Enjeux de l`évaluation
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1. Bref elle d veloppe dans son activit des ruses une strat gie de communication de management et commerciale gr ce laquelle a passe bien qu il n est soit nulle part question dans sa fiche d activit Ces comp tences non crites sont pourtant si d cisives qu une coll gue qui prend les techniciens de haut se fait envoyer sur les roses avec des cons quences financi res en termes de d lais de clients m contents etc Voil un exemple de divergences d orientations dans le travail dont les actes visibles d crits dans les fiches d activit ne tiennent pas compte mais qui sont le climat de confiance et de coop ration ou au contraire de m pris et de suspicion dans lequel ces actes s effectuent et qui en sont le moteur r el Le deuxi me exemple concerne une situation de travail muette celle d un technicien allant sur le terrain brancher des lignes t l phoniques et installer des appareils chez des clients activit durant laquelle il ne rencontre g n ralement aucun coll gue bien qu il lui arrive d en avoir au bout du fil Jai observ ce technicien s arr tant avec sa voiture au bord d un trottoir o il ouvre un petit r partiteur dans lequel se trouvent des cables desservant plusieurs dizaines de lignes t l phoniques la fois o il faut op rer un branchement pr alable avant d aller chez le client faire l installation Il effectue ce branchement2. disparus comme ceux des ouvri res t teuses dans les sardineries comme Douarnenez Boulard Mais si les hommes humanisent les techniques en se les appropriant l inverse est vrai aussi les techniques s incorporent dans l humain Une fois appropri e une technique est devenue routine inscrite dans le corps sous la forme des r flexes des gestes automatiques de ce qu on peut faire sans m me y penser Les techniques d forment les corps les dos les mains et les jambes et s impriment dans les t tes La raison pour laquelle on a gard sur les claviers d ordinateurs l ancien emplacement des lettres h rit de la machine crire est que des millions de secr taires et d employ s de par le monde y avait t form s et qu il aurait fallut tous les re former en choisissant d autres emplacements pourtant plus rationnels du point de vue de la technique d ordinateur Par le biais du langage mais aussi par les photo s de famille sur les bureaux et les murs mais m me sur certaines machines dans les ateliers le dehors du travail est pr sent au coeur du travail et la soci t au sein de l entreprise 3 Les normes ISO un esp ranto organisationnel Les normes ISO forment aujourd hui une r f rence pour l valuation des activit s industrielles et de service devenue quasi h g monique Elles ont notamment inspir les dispositifs d accr ditation dans le secteur hospita
3. plus g n ralement les normes sociales interdiction de certaines formes de maltraitance mani res jug es correctes d duquer de se comporter que le secteur social est charg de faire respecter et les normes ISO qui proposent une grille de lecture du travail normative et nullement neutre Cette no neutralit vaut aussi bien pour le secteur social que pour celui de l industrie et de l entreprise en g n ral Car ces normes interviennent sur une dimension de tout travail m me le plus m canis et standardis qui est celle du langage Cette dimension constitue un point commun entre des mondes qui ne sont s par s que dans l imaginaire de ceux qui vivant dans l un ne connaissent gu re l autre 2 Travail et langage Le langage est une dimension constitutive de tout travail car l apprentissage des activit s qu on appelle tr s justement la familiarisation avec un m tier ou une technique passe par elle Cette familiarisation est simultan ment technique et sociale Technique car elle permet de s approprier les outils les machines les fa ons de faire habituelles Sociale car elle s inscrit d embl e dans un rapport hi rarchique et d embl e dans des attitudes de r sistance l oppression ou de r signation face elle On en trouve une illustration aussi amusante qu instructive dans un passage du Le travail sans l homme d Yves Clot 1995 dans une usine de fabricati
