Mémoire et oubli - Deutsch-französisches Historikerkomitee
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1. pe Michel De Waele Stephan Martens dir Controverses de la Rome antique nos jours Sep ten trion AP UNIVERSITAIRES M moire et oubli Controverses de la Rome antique nos jours La collection Conflits et r solution de conflits est dirig e par Stephan Martens amp Michel De Waele Cet ouvrage est publi apr s l expertise ditoriale du comit Temps espace et soci t compos de Xavier Boniface Universit de Picardie Jules Verne Alban Gautier Universit du Littoral C te d Opale Jean Heuclin Universit Catholique de Lille Herv Leuwers Universit de Lille 3 Sciences Humaines et Sociales Michel Leymarie Universit de Lille 3 Sciences Humaines et Sociales Arthur Muller Universit de Lille 3 Sciences Humaines et Sociales Chantal Petillon Universit de Valenciennes et du Hainaut Cambr sis Judith Rainhorn Universit de Valenciennes et du Hainaut Cambr sis Fran ois Robichon Universit de Lille 3 Sciences Humaines et Sociales Emmanuelle Santinelli Universit de Valenciennes et du Hainaut Cambr sis Arnaud Timbert Universit de Lille 3 Sciences Humaines et Sociales B atrice Touchelay Universit de Lille 3 Sciences Humaines et Sociales J r me Vaillant Universit de Lille 3 Sciences Humaines et Sociales Parutions dans la collection Le mod le franco allemand les cl s d une paix perp tuelle Analyse des m canismes de coop ration S Seidendorf d 20132. Vivre ensemble vivre avec les autres Conflits et r solution de conflits travers les ges S Martens M De Waele ds 2012 Michel De Waele Stephan Martens dir M moire et oubli Controverses de la Rome antique nos jours Publi avec le soutien de l Acad mie franco allemande des relations internationales de Bordeaux et du Goethe Institut de Bordeaux Presses universitaires du Septentrion www septentrion com 2015 Les Presses universitaires du Septentrion sont une association de six universit s e Universit Lille 1 Sciences et Technologies Universit Lille 2 Droit et Sant Universit Lille 3 Sciences Humaines et Sociales Universit du Littoral C te d Opale Universit de Valenciennes et du Hainaut Cambr sis Universit Catholique de Lille La politique ditoriale est con ue dans les comit s ditoriaux Six comit s et la collection Les savoirs mieux de Septentrion couvrent les grands champs disciplinaires suivants e Acquisition et Transmission des Savoirs Lettres et Arts Lettres et Civilisations trang res Savoirs et Syst mes de Pens e Temps Espace et Soci t Sciences Sociales Publi avec le soutien de la Communaut d universit s et d tablissements Lille Nord de France et de la R gion Nord Pas de Calais Presses Universitaires du Septentrion 2015 www septentrion com Villeneuve d Ascq France Toute reproduction ou repr sent
3. l origine un devoir de t moignage afin que le crime de la Shoah ne disparaisse avec les survivants il est ensuite devenu l argument de certains particularismes On peut comprendre l inqui tude de P Nora d s la fin des ann es 1970 devant le constat que l histoire s crit d sormais sous la pression des m moires collec tives gt En effet si la m moire qui est port e par des groupes vivants ouverte toutes les transformations vuln rable aux manipulations virevoltante r ussit d s quilibrer l histoire pond r e parce qu elle a le bon droit pour elle qu est ce que l avenir r serve au m tier d historien Plus r cemment on constate encore l explosion d un v ritable tourisme m moriel En 2012 les camps d Auschwitz et Birkenau ont accueilli 1 3 millions de visiteurs en groupes organis s ou individuels Pour beaucoup et notamment les enseignants qui y am nent leurs l ves il s agit d un geste de m moire pour mieux prendre conscience de l horreur de l extermination Pour d autres ils deviennent de plus en plus des lieux visiter au m me titre que les ch teaux de la Loire ou Versailles Comment pr server le respect et l motion qu ils g n rent dans un environnement touristiquement banalis Les limites sont difficiles cerner entre curiosit intellectuelle hommage ou activit de loisirs Des historiens s l vent au d but des ann es 1990 cont
4. L Allemagne et son pass colonial depuis 2004 Politique africaine n 102 juin 2006 p 50 66 43 Cf Antoine Garapon Peut on r parer le pass Colonisation esclavage Shoah Paris Odile Jacob 2008 L avenir du pass Pour une m moire vivante 27 De la tentation l impossibilit d oublier Il est pourtant une fa on radicalement diff rente d envisager la construction du commun l radication du pass En effet si l histoire peut conduire la mise en valeur voire la fabrication d un roman national ou d une r conciliation entre peuples et pays elle est aussi rem moration de trag dies d injustices et de crimes au risque de raviver les plaies et d entretenir les diff rends Du massacre de Nankin la Seconde Guerre mondiale l archipel nippon entretient avec son pass une relation complexe faite de non dits de tabous et de refoulement Perceptible jusque dans les manuels scolaires ce malaise persiste Des pans entiers de la p riode 1937 1945 avec ses quatre millions de morts civils et militaires ses massacres ses exp rimentations bact riologiques sur des milliers de cobayes humains de l Unit 371 sont aujourd hui encore att nu s par le Japon Non seulement la Chine accuse r guli rement le Japon d amn sie historique et d ignorance des souffrances inflig es aux autres mais de plus la coh sion des ann es de la guerre froide entre le Japon la Cor e du Sud et T
5. Guadeloupe sur l esclavage et l abolition Photo de Stephan Martens M moire et oubli Controverses de la Rome antique nos jours S il est malsain pour une soci t donn e de ressasser continuellement le pass il peut tre tout aussi nuisible pour elle d avoir une mauvaise m moire Les peuples comme les hommes ne peuvent pas vivre sans tre un tant soit peu en paix avec leur m moire Ils ne peuvent pas vivre dans le refoulement Aussi longtemps qu un travail sur le pass n est effectu le LA A t LA pr sent peut tre gangren par des retours n fastes La gestion m morielle d v nements historiques de trag dies de drames reste donc un questionnement tr s complexe Une solution se trouve dans la qu te d une juste m moire formulation emprunt e Paul Ric ur dans La m moire l histoire l oubli ce fragile quilibre entre l valuation historique selon la pluralit des m moires et la n cessit d une distanciation critique car condition d carter des malentendus propices aux pol miques les abus d oubli paraissent en effet aussi toxiques que les abus de m moire De la Rome antique nos jours sur la base de la longue dur e les textes pr sent s par une quipe internationale de chercheurs tentent ainsi de faire avancer le d bat PEL 9 17827571 407899 INSTITUT Lille Nord de France Contributeurs Flavien Bardet Univ Bordeaux Montaigne Carl
6. Timothy Snyder qui renvoie dos dos distinctions subtiles et nuances int ress es car au plus tard partir de 1938 Staline et son appareil visent bien des cibles de moins en moins sociales et de plus en plus explicitement ethniques les Polonais et les Ukrainiens puis apr s 1945 les Juifs En ce sens l auteur montre comment le chevauchement de deux syst mes totalitaires a laiss pr s de 15 millions de victimes affam es sur ordre tu es ou gaz es vivant dans leur chair la conver gence entre communisme et nazisme L histoire est inconfortable souligne t il en montrant comment les deux totalitarismes se sont encourag s dans une escalade de la violence menant la barbarie la plus brutale L historien ne d livre nullement de bons et de mauvais points aux dictatures stalinienne et nazie mais il se m fie tout autant d une concurrence des m moires qui emp che selon lui de comprendre que dans la r alit historique ces horreurs appartiennent au m me espace et la m me poque C est dans cette logique que les Europ ens de l Est d plorent l asym trie m morielle des pays de l Europe de l Ouest qui ne mettent pas sur le m me plan les crimes du nazisme et ceux du communisme lont voit que les deux Europe n ont pas le m me r f rentiel m moriel Les peuples de l Est lib r s de leur exil par la chute du communisme ont rejoint ceux de l Ouest mais en y apportant leur pass Pour const
