Mon père prenait sa mallette. Il avait une mallette à code mais il ne l
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1. s couleur il conna t le fonctionnement des soupapes d une automobile d une bobine lectrique des choses dans ce go t l Il croit qu on habitera sur la plan te Mars un de ces quatre Il a pass la nuit nous garder veill s la nuit du pre mier alunissage et le lendemain dans sa mallette il avait fourr des journaux achet s au kiosque pour l avenir ou pour le souvenir ce qui veut dire la m me chose pour nous en tout cas De son c t ma m re faisait pareil avec les c l brit s toute la vie Ce sont les m mes photos sur les images des couvertures ils sont tous au fa te de leur gloire et de leur beaut Ils ont des tonnes de pognon Ils n ont pas l air de croire que tout va terminer ou alors comme le croient les bonimenteurs les fanfa rons et les actrices qui font croire n importe quoi n importe qui pour imaginer qu ils sont l abri dans la vie ou de la mort un peu des deux Ma m re adorait Paris Match Lui c tait Auto Moto et plus rarement les magazines de fesses sur du papier glac Ma m re a lui faisait vaguement plaisir de nous voir un peu tonn s et affol s et assomm s par la nouvelle des d c s des gens c l bres Vrai ment Paris Match est le meilleur dans le genre Nous pr f rions sans doute les torchons av r s aux magazines dans son genre mais bon Il ne lit rien part les sujets sans parole les bobines lectriques la conqu te de l atome la conqu te s2. et des d pliants publicitaires Il ne portait plus beaucoup d chantillons dans sa grosse mallette ce genre de commerce d clinait et lui en m me temps C tait une mallette pratique pour plusieurs genres d emploi en m me temps Sauf qu il n en a tenu qu un tout le temps qu on se connaissait Tout le temps qu on se connaissait il a eu ce job mallettes qui le faisait partit t t de chez nous et rentrer par des chemins d tourn s Il marchait d un pas r peux sur l asphalte nou veau de l endroit On avait de l asphalte tout neuf dans la voie priv e Il marchait sans peut tre se rendre compte qu il soignait la mise en sc ne de son d part puisqu il a bien s r fini par Comme 11 quoi Comme beaucoup de types dans sa situation et m me sans sa situation il ressemblait beaucoup d autres Lui portait une mallette qui devait le tirer dans la pente douce qui menait vers la gare Je ne me rappelle pas s il nous disait bonjour ou bonne journ e ni quoi que ce soit Il avait des habitudes mais elles lui taient venues sur le tard de loin De sa famille lui je ne garde pas beaucoup de nou velles J aurais d faire une enqu te mais ce serait encore pour d nicher une autre mallette remplie de vieux papiers bons de commande certificats de garantie compagnie de reprise de cr ances luminaires et calicots modernes et peut tre dans son cas un num ro de L quipe ou alors un Monde diplo Il souria
3. Mon p re prenait sa mallette Il avait une mallette code mais il ne l utilisait pas Elle a d tre la mode en 1977 ou par l mais a n aura dur que quelques ann es En tout cas parmi les choses qu il regardait dans les boutiques les bagages pre naient beaucoup d importance Il y avait aussi les costumes chez Brummel mais ma connaissance il n en a jamais port Il prenait sa mallette pour sor tir il allait d abord prendre le train Les gens sou riants du rez de chauss e doivent se retourner dans leurs tombes pour essayer de le voir sept heures vingt le matin Sa mallette faisait penser aux profes sions de repr sentation de d marcheurs ou de gar ons placiers toutes gloires du salariat des ann es soixante etsoixante dix et aujourd hui teintes dans la foul e Mais bien s r l poque je ne m en ren dais pas compte Mon p re tait d abord mon p re et voil tout Parfois il partait vraiment reculons pour son travail de merde et d autres fois on aurait cru qu il voulait encore faire un nouvel effort qu il avait pris pendant la nuit des bonnes r solutions Let s give it another try Il ne parlait pas anglais mon papa il n tait pas non plus assez prol taire et de cette fa on l il resterait entre les deux en qui libre toute sa vie Mais bien s r je ne le voyais pas comme a Non je ne le voyais pas comme a De toute fa on vu l heure de son d marrage la plupar