4. puis met deux pastilles vertes de s curisation contre l humidit Il regarde les autres lignes et remet des pastilles l o il en manque Ce qu il fait reste incompr hensible si l on ne sait pas que son activit a t saisie par la certification et que normalement il aurait d faire une fiche de non conformit pour les pastilles qui manquent et dont les lignes sont toutes num rot es permettant de savoir qui a fait quoi et quand Il ne fait pas une telle fiche mais dira de retour au coll gue qui n a pas fait son travail correctement qu il l a fait pour lui Ce qui n emp chera pas les techniciens d utiliser massivement les fiches de non conformit quand ils ne sont pas contents des services d approvisionnement qui doivent leur fournir les mat riaux pour travailler lci ce n est pas avec des mots et des paroles mais avec des gestes et des actes muets mais significatifs que ce technicien fait en sorte de ne pas semer la zizanie entre lui et ses coll gues refuse de signaler un coll gue ayant mal travaill maintient au contraire les bases d une certaine solidarit 11 4 Le milieu ouvert est il hors travail Bien que les d marches d assurance qualit aient t con ues au sein et pour l entreprise elles n y sont pas forc ment totalement adapt es certaines dimensions du travail Cela est logique quand on sait qu elles servent surtout rendre le
5. enfants travers les attitudes parentales r elles leur fatigue le soir en rentrant du travail les disputes propos de l argent les col res contre tel ou tel sale coup qu un employeur leur a fait et par le biais des paroles parentales Et quelle est la place de ces repr sentations l dans les causes qui am nent le d clenchement d une mesure AEMO sur une base volontaire ou contrainte Nous voil au coeur du th me de l valuation du travail social et de ce que les m thodes inspir es des normes ISO en font 5 Les effets des d marches qualit sur l valuation du Travail Social On a montr quelle vision du travail en entreprise domine dans les d marches inspir es des normes ISO Cette vision est assez proche de celle que les diff rentes th ories comportementalistes ont renforc ces derni res ann es dans le Travail Social valuer les effets l efficacit la r ussite ou l chec d une mesure ducative par le biais d un ensemble de comportements observables visibles et finalement tra ables Cette approche en vient aujourd hui proposer de s lectionner les bonnes pratiques et donc d riger e n mod le suivre un certain nombre de pratiques jug es telles En mati re ducative y aurait il quand m me du z ro d faut Ce qu on voudrait proposer ici pour conclure ce sont deux approches oppos es de l valuation l une qu on appellera l va
6. pr s correct par contre celui l m fies toi en ne te trouves jamais seule avec lui dans un coin o il n y a personne D o notre id e que le social est au coeur des techniques car par le biais du langage les hommes humanisent les techniques qui sont l origine aussi autant d inventions humaines La plupart des personnes qui travaillent avec un ordinateur traitent ce dernier comme s il tait quelqu un qu est ce qu il me fait l il ne veut pas En parlant de leur ordinateur beaucoup d employ s voquent en m me temps leur hi rarchie ah ceux qui ont con u ce logiciel n y connaissent rien notre travail Tr s souvent dans les milieux dominante masculins on f minise les techniques A France Telecom on fil qui relie deux lignes t l phoniques entre elles s appelle dans le langage des techniciens une jarreti re Les agents de maintenance de la RATP appellent les bus les voitures et quand l une d entre elles passe la nuit dans un d p t qui n est pas le sien on dit elle d couche Cette humanisation f minisation sert la fois se donner du plaisir dans un travail souvent ennuyeux elle sert aussi cr er des liens entre salari s sur la base du partage d un langage commun qui comporte des l ments de r sistance et de lutte l gard des employeurs L exemple le plus spectaculaire en sont peut tre les chants de travail aujourd hui quasiment
7. travail habituel Or sans m me parler des r organisations comparaisons entre services choix entre diff rentes pratiques pour en garder la meilleure qu une telle d marche qualit entra ne penser que le fait de simplement d crire le travail ne change rien ce dernier t moigne d une tr s profonde m connaissance de ce qu est le travail Car ces normes ne d crivent pas le travail tel qu il est et les sociologues du travail mais aussi les ergonomes et les travailleurs sociaux quand ils essaient de d finir leurs pratiques savent combien il est difficile d analyser le travail tel qu il est elles en font ressortir certains aspects et par l elles le modifient le seul fait d crire et de d crire le travail est d j une modification plus ou moins difficile accepter selon qu on est habitu crire dans son travail mais aussi selon que l on accepte ou non de penser qu il peut se d crire qu on peut plus ou moins savoir ce qu on fait ce que les normes invitent d crire et ce qui se passe dans 95 des mani res de d crire le travail dans le cadre de ces d marches c est ce qui du travail est visible tra able contr lable gestes piles de dossiers trait s nombre de coups de fil pass s appareils et machines manipul s Le rapport social dans lequel on travaille et le bain de langage qui lui donne sens sont le plus souvent hors jeu dans cette descriptio
