Élémentaire, mon cher Watson
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1. L MENTAIRE MON CHER WATSON Extrait d un ouvrage non publi de Bernard SUZANNE crit en 1993 et intitul Le philosophe retrouv une autre lecture des dialogues de Platon les notes identifi es par des lettres minuscules ont t ajout es en 2009 et sont regroup es la fin du document Quand une fois pour toutes il a t crit chaque discours va rouler de tous c t s et approche pareillement ceux qui com prennent et ceux qui ne comprennent pas ne sachant auxquels il doit parler et auxquels non Qu il devienne d autre part objet de discorde et se voit injustement adresser des reproches il a tou jours besoin du secours de son p re lui m me en effet est im puissant se d fendre et se porter secours lui m me Ph dre 275d e Au terme de ce premier parcours complet des dialogues qui mesure que nous avancions prenait de plus en plus des airs de visite en bonne et due forme que dire de notre hypoth se de d part 4 N ayant pas voulu l tayer par des arguments externes avant de l avoir montr e l uvre sur les dialogues eux m mes nous nous proposons maintenant s il en est encore be soin de lui pr ter main forte par d autres types de consid rations Remarquons tout d abord que s il tait simplement question de montrer l unit de la pens e de Platon travers tous les dialogues notre entreprise ne serait pas la premi re du genre Schleiermacher d2. ordre du plan Alcibiade 32 Lysis 20 Lach s 22 Charmide 24 Protagoras 53 Hippias majeur 24 Gorgias 80 Hippias mineur 13 M non 30 Euthyphron 16 Apologie 25 Cri 1993 2009 Bernard SUZANNE 10 El mentaire mon cher Watson Mais alors direz vous si tel est le cas si Platon a bien organis ses dialogues comme vous le pr tendez comment se fait il que cette information se soit perdue comment expliquer que nous n en retrouvions pas trace dans nos documents L encore nous sommes de retour chez Sherlock Holmes et je vois revenir au galop l argument psychologique Que puis je dire en r ponse Qu un b tisseur de cath drales un architecte de temple grec ne grave pas le plan de son ouvrage sur la porte d entr e Mais me r pondrez vous le plan d un difice se voit au premier coup d il sinon du sol du moins avec un peu de recul Et bien qui vous emp che de voir les plans des dialogues Il suffit de prendre du recul Et si le plan des cath dra les peut se d couvrir facilement toutes les th ories mystiques sur l orientation les dimen sions les proportions et que sais je encore ne sont pas inscrites sur les murs Platon pourrait bien n avoir pas non plus voulu laisser ses successeurs un mode d emploi d taill de ses dialogues et s tre content d indications g n rales d indices sur le fait qu ils formaient un ensemble un
3. tre inspir de celui des uvres de Platon Et quand bien m me ils seraient deux au temps des tragiques avoir voulu organiser leur uvre comme un grand drame quel mal y aurait il cela 25 propos des dialogues suspects une tentation est grande dans cette perspective celle d y chercher dans certains au moins non des ouvrages d l ves et de plagiaires mais les premiers essais du ma tre lui m me Cepen dant une premi re tentative en ce sens laisse peu d espoirs tant les dialogues en cause sentent leur copieur be sogneux Seul peut tre le Clitophon pourrait passer pour une bauche de discours qui aurait pu trouver sa place dans les premiers livres de la R publique la place du discours d Adimante ou de Glaucon habill ensuite par quelque disciple respectueux d une vague mise en sc ne pour ne pas laisser perdre ce morceau du ma tre 1993 2009 Bernard SUZANNE 11 El mentaire mon cher Watson Notes compl mentaires de 2009 a Ce texte constituait le chapitre 5 de l ouvrage et venait la suite d un chapitre qui commentait l un apr s l autre dans l ordre des t tralogies que je crois retrouver dans la structure d ensemble des dialogues les 28 dialogues qui en font partie et se terminait par une section intitul e Le Philosophe qui est disponible par ailleurs sous ce titre sur ce site comme le sont aussi les commentaires de certains dialogues extraits du chapitre
4. ou le Charmide la lumi re du Critias interrompu ou encore le contraire Est ce donc qu on a peur d y trouver alors ce qu on s tonne de ne pas y trouver lorsqu on se prive de ces lumi res Qui donc a dit qu on n avait pas le droit d utiliser la th orie des id es si th orie il y a du Ph don ou du Sophiste lorsqu on lit le Lysis ou le Charmide Est on bien s rs ce faisant de ne pas injecter dans notre lecture la th orie qu on veut y trouver cette hypoth se d volution que l on ne conserve que faute d en trouver une meilleure Ne serions nous pas devant une pure et simple p tition de principe Si l on peut trouver une mani re de comprendre les dialogues dans la coh rence d une in terpr tation unifiante pourquoi faudrait il la r cuser d avance sous pr texte qu elle viole tel ou tel dogme non d montr sur l volution suppos e de la pens e de l auteur ou la date hypo th tique de publication de ses uvres N est ce pas respecter l auteur que de lui accorder la pr somption de coh rence tant qu on n a pu d monter autrement que par des hypoth ses d interpr tation hasardeuses l existence de discordances entre uvres diff rentes N est ce pas prendre au s rieux un penseur que de supposer jusqu preuve du contraire qu il prend la plume plut t pour faire avancer la r flexion de ses lecteurs que pour leur faire partager ses doutes surtout en un temp
5. pr c dent de cet ouvrage C est cette structure en sept t tralogies qui constitue l hypoth se dont il est ici ques tion b Depuis l poque laquelle ont t crites ces pages le manque que je signalais alors dans la note 1 l absence de traduction disponible en fran ais de l introduction de Schleiermacher sa traduction en allemand des dialogues de Platon a t combl e par la traduction qu en a donn e Marie Dominique Richard dans un ou vrage paru en 2004 aux ditions du Cerf Paris Friedrich Daniel Ernst SCHLEIERMACHER Introduction aux dialogues de Platon 1804 1828 Le ons d histoire de la philosophie 1819 1823 suivies des textes de Frie drich SCHLEGEL relatifs Platon traduction et introduction par Marie Dominique RICHARD The view that all the dialogues were composed as parts of a preconceived program of philosophi cal teaching is usually attributed to Schleiermacher by German Platonists and historians of philosophy and of late years curiously enough to the present writer who is regarded as reviving this thesis of Schleiermacher Schleiermacher was a very intelligent man Whether he really held this opinion in the absolute form attributed to him we need not stop to inquire As a matter of fact he did not But again it is obvious that an interpretation of Plato can make use of the possible measure of truth in this view without affirming it in a form the gross psychological improbability of whic
