Pour une économie sociale revisitée
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1. conomie sociale dans J L Laville amp D Cattani dir Dictionnaire de l autre conomie Descl e de Brouwer Paris p 233 241 Demoustier D et al 2006 D bats autour de la notion d conomie sociale en Europe RECMA Revue internationale de l conomie sociale n 330 p 8 18 Evers A et Laville J L dir 2004 The Third Sector in Europe Edward Elgar Cheltenham Laville J L dir 1994 L conomie solidaire une perspective internationale Descl e de Brouwer Paris Laville J L 2005 conomie so lidaire dans Laville et D Cattani dir Dictionnaire de l autre conomie Descl e de Brouwer Paris p 253 2602. conomique et politique qui leur conf re leur originalit Sur le plan conomique l insistance est mise sur la r ciprocit et l engagement mutuel entre les personnes qui font naitre l initiative impulsion r cipro dossier Pour une conomie sociale revisit e Jacques Defourny et Jean Louis Laville citaire Ensuite la consolidation des activit s s op re par une hybridation de diff rents types de ressources les ressources r ciprocitaires initiales par exemple traduites par du b n volat sont relay es par des apports publics li s la redistribution non marchande et par des ressources provenant du march La dimension politique de l conomie solidaire s exprime quant elle par la construction d espaces publics qui autori sent un d bat entre les parties prenantes sur les demandes sociales et les finalit s poursuivies Le d fi r side alors dans le maintien d espaces publics autonomes distincts mais compl mentaires des es paces publics institu s et r gul s par le pouvoir politique PRATIQUES DE PARTICIPATION On soulignera trois lignes de force de cette approche L conomie solidaire nait des engagements effectifs et r ciproques de ci toyens de leur capacit cerner ensemble des besoins et de leur volont de conce voir et de maitriser des r ponses ceux ci Quoique le plus souvent associatives ou coop ratives les initiatives ainsi engen dr es importent plus
3. espaces de d lib ration politique au sens large Que ce soit en termes de contestation ou en termes de collaboration avec les pou voirs publics l enjeu est explicitement de contribuer relever de grands d fis soci taux en revitalisant de l int rieur le d bat d mocratique Un tel clairage permet de mettre en lumi re une dimension essen tielle de certains champs o les mergen ces des deux ou trois derni res d cennies se sont voulues la fois pionni res et por teuses de r ponses d passant leur niveau micro conomique Cette vocation profon d ment politique tait particuli rement manifeste dans les projets autogestionnai res des nouvelles coop ratives des an n es septante et quatre vingt mais elle ne l est pas moins sur les nouveaux fronts du d veloppement durable de la justice dans les changes conomiques internationaux larevuenouvelle n 1 2 janvier f vrier 2007 de la finance alternative etc Que l on parle d conomie solidaire ou de nouvelle conomie sociale importe alors moins que l affirmation de la vocation profond ment politique de ces initiatives CONOMIE PLURIELLE Par son insistance sur la combinaison de logiques conomiques vari es logiques de r ciprocit de redistribution et de march l approche de l conomie soli daire constitue une puissante invitation refuser l h g monie croissante des lo giques marchandes Au contraire par so
4. elle po sition est d ailleurs bien plus rigoureuse que certaines perceptions communes mar qu es par la mode du tout au march les conomistes et les comptabilit s natio nales reconnaissent que l activit cono mique au sens de production de bien tre et de richesse provient aussi bien d orga nisations non marchandes coles h pi taux organismes d action sociale etc que d entreprises marchandes Seconde question l conomie sociale a t elle comme champ d action privil gi la cr ation d emplois et l insertion pro fessionnelle des personnes en difficult sur le march du travail Cette question a pris en Belgique plus qu ailleurs une importance particuli re depuis le milieu des ann es nonante aux yeux de certains ministres flamands en fonction au niveau f d ral et r gional et plus tard bruxellois l conomie sociale est apparue par sa r sonance sociale comme une appellation commode pour rassembler les initiatives de resociali sation de formation et d insertion pro fessionnelle de personnes en difficult D finie ainsi par des publics cibles et des modes de prise en charge ou d accompa gnement de ceux ci l conomie sociale pr sente alors le grand avantage pour les politiques publiques d offrir un champ d intervention la fois homog ne par ses objectifs et diversifi par la vari t des dispositifs imaginables organismes d in sertion socioprofessionnelle en
