Jacques Marchand, Paul Paré : deux petits livres, deux publics / Le
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1. Compte rendu Jacques Marchand Paul Par deux petits livres deux publics Ouvrages recens s Le Premier Mouvement de Jacques Marchand Montr al ditions de l Hexagone 1987 90 p 14 95 H tel des grandes coles de Paul Par Montr al NBJ 1987 62 p 8 par No l Audet Lettres qu b coises la revue de l actualit litt raire n 48 1987 1988 p 20 21 Pour citer ce compte rendu utiliser l adresse suivante http id erudit org iderudit 39176ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 07 07 ROMAN Plus dans cette fiction l cart avait t pr sum grand et quasi infranchissable entre la passion telle que la vivait la m re2. de Noria avec son amante et par ri cochet Noria avec la sienne et la pas sion telle que l avait v cue et r vait de la revivre le Lion de Bangor plus l appri voisement et l acceptation de la narra trice tout enti re comme amante de sa fille par le p re de Noria indique qu il s agit bien l du point d arriv e de la fic tion Car assez bizarrement et en d finitive ce n est ni l histoire personnelle de No ria ni son histoire amoureuse avec la narratrice pourtant centrales en appa rence au d but qui demeurent au terme du trajet du texte Et les retrouvailles fi nales ne sont pas non plus celles qu on pouvait attendre de Noria avec son p re Comme quoi l anecdote d un r cit n est pas lire en elle m me mais pour ce qu elle g n re La mort de Noria se ra battant exactement sur la mort de l amante de sa m re et de sa m re elle m me dont elle se trouve redoubler les disparitions ce qui reste est comme une r solution de la vie du p re v ritable r conciliation mais au prix d un d ca lage le p re n est pas celui de la nar ratrice et d o vient pour la narratrice la possibilit oblique d crire Du per sonnage de Noria vampiris au d but par son amante crivaine au profit de l criture le texte clairement gliss sur celui du p re qui occupe d sormais la place de premier sujet Ce n est pas si courant dans notre production actuelle surtout venant d une auteure
3. qui court apr s ses morceaux ses instances constitu lives qui cherche d finir le lieu o a se passe le lien qui le r unit ces deux derniers termes lieu lien revenant comme un leitmotiv On ne pouvait pas faire mieux pour suturer la veine de l clatement du sujet si ch re la vieille grande cole de la modernit qu b coise Je trempe alors un reste de pain de la veille dans un peu de vin coup d eau Et je mange pour ne pas avoir faim Pour ne pas avoir eu faim Le pain gonfle et me rem plit J ai alors mang J ai tromp ma faim et certainement je n ai plus faim Tu as mang et certainement tu n as plus faim Tu penses alors qu un reste de pain par jour suffit Alors que c est le premier jour qu il reste un reste de pain Je ne peux savoir que cela et c est de loin la part la plus importante de ce que je peux conna tre du pain et de la faim Et alors il ne peut v rifier dans sa m moire cela n a pas lieu dans la m moire cela n est pas un lien de la m moire p 9 10 C est moi qui souligne Sujet clat mais le lecteur lui ne s clate pas souvent Ce genre de prose a le m me mode d emploi que la po sie c est dire que tout se passe dans le mouvement de l criture dans la sug gestion la reprise l image surgie entre deux mots ou dans le rapprochement de deux phrases Quand on consent y H TEL DES GR ANDES ppor mettre le temps de lecture d analyse on constate que
4. l auteur ne s est pas moqu de nous et qu il a voulu dire quelque chose d extr mement complexe au del du miroir des mots pr cis ment Je ne prendrai qu un exemple pour mieux montrer le fonctionnement de ce texte La reprise de la phrase Tu as mang et certainement tu n as plus faim n a qu une fonction apparente d o d coule l essentiel de sa significa tion soit la substitution du pronom tu au pronom je ce qui signifie en clair JE TU Quant au r le du il il est plus complexe parce qu il est le moi en tant qu objet donc analogue n im porte quel objet C est un tour de force que d avoir maintenu ce ton d un bout l autre Le temps est suspendu comme en po sie la structure rh torique remplace l habi tuellement subtil encha inement des pa ragraphes que l on s attendrait trouver dans la prose d un r cit Po sie mais aussi abstraction force de vouloir cer ner son objet il arrive l auteur rare ment il faut le dire de tomber dans le charabia po tico philosophique Je vois que tu es le visible m tant parve nu et qu au del du visible le non visible s appartient Il est l ce que tu es vu ce qu il est d o l tat dans lequel il est ce qu il devient dans ce qui lui parvient de ce que tu s p 52 Des genres qui n en sont plus Justement parce qu il ne s agit pas d un r cit tel que les historiens de la lit t rature ont pu le d finir Paul Par se mo
5. ntrer dans l criture comme dans un laboratoire de recherche et d aller jusqu au bout de son r ve jusqu l explosion s il le faut L H tel des grandes coles s ouvre dans l ind fini le premier mot et ce n est pas par hasard est Quelqu un le pro gramme des soixante deux pages qui suivent consistera donc d finir ce quelqu un Mais attention non pas sur le mode de l introspection tradition nelle Ici les protagonistes s appellent Je Tu Il D s la premi re page entrent en sc ne ces trois pronoms ambigus d si gnani tant t l un le je qui parle le narrateur en quelque sorte tant t l autre dans le m me je c est dire le tu pris t moin interlocuteur interne ou parfois virtuellement externe et enfin le ils reflet dans le miroir du moi c est dire l autre du moi qui pourrait aussi bien tre l autre tout court L auteur refuse ces trois pronoms une quelconque paisseur autre que l objet vu ou qui se voit Bref pas de descente dans l inconscient pas de promenade dans le souvenir le pass pas de projets pour l avenir imm diat Non c est le drame l tat pur si j ai bien lu de s ap pr hender soi m me ici maintenant Et bien que le mot miroir ne soit voqu qu une ou deux fois il me semble que tout se d roule au temps pr sent comme devant un miroir que ce dialogue trois voix n est possible que face un miroir C est Narcisse clat
