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1. ristiques cin matographiques de l iconographie sadienne Et cependant trop de vitesse nuirait aussi au d ploiement de l image Car plus nous rapprochons les images entre elles et plus leur alt rit s accuse des d tails des bizarreries de petits v nements objets gestes corps la cascade d une perruque Pourlet cumeux d un coussin des stries de sang scarifiant une fesse des carts excessifs de proportions entre les figures Ces f tiches d abord fondus dans la 33 Sur la diff rence entre instant quelconque ou instant privil gi au c ur de la bifurcation de la ligne technologique qui selon Gilles Deleuze distingue Part des images qui bougent et l art du cin ma voir le cours Cin ma Image mouvement tenu Nanterre en novembre 1981 consultable sur le site de l Universit de Paris 8 Non pas exactement rythme dans l image ou entre l image et le texte comme l tudie Liliane Louvel mais tempo des s ries d images voir L Louvel Texte Image Images lire textes voir Rennes Presses Universitaires de Rennes Interf rences 2002 pp 242 247 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 16 O Leplatre Sade cin ma masse de l image et alors m me que nous les pensions disparus ou refoul s font retour ils surgissent sur le fond des identit s Tout en allant vite d une image Pautre le regard doit aussi prendre le temps de d2. se joignant au tableau vient en remplir la partie gauche il sodomise Henriette en baisant le cul du gar on qui fout le ministre et manie de droite et de gauche tout ce que ses mains peuvent atteindre Ah qu un graveur e t t n cessaire ici pour transmettre la post rit ce voluptueux et divin tableau mais la luxure couronnant trop vite nos acteurs n e t peut tre pas donn l artiste le temps de les saisir Il n est pas ais lart qui n a point de mouvement de r aliser une action dont le Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 12 O Leplatre Sade cin ma mouvement fait toute l me et voil ce qui fait la fois de la gravure Part le plus difficile et le plus ingrat Le d sir d illustration se d clare ici dans toute son ambigu t Le tableau agenc par les libertins r clame une image fixe qui retiendrait la splendeur du montage et promettrait une inscription du moment dans les archives glorieuses de exp rimentation rotique Il faudrait une gravure qui saute sur le moment terriblement sublime cet instant pr gnant recherch aussi par Lessing et Diderot pour qui le regard du grand artiste doit avoir le sens du temps ponctuel du kairos afin de prendre l action dans la dur e du coup d il Le texte regrette l image m me s il la juge en m me temps limit e par sa difficult restituer le mouvement Car le miracle du tableau q
3. ses innombrables s quences visuelles le texte insiste et l image insiste sur le texte et elle rench rit encore sur elle m me de fa on stimuler l obsession une obsession qui risque la perte ou le b gaiement imaginaire pour mieux se r g n rer La facult d opini tret presque la rage du texte et des images aboutit moins une monotonie des motifs qu la d couverte de leur incroyable f condit Son processus ne r git plus une copie l identique des formes que Sade simule pour la subvertir et la conjurer il ouvre la voie une exploration in puisable des virtualit s de la r p tition dans la perspective de ce que la modernit pourrait appeler des rstallations R p ter aide ainsi appr hender la diversit passionnelle des corps leurs mille mani res de jouir et de souffrir toute une grammaire de postures de positions et de transformations par lesquelles passent les corps et qui les traversent On aurait donc tort finalement de consid rer ces images comme toutes semblables elles ne cessent au contraire de se r inventer De la sorte les gravures participent l exploration d une vaste archive aspectuelle de la mati re qui est certainement la grande ambition de Sade Ce catalogue visuel appara t d abord sur un fond d irr alit fantasmatique L enjeu performatif n est pas en effet pour les descriptions textuelles ou pour les images d offrir une reconstitution de la sc ne dans la r al
4. titions parall le quoique en moins grand nombre la cadence effr n e des sc nes crites De m me que les descriptions rotiques ne cessent de recommencer page apr s page et font corps ensemble les images s attirent les unes les autres redoublant sans en laisser deviner la fin l orgie sexuelle Foutez avec le plus dhommes qu il vous sera possible rien n amuse rien n chauffe la t te comme le grand nombre La r gle commune au textuel et au visuel fix e dans cette page de 11 Ses caract ristiques fondamentales sont l ocularit son aspect visuel et visualisable sa profondeur son paisseur ses relations et son ubiquit sa facult r p titive Ibid p 22 12 On peut citer cette remarque d un des personnages de Godard d Aucourt qui commentant ses bats avec une jeune femme malgr la grille du couvent rappelle ing nieusement la proximit du lexique obsc ne et du lexique technique J ai beaucoup d estampes tr s gaillardes mais aucune des miennes ne copie une situation dans ce go t c est bien l un sujet burin Thermidore La Haye 1776 p 112 13 Histoire de Juliette Premi re partie d cit p 253 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 4 O Leplatre Sade cin ma l Histoire de Juliette d finit P immense quation rotique en fonction d l ments interchangeables aucune cr ature ne valant plus q
