Home

SOPHIE RISTELHUEBER - photo

Contents

1.
2. vouloir photographier autrement l actualit des hommes j ai trouv une amie c est elle qui m a aid sortir de mon pass Nous avons r alis ensemble San Clemente elle au son moi au cadre ce film sur un h pital psychiatrique Venise J ai crt Notes mon premier livre pour elle Le plus important chez elle c est son parcours sans compromis sa fa on avec r flexion c est le contraire du reporter de guerre ses photographies t moignent aussi de la folie des hommes sans doute avec encore plus de force que le t moin reporter Sensible discr te engag e habit e elle a un vrai talent d artiste photographe salu dansle monde entier c est en plus une amie fid le Raymond Depardon Pour r pondre l invitation de Raymond Depardon a participer l dition 2006 des Rencontres d Ares Sophie Ristelhueber pr sente un recensement de crat res d attentats comme autant de tombeaux qui se creusent chaque jour dansla tere irakienne Pour r aliser ce nouveau travail elle a visionn les archives vid o d une agence de presse Londres et a retrouv la r alit de ce pays qu elle avait parcouru en 2000 pour travailler sur un tonnant raccourci de milliers d ann es de la plus ancienne civilisation de M sopotamie celle de la premi re guerre du Golfe alors que les F 16 am ricains volaient au dessus de nos t tes en mission de surveillance La vision fossiis e est un mat riau qui me hante depuis mon travai
3. Chez Lucr ce l humain produit d une combinaison al atoire des atomes est mal adapt au monde puisqu il existe sans raison et est incapable de se former en tant que dominium http stellarc artographies wordpress c om 2008 06 03 Luc retius c ontra Heidegger Les d serts infinis de Sophie Ristelhueber ne sont pas des bassins de captation du divin mais les paysages de l extinction la pens e non tragique est une pens e qui est pr te aller jusqu au bout et accepterla totale insignifiance de notre existence ibid 24 Entretien avec l auteur Tate Britain 16 mai 2008 25 Lucr ce voulait montrer les limites de l homme avec ss cons quences politiques reconnaissant le dieu romain Terminus qui partageait le temple de J upiter Optimus Maximus 26 Rebecca Solnit Scapeland Crmesand Splendour Bulfinch 1996 p 42 27 Ibid p 44 28 Ibid p 45 29 Ibid 30 Michel Guerin Artistes et photographes surla ligne de fracture entre r el et fiction art cit 31 Walker Sophie Ristelhueber Impenal War Museum Untitled printemps 1993 32 P Roegiers Le paysage fran ais sous l il des photographes Le Monde 5 janvier 1990 33 P Roegiers Le paysage en coupe R volution 10 mai 1985 34 Paul Highnam American Topographics New Topographies Amolfini Gallery Bristol 1981 p 3 Source au 09 02 24 http www lespressesdureel com extrait php id 1177 amp menu
4. des preuves d Every One est directement con ue en r f rence l architecture et au paysage L uvre n est pas construite autour du projet documentaire de repr senter mais partir du projet esth tique d interoger la notion de trace sur les corps sur les lieux sur les temitoires A cet gard les cicatrices sur les corps d Every One renvoient dansla s rie Fait aux marques laiss es sur le d sert du Kowe t parla Guerre du Golfe Toutes ces pr occupations artistiques qui charmentent l uvre et qui semblent l loigner du monde lui conf rent en fait le recul paradoxalement n cessaire pour atteindre I horeur meurtri re des guerres Telle est la justesse politique de cette uvre trouver les formes et les proc dures photographiques pour aborder l horreur qui d fie la repr sentation parce qu elle exc de la vision parce qu elle frappe tous les sens parce qu elle s prouve avec le corps entier D jouant ainsi les tentatives les plus abouties de repr sentation en particulier celles des reporters l horreur requiert la distance le retrait La d marche artistique se distingue ainsi de la d marche documentaire Le reportage repr sente en allant de la chose l image Son domaine est celui de la r f rence du v cu des perceptions et des affections c est en gros la conception barth sienne le r f rent adhere platonicienne et indiciaire de la photographie Quant la d marche artistique elle exc de au
5. ol CEs al 7 WT A TE mi LL E CAT A Toa A gii T in Fall Te ee abi Bui sm ae _ n Wi i t Lone ns p rl ga a uE _ Sophie Ristelhueber La ligne de l quateur 1988 100x130 cm SO PHIE RISTELHUEBER Cours de Nassim Daghighian 2 La ligne de l quateur pour moi c est un globe terrestre dans une salle de classe coup en son milieu par le parall le 0 Comment photographier quelque chose d aussi abstrait Restent les objets les sites que traversent ces 40 000 kilom tres d abstraction telle la temasse d un caf abandonn sur l ile de Sao Tom dansle golfe de Guin e Sophie Ristelhueber Source au 07 09 24 http www lire fr crtique asp idC 34848 id R 205 id TC 3 id G 12 5 n Bid ie EH Fe PUR tat LL Sophie Ristelhueber Beyrouth Photographies 1984 Sophie Ristelhueber Fait 1992 Biographie de Sophie Ristelhueber F 1949 Sophie Ristelhueber n e le 21 octobre 1949 Paris o elle vi tudie la Sorbonne et l Ecole pratique des hautes tudes Jusqu en 1980 elle travaille dans l dition Ses uvres fondatrices datent de 1982 1986 quand elle enregistre la destruction de Beyrouth puis pour la Mission photographique de la DATAR D l gation l am nagement du tenitoire et l action r gionale elle observe des paysages dans les montagnes fran aises du Centre et des Alpes Apr s l ouvrage
6. solation quasi biblique d un sc nario digne des lamentations de J r mie devant J rusalem est l un des th mes r currents de l artiste introduit de fa on spectaculaire dans Beyrouth photographies En termes d histoire culturelle de la photographie il existait un pr c dent apocalyptique celui des albums documentant les dommagesde la Grande Guerre qui avaient inscrit dans la culture nationale fran aise l image des d vastations Ces clich s t moignaient de fa on syst matique des d g ts inflig s l infrastructure rurale parles Allemands 26 viles et villages d truits paysages d vast s C est la totalit des destructions subies par la France rurale qui tait soumise un regard clinique et traumatis 18 L inhumain Ces photographies de l apresguere montraient l iruption de pouvoirs destructeurs sur le sol fran ais assemblant sol national et menace de l tranger La r insertion dans un contexte fran ais des signes de conflits pr sents et pass s au Moyen Orient est l un destropes r cunents du travail de Sophie Ristelhueber la suite des attaques du 11 Septembre Raymond Depardon ami intime de l artiste avait sugg r d op rer cette transposition imaginaire de l Orient en France Et si l efficacit de la vie modeme nous pousse nous devons rester en France le plus possible des Orientaux 19 Dans sa vid o intitul e Le Chardon 2007 la terre les pierres 20 et les routes d un
7. vision en avril 2005 le crat re form sur une route par l explosion de la voiture de l ancien Premier ministre libanais Rafiq Harri Ca avait la taille d un immeuble A l poque a sautait tous les jours avec 60 morts chaque fois avec cette abemation que la taille du crat re n est pas li e au nombre de victimes Je voyais ces crat res comme sla tere savala it elle m me et que les choses disparaissaient au sein de la tere J ai visonne toutes les images film es par Reuters ou apparaissent des crat res li s des explosions La plupart ne passeront jamais la t l tant elles sont insoutenables de corps d chiquet s De toute mani re les images les plus violentes ne sont pas int ressantes formellement C est trop insoutenable on ne r fl chit pas ce qu on voit Ensuite a l aide de Photoshop j ai recompos ces sources visuelles en les m langeant desfondsde pierescas esissues de mespropresimages Ce n est pasde l information ce sont plut t des images de r flexion En 2001 j ai fait une grande exposition Boston quelques semaines apr sle 11 Septembre Beaucoup d Am ricains m ont dit que les images de Beyrouth datant de 1984 les aidaient comprendre ce qui venait de se passer et mettre a distance les v nements Cela vaut aussi pour moi cesimagesm aident certainement supporterla violence du monde 24 D chirures dans le tissu du r el contextes de l uvre de Sophie Ristelhueber David Mellor extrai
8. c dent Les gravats sur la route que l on voit dans WB rappellent les clich s r alis s en Crim e par Roger Fenton C est ce qu avait d j not le critique lan Walker proposde l exposition de Sophie Ristelhueber l Imperal War Museum de Londres en 1993 1855 Balaclava Roger Fenton photographie la Vall e de l ombre de la mort un endroit banal presque un non lieu jonch de boulets de canon 31 Fenton est maintenant consid r comme l un des principaux repr sentants d une approche documentaire modemiste aplatie d sol e la recherche d agr gats de mat riel de r serve Dans les ann es 1980 Sophie Ristelhueber a suivi cette trajectoire documentariste la fois modeme et classique 32 s inscrivant dans le mouvement de l poque caract ris par l int r t pour la topographie et dont John Davies fut l un des repr sentants dans le nord de Angleterre Les deux artistes travaillaient pareilement pour des agences gouvemementales Sophie Ristelhueber pour la Datar John Davies pour l Arts Council de Grande Bretagne Tous deux avaient pour sujet et point de vue le transport ferroviaire Sophie Ristelhueber avait choisi une approche structurelle et analytique pour repr senter les paysages femoviaires Je m tais fix un programme pr cis comprenant tous les types de paysages visibles de la voie fer e industriel urbain de petite et haute montagne des vignobles de la mer de la plaine En proc
9. contraire le v cu d uvre d art est un tre de sensation notent Deleuze et Guattari Elle se compos d affects qui d passent les affections et de percepts qui d passent les perceptions Les longs m rissements chez Sophie Ristelhueber apparaissent comme autant de processus de transformations esth tiques des perceptions en percepts des affections en affects A la fois ancr e dans le v cu et d tach e du v cu parle travail sur le mat riau l uvre peut ainsi acqu rir une valeur all gorique passer de la d signation particuli re au sens g n ral de tel corps d Every One l id e de violence dans les guerres civiles D s lors enfin que l uvre est un compos de percepts et d affects qu elle est d tach e du v cu et des tats de choses elle n imite pas elle ne ressemble pas Ou plut t sa ressemblance n est pas d duite de la chose comme avec le document mais produite parle travail surle mat riau Source http www pans art com edito_detail andre rouille 82 html 13 Sophie Ristelhueber WB 2005 120x150 cm s rie de 54 photographies Sophie Ristelhueber WB Le Monde 9 avni 2005 Portfolio en flash sur http www lemonde fr web portfolio 0 12 0 2 3246 31 637183 51 627390 0 html pri re de copier coller l adresse 14 Sophie Ristelhueber photographe En Cisjordanie j tais sur un tapis volant Michel Guemin Le Monde 9 avril 2005 Geneve de notre envoy sp cial N Sophie Ristelhueb
10. dans l art Andr Rouill editorial de www pansart com 2 d cembre 2004 Plus que jamais les images d horeurs de cnmes et de guerres peuplent notre quotidien Le ph nom ne s est amplifi dans les ann es 1980 au moment o la photographie tait en cela relay e par la t l vision et intemet ou vacillait le regime de v rit propre au reportage et o simultan ment des artistes adoptaient la photographie comme mat riau de leur art Avec d autres l uvre de Sophie Ristelhueber a ceci d exemplaire qu elle est de part en part photographique dans ses themes et ses mat riaux alors que ses formes et ses probl matiques rel vent pleinement de l art Loin d appartenir une tr s improbable et tr s infond e photographie plasticienne son uvre ressortit a ces pratiques qui adoptent dans le champ de l art la photographie pour mat riau sans pour autant relever de la photographie de son r gime de v rit de ss rapports aux choses de ses horizons esth tiques de ses univers social conomique et culturel L uvre de Sophie Ristelhueber comme celles de Patrick Tosani ou de Georges Rousse pour ne citer qu elles appartiennent totalement au domaine de l art tout en tant le fruit d un alliage entre l art et le mat riau photographie ce par quoi elles d finissent un autre art dansl art 12 La fa on dont Sophie Ristelhueber fait avec les moyens mat riels de la photographie prouver la violence et la guene sans
