Télécharger
Contents
1. Collot Michel La po sie modeme et la structure d horizon Coll criture Paris Presses universitaires de France 1989 203 p 89 Didi Huberman Georges Ce que nous voyons ce qui nous regarde Coll Critiques Paris ditions de Minuit 1992 208 p Hollan Alexandre Je suis ce que je vois Notes sur la peinture et le dessin 1975 1997 Cognac France Le Temps qu il fait 1997 113 p Klee Paul Paul Klee et la nature de l art Une d votion aux petites choses Commissariat Margaret Pfenninger assist e de Claire Hirmer Paris Hazan Strasbourg Mus es de Strasbourg 2004 215 p L vesque Micheline La beaut sombre et nue suivi de Tout n est jamais qu une question de regard M moire de ma trise Montr al Universit du Qu bec Montr al 1998 100 Morandi Giorgio l coute du visible Morandi Hollan Mus e Jenisch Vevey Suisse 3 ma 26 ao t 2001 Vevey Mus e Jenisch 2001 140 p Morin Paul Le jardin du regard Nantes ditions du Petit v hicule 1998 93 p Ponente Nello Klee tude biographique et critique Coll Le Go t de notre temps Gen ve Skira 1960 140 p 2 Oeuvres de fiction et de po sie Ancet Jacques Un morceau de lumi re Po sie Jacques Ancet dessins Alexandre Hollan Mont limar Voix d encre 2005 87 p Bernard No l Un trajet en hiver Paris P O L 2004 91 p Bernard No l et Pierre Ouellet Portra2. intimiste n est il au fond qu un grand amoureux du monde et de l tre humain cherchant exprimer par l criture son propre hymne la vie une criture esp rant nous rappeler que la beaut se trouve aussi dans les gestes simples du quotidien et qu il suffit d un regard pour en t moigner Comme le peintre fran ais Fromentin je crois que c est toujours le cours r gulier des choses que rien ne d range et le fond permanent des petits faits journaliers qui rendent lacte de cr er signifiant Un jour un branlement une brisure a fait vaciller mon regard provoquant alors une ouverture vers ma propre int riorit Depuis ce temps l acte de voir et d crire sont f sionn s et jettent un clairage neuf sur ma posture d criture Assise la fen tre je sais d sormais que ce qui fait sens pour moi ne r side pas dans l exceptionnel le sourire d une grand m re se ber ant sur le balcon des v tements suspendus une corde linge la valse chaotique de petites poussi res scintillant dans la lumi re Les petits faits de nos vies incarnent le lieu d un retour vers cette m motre cache alimentant mon criture ils cr ent un espace d nonciation pour le po me 61 Tzvetan Todorov Eloge du quotidien Essai sur la peinture hollandaise du XVIE si cle p 145 62 Ibid p 20 82 La po sie m ancre dans le monde elle me permet d affronter une vie toujours fuyante une vie me maintena
3. son insu la vie laisse des traces qui gr ce au processus de cr ation refont surface Mais s int resser la m moire c est aussi prendre conscience qu il faut celle ci pour ressurgir un mouvement une vision qui l appelle Ma r flexion aborde donc l acte de voir comme fen tre favorisant un passage entre le dehors et le dedans l espace ext rieur et l int rorit de sorte que le po te peut se d l ster de son moi pour s ouvrir lalt rit Tributaire de la m moire qui fait regarder autrement la r alit ou selon l expression de Jean Bertrand Pontalis permet de d faire le souvenir de 611586 l image dans le tapis l criture intimiste suppose un travail de dessais issement Lacte po tique devient une qu te de pr sence au monde Il s agit du seul moyen pour l crivain de retrouver lessence de l existence humaine et par l m me sa propre essence Mots cl s Po sie criture processus cr ateur m moire regard intimisme Derri re les yeux Sans armes ils t ont rev tue de ta robe blanche puis ont mis du rose sur tes joues genoux devant ton corps ie n Al pas su prier D D on ne se remet pas de la mort on fait comme si line 111 1 et des bonbons fragile sculpture d porcelaine t de Sucre une berceuse dans le coin du salon un rideau gui ne s Ou vr DIUS voil tout ce qu il reste de ton passage avec le temps l 1l devien
4. danser abandonn es un rideau qu une main tremblante soul ve de tout petits riens qui font ressurgir quelque chose issu du sensible des motions appelant l criture Ainsi lacte de voir entra ne t 1l une plong e l int rieur de nous une descente nous mettant l coute de notre m moire enfoule cette m moire nourrice qui d pose en nous si l on se laisse toucher par l objet de notre vision la gen se du po me venir La fen tre est pour moi une voie d acc s privil gi e aux affects se dissimulant dans les replis cach s de ma m moire des affects qui ne sauraient se dire sans le mouvement qu engendre cette surface vitr e au plus profond de moi Elle est la fois une ouverture vers l ext rieur mais aussi une chapp e vers l int rieur Gr ce elle une br che se produit dans ce qu il y a de plus enfoui et de plus secret en moi La fen tre concr te ouvre une nouvelle fen tre cette fois l virtuelle la premi re devenant le levier n cessaire l ouverture de la seconde de celle d o mane le po me Ma fa on d crire se rapproche SL peut tre de celle d crite par Pontalis lorsqu il s interroge sur son processus d criture a me vient d o Les sources le plus souvent inconnues de soi sont multiples La moins difficile identifier quelque chose s est ouvert qui pourrait bient t se refermer Une fen tre une br che dans le mur une
5. e de la maison effac tous ces pas qui n ont jamais su o aller 1 y a 81 longtemps que Je compte rebours tendue sous le pav 51 longtemps que je veille les yeux remplis de noir 42 je me suis vue mourir dans la blancheur du jour entre deux branches de mon arbre et J ai souri lexil semble paisible les yeux clos 43 ce matin tout est blanc la lumi re p n tre par la fen tre et l angoisse qui toujours m habite semble avoir migr vers le sud qui sait peut tre a t il neig dans ma t te 44 la fen tre Les choses s avancent vers moi toutes choses Par leur silence elles entrent en moi D abord par leur silence Puis leur lumi re s labore en moi discr te infinie Miracul e Enfin l embrasement l clair le br lant le radieux Ensuite crire seulement ensuite Voil C est tout Christian Bobin Souverainet du vide Lettres d or Christian Bobin Souverainet du vide Lettres d or coll Folio Paris Gallimard 1995 5 31 47 Les fen tres sont un filtre entre soi et ce qui se d voile obstru es ou transparentes elles proposent par la multiplicit de leurs angles de vision diff rentes fa ons de voir le monde les miennes me portent par del le toujours d j visible de l horizon Quelque ois j ai l impression d couter ce que je vois d entendre un murmure en de du visible comme 81 la chose observ
6. re de soi m me de ne jamais parvenir une compl te lecture de soi Pour reprendre Jean Michel Maulpoix je pense qu crire de la po sie c est s engager dans une partie de cache cache o le voil et le d voil ne font qu un mais o l on sait malgr tout que dans chacun de nos po mes se dissimule un cache dans lequel se consent un L importanti st d crire encore ot toujours envers et Contre tout 66 Jean Michel Maulpoix M moire cache dans L image r calcitrante p 174 BIBLIOGRAPHIE l1 Ouvrages th oriques 1 1 Sur l criture Anzieu Didier Le corps de l uvre Essais psychanalytiques sur le travail cr ateur Coll Connaissance de l inconscient Paris Gallimard 1981 377 p Audet No l crire de la fiction au Qu bec Coll Litt rature d Am rique Montr al Qu bec Am rique 1990 197 p Bakhtine Mikha l Esth tique et th orie du roman Coll Tel Paris Gallimard 1978 488 p Bertrand Pierre Le c ur silencieux des choses Montr al Liber 1999 168 p Collectif de l atelier dir publ L atelier de l crivain Coll Figura Textes et imaginaires n 11 Montr al Universit du Qu bec Montr al D partement d tudes litt raires 2004 196 p Dans l criture Coll Travaux de ateliers Montr al XYZ 1994 113 p Duras Marguerite crire Paris Gallimard 1993 146 p Gao Xingjian La r
7. La parole 25 Voir Monique Deland Du vide la forme dans L atelier de l crivain coll Figura Textes et imaginaires n 11 Montr al Universit du Qu bec Montr al D partement d tudes litt raires 2004 p 12 26 Ibid p 15 27 Monique Deland Po sie et perm abilit dans De l criture du po me coll Estuaire 89 Montr al Estuaire 1997 p 59 60 po tique porte les traces de ce regard en mouvement de cette mise en marche o lentement l espace du dehors rencontre celui du dedans un espace devenant voix nonciation La po sie surgit donc au moment o le monde ext rieur est reconnu comme le miroir de ce qu il y a en nous de plus cach et de plus personnel le r v lateur d une r alit invisible 8 Le po te crit Philippe Jaccottet se tient la fronti re entre le visible et l invisible laissant apparaitre par son criture les c t s la fois obscurs et lumineux du monde et de l humain L criture po tique ne reproduit pas le visible elle rend visible l invisible Elle donne acc s quelque chose d passant les limites de la chose regard e Aussi la ruelle l arbre ou la tasse abandonn e sur la table ne sont en somme que des voies d acc s ce qui se d robe la vue ils deviennent des portes d entr e pour plonger l int rieur de sot Avant chaque po me il ny a pas v ritablement de mots mais plut t la manifestation d images