5. ce montage des forces charg es par l criture Bascul e dans l image en s rie cette m canisation cette revue du mouvement inaugure un traitement cin matographique du visible Le cin ma ne reproduit donc pas du tout la r alit du mouvement il le traite la fa on des diapositives en le fragmentant en fractionnant des aspects et en les reliant les uns aux autres Le cin ma na t ainsi du choix d enregistrer les syncopes de la vie Dans ses th ories du montage et du photogramme le cin aste russe Eisenstein a d velopp la double id e de l image attach e l instant remarquable et du film labor par l attraction des plans Par son uvre il a voulu r soudre la contradiction essentielle du cin ma entre la ponctualit spectaculaire des images qui rapproche l art cin matographique de toutes les machines vues et la n cessit d un vecteur narratif qui encha ne les ponctualit s Eisenstein souhaitait assembler dans un film une cha ne d excitants des images pouss es leur maximum de tension path tique juxtapos es les unes c t des autres l cart entre elles m nageant le heurt d une diff rence d o d coule l impression de mouvement Dans ses R flexions critiques sur la po sie et la peinture Pabb du Bos th orisait en des termes assez proches cette emprise sensible des sc nes r p t es mais dans le domaine du th tre Quarante Scenes qui sont dans une Tragedi
6. dans la r p tition des s quences rotiques la monotonie des effets voire le caract re path tique de leur message La s rie iconographique rend ainsi vidente l usure assum e par Sade de son syst me textuel elle en est la d charge dans le sens d une conomie de la d pense orient e 16 L Occasion la Rencontre le R el dans son expression infatigable R Barthes La Chambre claire Notes sur la photographie Paris Cahiers du cin ma Gallimard Seuil 1980 p 15 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 d O Leplatre Sade cin ma vers la ruine la d gradation et la d ch ance Les combinaisons sexuelles font de linforme encadr et donc resserr par la gravure le sympt me du trop plein des nonc s crasant les corps les n crosant par accumulation exc s et acharnement Dans l illustration se d posent en image les rebuts textuels Quant la s rie iconographique elle m me elle soulignerait un peu plus encore cette logique de recyclage Recyclage interne des images se redoublant par psittacisme visuel jusqu se d s mantiser et certainement se parodier Recyclage externe puisque poursuivant les changes intertextuels du r cit les images s amusent des superpositions et des connotations elles aimantent une culture imaginaire d j enregistr e en lieux communs et dont les illustrations font leur palimpseste En filigrane des images ou par r manen
7. de l espace Elle braque la lumi re sur les peaux elle compose dans son cadre les formes et elle pr sente le miracle des chairs parfaitement agripp es Car tout se tient en elle merveilleusement bien ou tout est tenu parce que tout est touch fait contact comme s il s agissait de corps conducteurs Le courant passe effectivement par l piderme les humeurs les gestes par les ondes et les flux qui se propagent et soudent la cellule organique des rencontres et des bats Les encha nements et les combinaisons d fient la pesanteur ils comptent sur les maillons des mains et les coordinations des sexes qu aident si n cessaire pour les acrobaties les plus compliqu es poulies attaches cables et cordes Les poses de ces gravures n ont lieu qu une fois de m me que la photographie s appuie sur une certaine occasion du visible la Tych voqu e par Roland Barthes dans La Chambre claire Mais l image qui objective l v nement corporel nonce aussi que ces poses sont encore susceptibles d tre reprises puisque chez Sade retient moins le r f rent de la pose que ce qu elle promet de recommencements m caniques Arr t ce point de tension et de suspension que fige l image le corps illustr se rend ind cidable notre jugement vrai dire il accro t nos choix et il stimule nos incertitudes Comment appr cier la valeur de ces clich s Epousant lintention du texte l illustrateur ne sous estime pas
8. de publier l ensemble des gravures sans le texte sous le titre Sade illustr On peut s amuser faire fonctionner ce livre comme un flip book Ce geste est possible parce que les illustrations sont assembl es les unes la suite des autres Mais plus fondamentalement parce que chaque image des livres de Sade regarde en arri re l image pr c dente dont elle est la r p tition diff renci e et en avant l image suivante qui va la reprendre sans lui tre semblable Les images s appellent tout en n tant jamais tout fait superposables Parfois la sc ne vue accentue sa forme et sa pose en se d tachant mieux en marquant un peu plus sa singularit et alors elle fait davantage b gayer le mouvement la s rie visuelle s apparente plut t la lanterne magique parfois ou le plus souvent son extraordinaire se banalise suffisamment pour faire de l image un instantan un instant quelconque et non privil gi qui augmente la fluidit de la s quence Quoi qu il en soit les images battent un rythme cadenc par le texte qui s intercale le cin ma r clamera l intervalle pour le mouvement et par le passage d une gravure Pautre selon des espacements variables dans l uvre et non quidistants comme sur la pellicule Cette intermittence de l illustration cette iconorythmie est gt structur e par le nombre important de la s rie elle met en vidence un rythme des images qui s ajoute aux caract
9. et se reformer Il les obstrue de fa on faire surgir des blocs et des masses il les gorge de substances Par les actes chirurgicaux de la cruaut encore il les incise les d coupe les retrace et les sculpte Le dispositif est enfin tourn vers une r p tition linfini de ces aspects disponibles pour toutes sortes de redistributions Si bien que les illustrations se concevraient assez bien chez Sade comme les empreintes de son criture capable par sa force propre de graver ses images en s appuyant sur les facult s techniques de relief et de reproductibilit des sc nes charnelles Les corps model s du texte rencontrent marquent et ainsi violentent mais la gravure impression burinage est une op ration brutale la page illustr e vierge d flor e laquelle ils imposent leurs contours et leurs formes Directement imprim es par le texte les images conservent d ailleurs la trace de leur origine typographique Plusieurs d entre elles pr sentent en effet un v ritable corps de lettres imag es sur le mod le des ab c daires rotiques anthropomorphes Simplement ici les empattements corporels dessinent un autre alphabet sous forme de signes in dits dont le texte et ses surprises rographiques sont la source et dont ils diffusent en quelque sorte les anagrammes gr ce leurs consonnes et leurs voyelles de chair 2 Ces gravures de surcro t produisent entre elles un syst me tr s dense de r p