11. dant de fa on syst matique m thodique apres m tre rendue partout je me suis rapidement apercue des endroits o j avais un point de vue int ressant 33 De la m me mani re John Davies d taillait viaducs voies d approvisionnement et centrales d nergie sugg rant une nouvelle fascination pour un monde sous l emprise de la technique qui malgr sa pr sence crasante tait peut tre en train de dispara tre ou du moins de se transformer sous la pression des forces conomiques de la fin du XXe si cle l instar du couple Becher pilier de l cole de Dusseldorf John Davies et Sophie Ristelhueber s attardaient sur les indices mat riels mais montraient aussi certains aspects de l ossature du paysage Davies trouva a Sheffield et a Stockport l occasion de mettre en vidence un sublime a rien Sophie Ristelhueber quant a elle qui s tait int ress auparavant aux sinuosit s du r seau de transport tait comme Davies particuli rement attir e par les hauteurs empier es et montagneuses comme en t moigne Aux environs de Mont Louis Pyr n es Orientales en mars 1984 Dans les ann es 1980 la photographie topographique avait trouv un nouvel lan sous l impulsion notamment des nouveaux topographes am ricains Lewis Baltz Robert Adams et J oe Deal qui se firent conna tre lors d une exposition organis e en 1975 a la George Eastman House En 1979 Robert Adams participa la Biennale de Venise contrbua
12. desindices elle se fond muette dansle monde perceptible et audible Source www galenebs ch n est plus disponible surle net ou http www creativtv net artistes rstelhueber html Sur la s rie Fait voirle texte de la conf rence de J r me Sans Sophie Ristelhueber Une uvre de terrain en fin de dossier 9 Audio 2 40 exposition G ographiques pr sent e L Aquarium Valenciennes dansle cadre du festival Transphotographiques 2005 http www photographie com pubid 102820 amp sec id 2 amp rubid 8 Gm Vid o 1 34 la s rie WB 2009 exposition Elles c entrepompidou Paris http www ina fr video CPD10002449 portra its de femmes artistes sop hie nstelhueber fr html Gm Vid o 7 55 r trospective au Jeu de Paume Paris janvier 2009 http Www jeudepaume org page galenevideos amp sousmenu 81 amp idVideo 8 amp debu tListe 30 Sophie Ristelhueber Beyrouth 1984 tirages argentiques 17 7x23 8 cm Sophie Ristelhueber A cause de l levage de poussi re 1991 2007 tirage pigmentaire 155x190 cm SOPHIE RISTELH UEBER JEU DE PAUME Sophie Ristelhueber Op rations Paris Jeu de Paume et Presses du r el 2009 Ann Hindry Sophie Ristelhueber Paris Hazan 1998 Soh Ae WB Paris Tai mes amp Hudson 2005 Ouvrages de r f rence Sophie Ristelhueber Op rations Paris Jeu de Paume et Presses du r el 2009 Catherine Grenier Sophie Ristelhueber La guerre int rieure Pa
13. images leur valeur d ic nes Ses uvres sont autant de lieux de m ditation d invitations a la contemplation Des temps de pause En formulant des propositions la limite du visible et de l invisible l artiste redonne la vision sa dimension tymologique d art de voir les choses invisibles selon le mot de Swift et retoume dans le m me temps en fome de leurre la strat gie qu a dress e la soci t du spectacle du voirsanslire No man sland Une nature d sert e par celui qui pourtant y a laiss sa trace Un univers qui force de vouloir communiquer renforce l impression de solitude de l homme contemporain Seul dans sa bulle le seul canal qui relie l homme l ext rieur est d somais la t l vision cette nouvelle fen tre du monde L cran miroir du d sert du monde actuel Une fen tre ou tout n existe qu en mode illusoire la fa on du mirage Cette image du d sert est encore amplifi e par la nouvelle ins curit du territoire l homme vit d sormais de plus en plus bamcad derri re sa porte Et lorsque l homme est pr sent comme dans Every One les corps cicatrs s apparaissent seuls anonymes Mis nu 21 Des coms seuls sans artifices sans leurs habits de sc ne sociaux Des coms anonymes mais sp cifiques renversant les lois du Theatrum Mundi o tout ob it a des codes de repr sentation et o l on manie le camouflage le maquillage de tous signes de diff renciation Des traces de fractures Alors sagit
14. lumi re ce qui a t laiss hier enfoui sans conna tre l avance le r sultat de ses recherches C est ainsi que la guerre du Golfe ayant t le th tre d un changement de perspective du champ de bataille comme l a soulign Paul Vinlio a r actualis un int r t particulier pour l arch ologie et le sous sol Apr s l histoire de l rection des fortifications apres l histoire de la guerre des toiles avec les missiles d aujourd hui la nouvelle strat gie des lrakiens consista fortifier le sol et cr er un terrain totalement invisible une cit interdite soutemaine Un paysage de galeries Ce n est plus la guerre organis e des tranch es mais celle de la simulation de la disparition de la dissuasion De plus l aviation alli e s est souvent trouv e dans l obligation de traiter des cibles potentielles dont elle ignorait la nature exacte parce que ces demi res taient soit dissimul es dans des bunkers soit profond ment enfouies dans les sables du d sert la fortification ne consistant plus seulement lever un barage riger une quelconque muraille interdisant la p n tration de l adversaire mais d somais blinder le sol consid rer le niveau z ro la tere elle m me comme un front en vis vis des menaces principales a riennes et surtout spatiales 1 Deslivres comme exposition Chacune des exp ditions de Sophie Ristelhueber donne naissance une publication Loin du catalogue d expositio
15. ments provenant de divers termitoires Arm nie en 1989 Turkm nistan en 1997 Syrie en 1999 Irak en 2000 Cisordanie en 2003 2004 participe de cette vison du chaosde l histoire qui me hante depuis mon travail Beyrouth en 1982 Au d but des ann es 1980 Beyrouth tait par excellence le lieu annonciateur de la guerre civile mol culaire 4 et un exemple d entropie catastrophique Dans son premier livre Beyrouth photographies 1984 Sophie Ristelhueber retra ait l histoire de la violence collective depuis les ann es 1970 jusqu aux cons quences du si ge de Beyrouth en relevant les traces laiss es sur le paysage urbain vestiges lapidaires de faits dissoci s Cette violence dit l historien Samir Khalaf avait fini par domestiquer les tuenes en en faisant une routine nomale quotidienne en les transformant en ahdath v nements aseptis s d pouill s de tout remords et de tout calcul 5 un sinistre tat de fait se traduisant par une ville modeme en ruines 6 Beyrouth joue donc un role dansla mise en scene par Sophie Ristelhueber du temps et de la civilisation destraceslaiss es sur l ancien et le modeme de la construction et de la d molition il n y a pas tellement de diff rence entre les ruines de Beyrouth et un viaduc dans les Aloes de Haute Provence 7 Le principe est identique dans Dead Set 2001 o sont align s vestiges de colonnades romaines et logements sociaux d sert s en S
16. montre en pemanence l absurdit de tout discours pacifique et notre besoin de perfusion De perfusion avec le monde Des informations live v cues en direct Les m dias construisent l histoire construisent quotidiennement ce qu il faut penser chaque matin Ainsi la guerre du Golfe premi re guerre v cue en direct qui a retenu l attention intemationale pendant six mois a montr de fa on exemplaire les limites de cette proximit l absence de recul et d analyse La d sinformation parla sunnformation L re de la T l pr sence nous relie en direct l ensemble du monde et nous retient dans le suspens d un retoumement ou de la catastrophe permanente C est le vertige de l lectrochoc du temps r el Etre la foisici et l Avoirla sensation tourdissante d tre en interaction permanente avec l actualit D une perfusion avec le monde de la ruine de la catastrophe Et comme le note Peter Schneider ilne peut chapper personne que la diffusion de sc nes de violence aupr s du grand public ob it a un principe toxicomaniaque Les dealers priv s et publics de cette drogue qu est la violence doivent constamment foumir aux masses de nouvelles doses d atrocit s pour maintenir les consommateurs en tat de d pendance 4 Dans cette esth tique de la violence d velopp e par joumaux t l vis s et missions en direct construite sur le poids des mots et le choc des photos la diff rence est mince entre une vraie mort en dire
17. photographic and have cleary focused subjects But we are not used to seeing photographs like these Without the usual reflection in the protective glass which is deliberately eliminated by the artist here these imagesare asimmediate as paintings And each time our eyes attempt to recognize a new image we must readjust our point of view while isolating the picture from the others to do so Stepping back the spectacle retums us to the exotic array of abstractions Eventually most of us understand that this installation represents a photographic record of a war the Persian Gulf War in fact And many of the images are familiar to millions of us who remember the 1991 cataclysm in the Kuwaiti desert But that lightening contest involving dozens of nations the gnpping moments of its unfolding details and the sickening horrors that frame it in history seem oddly beside the point in this room where silence almost hurts the ears Something else is at work here not another fiction drawn from an histoncal event not another romantic account of man s inhumanity to man but an older bigger and more ineffable sensation In 1991 French artist Sophie Ristelhueber traveled to Kuwait to take a set of pictures that she anticipated finding there The warhad ended eight months earier but much of the destruction and debns was largely untouched and buming oil demcks still filled the sky with toxic smoke Many of the pictures Ristelhueber brought back to France remind
18. qu elle qualifie de territoire sableux Elle ne montre trangement que le sol aux couleurs chaudes ou mouill es sable gravier all es bitum es arceaux m talliques e savais que la premi re fois que je mettrais les pieds au Luxembourg la joum e serait d cisive J avais un appareil jetable j ai trouv mes photos de sol des chemins de contrainte dansle sable Sophie Ristelhueber poursuit vingt ans de photographies sur des fronti res des espaces qui semboitent seffondrent des couches de termitoires qui saccumulent des traces et sutures dit elle Sur un monde qui se construit se d truit se reconstruit Elle a photographi les reliefs de la ville de Nice l architecture de Beyrouth saign e apr s la guerre civile le d sert du Kowe t disioqu apr s la guerre du Golfe Elle est en Arm nie apres un tremblement de terre 1988 sur la ligne de l quateur 1996 en Asie centrale 1997 En 2000 elle se rend en Irak Elle adore marcher notamment dans l Himalaya 6 Elle en a gagn une r putation qui l agace une artiste qui va au charbon sait traduire des dislocations du monde que les photoreporters n amivent plus a montrer C est absurde r agit elle Je n ai nen d une baroudeuse Je me sens 1000 lieues d un reporter et mes images ne sont pas une altemative a leurtravail OU que j aille les lieux ne sont que des mati res premi res Elle a peur qu on la sch matise et r p te qu elle ne transige pasavec deso
