 The Engine of the Underground The Elite Kiddie Divide ou A Guide To Internet Piracy l adresse http old wheresthebeef co uk show php guide 2600 Guide to_Internet_Piracy TYDJ txt changer mars 2007 Michel Gensollen 15 suffisante pour tre effectivement utilis es et elle justifie socialement l objectif g n ral du tournoi permettre la fourniture au co t marginal des biens informationnels Les rep
36. ns la production release groups et d autres dans la diffusion couriers sur les sites warez accessibles au public Tous ces groupes partagent le m me code de valeurs d une part ils ne tirent aucun profit de leurs activit s d autre part ils augmentent leur r putation aupr s de leurs pairs lorsqu ils sont les premiers cracker un certain software et le faire appara tre sur les sites sp cialis s Pour un groupe il s agit d tre le premier Arriver second ne vaut rien et les versions post rieures la premi re appel es dupes sont effac es des serveurs nuking ceux qui les ont post es sont ridiculis s Le groupe arriv le premier est d autant plus estim que le d lai est court entre la sortie du logiciel ou du jeu ou du contenu par exemple pour une s rie de t l vision et la sortie de la version libre le 0 day warez tant videmment le plus pris le logiciel crack le jour m me de sa sortie Les warez sont sign s dans un fichier nfo qui contient le nom du groupe Les informaticiens qui crackent ou distribuent les warez ne font pas cela a leurs moments perdus pour cette activit qui ne leur rapporte rien en termes financiers des dur es de travail de 40 heures par semaine ne sont pas rares d apr s l estimation de Rehn D autre part le nuking nuit a la diffusion m me des programmes aupr s du public puisque seul le premier fichier reste dans le circuit pour tre dupliqu tandis que les aut
37. ntre toutes les mains Si chacun peut copier les uvres num ris es sans co ts et sans perte de qualit n est on pas en train de s loigner encore plus de la situation pr industrielle faite de relations personnelles et d objets authentiques Or l observation des changes num riques montre plut t l inverse La possibilit de pouvoir copier et partager les biens informationnels a restaur paradoxalement la fois les relations avec les biens et les relations entre les interactants L change num rique contrairement l change industriel repose sur des rapports personnels mais ceux ci se sont enrichis si on les compare aux liens sociaux qui sous tendaient les changes archa ques Les entit s qui entrent en relation sont des avatars c est dire des individus partiels qui peuvent tre plus ou moins stables dans le temps plus ou moins li s avec la personne r elle qui les anime plus ou moins responsables de leurs actions De telles relations assur ment plus superficielles deviennent aussi plus complexes en particulier sur le plan de la gestion des savoirs partag s dans un groupe ouvert de discussion un individu peut par exemple se cr er un second avatar sans connexion explicite avec le premier et se poser lui m me une question ou soulever une objection Dans les rapports virtuels la m tarepr sentation est plus difficile et les changes plus ambigus De fa on surprenante les sentiments entre avatars ne son
38. ombreux auteurs ont soulign les dangers d un tel sch ma et les avantages en particulier pour l innovation d une s paration rigoureuse entre contenant et contenu Internet tire son utilit et son caract re conomiquement r volutionnaire justement d tre un r seau stupide universel et offrant des services de bout en bout Lessig 2006 Wu 2003 On notera aussi que si la valeur qui se cr e sur les plateformes d interactions est consid rable les co ts permettant cette cr ation de valeur sont tr s limit s En effet pour des raisons qui seront d taill es plus loin l laboration de donn es et de logiciels n est pas consid r e comme une charge de travail importante par ceux qui les fournissent La plupart du temps les interactants ont d velopp pour eux m mes ce qu ils mettent ensuite la disposition de tous ils ne supportent donc que les co ts extr mement limit s de publication sur le web et ils sont g n ralement r mun r s en r putation et en reconnaissance par un groupe de pairs Ainsi sur le site Voo2do l auteur indique que le site est gratuit parce que le logiciel de gestion de t ches qu il fournit a t crit pour son usage personnel Bien entendu des questions se posent sur les garanties que peut fournir un tel site en termes d assurance de qualit de s curit de confidentialit et de propri t des donn es Toutefois les logiciels et les bases de donn es ainsi mis disposition su