6. que des cat gories de G rard Ge nette et des codes en faisant tout de m me une sorte de r cit soit la m ta phore d un r cit o les dialogues s ta blissent entre trois acteurs trois pro noms personnels o l action se r sume de multiples prises de regard Pour ma part j appellerais cela de la prose ryth m e ou du bon vieux po me en prose revoir Rimbaud Lautr amont Mal larm C est un signe des temps sans doute que cet effritement des genres litt raires qui sont devenus des valises commodes des cartons d emballage couverture un couverture quatre Je n ai rien contre mais je songe ma grand m re qui voudrait se payer un petit r cit avant de s endormir et je me demande parfois quoi rime cette volont mo derne surtout de tradition fran aise d carter tout prix le vulgaire Entre nous les grosses t tes on a quand m me du fun O 21
7. qui a les ant c dents de Jovette Marchessault l Jacques Savoie Les Portes tournantes Montr al Bor al Express 1984 2 Ibid p 123 Jacques Marchand Paul Par par No l Audet Deux petits livres deux publics Le Premier Mouvement de Jacques Marchand Montr al Editions de l Hexagone 1987 90 p 14 955 H tel des grandes coles de Paul Par Montr al NBJ 1987 62 p 8 Le Premier Mouvement Sans doute parce qu il s est frott lon guement l oeuvre de Claude Gauvreau pour crire un essai Claude Gauvreau po te et mythocrate VLB diteur 1979 Jacques Marchand manifeste d s son premier roman une maitrise et une in telligence exceptionnelles de la langue Le Premier Mouvement suscite en effet un tonnement chaque phrase cisel e sans exc s o chaque mot tombe avec justesse et prend sa place n cessaire L air du dehors est encore frais mais le pire le tremblement d effroi de l aurore est pass cette longue minute pendant la quelle la mer presque noire encore tale toute sa fatigue de se laisser regarder p 9 jacques Marchand Le Premier Mouvement L action se passe sur la c te est am ricaine et en Floride et se r sume peu de choses le narrateur sans nom parti culier se r fugie en Floride pour chap per son jeune fr re Marc personnage nigmatique resquilleur dangereux qui menace sa s curit aussi bien que sa li bert Il
8. rce qu ils sonnent toujours juste Il y a l une conomie de moyens qui surprend chaque phrase une modernit d pouil l e de ses coquetteries habituelles 20 Tous les restaurants en bordure de l auto route se valaient avaient le m me air ava chi En ouvrant la porti re de l auto je p sai le pied sur un sachet de sucre qui se trou vait l sur l asphalte du parc de station nement Le sachet ne voulut pas se rompre Des drapeaux clapotaient leurs cordes tin taient sur les m ts de m tal p 24 Voil comment on voque en peu de mots tout un contexte une attitude psy chologique en plus d une r alit g o graphique Le Premier Mouvement est un petit livre qu il faut lire au del de l aventure un peu courte pour le plaisir de voir se d rouler le ruban sans faille de la langue d une langue juste concise jouant de tous les reflets du sens sans jamais s emp trer dans ce qui ne constitue pas son propos Et l intrigue est l avenant men e de fa on serr e suspendue jus qu son point de chute comme dans la nouvelle vrai dire il s agirait plut t ici d une novella cause du nombre de pages En quelques mots ce livre est une f te de l esprit qui nous fait r ver d autres livres possibles du m me auteur H tel des grandes coles r cit Ici je me suis un peu cass les dents Tu te Ilse Paul Par a le m rite chacun de ses livres romans nouvelles d e
9. revit en souvenir un voyage qui s tait d roul quatre ans auparavant et qui s tait termin par l arrestation de Marc et un bouleversement complet de sa propre existence l autre ayant tent de le faire passer pour son complice L annonce du retour du fr re d clenche donc un r cit au pass simple entre coup de fragments au pr sent qui vo quent des sc nes de l enfance des deux fr res Le narrateur s appr te commet tre l acte qui le lib rera de cette menace sourde et tyrannique Le sujet est mince il implique seule ment trois personnages le narrateur son fr re Marc et Gabrielle l amie de ce der nier la description se ram ne l essen tiel les p rip ties du voyage galement le traitement du sujet se fait plut t par litote le style est allusif conomique aucun d tail inutile on ne connait m me pas les crimes imput s au jeune fr re bref il y avait l tous les ingr dients pour r ussir une excellente nouvelle et l au teur n a pas rat son coup il l a produite sur quatre vingt dix belles et fortes pages Je m tonne seulement que l di teur tienne mettre le mot romans sur la page couverture Disons que c est un tr s tr s beau petit roman Ce petit livre m a s duit m me si on en voudrait parfois davantage un peu plus de d tails des mouvements int rieurs plus explicites La prose est lu mineuse on aurait envie d en citer des passages entiers pris au hasard pa
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