4. it parfois juste au moment de fermer la porte s il en avait la force de la fermer Il ne la claquait pas Elle le laissait filer sans rien dire Per sonne ne trouvait rien en dire quand il partait Je porte d j bien mon ge quand je le vois faire cela J ai plusieurs dizaines d ann es au comp teur moi aussi En un sens je l ai d j rejoint sur le bord de sa route et nous sommes tous les deux la remorque l un de l autre On va peut tre se retrouver nous ne nous sommes jamais perdus Nous ne nous sommes jamais connus serait pas mal aussi Nous nous sommes sans doute crois s plus d une fois quelque part si vous voulez mon avis En tout cas je me souviens mieux de lui les rares fois que je me retrouve seul le matin je l aper ois dans la voie priv e qui va rejoindre la route de la gare sa mallette de poids divers selon les jours est assez lourde quand m me Je vois qu il a encore la d marche mal assur e d un homme qui n a 12 jamais eu la moindre assurance Je vois qu il a du coton dans sa vie et une affaire de femme encore quelle heure du jour ou de la nuit je vois qu il est celui que je connais jusqu ce qu il tourne au coin et le long de la rue en pente douce vers son train pour aller au travail il n est d j plus tout fait lui Il n est jamais vraiment un autre que lui videm ment Il existe peine Sa vie est toute enti re pas s e x k x Il s asseyai
5. nt Ce ne sont pas des certitudes importantes mais elles tracent un portrait de lui part sa mal lette la con Dehors il ne trouvait pas a joli il ne le disait pas dans le train Sa mallette tendait prendre une taille disproportionn e il n tait pas le seul dans le train Il ne parle personne ou par fois il regarde intens ment quelqu un une femme s il sent qu elle a laiss ouverte la petite boutique de ses yeux Il m avait expliqu a une fois mon p re employ de bureau les yeux des femmes sont une petite boutique tu peux y trouver tout ce que tu cherches imaginer tout ce que tu veux Puis la mallette entre les jambes il se m langeait d j aux autres personnes il tait toujours tr s m lang sur tout quand a venait de traverser le pont en regar dant du c t du soleil couchant avec les Hauts de Seine vers La D fense o ils construisent la tour Bellini et o tr s rapidement ils vont construire des immeubles modernes partout et terminer de d truire tout avant de faire de cet endroit une des places fortes de la plan te un endroit tout en verre o plus personne ne comprendra vraiment ce qui se passe Mon p re hausse les paules s il m entend L o il est il a peut tre accept que je parle de lui mais il ne veut certainement pas entendre parler de conneries de ce genre Comme tous les hommes de sa g n ration il aime les beaux frigidaires les pre 14 mi res t l
6. patiale et com ment faire jouir n importe quelle femme rencon tr e dans un train de banlieue Il a tous les jours le m me visage m me quand il est sorti du train la gare qu il a pris son propre chemin parmi tous les autres chemins une main souvent dans la poche et l autre qui porte sa mallette un peu vers le bas Quel ge a t il alors quarante ans un ge qui n est 15 plus le mien depuis longtemps tandis que je le suis des yeux Il me suffit de les fermer je me demande quoi a rime de le faire revivre De lui il me reste si peu pour ne pas dire rien Du sable entre les doigts de pied une photo d identit et une autre prise par qui deux ou trois visites ses parents venus d un autre monde la recherche d un endroit o on leur foutrait la paix coinc s quelque part dans un milieu de prol taires avec tout leur espoir d u pour leur fils par lui Nous ne sommes pas n s de la derni re pluie Il va vers la Chauss e d Antin l o des ann es plus tard je ferais exactement comme lui apr s le travail dans les caf s o nous irons plus de vingt ann es d intervalle o sont elles donc pass es toutes ces ann es choses cer taines dont je me souviens choses incertaines ou carr ment invent es ou imagin es de travers en tout cas choses mettre dans le m me sac dans les m mes enveloppes en papier kraft du genre qu on trouve enti res dans une rue au pied d un r ver b
7. re ceci pr s qu il n y a plus personne qui dira r verb re alors qu en fait parce qu enfin non Il marche d un bon pas il a toujours aim bouger je m en rends compte aujourd hui Entre deux che mins il prend toujours le plus long sauf pour mou rir Pour mourir il ne perdra pas de temps Ensuite on se prend pour un orphelin alors qu on a d j tout eu une vie pour se rappeler le mode d emploi mais apr s tout quoi d autre pourrait il nous ser vir tout ce temps l J avais douze ou treize ans Quand ils sont arri v s pour l embarquer ils avaient l air d avoir bon c ur On tait quand m me loin de Starsky et 16