39. opier il n y a pas pour de tels biens de sentiment naturel de propri t d o la conviction du grand public que copier n est pas voler e L acheteur n a peut tre pas une fonction d utilit ind pendante du fait que le vendeur poss de le bien convoit Si les go ts ne sont pas exog nes et propres chacun mais au contraire influenc s soit par un effet d imitation ou de mode ou m me par ce que certains appellent le d sir mim tique Girard 1961 alors l acheteur cherchera se procurer des biens qui lui seront d sign s par d autres acheteurs les biens deviennent signes et la recherche de leur possession peut tre source directe de violence si les biens sont rivaux Les biens culturels sont souvent des biens soumis la mode des sortes de biens signes mais ils sont non rivaux lorsqu ils sont num ris s et non prot g s par des DRM L change ne peut donc avoir lieu au moins dans de bonnes conditions que si certaines proc dures sociales se sont mises en place pour r duire les co ts de transaction e soit pour permettre aux parties de fixer un prix de fa on coop rative les pratiques plus ou moins ritualis es du marchandage permettent de trouver dans l intervalle V W un prix tel que le vendeur comme l acheteur aient plus ou moins l impression de faire une bonne affaire e soit pour fixer les prix ind pendamment des interactants les fa ons de faire sont tr s vari es un tiers peut imposer un prix la co
40. our l honneur des activit s directement utilitaristes on retrouve l les oppositions kula gimwali ou otium negotium e Un syst me de mise disposition aupr s du grand public de la production r alis e pour la gloire Une telle mise disposition se fait souvent par tapes Dans le cas du monde du warez on passe du premier cercle les Warez Release Groups aux sites de diffusion Sites Traders puis aux Kiddies FXP Boards kiddies IRC kiddies et enfin aux usagers qui vont sur des sites d change comme a une certaine poque KaZaA La mise disposition joue un double r le dans le premier syst me elle assure que les productions sont de qualit 17 Dans l article cite en r f rences Rehn crit For the participants these competitions are inherently meaningful Many spend so much time in these endeavors that one can see it as their primary occupation even to the degree that senior members of the community sometimes advice against letting warez trading become an all encompassing passion No statistically reliable data exists as to how much time participants on average spend logged on but spending 40 hours weekly is not unheard of and particularly enthusiastic members can spend significantly more Most active members spend at least one to a few hours online on a daily basis 8 Alf Rehn crit ce propos dans l article cit Also important in making the distinction between releasing as a sy
41. ppement de la t l r alit n importe qui peut venir tenter sa chance d appara tre un quart d heure La plupart des blogs ou des sites par exemple sur MySpace diffusent les statistiques de leur fr quentation et indiquent en bonne place le r seau des sites qui pointent vers eux et vers qui ils pointent Certains blogs ou sites ne sont m me que cela l affichage d une demande de reconnaissance sociale pour leurs auteurs reconnaissance et audience se confondent Les logiciels qui sont mis la disposition des utilisateurs sur les plateformes d interactions initient sans doute renforcent certainement une telle demande de reconnaissance selon un mod le de m dia de masse Les r seaux d amis sur MySpace par exemple comptent de plusieurs centaines plusieurs milliers d l ments il s agit moins de se cr er un r seau de connaissances social networking que de L audience sur Internet comme sur les m dias de masse apporte ainsi une reconnaissance sociale quivoque partiellement reconnaissance agonistique mais la lutte ne porte que sur la facult d attirer l attention par tous les moyens partiellement aussi reconnaissance naturelle auquel chacun a droit du seul fait qu il utilise un logiciel ou est pr sent sur une plateforme Mais c t de ces combats pour l audience la demande de reconnaissance agonistique structure des activit s plus lourdes de cons quences conomiques comme par exemple la production de bas
42. r sentations li es l change industriel ne permettent pas de rendre compte du fonctionnement social des plateformes d interactions qui sont des structures aristocratiques de cr ation de biens publics Il n y a pas d altruisme de la part des contributeurs qui sacrifient ventuellement la qualit de la fourniture la lisibilit du tournoi D une fa on g n rale il n y a pas non plus de calcul sur la mise en valeur ult rieure de la r putation cr e sur la plateforme ce qui a t parfois suppos dans des tentatives de mod lisation de la production des logiciels libres partir d un signalement de comp tences pour des employeurs ventuels Lerner amp Tirole 2002 Conclusion Les syst mes d change num rique sont complexes On les mod lise mal si on les consid re comme des variantes de march s concurrentiels Ils reposent sur un d couplage surprenant entre la production et la distribution un individu ou un groupe produit un bien immat riel pour son usage propre puis ce bien se diffuse par copies successives il se transforme et s int gre ventuellement d autres r alisations La reconnaissance sociale est au c ur de la production qu il s agisse de l criture d un blog ou du fonctionnement d un groupe de hackers dans le premier cas la reconnaissance est plut t de type m dia de masse dans le second de type aristocratique On cherche tre connu du grand public ou on cherche tre appr ci par un p