19. un D ailleurs selon Blanchot l uvre est li e un risque elle est l affimation d une exp rience extr me 1 Le travail de Sophie Ristelhueber est un peu l image d un film dont ne transparaissent plus la projection tous les d tails et toutes les tapes de sa r alisation Seul le r sultat importe et non les risques parfois physiques que prend l artiste dans ses exp ditions et sur lesquels elle tient rester secr te afin que ces d tails ne prennent le pas sur l uvre Comme le note l artiste la prise de risque pemet de tester ses convictions c est une sorte de barom tre Envisager son travail sous la forme d exp ditions est l affimation d un engagement Un engagement non seulement face l uvre mais aussi face au monde Une mani re de manifester la n cessit d un art qui ne peut plus tre uniquement r flexif sur son histoire ou sur son m dium mais engag sur le terrain du monde ancr dans le tissu de la soci t Se confronter au r el ici et aujourd hui Ce qui ne signifie pas pour autant devenir illustrateur ou chroniqueur des grands faits de soci t D somais il est devenu impossible de ne pas prendre position par rapport au monde actuel sans pour autant tre militant Des exp ditions difficiles comme autant d explorations dans le champ du regard Avant chaque exp dition elle ne sait pas ce qu ele trouvera sur place et si son hypoth se saverera juste Compl tement impr visible son travail n est pas
20. un hasard si au cours de sa formation litt raire elle en avait fait un sujet de m moire L image se r v le dans le double mouvement de son inscription et de son retrait Une distance une absence institu e face aux objets Tout en se construisant a l image la situation se gomme Rien n est plus donn a voir que ce qui est a voir Maurice Blanchot soulignait que l uvre est d autant plus puissante qu elle est moins manifeste comme si une loi secrete exigeait d elle qu elle soit toujours cach e en ce qu elle montre et qu elle ne montre aussi que ce qui doit rester cach et ne le montre enfin qu en le dissimulant 6 L cran du d sert Cet univers fossilis d objets c libataires orphelins apatrides abandonn s sur le sol atteint une tonnante puissance silencieuse un calme absolu Celui du d sert Et pourtant il s agit de blessures de guerre inscrites dans le sol du d sert comme sur la peau des corps dans la s rie Every One l artillerie comme les divers accessoires de guerre laiss s par l am e lors de son repli sont mu s par la cam ra en simples objets banals en simples configurations de d charges ou d arrangements Comme si le vent du d sert avait purifie la fonction de ces l ments en de simples traces de passage de l homme Apres la caravane Des traces ph m res qui vont tre absorb es progressivement et in luctablement parle sable qui absorbe tout M taphore l encore de l acte photographique qui est de geler
21. un instant qui va dispara tre Le d sert est un cran sur lequel tout peut appara tre et dispara tre une surface sur laquelle tout peut simprimer et fondre dans l instant suivant D une extr me fragilit L espace nous entra ne dans sa lecture Le d sert est un monde que l on parcourt aveugle sans nen apercevoir Sophie Ristelhueber nous rappelle ici qu habiter un espace c est le prendre pour corps Daniel Sibony Le d sert comme corps Les traces dans le sol rappellent la configuration de sites arch ologiques ou de dessins trac s dans le sable Un comps bless portant lestatoua ges d une preuve R f rence au Land art aux indiens l histoire de l objet ou art d investigation Il conviendrait plut t de dire que Sophie Ristelhueber dresse une sorte de typologie des natures mortes trouv es sur le terrain La question de l image Sophie Ristelhueber pose clairement l in vitable question contemporaine de l image trop souvent minor e dans la soci t du spectacle Pourquoi ajouter de nouvelles images dans un univers sursatur Qu est ce qu une image A cette question Maurice Blanchot r pond Quand il n y a rien l image trouve la sa condition mais y dispara t L image demande la neutralit et l effacement du monde elle veut que tout rentre dansle fond indiff rent o rien ne s affime elle tend l intimit de ce qui subsiste encore dansle vide c est la sa v rit Sophie Ristelhuebertente de redonner aux
22. us vanously of aenal reconnaissance of Satellite surveillance or of Art informel When her focus is closer to the ground we spot oblique but poignant artifacts of human suffenng a vitnfied shoe some thin blankets land mines in the desert weeds tin cups filled with sand Ristelhuebers inventory also includes many anecdotal pictures that could only belong to this war a convoy of military vehicles charred to a cnmson red along a mile of straight highway the medieval geometry of Iraqi trenches in a field of countless craters lead colored crude oil dumped into hastily bulldozed pits by a retreating enemy that intended to light them a wide horizon of the buming dermicks they did ignite with flames reaching the height of mountains the cruciform crash ste of a jet fighter a solitary television scuttled in the sand The artist gave her assortment of seventy one pictures the laconic title FAIT a word that means both fact and done On the surface FAIT affects a cold blow by blow item by item record of the Persian Gulf War But for all the familianty of the vanous types of images the human interest snapshot the military intelliggence document the insurance adjusters evidence Ristelhueber does not deliver her inventory of manmade disasters as either a photojoumalist or a military intelligence gatherer In fact her purpose is not related Despite the size and clanty of these pictures their subject matter resists quick recognition and we are aff
23. Les F tes de l inconnu crit parle musicien pour sa bienfaitrice la duchesse du Maine en 1714 voir Clark et D Cannon The Miror of Human Life Reflections on Fran ois Couperin s Pieces Redcroft 2002 p 67 68 16 La symptomatique de la dissimulation particuli rement pr sente dans Les Bamcades myst rieuses se retrouve galement dans Autoportrait Au sol dispos s verticalement dansl espace sont install s huit panneaux photographiques de hauteur anthropomorphique qui interdisent la vision d ensemble et obligent au parcours D Privat Paris Sophie Ristelhueber Galerie Arlogos 9 septembre 24 octobre 1999 Art Press n 251 p 90 17 Entretien avec l auteur Tate Britain 16 mai 2008 18 Ces albums avaient pour objectif de documenter les futures r parations exig es tombes profan es et cercueils ventr s y figuraient en abondance minimisant le pillage des tapissenes des Gobelins D autres volumes furent consacr s l conomie rurale comme par exemple les arbres abattus le long des routes ou les machines agricoles d truites parles envahisseurs 19 M Guerin Artistes et photographes sur la ligne de fracture entre r el et fiction Le Monde 22 septembre 2001 p 34 20 Parall lement aux longs plans sequences de parois rocheuses on d couvre des prises de vues verticales du rev tement routier on pourait voquer ici Mirobolus Macadam et Cie de J ean Dubuffet 1946 consid r comme le moment fon
24. Palmyre dans Dead Set ou du temple antique dans Beyrouth photographies cela vient s ajouter la mise en avant r currente de l actualit politique qui vient s inscrire sur des espaces tangibles de mani re brutale et parfois catastrophique comme dans la s rie Eleven Blowups un ensemble de clich s inspir par un reportage t l vis de l assassinat du Premier ministre libanais Rafik Harr montrant le crat re laiss par la bombe Je me suis dit que c tait peut tre un moyen d aborder l Irak 17 En 2006 aux Rencontres d Ares ces traces violentes laiss es sur le paysage transfom es en m taphores d un autre conflit au Moyen Orient furent incormor es dans une demeure bourgeois produisant un effet troublant similaire celui cr parla s rie de Martha Rosler Bringing the War Back Home 1968 o desimagesde la guerre du Vietnam taient ins r es dans de confortables maisons am ricaines aseptis es Cet effet de d calage est accentu par le fait que la s rie Eleven Blowups introduit dans cet int rieur bourgeois une note perturbante une touche d horreur anamorphique Il s agissait expliquait l artiste dans le texte accompagnant l exposition des tombeaux qui plusieurs fois par semaine voire plusieurs fois par jour d somais s ouvrent sur la tere irakienne Il y avait quelque chose de chtonien de gothique d trange et de sublime dans ce tombeau plac dans un banal int rieur L laboration d une d
25. are les deux camps mais je trouve l objet simpliste C est un paravent qui emp che de cr er des fomes Et puis je suis tomb e surune carte des Nations unies de d cembre 2003 qui r pertorie plus de 700 blockades obstacles mis en place par les Isra liens en Cisjordanie depuis la seconde Intifada Il sagit de blocs de pierre et de monticules de gravats cr s au bulldozer sur les routes secondaires dans le but d emp cher les Palestiniens de circuler en voiture Tout est enregistr par satellite sur la carte mais rien n est figur Vous tes all voirces blockades Oui et je n imaginais pas trouver a Ces interventions dans le paysage sont bien plus fortes et touffantes que le murde s paration Je voyais une tere meurtre comme un corps En m me temps ces boulements ont t fabriqu s il y a d j trois ou quatre ans les herbes gagnent une arch ologie na t Ces bami res de roche induisent que le paysage se retoume contre lui m me Comment photographier ce paysage Depuis un escabeau de m nage accroch sur le toit de la voiture Je surmlombais un champ op ratoire J tais comme sur un tapis volant Depuis le sol j tais trop pr s des cicatrices Ce n tait pas beau L haut plusieurs monticules entraient dans le champ de mon appareil je cherchais les plus belles structures Ca n a pas de sens de faire un travail trash sale sur un sujet douloureux J ai r alis des tirages grand format pour bien voir ce
26. avail dans des zones limit es mais d clarent ouvertement que cette combinaison se suffit elle m me Certes cette d stabilisation de la conventionnelle lecture d une uvre ne rend pasla t che facile aux ex g tes D autant que Sophie Ristelhueber peu prolixe en la mati re ne livre que ces textes Des textes qui ne donnent pas le mode d emploi de l uvre Au contraire Ils r sistent cette attitude et semblent d clamer que toute tentative de d construction est toujours vaine Toute tentative d interpr tation contient en soi un potentiel de r gression Invoquer le contexte biographique historique ou culturel pour d couvrir et stabiliser des sens possibles est un subterfuge na f Le contexte ne saurait d terminer le texte 12 Notes 1 Maurice Blanchot L espace litt raire Gallimard 1955 page 320 2 Paul Virlio La strat gie de la tension in La Peur Traverses n 25 juin 1982 Revue du Centre de Cr ation Industrielle Centre Georges Pompidou p 21 3 Kar Jasper La bombe atomique et l avenir de l homme Buchet Chastel 1957 4 Peter Schneider Face au d mon de la violence in Lib ration 5 nov 1993 rubrique Rebonds p 4 5 Paul Virilio L horizon n gatif Galil e 1984 6 Maurice Blanchot L espace litt raire Gallimard 1955 p 315 7 Maurice Blanchot L espace litt raire Gallimard 1955 page 345 8 Jean Baudrillard Otage et terreur l change impossible in La Peur Traverses n 25 j