6. un d placement par l jusqu ce que la tradition originale disparaisse sous les cou ches de peinture successives et les r am nagements int rieurs renouvel s comme le plan ori ginal d un difice ancien auquel on a au fil des si cles ajout une aile abattu une cloison sur lev un tage remodel un escalier ton 12 Banquet 51 Ph dre 52 R publique 272 Ph don 61 Cratyle 58 Ion 12 Euthyd me 36 M n x ne 16 Parm nide 40 Th t te 68 Sophiste 52 Politique 54 Phil be 56 Tim e 75 Cri tias 15 Lois 317 Ceci donne un total de 1588 pages pour l ensemble de 789 pages pour tous les dialogues jusqu au Ph don inclus contre 799 pour le reste Sur un tel volume et compte tenu en plus des approximations dans le compte l cart entre 789 et 794 qui serait le milieu exact selon notre compte soit 0 6 est insignifiant et ne nous oblige m me pas nous retrancher derri re un ventuel inach vement des Lois pour le justifier 24 Diog ne La rce nous parle aussi d un arrangement des uvres de D mocrite fait par Thrasylle en t tra logie comme pour celles de Platon IX 45 Mais il s agit l de trait s plus proches de ceux d Aristote que des dialogues de Platon dont il ne nous reste pratiquement rien et il est donc difficile de juger au simple vu des titres du caract re plus ou moins artificiel de ce classement qui a pu justement
7. appara tra je pense c est que tout discours doit tre constitu comme un tre vivant poss dant un corps en propre qui ne soit ni priv de t te ni priv de pieds mais dot d un milieu et d extr mit s crits de mani re convenir les uns avec les autres et l ensemble Ph dre 264c Chapitre 5 l mentaire mon cher Watson le texte ici pr sent Quand une fois pour toutes il a t crit chaque discours va rouler de tous c t s et approche pareillement ceux qui comprennent et ceux qui ne comprennent pas ne sachant auxquels il doit parler et auxquels non Qu il devienne d autre part objet de dis corde et se voit injustement adresser des reproches il a toujours besoin du secours de son p re lui m me en effet est impuissant se d fendre et se porter secours lui m me Ph dre 275d e Chapitre 6 Suivez le guide Platon ducateur ne cherchant pas pr senter ses th ories mais guider ses lecteurs travers un parcours ducatif Pardonne moi tr s bon C est que je suis de ceux qui aiment apprendre Et ce ne sont pas les grands espaces et les arbres qui veulent bien m instruire mais les hommes dans la ville Toi cependant me semble avoir trouv la drogue pour me faire sortir en effet pareil ceux qui conduisent des cr atures affam es en agitant devant elles un rameau ou un quelconque fruit toi en me tendant ainsi des discours en feuillets il
8. distance suppos e entre le Socrate de Platon et le vrai et information sans doute un peu plus s rieuse une mention du fait que les Lois taient inachev es la mort de Platon et furent dit es par Philippe d Opunte Bref les anciens semblaient plus int ress s par l ordre de lecture des dialogues que par leur ordre de composition ou la date de leur publication Dans ces conditions on peut certes d molir l id e que la production de cinquante ann es fut crite partir d une id e initiale et d un plan d ensemble pos au d part et je serai le pre mier admettre le caract re hautement improbable au plan psychologique d une telle hypoth se mais il reste tablir qu il s agit bien de la production de cinquante ann e car cela aussi est uniquement une hypoth se qui doit tre v rifi e comme toutes les autres 3 Sauf dans un cas en Politique 1264b26 Aristote pr cise que les Lois sont post rieures la R publique donnant ainsi un cr dit suppl mentaire aux traditions rapport es par Diog ne La rce et d autres C est ce compte que l on arrive si l on place la fondation de l Acad mie dont nous ne connaissons pas la date plus que celle de la publication des dialogues vers 387 au retour du premier voyage en Sicile comme on le fait g n ralement et la mort de Platon en 347 7 Prol gom nes la philosophie de Platon d auteur inconnu Les Bel
9. diverses directions toutes compatibles avec notre hypoth se de construction Car la premi re cons quence de notre lecture si elle est fond e c est que l ordre de composition devient maintenant tout fait anecdotique On peut penser que Platon a crit ses dialogues dans l ordre que lui dictait son plan mais cela n est nullement une obligation et rien n emp che m me qu il ait men plu sieurs dialogues de front Par ailleurs dans la mesure o nous ne savons pas si les dialogues ont t publi s en dehors de l Acad mie du vivant de Platon on peut m me imaginer qu il ait continu les travailler de son vivant apr s une r daction initiale comme le laisserait suppo ser une tradition rapport e par Denys d Halicarnasse selon laquelle Platon l ge de qua tre vingts ans ne cessait pas de peigner et de friser ses dialogues et de les remettre en forme de toutes les mani res possibles 1 Si Platon a effectivement laiss les Lois inachev es sa mort 6 il faut penser que la r dac tion des dialogues si elle fut bien le fruit d un plan pr con u prit place plut t vers la fin de sa vie Et m me s il est possible comme nous l avons fait remarquer en son lieu que les Lois soient un cas particulier dans l uvre ouvrage par hypoth se jamais achev au moins dans le d tail d autres raisons nous poussent la m me conclusion sur lesquelles nous reviendrons bient t Posons donc pour
10. et profitable pour ses l ves Son volution Platon nous la retrace dans la Lettre VII et nous montre qu il tait arriv au credo central de la R publique d s avant le premier voyage en Sicile dat de 388 soit une dizaine d ann es apr s la mort de Socrate c est dire vers l ge de quarante ans et avant la fondation de l Acad mie Ce qu il nous dit de lui avant nous montre plut t un homme cherchant sa voie entre l engagement politique et la r flexion philo sophique et ne n cessite nullement qu on l imagine produisant des ouvrages litt raires m me 20 Lettre VII 326a b 1993 2009 Bernard SUZANNE 8 El mentaire mon cher Watson apor tiques ou apolog tiques Au contraire une fois encore nous pouvons parfaitement ima giner que le fruit de ses r flexions et la prise de conscience dont il nous parle combin e l influence encore intacte d un Socrate ennemi de l criture et des doctrines sures d elles m mes ait t d abord la fondation de l Acad mie et l engagement dans le travail ducatif direct de personne personne avant que l ge ne l incite enfin consigner par crit son exp rience pour la post rit On notera aussi que de tels sc narios laissent parfaitement la place si l on y tient absolument pour des doctrines non crites quelques b mols pr s Doctrines me semble un terme inadapt pour Platon Qu il ait t jusqu a