10. extr me dans les livres o Sade propose au lecteur des s quences obsc nes orchestr es par l criture pour agir d j comme des frappes graphiques Les illustrations rejouent sur le plan visuel des pisodes pr alablement intensifi s par le r cit et orient s vers la repr sentation sur le mode soit pictural pour Sade les corps savent s agencer en tableaux soit th tral les bats s ordonnent en sc nes Les situations textuelles sont donc traduites de fa on homoth tique l image grav e vient se substituer par quivalence l image crite elle claire et l incarne Nous pourrions ajouter que en cela comparable une chambre noire mais en inversant son processus l illustration concentre pour le regard dans le cadre r duit de son emplacement ditorial six centim tres et demi sur dix le monde sexuel qui sature les histoires Elle redouble en les r duisant par ses vignettes les pages qui lenvironnent et dans lesquelles elle s ins re On trouvera au sein des gravures elles m mes une figuration de cette r p tition miniaturisante qui cristallise visuellement le texte dans l image travers les effets r currents d ench ssement mis en sc ne par le graveur Fen tres portes lits alc ves canap s sofas panneaux de bois et moulures sertissant des simulacres de tableaux sont les m taphores du cadrage des corps dans l image Ces l ments embo t s soulignent en miroir l espace illu
11. la communaut dispersent en elle chacun de ses membres L image est alors directement lexpression de cette incarnation abstraite paradoxale Elle condense l obsession sadienne d une corporalit affich e telle qu elle est v ritablement tendue vers la disparition de toute singularit une fois dissip le gazage du romanesque et une fois tomb le drap du d sir L image illustrative impose le r sultat clatant des corps nus leur profondeur remont e la surface Elle porte l il l essence naturelle anatomis e du corps en sa logique organique et m canique Lecteur de La Mettrie Sade pouse son mod le du corps machine il lactionne perte de vue dans le champ exp rimental de l criture Ses romans se resserrent sur les corps au travail d personnalis s compulsivement nerg tiques 14 M Blanchot Sade et R tif de la Bretonne Paris Editions Complexe Le regard litt raire 1986 pp 33 35 15 Ibid p 38 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 5 O Leplatre Sade cin ma connectables en r seaux fonctionnels et it ratifs Les gravures enregistrent et activent leur tour la structure de cet ros machine A ce titre elles ne sauraient tre vues comme de banales illustrations Elles manifestent plut t un programme ou encore un syst me dont le mode op ratoire et formel combine le ressassement et la saturation visuelle L on comprend alors pourquoi le p
12. sa prison de Vincennes et qu il renvoyait de la m me fa on p 200 ce propos Michel Delon remarque que rien ne permet d attribuer d finitivement Bornet l ensemble des images qui ne sont pas sign es Sade uvres Tome III Paris NRF Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1998 pp 1380 1382 les dessins et les commentaires autographes ont t vendus en 1977 Voir aussi P Roger Sade crire la crise Paris Belfond 1983 p 150 Le fils a n de Sade avait lui m me beaucoup de go t pour lexercice de la gravure Fr Champarnaud Les illustrations de Sade dans L Tnfini printemps 1991 n 3 pp 17 40 2 Sade La Nouvelle Justine Avis de l diteur dans Sade uvres Tome II dition tablie par Michel Delon Paris NRF Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1995 p 394 O Leplatre Sade cin ma plaint r guli rement dans la Correspondance litt raire mais il t moigne par l de ampleur de cette mode Cazotte estime en 1772 non sans ironie sans doute que l adjonction de gravures est devenue pour les livres une n cessit indispensable Soutenu par les progr s techniques l ouvrage illustr est dans les ann es 1770 un fait de librairie et l objet de r flexions th oriques pol miques quelquefois de la part des illustrateurs et des crivains Mais ce nouveau go t ditorial ne suffit pas rendre compte de limpressionnant ensemble d illustrati
13. velopper int gralement chaque gravure dans un suppl ment de l instant presque une dur e qui l aide jouir de ces effets locaux d obsc nit du temps pour que s installent dans l il des singularit s visuelles qui isolent l image tout en fonctionnant aussi comme les points d appui de la dynamique visuelle Le texte intervient pr cis ment pour ralentir le d fil il tire les images les unes en direction des autres anaphoriquement et cataphoriquement mais il les tire aussi afin qu en chacune se d pose une signifiance cueillie le long du parcours des images et afin que l cart des particularit s contribue la possibilit m me du jeu et donc du mouvement A voir le corpus iconographique des r cits sadiens nous appr hendons ce qu est vraiment le rythme Car comme le rappelle Emile Benveniste le rythme n a pas t d abord le mouvement r gulier comme le battement des flots le sugg rerait Le terme a appartenu auparavant la philosophie ionienne et il a signifi la forme si 36 f gt m distinctive la forme dans Pinstant qu elle est assum e par ce qui est mouvant gt mobile Il s agit donc d une forme modifiable comme le trac d une lettre ou le pli d une draperie L illustration sadienne est fond e sur ce mouvement r p t e mais irr gulier non exactement pr visible bien que pris dans un fluement selon l expression de Barthes distinct en ch