7. la libert passe par la reconnaissance de ce qui nous d termine La libert r sulterait donc de l effort d anamn se de la poursuite du souvenir dans ses 60 Cf Fran ois Cadiou ef al Comment se fait l Histoire Pratiques et enjeux Paris La D couverte 2005 61 P Ric ur La m moire l histoire l oubli op cit p 650 62 Aleida Assmann Der lange Schatten der Vergangenheit Erinnerungskultur und Geschichtspolitik Munich Beck 2006 p 50 63 Emmanuel Kattan Penser le devoir de m moire Paris Presses universitaires de France 2002 p 120 64 P Nora Les lieux de m moire gt op cit p 348 65 E Kattan Penser le devoir de m moire op cit p 118 34 Stephan Martens retranchements En somme il existe deux possibilit s que la m moire dans son emploi intransigeant conduise au repli au communautarisme ou dans son emploi quilibr qu elle procure plus de libert Il reste qu au bout d une longue et pertinente r flexion l historien P Joutard pr ne l alliance n cessaire entre m moire et histoire Selon lui les raisons sont multiples mais il en retient surtout deux Une raison pist mologique et thique d une part en ce sens que la m moire pr munit l histoire contre la tentation du d terminisme Elle permet de retrouver le pass comme un pr sent ayant un avenir c est dire comme ayant plusieurs solutions possibles L enjeu est
8. La face cach e du GI s Paris Payot 2006 Mary Louise Roberts What Soldiers Do Sex and the American G I in World War II France Chicago University of Chicago Press 2013 L avenir du pass Pour une m moire vivante 25 durable Mais des tats africains ont eux m mes contribu la traite C est un fait que m me si le mode de production en Afrique n tait pas fondamentalement esclavagiste les soci t s y connaissaient certaines formes de servitude La traite ne se limitait donc pas la vente des Noirs des Blancs dans les ports africains Elle englobait la mani re dont les esclaves taient produits l int rieur du continent et achemin s sur la c te La traite transatlantique tait une organisation globale qui mettait en relation dans un partenariat asym trique mais int ress les compagnies europ ennes avec des lites africaines Celles ci utilisaient la traite pour red finir les rapports du pouvoir sur le continent Et si Gor e a t rig en m morial la maison des esclaves avec les t n bres du couloir qui d bouche directement sur l Atlantique par une ouverture baptis e Porte du voyage sans retour au moment de l ind pendance du S n gal en 1960 lorsque les discours magnifiaient l unit africaine contre le colonialisme plut t que de choisir un lieu situ l int rieur du pays l o des lites africaines ont captur des paysans pour les vendre ce qui
9. alors pr sident de l Allemagne avait lui demand pardon pour tout ce que les Allemands ont fait Pour l Allemagne nation m morielle par excellence le pass doit toujours rester vivace si l on veut une Europe pacifique Le travail de m moire par la connaissance historique C est la capacit collective expliciter scientifiquement les souffrances et les contentieux qui offre des perspectives d apaisement Des proc s historiques sont n cessaires pour juger des criminels mais ils ne suffisent pas pour ancrer dans les consciences la n cessit de travailler sur le pass incrimin Les jugements prononc s par le tribunal de Nuremberg l encontre des hauts dignitaires nazis n emp chent pas que pr s de 65 ans plus tard pr s d un jeune Allemand sur cinq ne sait pas qu Auschwitz tait un camp d extermination Le philosophe Alain Finkielkraut apr s le proc s de Klaus Barbie Lyon en 1987 s interrogeait sur la port e d un tel proc s devant l Histoire Il regrettait que les victimes du nazisme aient t livr es l actualit futile m me si le proc s avait permis d affiner la notion de crimes contre l humanit mais le spectacle en r sultant n tait pas la hauteur de ce que pouvait en attendre la M moire Pour le philosophe la m moire a certes triomph de l oubli mais c est une m moire vaine Tout processus judiciaire a donc ses limites Comment arriver alors apur
10. aurait affich la fracture entre Africains on a pr f r Gor e un lieu de rencontre avec les Europ ens Une m moire confisqu e c est aussi en quelque sorte le r cit de la vie de la collectivit qui est vici le vivre ensemble quelque chelle que ce soit qui est mis mal Ainsi la m moire collective fran aise a quasiment oubli les 500 000 soldats africains mobilis s sur le front europ en d s 1914 Des 1 500 manifestations qui ont lieu en France et labellis es par la Mission centenaire de la Premi re Guerre mondiale aucune n est consacr e en tant que telle au r le jou par l Afrique et au lourd tribu pay par ses soldats L engouement de chercheurs clair s sur l histoire du colonialisme des puissances europ ennes contribue galement l effondrement de certains mythes tel celui de l imp rialisme bienveillant de la Grande Bretagne L historienne Caroline Elkins a pu au bout d un travail de recherche de dix ans prouver que les Britanniques ont commis des atrocit s au Kenya dans les ann es 1950 provoquant la mort de centaines de milliers de Kikuyus dans des camps fortifi s sous les coups de malnutrition ou de maladie Si le colonialisme allemand ne joue pas un r le pr pond rant dans la m moire allemande car l empire colonial allemand n a exist que de 1884 1918 le souvenir en 2004 de la r pression sanglante des Hereros en Afrique du Sud Ouest act
11. contraire des inconscients nationaux singuliers parfois antagonistes Cent ans apr s la Grande Guerre reste un th tre m moriel mettant en sc ne les psychologies nationales les plaies du pass et les d fis politiques d aujourd hui et divise encore le livre de l historien australien Christopher Clark a r ouvert un d bat vigoureux sur les origines de la guerre 1914 1918 L Allemagne vaincue tait coupable c est ce que les enfants apprennent depuis cent ans Or aujourd hui l hypoth se de la responsabilit partag e des grandes puissances est ouvertement pos e La division Est Ouest persiste par rapport l approche diff renci e la Shoah et au Goulag et au souvenir du nazisme et du stalinisme On reproche aujourd hui encore l historien St phane Courtois avec Le livre noir du communisme de relativiser le g nocide juif en voquant les 80 100 millions de morts dus au communisme On se souvient aussi qu au milieu des ann es 1980 la mise en relation et en quivalence du communisme et du nazisme par lhis torien allemand Ernst Nolte provoquant en Allemagne la c l bre querelle des historiens Historikerstreit avait t per ue comme un moyen de relati viser la criminalit du nazisme en lui trouvant des ant c dents sovi tiques car par rapport au racisme nazi per u comme le mal absolu le pouvoir communiste tait au moins sous tendu par l id al de progr s et l univers
12. de reconna tre la libert humaine Or le d terminisme est l une des tentations permanentes de l enseignement de l histoire aussi forte que l anachronisme L histoire ne peut pas tre la r surrection int grale du pass d autre part La m moire peut lui fournir le fil d Ariane le lien charnel dont elle a besoin pour rendre le pass intelligible Elle lui fait entendre d autres voix qui clairent des fragments de r alit s pass es Il existe de nombreux domaines rappelle l his torien o sans la m moire des t moins l histoire est impossible faire ou tout au moins tr s incompl te Les trag dies du XX si cle en tout premier lieu la Shoah dans toutes ses dimensions en font partie Ainsi l histoire orale a t elle permis de comprendre les invisibles rest s l cart de l criture et les m moires fournissant aux historiens de nouveaux objets d tude En contre partie l histoire demeure le seul moyen d apaiser les m moires bless es et de permettre aux m moires concurrentes de cohabiter Conclusion S il n y a pas de doutes avoir concernant la n cessit de garder la m moire du pass de la faire fructifier pour pr parer l avenir la complaisance et souvent l instrumentalisation des comm morations diverses reste interroger Le devoir de m moire d pend des circonstances politiques du moment de l tat de l opinion et s accommode fort bien d
13. Bouchard Univ de Montr al Patrice Brun Univ Bordeaux Montaigne Arlette Capdepuy Univ Bordeaux Montaigne Jean Claude Caron Univ Blaise Pascal de Clermont Ferrand Olivier Forlin Univ P Mend s France de Grenoble Odile Girardin Thibeaud Univ Bordeaux Montaigne Roch Legault Coll ge militaire royal du Canada Anne Vial Logeay Univ de Rouen Markus Meckel ancien ministre des Affaires trang res de la R publique d mocratique allemande 1989 90 et ancien d put social d mocrate au Bundestag Renaud Meltz Univ de la Polyn sie fran aise Maxime Morin Univ Laval Fran ois Pernot Univ de Cergy Pontoise Johan Snyman Univ de Johannesburg Matthieu Trouv Sciences Po Bordeaux Paul Veyret Univ Bordeaux Montaigne Madeline Zielinski Univ de Rouen F115289 XF 23 ISBN 978 2 7574 0789 9 ISSN 2264 3583 Maquette Nicolas Delargilli re