5. iques exerc es par des soci t s principalement coop ratives des mutualit s et des associations dont l thique se traduit par les principes suivants finalit de service aux membres ou la collectivit plut t que de profit autonomie de gestion processus de d cision d mocratique primaut des personnes et du travail sur le capital dans la r partition des revenus Conseil wallon de l conomie sociale 1990 LES FRONTI RES En Wallonie cette d finition consti tue une r f rence laquelle la plupart des acteurs de terrain restent attach s N anmoins elle n a cess de susciter des questions Premi rement l conomie so ciale recouvre t elle surtout des activit s marchandes Dans l opinion l conomie est bien souvent per ue comme le seul fait des entreprises qui vendent des biens ou services sur le march En ce sens l co nomie sociale ne m riterait son nom qu condition de rassembler des entreprises marchandes mais avec d autres finalit s que les entreprises capitalistes premi re vue plusieurs arguments semblent appuyer une telle limitation la volont d accr diter au mieux l conomie sociale en l inscrivant dans la vraie conomie r gie par les lois du march la r ticence d une partie du monde associa tif affirmer sa dimension conomique l usage courant quoique tr s approximatif du concept de secteur non marchand qui pourrait
6. larevuenouvelle n 1 2 janvier f vrier 2007 dossier Pour une conomie sociale revisit e La d finition du Conseil wallon de l conomie sociale met l accent sur les sp cificit s d organisations priv es non capitalistes qui d fendent des valeurs objectif de service autonomie de gestion participation d mocratique des membres Mais deux questions se posent l conomie sociale recouvre t elle surtout des activit s marchandes Son champ d action privil gi est il l insertion des personnes sans emploi Pour viter l instrumentalisation le concept d conomie solidaire quant lui insiste davantage sur une conomie plurielle faite de logiques conomiques vari es qui rel ve de grands d fis de soci t Jacques Defourny et Jean Louis Laville Jacques Defourny est professeur en conomie l Universit de Li ge il y dirige le Centre d conomie sociale il coordonne aussi le r seau europ en EMES sp cialis en conomie sociale Jean Louis Laville est professeur au Conservatoire national des arts et m tiers et codirecteur du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie conomique CNRS Diff rents concepts ont t forg s pour appr hender cette troisi me partie des conomies occidentales qui n est ni priv e capitaliste ni publique Sous l influence am ricaine la notion de non profit sec tor s est assez largement r pandue et elle correspond chez nous au champ des asso cia
7. n m tissage de ressources variable selon les exp riences elle montre combien sont f condes la prise en compte et la mobili sation des divers l ments d une cono mie plurielle En pratique que l on pense aux Magasins du monde Oxfam des en treprises de travail adapt des cin mas alternatifs ou encore divers services de proximit il s agit de reconnaitre que l identit et la force de multiples initiati ves r sident dans le fait qu elles peuvent la fois s adresser au march dans la mesure o leur production peut tre achet e par l usager recevoir certaines subventions publiques pour les services rendus la collectivit et bien souvent aussi compter sur du travail b n vole parce que ces acti vit s ont assez de sens pour tre en partie prest es ou soutenues sans contrepartie mon taire Pour le dire encore autrement ce serait absurde d aborder de telles acti vit s en des termes exclusivement mar chands ou non marchands Une fois encore il s agit d une re mise en lumi re d une dimension plus implicite qu explicite de l conomie sociale telle que pr sent e par le CWES On pourrait ajouter que si l conomie solidaire met particuli rement l accent sur son pluralis me conomique interne pour ce qui est de ses ressources l conomie sociale par sa couverture plus large se pr sente comme un troisi me grand secteur d es sence priv e mais non d
8. ns pour ses composantes se reconnaissant aussi dans une approche d conomie solidaire Mais plut t que d opposer de tels acteurs d autres r alit s associati ves ou coop ratives moins explicitement ancr es dans des d bats soci taux par exemple des associations de loisirs il serait plus porteur pour le moyen et le long terme d viter des antagonismes st riles D ailleurs les militances sont elles m mes volutives En soulignant surtout son combat pour une conomie plurielle tant en interne que globalement et en redisant sa volont d animer des espaces d mocratiques au c ur m me de l conomique l conomie sociale renouera avec un projet originel qui lui est rappel fort justement par l ap proche de l conomie solidaire E Bibliographie 5 y regarder de pr s trois des quatre crit res du CWES l autonomie de gestion except e sont des d clinaisons de cette non domination du capital Conseil wallon de l conomie so ciale 1990 Rapport l ex cutif r gio nal wallon sur le secteur de l conomie sociale Namur Defourny J 1998 La longue marche du concept d conomie so ciale Reflets et perspectives de la vie conomique vol 38 n 4 p 5 20 Defourny J 2001 From third sector concepts to social enter prise dans C Borzaga amp J Defourny dir The Emergence of Social Enterprise Routledge London amp New York Defourny J 2005
