Le Corps de l`Anorexique : maudit, maux dits
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1. A de Lacan cette loi du P re qui inscrit un Surmoi social et g n rationnel en m me temps qu un poids de d terminations mais qui fonctionne comme une identification qui surgit comme un spectre dans l exp rience du Stade du Miroir cet autre qu on construit la fois comme contenant et contenu de pens e est t moin et porteur d autres que lui m me et d un peu plus qu il n est existant par procuration en m me temps qu existant pour autrui C est un peu ce que dit L vinas quand il crit on ne per oit pas autrui dans ses l ments descriptifs comme un objet mais comme un visage qui est d embl e une position thique Visage qui nous renvoie cet Autre ce grand A originaire qu on l appelle Dieu Grand architecte de l Univers Etre Supr me Loi du P re Structures l mentaires de la parent puisque le visage est signification sans contexte qui fait que je me sens responsable d autrui sans attendre la r ciprocit et que le lien avec autrui ne se noue que comme responsabilit ce qui met en position de consid rer l tre de l autre quel qu il soit et quoi qu il fasse comme une abstraction qui r duit les ph nom nes qui s expriment dans la r alit mais abstraction n cessaire car signifiante Est ce consid rer l autre son corps ses contenus comme son contenant de pens e comme une utopie et un r ve cette san2. il n est pas malade ou qu en tout cas ses m decins n y connaissent rien souhaitant qu il perde d finitivement la fois son aveugl ment et la confiance totale qu il a en eux les Diafoirus p re et fils ainsi qu en son apothicaire monsieur Purgon se fait passer pour m decin Ainsi Georgette sera Toinette C est une femme g e de cinquante cinq ans entr e l h pital pour tat d pressif marqu es par des tentatives de suicide r p t es avec des plaintes hypocondriaques multiples bref une personnalit psychasth nique effac e derri re sa douleur qui jouera Toinette la servante vive dynamique haute en couleur et forte en gueule Devant le public de ses pairs qu elle amuse accoutr e comme le valet de pique remarquable et remarqu e elle constate qu elle int resse et qu elle existe autrement que douloureusement et mieux puisque ce faisant elle accroit le nombre de ceux qui lui parlent qui la f licitent qui la complimentent et qui la consid rent Voil que celle qui s ennuyait promenant si lasse une existence qu elle croyait inutile offre du plaisir et de la d tente et qu on lui en redemande Voil qu au miroir des autres elle prend de l paisseur et de la densit dans un autre registre dans un autre discours que l nonc de ses maladies brandies comme un drapeau mais qui ne ralliaient alors personne ce qui n tait qu absence de panache Petit petit par l
3. la mani re d une commedia del arte exprimant sans presque en avoir l air et sans s en apercevoir trop l indicible tous ces non dit qui peuvent finir par emp cher de vivre un peu comme une catharsis tel fut aussi la cr ation qui se d gagea des enveloppements humides pratiqu s avec le patient Ce fut bien une cr ation qui redonna une vie une me un souffle d esprit travers une po tisation de l impens qu elle rendait soudain plus facilement pensable offrant pour cela comme un r ve tout un cort ge de m taphores Mais comme au th tre rien n existe sans le spectateur qui donne vie par son regard ce qui sans cela resterait une agitation d sordonn e et st rile car il faut bien le dire notre patient bougea volua se transforma en m me temps que se posait sur lui un autre regard des soignants un regard facilit orient par ce qu ils connaissaient de la pi ce qui se jouait comme la connaissait d sormais aussi le patient mais qui malgr tout comme il en est avec les grands classiques vus et revus se red couvrent toujours et toujours avec la m me joie le m me plaisir la m me fascination comme il en est d ailleurs de chaque matin quand apr s la nuit le jour se l ve baignant d une lumi re neuve la splendeur inlassable de l aube On ne pourra donc que s interroger sur l effet th rapeutique de cette th tralisation Sans doute avons nous dit cette th tralisati