8. Vaillancourt Claude Le paradoxe de l crivain Le savoir et l criture Qu bec Triptyque 2003 180 p Vargas Llosa Mario Lettres un jeune romancier Coll Arcades Paris Gallimard 2000 147 p Warren Louise interroger l intensit Montr al Trois 1999 166 p 86 1 2 Sur la po sie Bernard No l L espace du po me Entretiens de Bernard No l avec Dominique Sampiero Paris P O L 1998 165 p Bertrand Pierre et Martin Thibault Paroles de l int niorit Dialogues autour de la po sie Montr al Liber 2007 133 p Borges Jorge Luis et Calin Andrei Mihailescu L art de la po sie Coll Collections Arcade Paris Gallimard 2002 126 p Broda Martine L amour du nom Essai sur le lyrisme et la lyrique amoureuse Coll En lisant en crivant Paris J Corti 1997 202 D Claudel Paul R flexions sur la po sie Paris Gallimard 1963 185 p Collot Michel La mati re motion Coll criture Paris Presses universitaires de France 1997 334 p Duval Jean dir publ De l criture du po me Coll Estuaire 89 Montr al Groupe de cr ation Estuaire 1997 159 p Flamand Jacques dir publ Du vide au silence La po sie Coll Essais et recherches Ottawa Vermillon 2001 259 p Jaccottet Philippe Une transaction secr te Lectures de po sie Paris Gallimard 1987 343 p Meschonnic Henri C l bration de la po sie La
9. impressions surgies du pass ce n est pas un souvenir une id e une image qui revient alors en moi mais c est un v ritable bloc d enfance qui s enfonce dans le pr sent au point d appartenir la vitalit de celui ci90 Cette insertion du pass dans le pr sent bien que troublante m est n cessaire car c est partir de ces blocs d enfance manifestant subitement leur pr sence que l criture po tique est possible La po sie de la m moire je l ai dit est issue du sensible de l affect La m moire donne lieu des motions diffuses qui correspondent des repr sentations pr tes surgir r pondre des attentes subvenir aux manques donner forme l informe Cette m moire secr te se compose de tout ce que le pocte a vu ou v cu puis oubli elle est son grenier images ce que Jean Michel 50 Pierre Bertrand Paroles d int nont Dialogues autour de la po sie p 35 Maulpoix nomme une m moire cacheSl c est dire la s dimentation opaque de notre propre histoire Les repr sentations lorsqu elles reviennent prennent la place de l indicible cr ent des images nouvelles venant alors relier le dedans et le dehors Aussi les motifs apparaissant dans le po me pr tent 1ils leur voix aux fant mes int rieurs de l crivain Les images in dites du texte manifestent la subjectivit du po te subjectivit venant s articuler l a
10. ma directrice madame Louise Dupr sans qui ce m moire de ma trise n aurait jamais pu voir le jour Une femme d exception qui tout au long de ce p riple a su non seulement me diriger me conseiller mais tre d abord et avant tout une confidente une amie La r daction de ce m moire m a demand cinq ans et demi de travail et durant tout ce temps Louise mia accompagn e encourag e soutenue quand le doute et le d couragement s emparaient de moi mais galement lors de certaines preuves dans ma vie personnelle toi Louise merci Je remercie galement mon ami et professeur monsieur Patrick Lafontaine mon premier lecteur celui qui je dois d avoir tent ma chance en litt rature principalement en po sie toi Patrick merci Un remerciement tout sp cial mon amie et compagne d tudes madame Nathalie Thomas avec qui J ai partag mes doutes mes tentatives d criture et mes fous rires et ce jusqu la toute fin toi Nath merci Finalement un merci plein de tendresse mon compagnon de vie Marc qui depuis plus de vingt cinq ans croit encore et toujours que pour moi rien n est impossible toi mon amour merci Je d die ce m moire mes deux filles Camille et Laurence Mes amours quoiqu il arrive croyez en vos r ves TABLES DES MATI RES RECUEIL DE POEMES DORE E EE Deni mme paruUe Pawon IS aa KEE ET e EE DOSSIER D ACCOMPAGNEMENT la fen tre aaa EE
11. pratique po tique S agit il d une simple retranscription de souvenirs nous revenant soudainement l esprit Ou la m moire rel ve t elle davantage de la memoria o sont log s tous nos tats de conscience pass s Comme Pontalis dans Fen tres je crois que la po sie prend sa source dans la m moire et non dans les souvenirs Les souvenirs font cran toutes les images et motions accumul es par la m moire nous emp chant de les voir Aussi sont ils des projections biais es de ce Qui Stelle ET nous US nous Corneni d Ceile memoire sensible dont nous sommes faits Ainsi les souvenirs accessibles disponibles n appartiennent pas la m moire car 1 n existe pas de Souvenirs inconscients Cest piut t ce qui sy travesti les connexions les repr sentations les traces qui viennent se d poser se condenser en leux qui alimentent la po sie Seul roubl permet aw pocte denleurer cele part d nconnu habitant les replis de sa m moire oublier donne de 1 8 188611 au 42 Jean Bertrand Pontalis Fen tres p 110 temps et permet 6 au temps sensible4t4 crit Pontalis l preuve du deuil de la perte de la s paration d avec soi est ce qui nous d livr dela reproduction d Md naque L stice qui en nous 681 en sommeil elle est notre eau dormantefs Il faut donc se perdre de vue pour crire au plus pr s de soi laisser le temps faire s
12. rue des passants l air soucieux Mais rien de ce qui se d verse dans mes yeux aujourd hui ne sera mati re criture seul 19 Expression emprunt e Roland Barthes dans Le bruissement de la langue Paris ditions du Seuil 1984 20 Bernard No l Journal du regard p 68 al 11 D TO 57 le temps qui passe fera surgir le po me la vue est imm diate mais ce qu elle saisit il faut qu elle le r fl chisse ainsi devient elle pensive 22 Ce que je vois doit s inscrire l int rieur de moi y s journer se faire oublier afin de peut tre un jour ressurgir transform dans les mots du po me Ce qui interpelle mon regard m chappe et ne se laisse saisir que sous la forme d un langage cod blanchi par le silence des non dits La 806816 est en effet un langage autre la po sie est une voix qui parle en nous qui troue notre langage habituel pour le rendre apte laisser passer autre chose Elle permet au po te de jeter un regard sur sa propre int riorit d entrevoir une alt rit entre les lignes du po me mais elle se garde bien de lui livrer les cl s de sa psych Ainsi le po te demeurera toujours la fronti re de sa propre obscurit soumis la volont des mots qui se donnent lui Assise en silence je me tais pour qu adviennent les mots pour que s installe un dialogue muet entre moi et le monde entre moi et ce qui se laisse seulement soup onner La po s
13. EE EEEE EEEE EEEE EEE e e 111 1V 19 29 R SUM Ce m moire en cr ation litt raire comprend deux parties un recueil de po mes et un dossier d accompagnement Le volet cr ation se compose d une quarantaine de courts po mes en vers divis s en trois sections partir de la th matique de la m moire le recueil se d veloppe autour des sous th mes du deuil de l criture et du d sir de mourir La voix po tique mane d une nonciatrice qui par le regard qu elle porte sur le quotidien essaie en voquant divers souvenirs d saisir le s ns profond de ce qui la constit e D fait le lecteur Sera en pr sence d une po sie qui tente de faire entendre les murmures de toutes les voix enfouies oubli es ou encore reni es chez le sujet et qui sans ce d sir du po te de rejoindre l essence des choses resteraient inaudibles crits dans une langue pur e les po mes appartiennent ce qu on appelle l criture intimiste s attachant aux petites choses de la vie Ils se pr sentent comme des miniatures de minuscules peintures d un fragment de vie Le dossier d accompagnement porte sur le rapport entre le travail cr ateur la m moire et la po sie intimiste En effet l crivain cr e partir de ce qui s est d pos en lui