8. Evaluer le travail social entre bonnes pratiques et controverses L AEMO comme l ensemble du Travail Social mais aussi le secteur de la sant sont de plus en plus somm s de rendre des comptes d tailles de leurs pratiques professionnelles concr tes aupr s des tutelles collectivit s locales pouvoirs publics Les subventions mais aussi les agr ments d pendront de plus en plus de cette capacit expliquer ce qu on fait Cette situation n est pas totalement nouvelle car elle soul ve une question aussi vieille que le Travail Social lui m me en quoi consistent r ellement les pratiques professionnelles concr tes comment d finir ce qu on fait quoi dire mais aussi quoi ne pas dire aux tutelles La nouveaut r side peut tre dans le fait de se tourner vers les d marches qualit et en particulier vers l assurance qualit sous la forme des normes ISO 9000 pour r pondre ces questions Ces normes se r pandent d une mani re diversifi e dans le secteur social certains tablissements comme les CAT qui sont en rapport avec d autres entreprises les ont adopt depuis longtemps d autres comme l AEMO n y viennent qu assez r cemment Ces d marches suscitent en effet des r ticences et des r sistances bas es notamment sur l id e qu invent es l origine dans l industrie elles ne sont pas adapt es des pratiques qui s int ressent d abord humain Ce th me es
9. ara tre Encadrer un travail impossible Armand Colin sept 2006 et Langages et politiques au travail Harmattan mi 2007
10. avail et de la soci t que ces jeunes ont re u pendant la dur e de leur pr sence dans ces entreprises Cas no 1 tel jeune y a appris et ses d pens avec remontrances engueulades et humiliations morales l appui eh oui cela existe qu il n a rien aucune qualification socialement reconnue aucun argent mais aussi par cons quent n est rien ou pas grand chose ce qu on appelle d muni et que par cons quent doit tre bien content qu on veuille bien de lui devra s craser ne pas l ouvrir m me s il se fait traiter de tous les noms que ses droits l mentaires de salari ne sont pas respect s etc Mettons donc que celui l a obtenu un petit boulot Cas no 2 tel autre dans la m me situation scolaire et financi re a t dans une autre entreprise d insertion o on lui a appris que ce n est pas parce qu il n a pas ce que les entreprises n offrent pas que ce n est pas parce qu il n a pas tel ou tel dipl me qu il n est plus rien que ce n est pas une raison pour se laisser marcher dessus ni de ne pas r clamer ses droits qu il y a d autres gens dans son cas qu il existe des associations des solidarit s des comit s de ch meurs etc Mettons que celui l n a trouv aucun stage aucun petit boulot mais participe aux actions d Agir contre le ch mage s est fait des amis est sorti de sa torpitude et de sa
11. d prime Lequel de ces deux cas ch re lectrice cher lecteur estimeriez vous tre une bonne r ussite ducative C est bien nos yeux en ces termes avec ce genre d alternatives m me si ici faute de place on a d d crire chaque cas d une mani re un peu courte voire caricaturale que se pose la question du contenu du travail social des valeurs ducatives et donc la question de leur valuation 14 On peut ainsi pour conclure dessiner les contours de deux formes tr s diff rentes d valuation qui valueront chacune des aspects diff rents du travail social et donneraient lieu la cr ation de dispositifs divergents La premi re on pourrait l appeler l valuation constat les objectifs du travail social ce sont ceux qu on trouve d crits dans les missions officielles les moyens les diff rentes mesures ducatives les techniques d entretien les aides et allocations Certains jeunes sortent du circuit du travail social en ayant un stage un travail en int rim un CDD etc d autres non Les premiers sont une r ussite les seconds un chec Une interpr tation des normes ISO qui ne chercherait pas les adapter aux sp cificit s de la dimension humaine et du sens dans le travail peut renforcer ce type d attitudes La seconde forme d valuation pourrait s appeler l valuation interrogation il s agirait de profiter de la mise en place des dispositifs d intervent