9. omin par le ca pital capable de souligner aux c t s du secteur public le pluralisme fondamental du mod le socio conomique europ en ET PROJET D MOCRATIQUE Il pourrait paraitre tentant notamment en Belgique francophone de reconfigurer l conomie sociale pour la rendre plus lisible ou plus op rationnelle comme partenaire des politiques publiques Une piste consisterait d s lors souligner sa vocation avant tout marchande mais l conomie sociale perdrait du m me coup une grande part de sa force d inter pellation et se mettrait la remorque des volutions d un capitalisme de plus en plus h g monique Ce serait encore plus vident si elle tait rabattue sur le seul segment de l insertion o ses capacit s d innovation s estomperaient au profit d une image de voiture balai du march du travail Cela ne signifie videmment pas que les politiques publiques ne puis sent cibler certaines parties sp cifiques et probablement variables au cours du temps de l conomie sociale mais c est d abord celle ci et personne d autre qu il appartient de d finir ses propres contours et ses ambitions L autre voie bien plus f conde notre sens consiste r affirmer avec force non seulement l paisseur socio conomique dossier Pour une conomie sociale revisit e Jacques Defourny et Jean Louis Laville mais aussi la contribution minemment politique de l conomie sociale du moi
10. par ces dynamiques que par des statuts ou des r gles associ es ceux ci En cela il est logique que l co nomie solidaire interroge constamment les modes de fonctionnement tr s insti tutionnalis s des grandes coop ratives ou mutuelles qui avec des milliers de tra vailleurs et des centaines de milliers voire des millions de membres n incarnent plus tr s explicitement leur qu te initiale de d mocratie conomique Pour le contexte belge et francophone en particulier on 4 Quant aux mutualit s belges on peut les voir comme un pont entre leurs dynamiques originelles d conomie sociale et la sph re publique de la s curit sociale notera que l volution des grands mouve ments coop ratifs a t telle qu il ne reste plus contrairement au paysage fran ais que quelques grandes entit s qui ne peu vent plus pr tendre repr senter l essentiel de l conomie sociale En outre on ne peut nier les efforts de certaines d entre elles pour r affirmer leur identit coop ra tive et faire vivre parmi leurs membres des processus de participation ENCASTREMENT POLITIQUE L conomie solidaire souligne donc com bien ses activit s ont une ambition et une r sonance qui d passent de loin le cadre de ses r alisations concr tes Par les d bats qu ils suscitent par les directions qu ils indiquent par les partenariats no vateurs qu ils construisent ces acteurs s inscrivent r solument dans des
11. s mes Ainsi seules les associations dites gestionnaires d quipements ou d in frastructure de services taient prises en compte Par la suite toutefois l inclusion des associations dans l conomie sociale s est r alis e de fa on beaucoup plus large au point d en faire la composante de loin la plus importante en termes d emplois D s 1989 la Commission europ enne avait stipul que les organisations de l conomie sociale produisent des biens et services marchands mais aussi non marchands fournis gratuitement ou un prix sans rapport avec leur cout la dif f rence provenant d un financement ex t rieur au march comme des cotisations des subventions ou des dons Dans la m me perspective le gouvernement britannique vient d int grer les social enterprises r alit s proches d une co nomie sociale fortement marchande dans les comp tences d un nouveau minist re du troisi me secteur aux c t s des associations les voluntary organiza tions et des charities Ces volutions rejoignent les intentions du CWES qui avait choisi de parler d ac tivit s conomiques au sens d activit s productrices de biens et services et de ne pas souligner certains modes de finance ment ventes sur un march plut t que d autres subsides publics cotisations larevuenouvelle n 1 2 janvier f vrier 2007 dons travail b n vole etc Une t