14. a r alit les crimes commis par les siens Mais la souffrance des uns n est pas la souffrance des autres Il ne peut donc exister de culture commune de la m moire qui couvre toutes les exp riences terribles et diff rentes de conflits internationaux asservissement de peuples ou guerres civiles M me l crivain Andr Schwartz Bart qui consid re que la Shoah et l esclavage antillais sont deux trag dies qui ne s excluent pas mutuellement et rapproche les deux trag dies et leurs m moires respectives dans son uvre majeure La Mul tresse Solitude confiera plus tard face la critique avoir fait fausse route en essayant de parler au nom d un autre peuple et de rendre un son juste La m moire est motionnelle et partielle c est pourquoi les m moires sont conflictuelles L historien Karl Jacoby a consacr une tude sur le massacre de Camp Grant en 1871 en Arizona o une troupe r unissant Anglo am ricains Mexicains et Indiens Tohono O odham attaqua une r serve apache faisant 144 victimes pour la plupart des femmes et des enfants endormis La version officielle fit des victimes les v ritables coupables et de l attaque une juste r ponse aux atrocit s commises par les Apaches contre les colons de l Arizona laiss s sans protection par les autorit s f d rales L historien a fait le pari de raconter l v nement du point de vue des diff rentes parties en faisant entendre d autres m moires de l v nemen
15. ais 235 Markus Meckel 3 7 A L avenir du pass Pour une m moire vivante Stephan Martens Pour Josy Anne De l Afrique du Sud la Lituanie de l Allemagne nazie aux tats Unis le livre Le Mur de M moire d Anthony Doerr raconte le temps de la m moire qui relie les personnages dans six nouvelles tous hant s par la perte ou la r surgence du pass et confront s ce manque vertigineux de ce qui a t mais n est plus l image d Alma une veuve septuag naire de Cape Town qui perdant la m moire se fait implanter des cartouches de souvenirs dans des orifices cr niens Elle revit ainsi les meilleurs et les pires instants de sa vie Elle en a besoin pour continuer vivre Les courtes nouvelles montrent le besoin de procr er et l importance de l h ritage de la m moire comme si le pr sent n tant pas rassurant l espoir venait par la m moire La m moire ouvre t elle alors la profondeur de l exis tence en recueillant les diff rents temps de vie en faisant uvre de sens pour la vie Il est vrai que les tres les choses et la nature sont toujours envelopp s de souvenirs et de significations et les actions cachent des traces du pass En tant que th me de recherche les disciplines les plus diverses tudient la m moire et chacune la d finit de fa on diff rente Les neurologues se penchent sur les fondements des neurones les mat riels gt de la m moire Les psycho logues tud
16. aiwan dans le m me camp face l Asie rouge s effrite la suite de l effondrement de l Union sovi tique et de la modification des rapports de force r gionaux entra n e par l essor conomique de la Cor e du Sud mais aussi de la Chine les ranc urs ressurgissent en commen ant par la querelle de Tokyo avec P kin sur les les de Senkaku et celle avec S oul sur l archipel de Takeshima et attisent les gouvernants pour mobiliser le sentiment national Il ne faut pas sacraliser la m moire selon T Todorov ce qui est une mani re de la rendre st rile Pouss ces extr mit s le culte de la m moire est abusif Il d tourne du pr sent et de lavenir Or c est au pr sent et Pavenir qu il s agit de penser Racisme x nophobie exclusion qui frappent les autres aujourd hui ne sont pas identiques ceux d hier Pas plus que ne le seront les barbaries de demain Pire si le pass est trop comm mor ou transform parfois invent taill sur mesure dans le souvenir la m moire satur e pourrait tre une forme d oubli Le politologue Enzo Traverso pr vient que l industrie cultu relle les mus es les comm morations le programme ducatif contribuent faire de la m moire une sorte de religion civile des soci t s contemporaines Faut il alors savoir oublier P Ric ur s interrogeait sur cette probl matique et selon lui les obligations vis vis du pass ne sont pas toute
17. alisme marxiste 12 Le 18 octobre 2002 les ministres europ ens de l ducation nationale adoptent l initiative du Conseil de l Europe la D claration cr ant la Journ e de la M moire de l Holocauste et de la pr vention des crimes contre l Humanit dans les tablissements scolaires des tats membres 13 Cf Daniel Levy Natan Sznaider Memory Unbound The Holocaust and the Formation of Cosmopolitan Memory European Journal of Social Theory n 5 2002 p 87 106 Harald Welzer d Der Krieg der Erinnerung Holocaust Kollaboration und Widerstand im europ ischen Ged chtnis Francfort sur le Main Fischer Taschenbuch Verlag 2007 14 Cf Aleida Assmann Peter Novick Europe A community of Memory Bulletin of the German Historical Institute Washington DC n 40 2007 p 11 38 Ulrike Liebert Henrike M ller Zu einem europ ischen Ged chtnisraum Aus Politik und Zeitgeschichte n 4 23 1 2012 p 40 48 15 Christopher Clark Les Somnambules t 1914 comment L Europe a march vers la guerre Paris Flammarion 2013 16 St phane Courtois er al Le livre noir du communisme Crimes terreur r pression Paris Laffont 1997 17 Cf Steffen Kailitz d Die Gegenwart der Vergangenheit Der Historikerstreit und die deutsche L avenir du pass Pour une m moire vivante 21 Une telle perspective est d sormais battue en br che par l historien am ricain
18. ard Georges Mink Le pass au pr sent Gisements m moriels et actions historicisantes en Europe centrale et orientale Paris Michel Houdiard diteur 2010 20 Cf G Mink L Europe et ses pass s douloureux Strat gies historicisantes et usages de l Europe dans G Mink L Neumayer ds L Europe et ses pass s douloureux Paris La D couverte p 19 Cf en ce sens Jean Michel Chaumont La concurrence des victimes G nocide identit reconnaissance Paris La D couverte 2010 p 15 21 Cf Paul Williams The Global Rush to Commemorate Atrocities Oxford Berg Publishers 2007 22 Stephan Martens m morielles gt quatre entre 1990 et 2005 sur la base de motivations plus ou moins politico morales qui ont fortement inqui t historiens et chercheurs craignant pour l exercice en toute libert de leur m tier Depuis les ann es 1960 avec le mouvement de d colonisation tous les pays tous les groupes sociaux et ethniques dans le monde sont travaill s par la pouss e de toutes sortes d identit s particuli res qui demandent tre reconnues dans l espace public et dont certaines se constituent partir de revendications m morielles Le pass peut ainsi devenir l objet de surench res m morielles et la tentation devient de plaquer sur le pass des grilles d interpr tation qui ne sont valables que pour le pr sent Si le devoir de m moire pour des auteurs comme Primo Levi tait
19. ation int grale ou partielle par quelque proc d que ce soit de la pr sente publication faite sans l autorisation de l diteur est illicite article L 122 4 du Code de la propri t intellectuelle et constitue une contrefa on L autorisation d effectuer des reproductions par reprographie doit tre obtenue aupr s du Centre Fran ais d Exploitation du Droit de Copie CFC 20 rue des Grands Augustins Paris ISBN 978 2 7574 0789 9 ISSN 2264 3583 Livre imprim en France Table des mati res Pr face M moire et oubli dans l Elistoire ssm unammmum 9 Patrice Brun Ayant propo Serai r r ANE ER E i N 13 Stephan Martens et Michel De Waele L avenir du pass Pour une m moire vivante ss ssssssssstsssssttsssrsesssrressttrrsesttesstnresssnresse 17 Stephan Martens La m moire vaine du crime contre l humanit Sur linuria sceleris humani de C sar chez Pline l Ancien 37 Anne Vial Logeay L dit de Nantes de l oubliance prescrite impossible oubliance 47 Fran ois Pernot V rit m moire et oubliance L histoire imm diate des troubles de religion 57 Michel De Waele Les alliances franco et anglo am rindiennes au XVIII si cle ujet Lo Lune De nn a aR E a Raa 71 Maxime Morin Au temps de l origine des deux nations au Canada 1775 1815 histoire m moire et politique des conflits arm s 81 Roch Legault La guerre de 1870 de la m moire l oubli e
20. des risques que font peser les exc s de m moire sur l action et l existence m me de l avenir Certains auteurs ont d ailleurs avanc l id e que la construction europ enne postule une clipse de l histoire L crivain Camille de Toledo explique que les b tisseurs de l Europe se sont toujours content s d un seulargument motionnel les guerres le XX si cle et l extermination Tout ram ne le citoyen de l Europe ce lourd pass Des monuments d di s la m moire aux discours sur la morale tirer du XX si cle en passant par l imp rativit de ne pas oublier une vraie boucle m morielle Selon lui le pass est donc la constitution non crite de l Europe et les Europ ens vivent sous le r gime d un pouvoir de m moire alors m me qu il faudrait trouver une po tique qui d finisse un horizon pour lavenir Il propose pour gu rir la hantise de reconna tre le travail proprement humain de l oubli rebours de nombreux intellectuels qui d plorent un oubli croissant des le ons du XX si cle C de Toledo penseur atypique ne promeut pas un quelconque n gationnisme mais estime que c est un trop plein de m moire rig e en morale politique qui emp che le vieux continent hant par les fant mes de s inventer un avenir Avant lui le pr sident Val ry Giscard d Estaing d cide en 1975 pour construire l Europe et favoriser le rappro chement franco allemand de cesser de comm mor