12. de cela Dans l industrie sont suppos s r gner des rapports de force expos s sans fard alors que le secteur social serait celui du consensus de la r conciliation de la r paration de la gentillesse en somme Mais ce qu on oublie un peu vite en insistant sur ces diff rences c est qu une partie des enfants et des adolescents dont on a la charge vont y aller dans ce monde de l industrie Comment on les y pr pare Ce qu on oublie un peu vite justement c est que la comparaison entre d un c t un monde o on fabrique des pots de yahourt et de l autre celui o on s occupe de l humain est tr s bancale car ce sont bien des humains qui fabriquent ces pots de yahourt tout comme ce sont des humains qui les mangent Ce qu on oublie surtout c est la dimension de la contrainte voire de la violence qui est la base du sacro saint int r t de l enfant la mesure d AEMO administrative devient de Justice quand les familles refusent de coop rer Appelons donc un chat un chat Si les normes ISO qui op rent une normalisation dans le travail des entreprises peuvent tre adapt es du secteur social c est parce que celui ci est d j normalisateur de lui m me On pourrait d ailleurs s interroger sur le double sens des normes que cette d marche qualit provoque dans le secteur social Quelles combinaisons s op rent entre les normes de comportement
13. e l encadrement utilisant un jargon qualit avec des proc dures assorties de moyens de contr le renforc s en vue d obtenir une certification la plus rapide que possible De l autre une d marche d appropriation associant tous ou une grande partie des salari s concern s utilisant le vocabulaire habituel formant tout le monde aux bases de la logique qualit faisant reposer la garantie du bon travail sur les comp tences les qualifications et la conscience professionnelle des salari s Chacune de ces approches a ses avantages et ses inconv nients la premi re l avantage de la rapidit donc aussi du moindre co t mais l inconv nient du peu d appropriation faite par le personnel la seconde l avantage de cette appropriation mais l inconv nient de la lenteur et du co t plus lev Entre ces deux extr mes il existe de multiples variantes ce qui montre bien qu il y a diff rentes mani res de mettre en oeuvre ces d marches qui ne produisent pas les m mes effets sur les salari s concern s Ce qui reste par contre une assez vaste constante qu on retrouve d une approche une autre c est le sort fait aux dimensions humaines du travail 3 2 Travail r el et travail normalis La philosophie des normes ISO et d autres d marches qui s en inspirent pr tend qu elles ne changent rien au travail tel qu il se fait d j mais ne font qu enregistrer le
14. en es dans le secteur social peut on totalement emp cher que cela se met en place si la r ponse est non quelles sont les marges de manoeuvre qui restent quand elles se mettent en place Il nous semble que la r ponse la premi re question est aujourd hui n gative dans la plupart des endroits ce qui n tait pas le cas il y a encore quelques ann es La conjoncture et les rapports de force sont tels qu il faut non seulement r pondre aux demandes d valuation des pratiques concr tes mais aussi y r pondre partir de la logique des d marches qualit Les derni res journ es du carrefour AEMO l ont amplement montr la profession s est empar e de ces d marches on y invente des dispositifs originaux ex la m thode P ricl s du nom du strat ge qui a permis de sauver la ville d Ath nes et il n y a pas d approche concurrente constitu e Reste la deuxi me question quand cela se met en place que peut on faire On propose ici deux pistes la premi re qui est de resituer chaque d marche singuli re par rapport ou dans la conjoncture sp cifique de chaque tablissement ou secteur o elle se met en oeuvre et la deuxi me de prendre en compte le fait que la mise en place d une d marche n est pas du tout un ph nom ne technique mais minemment politique dans la mesure o il y a constamment des choix faire qui engagent le sens et les modalit s d appropriation de la d marche Q