4. agressivit m me s il ne s agit pas d un corps forc ment refus mais dont on cherche modifier les conditions de p n tration de l Etre au Monde Les scarifications pr sentent des caract ristiques proches du tatouage mais traduisent dans les conduites d agressions du corps plus ou moins voisines de gestes d automutilation des attitudes de transformations actives de refus de sa repr sentation mais aussi une incapacit l id aliser le penser diff remment le reconstruire C est un corps impossible regarder qui agresse le regard y compris de celui qui le constitue corps qui fait mal voir et auquel on fait mal Le second cas fera r f rence toutes les techniques cosm tiques et de maquillage tout ce qui fait illusion sans qu il y ait adh sion totale compl te et d finitive et restera dans le contexte d une th tralisation du comme si le temps passe nous le savons bien mais faisons comme si ce n tait pas vrai et plut il que certains se laissassent prendre ce pi ge et consentissent cette escroquerie CHAPITRE III INVENTER UN CORPS A SOIGNER Un corps pr sentable d une certaine mani re La maladie ou la beaut des maux Qu il serait agr able de travailler dans des tablissements de sant o les malades re us seraient toujours bien conformes nos repr sentations et ce que nous souhaitons pour eux et combien alors les soignants seraient m
5. ajuster des sensations disparates en un tout sensible consist dans l int r t nouveau port sur lui malgr tout malgr les obstacles qu il y mettait malgr le caract re obsc ne de son exhibition de la mort dans ce regard diff rent que l quipe portait sur lui dans ce regard tout simplement qui le voyait alors tel qu il tait et non pas comme on aurait voulu qu il soit Plus qu un corps mati re il est alors devenu un corps pens e imagin repr sent th tralis On sait combien ce regard peut influer sur le devenir d un individu le d finir le constituer l emprisonner dans une trame de comportements l engendrer comme actions conduites pens es Pour en convaincre j aime rappeler cette erreur faite mes d buts professionnels j avais commis une erreur en interpr tant les r sultats d un test de personnalit le MMPI ayant report les r sultats d un homme sur la grille consacr e aux femmes et ayant obtenu un score tr s significatif l chelle d homosexualit j en fis communication l quipe soignante qui y trouva la v rification et la validation de ce que nombre de soignants avaient cru constater Or apr s v rification quelques semaines apr s l erreur m apparut En utilisant la grille de correction adapt e il n y avait plus de score positif l chelle d homosexualit Consid rant que seul ce r sultat diff rait d une grille de corre
6. aussi souvent qu il le peut le contenu dans les toilettes dans un geste un peu similaire aux vomissements que se provoquent les jeunes anorexiques lesquels l inverse de lui entretiennent l illusion des repas par des boulimies factices ou justifient leur conduite d anorexie par un pr texte de surcharge pond rale les obligeant faire un r gime alimentaire ou par un d go t de certaines nourritures souvent la viande ou par une id ologie v g tarienne et plus encore v g talienne extr miste alors que lui n invoquait aucun pr texte et ne cherchait rien d guiser masquer cacher Il n y a pas de pourquoi Une telle anorexie aurait pu avoir une cause organique en effet si on associe spontan ment anorexie mentale et adolescence et plus encore adolescente m me s il existe une anorexie mentale chez l adolescent moins fr quente il est vrai il est plus difficile de l associer avec un quinquag naire les amaigrissements importants tant un sympt me de nombreuses pathologies ainsi que la perte d app tit N anmoins le caract re syst matique massif de ce refus d alimentation ne cadrait pas vraiment avec une hypoth se organique de m me que le fait de vider ses poches d alimentation parent rale dans les toilettes Cependant diverses investigations cliniques para cliniques biologiques radiologiques furent faites sans r sultats probants autres que la d monstration d une alt ratio
7. autre d ouverture l ext rieur et au Monde La fr quence de ces s ances est de une trois par semaine et mobilise de deux trois co th rapeutes Th oriquement cette technique faciliterait pour le patient la repr sentation de son image corporelle lui permettant de ne pas sentir son corps comme une chose trang re un objet ext rieur mais de se l approprier tout en le percevant dans son unit comme diff rent et diff renci du corps de l Autre et des objets de l environnement de faciliter donc la mise en place du processus de s paration individuation qui permet l individualisation et l autonomie psychique ce moment du d veloppement personnel tant contemporain de l acquisition de la lecture de l criture de la permanence de l image mentale donc de la conservation des objets qui font percevoir que l absence n est pas la disparition et qui de plus permet de se percevoir Un dissoci du multiple gr ce des limites corporelles et psychiques stables solides s cures En m me temps cette technique permettrait comme le pense Genevi ve Haag de reconstruire un holding c est dire un tayage un sentiment d entourage d appui d aide et de protection un sentiment de s curit susceptible de r parer des attachements fragiles Il para t important de pr ciser que tous les enveloppements humides ne sont pas toujours froids Gillis ayant sugg r qu ils fussent pratiqu s