21. emandes et revendications m morielles les politiques de r conciliation les notions d expiation et de repentance constituent d sormais un vaste champ d tude pour les sciences humaines et sociales La m moire est devenue l objet d une pratique sociale qui d passe le simple effet de mode la m moire s est install e au c ur du d bat historique tant dans sa partie m diatis e qu universitaire S il faut maintenir vivant le souvenir une m moire excessive peut cependant se r v ler aussi dangereuse pour la vie en commun d une soci t que son oubli syst matique si la m moire a pu servir de socle au message cl de l Union europ enne UE et la r ussite fondamentale de son projet de r conciliation entre la France et l Allemagne en particulier elle a pu l inverse servir de moteur sinon de pr texte des explosions identitaires qui ont conduit au retour de la guerre dans les Balkans apr s la fin de la guerre froidef De quelle m moire s agit il alors surtout en cas d v nements tragiques et douloureux Certainement pas celle qui rige le pass en ma tre du pr sent ni la m moire dict e comme horizon d avenir Une m moire donc plurielle qui puisse restituer au pr sent sa capacit d inaugurer un nouveau commencement Cela ne revient il pas rechercher selon la th se du philosophe Tzvetan Todorov un bon usage du pass De la confiictualit des m moires Que ce
22. er le 8 mai 1945 tandis que la place traditionnellement d volue l enseignement de l histoire est remise en cause Mais d s la fin de la Seconde Guerre mondiale Winston Churchill d clarait d j dans son discours l Universit de Zurich le 19 septembre 1946 qu il fallait un acte d oubli salutaire qu il s agissait de tourner le dos aux horreurs du pass et de regarder vers l avenir car les Europ ens ne peuvent se permettre de tra ner au cours des ann es venir les haines et les vengeances n es des blessures du pass L histoire ayant divis l Europe il fut jug bon de repartir sur de nouvelles bases En 1947 soit une ann e plus tard parut l ouvrage de P Levi Se questo un uomo v ritable acte de raison con u a contrario au nom du devoir de m moire Pour que l Europe vive il fallait une paix durable Que la fin des hostilit s se pay t au risque d une amn sie des peuples entrait explicitement dans le projet Mais ce donnant donnant est le principal talon d Achille de l Europe d apr s guerre Le d passement de l histoire ne peut que produire son 47 Cf Simon Daniel Kipman L oubli et ses vertus Paris Albin Michel 2013 48 Cf Jacques Le Rider Oubli m moire histoire dans la Deuxi me Consid ration inactuelle gt Revue germanique internationale n 11 1999 p 207 225 49 Camille de Toledo Le H tre et le Bouleau Essai sur la tr
23. er le pass Au del du proc s retentissant de quatre des plus hauts dignitaires du r gime khmer rouge qui a d but 32 ans apr s sa chute le 29 juin 2011 et la condam nation de Duch surnom de Kang Kek Ieu le responsable du principal centre de torture khmer rouge Phnom Penh le camp S 21 c est bien le travail sur ces v nements qui permet de r fl chir sur l v nement pour en tirer des le ons pour lavenir Le livre de Rithy Panh L imination est un t moignage boule versant et une r flexion de fond sur les tortionnaires R Panh a interview en prison Duch et nous fait entendre le rire du bourreau il l interroge sur son parcours le laisse livrer sa v rit Les diverses Commissions de v rit et de r conciliation mises en place depuis les ann es 1980 dans quasiment tous les pays d Am rique latine et en Afrique du Sud notamment ont permis d enqu ter sur les crimes commis par les dictatures militaires et par les dirigeants sud africains durant la p riode de l Apartheid La constitution de groupes de travail bilat raux comme entre l Allemagne et la R publique tch que ou la 52 Cf Fr d ric Lema tre Selon un sondage plus d un jeune Allemand sur cinq ne sait pas qu Auschwitz tait un camp d extermination Le Monde 29 30 01 2012 53 Alain Finkielkraut La M moire vaine Du crime contre l humanit Paris Gallimard 1989 S4 Rithy Panh L limination Pari
24. i pour lui m me et non pour l ins rer dans un r cit coh rent cr ateur de sens La m moire est en effet affective alors que l histoire se veut rationalisante Pour lui il y a donc contradiction entre la tendance de la m moire au particulier en tant qu affirmation identitaire et celle de l histoire l universel c est dire entre les racines et les valeurs Ainsi l injonction incantatoire au devoir de m moire actuellement de rigueur lui semble t elle en r alit une n gation de la demande d histoire Cet antago nisme entre histoire et m moire est une donn e r cente bien qu essentielle Et pourtant m moire et histoire ni totalement opposables ni assimilables Pun l autre sont indissociables La vis e de la m moire est la fid lit de ce qui fut Mais cette fid lit ne peut qu tre individuelle Face aux t moignages contradictoires de m moires pr sum es toutes fid les l historien agit comme juge Car effectivement il arrive que les t moignages ne concordent pas Ainsi P Ric ur oppose t il la fid lit de la m moire la v rit de l histoire La notion de fid lit indique bien le caract re personnel affectif passionn e la v rit ce rapport scientifique et univerself L ambition de l histoire est d tablir une v rit ou du moins une certitude qui d passe ordonne et corrige la m moire Ainsi l historien ne peut et ne doit pas passer si
25. ient les processus m moriels cognitifs et motionnels des individus Les scientifiques sp cialistes de la litt rature et des arts tudient la m moire culturelle qui se constitue lentement en tant qu h ritage culturel au travers de textes et d images Les historiens m nent des recherches sur la fiabilit de la m moire de l homme par rapport aux sources crites et de concert avec les politologues de plus en plus souvent aussi la fa on selon laquelle les soci t s re construisent leur pass sous des formes symboliques tels les monuments et 1 Professeur de civilisation allemande contempraine l Universit Bordeaux Montaigne 2 Cf Anthony Doerr Le Mur de la M moire Nouvelles Paris Albin Michel 2013 w 18 Stephan Martens les c r monies comm moratives en fonction des besoins de leur pr sent Pour les sciences humaines et sociales on peut selon la politologue Marie Claude Lavabre retenir trois paradigmes de la m moire l approche historique des lieux de m moire de Pierre Nora les tudes sociologiques sur les cadres sociaux de la m moire dans la lign e de Maurice Halbwachs et une perspective centr e sur les dimensions psychologiques de la m moire partir des notions de travail et de devoir de m moire ou encore de m moire bless e mises en valeur notamment par Paul Ric urf Chaque paradigme cible des chelles des objets et des enjeux d tude diff rents Les d
26. ion pour l indemnisation des victimes de spoliations intervenues sous l occupation 1999 L histoire ce sont des faits La m moire c est autre chose et on peut lui faire dire autre chose La m moire du pass n est pas l image fid le de ce pass La m moire a elle m me une histoire Il faut maintenir vivants et libres les question nements de l histoire sur le pass les nourrir de connaissances il faut construire une intelligence du temps historique L historien travaille sur des archives des documents officiels des t moignages il confronte et value tous ces documents et peut passer des ann es rechercher la v rit car le travail de l historien c est bien la qu te de la v rit et s il n y a pas de v rit absolue l historien peut largement s en rapprocher Le couple gt m moire et histoire Les repr sentations du pass t moignent de la complexit des relations entre tenues par le couple gt m moire et histoire d autant plus que l on reproche souvent la m moire de menacer la qu te de v rit inscrite dans le travail de l historien La m moire individuelle la fa on dont les t moins pensent certains v nements le contexte dans lequel ils les placent l expression de la m moire collective l occasion de rencontres annuelles et le message symbo lique que v hiculent les monuments ne correspondent pas n cessairement aux travaux des historiens M moire et histoi