15. ines questions qui f chent comme celle ci tr s concr tement qu entendez vous par qualit du travail social ou autre On s aper oit alors qu il y a non pas autant de conceptions de la qualit du bon travail qu il y a de personnes mais d assez profondes divergences que la qualit des uns n est pas la qualit des autres Une action ducative r ussie est ce le fait qu un adolescent s adapte enfin devient sage et ob issant Est ce que cela se mesure seulement par les comportements visibles Ne serait ce pas aussi qu il y voit un peu plus clair dans sa t te et qu il conteste de mani re plus intelligente sans donner des b tons pour se faire battre On s aper oit aussi que m me si tout le monde adh re plus ou moins l id e assez vague d am lioration de la qualit du service rendu il existe des d saccords profonds sur le prix payer pour y arriver Ne faut il pas plus de moyens plus d effectifs plus d argent Doit on vraiment rendre des comptes avec autant de d tails Ne faut il pas r organiser certaines activit s si l on veut r ellement am liorer les choses On comprend alors peut tre mieux certaines raisons qui font que ces d marches qualit invent es l origine dans l industrie provoquent des r ticences L industrie est imagin e comme un monde dur o domine la loi du profit alors que le secteur social lui est imagin comme en dehors
16. ion pour continuer se demander quel est finalement le r sultat du travail commenc et surtout quel en a t le cheminement Les nouveaux dispositifs d valuation pourraient ainsi constituer une nouvelle occasion et un nouvel espace pour discuter entre intervenants sociaux et parfois aussi avec des administratifs et des politiques de ce qu on fait r ellement La question de savoir ce qu il y aura finalement comme dispositifs d valuation d pend d un rapport de forces dans lequel chacun aussi humble que soit sa position a quelque chose jouer Le secteur de l AEMO pourrait tenter d inventer comme cela a l air de se faire ici et l des formes originales d analyse inspir es des normes ISO mais en les repensant pour les adapter la sp cificit de la dimension humaine du travail social et du travail tout court Un tel point commun avec ce dernier permettrait de cr er des liens avec le monde de l entreprise sur la base d une exp rience partag e de la mise en oeuvre de d marches qualit Dans la situation de restrictions budg taires et d autres moyens o se trouve le secteur social de tels appuis ne seraient pas de trop 15 Textes de Frederik Mispelblom Beyer professeur de sociologie universit d Evry Centre Pierre Naville Au del de la qualit d marches qualit conditions de travail et politiques du bonheur Ed Syros La D couverte 1999 2 me dition puis e p
17. l occurence et c est ainsi dans la grande majorit des cas une pilote il s agit donc d une femme sans r le hi rarchique reconnu qui coordonne les rendez vous des techniciens chez les clients pour installer les lignes t l phoniques et est ainsi en rapport avec des coll gues commerciaux et techniciens qui ont une classification de statut et de salaire sup rieure la sienne Quand on lit sa fiche d activit l un des produits de la d marche de certification qui est suppos e rendre compte de ce qu elle fait on y lit le pilote v rifie le bon de commande enregistre les modifications t l phone au client envoit par fax un ordre de travail au technicien etc Soit un ensemble d actions visibles v rifiables et laissant des traces Pas question dans cette fiche ni du fait qu il s agit d une femme dans un milieu de techniciens ni de son niveau hi rarchique ni de comment elle se d brouille r ellement avec a Or quand on l observe travailler elle re oit un coup de fil d un client qui veut d placer un rendez vous elle reprend ensuite le t l phone et appelle Allo c est qui c est toi Pierrot c est Jeanette a va Pierrot et comment va ta fille dis coutes j ai un truc te demander Et le technicien de r ler que c est la troisi me fois qu il d place ce rendez vous finit par accepter en disant puisque c est toi 10
18. lier Elles se r sument par le slogan crire ce qu on fait faire ce qu on crit et ont donc la pr tention de dire ce que le travail est r ellement De ce fait les proc dures crites r dig es partir de l application de ces normes au travail r el contiennent une certaine reconnaissance de ce que les salari s sont suppos s vraiment faire Srutout une fois r dig es ces proc dures deviennent contraignantes stipulant ce que les salari s doivent faire ou devraient faire Et s ils ne travaillent pas selon ce qui est dit dans les proc dures ils sont en non conformit Dans ce sens il s agit donc bien d un dispositif d valuation du travail et cet esprit valuatif est import aussi vers le secteur sanitaire et social Nous d finissons ces normes ISO comme un esp ranto organisationnel soit un langage universel elles sont traduites dans diff rentes langues qui propose dans le monde entier une m me grille de lecture des composantes principales des organisations quelle qu en soit la nature Cette grille de lecture est destin e rendre plus lisible et contr lable le travail concret et l encha nement des diff rentes activit s d une entreprise avant tout pour les repr sentants d autres entreprises grands donneurs d ordre ou pour les tutelles d activit s publiques ex accr ditation du secteur sanitaire et social Ces normes se pr sentent sous la forme de docu
