PDF 515 ko
Contents
1. Article Acheter sp culer vendre un capitalisme sentimental Ouvrage recens Un capitalisme sentimental d Olivier Asselin Canda 2008 1 h 33 min par Jacques Godbout Spirale arts lettres sciences humaines n 228 2009 p 49 50 Pour citer cet article utiliser l information suivante http id erudit org iderudit 1938ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 27 CIN MA par JACQUES GODBOUT Acheter sp culer vendre Un capitalisme sentimental UN CAPITALISME SENTIMENTAL d Olivier Asselin Canda 2008 1h 33min 1 En 1917 Marcel Duchamp signait New York un urinoir de porcelaine blanche qu il exposait le baptis2. SEPTEMBRE ocTOBRE 2009 SP foule que le cin ma r aliste Ce film est une uvre d art par lui m me les d cors en clich s extr mes du Paris de la Belle poque le retour vers le Nouveau Monde en mono place au dessus dune mappe monde l arriv e tonnante dans un New York de bande dessin e le jeu distanci des acteurs tout dans ce film demande au spectateur de s abandonner au plaisir de l il et de la m moire comme nous y invi tait M li s jadis qui n a malheu reusement pas eu de nombreux SUCCESSEUTS 6 Je crois avoir vu dans ma vie quelques milliers de longs m trages de fiction dont la vaste majorit tentait de me pr senter la r alit comme si J y tais Je demeure un honn te spectateur je Sais avoir peur rire ou pleurer au bon moment mais je suis toujours plus reconnais sant aux cin astes qui m invitent participer sciemment leur jeu Olivier Asselin fait confiance l in telligence du spectateur ne cherche pas tant l envo ter qu partager avec lui une saine indigna tion devant les man uvres des courtiers Aucun tableau ne vaut 35 millions de dollars et pourtant les uvres des ma tres des Xix et xx si cles de Van Gogh Picasso vont chercher ces sommes Peut on en conclure qu en tuant l art Marcel Duchamp a favoris ses ennemis Ou les boursicoteurs 7 Olivier Asselin ne se prive pas d in s rer dans son film de nombreuses r f rences cin matographique
3. QAM vendait les excr ments emball s sous le nom de cacArt servait d une certaine mani re de post face Un capita lisme sentimental Toute l histoire de l art et de Fernande Bouvier pro tagoniste d Asselin trouvait dans cette exposition son aboutissement De l Urinoir de Duchamp la Machine Caca n erlandaise de 1929 2009 l art et l argent se miraient dans l anus magnifique de la mine ciel ouvert dont l industriel du Capitalisme sentimental tirait le kaolin qui sert fabriquer les sani taires de porcelaine Un bol pour chaque cul selon l adage du plantureux fabricant Les capitalistes sont des sentimen taux C est bien prouv par les coups de c ur en bourse mais ce sont aussi des pr dateurs pour qui l art est d abord au m me titre que les ressources naturelles ou les entreprises industrielles un place ment faire fructifier Le film tablit un parall le d licieux entre l Histoire de l art au xx si cle et celle de la finance Jacques Giraldeau avait trait du m me sujet dans un int ressant documen taire La Toile noire et Olivier Asselin en fait la d monstration narrative Un capitalisme sentimental est un divertissement qui exige cependant une rudition artistique minimale de la part du spectateur Sa r ception critique a t dithyrambique son succ s populaire mitig Le cin ma de pure fantaisie s duit moins la SPIRALE 228 SEPTEMBRE OCTOBRE 2009 IRALE 228
4. ant Fontaine Cet objet fabriqu en usine allait devenir l l ment d un discours sur la mort de l art le ready made liminait le travail de l artiste la recherche la trans position la cr ativit II est vrai que certains objets manufactur s en s rie avaient belle allure une roue de bicyclette sur un tabouret de cui sine ou un s choir bouteilles par exemple on peut le reconna tre et ils auraient m rit une place dans un mus e du design industriel Duchamp tait un tre d vor par l argutie qui tentait de d shumani ser l art II fut le premier surr aliste comprendre les lois du march quand son urinoir initial a t d truit ou perdu le bonhomme en signa quelques autres apr s la Seconde Guerre mondiale les pr sentant comme des antiquit s authentiques Le m pris de Duchamp tait sans limite apr s avoir propos qu un Rembrandt serve de planche repasser il affirma que les tubes de peinture produits industriels faisaient en sorte que toutes les toiles du monde n taient que des assem blages c est dire des ready made assist s C est l le v rita ble sujet du film d Olivier Asselin Un capitalisme sentimental 2 Nous venions de refermer la porte de notre appartement parisien en ce d but d apr s midi du 11 sep tembre 2001 quand le t l phone sonna Notre fille nous sugg rait fortement depuis Montr al d al lumer la t l vision Nous avions en s anc