27. is d tre solidaire et de r gler sa dette Pr f rer l action au pr sent plut t que l obsession du pass cela peut s entendre tant les in galit s et les discriminations actuelles s analysent largement comme des cons quences de l esclavage et de la coloni sation Si l esclavage a disparu la hi rarchie sociale et raciale s est largement maintenue Les lites dans la Cara be et les Am riques sont dans l ensemble issues des anciens propri taires tandis que les descendants sont dans l ensemble et malgr des trajectoires exceptionnelles gr ce au d veloppement de l du cation secondaire et sup rieure dans les positions les plus modestes Aux Antilles la terre et l conomie appartiennent toujours aux Blancs Les h ritiers des esclavagistes ne sont pas responsables de la traite mais ils en sont les b n ficiaires Cela cr e des tensions dans la soci t Il ne s agit pas de payer le pass ni m me de le r parer car le g nocide des Juifs tout comme la traite et l esclavage sont irr parables En revanche il est n cessaire de r parer le pr sent un pr sent qui peut tre p tri d injustices h rit es ou de silences 42 Cf J rg Wassink Auf den Spuren des deutschen V lkermordes in S dwestafrika Der Herereo Nama Aufstand in der deutschen Kolonialliteratur Eine literarhistorische Analyse Munich Martin Maidenbauer Verlag 2004 Reinhart K ssler La fin d une amn sie
28. istesse europ enne Paris Seuil 2009 50 Cf Patrick Garcia Val ry Giscard d Estaing la modernit et l histoire dans C Andrieu M C Lavabre D Tartakowsky ds Politiques du pass Usages politiques du pass dans la France ceontemporaine Aix en Provence Presses universitaires de Provence 2006 p 119 132 L avenir du pass Pour une m moire vivante 29 effacement Il en va ainsi de la production litt raire qui rend compte de certains faits elle joue un r le fondamental de sauvegarde de la m moire participe la reconstruction d identit s d molies et contribue t moigner de la condition humaine avec au bout de chaque page l espoir de changer la vie Si l on songe la haine nazie cela d passe l entendement et il est difficile de la comprendre mais la conna tre est indispensable car tout peut recommencer Difficile dans ce contexte de contester la n cessit de la m moire pour une raison capitale l id e de devoir de m moire est forte pour viter qu un v nement ne se r p te Plus jamais telle est l inscription sur le Monument au camp de Dachau L crivain de la m moire peut tre consid r comme un arch ologue qui creuse et puise dans la m moire collective et individuelle pour rappeler entre autres que le pass couve toujours sous la cendre On ne peut gu rir les plaies de la m moire par une p dagogie fond e sur l oubli des contentieux L Histoi
29. jourd hui Auxerre Sciences humaines ditions 1999 p 348 L avenir du pass Pour une m moire vivante 23 les d rapages de la m moire le fait qu elle devienne l occasion le vecteur des intol rances gt D une m moire modeste on est pass une m moire sacr e pr te s imposer par tous les moyens P Nora va jusqu parler de terrorisme de la m moire et regrette qu aujourd hui l id e se soit r pandue que la m moire d tient sur l histoire un privil ge qu elle tire de la morale une forme de v rit sup rieure celle que l histoire ne d tiendra jamais Mais alors quelle est la v rit vraie ce moment l craint il on passe d une m moire normale une m moire pathologique L historien constate que c est l av nement de l ge de la m moire que la m moire a modifi l attitude d une histoire scientifique objective distanc e et critique par une appropriation du pass en fonction des besoins du pr sent Bref selon lui il ne faudrait pas absolu tiser le pass au nom d une morale qui est la n tre aujourd hui Le r veil de la m moire peut alors tre redoutable surtout en cas de souvenirs d v nements traumatisants La m moire quand elle revient en force fait remonter du tr fonds les souvenirs des souffrances et des humiliations pour entretenir le ressentiment En ce sens des groupes politiques peuvent a
30. mettre leurs propres souffrances ils pourront encore mieux assumer les souffrances qu ils ont inflig es aux autres Il faut cependant tre vigilant car cela ne doit pas tre un moyen d carter toutes causalit s et liens historiques Marc Ferro le rappelle fort bien propos d une partie de la classe moyenne d un certain ge qui m me dans les ann es 1950 n prouvait que rarement de repenti et vivait avec bonne conscience Ainsi en 1958 un commer ant allemand osait dire Jean Am ry survivant d un camp de la mort que le peuple allemand ne gardait aucune rancune au peuple juif il n en voulait pour preuve que la g n reuse politique de r parations men e par le gouvernement f d ral auquel l tat d Isra l rendait pleinement hommage Ayant tellement souffert Stalingrad ou ailleurs les Allemands ne gardaient aucune rancune ni aux r sistants ni aux Juifs N taient ils pas tous des victimes gt L aveuglement devant la souffrance inflig e l Autre ne peut gu re favoriser un rapprochement et encore moins une r conciliation En sens inverse tout devoir de m moire collectifou individuel ne doit pas devenir un raccourci moralisant qui luderait l extr me complexit des questions qu il soul ve Cela n aurait pour effet long terme qu une aseptisation n faste des m moires Si au cours de la Seconde Guerre mondiale on parle des bruta lit s et des crimes de l Arm e
31. mis d hier pour construire des soci t s durablement pacifi es cet gard on insistera sur l exemplarit du processus de r conciliation puis de coop ration entre l Allemagne et la France anciens ennemis h r di taires Le rapprochement franco allemand est ainsi devenu un paradigme de la r conciliation apr s les conflits tant l chelle europ enne que mondiale Quel symbole fort que celui de l historienne Gaby Sonnabend une Allemande qui fut directrice du Mus e de la R sistance et de la D portation de Besan on entre 2011 et 2012 De fa on contradictoire les faits des si cles derniers s tiolent dans la m moire collective et malgr tout l obsession de fixer un enseignement de ce pass continue de hanter les quotidiens Mais ce qui n est pas acceptable ce n est pas tant l oubli qui rel ve souvent d un choix politique comme l amnistie c est l absence de v rit sur le pass entra nant la banalisation et l ignorance Il faut donner chaque g n ration les moyens de comprendre le pass et la probl matique concerne bien le passage de t moin ce b ton que doivent se passer les coureurs du relais et la promotion d un devoir de connaissance apte perp tuer une juste m moire pour reprendre la formulation de P Ric ur Il s agit aussi de s ouvrir aux autres d autres v cus d autres exp riences Cette ouverture permet justemen
32. mplement outre aux souvenirs personnels sa repr sentation dans le cas de l Holocauste se muant alors en une abstraction qui serait loign e aussi bien du v cu pass que de la possibilit d une restitution personnelle Il appara t ainsi que les d bats que suscitent les appels la m moire ne sont pas aussi intrins quement probl matiques Si les individus rejouent parfois les conflits du pass rappelle le philosophe Emmanuel Kattan ce n est peut tre pas tant parce qu ils ne peuvent s en lib rer que parce qu ils s efforcent de prendre au s rieux et d assumer les contradictions de lhis toire r cente Lorsque le pass continue de perturber l espace du pr sent cela signifie qu il demeure pertinent pour la vie d une soci t que les enjeux qui animent cette derni re continuent d tre investis par la vie du pass Peut tre alors l absence de consensus sur la signification du pass est elle un signe de sant pour une communaut qui ayant perdu le fil narratif qui l unissait l histoire et ses anc tres met sans cesse en question la transmission de sa m moire C est probablement ce r le r parateur que P Nora lui m me attribue la m moire lorsqu il affirme que la m moire n est aucunement paralysante mais au contraire profond ment lib ratrice gt L historien n explicite pas son intuition mais elle d coule s rement de la conviction largement r pandue que
33. onn durant 18 ans l ancienne prison de la Stasi la police secr te de la RDA Berlin connue sous le nom de M morial Hohensch nhausen ou encore la Villa Grimaldi Santiago l un des centres de torture de la Dina la police secr te du r gime d Augusto Pinochet devenu le principal lieu de m moire de la dictature Des lieux tragiques au rang desquels on trouve le camp d Auschwitz la ville d Hiroshima ou l le de Gor e sont inscrits au Patrimoine mondial de Unesco La Ville de Nantes a inaugur le 25 mars 2012 son m morial de l abolition de l esclavage Au del de la comm moration de l abolition de l esclavage il faut aller plus loin Pour comprendre les m canismes qui ont men cela Nantes nous avons fait ce travail sur nous m mes et sur notre propre histoire de fa on sereine Ce qui nous a amen s changer avec beaucoup de pays en Afrique dans les Cara bes aux Antilles et en Am rique du Nord Enfin ce m morial lieu de m moire est utile car il doit interpeller les consciences sur toutes les formes d esclavage contemporain explique Jean Marc Ayrault alors maire de Nantes Ces sites et lieux m moriels sont un parcours propice la r flexion voire la m ditation Ils permettent en quelque sorte de donner une forme la m moire Ils permettent de mat rialiser le travail de m moire et de transmettre aux g n ra tions futures des valeurs de paix mais ils supp