14. 1 voir dans l dition cit e pr c demment les pages 142 152 153 26 Nerciat Le Diable au corps Paris L Or du temps La Biblioth que priv e 1969 t IT p 129 77 Nous ne suivons pas tout fait sur ce point l analyse de Michel Delon qui lit la page de l Histoire de Juliette uniquement dans le sens d un cong donn l image travers le d tournement d un st r otype stylistique insuffisance de l criture compar e aux arts du visible et Pappel au talent du peintre L rotisme va bien au del d un simple recueil de positions la dynamique de l imaginaire sadien est irr ductible une suite d images L criture d sormais prend sa charge la description picturale des lieux des personnages et des actions L Esth tique du tableau et la crise de la repr sentation la fin du XVIIIe si cle dans La Lettre et la Figure La Litt rature et les arts visuels l poque moderne dit par W Drost et G Leroy Heidelberg Carl Winter Universit tsverlag 1989 p 23 On remarquera cependant que dans le cas de l Histoire de Juliette Vouvrage parvient offrir une image de lexploit pornographique au terme duquel Sade r clame laide du graveur cens limmortaliser Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 13 O Leplatre Sade cin ma et situent hors du langage le corps total On remarque dans toutes ces peintures constate Juliette face a
15. Ce ph nom ne produit alors des images qui clairent des sc nes primitives de l il Les gravures sadiennes changent le voyeurisme et les conditions de la pulsion de plaisir en une exp rience de m tamorphoses de l il lui m me qui se projette l image Ce que nous voyons dans ces gravures par l expression des corps recompos s ce sont des figures in dites de notre pupille un jeu de poup es dans les remous de notre regard Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 18
16. a possibilit d un imaginaire cin matographique celui des similitudes diff rentielles des r p titions d images qui se reprennent en mordant sur leurs ressemblances et en s cartant par leurs diff rences Pour fabriquer des images de cin ma il faut en premier lieu que le primat soit accord au vecteur m canique dans l analyse du mouvement de la vie Pas de cin ma sans corps mis en action par des forces dont le nombre est illimit Quand Etienne Jules Marey invente la chronophotographie puis s int resse au cin ma la fin des ann es 1880 il capte d abord des forces convoqu es dans le mouvement et il les transcrit dans des images La succession des images rend visible la d composition des forces elle permet de suivre la mani re dont elles se font et se d font En sorte 28 Voir R Barthes Sade Fourier Loyola Paris Seuils Points 1980 p 131 2 Sade Histoire de Juliette Cinqui me partie d cit p 1068 30 Voir l essai de Georges Didi Huberman qui les lignes suivantes sont tr s directement redevables Mouvements de l air Etienne Jules Marey photographe des fluides Paris Gallimard Art et artistes 2004 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 14 O Leplatre Sade cin ma que montrer le mouvement consiste pour Marey d signer des forces qui posent et des forces qui passent Les illustrations de Sade ne montrent en v rit rien d autre que
17. acun de ses battements alors m me qu il est soutenu par la r p tition La gravure agence ce rythme son appara tre sa secousse occasionnelle mais suffisamment r guli re plie et d plie les formes forces des corps Elle d signe l nergie qui circule en eux et entre eux elle jaillit de leurs rapports et fait exister une structuration dans le flux 35 E Benveniste Probl mes de linguistique g n rale Paris Gallimard 1966 Tome 1 pp 327 335 36 Ibid p 332 37 Ibid p 333 38 Thid 3 R Barthes Comment vivre ensemble Cours et s minaires au Coll ge de France 1976 1977 Paris Seuil Imec Traces crites 2002 p 38 4 Les hommes ont bien tort de craindre la r p tition condition d y chercher non pas de convaincre par l ent tement mais la preuve que m me redite une pens e ne se r p te pas ou encore que la r p tition fait seulement entrer ce qui est dans sa diff rence essentielle M Blanchot L Entretien infini Paris Gallimard 1969 p 501 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 17 O Leplatre Sade cin ma On pourrait conclure sur ce devenir cin ma de Pillustration sadienne par ce qu elle implique pour le regard c est dire la perspective d une autre mani re de voir Gr ce la r p tition m tamorphique qui anime le syst me des images la substance c de le pas au mouvement et le mouvement lui m me reforme substance
18. astique Le graveur lui plus exactement peut tre gratte essuie dissout ses mati res et ses supports en fonction de ses techniques personnelles Mais dans le cas de Pillustration sadienne le but est identique engager un rapport de forces avec le clich dont la d construction fournit l artiste son mat riau initial mat riau n gatif et en cons quence affranchi rouvert ses potentialit s Les gravures exploitent un r gime d image qui d gage des attractions des cristaux des n uds r alis s au moyen du collage des corps par incrustations par soudures par ces suppl ments d incarnation qu encourage l orgie bien les regarder nous ne voyons pas la limite des corps mais un r gime de d pense organique d tonnantes suggestions de la chair Chaque image sadienne correspond une s quence gestuelle aliment e par une r serve s minale elle surgit comme n e de traces et de taches d ondes mesm riennes et elle cherche gr ce sa mall abilit formelle des rapports d tirement d encha nement d entassement elle se soumet aux boursoufflures aux expansions ou aux r ductions et aux coalescences Elle assemble aussi des paquets fa onne des grappes des torsades des boucles ou des saillies Nous pouvons selon le va et vient de notre il attraper dans de telles images l ensemble et ses d tails mais chaque fois nous avons surtout le sentiment que les corps se sont vad s de leur coh re