14. Paris ditions du seuil 1997 162 p Payant Ren Vedute pi ces d tach es sur l art 1976 1987 Coll Vedute 1 Laval ditions Trois 1987 682 p 66 1 4 Sur la m moire Gagnebin Murielle et Christine Savinel dir publ L image r calcitrante Coll Page ouverte Paris Presses de la Sorbonne Nouvelle 2001 275 p Jackson John E M moire et cr ation po tique Paris Mercure de France 1992 330 p L onard Monique dir publ M moire et criture Actes du colloque organis par le Centre Babel la Facult des lettres de l Universit de Toulon et du Var les 12 et 13 mai 2000 Paris Honor Champion diteur 2003 502 p Pelletier Eddy Chambres vid es roman suivi de La m moire et l oubli dans le processus cr ateur M moire de ma trise Montreal Universit du Qu bec Montr al 1997 192 p Pontalis Jean Bertrand Fen tres Paris Gallimard 2000 174 p Ric ur Paul La m moire l histoire et l oubli Coll Ordre philosophique Paris Editions du Seuil 2000 675 p Tabucchi Antonio L atelier de l crivain Conversations avec Antonio Tabucchi Carlos Gumpert Genouilleux La Passe du vent 2001 292 p Tzitzis Stamatios dir publ La m moire entre silence et oubli Coll Inter Sophia Qu bec Presses de l Universit Laval 2006 544 p 1 5 Sur le regard Bernard No l Journal du regard Paris P O L 1988 124 p
15. UNIVERSIT DU QU BEC A MONTR AL DERRI RE LES YEUX M MOIRE PR SENT COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MA TRISE EN TUDES LITT RAIRES PAR H L NE CARON MARS 2011 UNIVERSIT DU QU BEC MONTR AL Service des biblioth ques Avertissement La diffusion de ce m moire se fait dans le respect des droits de son auteur qui a sign le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles sup rieurs SDU 522 R v 01 2006 Cette autorisation stipule que conform ment Varticle 11 du R glement no 8 des tudes de cycles sup rieurs l auteur conc de l Universit du Qu bec Montr al une licence non exclusive d utilisation et de publication de la totalit ou d une partie importante de son travail de recherche pour des fins p dagogiques et non commerciales Plus pr cis ment l auteur autorise l Universit du Qu bec Montr al reproduire diffuser pr ter distribuer ou vendre des copies de son travail de recherche des fins non commerciales sur quelque support que ce soit y compris l Internet Cette licence et cette autorisation n entra nent pas une renonciation de la part de l auteur ses droits moraux ni ses droits de propri t intellectuelle Sauf entent contraire Pauteur conserve la libert de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont il poss de un exemplaire REMERCIEMENTS Mes plus sinc res remerciements
16. aison d tre de la litt rature suivi de Au plus pr s du r el Dialogues avec Denis Bourgeois Coll L Aube poche Paris Editions de l Aube 2001 179 p Goulet Alain dir publ Voix Traces Av nement L criture et son sujet Coll Colloque de Cerisy Caen Presses Universitaires de Caen 1999 227 p Guillaumin Jean Le moi sublim Psychanalyse de la cr ativit Coll Psychismes Paris Dunod 1998 208 p 65 Huston Nancy Journal de la cr ation Coll Libre elles Paris Seuil 1990 276 p Jacob Suzanne La bulle d encre Coll Bor al Compact Montr al Bor al 2001 147 p Lachapelle Louise Chercher une pratique d criture salissante M moire de ma trise Montr al Universit du Qu bec Montr al 1992 160 p Lapierre Ren Figures de l abandon Montr al Les Herbes rouges 2002 97 p Louis Combet Claude Le p ch d criture Coll En lisant en crivant Paris J Corti 1990 130 p Magny Claude Edmonde Lettre sur le pouvoir d crire Coll Micro Climats Castelneau le Lez Climats 1993 63 p M dam Alain La tentation de l uvre Montr al Liber 2002 243 p Roth Philip Parlons travail Col Du monde entier Paris Gallimard 2004 187 p Todorov Tzvetan Mikha l Bakhtine Le principe dialogique suivi de crits du cercle de Bakhtine Coll Po tique Paris Seuil 1981 319 p
17. ateur de m me que celui de l imagination cr er partir de r miniscences c est laisser le pass r affleurer ou rep n trer dans l esprit c est toujours aussi le remodeler en fonction des donn es qui gouvernent cet esprit au moment de la rem moration a crire partir de repr sentations perdues c est crire partir d un pass qui m appartient mais c est galement tablir un lien une verticalit un trait d union avec ce qu il y a de plus profond en moi Ma po sie donne forme au pass celui de ma m moire elle d tisse l image dans le tapis Cette image ne peut appara tre que dans le silence au moment o je c de la place une voix inconnue mais ourtant famili re S noncant en mol 2 la fen tre je miattarde me laissant flotter entre deux mondes Mon regard se perd 16 pass et 16 pr sent se superposent 1 se fait un 4 John E Jackson M moire et cr ation po tique p 16 74 travail m moriel Ja l impression de me trouver soudainement travers e par une exp rience qui me soustrait la vie courante tellement les sensations retrouv es sont significatives C est comme si brusquement l instant pr sent devenait plus dense s enrichissait d motions anciennes faisait revenir en moi des sensations venues de arri re pays Ainsi tout comme l a prouv Proust en trempant une madeleine dans son th il me revient alors l esprit des
18. car lorsque l on n arrive pas se d tacher de soi les mots ne viennent pas L criture po tique exige espace et abandon coute et oubli de soi La voix du po me ne s l ve que si le po te parvient se distancier de lui m me Alors le silence se met murmurer Se d lester de soi permet de laisser place une parole authentique Mais pour ce faire le po te doit renoncer ce qu il sait d j afin de se laisser saisir par ce qui cherche se dire travers lui car la parole po tique parle en avant d elle m me ne sachant pas ce qu elle a dire avant de le dire elle s invente elle m me au fur et mesure qu elle avance L exp rience po tique est une tentative de se rapprocher de ce qui chappe toute nomination Elle ne r v le donc rien de connu seul un inconnu cod pour l crivain lui m me La po sie ne d voile le sens qu en le voilant Mais n est ce pas justement par ce qu il ne dit pas que le po me donne le plus voir demande Collot En effet peut tre est ce par le silence inscrit dans le texte que l on r ussit 40 Michel Collot La po sie moderne et la structure d horizon p 66 68 p rcevoir ce qui n est pas dit l indicible devenant alors le seul lieu possible o peuvent s noncer les murmures de notre propre int riorit C est donc gr ce ce que tait l criture que le po te parvient se rapprocher du vide de cette sensation de manq
19. d d pose en nous tout ce qu il per oit 1 nous alimente mais la vue de quelque chose de signifiant fait aussi ressurgir de 13 Bernard No l Journal du regard Paris P O L 1988 p 24 16 p 31 SEKR mani re transform e la mati re amass e inconsciemment Car c est moins l objet regard qui engendre l criture que les r sonances que suscite sa vision Voir po tiquement c est ignorer l objet dans sa mat rialit pour s attarder sur ce qu il fait vibrer l int rieur de nous ou selon Bernard No l sur le sens qui en merge c est dire ce qu on ne voit pas ce qui demeure invisible et qui cependant est inclus dans le visible Ainsi le po te voit moins le monde que ce qui mane de l objet de son regard Il existe donc un cart entre ce que les yeux voient et ce qui est La chose observ e sera toujours per ue par un sujet qui a une vision unique du monde une sensibilit toute personnelle La vue objective n existe pas explique Bernard No l tout regard se double d une m taphore le r el fait figure d s qu il est dans nos yeux 8 Ce que je vois devient ouverture attention aux motions me traversant Ainsi ce qui importe n est pas ce que je vois mais la relation entre moi en tant que sujet et l objet de mon regard Ce qui attire mon attention n acquiert de sens que lorsque l objet p n tre mes yeux pour aller vers ce qui en moi ne trouve pas de m
20. de ces intuitions avec son caract re d vidence C tait donc a 8 Ce c tait donc a est ce que je ressens assise la fen tre le regard perdu vers 1110112011 sperant linattendu C moment o l c ur vibre en sentant monter en lui un murmure fragile et diffus des mots disparates entrem l s de sensations et d motions nouvelles ce moment par lequel la voix du po me commence se manifester doucement en d sordre Ces mots ces fragments de phrases Corr spondente tout lois Qui 112 pourrait tre dit atuitr ment En eftet on crit partir de ce qui dans le plus intime de nous est sans visage sans forme et sans nom mais qui lorsque l on parvient faire taire le bruit en soi murmure notre oreille tous les mots du po me Pour entendre les voix de l arri re pays il faut se d tacher se d pouiller telle la religieuse devant Dieu Le pocte doit se d partir de tout langage re u se d faire de sa raison car l abondance des CHOSES mpe cne d Voir L4 rumeur d s pensees mp ch 8 Jean Bertrand Pontalis Fen tres p 29 9 Christian Bobin Souverainet du vide Lettres d or 77 52 d entendrel0 Ce n est qu apr s avoir cart toute chose toute pens e que l on peut commencer voir entendre C est dans un silence rempli d une attente sans objet que les mots acceptent de se dire Dans son texte La meurtri re C