34. osent d abord un travail sur les faits historiques afin de jeter des ponts de r conciliation entre diff rentes communaut s Ainsi si les comptes sont apur s selon les termes de l histo rienne Annette Wieviorka propos du rapport de la soci t fran aise au r gime de Vichy et sa politique antis mite c est parce qu avant la gestion avec des institutions comme la Fondation pour la m moire de la Shoah 2000 ou le M morial de la Shoah 2005 il y a eu d bat pour la reconnaissance avec les 56 Entretien avec Jean Marc Ayrault Ne pas se contenter de l indignation France Antilles Guadeloupe 26 03 2012 57 Cf en ce sens Judy Barsalou Victoria Baxter The urge to Remember The Role of Memorials in Social Reconstruction and Transnational Justice Washington DC Institute of Peace 2007 Susanne Buckley Zistel Stefanie Sch fer ds Memorials in Times of Transition Antwerp Intersentia 2013 32 Stephan Martens travaux d historiens d abord puis la r paration d ordre politique avec le discours le 16 juillet 1995 du pr sident Jacques Chirac assumant la responsa bilit de l tat fran ais dans la d portation des Juifs de France r affirm par F Hollande le 22 juillet 2012 d ordre judiciaire avec la condamnation de l ancien pr fet Maurice Papon pour complicit de crimes contre l humanit 1998 d ordre mat riel enfin avec la mise en place d une commiss
35. ppuyer leur identit sur un traumatisme s lectionn entra nant une concurrence entre les victimes chacune s appropriant sa m moire en d niant la l gitimit du pass de l autre On peut souligner la pertinence du concept de d contextua lisation avanc par George Mink par laquelle pr cis ment sont oubli es les conditions historiques concr tes dans lesquelles sont apparues les douleurs et qui d bouche sur la mise en concurrence galit des victimes de lhistoire Ainsi si Allemagne ne cesse de combattre les fant mes du nazisme depuis son unification en 1990 une sourde revendication m morielle s y fait entendre De nombreux livres missions de t l vision et films traduisent l int r t croissant pour le ph nom ne de victimisation du peuple allemand Les Allemands re d couvrent les souffrances de ceux qui ont t expuls s des territoires perdus l Est ou qui ont p ri sous les bombardements des forces alli es L universitaire Ingrid Brunstein n e en 1937 met en relief les preuves r elles travers es par la population allemande vers la fin de la Seconde Guerre mondiale mais pratique un renversement historique ambigu lorsqu elle met sur un m me plan la cruaut du Reich et les bombardements alli s allant jusqu 27 Cf Philippe Joutard La tyrannie de la m moire L Histoire n 221 mai 1998 p 98 28 Pierre Nora La France es
36. r le trauma tisme vaut par principe pour la m moire Sans une histoire que nous pouvons raconter notre sujet il n y a pas identit Cela vaut pour les individus tout autant que pour les groupes L histoire que nous apprenons dans les manuels scolaires et qui est comm mor lors des journ es anniversaires est en quelque sorte la biographie collective d une nation qui toutefois au m me titre que la biographie individuelle est de nouveau racont e diff remment en particulier apr s des crises profondes ou des revirements politiques majeurs L histoire que l on se rappelle consolide l autoportrait individuel au m me titre que celui d un groupe C est pourquoi ce qu on se rappelle ne tient pas compte de ce qui s est produit proprement parler mais de ce dont on peut et on veut plus tard pour raconter une histoire Ce qu on se rappelle et ce qu on ne se rappelle pas du pass d pend en dernier ressort de ceux qui ont besoin de l histoire et de la raison pour laquelle ils en ont besoin Il existe diff rentes mani res de traiter le pass traumatique et cela r sulte du fait que le pass se pr sente de fa on diff rente dans chaque pays La m moire des souffrances de ceux qui ont subi le joug d un r gime tyrannique est aussi la m moire des crimes de ceux qui les leur ont fait endurer Cette m moire est douloureuse pour celui qui ne peut apaiser la souffrance de ses anc tres pour celui qui ne peut effacer de l
37. raditionnelles des tats en fonction de leurs int r ts et de leurs logiques propres se trouvent comme d mon tis s face l affirmation de principes sup rieurs pens s comme universels et que l on identifie sous la th ma tique des droits de l Homme C est dans ce contexte que les Nations unies ont d cid lors de la 34 Assembl e g n rale du 27 d cembre 2013 de d clarer la d cennie 2015 2024 D cennie internationale des personnes d ascendance africaine autour du th me des Afro descendants Consid ration justice et d veloppement Il y sera notamment question du dossier des r parations de la traite et de l esclavage des Noirs puisqu ils constituent une des voies envisag es pour r tablir la justice et le d veloppement des territoires et des personnes qui en ont t victimes Ainsi le 7 juillet 2013 la Communaut du bassin des Cara bes Caricom a d cid de poursuivre la Grande Bretagne la France et les Pays Bas en vue de leur demander r paration pour les pr judices subis du fait de la traite et de l esclavage Face ces demandes de d dommagements Fran ois Hollande le 10 mai 2013 l occasion de la Journ e nationale des m moires de la trait n gri re de l esclavage et de leurs abolitions voque l impossible r paration Le chef de l tat a pr f r pointer vers l intervention des forces arm es fran aises au Mali pour souligner une autre mani re pour Par
38. re en offre maints t moignages et il suffit de penser au massacre des Juifs de Jedwabe en Pologne en juillet 1941 1 600 Juifs vivant dans cette bourgade ont t massacr s par leurs voisins polonais coups de pieu br l s l essence ou noy s dans les marais Sept seulement ont surv cu Ce massacre longtemps attribu aux nazis par la propagande communiste a t le fait des seuls Polonais Comme le raconte Jan T Gross l heure tait venue de r gler le compte ceux qui avaient crucifi J sus Christ gt L un des massa creurs expliquait en 1949 qu on nous l a appris l cole et confirmait que les Polonais avaient agi de leur plein gr gt Apprendre que les Juifs avaient crucifi J sus tait bien la premi re blessure qu avaient re ue ces Polonais d s leur plus tendre enfance H rit e de g n ration en g n ration elle avait suscit un d sir de vengeance et celui ci tait enfin satisfait Ce pogrom tait l exacte et pure expression d un ressentiment mill naire La reviviscence de la blessure pass e est plus forte que toute volont d oubli M me l existence du ressentiment montre combien est artificielle la coupure entre le pass et le pr sent qui vivent ainsi l un dans l autre Tout renoncement une culture d mocratique de la m moire se venge dans l histoire S il existe des probl mes propres aux Antillais ou d autres peuples autrefois opprim
39. re le d litement de l histoire par la m moire Selon P Nora le danger r side dans le f tichisme sacralisateur de la m moire alors que l historien Philippe Joutard d nonce 22 Pour le point de vue de Pierre Nora co fondateur avec Ren R mond de l association Libert pour l Histoire cf Pierre Nora Esquisse d ego histoire Paris Descl e de Brouwer 2013 p 83 89 23 Cf Primo Levi Si c est un homme Paris Julliard 1987 24 Pierre Nora M moire collective dans J Le Goff R Chartier J Revel ds La nouvelle histoire Paris Retz 1978 p 400 25 Le tourisme de m moire en France dit par l Agence de d veloppement touristique de la France 2012 tude r alis e en coop ration entre les minist res de la D fense et du Tourisme permet pour la premi re fois de mesurer l impact sur le grand public de cette forme de tourisme et d valuer les enjeux conomiques dont sont porteurs les nombreux sites li s aux grands conflits qui ont marqu le pays principalement travers les deux guerres mondiales Les retomb es conomiques sont valu es 45 millions de CA notamment en ce qui concerne la fr quentation des restaurants des g tes et des h tels Les visiteurs dont 45 d trangers sont avant tout motiv s par un souci d information sur l histoire du site 26 Pierre Nora Les lieux de m moire dans J C Ruano Barbalan d L histoire au