11. fixed before early middle life as well as of thinkers whose thought is constantly evolving and changing To which type Plato on the whole belonged is to be determined by close study of the evidence not by rhetoric about the nobility of ever striving and growing and seeking d Les tudes r centes sur l Acad mie de Platon sugg rent que l encore nous sommes dans le domaine des conjectures nous ne savons pas grand chose de la mani re dont elle fonctionnait si bien que m me la notion de professeurs et d tudiants constituant deux groupes clairement distincts les premiers donnant des cours que les autres suivaient n est pas assur e Les extraits du Ph dre et de la Lettre VID cit s en exergue des diff rents chapitres de l ouvrage taient les suivants Chapitre 1 Un certain Platon r sum du peu que l on sait de la vie de Platon Ceux en tout cas mon cher du temple de Zeus Dodone ont toujours pr tendu que d un ch ne taient sorties les premi res paroles divinatoires Ainsi donc pour ceux d alors attendu qu ils n taient pas sages comme vous autres les jeunes il suffisait d couter un ch ne ou une pierre eu gard leur simplicit de caract re pour autant seulement qu il parle vrai Mais toi il importe sans doute de savoir quel est celui qui parle et de quel pays il est tu ne te contentes pas en effet d examiner si cela est ainsi ou autrement Ph dre 275b c Ch
12. j au d but du XIX me si cle avait sugg r que les dialogues ne sont que le d ploiement d un plan raisonn d ducation labor d s le d part et mis en ouvre par la suite b Pr s d un si cle plus tard un am ricain Paul Shorey entreprit son tour d essayer de montrer l unit de la pens e de Platon 2 Dans son ouvrage What Plato said publi en 1933 situant sa d marche par rapport celle de Schleiermacher il crivait La th orie se lon laquelle tous les dialogues auraient t compos s en tant qu tapes d un programme pr d fini d enseignement philosophique est g n ralement attribu e Schleiermacher par les platonistes allemands et les historiens de la philosophie et plus r cemment de mani re sur prenante l auteur de ces lignes qui est regard comme ressuscitant cette th se de Schleier macher Schleiermacher tait quelqu un de tr s intelligent Quant savoir s il a effectivement soutenu cette opinion dans la forme extr me qu on lui attribue c est une question sur la quelle nous n avons pas nous arr ter ici De fait tel n est pas le cas Mais encore une fois il est vident qu un interpr te de Platon est en droit d utiliser la part possible de v rit d une telle opinion sans l affirmer sous une forme dont le caract re hautement improbable au plan psychologique est vident pour tout lecteur sens Il n est pas n cessaire de soutenir que toute la production litt rai
13. para t bien que tu me feras aller par l Attique tout enti re voire m me ailleurs o tu voudrais Ph dre 230d e Chapitre 7 Aristote chez Platon Comment Platon peut il nous aider comprendre Aristote plut t que le contraire Qui donc dit il me r pondra Serait ce le plus jeune Ce serait lui qui aurait le moins ten dance partir dans tous les sens et qui r pondrait le plus volontiers ce qu il pense et en m me temps chacune de ses r ponses serait pour moi une pause Je suis pr t pour cela Parm nide aurait dit Aristote car c est de moi que tu parles en parlant du plus jeune Je r pondrai donc dans la mesure o tu interrogeras Parm nide 137b c 1993 2009 Bernard SUZANNE 13
14. programme restant adapter le plan de construction les plans pourrions nous m me dire pouvaient conduire une mise en uvre souple adaptable qui n imposait pas un seul ordre de lecture qui permettait des retours et des relectures des courts circuits et des reprises Reste que toute la tradition antique elle bien attest e nous montre les commenta teurs ceux de l Acad mie en t te dissertant sur l ordre les ordres de lecture des dialogues sur leurs groupements en trilogies ou en t tralogies et que tout cela vient bien de quelque part Pourquoi Platon et pas les autres Pourquoi lui le premier sinon le seul 2 On peut y voir la marque organisatrice de biblioth caires z l s mais on peut tout aussi bien y voir la trace d une tradition remontant l auteur d form e par la suite des temps et les d placements de centres d int r ts des successeur de Platon la t te de l Acad mie N oublions pas que plu sieurs centaines d ann es s parent Platon des classements dont nous retrouvons la trace et que les doctrines soutenues l Acad mie ont volu es avec le temps et l volution de la pen s e ambiante Si l on veut chercher des doctrines non crites chez Platon pourquoi ne pas en chercher une dans une tradition orale de lecture et d utilisation des dialogues sugg r e par l auteur et adapt e par les successeurs d figur e par des l ves peu scrupuleux un apocryphe 5 par ci
15. El mentaire mon cher Watson d poques diff rentes ces citations ne nous aident gu re non plus en d terminer l ordre et la date de composition Quoiqu il en soit ils remontent au plus si l on admet que certains fu rent crits ou commenc s d s les ann es de l Acad mie aux derni res ann es de la vie de Platon puisqu Aristote arriva l Acad mie en 366 on date le second voyage de Platon en Sicile de 367 et le troisi me de 361 et dut sans doute y passer quelques ann es comme tu diant avant de donner lui m me des cours 4 et donc de commencer crire le type d ouvrages qui nous a t conserv de lui Il est donc vain de chercher dans ces citations quoi que ce soit sur la date l ordre ou le mode de publication des dialogues Tout ce qui est ant rieur tous les essais pour retrouver des allusions des dialogues de Pla ton dans des ouvrages contemporains dans ceux par exemple d Isocrate ou de X nophon ne s appuient jamais sur des citations explicites mais sur des parent s d id es plus ou moins vagues selon les cas sans m me que le nom de Platon soit mentionn Toutes pourraient s expliquer s il tait d montr qu il y a bien l allusion ou controverse mettant Platon en cause par une tradition orale aussi bien qu crite apr s tout si Platon a enseign l Acad mie pendant pr s de quarante ans et y a vu d filer des g n rations d tudiants issus des mili
16. a fiction et les anciens nous ont surpris en plus d un domaine en nous montrant quel degr de perfection pouvaient arriver des artistes ou des soci t s qui n avaient pas les m mes crit res d efficacit et de rentabilit que nous En dernier ressort je ne fais que constater Certes c est bien moi qui fais les relev s topographiques et organise la mati re en plans que Platon n a pas attach s comme des modes d emplois ses uvres Mais combien faut il de co ncidences accumul es pour que l on commence admettre que nous ne sommes plus en pr sence de l uvre du hasard Est ce encore le hasard quand dans dialogue apr s dialogue on trouve des quilibres plausibles qui semblent calcul s la page pr s Est ce le hasard si des sym tries multiples apparaissent lorsqu on pr sente les dialogues selon le plan que j ai propos Est ce un hasard si comptant le nombre de pages totales que repr sentent les dialogues dans l dition Estienne et cherchant pourquoi diable prendre cette peine le milieu de notre plan en nombre de pages nous y trouvons la mort de Socrate la fin du Ph don c est dire l v nement qui a fait basculer la vie de Platon 2 Chacun de ces faits pris seul pourrait tre un hasard Mais leur accumulation devient quelque peu surprenante 23 Le compte de pages arrondi pour chaque dialogue auquel nous arrivons est le suivant les dialogues tant list s dans l