19. luation constat et l autre l valuation interrogation La premi re se base sur l id e qu il existe de bonnes pratiques la seconde sur l id e qu il ne faut jamais arr ter de questionner les r sultats ducatifs qu on croit avoir produits Pour illustrer notre raisonnement prenons l exemple d un secteur cheval sur la famille l cole le travail social et l entreprise que sont les entreprises d insertion sociale Ici des jeunes font la fois un vrai travail et ce travail sert en m me temps les pr parer un travail encore plus vrai celui des entreprises tout court Ici les ducateurs sont aussi des sortes d agents de ma trise qui encadrent ces jeunes Ces derniers y apprennent qu il faut arriver l heure se v tir proprement tre poli avec le patron au besoin se couper les 13 cheveux pour les gar ons se raser pour les filles ne pas s habiller de fa on trop provoquante en se maquillant outre mesure et autres principes ducatifs directement en lien avec le travail le vrai travail Des jeunes sortent de ces entreprises avec rien en ayant d croch un stage une formation rarement un emploi un CDD un int rim un CNE Si on valuait ces entreprises selon les crit res du produit final apparent le r sultat ne serait pas tr s glorieux Mais on peut aussi se demander quels sont les principes ducatifs les visions du tr
20. ments crits qui recensent en une vingtaine de rubriques abstraites une s rie de composantes de n importe quelle organisation suppos es rendre compte de l essentiel de son fonctionnement politique qualit service documentaire management etc La construction de ce sch ma organisationnel n est pas neutre son laboration donne lieu des discussions parfois violentes dans les commissions internationales d laboration des normes mais on n abordera pas cet aspect ici il y a du point de vue sociologique toute une s rie de rubriques qui manquent rien sur les conditions de travail les salaires le type de contrat du personnel etc Ces normes s appliquent de fait que cela plaise ou non aux secteurs les plus divers et vari s du travail entreprises publiques et priv es institutions travail industriel et de service enseignement secteur de la sant et travail social Ainsi avons nous pu observer en Suisse des services du secteur sanitaire et social comme une quipe d AEMO Justice ou une maison de retraite qui s taient lanc s tous deux dans la mise en oeuvre de ces normes sans que cela leur tait en quoi que ce soit impos La puissance et l extraordinaire r ussite de ces normes est d tre passe partout ce qui signifie Que des activit s apparemment aussi diff rentes que la production de yaghourts ou les soins dans un h pital ont quelque chose en commun qu il n y a pas de cloison
21. n au sens o les promoteurs de ces d marches croient qu il est neutre transparent n a pas vraiment d importance pour le travail Le fait d crire et d crire ensemble ce qu on fait d en d battre change le rapport au travail et donc le travail lui m me J ai pu le constater dans l enqu te sur une d marche de certification France Telecom enqu te men e au tout d but de la mise en place de la d marche puis une fois celle ci termin e Au tout d but du projet d crit ici les op rateurs interview s r pondaient la question en quoi consiste votre travail des choses du genre ah a je sais le faire mais pas vous l expliquer vous savez moi je fais comme ci ma coll gue c t elle fera comme a a d pend de chacun Il fallait beaucoup de temps pour construire ensemble une description du travail Or apr s la certification trois ans plus tard je recevais des r ponses du genre mon travail premi rement a ensuite a ensuite a tenez voil ma fiche de poste voil ma fiche d activit tout est marqu Ceux des op rateurs ayant vraiment particip la d marche disposent d sormais d une grille de lecture de leur travail auparavant absente qui leur dit maintenant en quoi il consiste J ai voulu savoir ce que dit cette grille et ce qu elle ignore du travail r el J ai ainsi observ notamment le travail d un pilote d activit s en