19. ce transparaissent notamment les illustrations du roman noir aim de Sade que La Nouvelle Justine en particulier p le ou encore le catalogue des images pieuses qui se superposent aux arrangements de la d bauche positions de la pri re ou gestuelle de la p nitence sont chaque fois retourn es et profan es par le n gatif des vignettes obsc nes Le frontispice de La Nouvelle Justine d riv des Aventures de T l maque de F nelon oriente d embl e ce protocole du c t du retournement syst matiquement transgressif et carnavalesque L rotique path tique du clich sadien ne manque pas aussi de pr ter rire L attraction des corps encastr s crisp s dans des poses improbables r duit le vivant des formules d engrenages et de points de gravit qui d fient le r el et les lois simples de la souplesse corporelle Le foisonnement des gravures arrive m me engendrer sans nul doute une sorte de gag r p tition o comptent l tonnement r jouissant de retrouver pour de nouveaux d fis les corps sans fatigue des acrobates et celle de constater que leur num ro n en finit jamais et que d ailleurs c est toujours le m me On croise ici l essai de Bergson sur le rire ses propositions sur le placage du m canique sur le vivant sur les dispositifs du rire en ses variantes de pantin ficelles de boule de neige et de diable ressort c est dire en ses effets de raidissement ma
20. chinerie tabulaire du texte L image parvient de la sorte pousser le geste descriptif son ultime fantasme celui de l unit id ale parce qu indissoluble du corps de d bauche que la phrase ne r ussit quant elle qu parcelliser et diss miner dans le mouvement discontinu de sa syntaxe Or l image par sa capacit de simultan it accomplit et tient en quilibre la sculpture des corps reli s la fa on d une pantomime ou d un num ro d athl tes elle capture l treinte et la conserve en suspens Elle ne pr l ve donc pas une sc ne d finie elle fixe le clich du texte Elle atteint la posture qui est si l on veut le n ud du fantasme Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 6 O Leplatre Sade cin ma Sous cet angle cependant l image manque apparemment l animation de la sc ne le nomadisme des personnages l clat hyst rique du mouvement elle retient surtout la zone d inh rence obtenue par la congestion des corps par le natt ou lPentrelacs des tissus et des chairs La visibilit des gravures est en effet toujours premi re vue pos e Le graveur fabrique ses vues par obturation et ouverture de l appareil corporel Aucun trou ne semble inoccup obturation le corps tout de m me se d ploie et se r organise ouverture L image recueille et r v le la corpor it pleine de la sc ne sadienne dans une sorte d poch du temps et
21. chinique de surench re incontr lable d addition des effets et de 2 jaillissements inattendus Les grossissements de l obsc ne quant eux associ s l image des corps dont l int grit est alt r e par les accouplements am ne quelque 17 Voir M L vy Images du roman noir Paris Losfled 1973 18 Bergson Le Rire Paris PUF Quadrige 1981 1940 p 11 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 8 O Leplatre Sade cin ma chose de grotesque ou de burlesque la sid ration rotique voisine alors bizarrement avec la jubilation comique Mais ces performances affectives apparemment incompatibles m lancolie ou euphorie ont toutes pour point de d part le travail pratiqu sur le clich par l image et d j avant elle par le texte Cependant le clich sadien n est pas seulement rebut des corps ou machine gags Le passage par le n gatif path tique ou comique ne correspond qu une tape de l op ration dialectique du sens Car le clich en vient toujours se redresser comme forme Sa riposte tient la plasticit lib r e en lui par l acte m me de la r p tition il rel ve alors le d fi de la st rilit m canique qu elle soit bouffonnerie ou d ch ance triste La r p tition n est pas seulement une reprise technique et un geste d usure elle d pend aussi et peut tre avant tout pour Sade du pouvoir cr atif de l insistance Par
22. e crit il doivent donc nous toucher plus qu une Scene peinte dans un tableau ne s aurait faire Au th tre pour l abb du Bos chaque sc ne est autonome mais elle est surtout un aspect actualis dans une s rie Selon lui la multiplicit des tableaux engendre une intensification de l nergie d action et une augmentation des degr s de P motion La coh rence de la pi ce d pend en d finitive de cette insistance de nergie alli e la persistance r tinienne qu obtiennent les sc nes selon la logique d une m moire des impressions 31 Voir S M Eisenstein La m thode de mise en sc ne d un film ouvrier 1925 dans Au del des toiles Paris UGE 1974 p 25 Sur les th ories du montage d Eisenstein voir tout sp cialement Eisenstein l ancien et le nouveau dirig par D Chateau Fr Jost et M Lefebvre Paris Publications de la Sorbonne Colloque de Cerisy Esth tique 2001 32 Abb Du Bos R flexions critiques sur la po sie et la peinture Paris Pierre Jean Mariette 1740 quatri me dition volume I p 396 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 15 O Leplatre Sade cin ma L illustration sadienne construit le m me spectacle dialectisant le ponctuel et le vectoriel elle aboutit l esquisse d un film des corps un film physique et psychique puisqu il engage le r gime d une obsession En 1977 la revue Obliques choisit