43. r tendre que la diffusion d uvres d amateurs revient une forme d vasion fiscale raisonnement d j utilis dans le cas des Syst mes d Echange Locaux De m me qu il y a un d lit d exercice ill gal de la m decine il pourrait y avoir un d lit d amateurisme de diffusion non contr l e du savoir ou d exercice ill gal de l intelligence La question en effet n est pas de savoir si aujourd hui tel syst me d change num rique est conforme ou non tel ou tel d tail de lois qui ont t crites en r f rence au march et l organisation industrielle qui s pare production et consommation Le choix est entre une soci t qui traite les biens informationnels comme des biens physiques et les syst mes d change num riques comme des march s concurrentiels ou bien une soci t qui accepte de donner une place ces syst mes de cr ation collective de biens publics La discussion d une telle d cision demanderait d aborder un point qui n a pas t trait ici l originalit de la culture qui est induite par les syst mes d change num rique En effet une culture se caract rise moins par un ensemble de contenus que par la structure d changes qui conditionne les processus de r plication diffusion reconstruction de ces contenus On ne tentera pas ici d voquer les processus de r plication s lection qui peuvent rendre compte de l volution culturelle Une comparaison trop proche entre g nes et memes Dawk
44. r Internet sont g n ralement de bonne qualit au moins d une qualit suffisante pour les plateformes utilis es par le grand public Dans sa d position cit e en r f rence Lessig crit The Internet has inspired a wide range of innovation Because of its particular architectural design that innovation has come primarily from the edge or end of the network through application competition As network architects Jerome Saltzer David Clark and David Reed describe the original Internet embraced an end to end design meaning the network itself was to be as simple as possible with intelligence for the network provided by applications that connected at the edge of the network 1 L auteur crit sur la premi re page du site http voo2do com Voo2do y is completely free with no limits and there s nothing to install Why is this free Because made it for myself and it wasn t that much extra work to just let anyone use it Or at least it didn t seem like that much extra work at the time Feeling generous make a donation Echanger mars 2007 Michel Gensollen 11 Dans de telles conditions la gratuit est la seule solution possible On a souvent mis en vidence que de faibles r mun rations d truisent les incitations fournir des biens publics Frey amp Oberholzer Gee 1997 Diverses mod lisations Seabright 2002 peuvent expliquer ces comportements une distribution discontinue des dispos
45. r soi m me mais encore on fait progresser sa famille sur l chelle sociale On peut si on veut appeler ces transferts du nom d change ou m me de commerce de vente mais ce commerce est noble plein d tiquette et de g n rosit et en tout cas quand il est fait dans un autre esprit en vue de gain imm diat il est l objet d un m pris bien accentu On le voit la notion d honneur qui agit violemment en Polyn sie qui est toujours pr sente en M lan sie exerce ici de v ritables ravages changer mars 2007 Michel Gensollen asynchrones se forme l identit personnelle et l estime de soi par la construction de rapports sociaux teint s d estime de consid ration ou de m pris On verra dans la suite que l change de biens informationnels devient naturellement le support de relations sociales ne serait ce que parce que les fichiers peuvent circuler se copier et se partager Aujourd hui l change asynchrone sur Internet constitue un support important de relations sociales comme en t moigne par exemple la multiplication des relations entre blogs 1 4 L change sym trique les consommateurs producteurs Un syst me d changes relie deux phases de l algorithme social de production la production r alis e par le consommateur lui m me et la production sociale qui prend place dans des structures vari es qui d pendent de l organisation du travail et des techniques utilis es Les biens et les services ch