27. ber Fait 1992 L homo faber est celui qui transforme la nature et lui donne un visage Celui du d sert capt par Sophie Ristelhueber dans deux des uvres de la s re Fait 1992 arbore de longues cicatrices our es des traits accident s et des failles b antes La vue a rienne d contextualise les traces des mouvements de troupes et des combats militaires pendant la guere du Golfe Des sillons des tranch es et des impacts r sulte un r pertoire de formes la combinaison al atoire que la monochromie de l image noumt d une profonde densit La vis e topographique du temtoire s est d finitivement dissoute dans la r sonance plastique de ses marques et de ssindices Ce paysage transite ainsi dans l abstraction Il sincame dans une modalit organique qui transmue le sol en peau et le d sert en corps dans l int norisation de sa sensation douloureuse Tire du texte de l exposition aux Filles du Calvaire Paris Le Paysage comme Babel 31 mai 2001 Source http www synesthesie com index php id 57 amp ta ble textes In a large square room we find ourselves engulfed in a spectacle of crowded abstractions Hung three high and filling all the walls in an even gnd the pictures emanate an almost suffocating glow wam but unnatural in faded shades of gold hot rusts and sour lead Here and there we also see more chilling passagesin black and white asif a once wam image has died on the wall Soon we realize that the pictures are actually
28. bsessions lointaines N e a Pans en 1949 fille d un chirurgien elle suit des tudes de lettres la Sorbonne et l Ecole des hautes tudes Elle r dige un m moire sur Alain Robbe Grillet a New York tout en tenant la comptabilit d une entreprise de la Mafia Elle analyse Sans doute le sens du d tail dans le nouveau roman annonce t il mes images Comme dit Depardon on mouline toujours la m me chose Raymond Depardon est son ami Ensemble ils r alisent en 1982 le film San Clemente sur un h pital psychiatrique italien Ses premi res photos sont des portraits de locataires dans des logements sociaux en Belgique e les ai vus aval s par le papier peint D j un d cor envahissant Mais c est en partant Beyrouth en 1982 qu elle bouscule les reporters sur leur terrain Elle ne prend pas des instantan s ne s laisse pas guider par l intuition vacue les habitants Elle photographie uniquement architecture modeme ruin e Une radicalit similaire qui vise contrebalancer la tradition fran aise du reportage humaniste se retrouve dans les ann es 1980 dans la Mission photographique de la Datar une trentaine de photographes parcourent la France pour en montrer le paysage Le Sud montagneux est le domaine de Ristelhueber qui accentue un style frontal afin de mieux cemerlescouchesdu paysage Beaucoup de temps peu de photos La notori t lui tombe dessus quand elle d cide juste apr s la 1 re guerre du Golfe d
29. celui de l arrangement de la reconstitution en studio avec des objets et des mannequins ou des techniques de simulation Il na t de la r alit qu elle trouve ou non et qu elle prend sans artifice Des ready made Ce n est pas le hasard qui guide sa d marche Elle ne traque pas tel un paparazzi toute situation qui pourait devenir int ressante Elle traque uniquement les formes qu elle tait venue chercher avec son intuition de d part Cela peut marcher ou non Une uvre peut naitre ou non Cela implique toute une p riode de vie sur le terrain Beyrouth dans le d sert du Kowe t dans un bloc op ratoire pour grands bless s et un rythme de production qui est celui de ses exp ditions et non celui des exhibitions Chacune de ses exp ditions l engageant pendant une p riode d au moins deux ans son attitude est contre courant de celle g n rale du monde de l art o les artistes doivent r pondre une sollicitation incessante Son uvre se construit au rythme de ss exp ditions Concemant l uvre r alis e au Kowe t la n cessit pour Sophie Ristelhueber d aller sur le terrain apr s la bataille est n e partir d une photographie vue dans la presse anglaise De m me pour les photographies de corps cicatris s r alis es Paris dans un bloc op ratoire pour grands bless s 19 le projet est n apres son voyage en Yougoslavie en juillet 1991 o le conflit ne faisait que commencer Le lien avec la Yougoslavie sera
30. clair Il y a dans cette guerre une violence incroyable faite au corms note l artiste dans Le Monde des D bats de juin 1993 Sophie Ristelhueber pare de ce regard qui shabitue la violence d r alisante des m dias la tension extr me qui semble tre a son comble aujourd hui L image g n rique du monde contemporain D un monde qui est sans cesse en conflit et dont les conflits peuvent tout moment devenir belliqueux Depuis plusieurs ann es nous constatons que les conflits localis s le sont surement dans l espace maiscertainement pas dans le temps Les gueres limit es ne sa m tent plus mais se poursuivent ind finiment De nouveaux foyers de tension sallument ici ou la sans qu aucun des anciens ne soit vraiment teint La question de la guerre n est donc plus comme certains le pr tendent celle de l imminence d une troisi me guene mondiale d un assaut Est Ouest entrainant la confrontation nucl aire mais celle d une guerre intestine en train de s tendre au monde entier 2 Si la dissuasion atomique a interdit la guerre totale elle n a jamais dissuade de samer puisqu elle contribue au contraire au d veloppement exponentiel des techniques de guerre Les m dias ont fini par nous habituer a cette tension extr me qui n est pas suivie d explosion bien qu elle soit son comble comme le note Kar Jasper A l heure des war games et des reality shows diffusant en direct les horeurs du monde l tat brut le quotidien nous
31. cte et celle diffus e dans les res polici res films de guerre ou drames psychologiques qui alimentent les cha nes de t l vision La violence est abstraite Entre fiction et r alit la limite est d sommaist nue Des images ambivalentes latentes A l oppos du voyeurisme qu entretient l esth tique de violence du monde contemporain et sa capacit voir toujours et encore plus toujours plus loin dans l extr me Sophie Ristelhueber nous confronte a des images ambivalentes Mais pas ambigu s pour autant Ce sont toujours des images violentes et d une surprenante s r nit a la fois jamais exhibitionnistes sur les mis res ou les horreurs de la violence ou de la souffrance D ailleurs ce sont plus des signes de violence que des images d acte de violence Des signes qui deviennent plunels Des signes de violence que l on ne pourrait soupconner si l on ne connaissait le contexte dans lequel les images ont t r alis es Ainsi les images r alis es dans le d sert du Kowe t renvoient davantage aux vestiges d un site arch ologique contemporain ou aux traces de civilisations lointaines qu un champ de bataille apr s la guerre Un char renvers sur le c t ressemble un gigantesque bo tier photographique sans son objectif Les champsde mines sont autant de paysages c lestes etc De m me dansla serie Every One aucune image n est morbide ou insoutenable Ainsi ce dos de jeune femme nue marqu jamais par une op ration im
32. dateur de l Art brut comme p te picturale qui se concentre pareillement sur l asphalte et les surfaces goudronn es La roche qui d file donne un sentiment lapidaire et impitoyable La duret de la pierre et le palimpseste form par l histoire de la route goudronn e sont contrebalanc s parla vitalit organique et t tue de la bande sonore qui fait entendre l introduction d Hadji Mourad de Tolsto 21 M Selimovic Le Derviche et la mort 1966 traduction de M Begic et S Meuris Panis Gallimard 1977 p 95 L artiste avait enregistr un extrait du roman lu pardes villageois vivant a proximit de l installation enregistrement qui fut ensuite diffus sur le site du Tunnel 22 La citation est tir e du De Rerum Natura Et l on n ose croire que la substance de ce vaste monde est r serv la mort eta la ruine lorsqu on voit de telles masses de teres pr tes s crouler Ce fatalisme caract ristique des philosophes picurensde l Antiquit s applique donc peut tre au monde contemporain 23 Les spatialit s singuli res de videment dans les sites choisis par l artiste dans le sud de la France ont t galement minutieusement retrac es par G Ballard dans son roman SuperCannes 1996 Alain Badiou dans son essai intitul Lucretius contra Heidegger estime que Lucr ce se positionne en dehorsde la pens e tragique Lucr ce est tout simplement impensable du point de vue de la pens e tragique
33. des obus et des balles ces prises de vuesen noiret blanc pres et denses montrent des sites structur s parles voies de communication autant que parla g ologie et la v g tation En fait Sophie Ristelhueber ne cesse de se porter sur les lieux de conflits exprim s aux yeux de tous autant gu int rieurs et secrets Amm nie Bosnie Liban Kowe Iraq corps op r s recousus la maison de l enfance Comme Bruce Nauman affime Fondamentalement mon uvre est issue de la col re que provoque en moi la condition humaine Sophie Ristelhueber d clare Moi aussi je suis une femme en col re Toujours selon ses propres mots elle s attache depuis plus de vingt ans aux d sordres de lieux travers s par des v nements majeurs mais d origine tr s diverse tels qu une guerre civile Beyrouth Photographies 1984 un tremblement de teme Am nie 1989 la guerre du Golfe Fait 1992 les conflits balkaniques Every One 1994 et La campagne 1997 les grandes fronti res symboliques d Ase Centrale avant que le 11 septembre ne les mette en premiere ligne L Air est a tout le monde Il Ill IV 2000 2001 2002 la M sopotamie de Babylone aux conflits les plus r cents Dead Set 2000 et Irak 2001 Ce que l artiste accomplit n a pas vocation de sinscrire dans le contexte fortuit ph m re du reportage Elle interroge les confins de la fiction et de la r alit parcourt les marges s livre une mani re d arch ologie
34. dive que Le Chardon qui s ouvre sur un long plan rappelant le travail topographique effectu pourla Datar d une station de montagne montrant une piste us e par les skieurs 24 Cette kenosis se retrouve dans l attrait que suscitent les endroits d sertiques pour les artistes contemporains et pour les penseurs de l art et de la culture Dansce vide sont introduits fronti res spatiales division creusement et s paration 25 Les repr sentations d tendues d sol es situ es dans des zonesde conflit Palestine Irak et Kowe t pouraient tre compar es aux clich s pris par Richard Misrach dans les secteurs de tests nucl aires du d sert du Nevada Dans un r cent essai consacr Misrach intitul Scapeland Rebecca Solnit analyse la dimension imaginaire du d sert lieu isol de l exil et du ch timent dans le r cit biblique puis plus tard dans les ann es 1940 1950 et 1960 lieu apocalyptique de l Ouest am ricain o pr s d un millier de bombes nucl aires furent test es sur un territoire grand comme le pays de Galles 26 Le d sert a des exigences qui minent l histoire de l art que l on pourait appeler th orie du paysage Le paysage n est pas une analogie anthropomorphique 27 affime t elle comme en cho aux critiques formul es par Robbe Giillet vis a vis de la projection Rebecca Solnit se demande si la pastorale genre structurant de l art paysagiste n emp che pas de consid rer pl
35. e photographier les champs de bataille du Kowe t en avion et au sol accumulant les objets abandonn s trous dans le sol traces L exposition et le livre sous le titre Fait ont marqu Un jour le pilote a pouss jusqu en Irak au sud de Bassorah J ai pu photographier des milliers de crat res de bombes C tait pouvantable Je ne l ai jamais oubli Elle y retoume en 2000 J ai suivi l Euphrate en Syre jusqu en Irak soit la M sopotamie C est encore l id e de s dimentation qui m int resse le raccourci du temps arpenter quatre mille ans d histoire de Babylone jusqu la guerre Irak lran En Irak elle se pr sente comme une artiste Sans doute pour cela quand les visas sont rarissimes elle peut sillonner le pays pendant un mois avec une grande libert Elle voit les conditions d plorables de vie mais ne les montre pas Je r fl chissais sans dire un mot L interprete m a sumomme e Mrs Silencio La seule chose qui m a fait un choc ce sont deschamps de palmiers calcin s comme une am e en d route traces du conflit lrak lran Sophie Ristelhueber part sans savoir si un immeuble un quartier ou une ville est par terre Elle prend beaucoup de temps mais peu de photos Elle a utilis cinq pellicules en Irak une h r sie pour un reporter et ne retiendra qu un triptyque du reste jamais montr en France Elle dit lutter contre l accumulation des images qui brouille le regard Elle ne supporte pas que ses pho