17. apitre 2 Incertain Platon r sum du peu que l on sait sur les circonstances et l organisation de son u vre De moi en tout cas sur ces sujets il n existe aucun crit et il n y en aura jamais Cependant cela du moins je le sais c est que par crit ou en paroles c est moi qui en aurais le mieux parl et si ce qui avait t crit tait mauvais ce n est pas moi qui en aurais t le moins afflig Mais s il m avait sembl qu on p t les crire et les divulguer convenablement pour le grand nombre qu aurions nous pu faire de plus beau dans notre 1993 2009 Bernard SUZANNE 12 El mentaire mon cher Watson vie que de mettre par crit ce qui est d une si grande utilit pour les hommes et d amener la lumi re la nature de toutes choses Lettre VII 341c d Chapitre 3 Darwin chez Platon mes difficult s avec les hypoth ses commun ment admises sur la mani re d organiser les dialogues dans une perspective volutionniste Ne semble t il pas avoir jet p le m le les l ments du discours Ou apparait il que ce qui a t dit en second doive avoir t plac en second en raison de quelque n cessit plut t que n importe quelle autre des choses qui ont t dites Ph dre 264b Chapitre 4 Les sept piliers de la sagesse commentaire des dialogues pris dans l ordre de mon hypoth se de structure dans la perspective de cette hypoth se Mais ceci au moins t
18. crate en faisant parler celui ci dont il venge ainsi la m moire de la plus belle mani re Ceci tant qu une chose soit claire nous ne cherchons pas d montrer quoi que ce soit tout juste sugg rer et affirmer la non invraisemblance de sc narios compatibles avec notre lecture des dialogues Mais l argument principal ce sont les dialogues eux m mes et c est pourquoi nous avons commenc par eux Pour le reste que chacun veuille bien oublier ses pr jug s ses id es re ues transmises de g n ration en g n ration et revenir la r alit des faits savoir la pauvret de notre information en la mati re et le danger des hypoth ses qui deviennent certitudes sans qu on s en rende compte par la seule force du temps qui passe Et que l on accepte de laisser parler Platon et ses dialogues en faisant taire pour une fois les l ves trop bruyants et les continuateurs z l s et en donnant cong au Sherlock Holmes qui sommeille en chacun de nous et prend plus de plaisir des constructions grandioses sur des indices d risoires qu un travail de fond sur des donn es certaines Platon est bien assez grand pour se d fendre tout seul et son uvre est la plus achev e de toutes celles qui nous restent des philosophes antiques Mais il semble y avoir de nos jours en particulier un certain masochisme de la part de commentateurs qui s interdisent au nom d on ne sait quel principe m tho
19. de ses notes ou de pr c dents ouvrages Mais le plus gros de l ouvrage tait d j achev et les parties qui ne sont pas de sa main ne repr sentent qu une faible proportion de cette Somme 1993 2009 Bernard SUZANNE 7 El mentaire mon cher Watson Les objections relatives au style maintenant Le style des dialogues socratiques est il celui d un vieillard Nous sommes l dans un domaine o la subjectivit est reine Comme chacun sait il y a des vieillards de trente ans et des personnes de quatre vingts ans qui ont gard la fra cheur et l enthousiasme de la jeunesse Le Ph dre consid r par certains comme le plus juv nile des dialogues est maintenant g n ralement consid r comme un dialogue de maturit Bref aucune critique s rieuse ne peut s appuyer sur un argument si faible On pourrait tout aussi bien s tonner que l art consomm de la mise en sc ne la ma trise du ou plut t des styles la rigueur de la construction la compr hension des points de vue en pr sence que r v le un dialogue comme le Protagoras soit le fait d un d butant et certains l ont d j fait On pourrait me dire que d butant trente ans ou d butant soixante dix on n en reste pas moins d butant lorsqu on aborde un art que l on n a pas pratiqu jusque l cela on peut r pondre que l exp rience accumul e pendant des dizaines d ann es d enseignement donne une mat
20. dologique d clairer les dialogues les uns par les autres comme s ils avaient peur ce faisant d avoir remettre en cause les id es re ues Et pourquoi 21 Nous avons l peut tre une des raisons pour lesquelles on pr f re bien souvent de nos jours revenir tel ou tel pr socratique un Parm nide ou un H raclite en particulier que l on pense Heidegger par exemple qu en rester Platon ou m me Aristote c est que devant une uvre r duite quelques fragments pars on peut beaucoup plus facilement se livrer ce jeu des reconstructions et laisser libre cours sa propre philosophie sous couvert de commenter celle de son idole Mais finalement n est ce pas justement ce que Platon nous invite faire seulement sur un chemin autrement mieux balis 22 Qu une uvre est un tout qui doit se suffire que chaque dialogue doit tre lu pour lui m me et sans r f rence aux autres et que sais je encore Mais l uvre qui se suffit elle m me est ce Du c t de chez Swann La recherche ou bien Un amour de Swann qui n est qu une partie du premier mais n en a pas moins t pu bli e dans le Livre de poche comme un volume distinct et pr sente une r elle unit par rapport au reste 1993 2009 Bernard SUZANNE 9 El mentaire mon cher Watson diable n aurions nous pas le droit de lire l A cibiade la lumi re du Banquet de la R publi que ou des Lois
21. eux les plus en vue qu il formait retourner dans la vie publique il serait bien surprenant que dialogues publi s ou non le contenu de son enseignement f t rest ignor du public cultiv et m me si Platon ne s est pas m l directement de politique Ath nes il ne vivait sans doute pas en reclus dans son cole preuve les voyages en Sicile et ne refusait probablement pas la discussion l occasion en dehors du contexte acad mique comme le laissent d ailleurs en tendre les fameuses traditions sur une ou des conf rence s sur le bien que nous avons voqu es propos du Phil be Dans la litt rature post rieure quand on en arrive aux biographies de Platon o se m lent d j dans celles du moins qui nous sont parvenues par tradition directe ou indirecte l histoire et la l gende on ne trouve gu re d informations sur les questions qui nous int ressent ici quelques allusions au fait que le Ph dre serait le premier dialogue crit par Platon car le sujet a quelque chose de juv nile selon la tradition rapport e par Diog ne La rce II 38 ou encore parce que Platon recherche dans ce dialogue s il faut ou non crire selon celle mentionn e dans les Prol gom nes une tradition faisant lire le Lysis par Socrate dans le cadre d une remarque laissant entendre que Platon le menait o il voulait et qui semble n tre que l occasion d un bon mot pour mettre en vidence la