5. e matinale visionn dans un cin ma jouxtant le Centre Pompidou la version int grale de Apocalyose Now le film de Francis Ford Coppola Incr dules nous avons d pos le t l phone et regard l cran des avions qui s enfon aient dans un gratte ciel de New York comme dans du g teau Or nous venions peine d engran ger dans nos m moires d s images violentes d h licopt res d cha n s au dessus des plages et de la jun gle vietnamiennes i oe o Se me Some 3 Quand deux boursicoteurs se suici dent du haut d un difice vers la fin d Un capitalisme sentimental Fernande Bouvier la femme objet et son courtier s emparent des corps de ces capitalistes et s empressent d aller les jeter dans un broyeur La machine recrache alors deux tubes de couleur comme la promesse du retour de la peinture de chevalet On aurait souhait que le cadavre de Marcel Duchamp subisse pareille transformation malheureusement Additionner les spectateurs n impressionnerait personne la d mographie est faible les fonctionnaires pr f reront compter les sommes laiss es aux guichets Il est parfois difficile de ne pas s tonner des rapports qu entre tient le cin ma avec nos civilisa tions en d lire Ainsi le lundi soir 29 septembre 2008 Olivier Asselin pr sentait son quipe de produc tion en projection priv e son nou veau film Nous tions gr ce Judith Dubeau responsable de presse dans la salle de projecti
6. on Pendant qu l cran Un capita lisme sentimental voquait en fic tion le crash de 1929 accompagn d une jolie ritournelle terriblement optimiste les boursicoteurs de la plan te regardaient ce m me soir dans les yeux une crise mon taire que la cupidit les avait emp ch s jusqu alors de voir venir Le cin aste n avait pas pr vu la d b cle mais il l clairait de magnifique fa on dans un ouvrage d art de cin ma et de r flexion Co ncidence son esprit s est incarn dans ces inutiles installations qui ont envahi les mus es d art contempo rain et dont il faut toujours lire le mode d emploi pour en saisir le sens C est aussi le sujet du film d Olivier Asselin l art conceptuel n est pas un concept artistique A Asselin avait entrepris son sc nario depuis plusieurs mois et ne pouvait avoir pr vu la catastrophe boursi re de 2008 Il esp rait seulement d montrer par celle de 1929 que la valeur de l art est souvent douteuse comme le sont les actions de cer taines entreprises Le r alisateur ne pouvait non plus deviner que quelques semaines apr s l arriv e d Un capitalisme sentimental sur les crans de la ville l Universit du Qu bec Montr al pr senterait dans sa Galerie d art l uvre de Wim Delvoye intitul e Cloaca m 5 en fait une machine caca qui transformait les aliments comme notre corps le fait quotidiennement Le succ s de cette sculpture dont la Galerie de l U
7. s ou artistiques mais sans insister cher chant notre seule complicit Tant t nous sommes dans une com die musicale am ricaine des ann es 1940 ou chez Am lie Poulin parfois on retrouve le Chaplin de Modem limes les bordels de Bu uel les apparitions de Piaf sur sc ne ou l avant garde surr aliste un couple assis sur une poutrelle en acier au dessus de Manhattan rappelle une photographie en carte postale des constructeurs de gratte ciels Dans une caricature des productions hol lwoodiennes Fernande Bouvier ira jusqu chanter en compagnie de Rintintin le c l bre chien policier avant de se retrouver bord d un paquebot de r ve sur une mer tale apr s avoir r ussi s duire Broadway dont les spectacles ont toujours int ress les capitalistes du show business D ailleurs Asselin d die Groucho Harpo Chico et Zeppo Marx cette aventure cin matographique sur la boh me et le mercantilisme dans laquelle se rencontrent le Po te qui voulait tre r volutionnaire la Russe qui a fui Karl Marx l industriel fabricant d urinoirs le Financier en mal d amour le Courtier qui gagnera tout coup et la Provinciale qui vou lait tre une artiste Art industrie commerce emplois La production cin matographique Photo Peter Rosemann est subventionn e par les institu tions f d rale et provinciale comme le sont les entreprises automobiles foresti res ou t l visuelles La pre mi re jus
8. tification de ces politiques est la cr ation d emplois les indivi dus dit on retournent aux gouver nements en acquittant leurs Imp ts personnels les sommes vers es aux productions C est le raisonne ment comptable Pour justifier leur existence au plan national les Institutions encoura gent la course au box office chaque sortie de film est accompa gn e d un bilan calgu sur le mod le am ricain Additionner les spectateurs n impressionnerait personne la d mographie est fai ble les fonctionnaires pr f reront compter les sommes laiss es aux quichets Michel de Broin Black Whole Conference 2004 T chaises 400 cm de diam tre Collection du Mus e d art contemporain de Montr al La l gitimit internationale est accord e on le sait Cannes Berlin Toronto Sundance o Venise Certains films ont plus de succ s dans les festivals que dans les salles mais la r putation de l ensemble du cin ma national tient ces s lections arbitraires La l gitimit professionnelle est consacr e par la remise annuelle des troph es de l industrie c est une f te de famille Dans la structure de production cin matographique canadienne le film d Olivier Asselin est un acci dent une aberration un tour de force et sa l gitimit n est ni industrielle ni commerciale ni politique Les uvres d art ne se justifient pas elles t moignent de notre humanit
Download Pdf Manuals
Related Search