36. ected by them differently than we are by the nightly news Whether they are presented in their onginal form asan artist s book orin a group of typically one or two dozen or all together as they are here for the first time Ristelhuebers Gulf War pictures are arranged in no discemible order Although the photographs give us quite a bit of factual information about the war most of it disturbing they don t tell usa story and they make no explicit commentary In fact the artist avoids logically sequential arrangements as scrupulously as she 10 avoided honzon lines within the pictures themselves There are no explanatory captions whatsoever to tellus what we are looking at orto suggest what we should think Our gaze is met here by a visual turbulence that makes us struggle to see more in these pictures than beautiful abstractions the easier thing to see We must work to find the information that is otherwise in plain view and that has us thinking longer for ourselves about what it all might mean As our eyes go from one image to the next in this deliberately overwhelming display our relationship to depicted space to the ground in particular shifts radically to the point of vertigo We cannot anticipate where we are in relation to each successive image without concentrating on them individually and by excluding the others from our field of view But in so replete an environment as this installation that is difficult to do The unrelenting grd o
37. er ses rendue deux reprises en Cisjordanie en novembre 2003 et en f vrier 2004 Les photographies en couleur qu elle en a rapport es sont expos es en grand format 1 20 x 1 50 m au Mus e d art modeme et contemporain Mamco de Gen ve Un petit livre compl te ce travail intitul WB pour West Bank qui identifie la Cisjordanie Apr s le Liban l Irak ou la Bosnie l artiste poursuit une d marche forte et atypique entre actualit et Histoire paysage et temtoire Pourquoi partiren Cisjordanie Je pos de destas de bo tes de photos et de documents que je lis et d coupe Je les appelle les bo tes projets Je me nounis de l actualit de l Histoire avec un grand H Et puis une image comme toujours chez moi d clenche un voyage une photo a nenne de presse o l on voit une colonie d implantation isra lienne en Cisjordanie Les maisons sont finies mais pas habit es Elles ressemblent a des Lego des maquettes abstraites qui rendent la vie impossible Je pensais en avoir fini avec mes obsessions g opolitiques En amvant savez vous ce que vous allez photographier Non Je cherchais une id e conceptuelle sur la s paration entre Isra liens et Palestiniens sur la circulation la fa on dont le terain de l autre est grignot Je sillonnais la Cisjordanie 300 kilometres du nord au sud 50 kilom tres d est en ouest Je pensais au marquage historique du temtoire La facilit aurait t de photographier le mur qui s p
38. f theiramangement and the limited tonal palette of these otherwise vivid photographs notwithstanding a cumulative turmoil results that perhaps mimics the chaos of war To add to the general disonentation of the imagesisa regular dull glint of metal that catchesthe eye throughout this installation The artist has carefully painted each thin wooden frame to a mottled gold luster that complements with an almost perverse seduction the desert swam sand and the war s brass shell casings FAIT belongs comfortably to Ristelhuebers corpus much of which though not all concems war She is fascinated by scars of all kinds scared bodies scared temtones and by the more imperceptible scars that events and texts leave on our cultures and personalities Traces is another word she uses often to discuss her work the real actual traces of time s passage on people and places the disfiguring marks that real life leaves on our ideals In a later work entitled Every One 1994 she juxtaposed a powerful passage from Thucydidess History of the Peloponnesian War with close ups of facial and bodily scars Thucydides s account Is so jamingly familiar that it could indeed serve to describe almost any civil war We tend to transfer this familianty through the agency of the artist s forced implication to the damaged flesh We are offered thereby a bref opportunity and without too much effort on the part of our imagination to empathize with the wounded Sophie Ristel
39. hueber s alchemy usually involves textual quotation In the book work version of FAIT she includes two random passages from the classic study On War by Kan von Clausewitz relegatingsthem to end pages But in the exhibitions of her pnnts text hasbeen omitted and that is fitting What we have in this work is a chance to feel war in a way that literature cannot approximate least of all a cold theoretical treatise Ristelhuebers purely visual technique keeps us working to find the information As we concentrate it might be possible for us to feel something we might not have felt from either a presidential news conference or even a graphic television broadcast We must not abandon the temtory of reality and collective emotion to reporters editors and photographers Sophie Ristelhueber once said in an interview with the French daily Le Monde With this admonition she expands the social role of the artist while raising the stakes to a more intellectually dangerous game than most artists are prepared to play It requires them to leave the moot wond of the studio What she has attempted besidesa monument fora war unlikely to ever have one is the exercise of full artistic freedom on events of the day The result teaches us nothing new about war and nothing we have not already known for centunes about the human condition Rather it gives us an unusually strong aesthetic moment in which we can glimpse something more humbling than war What we see in her w
40. iaque dans son uvre souvent par le biais de l intrusion de souvenirs qu ils soient d ordre public ou priv Dans son uvre la plus r cente Fatigues 2009 elle s est mise en sc ne dans ce cadre l giaque se livrant l introspection se filmant en train d observer ses propres photographies documentant les bouleversements politiques les palmiers bombard s d Irak 2001 et des sc nes de douleur individuelle un lit tir de Vulaines Ill C est par rapport cette demi re s rie Vulaines 1989 que la m moire se d ploie de mani re particuli rement frappante Elle avait voqu avec Michel Guemn un double abandon de l homme et de l objet 13 propos du paysage d sertique du Kowe t jonch d objets rappelant les sculptures de Rachel Whiteread fossilis s d natur s bottes recouvertes de sable formes sans nom de matelas couvertures Elle s identifiait avec eux les imaginant comme des quivalents d objets significatifs 25 de son enfance il y avait des joumaux personnels des couvertures cossaises qui ressemblaient celles de mon enfance 14 Dans la s rie des Vulaines le pass photographique de l artiste se juxtapose en noiret blanc au regard affectueux du pr sent port sur les meubles et les tissus de la maison de vacances familiale sur les objets rattach s l enfance Le sentiment de l absence y est tr s fort au point que le dessin des tissus des papiers peints et des dessus de lit a con
41. il de corps de soldats ou de civils marqu s par la souffrance de la guerre Des corps anonymes l image de soldats ou de victimes inconnues De toute cette souffrance du silence de tous ces corps disparus dans l anonymat Ou ne sagit il pas galement de corps d otages que nous avons tous t et que nous sommes des victimes inconscientes d un conflit intemational et d une soci t m diatique menac e par la vitesse des satellites Jean Baudrillard note que nous sommes tous desotages Nous serons tous d somais d argument de dissuasion 8 Par ailleurs ce d sert repr sente galement la ville contemporaine con ue pour tre travers e le plus vite possible pulv nsant toute sociabilit Loin d une vision nihiliste de la puissance du n gatif des temps modemes apocalyptiques Sophie Ristelhueber envisage un d sert paradoxal sans catastrophe sans tragique ni vertige ayant cess de s identifier au n ant et la mort il n est pas vrai que le d sert contraigne la contemplation des cr puscules morbides Le d sert ne se traduit plus par la r volte le cri ou le d fi la communication ren qu une indiff rence au sens une absence in luctable une esth tique froide de l ext riorit et de la distance surtout pas de la distanciation 9 Sur les ruines Ni apologie de la guerre ni vision de la catastrophe finale ou de la souffrance a son paroxysme le travail de Sophie Ristelhueber n offre en fait aucun d tail d une r al
42. is Gallimard 1995 p 89 5 Samir Khalaf Civiland Uncivil Violence in Lebanon A History of the Intemationalism of Communal Conflict New York Columbia University Press 2002 p 235 6 Sophie Biass Fabiani entretien avec Sophie Ristelhueber Panis le 23 f vrier 2000 La Liste p 1 7 Ibid 8 Ibid 9 Ibid 10 Ibid 11 Robert A Sobieszeck Robert Smithson Photo Works LosAngeles County Museum of Art University of New Mexico Press 1993 p 110 129 12 Tr s souvent c taient les lents processus presque ind tectables qu il capturait sous le terme d entropie En physique le terme renvoie a un principe de d gradation d un processus vers le d sordre chaotique Smithson en a largi la signification pour d crire tous les changements im versibles qui conduisent l effondrement Ila m me appliqu le trope du processus entropique la perception et la facult cognitive de l homme Les m mes principes r gissant la r alit mat rielle de l homme contr lent aussi sa conscience T Tummer The Waste Land About the Exhibition The Waste Land Osterreichischen Galene Belvedere Vienne 2001 p 6 19 16 17 13 Michel Guemin Les obsessions de Sophie Ristelhueber Le Monde 27 septembre 1992 14 Ibid 15 Le titre de l uvre de Coupenin Les Baricades myst neuses s inspire semble t il des masques port s par les myst rieux participants un divertissement intitul Le Myst re ou
43. it sp cifique Il n imite ren en particulier m me si tout poumait le laisser croire au premier abord Qu il Sagisse des impacts de balles sur des murs Beyrouth des vestiges d un conflit dans le d sert du Kowe t ou des scarifications sur des corps mutil s il s agit avant tout de parer de ruines de traces comme d une esth tique commune universelle En s int ressant aux ruines Sophie Ristelhueber tente de faire resurgir des images permanentes Des images r currentes travers l histoire de l art les soci t s et l actualit qui font partie de nos structures mentales La ruine comme autant d arch types Une esth tique sans date ni culture particuli re Une esth tique de la d sint gration de la disparition Qu il sagisse de ruines corporelles ou de paysages cicatris s La ruine comme m taphore des menaces qui p sent sur le monde Les ruines comme image du commencement d un point de d part possible Ici et la L histoire du monde est cet temel passage de la construction la ruine et vice versa Citant Malraux l uvre pane un jour un langage qu elle ne panera plus jamais celui de sa naissance 1 Maurice Blanchot d veloppe avec d autres mots que l uvre et commencement L exp rience du recommencement D un temel recommencement Encore et encore Travailler sur les ruines et les traces comme le fait Sophie Ristelhueber renvoie la d marche d un arch ologue du pr sent dont la m thodologie consiste ramener la