22. h is apparent to any intelligent reader It is not necessary to argue that the entire literary output of fifty years was deliberately planned and fore seen in Plato s youth in order to believe that for some of the problems presented and apparently left un solved in the minor dialogues the solutions given in the Republic were already present to Plato s mind Which of these later ideas are thus foreseen and anticipated in the earlier writings is a question of fact or of reasoned probability on the evidence The rigid deduction of all conclusions from an assumed thesis contributes nothing to our understanding of Plato Similarly of the prevailing opinion today that the dialogues are and must be a complete revelation of the progress and evolution of Plato s thought It owes its present favor partly to the predominance of the idea of evolution in all modem speculation partly to the predilection of the new biography for studying the development of culture and thought in the individual partly to the greater interest for most readers of a story of change growth progress and as it seems intellectual adventure But taken absolutely it is only a hypothesis to be tested like another The real question is how far the critical examination of Plato s writ ings actually supports such an assumption of a series of changes and developments in his thought The history of philosophy supplies abundant examples of philosophers whose main ideas are acquired and
23. histoire Peut tre Mais peut tre pas tout fait quand m me De toutes fa on que les dialogues aient t destin s initialement l Acad mie ou la publication ils pouvaient dans un cas comme dans l autre tre con us selon un plan d ensemble Pour ma part je trouve l hypoth se de la r daction pour l Acad mie plus consonante avec tout ce que je crois lire dans les dialogues et avec l esprit de Platon que je crois y d celer Seconde objection comment imaginer Platon ne commen ant crire que vers la fin de sa vie Mais tout simplement en l coutant parler ou plut t en le lisant Tout ce qu il dit dans le Ph dre des pi ges de l criture que nous avons longuement cit en exergue aux diff rents chapitres de ce livre ne donne pas l image d un homme avide de concourir pour le Goncourt ou le Nobel Et son souci de la perfection son attachement la v rit sa haute conscience de la responsabilit de l ducateur le programme d une ducation qui se poursuit jusqu cin quante ans et au del qu il nous trace dans la R publique tout cela ne cadre pas avec l image d un homme publiant des dialogues au fil des ans sur des sujets qu il ne ma trise pas ou des ouvrages tels le Parm nide le Cratyle ou le M n x ne qui ne pouvaient que semer le trouble dans l esprit des lecteurs comme ils le font encore de nos jours Socrate n avait rien crit et Platon avait une admira
24. ientifiques contemporains que ce n est pas l hypo th se qui doit contraindre les faits mais les faits qui doivent servir valider l hypoth se Or les faits dans notre cas ce sont avant tout les dialogues eux m mes Ce sont eux les plus as sur s et les moins contestables des l ments dont nous disposons et leur abondance contraste singuli rement avec la pauvret des informations dont nous disposons par ailleurs Si donc les dialogues semblent r pondre un plan d ensemble si leur tude approfondie donne une cer taine vraisemblance cette hypoth se de composition alors on est en droit de chercher des hypoth ses de publication compatibles avec ce que laissent supposer les dialogues avant que de r cuser l hypoth se de composition au non d une hypoth se de publication qui n a d autre solidit que celle que lui donne la vigueur avec laquelle elle est affirm e sans preuves par tous les commentateurs r cents de Platon et le nombre des ouvrages o elle se trouve reprise sans examen 10 Bien s r il n est pas pour nous question de nier les aspects positifs d une saine critique mais simplement de montrer comment les exc s d une technique qui se cherchait encore mise de plus parfois entre les mains d ouvriers pas toujours tr s scrupuleux a pu engendrer une r action qui n a pas n cessairement su viter le m me genre d exc s dans une direction diff rente seulement 11 Que l on pense
25. ique m me crit par un professeur qui avait pratiqu le genre sa vie durant Et bien justement Platon n tait il pas lui aussi un professeur et m me l anc tre de tous les professeurs d universit et n avait il pas pratiqu la m thode qu il voulait terniser par crit sa vie durant Et est il inconcevable que les dialogues aient t par lui pr vus comme manuels destina tion des l ves de l Acad mie plut t que comme ouvrages pour le grand public ce qui expli querait qu il ait pu les retoucher s il y a quelque fondement aux traditions en ce sens sans que la post rit conserve plusieurs versions des m mes uvres et ce qui est tout fait consonant 15 Denis d Halicarnasse La composition stylistique 25 32 16 Mais apr s ce que nous avons vu de ce dialogue s rement pas loin de l ach vement 1993 2009 Bernard SUZANNE 5 El mentaire mon cher Watson avec l une des traditions les mieux attest es savoir la conservation des dialogues l Acad mie et leur usage constant comme manuels d instruction dont t moigne encore les nombreux commentaires que des si cles plus tard les n o platoniciens faisaient de ces uvres Certes Platon disparu il ne restait plus d autre moyen d tudier sa philosophie Reste que d Aristote ce ne sont pas les dialogues qui ont t conserv s mais des trait s qui ont une allure autrement scolaire Hasard de l
26. l instant comme l ment d hypoth se que Platon a crit les vingt huit dialogues que nous avons pr sent comme un tout vers la fin de sa vie et revenons aux objections que cette hypoth se fait na tre Premi re objection l invraisemblance d une telle production regroup e sur quelques an n es seulement nous ne cherchons pas pour l instant chiffrer ce nombre d ann es et cela n a d ailleurs qu une importance secondaire Nous r pondrons en prenant pour exemple Mar cel Proust qui a crit la Recherche qui est plus longue que tous les dialogues de Platon r unis en treize ans de 1909 sa mort en 1922 avec une guerre mondiale au milieu partir d un plan qu il avait en t te depuis le d but et en consacrant la plus grande partie de ce temps augmenter retoucher peigner et friser la r daction initiale pour le plus grand malheur de ses diteurs et de la pauvre C leste Albaret qui devait classer ensuite ses paperolles Et si cet exemple semble par trop litt raire et autobiographique nous avancerons celui de St Tho mas d Aquin qui a crit la Somme Th ologique en sept ans de 1267 sa mort en 1274 inter rompu par plusieurs voyages L encore il s agit d un ouvrage dont la taille d passe celle des dialogues et pourtant d un ouvrage s il en fut qui ob it un plan rigoureux jusque dans ses moindres d tails On me dira qu il s agit d un manuel scolaire scolast