21. de se rapprocher de ce quelque chose qui ne pourra jamais tre clairement nomm Chaque po te prouve un jour la sensation tout comme Proust de plonger dans ce qu il y a de plus inconnu en lui dans une m moire d avant la m moire et d ainsi S nur monter Em d s emotions inconnues Toutefois cette plong e ne peut se faire sans la pr sence d un l ment d clencheur Souvent il suffit d un bref regard pos sur n Objet de la vie quotidienne pour que s amorce la r sursgence d motions souterraines Il en est ainsi pour moi Je me reconnais Chez ceuz gue Jacques Brault 1 po tes SE Gert l criture Ss aliment de l Intiniment pett de l anodin sentant que Cest travers les petites choses que se d voile la fragilit du monde et de l tre humain Le pote de l intime crit Jacques Brault est celui qui se met l coute de sa vie celui dont la parole vient de l int rieur 1 porte en 53 Jean Michel Maulpoix M moire cache dans L image r calcitrante p 175 lui une souffrance celle d un c ur d j bless bien avant la premi re corchure de l existence et qui par cette blessure insondable voit entend touche la singularit inviolable de chacune de chacun bref de l indicible f Tout comme l intimiste ma po sie s crit de l int rieur Elle nat de tous ces petits riens meublant notre quotidien Je suis une f e aux miettes selo
22. de sons de rythmes porteurs d affects Les mots viennent par la suite Ils surgissent l improviste donnent vie ce qui les pr c dant ne peut exister par soi m me crit Paul Chamberland Le po me on le re oit donc n de Mai m me sans le concours d aucunes circonstances2 Mais pour en 25 Philippe Jaccottet Une transaction secr te Lectures de po sie Paris Gallimard 1987 p 71 29 Paul Chamberland Un po me n arrive que par accident dans De l criture du po me p 40 61 entendre le murmure il faut se d lester des pr occupations du quotidien et se mettre l coute du silence l int rieur de soi un silence porteur de toutes ces voix refoul es au plus profond de l inconscient et dont mergera la voix du po me Le po me ne se donne que dans un jeu d apparitions et de disparitions alors que le po te est attentif aux mouvements de flux et de reflux de sa propre int riorit Voil peut tre pourquoi la voix du po me est le fruit d une parole n appartenant qu soi une parole tellement juste tellement pr gnante qu elle parvient du moins on le souhaite toucher l autre atteindre un universel Personne ne peut accompagner le po te 18 o il va solitaire il avance vers une terre inexplor e pouss par le d sir de se rapprocher de ce qui en lui l effraie et le fascine tout la fois crire est un jeu dangereux nous avoue C
23. dinaire mais elle puise plut t ses mots dans l loquence du quotidien dans tous les gestes poignants du familier Elle veut porter en elle la fragilit du monde qui m entoure Elle s labore dans la proximit de ce qui le temps d un regard murmure l int rieur de moi Elle aspire toucher faire ressentir plus qu tonner ou bousculer Elle cherche rejoindre l essentiel faire en sorte que une fois pur le nomm acquiert une r sonance qui le d passe Elle veut devenir 16 heu o la vie se condense La po sie c est l homme crit Reverdy mais dans ce qu il a de plus intime de plus vrai de plus profond en lui et qu il ne peut mettre nu que par le travail de l criture La po sie n est pas dans l objet mais dans le sujet car il ny a pas d objet plus po tique que d autres Ce qui est po tique c est le mouvement qui naft et se d veloppe dans l int riorit du po te C est ce qui part d un regard se d pose dans l inconscient et resurgit plus tard transform dans le tissu du po me 79 Mon criture je lai dit salimente de ces regards affectueusement pos s sur l ordinaire de nos vies Elle ne pr tend pas tre porteuse d une v rit absolue mais t moigne davantage de cette blessure originelle que ressent le po te Elle ne d crit pas le r el mais plut t cette r alit transitant l int rieur de 801 et qui par lacte cr ateur r appara t transfo
24. e tablissait un dialogue avec moi comme si mon regard perdant au fil du temps de sa nettet laissait l l ment per u me souffler des mots l oreille Mais est ce l objet regard qui chuchote en moi ou l tat m ditatif et r ceptif dans lequel me plonge qui me permet d entendre en r alit l expression de toutes ces voix tapies l int rieur de moi Le regard dans ma pratique d criture est une voie d acc s l cho de ces voix en moi qui laissent filtrer le bruissement d motions jusqu alors inaudibles Happ e par l objet de ma vision des paroles s acheminent en moi des mots issus de mon propre inconscient Tout coup J accepte de baisser la garde laissant ainsi merger la mati re enfouie au fond de ma m moire L acte de voir n est peut tre en somme qu une tentative de saisir l empreinte floue et d form e d une gen se approch e mais jamais d voil e Expression emprunt e Michel Collot dans La po sie moderne et la structure d horizon coll Ecriture ns Paris Presses universitaires de France 1989 48 Voir Cest cette facult par laquelle les stimulations lumineuses donnent naissance des sensations sp cifiques de lumi re couleur forme organis es en une repr sentation de l espaces La vue capte 10111 Ele une 1 n tre par lagucle on peut observer un leu un paysage Quant au regard il oriente la vue 1l est action mani re de diriger les ye
25. es corps d sirants ou souffrants son tranget pleine de d tails signifiants sa dur e exigeantes Mes po mes veulent clairer des v nements faisant partie de l ordinaire de tout tre humain deuils et pardons d tresses et clats de rire Ils tendent vers une criture sensible aux rites du quotidien Ils travaillent une voix soucieuse d une pr sence ce qui s offre aux yeux ce qui se r v le dans l invisible du visible Le po te intimiste avance doucement simplement 1 cueille au passage de fragiles instants de beaut crit Pierre Nepwveuz Il interpr te le monde sa fa on prouvant une tendresse pour 16 vraj pour les moments simples mais pourtant si loquents du quotidien Avec lui la vie de tous les jours d laisse l anecdotique pour devenir porteuse d une beaut trop souvent n glig e oubli e Tout comme les peintres hollandais du XVIIe si cle les po tes de lintime ont compris que cette femme qu traverse une cour cette m re qui p le une pomme pouvaient tre aussi belles que les d esses 58 Pierre Nepveu Pr face dans Po tes du Noro t Petite anthologie de la po sie qu b coise p 11 59 Ibid p 12 60 Tzvetan Todorov Eloge du quotidien Essai sur la peinture hollandaise du XVIE si cle coll Points Paris ditions du Seuil 1997 p 141 81 de Olympe Ils nous apprennent mieux voir 16 mondeft Peut tre l
26. esurgissent transform es dans la langue du po me Le travail de la m moire s apparente celui du r ve qui fonctionne par condensation d placement et figuration il permet au refoul de se manifester de mani re cod e dans les interlignes du souvenir Tout comme dans le travail du r ve celui de la m moire laisse merger un langage secret venu de l inconscient La r gle de la libre association multiplie les r seaux de sens Elle d fait le souvenir elle en cr ve l cran Elle d tisse l image dans le tapis 4 Une po sie de la m moire exige de l crivain une posture par laquelle il accepte de ne laisser monter en lui que ce qui est profond ment enfoui mati re o se cr ent des associations nouvelles et in dites qui vont nourrir l criture Il n en r sulte pas des images fig es identiques celles qui se sont d pos es en lui ce qui parvient sa conscience arrive codifi masqu Voil pourquoi le po me ne laisse jamais la petite histoire fossilis e du po te tre saisie comme telle 46 Jean Bertrand Pontalis Fen tres p 110 72 Ainsi tout comme pour le r ve la m moire fragmente s lectionne des l ments tir s de l inconscient pour n en conserver que des fragments disjoints puis elle les relie de mani re continue dotant alors le langage d un sens nouveau Le travail de la m moire et celui de l criture po tique se ressemblent dans leur fonctionnement to