12. s et de plus en plus les fondations D autre part elle insiste sur des principes ou des valeurs cens s inspirer ces modes de fonctionnement sp cifiques objectif de service plut t que de rapport financier autonomie de gestion participation d mocratique des membres En Wallonie en 1990 au terme d un long travail le Conseil wallon de l conomie sociale CWES a construit une d finition L un de ses atouts majeurs est d avoir t construite par les acteurs de l conomie sociale eux m mes et de n avoir pas t dict e par le pouvoir politique en fonction de ses pr occupations propres En outre chacun des mots de cette d finition ayant t longuement discut s celle ci tait ac compagn e de commentaires qui offraient en quelque sorte un mode d emploi Enfin le CWES avait su combiner d une part une approche juridico institutionnel le ouverte permettant par exemple d int grer plus tard toutes les soci t s finalit sociale d autre part une insistance sur des principes forts d autant plus indispensa bles que les statuts ne les imposent pas toujours Ce sont sans doute ces qualit s qui ont fait que la d finition wallonne de l conomie sociale a t reprise telle quel le en Espagne au Qu bec et pendant un temps au niveau f d ral belge dossier Pour une conomie sociale revisit e Jacques Defourny et Jean Louis Laville L conomie sociale se compose d activit s conom
13. sugg rer de maintenir celui ci en dehors de l conomie sociale et enfin le d coupage classique des com p tences minist rielles qui tend souvent s parer le soutien aux entreprises mar 1 En Belgique la plupart des soci t s coop ratives n ont de coop ratif que le nom les principes qui traduisent le projet coop ratif ne sont qu optionnels et ne sont en fait int gr s dans leurs statuts que par les vraies coop ratives les seules d ailleurs se reconnaitre dans l conomie sociale Cette approche tait celle du r glement par lequel le gouvernement fran ais institua une premi re D l gation l conomie sociale en 1981 Cette formulation n est d ailleurs pas trang re l mergence du concept d conomie solidaire dans lequel une partie du tissu associatif pouvait mieux se reconnaitre Au niveau europ en aussi l conomie sociale a parfois t pr sent e sous ce angle notamment comme une piste pour les plans d action nationaux de lutte contre le ch mage ou encore dans le programme Equal de la Commission chandes et les politiques li es l action sociale la culture aux loisirs etc Dans le m me sens on peut encore noter que la premi re reconnaissance l gale de l conomie sociale en France d signait les coop ratives les mutuelles et cel les des associations dont les activit s de production les assimilent ces organi
14. tions sans but lucratif Mais elle ignore totalement les initiatives de type coop ra tif qui pourtant sont souvent enracin es aujourd hui bien au del tant en Europe que dans d autres parties du monde En Belgique la notion d conomie so ciale est clairement la plus utilis e mais il nous semble utile de la faire dialoguer avec l approche conomie solidaire tr s compl mentaire C est que les d bats en Belgique sont marqu s de mani re r currente par la question de la d limita tion de ce troisi me secteur Nous voulons dans le milieu associatif et en partagent largement les valeurs C est pourquoi dans les r gions francophones d Europe et du Canada ce sont plut t les concepts d conomie sociale et d conomie solidaire qui se sont impos s et leur usage s tend ici souligner les enjeux de cette question dans la mesure o elle conditionne la fois la mani re dont les acteurs de l co nomie sociale peuvent se percevoir et la fa on dont ils sont vus et reconnus par le reste de l conomie et de la soci t DES VALEURS ET DES R GLES L conomie sociale est pratiquement tou jours pr sent e en mettant l accent sur deux aspects D une part elle d signe des cat gories d organisations priv es non capitalistes qui par leurs statuts et donc par des r gles particuli res en forment les principales composantes les coop ratives les associations les organisations mutua liste
15. treprises ou ateliers de formation par le travail entreprises d insertion sociale werkplaatsen en Flandre etc Une conomie sociale ainsi con ue tend tre largement instrumentalis e par le pouvoir politique et est alors soumise aux al as des priorit s gouvernementales R duite dans ses modes d expression elle l est videmment aussi dans son poids conomique et dans ses capacit s d inter pellation politiques et sociales Toute autre est la d marche qui consiste mettre en vidence dans l ensemble de l conomie sociale les acteurs associatifs et coop ratifs qui en forment le segment conomie sociale d insertion Celle ci est alors d autant plus forte et cr di ble qu elle s articule avec de multiples autres champs de l conomie sociale qui ne sont pas n cessairement vou s des personnes marginalis es mais rel vent d autres d fis cr ation culturelle alter native finance thique agriculture bio logique commerce quitable services de proximit etc CONOMIE SOLIDAIRE L conomie solidaire peut tre d finie comme l ensemble des activit s co nomiques soumis la volont d un agir d mocratique o les rapports sociaux de solidarit priment sur l int r t individuel ou le profit mat riel Laville 2005 Plus pr cis ment les activit s d conomie solidaire ne sont pas abord es par leurs statuts juridiques mais par une double dimension
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