27. les Lettres Paris 1990 dont les tra ducteurs situent la composition dans les milieux n o platoniciens d Alexandrie du VI me si cle 8 Tradition que l on retrouve ici encore la fois dans Diog ne La rce III 35 et dans les Prol gom nes 3 37 9 Diog ne La rce III 37 Prol gom nes 24 13 sq 1993 2009 Bernard SUZANNE 3 El mentaire mon cher Watson On me r torquera qu il est tout aussi improbable qu un artiste et penseur de la stature de Platon soit rest des dizaines d ann es sans rien crire qu une uvre comme la sienne ne se r alise pas en quelques jours que m me r duit une p riode plus courte le temps qu il faut pour la produire est incompatible avec l id e d un plan pr tabli que les diff rences de style entre dialogues supposent de longs intervalles entre eux que les tics de langage ou les effets de style probablement inconscients sur lesquels se base la m thode stylom trique sont le fait d une volution dans la dur e et que sais je encore Mais tout cela est il aussi certain qu on voudrait bien le croire Et tout d abord notons que l hypoth se volutionniste est venue en r ponse l assaut critique au d part la question n tait pas de savoir quand Platon avait crit tel ou tel dialogue mais si c est bien lui qui l avait crit Le critique se forgeait Dieu sait comment une concep tion de ce que devait tre Je style o
28. on moderne pour partie la pr dilection des biographes contemporains pour l tude du d veloppement de la culture et de la pens e dans l individu pour partie au plus grand int r t de la plupart des lecteurs pour les histoires de changement de croissance de progr s bref d aventure intellectuelle Mais dans l absolu c est uniquement une hypo th se qui doit tre v rifi e comme toutes les autres La vrai question est de savoir jusqu quel point un examen critique des crits de Platon supporte cette hypoth se d une s rie de changements et d volutions dans sa pens e L histoire de la philosophie abonde en exemples de philosophes dont les th ses principales taient acquises et fix es d s avant l ge m r aussi bien que de penseurs dont les id es voluaient et changeaient en permanence Pour d termi ner quel type se rattache Platon dans l ensemble il faut tudier attentivement les donn es disponibles et non se limiter des envol es lyriques sur la grandeur d un esprit en qu te perp tuelle en ternelle recherche et en d veloppement constant gt Si J ai tenu citer int gralement ce long extrait c est qu il pose parfaitement le probl me Shorey tout comme moi s l ve contre le darwinisme envahissant mis toutes les sauces et dans le cas qui nous occupe pr che pour plus de consid ration l gard du Platon des pre miers dialogues et plus g n ralement pour une app
29. ourrait passer pour une citation presque textuelle du credo central de la R publique sur les rois devenant philosophes ou les philosophes rois ou en 334e 335a dans les conseils aux destinataires quelques lignes qui r sument parfaitement certains des th mes principaux du Gorgias de la R publique et du Ph don Platon ne renvoie jamais ses interlocuteurs des lectures qui pourraient remplacer ou tout le moins pr parer ses voyages pas plus d ailleurs que Dion n est montr faisant lire Denys des ouvrages dont en tant que familier de Platon il ne pouvait gu re ignorer l existence s ils avaient alors exist s Et quand Platon se plaint du plagiat de Denys s appropriant dans un crit ses id es lui 1l n est encore question que de conversations pas de lectures Certes ce dernier exemple nous ram ne ces choses sur lesquelles Platon dit n avoir jamais crit Et il est tout fait possible d interpr ter cette phrase dans un sens restrictif o Platon dirait simplement qu il n a jamais crit et n crira jamais d ouvrage concernant ses doctrines ce qui pourrait tre vrai m me si certains dialogues ou m me tous taient d j crits si l on admet que ces dialogues n enseignent pas une doctrine mais proposent un par cours ducatif Mais on peut aussi penser que le contexte et en particulier tout ce qui pr c de o Platon d crit justement la m thode de test qu il a employ a
30. par exemple Victor Hugo capable aussi bien d crire en prose qu en vers des romans historiques ou populistes des drames des po mes intimistes des pop es patriotiques et que sais je encore et cela simultan ment et non successivement 12 C est moi qui le dit pas eux 13 Sans oublier notre cher Aristote qui clairait bien souvent de sa lanterne toutes ces recherches 14 Ceci se doublant parfois du fait qu il fallait bien aussi trouver une volution de Platon Aristote puisque le second suivait le premier dans le temps et de ces deux l nous 1993 2009 Bernard SUZANNE 4 El mentaire mon cher Watson Bien s r il nous faudra aussi confronter ces hypoth ses de composition comme de publi cation aux autres l ments en notre possession Mais ce dont nous disposons en dehors des dialogues est si mince et si sujet caution dans son interpr tation que nous ne pouvons gu re attendre un grand secours de ce c t ni sans doute d objections insurmontables D ailleurs l histoire de la critique platonicienne de ces deux derniers si cles montre qu on peut faire dire ces quelques l ments comme d ailleurs la psychologie dont il faudrait faire preuve pour interpr ter les donn es peu pr s ce que l on veut Ces pr misses m thodologiques pos es quelle hypoth se proposons nous Eh bien pas une mais plusieurs ou du moins des bribes d hypoth ses pointant dans
31. rcher aussi des indications sur ce sujet dans l autobiographie de Platon que constitue la Lettre VII L encore nous trouvons des r flexions que nous avons d j ci t es sur le fait que Platon n aurait rien crit r flexions qui remontent une p riode tardive de sa vie puisque cette lettre crite apr s l assassinat de Dion en 354 pr c de la mort de Platon de sept ans au plus Mais si ce qu il nous y dit savoir que de moi en tout cas sur ces su jets il n existe aucun crit et il n y en aura jamais 17 reste difficile interpr ter rigoureu sement faute de savoir avec pr cision quoi renvoie le l dessus il y a peut tre un autre moyen de tirer des informations de ce document et c est celui du silence Certes l argument du silence n est jamais probant mais il peut constituer un indice suppl mentaire parmi d autres Ici le fait prendre en compte est que l auteur ne fait jamais mention d ouvrages de Platon que Denys ou Dion ou les destinataires de la lettre pourraient avoir lus ou auxquels ils pour raient tre renvoy s pour une meilleure compr hension des id es de Platon malgr plusieurs instances o de telles r f rences pourraient sembler naturelles si un ouvrage comme disons la R publique tait alors dans le domaine public Il n y est jamais question que de conversa tions de choses dites et entendues jamais de choses lues m me quand on trouve en 326b ce qui p
32. re de cinquante ann es fut consciemment planifi e et pr vue dans la jeu nesse de Platon pour penser que pour certains probl mes pr sent s et apparemment laiss s en suspens dans les dialogues mineurs les solutions donn es dans la R publique taient d j pr sentes l esprit de Platon Quelles sont les id es ult rieures qui sont ainsi anticip es dans les crits ant rieurs c est l une question de faits ou de probabilit bas e sur les 1 Ne parlant ni ne lisant l allemand je n ai pas eu acc s direct aux pages de Schleiermacher sur le sujet qui ne sont semble t il que l introduction sa traduction des dialogues parue en 1804 et qui ne semblent pas avoir t elles m mes traduites en fran ais Mais plusieurs tudes sur Platon y font allusion souvent pour les critiquer 2 The Unity of Plato s Thought est le titre de l ouvrage qu il publia en 1903 1993 2009 Bernard SUZANNE 1 El mentaire mon cher Watson donn es dont nous disposons La d duction rigoureuse de toutes les conclusions partir d une hypoth se suppos e n apporte rien notre compr hension de Platon Il en va de m me de l opinion dominante de nos jours selon laquelle les dialogues sont et ne peuvent tre qu une r v lation compl te des progr s et de l volution de la pens e de Pla ton Elle doit sa faveur actuelle pour partie la place pr dominante de l id e d volution dans toute la r flexi