40. re ne sont pas synonymes la m moire divise l histoire r unit En visite Alger le 20 d cembre 2012 F Hollande a d clar solennellement Rien ne se construit dans la dissimulation dans l oubli et encore moins dans le d ni La v rit elle ne divise pas elle rassemble Nous avons le respect de la m moire de toutes les m moires Nous avons ce devoir de v rit sur la violence sur les injustices sur les massacres sur la torture Conna tre tablir la v rit c est une obligation et elle lie les Alg riens et les Fran ais Et c est pourquoi il est n cessaire que les historiens aient acc s aux archives et qu une coop ration dans ce domaine puisse tre engag e poursuivie et que progressivement cette v rit puisse tre connue de tous Dans Comment l histoire fait elle l historien texte de sa derni re le on devant ses tudiants l universit de la Sorbonne en 1998 l historien Antoine Prost pointait les diff rences qui existent ses yeux entre l histoire et la m moire l inverse de l histoire la m moire isole un v nement de son 58 Cf l ouvrage de r f rence d Eric Conan Henry Rousso Vichy un pass qui ne passe pas Paris Fayard 1994 59 Cf Thomas Wieder Rafle du Vel d Hiv 70 ans apr s la m moire apais e Le Monde 16 7 2012 L avenir du pass Pour une m moire vivante 33 contexte elle cherche le tirer de l oubl
41. rouge en Europe orientale on ne voit pas pourquoi on tairait les crimes commis par l arm e am ricaine Ainsi durablement inscrite dans la m moire collective l image id alis e du GI envoy sur le vieux continent pour le lib rer du nazisme est ternie louverture r cente d archives judiciaires a permis des auteurs am ricains de faire la lumi re sur un sujet rest longtemps tabou car entre 1944 et 1945 des soldats am ricains ont commis des milliers de viols et de crimes en Allemagne mais galement en France On l admet d sormais qu organis e par les pays musulmans puis par les tats europ ens la traite et l esclavage des Noirs l une des plus graves trag dies humanitaires de l Histoire a trouv des complices dans les soci t s africaines La traite europ enne et transatlantique retient le plus attention car elle est aussi celle qui de toute vidence peut le mieux rendre compte de la situation actuelle de l Afrique dans la mesure o en est issue la fragilisation socio conomique 34 Ingrid Braunstein Ici pas de survivants Une enfance allemande La Tour d Aigues ditions de l Aube 2014 35 Hartmut Radelbode Die dunklen Seiten unserer Vergangenheit Altere Menschen in Beratung Psychoterapie Seelsorge und Pflege Stuttgart Klett Cotta 2005 36 Marc Ferro Le ressentiment dans l Histoire Comprendre notre temps Paris Odile Jacob 2007 p 34 37 Cf Robert J Lilly
42. ruire l Europe il faut donc apprendre concilier le pass harmoniser les m moires collectives L entreprise implique une r criture des livres d histoire Le pass exige d tre remodel apur enrichi mais l on voit bien qu il reste difficilement partageable De l inflation m morielle au risque de m moires d voy es Les motions et les le ons positives et n gatives qui s ancrent dans l histoire doivent pouvoir tre mobilisables pour la structuration des champs politiques mais pas en vue de proposer des lectures du pass variables dans le temps Il est vrai qu il existe des strat gies d historicisation qui rendent compte de la propension d acteurs divers instrumentaliser l histoire des fins partisanes notamment sur les sc nes politiques nationales jusqu si n cessaire favoriser certains oublis Le probl me aujourd hui c est qu en plus de l historien les m dias le t moin la justice le l gislateur g rent galement le pass Cela peut entra ner une boulimie comm morative et un mouvement de mus ification de p riodes tragiques de l histoire ou encore comme en France l adoption de lois dites Geschichtspolitik Wiesbaden VS Verlag 2008 18 Timothy Snyder Terres de sang L Europe entre Hitler et Staline Paris Gallimard 2012 Cf aussi en ce sens Keith Lowe L Europe barbare 1945 1950 Paris Perrin 2013 19 Cf Pascal Bonn
43. s Grasset 2011 55 Cf Arnaud Martin d La m moire et le pardon Les commissions de v rit et de la r conciliation en Am rique latine Paris L Harmattan 2009 Pumla Gabodo Madikizela 4 Human Being Died That Night A South African Story of Forgiveness Boston Houghton Mifflin 2003 L avenir du pass Pour une m moire vivante 31 Pologne et la Russie dans les ann es 1990 essentiellement consacr s l tude de probl mes historiques doit permettre terme de d passer les contentieux et les conflits Il s agit de traiter le pass de travailler sur le pass et la connais sance historique permet justement de ma triser la prolif ration des m moires Les outils de transmission d une m moire active sont innombrables par la voie des sites m moriels du M morial aux Juifs assassin s Europe de Berlin et de l Holocaust Memorial Musem de Washington jusqu au M morial du g nocide de Choeung Ek au Cambodge et des sites m moriaux Nyamata Murambi Bisesero et Gisozi du g nocide perp tr contre les Tutsi au Rwanda en passant par le M morial de Caen le Memorial ACTe Centre carib en d expres sions et de m moire de la traite et de l esclavage en Guadeloupe le M morial de Cameron au Mexique le Shirne of Remembrance Melbourne ou encore le Cherokee Indian Removal Memorial amp Museum Birchwood Tennessee mais aussi Robben Island l le o Nelson Mandela notamment fut empri s
44. s et que les souffrances dues la traite des Noirs et l esclavage sont encore r elles se traduisant le plus souvent par des clivages socio conomiques divers qui perdurent il faut aussi aller de lavant en vue de construire ensemble Pavenir Il est n cessaire de s engager dans un processus long et complexe de franchir un certain nombre d tapes incontournables reconna tre d abord les incon v nients de vivre dans les ranc urs du pass titre d exemple depuis 1945 P UE est devenue un espace o la guerre est en principe impossible mais dans les ann es 1990 l clatement meurtrier de la Yougoslavie fit l effet d une piq re de rappel sur ce qu il en co te de vivre sur les ranc urs du pass Pour cela il faut commencer par d cliner clairement les faits historiques et on n chappe pas un jour la n cessit de reconna tre les fautes et les crimes commis par S1 Jan T Gross Les voisins 10 juillet 1941 un massacre de Juifs en Pologne Paris Fayard 2002 p 30 31 30 Stephan Martens les oppresseurs et bourreaux d antan car si aujourd hui personne ne doit plus se sentir responsable il s agit bien de transmettre aux g n rations futures le sentiment d une responsabilit morale l image de Willy Brandt qui s tait agenouill le 7 d cembre 1970 devant le M morial aux victimes du ghetto de Varsovie Dans un discours devant la Knesset le 16 f vrier 2000 Johannes Rau
45. s de m moire Il ne s agit pas d un oubli de complaisance c d l usure du temps ni celui de l amnistie que cr e l amn sie Et n existe t il pas fondamentalement une part de bonheur par l oubli Le psychiatre Simon Daniel Kipman insiste sur l id e que l oubli est un instrument d adaptation la r alit car il d truit en l individu le pass survivant qui est en contradiction permanente avec elle Le devoir de m moire selon lui est un instrument politique le souvenir n est plus intime il devient ostentatoire moral il culpabilise Les tats se drapent dans 44 Cf Philippe Pons Japon un n gationnisme par omission Le Monde 22 8 2013 45 Cf R gine Robin La m moire satur e Paris Stock 2003 46 Cf Tzvetan Todorov Les abus de la m moire Paris Arl a 2004 Enzo Traverso Le pass mode d emploi histoire m moire politique Paris La Fabrique 2005 P Ric ur La m moire l histoire l oubli op cit 28 Stephan Martens un r le de gardiens de la m moire via les comm morations les mus es de type m moriel ils engloutissent les individus sous la m moire collective pour masquer les actions pr sentes et ces c l brations ne pr servent m me pas du retour de l atrocit Au devoir de m moire convient il d opposer le droit l oubli Friedrich Nietzsche parlait de la n cessit d oublier des m faits de la rumination historique