44. l sur Beyrouth un cycle de plus de vingt ans qui est peut tre surle point de sachever Dossier de presse des Rencontres d Ares 2006 source http www rencontres arles com pages O06fotosophie_fr html ve MN qd 18 Sophie Ristelhueber Une uvre de tenain J r me Sans texte de la conf rence du 22 22 1995 a I l U F M du Calvados in Sophie Ristelhueber Fonds regional d art contemporain de Basse Nomandie Caen Profil d une collection 1996 Sophie Ristelhueber est une artiste qui va sur le terrain Depuis plus de dix ans elle se met en situation de grand reporter mais sans en foumir l objet Que ce soit avec une uvre r alis e en 1982 dans un service chirurgical sp cialis en r paration plastique avec la s rie d images des ruines modemes de Beyrouth 1984 ou encore la s rie plus r cente Fait 1992 parcourant juste apres la bataille le d sert du Kowe t encore br lant Sophie Ristelhueber rappelle que l art v ritable bo te noire est l inverse du processus m diatique d amn sie un m dium qui se souvient Non pas dansle sens de la comm moration d un souvenir ou d un v nement rappeler ni dans celui d une d nonciation d actes de violence extr me du monde actuel Ainsi dans son plus r cent travail en juillet 1995 invit e participer l exposition Dialogues de paix Gen ve sur le sol m me de l ONU Sophie Ristelhueber a choisi non pas de montrer des images mais d utiliser les objets de
45. la guerre au Proche Orient Comment vous tes vousint ress e a ce sujet Sophie Ristelhueber Le terme de guere n est pas appropn a mon travail Je ne suis pas comme une joumaliste qui part enqu ter sur un conflit En tant qu artiste je suis anim e parautre chose les stigmates de la guerre sur le sol koweitien les routes bar es tout ce vocabulaire visuel ne pare pas particuli rement de l Irak ou de la Cisjordanie C est plus universel Je travaille plut t comme une arch ologue Pour moi tout est cyclique les choses se r petent dans un temel recommencement de destruction et de construction sans quoi on n aurait nen d truire Pour ma premi re s re de ce type en 1982 je voulais travailler sur la repr sentation d une ville en ruine Apr s le si ge Beyrouth tait une ville parfaitement modeme avec des cin mas des restaurants chic des banques mais en proie la destruction J y suis amiv e en m me temps que la force intemationale Il n y avait plus de joumalistes Arafat avait quitt le Liban Isra l aussi Quel est votre rapport aux autres images relatives ceszonesen conflit Je zappe toujours un peu le soir sur les cha nes d information mais je ne suis pas une grande consommatrice d images Je n en regarde pas beaucoup et j en fais moi m me tr s peu J ai plut t envie d apporter un peu de silence de m ditation La press crite me fait davantage r fl chir Pendant la premi re guerre du Golfe e
46. le roman situ a Sarajevo le personnage principal d sesp r parla mort de son fr re s livre des r flexions inopportunes et antiromantiques sur le monde la tere et l espace L espace nous accapare Nous ne poss dons de lui que ce que l oeil peut parcourir Mais il nous puis nous effraie nous appelle nous chasse Nous nous imaginons qu il nous voit mais nous n avons aucune importance ses yeux nous disons que nous le maitrisons mais nous ne faisons que profiter de son indiff rence 21 Le Tunnel est en apparence un pittoresque passage pi tonnier perc a flanc de montagne ressemblant a une grotte du 18e si cle et propose un p riple dans la nature la fois organique et inorganique Dans Beyrouth photographies qui d couvre une piscine envahie par des broussailles l artiste a recours la tradition du pittoresque des ruines Hubert Robert Piran se les villes envahies de Max Emst dont s inspire le romancier J G Ballard Mais le pathos sil y en a est radicalement r duit par l pigraphe du texte accompagnant le livre tir e des crits inhumains de Lucr ce 22 Cette citation renvoie d autres themes de l artiste notamment le vide des espaces d sertiques Dans De Rerum Natura Lucr ce postulait un univers compos d atomes ir ductibles et de vide inanio rendre vide 23 On pourait dire que Sophie Ristelhueber retoume ce vide et au processus du retour au n ant m me dans une uvre aussi tar
47. les repr senter est artistique non pas photographique Pr sente Vukovar peu avant sa destruction en novembre 1991 elle n en rapporte pas de clich s qui selon elle seraient impuissants traduire le niveau extr me de haine et de violence qui r gne alors entre les bellig rants serbes et croates Ce n est qu apr s une longue maturation et un lent cheminement int rieur qu merge la S rie Every One Pour cette s rie Sophie Ristelhueber prend en 1994 dans un h pital parisien des clich s en gros plan de cicatrices ou de plaies sutur es dont elle tire de grandes preuves pr s de trois m tres de haut d une nettet et d une neutralit cliniques Sans aucun rapport avec la guerre ces images voquent toutefois les atrocit s qui ravagent a l poque le Rwanda et la Bosnie elles en deviennent l all gore La d signation litt rale des cicatrices sestompe demere un sens figur latent les horreurs des guerres civiles de l poque de toutes les guerres Ce par quoi elles acqui rent une valeur politique L image photographique qui repr sente explicitement quelque chose est ainsi amen e a signifier implicitement autre chose Ce passage de la description litt rale a la signification g n rale intervient la conjonction d une double d marche le respect des proc dures techniques de la photographie d une part le refus des pratiques du reportage d autre part Sophie Ristelhueber emprunte au reportage ses outils la phot
48. li rement videntes ostensiblement pr sentes mais p trifi es et sans attente Ces chemins sont priv s de leur finalit de leurs destinations ils ne relient plus L art de Sophie Ristelhueber est de nous parler d un pays lointain qui est l o nous sommes Ses grandes photographies de paysages de la S paration pouraient porter le titre de No w here Car cette appellation je l emprunte Markus Raetz peut se lire toujours dans la langue de la communication universelle tout la fois comme nulle part et comme maintenant ici L artiste fran aise avec une force insistante sait pr cis ment se retirer sur cette limite et laisser parer sa place les pierres et les champs d serts devenlus les receptacles de sla r v lation comme le dit Hofmannsthal dans La lettre de Lord Chandos 1902 En 1995 le Cabinet des estampes avait sous le titre Les bamcades myst rieuses Il pr sent une premi re fois les travaux de Sophie Ristelhueber mm Source http www mamco ch artistes fic hiers R nstelhueber html 16 Sophie Ristelhueber Eleven Blowups 2006 format variable s rie de onze photographies Installation aux Rencontres d Ares ancien h tel particulier de la Banque de France E a or ae ea _ pan Le i oC P an M ioe i 7 17 Sophie Ristelhueber Eleven Blowups 2006 Installation aux Rencontres d Ares Quand j ai commenc a me poser des questions
49. m art49 art49geneve nsf 0 E65411A8333B2EE0C 1256FD2004529B4 0penDocument et http www panis art com lieu art exposition exposition 640 3E musee zad kine sophie nstelhueber le luxembourg html Sophie Ristelhueber Fait 1992 100x126c m s rie de 71 photographies couleurs et noin blanc Images pr sent es sous fome d installation publication sous le titre Aftermath Londres Thames amp Hudson 1992 photographies prises au Kuweit en octobre 1991 peu apr s la fin de la premi re guerre du Golf USA Irak d but ao t 1990 fin f vrier 1991 Sophie Ristelhueber Fait 1992 P F q m 1 a a a i a a be i ni z 7 bs jit es a k sm Es a 4 ie eee Fou A pe E a rie SE F me aa k Aa Aia per US et eus D L a i gt i Me AL ae pi i a a ron Ce Ba E Won r F Li CRT Jy a For r DR i b gt ae y CR eee en Er yt de GR en Te eee CU ne RTS STE EP Vue partielle de l installation T 1 LET ls i ki ae f Marcel Duchamp Man Ray Elevage de poussi re 1920 New York parue en 1922 dans la revue Litt rature sous le titre Vue prise en a roplane il sagit en fait du c l bre Grand Verre pos m me le sol de l atelier de Duchamp New York et sur lequel sest accumul e la poussi re ih 5 m zj es e 3x120x180 c ai E ri er Irak 2001 tnptyqu istelhueb ei OF a pe Sophie Ristelhue
50. n f vrier 1991 fin p 34 je n avais pas de t l vision et c est une toute petite image parue dans le Time Magazine montrant un Jaguar bombardant une tranch e avec destraces noires sur le sl jaune du d sert quia d clench en moi l id e de la s rie Fait sur les stigmates topographiques de la guerre Comment regardezvousle traitement m diatique des v nements actuels Ce qui me frappe en voyant les images t l visuelles c est que ce sont temellement les m mes la m me architecture de mauvaise qualit bombard e des morts les hommes autour les femmes qui pleurent Les m mes images que celles de Beyrouth en 1982 et 2006 C est d sesp rer de l homme Je comprends la th tralit de la douleur manifest e par les victimes avec les femmes en pleurs les drapeaux ca fait partie de leur culture Mais pour nous Occidentaux ces images sont toujours les m mes et on ne voit plus nen Mais qu est ce que les t l s peuvent faire d autre Pourtant j ai vu r cemment une image int ressante une vue a renne montrant en Egypte les entr es de tunnels par ou les combattants du Hamas font passer des ames et les vivres L entr e est prot g e par une petite tente blanche comme un camp de vacances d o un d calage incroyable entre la gaiet destentes et la r alit de ce qui se pass en dessous Avez vous d j travaill avec des images t l vis es Oui r cemment pour la s rie Eleven Blowups j ai d abord vu la t l
51. n traditionnel ces publications fonctionnent comme un projet artistique en soi l tape qui vient clore l exp dition Nicamets de notes ni livres relatant l historique de chacune des exp ditions ce sont des publications part enti re Des livres de poche dont la qualit du papier ainsi que la maquette r alis e par l artiste elle m me rendent proche du livre de bibliophile Des livres o l on entre de plain pied dans l image Un peu comme dansla salle obscure d une salle de cin ma A l instar des films de Godard ces livres sans autre chronologie que l al atoire des rencontres o les photographies ne sont pas cat gon es ni hi rarchis es peuvent 22 tre abord s de n importe quel c t et se d couvrir dans tous les travellings possibles dans tous les retours en avant ou en arri re dans tous les arr ts sur images Ce ne sont pas des livres d images Mais des livres comme exposition et non le simple prolongement de l exposition En exergue apparaissent toujours de courts textes Lucr ce pour Beyrouth Clausewitz pour Fait Thucydide pour Every One qu elle a trouv s apr s avoir men ici encore une enqu te Des textes qu elle utilise comme des ready made litt raires Ni commentaire ni description des images ces textes d auteurs hors actualit formulent un cart signifiant d une troublante modemit alors que des textes d auteurs contemporains ne seraient que purs pl onasmes Des pr textes qui n enferment pasle tr