23. ie Plus nous contemplons ces images plus nous les voyons revenir en grand nombre et plus nous sommes surpris par les ressemblances et les associations figuratives plus nous voyons en somme que s active une figurabilit et que l image se comporte comme la pellicule du r ve une pellicule qui serait surface d impression et d enveloppement des images Nous y reconnaissons l une des cons quences de Pattraction visuelle de ces images elles aimantent des r seaux elles encouragent des superpositions ou des survivances imaginaires elles introduisent alors paradoxalement la s duction de la nouveaut qui point travers cette nouvelle symptomatique corporelle et qui suscite en permanence de l tranget On imaginait qu taient bloqu es ces images mais elles sont bien plut t en expansion elles sont en devenir elles s arr tent pour mieux se relancer se plient pour d j se d plier et se plier autrement en renouant toujours avec l expressivit intarissable des corps De cette collaboration expressive entre texte et image de cette d charge recharge du texte dans l image l illustration r ussit ici ce que Sade dans T Histoire de Juliette pourtant croit presque inaccessible la gravure ne la m nagez pas Saint Fond je vous en conjure et pla ant les fesses d gl e hauteur de sa bouche il y fait chier cette petite fille pendant qu il sodomise Lindane et que le sixi me gar on lencule D Albert
24. it Sade manipule l un des attendus du roman libertin dresser une liste de sc nes imitables offrir reproduire des mod les nouveaux ou rendus tout la fois intimes et prestigieux par leur Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 9 O Leplatre Sade cin ma c l bration dans un r cit d gager de l criture de quoi veiller le d sir et lui donner forme transf rer les essais textuels en moments de r el Cet usage de l identification rotique est par exemple illustr par ce passage de la Correspondance d Eulalie Mon jeune amant a achet les postures de l Ar tin avec les gravures Nous nous amusons chaque jour en essayer quelques unes dans mon boudoir glaces Chez Sade le transfert des sc nes dans la r alit ne peut tre envisag que de mani re parodique Bien qu elle en sugg re l intention l illustration ne fournit pas une repr sentation du montage sexuel dont le livre a donn le mode d emploi elle mime cette fonction pour prouver son impossible Car que saisissent les images Elles ne font pas description Elles soumettent au regard des vues extraordinaires attentatoires fascinantes et provocatrices elles soulignent surtout des exp riences du corps des essais des ph nom nes d intensit s d hybridit D j videmment le texte s y applique il alimente en nergie les productions visuelles Les images poursuivent l op ration sur la te
25. lus souvent les sc nes grav es ne s identifient compl tement aucune des sc nes d crites le lecteur peut bien chercher dans le r cit le moment qui inspire le graveur il se heurtera chaque fois ou presque l impossibilit de superposer exactement l image au texte L estampe sadienne n a pas pour objet de d calquer le texte en rendant visible une de ses s quences elle r p te du texte sa r p titivit pulsionnelle intensive Son contenu s ajoute ainsi aux sc nes crites qui leur correspondent sans jamais tout fait leur ressembler Le dangereux suppl ment des figures compl te la s rie du texte et ne la ferme pas il indique de quel sch me formel g n sique cette s rie tire son ordre et quel r ve profond elle aspire La gravure atteste ainsi que la v rit du texte est avant tout celle de la description r p t e que Sade cherche constamment d sinvestir de tout v ritable enjeu narratif en se jouant de son mat riau par inflation des p rip ties des sc nes topiques des r cits seconds mais sans lui accorder sinon parodiquement la coh rence la densit le napp d une action d roul e Au d fil ordinaire des histoires Sade pr f re un traitement morcel rhapsodique de la fiction domin e par les arr ts sur corps comme on parle d un arr t sur image l illustration parfaitement fid le en de ou au del de toute correspondance mim tique prolonge et amplifie la ma
26. nce anatomique qui n ont plus de face ni de dos et se r duisent des surfaces fluides ou molles Nous constatons que leur assemblage expose une vie organique int rieure que les chairs sont fouill es constamment vues de pr s et pour ainsi dire retourn es prises sous l il avide d un microscope Concurren ant le mod le m canique et le probl matisant vient au jour celui physiologique m dical des fibres et des cellules La s rie des positions sadiennes s apparente alors une collection de planches d expositions anatomiques myologiques Mais d autres paradigmes d images tous attach s aux accidents de la Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 11 O Leplatre Sade cin ma mati re s ajoutent cette proximit entre l imaginaire tabulaire de la m decine et encyclop die des d bauches ceux de la botanique corps rhizomiques bourgeonnants tub reuses charnelles floraisons v n neuses ou des arts d coratifs corps passementerie ourlets de chair acanthes sorties des peaux rubans d accouplements et l on comprendrait mieux par exemple la fa on qu ont les graveurs d inscrire presque syst matiquement dans leurs images des motifs d arbres de fleurs et de faire ainsi passer la sc ne pour un rebond du d cor et de la tapisserie Toutes ces proximit s travers lesquelles circule une m moire formelle sont favoris es par la force d insistance de la s r