27. grasse Verdier 2001 266 Pinson Jean Claude quoi bon la po sie aujourd hui Coll Auteurs en questions Nantes Pleins feux 1999 66 p Pontbriand Jean No l et Michel Pleau L criture comme exp rience Entretiens avec Michel Pleau Jean No l Pontbriand Qu bec Le 1 de cout re 1999 TOO 6 Rabat Dominique dir publ Figures du sujet lyrique Coll Perspectives litt raires Paris Presses Universitaires de France 1996 162 D Rilke Rainer Maria Lettre un jeune po te suivi de Le po te et Le jeune po te Coll Po sie Paris Gallimard 1993 177 p Reverdy Pierre Cette motion appel e po sie crits sur la po sie 1932 1960 Paris Flammarion 1974 279 p Th lot J r me La po sie pr caire Coll Perspectives litt raires Paris Presses Universitaires de France 1997 141 p Wateau Patrick Minerve Coll En lisant en crivant Paris J Corti 1999 126 p Bernard No l ou L exp rience ext rieure Coll En lisant en crivant Paris J Corti 2001 115 p Lo oUr e 0e ER Brault Jacques Au fond du jardin Accompagnements Montr al ditions du Noro t 1996 140 p Faleiros lvaro Po tes du Noro t Petite anthologie de la po sie qu b coise Saint Laurent Biblioth que qu b coise 2003 93 p Todorov Tzvetan loge du quotidien Essai sur la peinture hollandaise du XVIe si cle Coll Points
28. hristian Bobin parle de clo tr es du XIIe si cle Il imagine leurs conversations silencieuses avec Dieu et ce qu il d crit ressemble l exp rience po tique En effet tout comme la clo tr e esp rant les mots de son Dieu le po te fouille dans le fond du langage il amasse les phrases l afin que naisse le po me L criture exige recueillement et abandon un tat qu il m a t difficile d atteindre lorsque Jai amorc mon recueil En effet j tais incapable de l cher prise de faire silence Mes po mes d coulaient d une criture raisonn e ma tris e d un d sir de mettre en mots une motion ou un souvenir clairement identifi Je n arrivais pas me d tacher d une criture c r brale comme 81 j tais incapable de laisser les mots s imposer d eux m mes tait ce de la peur de la pudeur ou encore une incapacit l cher prise Je ne saurais dire mais ce n est que lorsque mon regard s est perdu par la fen tre que les mots sont venus Peut tre faut il parfois accepter de faire de grands d tours afin d atteindre des rivages inconnus et de parvenir 1 Il y 8 ce que l on conna t qui est troit Il y a ce que l on sent qui est infini Ce que l on conna t flotte au dessus de ce que lon sent comme une petite b te morte dessus les eaux profondes crivant on va contre toutes connaissances Ce qu on ignore on l appelle on le nomme 1 10 Christian Bobin La
29. ie na t de ce vide plein de linvisible L espace d un instant elle pr sente une vision inconnue 22 Bernard No l Journal du regard p 70 23 Jean No l Pontbriand L criture comme exp rience Entretiens avec Michel Pleau Jean No l Pontbriand Qu bec Le Loup de Goutti re 1999 p 86 36 mais pourtant famili re Voir po tiquement c est acc der un flou sans cesse renouvel acc der l inconnu en soi Le po te sonde le silence 1 regarde et coute tout la fois afin d approcher cet insaisissable qui le hante Je m attarde la fen tre je suis pr sente au monde pr te saisir ce qui s nonce Ma vue va la rencontre de ces voix tremblantes et diffuses s levant en moi J aspire l criture Ma pratique po tique est une tentative de saisir ce qui me constitue et ce m me 81 je sais que l objet de cette qu te se voile mesure que je tente de le cerner par l criture Mais n est ce pas l ce qui nous pousse crire l existence de cet impossible objet de cette pr sence dans l absence alimentant inlassablement l criture Le po te cherche le mot ultime qui traduira cet inatteignable toujours fuyant Ainsi l criture po tique est elle une interminable errance puisqu il y a toujours un cart entre ce qui monte l int rieur du po te et le texte que trace sa main Mais n est ce pas gr ce cet cart mais aussi cette tension que le texte po tique acquiert sa dime
30. it d un regard Coll Vis a vis Montr al ditions Trait d union 2000 109 p Bobin Christian La part manquante Coll Chemin Paris Gallimard 1989 100 p 30 Souverainet du vide suivi de Lettres d or Coll Folio Paris Gallimard 1995 103 p Malenfant Paul Chanel Vivre ainsi suivi de Le vent sombre Montr al ditions du Noro t 2005 120 p
31. je ne sais plus quoi me rattacher je marche orpheline en qu te de batailles qui n auront plus lieu 13 J aurais voulu te dire des mots impardonnables comme des poignards qu on plante dans le dos ils me sont venus trop tard et je me suis tue 14 ma chair n entend plus ta voix ta voix cassante celle qui d truisait toute parole le cordon a c d et je triomphe d une guerre sans victoire 15 t crire ravive la douleur je ne suis bien nulle part t respire qu un air vici je m accroche pourtant ma vie les yeux ferm s 16 81 cru la d livrance 111815 sans 101 16 m enlise un peu plus chaque jour dehors il n y a plus rien ni oiseaux ni lumi re J tais pourtant si s re du monde 17 je voudrais regarder la vie du haut d un arbre bien cach e dans les feuillages je ne suis pas faite pour la terre terme encore moins pour le deuil 18 Parole bless e J ai tamis les mots sans m en apercevoir puis j en ai choisi quelques uns ceux qui pr f raient se dire en toute simplicit 20 j ai rig des murs dans ma t te labri 16 me suis allong e Contre les 1917061702 l 211 COUL le chant issu du silence qui montait en mol 21 jai perdu la parole une nuit mon r veil 81 vu vu la blancheur des draps sans rien regretter il faut apprendre disparaitre 22 crire coup de jets sanglan
32. laude Edmonde Magny car 11 faut tre pr t y engager nos forces profondes crire est une action grave et qui ne laisse pas indemne celui qui la pratique Une 1015 engag dans cette voie il n est pas de retour en arri re qui soit 5088151650 crire est donc un acte risqu qui confronte le po te ce territoire inconnu en lul Le po te cherche dire ce d calage entre lui et 16 monde 11 essaie d exprimer ce sentiment le tourmentant celui de ne Jamais tout fait 30 Claude Edmonde Magny Lettre sur le pouvoir d crire Castelneau le Lez Climats 1993 p 63 62 correspondre ce qui l entoure Par dessus tout il veut atteindre l essence de toute chose Il veut dire la v rit mais pas la v rit apprise LL L autre v rit celle qui charrie dans son flot les pulsions de l enfant attard en lui les contradictions de l adulte mal 50 1 115651 Ma po sie t moigne de toutes mes blessures de celles que je porte en moi depuis l enfance Par elle s exprime ma difficult de vivre au quotidien de m inscrire dans le monde mais aussi de me soustraire au pass Entre ses lignes s entrelacent mes peurs d enjfant mon refus de grandir seule et sans appui de plonger dans l inconnu Elle porte les stigmates de tous ces serrements de c ur qui habitent l enfant adulte se cachant en moi N anmoins mes po mes ne sont pas une retranscription exacte de mes motions i
33. ls mettent plut t en sc ne une v rit allant en de de ma propre compr hension ils laissent place l inconnu en mol 115 cr ent un espace o une voix de l intime peut s lever l intime n tant pas ce qui est secret enfoui cach ou retenu mais au contraire ce qui se montre ne peut pas se retenir fait surface un intime comme l explique Ren Payant d s identifiant puisqu il manifeste l Autre dans le corps a cet Autre que l on porte en soi mais dont on ne peut repondre 51 Louise Dupr Cela oui le po me dans De l criture du po me p 95 96 32 Ren Payant Vedute pi ces d tach es sur l art 1976 1987 coll Vedute Laval ditions Trois 1987 p 643 33 Ibid p 643 63 Le po te porte en lui une blessure imgu rissable il est habit par une souffrance qu il cherche nommer tout en la sachant innommable N anmoins il accepte de vivre avec cette part d ombre car 11 sait que de cet espace indicible lieu de l intime vient la voix du po me La parole po tique se propose donc comme la seule voie empruntable pour le sil veut parvenir exprimer linexprimable ce vide que le langage tente de combler et qui lui insuffle une urgence de dire un besoin inlassable de relancer l criture Le poete tente de mettre en mots le murmure s levant en lui 11 esp re non pas s en lib rer mais plut t lui faire prendre forme Ges po mes s
34. lt rit crit Maulpoix Les repr sentations apparaissant dans ma po sie ne sont donc pas l expression de ma voix propre mais traduisent plut t l cart entre le je et le moi Chacun de mes po mes laisse entendre une voix d doubl e une nonciation manant la fois de moi en tant que sujet mais aussi de cet Autre en moi Mon criture n illustre donc pas le parcours de ma vie elle est la manifestation d une voix s non ant en de de ma propre subjectivit la modifiant la d passant elle est la voix de ce qui me tire hors de moi Les images enfouies donnent entendre la m moire non pas comme une unit de stockage le disque dur de nos souvenirs mais davantage comme une collection de caches Une collection d oublis que l criture interrogerait inlassablement les portes de celle ci lui demeurant interdites La po sie de la m moire s alimente 5 Jean Michel Maulpoix M moire cache dans L image r calcitrante coll Page ouverte Paris Presses de la Sorbonne Nouvelle 2001 p 170 52 Ibid p 175 76 de toutes nos repr sentations perdues ramenant de mani re cod e dans les mots du po me les secrets enfouis de nos vies Voil pourquoi l criture repasse sans cesse par les m mes mots images qui sont les balises et les rythmes de nos chemins aveugless3 Et pien 111 11 Sache l poete persiste et signe car l criture est pour 11131 le seul moyen