33. roche plus unitaire de la pens e de Pla ton travers les diff rents dialogues Mais s il montrer bien que l hypoth se d une volution de la pens e de Platon visible travers les dialogues n est bien qu une hypoth se qui comme telle doit tre v rifi e il reste cependant lui m me prisonnier d autres hypoth ses dont il n a m me plus conscience qu elles ne sont que des hypoth ses Toute sa r futation de l hypoth se psychologiquement tr s improbable que tous les dialogues ont t construits selon un plan d ensemble pr tabli repose sur l affirmation qu il s agit de la production de cinquante ans Mais cela aussi est une hypoth se qu il conviendrait de valider Car on a trop tendance oublier que d s qu on parle des circonstances de la publication des dialogues tout n est qu hypoth ses Quand et pourquoi Platon crivit il ses dialogues Quand les publia t il et m me les publia t il de son vivant hors de l Acad mie Autant de questions auxquelles nous n avons pas le moindre commencement de r ponse Tout ce qu on en dit n est que conjectures le plus souvent r centes qui n ont gu re plus de deux si cles pour les plus anciennes et qui se recopient de manuel en tude de commentaire en introduc tion Rien ou presque sur le sujet dans les auteurs anciens qui n avaient pas en ce domaine les m mes pr occupations que nous et n attachaient pas d importance a
34. s o la comp tition entre universit s et les n cessit s conomiques ne poussaient pas les professeurs publier r guli rement pour toffer leurs CV et arrondir leurs fins de mois Et si l on trouve que l interpr tation d une pens e laisse encore une place trop grande la subjectivit je pr f rerais pour ma part parler de consonance et je pense subjectivement j en conviens que Platon pr f rerait aussi ce terme que l on en reste l aspect formel moins sujet discussion Certes l un et l autre sont tellement li s c est m me l le point de d part de toute notre r flexion que l on peut toujours accuser le commentateur de trafiquer son plan pour prouver ce qu il veut d montrer et la vari t des plans propos s pour certains dialogues par les uns et les autres suffirait montrer qu il en est bien ainsi Et est ce en proposant nous m mes simultan ment plusieurs plans pour un m me dialogue que nous esp rons rendre plus cr dible une interpr tation d j sujette caution d s l abord Est il vraisemblable qu un auteur qui risque d avoir du mal contraindre sa pens e dans un seul plan se donne le mal d en superposer deux ou trois sur la m me uvre Je n en sais rien je ne suis pas devin et mes lectures sur le sujet m ont appris me m fier de l argument psychologique de l appel la vraisemblance La r alit d passe souvent l
35. tion profonde pour son ma tre faut il imaginer que sit t celui ci disparu voire m me avant selon certains lui qui de tous ses disciples est celui qui l avait le mieux com pris se serait mis crire et pour dire quoi Ou bien qu il savait ce qui est en contradiction avec ce que lui avait appris Socrate ou bien qu il ne savait pas ce qui ne justifie gu re qu on prenne la peine d crire et explique sans doute justement pourquoi Socrate lui m me n a rien crit On me r torquera que c est pourtant bien ce que l on trouve dans nombre de dialogues en particulier dans ceux dits socratiques Certes mais si justement ces dialogues ne sont que les tapes d un programme d ensemble et s ils sont destin s des tudiants dont on s assure qu ils poursuivent la d marche jusqu son terme le probl me n est plus du tout le m me Il ne s agit plus de l cher seul dans la nature sans contr le sur ses effets un ouvrage apor tique incitant au scepticisme mais de pratiquer sur les l ves la m thode cathartique de Socrate qui avait si bien r ussie avec Platon Si tel est donc le cas me dira t on alors pourquoi avoir attendu si tard pour crire ce ma nuel du parfait philosophe cela plusieurs r ponses sont possibles et ici comme ailleurs il faut se rappeler que nous ne cherchons que le vraisemblable et pas a v rit et que nous devrons nous r soudre ne jamais savoir ce qu il en f
36. u bout un chercheur en compagnie d autres cher cheurs c est ce que toute la tradition nous laisse supposer Qu il ait eu sur toutes les questions qu il se posait et qu il nous a pos es des r ponses personnelles r ponses qui ont d ailleurs pu voluer dans le temps pourquoi pas sur certains points jusqu aux derni res ann es de sa vie c est plus que probable Qu en tant que professeur il ait d battu de ces questions avec ses coll gues voire avec certains de ses l ves c est encore vraisemblable Qu il ait pr sent ses doctrines sur certains sujets du moins sous forme de cours dogmatiques c est d j moins certain dans le cadre de d bats la rigueur Quoiqu il en soit tout montre que ce qu il a jug digne d tre crit ce n tait pas le r sultat mais la m thode que ce qu il estimait important ce n taient pas les r ponses donn es mais les questions suscit es non que les r ponses fussent secondaires pour lui mais parce qu il jugeait vain de vouloir les imposer et que le plus qu il pouvait faire dans une d marche bas e sur l crit qui se voulait la plus vivante possible c tait de les sugg rer en posant les bonnes questions comme l avait fait Socrate avant lui pour lui et pour d autres C est pourquoi il ne parle jamais en son nom et c est pourquoi il tente de se faire pardonner cette ultime trahison l gard de la m thode de So
37. u la doctrine de Platon puis muni de cet talon liminait sans piti tout ce qui de cadrait pas avec lui comme si un auteur ne pouvait varier son style et qu un philosophe ne pouvait crire que pour noncer une doctrine d ment labor e Devant les abus d une telle approche et en s inspirant des doctrines en vogue alors d autres ont alors propos comme une explication possible des diff rences videntes entre les styles de dialogues aussi dissemblables que par exemple le Protagoras et le Sophiste ou celles suppos es entre les doctrines extraites de diff rents dialogues comme par exemple le Ph don le Parm nide le Sophiste et le Tim e l hypoth se que ces diff rences pouvaient s expliquer par une volution chez l auteur au fil des ann es de sa longue vie Et cette hy poth se en est venue peu peu masquer toutes les autres explications possibles et passer pour la v rit tout comme la th orie volutionniste de Darwin est devenu a v rit sur l origine des esp ces Et la m thode stylom trique est arriv e point pour donner ces hypoth ses une v rification soi disant objective et scientifique qui n a fait que conforter le dogme Ceci tant dit que proposons nous la place des hypoth ses que nous r cusons Et bien pour commencer pas une hypoth se mais un principe m thodologique que Platon ne renierait pas pas plus d ailleurs que nos sc