27. ons pr vues pour le double r cit de Justine et de Juliette Proche en nombre d galer les 120 journ es de Sodome la s rie d images atteint le total impressionnant de 100 gravures et un frontispice programme iconographique d mesur affolant il est aux dimensions du d fi narratif qui exc de dans sa publication originale les 3600 pages Que montrent les 60 gravures de l Histoire de Juliette et les 40 de La Nouvelle Justine Rien apparemment du moins inlassablement la m me chose une unique sc ne ou presque recommenc e l envi qu agencent des amas de corps soud s enchev tr s arrang s et r am nag s apr s avoir repris leurs forces pour puiser les chor graphies de la jouissance des corps sans caract risations ni signes franchement distinctifs La neutralit des innombrables nudit s n appartenant finalement plus personne l effacement anonyme des visages que ne signe aucun trait net d coupent moins des personnages que des images interchangeables rebattues comme des cartes 3 Malgr la n cessit zdispensable que tout le monde conna t dorner de gravures tous les ouvrages qu on a l honneur d offrir au public il s en est peu fallu que celui ci mait t forc de s en passer Tous nos grands artistes sont abim s d ouvrages tous nos graveurs passent les nuits et ont peine y suffire Pauteur tait d sesp r et ne pouvoit ni pour or ni pour argent trouver ni dessin ni grav
28. poser l image de l invu Voir encore chez Duraulens dans L Histoire de Babet nous r p tions avec le chevalier les tableaux les attitudes que nous trouvions dans ces livres nos plaisirs vari s sur ceux que les autres avaient peints dans ces ouvrages nous les rendaient toujours nouveaux Loin de condamner des livres si utiles l humanit les gens mari s devraient en nourrir leur esprit l imagination les seconderait mieux souvent l ind cence d une peinture ouvre des valvules qui ne seraient jamais ouvertes sans l impression de l image dition tablie par A Rivara Saint tienne Presses de l Universit de Saint tienne 1993 p 124 21 G Deleuze Francis Bacon Logique de la sensation Paris Seuil L ordre philosophique 2002 pp 93 103 22 Thid Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 10 O Leplatre Sade cin ma l univers de la visibilit sans ressemblance r gresser au chaos l informe et la germination de ses ressources Il faut pour y parvenir remarque Deleuze propos du peintre que tout d bute par une lutte avec le clich contre les contours attendus bien cern s du visible contre tout ce qui est donn et se r p te sans aucune remise en cause dans le champ des formes Or le peintre le vrai peintre commence par gommer effacer frotter les clich s il part du diagramme qui lui sert de fondement informe meuble pl
29. stratif ils semblent traduire aussi Pembo tement des corps eux m mes Mieux encore chaque estampe para t r sulter du contact direct avec la page Car Sade soumet l criture un dispositif d impression exactement un dispositif 10 rographique d impression Il accorde ses figures sexuelles crites un pouvoir imageant Leur aspect visuel et visualisable est accentu par l nergie physique qui les anime et les convulse et par le caract re provocant de leurs exp riences qui sautent 8 Voir Mladen Kozul Le Corps dans le monde R cits et espaces sadiens Louvain Peeters 2005 La R publique des Lettres P Frantz L Esth tique du tableau dans le th tre du XVIIe si cle Paris PUF Perspectives litt raires 1989 et Sade texte th tralit dans Sade crire la crise Colloque de Cerisy Paris Belfond 1983 pp 193 217 Avant que l image ne se resserre encore ou ne se red ploie sur l cran mental du lecteur 10 Le terme est emprunt Ga tan Brulotte dans uvres de chair Figures du discours rotique Paris L Harmattan Les Presses Universitaires de Laval 1998 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 3 O Leplatre Sade cin ma aux yeux Sade les dote d une paisseur et d un volume en d gageant de lacte de jouissance des moulages corporels sous forme de compressions ou d expansions Il conduit les chairs ductiles se m ler
30. textimde le conf rencier Sade cin ma Olivier Leplatre Sade fait partie de ces crivains qui comme Voltaire Rousseau ou Bernardin de Saint Pierre ont souhait avoir un droit de regard sur la production de leurs illustrateurs jusqu diriger ou reprendre en partie leur travail C est du moins ce que tend prouver le t moignage de Roger Peyrefitte qui disait poss der dans sa collection personnelle une s rie de dessins originaux de l Histoire de Juliette annot s par Sade Dans L Avis de l diteur de La Nouvelle Justine donn e comme posthume Sade est pr sent la fois comme l auteur du texte et des gravures les gravures m me ont t ex cut es d apr s les dessins que l auteur avait fait faire avant sa mort et qui taient annex s son manuscrit _ Sans doute Sade tait il conscient tout comme les diteurs de la s duction qu exer ait d sormais sur les lecteurs un ouvrage g n reusement illustr Grimm s en 1 Roger Peyrefitte voque mais sans donner toutes les pr cisions n cessaires l existence dans sa collection de douze dessins originaux de Ju iette avec les minutieuses annotations de Sade en regard de chacune intention de son illustrateur Bornet L Tnnominato Nouveaux propos secrets Paris Albin Michel 1989 p 199 Il ajoute Sade corrigeait par ses notes le dessin primitif qui lui avait t soumis secr tement cach sous du linge dans
31. u une autre comme le note Maurice Blanchot elle fait tomber Paura en pr f rant l trange et inqui tante euphorie de la reproductibilit dont l illustration est la traduction d abord technique avant d tre le ressassement figural exprim par l h catombe des images Selon sa double modalit graphique montr e et crite visible et lisible le r gime d engendrement des images tient l id e que Sade se fait des corps et la mani re dont il les saisit et les retravaille Puissamment exhib s sous le coup d une lumi re constamment scialytique et intrusive jusque dans les moindres secrets de la chair les corps sadiens sont volontairement d tach s de la signifiance romanesque Sade loigne le corps du battement ou du b illement du d sir il l emp che le plus possible de se laisser soup onner derri re l clat des parures ou des masques d affleurer par les interstices des voiles ou dans le fr missement euphorique des d tails Il n est gu re facile chez Sade de r ver jusqu au bout le corps de go ter le grain de la peau ou de s garer dans l quivocit subtile des appr ts Unit dans un d nombrement infini le corps est l mais il n est ni priv ni intime il est moins individualis que soumis au groupe sexuel au corps total qui le dissout et cependant le renouvelle Seuls les assauts collectifs d nergie alimentent la machine de jouissance les lectrisations produites par