52. nt ainsi a diffuser cette nouvelle approche du paysage en Europe continentale Le mouvement se poursuivit en 1981 grace a lAmolfini Gallery de Bristol qui monta une exposition itin rante intitul e New Topographics Dans un essai publi dans le catalogue accompagnant l exposition Paul Highnam signalait une nouvelle sensibilit un manque d engagement motionnel relevant les accusations de la part de certains critiques de froideur de distance de banalit 34 On peut sans doute tablir des liens entre la red finition du paysage propose par les nouveaux topographes am ricains et celle de Sophie Ristelhueber a partir de ce que Paul Highnam appelle le style reducteur des images qui tout en voquant le minimalisme par certains c t s montre des tracesde vie qu un examen attentif et prolong des photographies r v le abondantes 35 Mais la comparaison vaut surtout pour la th matique d une autre trace celle de la pr sence absente 36 28 Notes 1 Alain Robbe Grillet Nature humanisme et trag die Pourun nouveau roman Paris Minuit 1963 p 67 2 G Bateson Mind and Nature A Necessary Unity New York E P Dutton 1965 p 228 3 Robert A Sobiesck Robert Smithson Photo Works Los Angeles County Museum of Art University of New Mexico Press 1993 p 27 4 Voir Hans Magnus Enzensberger La Grande Migration suivi de Vues sur la guerre civile traduction de Bemard Lortholary Par
53. ographie et l un de ses th mes majeurs la guerre mais en les pliant aux proc dures de l art Le sens politique des images se construit ainsi partir du reportage de guerre et contre lui Il provient moins des contenus et des outils la photographie que des formes des temporalit s des vitesses des trajectoires d images que de leurs distances temporelles et spatiales avec les choses et les faits La mani re de Sophie Ristelhueber soppose en effet en tous points celle des photographes de guerre Le syst me excessivement concurrentiel de l information contraint les reporters agir dans l urgence ils sont reli s par satellite directement leuragence sinscrire dansle cours m me des v nements faute de quoi leurs clich s perdraient de leurvaleur marchande et se soumettre une sorte de doxa esth tique Faire des images qui donnent au monde ce que le monde a envie de voir d clare Luc Delahaye de l agence Magnum Sophie Ristelhueber au contraire oppose la lenteur et le m rissement l urgence la distance spatiale la proximit l apr s coup au pr sent de l v nement l cart allegorique l vidence oblig e des clich s de presse Sa d marche ne proc de pasdu t moignage ni de l engagement mais se veut plus proche de l art que du monde Ses images ont pourtrajectoires les galeries les mus es et les livres d artistes leurs formes sont celles de l art plus que celles de la presse la monumentalit
54. ork may simply be the plain fact the FAIT of our presence on the land The sight of it can be more chastening ultimately than a picture of individual misery or an illustrated history of human calamity Marc Mayer Curator Alonght Knox Art Gallery Buffalo NY 1 Literally informal art A reaction to the cerebral School of Paris approach to painting Art informel was a more intuitive and casual style than cubism Source au 06 02 18 http www albrightknox org pastexh Ristelhueb er SRessa y html Sur la s rie Fait voir le texte de la conf rence de J r me Sans Sophie Ristelhueber Une uvre de terrain en fin de dossier T moignage de Sophie Ristelhueber en anglais 1 45 sec http www imagearts ryerson ca imagesandideas pages artistpic ture cfm page 196 Voir le v cu d un photoreporter qui pane notamment de la 1 re guerre du Golfe dansl article en ligne p 72 73 du pdf C est fragile une images entretien avec Jean Claude Coutausse par Renaud Ego Revue n 9 p 69 75 http www lapenseedemidi org catalog revuesrevue9 articles C outa usse pdf 11 Sophie Ristelhueber s rie Every One 1994 Voyage en ex Yougoslavie juillet 1991 avec l crivain Jean Rolin joumaliste du Figaro Photographies r alis es trois ans apr s son retour dans deux h pitaux de la r gion parisienne d S Ristelhueber Every One n 8 1994 270x180 cm 7 a Sophie Ristelhueber Every One n 14 1994 270x180 cm Un autre art
55. portante et parl paiss cicatrice qui le traverse la couleur de la souffrance s est vanouie dans une image d une grande sensualit la douceurde la courbe de cette cicatrice dessine la colonne vert brale de ce corps Sophie Ristelhueber pourait reprendre son compte les mots de Jean Luc Godard lorsqu il notait que les images se font quand on ne les voit pas sint ressant produire non une image juste mais juste une image A savoir un cin ma dans lequel le spectateur intervient sorte d op rateur D autant qu aucun moment ces photos ne sont expliqu es ou comment es Elles restent en 20 suspend r introduisant une dimension d nigme Pas une nigme explicative Des images latentes ouvertes M taphore de l uvre ouverte Le champ de la vision m a toujours sembl comparable au terrain de fouilles de l arch ologue Voir c est tre l aff t en attente de ce qui doit surgir du fond sans nom de ce qui ne pr sente aucun int r t ce qui s tait Va parler ce qui est clos va s ouvrir 3 L artiste utilise la photographie comme moyen de mise distance comme outil du voir autour de situations particuli rement charg es mais ramen es pourtant a une simple mise au monde de formes L homme regarde le monde et le monde ne lui rend pas son regard Cette phrase d Alain Robbe Gnillet est symptomatique de la d marche de Sophie Ristelhueber qui entretient avec le nouveau roman une relation au monde similaire Ce n est pas
56. ris Presses du r el 2010 entretiens Sophie Ristelhueber Luxembourg n 3 2002 impression jet d encre surbache 340 x520cm il ne faut pas abandonner le terain du r el et de l motion collective aux seuls reporters r dacteurs ou photographes Comment cr er aborderdes faits de soci t conserverla col re qui est en moi sans tomberdans le militantisme Comment rendre hommage tout en faisant uvre En parlant d une souffrance qui existera toujours C est comme a que j envisage une cr ation li e au monde existant Source Sophie Ristelhueber in GUERRIN Michel Les Obsessions de Sophie Ristelhueber Le Monde 27 09 1992 p 27 Sophie Ristelhueber dans le nu de la tre Michel Guemin Le Monde 22 janvier 2003 La photographe parcourt le monde pour capter les traces et sutures qui marquent paysages et architectures Elle expos au mus e Zadkine Luxembourg 2002 voir image ci dessus Sophie Ristelhueber re oit dans une maison hors du temps tapie dans la verdure cach e au coeur de Paris a deux pas du jardin du Luxembourg Elle n est pas chez elle et a se voit Le maitre des lieux le sculpteur Zadkine mort en 1967 a laiss des ceuvres qui offrent peu de place L invit e a n anmoins accroch d immenses photographies encastr es entre deux murs tutoyant le plafond Sophie Ristelhueber r pond une commande du Mus e Zdkine avec pour sujet le jardin du Luxembourg ou elle jouait enfant et
57. serv la trace du corps absent de la m me mani re que les individus sujets de son reportage de 1980 avaient t aval s parle papier peint dans Vulaines Ill la forme de son corps subsiste telle une trace imprim e sur un divan La s rie des Vulaines poss de de nombreux points communs avec celle des Bamicades myst rieuses 1995 toutes deux mettent en sc ne des objets familiers de l artiste comme des invocations proustiennes de la m moire La sph re priv e celle des souvenirs de famille et des mythologies personnelles qui joue un r le capital dans Vulaines figure galement dans Les Bamicades On a affaire des scenes intimistes ramass es tronqu es ichement color es jouant sur un trope d obstruction discr te reprenant le th me du morceau de Couperin compos au XVIIIe si cle pour un public aristocratique 15 Dans Les Bamcades la sc ne s est d plac e dans un int rieur bourgeois o les surfaces vocatrices foment un cran Ces bamicades ne sont bien entendu pas les seules il y a aussi les routes d chir es et obstru es de Palestine dans WB ou le corms de l artiste est cras parle poids de l Histoire et non plus par les ravissements de la maison d enfance Dans la premi re moiti de l uvre les surfaces us es et famili res installent une th matique zones d coratives dans un int rieur papier peint om motifs cousus ou brod s on distingue une vieille machine coudre recouverte de son capo
58. site fran ais sont accompagn s d un texte de Tolstoi extrait de son demier roman Hadji Mourad 1904 lequel tablit un parall le entre le rebelle musulman du Caucase et la t nacit d une plante indestructible L artiste y voyait un lien avec son propre triptyque irakien et ses p riples au Moyen Orient et en Asie En 1851 soldat dans l arm e du tsar Tolsto se trouvait en Tch tch nie il avait t t moin des conflits au Caucase et de la saga de l insurg Hadji Mourad Les sites de l expansion et des conflits coloniaux le Caucase dans le cas de Tolstoi et de la Russie imp riale taient avec Le Chardon r implant s dans la m tropole en Ares par le biais de projections d espaces locaux r solument anti imp naux ou plut t anti coloniaux au point de toumer en d rision l id e m me de ma trise humaine sur un temtoire tranger indig ne Noume de l antihumanisme de Robbe Grillet qui rejette l analogie anthropomorphiste la strat gie formelle de Sophie Ristelhueber met en avant la supr me indiff rence de l espace le spectacle d un monde profond ment tranger Sensible au courant anti humaniste l artiste porte son regard sur un paysage neutralis fid le un type de diversit culturelle toum vers l Orient on en trouve un excellent exemple dans son projet japonais intitul Le Tunnel 2003 o elle utilise un extrait du Derviche et la mort de Mesa Selimovic un Bosniaque d origine m l e Dans
59. st Bank l on retrouve de mani re tr s dense poursuit l artiste fran aise toutes les obsessions de sles travaux ant reurs traces cicatrces destructions de la pr sence humaine ou encore constructions d obstacles en tous genres pour se s parer de autre Les images qu en novembre 2003 puis en f vrier et mars 2004 Sophie Ristelhueber a rapport es de Cisjordanie sont celles aussi de son paysage int rieur Aussi les a t elle accompagn es de ce seul petit texte imprim en 4e de couverture de son livre d artiste qui int gre tr s librement traduite une citation du De rerum natura de Lucr ce Qu est ce que je fais l an antie sur le toit de cette voiture Est ce que je me dis qu il est doux de se tenir sain et sauf sur le rivage regarder les autres lutter au milieu des courants d chain s et des vents furieux Non qu il y ait du plaisir tirer du malheur d autrui mais il est doux d tre pargn par un tel d sespoir Sans doute comme artiste suis je moi aussi en guerre Pour le reste ces images montrent une contr e o les routes entre les villes et les villages sont coup es Tout simplement coup es par de petites tranch es creus es le plus simplement du monde la pelle m canique ou parfois obstru es par des rochers et des blocs de b ton amoncel s Les routes de part et d autre de ces cuts comme on le dirait dans la langue de la communication universelle sont vides et singu
60. t La s rie se temine sur une photographie montrant l ami re d un piano queue flanqu encadr par deux dossiers de chaise recouverts de tissu motifs dans le style des ann es 1940 et l on s imagine coutant le morceau de Coupenn Cet objet choisi pami les monuments de l enfance joue un r le similaire a celui d un tableau autrefois accroch dans la maison familiale et repris surdimensionn dans l exposition Autoportrait 1999 Portrait d une femme m re il rappelle pourtant l univers singulier des int rieurs confin s peints par C zanne au d but de sa carri re tableaux plac s sous le signe de la claustrophobie et de la pr sence crasante du p re Les clich s que Sophie Ristelhueber avait r unis autour de ce gigantesque portrait intime l huile 16 taient des souvenirs de ses voyages en Azerba djan et au Tadjikistan tous semblaient pr senter une vision lugubre de patrie abandonn e mur sans toit parodie de maison alignement d chafaudages ressemblant a des gibets sur une terre d vast e La prise en compte par l artiste des aspects affectifs de l espace et de la g ographie est doublement li e a la m moire culturelle surgissement involontaire de bribes de m moire dans Vulaines en cho au processus proustien mais aussi m moire incam e des difices pass s et pr sents fond salutaire des conflits et des destructions contemporaines c est le cas par exemple de la longue colonnade romaine de