8. t du temps je ne le voyais pas du tout sept heures vingt le matin quand il partait je dormais je dormi rais encore une bonne dizaine de minutes avant de me r veiller mon tour Alors pourquoi je me sou viens si bien de ses d parts de bon matin Mon p re n tait pas tr s grand mais d s qu il avait pris sa mallette et pass son imper il avait l air trop grand pour rester Asni res Je ne dis pas trop grand comme dans Allah est grand ou Moha med Ali et Cassius Clay le combat du si cle je suis le plus grand mais surtout parce que c tait petit chez nous Je sais je sais du coup on a moins envie de savoir Mais pourtant c est vrai un fait comme a un fait comme si un fait expr s Il portait aussi des cravates Il avait souvent une mani re bien lui avec les cravates dans l armoire dans la vitre de l armoire en formica de la salle de bains d ajuster une derni re fois le n ud avant de partir comme s il avait pr vu d aller se faire pendre haut et court en portant sa mallette Je ne devais donc pas dormir tous les jours jusqu sept heures et demie Parfois sans le faire expr s je devais tre all aux toilettes avant et me laver les mains j ai connu des p riodes o j allais me laver les mains tout le temps Matin midi et soir D autres p riodes j en ai eu aussi vi demment La p riode o je me prenais pour un saint pour un futur business man pour un grand voyageur de par le
9. t toujours au m me endroit dans le train Il mettait sa mallette entre les jambes qu il tenait un peu cart es Aujourd hui on tient ses jambes cart es dans les transports en commun comme des cow boys grossiers joufflus de partout mais pas l poque de mon p re Il ne regardait rien tout le temps qu il mettait pour aller Paris Il tait parmi des centaines de personnes remar quables ou d nu es d int r t ce sont parfois les m mes en v rit Bien s r il y avait des matins de grand beau temps qui devaient lui faire plisser les yeux au dessus de la Seine mais je ne le vois pas vraiment dans le beau temps cette poque de ma vie je devrais dire de notre vie Je le vois plu t t dans un temps maussade de mi saison ou alors sous la bruine ou une petite pluie fine Je ne le vois jamais en pleine temp te pour la m me raison Il ne partait jamais plus tard que sept heures vingt il avait une fa on de la dire qui me laissait imagi ner qu il connaissait d j l heure exacte laquelle il avalerait son extrait de naissance Il tait sans doute assis dans un recoin du wagon Il ne prenait pas le premier wagon o en g n ral encore au 13 tout d but des ann es quatre vingt une partie de wagon tait r serv e aux colis encombrants ou aux v los en seconde dans le sens de la marche Il ne prenait pas une autre place si la sienne tait d j occup e Ce sont mes petites certitudes le concer na
10. vaste monde La p riode o je me retrouvais d j un vieillard bien entour par pas mal de gens on me demandait mon avis sur tout et sur rien Puis mon avis sur rien du tout et plus d avis L air de rien c tait comme si je n exis tais plus j tais devenu immortel douze ans La p riode o je ne me souciais pas de me laver les mains et o je me touchais avec un mouchoir les 10 p riodes sans mouchoir Mais l il s agit de mon p re et de sa mallette le n ud de sa cravate serr sa m che pas du tout rebelle mais qui lui donne rait un dr le d air le soir les soirs qu il demande rait l interurbain On est seulement le matin et j ai d j saut toute la journ e Je ne me souviens pas de tout si bien avec une gale blancheur Je vais y aller de ci de l une maille l endroit une maille l envers On verra bien o a nous m ne Lui il allait la gare puis il tait parti sans bruit Il nous disait au revoir comme s il voulait viter tout choc ou tout clat de voix dans notre appartement ces clairs matins Trop t t encore Il n avait pas envie de se battre c tait un probl me avec lui Ma m re m en avait parl plusieurs fois quand a avait t fini et qu on a fini par se retrouver dans la queue du poisson Il allait son travail avec sa grosse mallette noire pour des chantillons absents Je veux dire qu il avait des papiers un bloc Rhodia une grosse calculette
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