46. rch Malgr les discours sur les rapports personnalis s avec le client les cartes de fid lit et les coupons d achat l essence du march est de n induire aucune relation sociale Ce qui ne veut pas dire que ce qui s ach te ne peut pas servir satisfaire indirectement une demande de reconnaissance la consommation de tel ou tel bien tant un moyen de signaler une appartenance ou une qualit Mais ce sont les m dias de masse qui diffusent les codes et fournissent les moyens de la reconnaissance cette c l brit mondiale d un quart d heure dont parlait Andy Warhol Dans la mesure o Internet peut tre utilis comme un m dia de masse largi c est dire dont la source est plus ouverte on retrouve sur le web le mod le pr c dent de la reconnaissance par l audience mais adapt aux contraintes de ce nouveau m dia Les blogs qui se sont multipli s fonctionnent comme des sortes de caisses de r sonnance le buzz qui viennent enrichir les m dias de masse classiques La c l brit sur le web est consid r e comme le premier chelon de la reconnaissance des m dias de masse une sorte de marchepied ainsi tel bloggueur qui est arriv se faire remarquer par un diteur pour le texte ou un label pour la musique ferme son blog qui ne servait qu attirer l attention et se constituer une premi re audience Sym triquement les m dias de masse s adaptent et donnent l illusion d une plus grande ouverture par le d velo
47. res sans doute d aussi bonne qualit sont effac s A ces l ments d j d routants il faut ajouter les conseils souvent joints aux warez par exemple dans les fichiers nfo qui recommandent aux utilisateurs d acheter les programmes qu ils auront aim s Le piratage fournit un exemple parmi d autres mais un exemple particuli rement net de la complexit des changes num riques Le fonctionnement voqu ici n est pas propre l activit de piratage on retrouve peu pr s les m mes caract ristiques pour des activit s l gales par exemple la cr ation et le d veloppement d une encyclop die gratuite en ligne Wikipedia L organisation spontan e d une plateforme d interactions fait intervenir l imbrication de deux syst mes d changes asynchrones e Un syst me ritualis de d fis permanents que certains ont pu rapprocher du potlatch o il s agit de faire plus dans les syst mes critiques des sites de vente de produits culturels mieux par exemple sur Wikipedia ou plus vite dans le monde du warez Il faut se faire un nom mais cette gloire n est pas attach e une personne physique mais un avatar ou une quipe elle ne vise pas l ensemble du public mais un groupe tr s troit de pairs Il s agit de soci t s relativement ferm es aux valeurs aristocratiques assez proches du milieu de la recherche scientifique La gratuit joue un r le essentiel pour distinguer ces activit s pour la gloire ou p
48. s march s deux versants two sided markets voir par exemple Rochet amp Tirole 2005 et la vente par bouquets bundling voir par exemple Bakos amp Brynjolfsson 1998 ii Le d placement du recueil de la valeur consiste replacer l change d informations contenus ou m ta informations dans le cadre global de l algorithme social auquel il participe et recueillir la valeur sur un autre march faisant partie de cet algorithme Il s agit en quelque sorte d internaliser les externalit s initi es par les changes d informations Les exemples de d placement sont tr s vari s il peut s agir de d placement vers des biens physiques ou des services plus ou moins li s aux changes qui ont cr leur valeur on peut lier par exemple la fourniture de m ta information et la vente des biens correspondants ce que r alise un site comme Amazon com on peut galement offrir du contenu des fichiers musicaux par exemple qui rend plus probable la consommation d un service des places de concert pour poursuivre le m me exemple Les deux strat gies qui viennent d tre d crites fourniture li e et d placement sont d ailleurs proches Apr s avoir d fini un bien composite il s agit de maintenir un lien au niveau de la consommation tout en assurant une certaine ind pendance au niveau de la production Le gestionnaire d une cha ne de t l vision par exemple doit la fois lier contenus et publicit s de sorte que les spe
49. t pas att nu s par le fait que les relations sont virtuelles et ph m res Les critiques comme les louanges qui s adressent un avatar sont vivement ressenties par la personne r elle qui l anime La demande de reconnaissance qui initie bien des changes peut tre au moins en partie satisfaite par avatar interpos nous en verrons des exemples dans la suite Les rituels d interaction qui limitent et contr lent la violence dans le monde r el ne sont pas adapt s aux changes virtuels Les relations sont souvent violentes m me s il s agit d une violence particuli re exc s verbaux ou malveillance informatique Il n y a pas de plateformes d interactions sans trolls mais les mod rateurs charg s de supprimer leurs interventions peinent souvent convaincre la communaut de leur transparence et de leur honn tet Le rapport aux biens est lui aussi tr s diff rent de ce qu il est dans l change industriel Parce que les biens informationnels ne sont pas standardis s parce que leur utilisation ne les d truit pas parce que tr s souvent en particulier pour les biens culturels ils acqui rent une valeur sp cifique d avoir t consomm s parce qu ils font l objet d changes et qu ils circulent entre amis et connaissances le rapport de consommation ne se r duit pas un achat routinier et solitaire suivi d une destruction utilitariste ce point parce qu il ne touche pas directement l change num rique s