35. n l expression de Jacques Brault et mon attention je la porte sur tout ce que fai d laiss sur ces objets ou ces fragments de vie que 16 ne vois plus tellement ils font partie de mon existence une chaise vide une tasse br ch e l cho d un rire dans la ruelle Tous ces minuscules signes de vie r veillent en moi des repr sentations perdues favorisant la remont e de cette mati re obscure et essentielle qui nourrit mon criture Trouvant son inspiration dans la simplicit du familier le po te de l intime d laisse le grandiose 1 pr f re la noblesse silencieuse de ces objets que l on abandonne trop souvent derri re soi L intimiste est un chroniqueur du laiss pour compte Sa chronique souligne Jacques Braultss il l crit simplement ne s attardant que sur les petites choses du quotidien celles qui parlent davantage d une individualit que de l humain en g n ral une individualit assur e d une pr sence en lui Aussi son exp rience po tique ne se vit elle pas loin du monde mais avec lui car chaque instant chaque regard aussi banal sot lui ouvre une fen tre vers l invisible vers ce qui fait cho sa propre 54 Jacques Brault Au fond du jardin Accompagnements Montr al ditions du Noro t 1996 p 90 39 Ibid p 20 8 int riorit Pour 1011011816 l essentiel r side dans la r alit m me la plus ordinaire Ma po sie ne cherche pas courtiser l extraor
36. nsion sp cifique qu il tire son pouvoir de nous emporter vers l arri re texte dans un lieu inconnu encore impens toujours au dehors au c ur de chaque mot chappant au sens iis souligne Michel Collot 24 Michel Collot La po sie moderne et la structure d horizon p 169 59 L exp rimentation du vide la sensation manque est l l ment central de la cr ation artistique crit Monique Deland 23 Et c est la tension entre le d sir de se fondre avec l Objet perdu et celui de lui donner forme qui participe 18 relance du processus cr ateur puisque ce d sir demeurera toujours irr alisable La po sie est une reprise constante de chemins r emprunt s sans rel che les m mes th mes y revenant encore et toujours comme si le po te tait conscient de n avoir pas encore r ussi cerner la raison de leur mergence Et c est peut tre l toute la beaut de l criture po tique celle de constamment nous maintenir distance de l objet de notre qu te afin que jamais ne s apaise notre soif de dire car lJe po me est l amour r alis du d sir demeur d sir 26 comme le dit si bien Ren Char Lorsque le po te est attentif ce qui s offre son regard il est touch au plus profond de lui m me Alors il se met l coute du murmure engendr par sa vision car 1l sait que par elle se cr e le langage qui son tour donne lieu au po me 2
37. nt constamment hors d haleine Le quotidien attire mon attention et fait vibrer en moi quelque chose de profond ment enfoui amalgamant le dehors au dedans Voir unifie Je suis ce que je 01585 5 crit d ailleurs Alexandre Hollan Regarder c est prendre le risque de se laisser toucher d tre branl puis de consentir tre envahi par une pr sence se manifestant en de de l objet de la vision voir c est aussi reconna tre le moment o une perception r sonne dans le 0 8 Aussi en cr ation l acte de voir n est pas ce qui importe le plus l essentiel c est le retour vers soi qu il entra ne le travail qui fait advenir le langage Le quotidien mia amen e l criture et l criture a fait de moi quelqu un dont le regard se retourne vers l int rieur Quelqu un qui la r alit se livre par images mais les yeux mi clos en tout cas moins ouverts sur le visible que dessill s par 1 10 18151665 63 Alexandre Hollan Je suis ce que je vois Notes sur la peinture et le dessin 1975 1997 Cognac France Le Temps qu il fait 1997 p 11 64 Ibid p 11 65 Jean Michel Maulpoix M moire cache dans L image r calcitrante p 170 SE La po sie est devenue mon hymne la vie elle nonce ce qu il y a de plus vrai en moi et ce m me si cette v rit demeure voil e mes propres yeux Car crire n est ce pas aussi accepter de rester la lisi
38. on temps afin que le po me puisse crever l cran des souvenirs et nous entra ner vers l in dit Tout au longs de l criure d monrecuel 1e m Suis queshonn e sur les th mes abord s me demandant 8115 n taient pas trop pr s de ma r alit J avais l impression de m tre laiss subjuguer par mes DIOpres Souv rirs d tre rest e trop pr s dune po sie presentant des tats d me une po sie n voquant que ces motions ressenties parfois face des situations v cues ou observ es Je me suis interrog e sur les fondements de mon criture sur ce qui la distingue d une criture autobiographique et jai finalement compris avec le temps et beaucoup de recul que mes po mes ne sont pas une retranscription de mes souvenirs mais plut t la manifestation d une voix venue du plus profond de ma m moire Bien qu elle se rattache ma propre histoire mon criture n est pas celle du souvenir mais plut t celle d une m moire faisant intimement partie de moi Ma po sie cherche cerner l insaisissable 43 Jean Bertrand Pontalis Fen tres p 108 1 Dida D 108 0108 71 qui me constitue Elle porte en elle les traces des images et des v nements enfouis dans mon inconscient sans toutefois pouvoir les d coder Aussi mon criture po tique ne d voile rien Elle est plut t une mise en mots de toutes ces sensations ou impressions terr es en moi et qui par le travail de la m moire r
39. ont une tentative de donner une voix sa souffrance de rendre ce qu il ressent au plus profond de lui Et pourtant le po me ne dit pas n explique pas il parle travers ses silences mais aussi le rythme les sonorit s qui infltrent la textualit La parole po tique se soustrait la parole rationnelle c est une langue n existant que par et dans le silence l ayant vu naitre et dont elle garde trace Le silence dans le poeme se pr sente comme la face cach e du langage 1 n est pas l absence de parole mais une parole qu on n entend pas qui parle tout en se taisant et qui r sonne imperceptiblement comme une cloche Le silence dote le langage 34 Jacques Ancet e L Interception dans Du vide au silence La po sie coll Essais et recherches Ottawa Editions du Vermillon 2001 p 21 64 d une paisseur nouvelle et se fait le passeur de toutes ces motions ces sensations habitant le po te lors de l criture mais pour lesquelles celui ci reste sans mots Ainsi le po me dit toujours plus que ce qu il ne laisse entrevoir car en de des mots s nonce une voix silencieuse mais signifiante une voix d o s chappe ce que l on ne peut nommer clairement Parfois le silence traduit l incapacit de l inconscient se dire ses bulles ses soupirs crit H di Bouraou i La po sie permet au po te de pressentir ce qu il ne sait pas de lui mais dont il per oi
40. ots pour se dire sauf par l criture Par le regard nous tentons de circonscrire cet inconnu qui nous habite celui l m me qui parle en notre nom Mais pour voir v ritablement il faut tre capable de se quitter de se laisser impr gner sans expliquer car ce n est que lorsque l on se met 17 Bernard No l Journal du regard p 54 15 Ibid p 57 20 distance de l objet du voir que l on peut entendre le doux bruissement de la langue Un jour la vue se vide et l on entend derri re ses propres yeux le bruit des noms qui tombent 20 Regarder c est tre t moin d un retour vers soi tout notre tre est alors contenu dans nos yeux L acte de voir fait apparaitre l obscur ce qui derri re nos yeux anime le regard il ne d voile jamais totalement ce que nous sommes mais s attarde tout de m me ce qui nous ressemble Le visible est le lieu crit Bernard No l dans lequel le mental du po te se donne voir mais d une mani re masqu e Le regard fait du visible son lieu des signes et chaque po me est un regard sign l Ainsi l objet ou le paysage regard veille la part cach e de notre tre 1 permet ce qui ne se d voile que de mani re voil e de s noncer dans le tissu du po me Accoud e sur le bord de 18 fen tre ma vue se saisit de tout et de rien des cureuils courant sur les fils lectriques des enfants faisant du v lo dans la