22. on de p tes o tout l encadrement est masculin et les ouvriers toutes ouvri res Pour actionner l alimentation de tel ou tel produit conditionner les conductrices disaient tirer la queue La pi ce recevant ce produit elles la d nommaient le bol Elles ont invent aussi les mots le tirafilm et la fardeleuse et tel autre outil est appel le branleur 1995 pp 28 29 Or s il en parle c est parce que l atelier de fabrication participe une d marche qualit qui am ne l encadrement qui la met en oeuvre vouloir changer le vocabulaire et chasser des proc dures crites tous les termes connotation sexuelle ou fantaisiste bref tenter d imposer un nouveau vocabulaire technique sans odeur ni saveur poli la place des mots des ouvri res Le r sultat est qu elles n arrivent plus travailler se trompent dans leurs gestes et un compromis est finalement trouv qui leur permet de garder leurs mots elles tout en notant dans les proc dures officielles le vocabulaire technique Car leurs mots elles ont t forg s dans les p riodes de l apprentissage du m tier o la familiarisation avec les gestes n cessaires pour faire fonctionner les machines allait de pair avec leur familiarisation au mode d emploi des agents de ma trise o les anciennes initiaient les nouvelles comme on peut se le repr senter tu vois celui l il est peu
23. son capital esth tique et autres valeurs familiales ou f minines L organisation familiale elle m me est bas e sur une certaine division sociale sexuelle des t ches l activit domestique a ses outils ses techniques et ses machines et l activit m nag re et ducative implique la mise en oeuvre de comp tences et de savoir faire sp cialis s De l qu il existe depuis longtemps des tentatives pour rationaliser ce travail ce dont les Ecoles d arts m nagers sont l exemple le plus r pandu mais ce dont t moignent aussi des publications comme Madame et le management une femme organis e en vaut deux de Colette Colange ann e Certes si l on excepte les familles bourgeoises Pin on Pin on Charlot paysannes et commer antes les familles actuellement les plus r pandues en France ne sont pas des lieux de production mais des lieux de reproduction Par rapport au th me de l entreprise il faut donc se poser la question comment les familles pr parent leurs enfants au travail dans l entreprise ce qui pour les familles de milieu populaire reste encore tr s souvent un travail 12 en usine ou dans la grande distribution qui n est pas tr s diff rente de l organisation industrielle Quels mod les d autorit re oivent les enfants dans leur famille d origine Que leur dit on le soir table pour autant qu on y parle des patrons Quelle vision du monde se forgent ainsi les
24. t au centre de notre texte qui vise montrer que l humain n est pas un monopole du Travail Social car on le trouve aussi dans l industrie La question est d s lors de savoir comment les normes ISO et les d marches inspir es par elles prennent ou non en compte cette dimension humaine du travail On en conclura quelques id es de strat gies que les travailleurs sociaux pourraient puiser dans une comparaison avec les salari s de l industrie 1 Appeler un chat un chat L une des raisons qui peuvent expliquer le relatif succ s des d marches qualit dans le secteur social et sanitaire est qu elles proposent un thos heureux qui fait cho avec celui d j pr sent dans ce secteur Cet thos est fait d une s rie de termes consensuels suppos s provoquer l adh sion de tous car qui peut tre contre la participation des b n ficiaires le bien tre de l enfant le bonheur des familles l am lioration des services rendus et bien s r La Qualit Le paradoxe est ainsi que ces d marches qualit suscitent d un c t des aversions parce qu elles sont originaires de l industrie qu on imagine quand on ne la conna t pas comme un univers fait de techniques de m caniques d automatismes et de standardisation alors que de l autre ces d marches entra nent l adh sion car elles contiennent une promesse de bonheur nouveau Tout cela marche tant qu on ne pose pas certa
25. tanche entre les activit s s occupant de l humain et d autres qui seraient dans la technique Il y a en effet dans ces diff rentes activit s une hi rarchie une mani re relativement standardis e de faire les choses des techniques pensons toutes les installations hospitali res mais aussi aux techniques ducatives des documents crits des r gles du permis et de l interdit des salaires Dans ce sens les normes ISO participent de ce vieux mouvement de d senchantement du monde signal jadis par le sociologue Max Weber Mais cette dimension des normes comporte aussi une dimension qu on peut trouver positive qui est de cr er des ponts entre des secteurs de la vie sociale qui jusque l s ignoraient souvent Car les salari s des entreprises et les travailleurs sociaux sont via et sur le terrain de ces normes confront s aux m mes probl mes aux m mes dilemmes aux m mes enjeux On voudra n en signaler ici que deux les strat gies de mise en place des normes donc ce qu on peut faire avec elles ou contre elles ce que ces normes captent ou ne captent pas du travail r el 3 1 Strat gies de mise en place des normes la m taphore de l iceberg En tant que directeur d tablissement chef de projet qualit ou simple travailler social de base on est selon les moments confront deux questions strat giques essentielles par rapport aux d marches qualit m