32. ui gr ce l instantan it de la figuration marque l essence du moment compos risque de manquer l nergie qui l a produit de ne pas bien rendre compte de l affolement passionnel qui a pr sid la mise en place et qui continue d insuffler son lan dans lextase O trouver un peintre habile d clare de son c t Nerciat capable de monter son imagination au ton de cette sc ne de at Sahiy 26 plaisir et d en fixer pendant un moment l excessive mobilit Cependant le dispositif iconographique des uvres de Sade pallie cette faiblesse PE P EE gs LR et m me porte son comble le d sir de l crivain puisque le mouvement r int gre Pespace des images sans que celles ci renoncent traduire les sc nes en stases visuelles paroxystiques qui arrachent le corps au morcellement lilluminent tout fait 23 Sade Histoire de Juliette Deuxi me partie d cit p 374 24 Lessing Laocoon 1766 trad A Courtin Paris Hermann Savoir sur Part 1990 p 120 chapitre XVI 25 Chaque action a plusieurs instants mais je Pai dit et je le r p te l artiste n en a qu un dont la dur e est celle du coup d il Diderot Essais sur la peinture dans Salons Paris Hermann Savoir Lettres Tome I texte tabli et pr sent par G May 1984 p 57 L int r t de Diderot pour le moment pictural est constant dans les Salons par exemple dans le Salon de 176
33. ure Or donner son ouvrage c toit le perdre aussi notre auteur toit il r solu le garder Le Diable amoureux dans Romanciers du XVIIIe si cle Paris NRF Gallimard Biblioth que de la Pl iade Tome II 1965 p 311 Pour des t moignages voir Ch Michel Charles Nicolas Cochin et le livre illustr an XVIIe si cle Gen ve Droz 1987 pp 81 et suiv Ph Kaenel Le M tier d illustrateur 1996 Gen ve Droz Titre courant 2005 pp 50 et suiv 5 Fran ois Champarnaud parle du bloc Justine Juliette Les illustrations de Sade art cit p 25 6 N B Les aventures de Justine que nous publions en ce moment contiennent quatre volumes orn s d un frontispice et de quarante gravures L histoire de Juliette qui y fait suite et qui s y lie en contient six orn s de soixante gravures ce qui forme une collection unique en ce genre de dix volumes et de cent estampes toutes plus piquantes les unes que les autres La Nouvelle Justine Avis de l diteur d cit p 394 7 M Delon notes de l Histoire de Juliette d cit p 1381 Textimage Le Conf rencier L image r p t e octobre 2012 2 O Leplatre Sade cin ma Plusieurs modes de r p tition orientent en fait le montage illustratif de l Histoire de Juliette et de La Nouvelle Justine 1 En premier lieu les gravures r p tent de mani re anaphorique le r cit Elles isolent les moments d une fr quence
34. ux fresques d Herculanum un luxe d attitudes presque impossible la nature et qui prouve ou une grande souplesse dans les muscles des habitants de ces contr es ou un grand d r glement d imagination Presque impossible dans la nature mais incitant alors le d fi de tenter cet impossible pour devoir conclure que la merveille du corps acrobatique ne r ussit que sur la sc ne de l image o se r invente la chim re d une substance corporelle infiniment mall able une anamorphose permanente de la nudit dont on a pu tirer parfois des visages Par toute cette activit aspectuelle par leur cadence et leurs ressources les gravures de Sade finissent par donner l impression d introduire une des exp riences arch ologiques ou anachroniques du cin ma Cette exp rience qui se superpose une certaine op ration de Pillustration aide aussi revoir les origines du cin ma L anachronisme agit m thodiquement dans les deux sens Il appelle un devenir et rejoint une ant c dence il les r value l un par Pautre Il relie des moments au prix d un for age du temps qui l enrichit en l arrachant sa simple chronologie Il reprend de mani re f conde ce qui tait d j l et n apparaissait pas encore comme tel avec ce qui sera ou est ensuite advenu Dans ce dialogue chaque ph nom ne avance l un vers l autre et tire b n fice d une relecture mutuelle Le syst me d illustration sadien d pend de l
35. xture des corps que noue le texte elles les amplifient par des actions sur leur substance visuelle Les illustrateurs de Sade sont ainsi amen s en raison de la nature m me du texte sur des terrains de l image o agissent ce que Gilles Deleuze a pu nommer propos de Bacon notamment des diagrammes des zones de chaos ou de catastrophe des traits de sensation engendrant le fait pictural mais galement des germes d ordre ou de rythme Car le texte sadien oblige l image entrer dans 1 Voir notamment J M Goulemot Ces livres qu on ne lit que d une main Lecture et lecteurs de livres pornographiques au XVIIIe si cle Aix en Provence Alin a 1991 G Brulotte La sympathie et la litt rature rotique dans la France du XVIIIe si cle dans Le Discours de la sympathie Enqu te sur une notion de l ge classique la modernit textes r unis par Th Belleguic E Van der Schueren et S Vervacke Laval Presses Universitaires de Laval 2007 pp 199 218 20 Correspondance d Eulalie dans L Enfer de la Biblioth que Nationale uvres anonymes du XVIIIe si cle dit par M Delon M Hirsch et M Camus Tome II Paris Fayard 1986 p 155 Ce jeu de renvois sp culaires est un des traits du roman galant scellant r guli rement la communaut rotique autour du livre illustr et pla ant ainsi ses bats dans la perspective d un d fi esth tique tre capable d imiter Pimage ou pro
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