41. part manquante p 43 11 Jbid p 43 12 Christian Bobin Souverainet du vide Lettres d or p 59 60 53 Aussi la po sie exige t elle tout de nous L criture demande au po te de laisser 18 sur le pas de lui m me ses souliers trop longtemps port s Loin de se replier sur eux m mes les po mes visent un dehors un horizon ils ne renvoient pas au monde observ par le po te mais plut t ce qui s est d pos en lui alors qu il l observait J ai toujours eu l impression qu il y avait quelque chose derri re l objet per u par l acte de voir que toute vision tait doubl e d une imperceptible pr sence par laquelle le langage pouvait advenir Ainsi ce n est pas le paysage la port e de sa vue qui attire le po te souligne Michel Collot mais c est plut t que horizon ouvre un espace vers l infini il cr e un point de fuite lui laissant percevoir la pr sence de l invisible une perte qui s accompagne pour le po te 1 d une plong e dans des profondeurs int rieures qui chappent l inspection de la conscience plong e faisant que tout coup l observant et la chose observ e se confondent dans l appr hension indistincte d une seule et m me profondeur de pr sencelf Cet invisible que le po te per oit ne serait il pas en r alit une manifestation de sa propre int riorit L invisible cest peut tre ce contact bref et privil gi avec la partie la plus in
42. po mes peuvent se d ployer librement laissant ainsi toute la place cette Autre que je porte en moi La pratique po tique a ses propres modalit s de fonctionnement elle utilise un mode de perception allant en de des mots et de tout ce que les mots charrient comme images et comme connaissances crit Pierre Bertrand Le po te veut porter son attention vers l inexprim l inexplor Il essaie d innover de s loigner du sens convenu de la langue courante il secoue la langue afin de lui faire dire plus s int ressant davantage la partie sensible du signe une signifiance exc dant la signification 36 Mikha l Bakhtine Esth tique et th orie du roman Paris Gallimard 1978 p 70 cit dans Ren Lapierre L exigence de la forme dans Dans l criture coll Travaux de l atelier Montr al XYZ 1994 p 9 En italiques dans 16 texte 57 Pierre Bertrand Paroles de l int riorit Dialogues autour de la po sie Montr al Liber 2007 p 61 66 La po sie montre ce que nous avons sous les yeux mais que nous ne voyons pas ou que nous voyons mais seulement en passant sans en saisir toute la profondeur8 Elle dote le langage d une vertcalit d une paisseur nouvelle Par elle les mots deviennent plus denses et portent alors en eux un sens les transcendant L criture po tique met en lumi re de l in dit ou de l improbable Elle donne forme l infigu
43. rable explique Michel Collot elle illumine une part de soi jusqu alors inconnue ou du moins s en approche Par sa pr sence elle red finit notre mani re de voir le monde largit le champ de nos perceptions lib rant ainsi ce qui sans elle serait rest emmur l int rieur de nous Mais parfois cette parole ne vient pas les mots n ont rien dire avoue le po te Martin Thibault ils sont morts On dirait alors qu on se regarde crire au lieu d tre dans l criture la voix est dans la t te et non dans le po me Ces jours l on crit et on sait qu on crit 3 Ces moments je les 81 v cus lors de l criture de mon recueil J ai ressenti de la col re face mon incapacit me d centrer faire silence afin de laisser la voix du po me s lever J tais pleinement consciente alors que mes mots manaient d une pens e rationnelle dirig e mais je ne parvenais pas l cher prise taient ce les pr occupations du quotidien qui d tenaient toute mon attention ou tait ce une fa on consciente ou inconsciente de me prot ger de mol 38 Pierre Bertrand Paroles de l int riorit Dialogues autour de la po sie p 71 59 Martin Thibault ibid p 39 67 m me de ne pas approcher mes propres zones d ombre Qui sait Ou plut t sait on jamais De ces moments l jai appris qu il faut parfois quitter la table de travail accepter qul y a des jours o crire ne sert rien
44. rer dans l criture Par son entremise je me laisse happer par ce qui s l ve derri re le visible Ma vue perd de sa pr cision 16 rationnel me quitte et les mots issus du sensible s imposent alors d eux Je me 1111 en mol pour me mettre l coute d ce silence qui est dans le silences Cet tat dans lequel la vision me plonge ressemble ce que d crit Didier Anzieu dans Le corps de l uvre lorsqu il explique les diff rentes phases du processus cr ateur le saisissement cette premi re tape o le sujet est brusquement happ par une impression forte un sentiment qui envahit l esprit et m me l me c est dire le noyau de son tre psychique et d o mergent des repr sentants de choses et de mots issus de linconscient qui enclencheront l criture 6 Christian Bobin La part manquante coll Le Chemin Paris Gallimard 1989 p 42 7 Didier Anzieu Le corps de l uvre Essais psychanalytiques sur le travail cr ateur coll Connaissance de l inconscient Paris Gallimard 1981 p 102 50 Assise la fen tre c est ce saisissement que j esp re ce mouvement amor ant l criture que j attends Je me laisse envahir par le silence je suis l coute des voix cherchant se dire l int rieur de moi Mes yeux errent balayant le dehors et parfois lillumination se produit mon regard bute sur quelque chose une berceuse oscillant au vent des cordes
45. rm e par un travail po tique Je rejoins Edward Munch lorsqu il affirme Je ne peins pas ce que je vois mais ce que j ai vu Non pas ce que J aper ois tout de suite au dehors de moi mais ce qu en moi je ne puis ignorer tant j en suis marqu avoir vu un jour Ce qui longuement a transit en moi Ce qui du monde s est jet en moi alors que je me croyais 1616 dans 16 monde D Pr f rant le silence loquent de l immens ment petit mon criture fuit la grandiloquence et le fracas Elle proc de d une subjectivit o transpara t la tendresse d un regard pos sur le monde sur ce que je porte en moi de plus fragile et de plus humain Elle mane d une parole la fois personnelle d une parole participant en m me temps d un d sir commun de t moigner de faire signe de nos absences 7 En cela elle recherche universel crire une po sie de l intime c est laisser pressentir travers les mots et les silences du po me toutes ces voix nous habitant des voix 56 Alain M dam citant Edward Munch dans La tentation de l uvre Montr al Liber 2002 p 34 35 57 Pierre Nepveu Pr face dans Po tes du Noro t Petite anthologie de la po sie qu b coise Saint Laurent Biblioth que qu b coise 2003 p 12 80 qui loin de se replier sur elles m mes assument partir d une individualit un rapport global au monde ses lieux s
46. s jours J cris une lettre destin e moi seule parfois je la relis parfois je la d truis sans en ouvrir l enveloppe 16 pars trop souvent sans laisser d adresse 34 des voix vont et viennent dans ma t te et murmurent sans permission un jour 16 16 sais je me perdrai vous aurez alors me dire qui parle en mon nom 35 le silence se terre impuissant derri re ma porte et attend que s apaise le claquement de mes dents 36 je regarde par la fen tre et me cherche au loin un corps se balance entre ciel et terre sans attaches c est peut tre mol ou quelqu un d autre 16 ne suis Jamais seule dans mes disparitions 37 chaque lune est une mise aux fers ne CUITE dans le noir 16 ne sais plus faire taire mes hurlements je vous en prie rapp lez moi pourquoi 11 faut se battre 38 une femme avance dans mon r ve ploy e sous la lourdeur de ses voix allong e sur les galets elle laisse la rivi re gonfler ses poches puis elle boit l eau pleins poumons 39 je cherche une lueur dans la lucarne de ton regard et n y aper ois pas mon visage je reste l immobile dans la paleur du jour trang re toute soif je te lai dit mais tu ne m as pas crue j tais morte avant d ouvrir les yeux 40 le n ant me guette et vous efface peu peu de mon regard vos mains ne suffisent plus me retenir pardonnez moi 41 j ai asphalt l entr
47. t la pr sence Le pocte essaie d aller au plus pr s du ressenti afin de permettre aux mots d tre porteurs d affects Il rythme son criture partir de la force de l impulsion qui l a tout d abord anim Il tente de rendre le plus fid lement possible l authenticit d une voix inaugurale ayant fait na tre l motion La po sie fait entendre de l inaudible dans l audible elle permet d couter ce qui ne peut tre entendu que par elle couter ce que je vois ne se r sume peut tre qu ce d sir de se mettre l coute de la voix montant du silence en soi silence devenant alors un espace o peut se d ployer la parole po tique lieu 55 H di Bouraoui Quand le silence se fait Roi du po me dans Du vide au silence La po sie p 32 33 65 o s installe un dialogue secret entre cette Autre que je d couvre dans mon int riorit et la femme de la vie courante Par l criture je tente de saisir l insaisissable de cette conversation muette qui le temps d un regard s est appropri mon attention Mais un tel dialogue ne peut advenir sans un v ritable travail de d tachement de soi un dessaisissement par lequel comme l explique Bakhtine le motif de l exp rience esth tique ne se trouve plus dans une affirmation ou une r it ration du connu mais plut t dans une transfiguration porteuse d alt rit de diff rence t une alt rit gr ce laquelle mes