46. soit pour un individu ou pour un groupe d individus le souvenir est ressource de l gitimation La m moire ne se d veloppe pas dans l isolement elle a toujours d j t dirig e vers d autres individus et l chelon politique vers d autres groupes o elle r agit en fonction d autres m moires et se 3 Pierre Nora Les lieux de M moire Paris Gallimard 7 vol 1984 1986 1992 1997 4 Cf Maurice Halbwachs Les cadres sociaux de la m moire Paris PUF 1925 5 La notion de devoir de m moire s est popularis e en France avec le proc s de Klaus Barbie en 1987 Elle tait auparavant utilis e surtout par les d port s pour voquer ceux qui taient morts dans les camps 6 Paul Ric ur La m moire l histoire l oubli Paris Seuil 2000 7 Marie Claire Lavabre Actualit de la m moire l Ouest dans M C Maurel F Mayer ds L Europe et ses repr sentations du pass les tourments de la m moire Paris L Harmattan 2008 p 51 64 8 Cf Dominique Mo si L Europe continent de la m moire dans T de Monbrial P Moreau Defarges ds Rapport annuel mondial sur le syst me conomique et les strat gies Paris IFRI Dunod 2006 p 41 9 Cf Tzvetan Todorov M moire du mal tentation du bien Paris Laffont 2000 L avenir du pass Pour une m moire vivante 19 r f re elles La subsidiarit du souvenir qui est aussi extr me pou
47. t de d passer une m moire patholo gique pour se projeter plus en avant Il ne s agit pas de relativiser le pass quel qu il soit mais en ayant conscience que dans d autres parties du monde se sont d roul s et se d roulent toujours des drames et des v nements tragiques on peut mieux g rer des situations post conflictuelles et trouver les moyens des voies de sortie qui permettent de re construire un vivre ensemble apais En d passionnant une m moire qui doit rester vivante ne pourrait on pas apr s le sombre XX si cle laisser au XXI le privil ge de se cr er son propre avenir dans un monde cr ole de conflits Conflits et r solution Oire hi Stephan Martens professeur de civilisation allemande contemporaine l Universit Bordeaux Montaigne Il s int resse la politique trang re de l Allemagne et la g opolitique europ enne Ses recherches portent aussi sur les questions de m moire et de r conciliation en Europe Michel De Waele professeur d Histoire moderne l Universit Laval Doyen de la Facult des lettres et sciences humaines II s int resse la vie politique d Ancien R gime Ses recherches portent notamment sur la r solution des conflits civils Mur du Souvenir Lyc e g n ral et technique de Baimbridge Guadeloupe R alisation d une uvre collective par des artistes guadeloup ens en mai 2012 sur le th me Des pans d histoire de la
48. t longtemps touff es et en vient partir d un v nement tragique exposer quatre m moires oppos es et irr conciliables M me parmi les Europ ens persistent les aspects unilat raux d images et de 10 Cf Andr Schwartz Bart La Mul tresse Solitude Paris Le Seuil 1972 11 Karl Jacoby Des ombres l aube Un massacre d Apaches et la violence de l histoire Toulouse Marseille Anacharsis 2013 20 Stephan Martens perceptions qui ont tr s souvent encore une sp cificit nationale Certes la Journ e de la m moire des g nocides et de la pr vention des crimes contre l Humanit le 27 janvier date de la lib ration du camp d Auschwitz fournit l occasion d une r flexion sur la Shoah et les autres g nocides ainsi que sur les valeurs fondatrices de l humanisme moderne telles la dignit de la personne et le respect de la vie d autrui Pour certains auteurs cette journ e est l origine d une culture du souvenir transnational Malgr l existence d initiatives int res santes tel le manuel franco allemand de l histoire pour les lyc ens fran ais et allemands qui ont un objectif louable de d nationalisation de l histoire pour tenter de cr er une m moire commune il para t n anmoins difficile d difier et de partager une culture commune du souvenir Ainsi la Premi re Guerre mondiale n a pas d bouch sur une m moire unique des Europ ens elle r v le au
49. t malade de sa m moire entretien Le Monde 18 2 2006 29 Pierre Nora Faire sentir la diff rence des temps entretien Le Monde 11 10 2013 Cf pour un bilan Marie Claire Lavabre Usages et m susages de la notion de m moire gt Critique internationale n 7 2000 p 48 57 30 Cf Vamik Volkan On Chosen Trauma Mind and Human Interaction n 4 1991 p 3 19 31 George Mink L Europe et ses pass s douloureux strat gies historicisantes et usages de l Europe gt op cit p 19 32 Cf Stephan Martens La m moire de la Seconde Guerre mondiale le d bat allemand dans S Martens d La France l Allemagne et la Seconde Guerre mondiale Quelles m moires Pessac Presses universitaires de Bordeaux 2007 p 45 74 33 Cf notamment J rg Friedrich L incendie L Allemagne sous les bombes 1940 1945 Paris De Fallois 2004 R M Douglas Les Expuls s Paris Flammarion 2012 24 Stephan Martens employer le terme de Holocauste pour d crire les ruines de Leipzig Si l opinion publique allemande s int resse davantage aux Allemands en tant que victimes cela signifie qu il existe un besoin de revenir sur certains pisodes historiques Et comme le d montre le psychanalyste Hartmut Radelbode sp cia liste dans l tude des cons quences l ge adulte des traumatismes subis par les jeunes Allemands entre 1944 et 1945 si les Allemands peuvent ad
50. t vice versa 93 Jean Claude Caron Un drapeau pour la Soci t des Nations se rappeler ce qui unit et oublier ce qui divisent 105 Carl Bouchard Les diplomates fran ais des ann es 1920 et la question de la responsabilit de la guerre entre m moire oubli et histoire s sssssssssssssisssissssrssesssssesssessesrnsnsesseeess 123 Renaud Meltz Les enjeux m moriels autour des expositions de la R sistance italienne en France ner 139 Olivier Forlin Le bombardement de Dresde dans le d bat public britannique sss sss sss1sss115s110s 149 Madeline Zielinski F lix bou 1884 1944 Gouverneur g n ral et Compagnon de la Lib ration m moire et oubli 157 Arlette Capdepuy Une institution militaire fran aise face la m moire de la Seconde Guerre mondiale la Marine fran aise 1943 2010 173 Odile Girardin Thibeaud Histoire et cin ma indiens face la Partition du devoir d oubli une m moire en fragments l exemple de Earth de Deepa Mehta 183 Paul Veyret Le travaillisme l aune des m moires de Tony Blair ou quand la gauche bitanniques oublient rends 195 Flavien Bardet Les discours d un roi Le rapport l histoire de Juan Carlos d Espagne travers ses discours s 209 Matthieu Trouv La Commission V rit et R conciliation de l Afrique du Sud 1996 1998 219 Johan Snyman T moignage R flexions sur le processus de r conciliation germano polon
51. uelle Namibie en 1904 annonce un renouveau de la recherche des camps de concentration avaient t tablis parmi les premiers de l histoire inspir s des camps utilis s par les Britanniques lors de la guerre des Boers Certains parlent de g nocide m me s il n a 38 Cf Ibrahim Thioub Traites et esclavages en Afrique m moires vivantes et silence historiographique dans M Cottias E Cunin A de Almeida Mendes ds Les traites et les esclavages Perspectives historiques et contemporaines Paris Karthala 2010 p 377 386 39 Cf Djibril Samb d Gor e et l esclavage Actes du s minaire sur Gor e dans la traite atlantique mythes et r alit s Gor e 7 8 4 1997 Initiation et tudes africaines n 38 Dakar Universit Cheikh Ante Diop IFAN 1997 40 Cf Marc Michel L Afrique dans l engrenage de la Grande Guerre Paris Karthala 2013 41 Cf Caroline Elkins Britain s Gulag the Brutal End of Empire in Kenya Londres Pimlico 2005 26 Stephan Martens jamais t reconnu officiellement Il reste que les descendants des Kikuyus et Hereros r clament aujourd hui des comptes La question des r parations est plus que jamais d actualit elle pose celle de la responsabilit de certains tats qui au plan mondial participe plus largement d un nouveau regard sur l histoire surd termin par la m moire auquel la Shoah sert de matrice o les justifications t
52. une inculture historique crois sante et d un effacement des rep res Ce devoir de m moire dispose pourtant d outils nombreux et efficaces le travail des historiens les uvres litt raires cin matographiques qui permettent analyse et recul par lesquels peut passer une r elle transmission aux g n rations futures Et pour garder la m moire vivante il ne suffit pas d assister des manifestations ponctuelles du souvenir car il faut int grer la m moire dans certains aspects de l activit de tous les jours Il ne sert rien de faire son action de m moire si on n int gre pas une dimension m morielle dans l ensemble de sa r flexion et de son action En ce sens il faut apprendre et accepter que diverses visions se confrontent Donner du sens aux v nements exige de relativiser il s agit bien d du cation la citoyennet Il est tout fait positif que les autorit s de l tat aient pour objectif l occasion des comm morations du Centenaire de la Premi re Guerre mondiale d avoir une approche pluridisciplinaire et ouverte sur les m moires 66 Philippe Joutard Histoire et m moires conflits et alliance Paris La D couverte 2013 p 260 261 L avenir du pass Pour une m moire vivante 35 port es par d autres pays Cela signifie concr tement qu il s agit de mener une analyse historique et un travail de m moire en commun avec les autres pays m me entre enne
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