61. t in Sophie Ristelhueber Op rations Les presses du r el 2009 p 212 219 Ruines et entropie Dans ses photographies Sophie Ristelhueber expose un univers d objets abandonn s de gravats de tere et de ruines mais elle s est efforc e de tenir a distance le pathos traditionnellement associ ce type de repr sentation On poumait dire qu elle a ainsi vit ce que Robbe Grillet appelait la tragification syst matique du monde 1 l instar d autres artistes importants de ces quarante demi res ann es qui ont saisi sur la pellicule des paysages boulevers s tels Robert Smithson et Richard Misrach ainsi que les nouveaux topographes Joe Deal Robert Adams et Lewis Baltz Cette strat gie visuelle propose une vision entropique du monde o les perspectives sont agr g es d sorganis es amoncel es au hasard 2 de mani re incompr hensible pour le regard humaniste ordinaire Robert Smithson par exemple estimait que le nouveau cin ma de Jean Luc Godard et le nouveau roman d Alain Robbe Grillet taient fonci rement entropiques 3 Dans le casde Sophie Ristelhueber les esoaces entropiques de gravats et de ruines laborent des histoires spatiales Dans le texte anglais accompagnant son installation Eleven Blowups 2006 elle citait les lieux de conflit qu elle avait vist s au Proche Orent expliquant comment ils s inscrivaient dans son approche personnelle du pass r cent Ce brassage d l
62. terrain de cette organisation pour installer cinq tentes blanches de r fugi s sur le toit desquelles taient s rigraphi s des extraits de R solutions venues tout droit des salles de conf rence Mais l oppos de l attitude joumalistique consistant courir apr s les conflits intemationaux et les catastrophes en tous genres qui constituent l actualit pour couvrir au jour le jour l v nement t moigner et ramener des images sensationnelles ou le scoop le travail de Sophie Ristelhueber sint resse aux traces durables laiss es sur le temain Elle pare du regard de ce regard du monde contemporain qui force de trop vouloir voir se brouille et devient aveugle Il ne s agit pas pour elle d ajouter de nouvelles images dans un monde m diatique d j sursatur en d pit de la volont d sesp r e de l homme contemporain vouloir en formuler de nouvelles L exp dition comme engagement Sophie Ristelhueber aborde son travail comme autant d exp ditions Sa d marche r solument originale implique la n cessit d une exp rence d un investissement physique proche de la perfomance et d une confrontation directe au r el dessituations Aller vers tre au plus proche du r el Etre sur le terain du regard Exp dition dans le sens d exploration avec tout le poids de l organisation de la pr paration de l aventure Celle de l artiste comme celle de l uvre Comme dans la d marche de Sophie Calle son travail et sa vie ne font qu
63. tos servent illustrer quoi que ce soit un article de presse un texte de livre et m me un disque de REM comme on le luia demand Elle met le paysage ou le corps vif afin de cr er des formes fortes Un objet quand il est cass se voit mieux il est comme d shabill La nudit des lieux me touche profond ment Le d sert du Kowe t lui fait penser l Elevage de poussi re de Duchamp Une cicatrice qui sre le dos d une femme Every One 1994 est pour elle de l ordre de l architecture et du paysage A l poque le monde de l art en France m a un peu m prise qui r duisait mon travail du reportage Aujourd hui un paquet d artistes vont zonerdansle monde C est devenu une tarte la creme Sophie Ristelhueber est souvent cit e copi e maiselle est plus reconnue l tranger Personne n a repris la r trospective du Museum of Fine Arts de Boston en 2001 voir le livre Details of the World sorti galement en fran ais Consolons nous avec ses livres o la encore elle a fait cole avec des petits objets soign s de l ordre de la mise plat clinique l oppos d albums spectaculaires et emphatiques Elle tait New York apr s le 11 septembre 2001 mais n a pas pens prendre une photo En revanche elle a vu la t l vision les pompiers d gagerun morceau d immeuble Ils ont sorti ce truc comme s ils sortaient un animal J ai cette image dansla t te Elle ressortira un jour Source http geneve art49 co
64. tte terre et ce qu on lui fait subir les strates et scanfications J ai vu un paysage transform parles saisons sec l automne avec la tere marron cram e parle soleil bucolique et vert en mars Pourquoi ne pas montrer les gens Le plus souvent les photographes montrent uniquement les gens alors que l enjeu c est la terre C est un travail sur la tere comment on la martynse Je crois qu on n a jamais vu la Cisjordanie comme a Comme dans mes images pr c dentes on n avait pas vu le Liban et l Irak de cette fa on C est ma vision d artiste que de montrer ce que les autres ne regardent pas Mon ami l crivain Jean Rolin m avait dit Qu est ce que tu vasfaire l bas Il n a compris qu apr s avoir vu les images M me chose pour une joumaliste de Haaretz qui voulait me montrer comment les gens vivent avec lescheckpoints Je luiai r pondu que j avais vu a vingt fois la t l vision 15 Comment vous situez vous par rapport aux photoreporters lly a chez moi un c t documentariste je veux voir et savoir Mais je ne publie pasdansla presse Les l gendes que l on met sur les images sont pour moi un cauchemar Mes livres sont petits prochesde la m ditation l oppos des gros albums oubli s sur la table basse Je ne fais pas un travail militant Je cr e des formes Les rochers sont comme des installations d artistes Et donc je ne montre pas les gens Personne ne sat en regardant mes photos ce que je pense d
65. u conflit En m me temps d un r cent s jour en Irak j ai rapport un triptyque de palmiers calcin s qui je crois dit bien ce qui se pass l bas Vous donnez peu d infommations dans l exposition et le livre Le spectateur et le lecteur peuvent se confronter des paysages assez beaux Moi aussi quand je photographie je finis par oublier les Palestiniens et les Isra liens pour ne retenir que l obsession des traces Je pensais plut t au nu de la tere au travail que j ai fait sur le jardin de mon enfance celui du Luxembourg Paris Mais je crois que les gens per oivent tr s bien le projet Ou voulez vous aller maintenant Je veux faire quelque chose sur l Irak depuis Pans partir d images de l actualit violente Le th me s est impos en voyant la t l vision Une image du crat re Gnome apr s l attentat contre Harn Beyrouth a fait na tre cette id e WB Mus e d art modeme et contemporain 10 rue des Vieux Grenadiers 1205 Gen ve Suisse J usqu au ler mai Stitches a la galerie Blancpain Stepczynski 3 rue Saint L ger 1205 Gen ve Suisse Du 8 avril au 21 mai WB d Thamesand Hudson 54 photos 22 Source http wWww lemonde fr web article 0 1 0 2 3246 36 636899 0 html Sophie Ristelhueber WB 2005 mamco Gen ve Dans la suite des cinquante quatre photographieset dans le petit livre d artiste qui les reproduit sous le sobre titre de W B du nom anglais en usage l bas soit We
66. uin 1982 Revue du Centre de Cr ation Industrielle Centre Georges Pompidou page 2 9 Gilles Lipovetsky L re du vide Gallimard 1983 pp 40 43 10 Maunce Blanchot op cit p 308 11 Paul Vinlio L cran du d sert chronique de guerre Galil e 1991 p 179 12 George Steiner R elles Pr sences les arts du sens Gallimard 1989 p 148 23 Sophie Ristelhueber La guerre autrement J ean Max Colard Les Inrockuptibles n 686 20 janvier 2009 p 34 35 Alors que d ferent les visions effrayantes de Gaza sous les bombes les images r alis es au Moyen Orient par la photographe Sophie Ristelhueberne montrent pasla guene maissestraces et sescicatrices R trospective Paris La photographe francaise Sophie Ristelhueber expose Paris Jeu de Paume 20 1 22 3 09 vingt ans de photographie Vingt ans notamment pass s a produire une autre criture visuelle de la guerre que celle port e par les m dias a chercher la surface du sol les stigmates du conflit les blessures inflig es aux territoires routes bar es crat res d explosions traces de bombardements apparaissent alors comme autant d emblemes intemporels d une histoire toujours recommenc e enlisee dans les sables mouvants du Moyen Orient A l occasion de sa premi re grande exposition personnelle en France nous lui avons demand d expliciter son autre vision des choses Entretien Dans votre exposition au Jeu de Paume plusieurs s res d images traitent de
67. ut t le paysage comme un lieu complexe o l avenir se pr pare des guerres secretes se d roulent des poisons sont dispers s des histoires sont inscrites 28 Chez Misrach pr cis ment le nostalgique paysage de la r verie et de la retraite est absent 29 2 Paradoxalement les clich s du d sert pris par Misrach montrent une sorte de sublime parano aque tandis que Sophie Ristelhueber a pr serv les tensions de la pastorale en tant qu antipastorale C est sans doute dans La Campagne 1997 que l ironie est la plus frappante la mort s est introduite dans le jardin Pour voquer le g nocide en Bosnie des images de verdure de paysages bucoliques qui si on s en approche contiennent des maisons d truites des arbres mitraill s 30 Une nouvelle topographie d absences structur es Ce sont des questions de vie et de mort qui entrent en jeu dans les paysages dissimul s et ambivalents de l artiste comme le montre le choix des sites non seulement dans l ancienne R publique f d rale de Yougoslavie mais surtout au Liban en Syre en Irak Le fant me de l accord Sykes Picot de 1916 d limitant les zones d influence fran aise et anglaise plane sur le travail de Sophie Ristelhueber au Moyen Orient et continue a se faire sentir dans le d sastreux h ritage des anciennes colonies Sa strat gie neutraliser les scenes de catastrophe en pr sentant des documents impassibles et d cal s n est pas sans pr
68. yrie L altemance de constructions et de destructions humaines constitue un th me obsessionnel de mon travail 8 explique t elle Il s agit de montrer diff rents moments de construction et de destruction parfois s par s par plusieurs mill naires d marche qui rapproche l artiste de l arch ologue A propos du travail effectu pour la D l gation l am nagement du territoire et l action r gionale en 1984 86 elle d clarait J ai eu le sentiment de donner voir une image fossiis e de la France de faire un travail d arch ologue 9 Sophie Ristelhueber a mis au jour les traces grav es au sol du changement perp tuel de la civilisation et de la guerre Cette activit incessante au coursde l Histoire produit des strates supermos es 10 un r cit d histoire spatiale ressemblant la documentation photographique rassembl e en 1969 par Robert Smithson sur l H tel Palenque au Mexique un tablissement moiti construit mais d j en voie de d sint gration avec sa piscine abandonn e 11 semblable celle du Beyrouth de Sophie Ristelhueber qui incamait un mod le d entropie en tant qu effondrement le long de diff rentes chelles de temps 12 la fois imm diates r centes et archa ques l gies int rieurs familiaux et espace public de m lancolie Si l artiste s efforce de d tragifier le monde comme l aurait souhait Robbe Grillet on sent malgr tout poindre l l g

Download Pdf Manuals

Related Search

Related Contents

A Portable Real-Time Kernel in C, 5/92  CHAT USER MANUAL  NOTICE - hul annual report 2014-15    取扱説明書      

Copyright © All rights reserved. Failed to retrieve file