50. t pu se faire les interactants resteront toujours dans l incertitude d avoir fait une bonne ou une mauvaise affaire Dans tous les cas la relation entre eux se sera d grad e et les ventes ult rieures seront moins probables et plus difficiles On notera que dans les cas o V et W sont proches l int r t de la transaction c est dire le surplus social d gag est limit il est difficile pour les contractants de trouver un prix entre V et W et il est vraisemblable qu aucun des deux imaginera avoir fait une mauvaise affaire Au contraire lorsque V et W sont tr s loign s la transaction serait socialement tr s utile si elle pouvait tre r alis e Th oriquement il serait facile de trouver un prix qui permette la transaction mais dans la pratique les Dans La cit antique Fustel de Coulanges souligne que dans les cit s grecques la terre tait g n ralement inali nable parce que li e la famille et non l individu Il crit Fondez la propri t sur le droit du travail l homme pourra s en dessaisir Fondez la sur la religion il ne le pourra plus un lien plus fort que la volont de l homme unit la terre lui D ailleurs ce champ o est le tombeau o vivent les anc tres divins o la famille doit jamais accomplir un culte n est pas la propri t d un homme seulement mais d une famille Ce n est pas l individu actuellement vivant qui a tabli son droit sur cette terre c est le dieu domestique
51. ula lorsque ces menus cadeaux sont rendus par des cadeaux quivalents cela revient refuser que la relation volue vers une relation kula Dans le cas contraire le premier don peut avoir lieu et la relation est initi e Le contre don qui aura lieu lors d un autre voyage tablira une relation quilibr e qui pourra tre activ e pour un nouveau don Les liens kula ne servent qu aux objets kula mais ces relations sociales entre des individus vivant dans des les loign es permettent aussi que les changes commerciaux se passent sans violence Les indig nes distinguent nettement l change prestigieux et c r moniel des objets kula et l change synchrone gimwali entre des objets utiles et certains objets en particulier les ignames qui servent de monnaie Au contraire des objets habituels les objets kula n ont ni valeur marchande ni quivalents ni utilit directe mais leur possession est source de plaisir et de prestige c est aussi la cl pour de nouvelles relations sociales Les dons c r moniels mettent en sc ne le caract re incomparable des objets chang s le fait qu il est impossible de compenser exactement ce qui a t donn que m me tenter cette quivalence serait faire preuve de mesquinerie ce serait selon l expression m prisante des indig nes faire sa kula comme du gimwali Le don agonistique ou m me la destruction rituelle dans le cadre d un potlatch constitue un cas extr me d change o il est c
52. utume peut fixer un prix normal dont on ne peut d vier qu la marge si les circonstances l exigent des consid rations de justice sociale peuvent tre invoqu es pour fixer le prix qui permette aux producteurs de vivre d cemment le juste prix de Thomas d Aquin une institution comme celle du march peut imposer a chaque vendeur et acheteur potentiel un prix qui se justifie objectivement par son efficacit c est dire le fait qu il permet en th orie d quilibrer l offre et la demande Pour les biens informationnels les proc dures sociales de fixation d un prix acceptable ne sont pas encore en place on verra dans la suite que le cadre de r f rence m me n est pas partag par les diff rentes parties prenantes 1 3 La demande de reconnaissance dans l change le lien social On caract rise ici le lien social de fa on tr s g n rale comme la facult qu ont certains individus de se reconna tre et de se comporter les uns envers les autres de fa on sp cifique Le lien social transforme les interactions en jeux r p t s ce qui permet des strat gies plus complexes et plus coop ratives L organisation des soci t s industrielles repose sur l hypoth se que les liens sociaux ne doivent pas jouer de r le appr ciable Sur un march ou dans une hi rarchie une relation sociale qui porterait des cons quences conomiques serait consid r e comme s opposant au bon fonctionnement des 5 On reconna t ici le
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