38. urit que n a pas quelqu un qui d bute dans la vie que l histoire ne manque pas d auteurs dont la premi re voire la seule uvre fut un chef d uvre et que rien n interdit de penser que Platon se soit essay pendant les ann es ant rieures sur des textes destination de ses l ves qui n avaient pas vocation sortir de l Acad mie et qu il ne conserva pas une fois les dialogues r alis s Quoiqu il en soit nous sommes ici encore dans le domaine de la subjecti vit quand il s agit de deviner ce qui aurait pu se passer ce qui est vraisemblable ou pas La diff rence des styles entre groupes de dialogues Celle ci peut tr s bien s expliquer par la diff rence des sujets et la progression voulue par l auteur en fonction de son plan Platon a montr en plus d une occasion sa capacit exceptionnelle imiter les styles de ceux qu il met en sc ne au point que certains se demandent encore si le premier discours du Ph dre est de lui ou bien effectivement de Lysias Il n y aurait donc rien de surprenant de sa part ce que son style volu t en fonction des besoins de son plan Les particularit s plus ou moins incons cientes de style et de langage sur lesquelles se base la stylom trie S il s agit bien de caract ristiques inconscientes il reste prouver que les volutions qu elles manifestent ne sont pas possible en un temps plus r duit que ce que l on suppose habituellement D une part no
39. us ne savons pas si dans le type d hypoth se que je sugg re la r daction des dialogues s est tal e sur cinq sept dix ou quinze ans d autre part nous ne savons pas plus quels v nements ex t rieurs ont pu troubler Platon pendant cette p riode quelles interruptions cette r daction a pu subir quelles rencontres ont pu modifier son vocabulaire bref nous sommes encore une fois dans l hypoth tique le plus complet Et il reste valuer l influence d un simple changement de style voulu par le sujet sur ces particularit s soi disant inconscientes Dans tous les cas on remarquera que le plan que je propose ne viole gu re l ordonnancement r sultant de l tude stylom trique tout au plus s agit il d une question d appr ciation de la vitesse laquelle les changements pris en compte peuvent se produire chez un auteur L volution de Platon est il possible qu un homme garde quatre vingts ans les m mes id es Ce n est pas ce que nous pr tendons et nous ne nions pas que Platon ait pu voluer en quatre vingts ans Ce que nous contestons c est que ses dialogues ponctuent cette volution Ce que nous sugg rons c est que si m me ces dialogues retracent cette volution ce qui est fort pro bable ils n en sont pas moins l uvre d un auteur arriv au terme de cette volution et la remettant en sc ne titre de proc d p dagogique pour d autres en tant qu il la juge exem plaire
40. ut effectivement La premi re r ponse possible nous est une fois encore donn e par le Ph dre tant que Platon le pouvait il lui suffisait d crire ses dialogues dans l me de ses l ves Mais avec l ge et voyant ce que devenaient ses m thodes entre les mains des plus dou s d entre eux un Aristote par exemple ou un Speusippe ou un X nocrate voyant comment un Denys de Syra cuse s emparait de quelques bribes de conversation avec lui pour en faire un ouvrage dont il s attribuait ensuite la paternit il en est peut tre venu se dire qu avant de mourir il lui res tait un dernier ouvrage accomplir et que plut t que de se taire pour toujours il valait encore mieux laisser dans des crits qu il essaierait de rendre aussi vivants que possible les principes d ducation qu il avait mis au point sa vie durant Je dis bien les principes d ducation et non les doctrines car les doctrines elles ne se transmettent pas elles ne peuvent que se sugg rer mais doivent en dernier ressort tre la r ponse personnelle de chacun pour lui m me Reste que ne sachant ni combien de temps lui a pris la composition des dialogues ni donc quand il l a entreprise on peut supposer des sc narios plus nuanc s o cette r daction aurait pu tre entreprise et mise au point sur de plus longues ann es 1993 2009 Bernard SUZANNE 6 El mentaire mon cher Watson Nous pouvons che
41. ux m mes choses Les premi res r f rences explicites aux dialogues que nous ayons sont les citations qu en fait Aristote Mais il s agit l de travaux d cole souvent de notes de cours par un auteur qui passa vingt ans de sa vie environ l Acad mie du vivant de Platon comme l ve d abord puis sans doute ensuite comme professeur Elles ne nous sont donc pas d une grande utilit pour d terminer si Platon a publi ses dialogues hors de l Acad mie de son vivant Et comme nous ne sommes pas mieux lotis qu avec les dialogues quand il s agit de savoir quand furent crits les trait s d Aristote dont certains semblent m me tre des compilations de strates datant 3 Plato s Thought The University of Chicago Press Chicago 1933 ma traduction et mes italiques 4 Certaines ne sont que des allusions plus ou moins directes parfois sans nom d auteur et sans titre d ouvrage quelquefois m me attribu es Socrate en tant qu interlocuteur du dialogue mais quand on trouve dans la Politique 1261a6 Est il possible en effet pour les citoyens de mettre en commun les enfants les fem mes et les biens comme dans la R publique de Platon h sper en t i Politeiai t i Plat nos ou dans la Physi que 209b11 Et c est pourquoi Platon dit dans le Tim e que la mati re et l espace sont identiques il n est plus permis de mettre en doute la r f rence un dialogue 1993 2009 Bernard SUZANNE 2
42. vec Denys pour prouver la sinc rit de ses intentions philosophiques renvoie un domaine beaucoup plus vaste pour les choses sur lesquelles Platon dit n avoir pas crit Il y a aussi le fait que Platon dit non seulement n avoir jamais crit mais encore ne devoir jamais rien crire sur ces sujets Mais si Platon peut parler en connaissance de cause du pas s il ne peut donner le m me caract re de certitude au futur Et lui comme un autre peut avoir chang d avis avec l ge Certes si l on prend l interpr tation maximaliste de ces lignes cela laisse au plus sept ans Platon pour crire tous les dialogues en supposant justement que ce soient ces r flexions qui lui aient finalement inspir l envie d crire cette sorte de testa ment C est peu mais ce n est pas impossible puisque c est le temps qui a suffi Saint Tho mas pour crire la Somme Th ologique 17 Lettre VII 341c 18 Rien n est digne d tre dit bien ou mal pour les tres sans me mais cela convient chaque me qu elle soit unie un corps ou qu elle en soit s par e Il faut donc toujours croire ces antiques et saintes doctri nes qui nous r v lent que l me est immortelle qu il existe des jugements et qu elle subit les plus grandes peines lorsqu elle est s par e du corps 19 L ouvrage tait inachev sa mort comme celui de Platon et les derni res pages en furent achev es par un disciple partir
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