48. t sec jai mis la nappe sucr ton caf comme d habitude je me suis assise et Jai attendu un miracle tu m as toujours dit que la mort fait mal tu ne m avais pas pr venue que jen mourrais aussi le temps dissout tes odeurs chasse l empreinte de tes doigts sur le piano mais une photo et tu es l 16 souris un instant ON a tu mon me le jour de ton d part on l a saign e blanc depuis Ce temps Jerre tel un fant me la recherche d un visage qui porterait ton nom assise dans ta berceuse en silence J ai parpill sur le balcon les d bris de mon c ur 16 les 81 regard s se disperser au vent ne plus marcher dans ton ombre avancer seule vers l horizon qui tremble tu m obliges grandir et je ne le peux pas je ne sais vivre qu travers 101 tu nous as quitt s bien avant ton regard laissant peu peu s tendre ton souffle je nai pas cherch te retenir sans armes rien ne sert de lutter 10 de fr les rivi res marquaient ton front tu avan ais sans nous les l vres ourl es de souvenirs la mort semblait 51 belle sous tes paupi res que je voulais my glisser 11 tu ne mettais jamais tes dessous sur la corde linge tu pr f rais les dissimuler sous l auvent les miens s agitent dehors au gr du vent j aime les regarder Insoumise pr te enfin les laisser s envoler 12 il y a des matins clairs de brume o
49. time en soi une piphanie de l inconscient ces voix int rieures qui acceptent soudainement de faire sentir leur pr sence une pr sence ne pouvant se r v ler que par une attention toute particuli re l motion montant en 80 13 Michel Collot La po sie moderne et la structure d horizon p 27 28 14 Ibid 5 28 54 L invisible est d abord et avant tout en soi Ce que l on voit nous interpelle parce que c est le miroir de cette int riorit crypt e nous habitant Le regard est la projection dans le visible de notre propre part d inconnu de ce qui en nous est enfoui refoul L invisible commence dans l il Il contient le pendant de l espace ext rieur c est dire notre espace int rieur De l un l autre le regard se fait le passeur is Notre compr hension du monde est filtr e par notre regard Voir c est s lectionner interpr ter mais c est aussi emmagasiner et ce tr s souvent notre insu des donn es qui un jour r appara tront dans le tissu du po me La vue est un sens et l 1il l oriente Lou est l organe du sens 1 l oriente de l horizon vers le visage Puis vers la languel6 nous rapprochant ainsi de ce sensible dou manent les mots Mais lorsque nous regardons est ce l ext rieur qui alimente l int rieur ou plut t l int rieur qui se projette dans l objet de notre vision Tout cela rel ve probablement d un mouvement de va et vient le regar
50. ts juste pour voir s ouvrir les veines 16 suis descendue en moi mais n ai rien trouv je me suis enfuie 23 des mots s empilent et tombent sur le sol inaudibles il ne me reste alors que quelques syllabes 131011110 0 53 50118 un point 24 des ombres pr c dent chacun d mes pas et d posent dans ma bouche des fragments de phrases EU EE eer s l ve en mol 25 les mots me tourmentent et J attends une gr ce qui m iIgnore prospecteur fou qu teur d or je n amasse que du plomb 26 j cris abandonnant sur le seuil des souliers trop longtemps port s 11 m en aura fallu du temps pour comprendre que les mots ne se donnent que dans la nudit 2d une main dans ma poitrine me laboure et laisse sur la feuille des sillons de m moire parole bless e 28 Dans le noir j ai pingl ma vie au calendrier Vai regard e bien en face pr te la dompter entre deux dates j ai cru l attraper mais elle a fil 1 y a des jours o l on ne peut rien 30 des bruits de pas des rires des cris JOYEUX des enfants me tuent dans la ruelle et je tombe je ne me rel ve pas j ai grandi sans mode d emploi 31 je baisse les yeux devant mon reflet il est trop tard pour apprendre me sourire 32 une poussi re entre deux lattes du plancher 1111111111 pris dans des n uds et qu on crase sous le pied voil la vie 33 tous le
51. ue ressentie au plus profond de lui m me Le po me laisse entendre le bruissement inaudible de ce qui 18 fait na tre il laisse jaillir des mots et des rythmes charg s du silence d o ils ont merg Il se manifeste dans le recueillement en attente d une sensibilit pr te l accueillir Mais comment le silence se mat rialise t 1l dans le po me Quelle forme rev t 1l dans l criture afin de nous faire entendre cette parole secr te dont il est porteur C est par les blancs que le po me laisse filtrer le non dit Le blanc mat rialise sur la page cet indicible invisible que mots et choses supposent pour tre vues et entendues Par ses blancs le po me communique avec le silence int rieur au monde 1 dit plus que les mots ne sauraient dire L espace devient criture les blancs qui repr sentent le silence et peut tre pour cela m me disent quelque chose que ne disent pas les signes 41 Le silence est une parole qui s exprime tout en se taisant une parole qui peut tre traduit cette impossibilit de la m moire se dire Le po me proc de de l indicible mais d un indicible qui malgr tout doit tre dit en ne se disant pas Le po te fait vibrer la langue 51 Michel Collot La po sie moderne et la structure d horizon p 184 69 pour susciter l in dit cette parole silencieuse traduisant l impossibilit de la m moire se dire M moire voil un mot cl de ma
52. us deux jouent avec Impr vu s lectionnent et relient des parcelles ou des mots issus de l inconscient tentant de fonder leur continuit sur les ruines d un ordre qu ils recomposeraient chacun leur mani re La m moire propose au po te une langue neuve De son c t la po sie pr te sa voix la m moire elle permet l inscription de cette mati re obscure qu elle rec le et qui sans le recours de criture resterait silencieuse La m moire permet de retrouver travers la r miniscence d un jadis et d un l bas la racine commune la double nigme de notre ici et notre maintenantt8 L criture de la m moire s accompagne de ce sentiment d tre poursuivi par la rumeur lointaine de ce qui a t de ce qui nous poursuit sans jamais se d voiler crire le pass le m taphoriser explique Collot entra ne une conversion de l ant rieur vers l ult rieur car le pass comporte toujours une dimension cach e C est aussi accepter ce que l on ne comprend pas 47 John E Jackson M moire et cr ation po tique Paris Mercure de France 1992 p 93 48Michel Collot La po sie moderne et la Structure d horizon p 63 64 3 D laissant momentan ment le pr sent le po te de la m moire tente de reprendre contact avec un savoir qui le concerne Il interroge son pass et c est travers ce questionnement qu advient l acte po tique La m moire amorce l acte cr
53. ux vers un objet afin de le voir il est l expression des yeux de la personne qui regarde La vue est ouverture fen tre Elle est toujours l incarnation d un passage Le regard dans l exp rience po tique est une invitation voir au del de l horizon afin d approcher ce que l on ne parvient pas nommer Regarder po tiquement c est accepter de perdre pied c est se d centrer pour entendre d autres voix en soi et hors de soi c est laisser place ce qui sans cet loignement ne saurait se dire Voir c est consentir se laisser capter emporter ne plus voir ce qui est autour de soi ne plus tre enferm dans ce qu on croit tre soi ne plus entendre que ces voix l venues de l arri re pays 7 3 Josette Rey Debove et Alain Rey dir publ Le Nouveau Petit Robert dition mise jour et augment e Paris Le Nouveau Robert 2004 p 2811 Ibid p 2214 gt Jean Bertrand Pontalis Fen tres Paris Gallimard 2000 p 112 49 Cet arri re pays est un l impossible identifier Il se cache derri re le regard port mais fait cho ce qui se dissimule l int rieur de soi et par quoi se montre lavant du langage Ces volx l issues de l arri re pays je les ai entendues pr s d une fen tre le regard perdu vers l horizon Rien n aurait pu s crire sans la pr sence de ce filtre entre moi et le monde La fen tre me permet d ent
Download Pdf Manuals
Related Search