26. travail plus visible pour ceux qui l encadrent et le dirigent et pour les grands donneurs d ordre qui se servent des normes ISO pour s lectionner leurs entreprises sous traitantes Revenons donc au travail social et au terrain d intervention de l AEMO le milieu ouvert Contrairement une id e encore tr s r pandue ce milieu n est pas s par du monde du travail et de l entreprise il est branch dessus en permanence car le travail par l interm diaire du salaire en constitue la condition d existence Ce qui se fait cruellement sentir en cas de ch mage quand ces conditions commencent faire d faut Dans les familles on ne fait pas de profit sauf dans les familles bourgeoises mais l argent son absence la volont d en gagner tout prix et par tous les moyens en est une pr occupation constante Le travail comme l absence de travail donnent un statut social aux parents Dans bien des familles du milieu populaire le mari appelle sa femme la patronne ou la bourgeoise De l d ailleurs que certaines femmes de ces milieux ne comprennent pas trop les revendications f ministes tout sp cialement en Bretagne Et ne dit on pas des enfants qu ils doivent tre bien tenus qu il faut les encadrer et bien les nourrir pour qu ils profitent N est il pas question dans les revues de la presse dite f minine de pr server son capital sant
27. u cynisme c est une mani re de mieux comprendre ce qu on fait et quoi sert r ellement ce qu on fait une fa on de ne pas se raconter d histoires permettant mieux que d autres de construire des strat gies en connaissance de cause De m me l appropriation d une d marche par le personnel d pend tr s fortement de l int r t bien senti qu il y prouve ou qu il n y prouve pas Cet int r t bien senti peut tre du genre s investir dans une d marche car cela sort des routines du travail habituel permet de rencontrer des coll gues et de parler du travail ou parce que le renforcement du contr le qu une d marche implique va peut tre enfin mettre au pas telle cat gorie de personnel rebelle toute forme de discipline collective Cette question de l appropriation de la d marche par le personnel est toujours tr s sensible aussi bien dans le secteur industriel que dans les services la sant le social Car il y a des mani res tr s diff rentes de mettre en oeuvre une d marche qualit selon les choix faits en mati re de constitution des groupes de r daction des proc dures de vocabulaire employ de mesures de v rification et de contr le invent s de possibilit s de discuter du bien fond de la d marche et des choix faits au fur et mesure D un c t la d marche commando o un petit groupe de cadres et de chefs d quipe d crit ce qu il sait du travail r el dans la perspective d
28. uand une nouvelle m thode une d marche originale un dispositif in dit s implantent dans un lieu de travail donn tout est d j en place avant eux les conditions de travail les contrats les salaires la s curit ou l ins curit de l emploi les rapports de pouvoir les hi rarchies les habitudes et les traditions les langages vidents et les comportements marginaux Cet ensemble de conditions pr alables voil la partie immerg e de l iceberg alors que le nouveau venu en est la partie merg e Entre les deux s op rent des combinaisons toujours singuli res m me si l on peut rencontrer des combinaisons comparables d un lieu un autre Ce qui va d cider de la dynamique et du sort d une d marche c est cette combinaison qui va d cider aussi du sens que la d marche va prendre appr ci e d cri e et m me de ses objectifs r els non avou s implicites ou imagin s Chaque conjoncture va donc recoder le sens d une d marche Il en va ainsi des d marches qualit dans le Travail Social Pourquoi les met on en place Comme ailleurs avec l objectif annonc d am liorer la qualit du service rendu mais aussi pour rendre des comptes se montrer sous son meilleur jour se racheter une vertu ou tout simplement parce que le directeur nouvellement nomm d un tablissement veut s en servir pour cr er plus de transparence entendons d abord pour lui Ce n est pas d
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