8. effet du moins acceptons le de ses s ances de psychoth rapie th trale ayant moins besoin pour exister du regard m dical et donc de la maladie qu elle lui donne voir elle pourra sortir de l h pital moyennant une prise en charge ambulatoire et une insertion dans un club d activit s o elle se d couvrira un talent d amuseuse et de bout en train s investissant pour les autres sans prouver la n cessit d un retour souffrant ayant finalement invent avant l heure et spontan ment sans le savoir le rire m decin comme le Bourgeois gentilhomme faisait de la prose sans le savoir Quant Fran ois g de quarante ans infirmier en proie depuis l ge de vingt ans un processus parano de l ayant emp ch tout jamais d exercer la profession pour laquelle il s tait form au d lire de moins en moins efficace qui le laisse de plus en plus en t te t te avec l angoisse de morcellement il a choisi de jouer Argan C est la vedette excessif en tout qui aurait pu vouloir concurrencer P tarou s il l avait connu Lui d ordinaire sombre et renferm s anime et obtient un triomphe La pers cution habituelle n a pas lieu au contraire la salle ne lui retourne que des impressions positives et valorisantes Mais gardons nous dans cette euphorie de la toute puissance qui le guette faisant d une prestation o s bauchent des d fenses n vrotiques hyst riques
9. encore que leur d pendance place tout de m me le soignant dans une position active On pourrait aussi consid rer qu elle existe avec certaines pathologies dans lesquelles l hypoth se d une rechute reste une probabilit non n gligeable comme dans le cas des cancers par exemple mais dans ces situations le soignant reste toujours actif En revanche cette difficult appara t souvent insurmontable dans les cas de certaines pathologies psychiatriques avec lesquelles il est souvent difficile de revenir l tat ant rieur m me si une forme de stabilisation est appel e gu rison en outre ces malades peuvent s opposer aux soignants souvent de mani re passive en interrompant leurs traitements en chappant la prise en charge bref en retrouvant une forme de libert qui certes peut conduire la rechute ce qui met le soignant en chec et au bout du compte le malade lui m me mais qui surtout r introduit une forme d galit dans le soin le malade n tant plus alors un patient exclusivement passif Il est vrai cependant que le malade d pressif inhib apathique d pendant englu dans une toute puissance du pr sent qui lui emp che d imaginer l avenir parfaitement passif est tout aussi insupport car il ne permet pas aux soignants de se percevoir efficaces et d appr cier dans la dur e leur efficacit Aussi et contrairement une pr notion bien tablie ce que para t redouter le
10. finalement s par diff rent distinct de l autre et pour la psychanalyse partir de la m re ou de son substitut On peut concevoir compte tenu de sa place dans la gen se et la construction de la personnalit que la nourriture se trouve investie d un poids fantasmatique qui peut appara tre disproportionn et que tout ce qui a un rapport avec la nourriture et l alimentation p se d un poids important dans les pens e et les repr sentations pouvant les occuper de mani re exclusive un peu sur le mode de l id e fixe ou de la rumination obs dante La peur de la famine appartient nos craintes archa ques et elle reste vive dans la m moire collective On peut d ailleurs se demander si les actuelles pr occupations autour de la mal bouffe ne sont pas un avatar de cette peur ancienne de la famine C est pourquoi peut tre les comportements d anorexie mobilisent autant d angoisse dans les familles confront s ce probl me comme aussi chez les soignants que ces anorexies soient le fait d adolescents ou de personnes g es On les rencontre moins dans la population adulte Mais si d aventure il se pr sente de telles conduites celles ci entra nent les m mes r actions sans doute encore aviv es du fait que moins fr quentes elles sont plus difficilement comprises car ne pouvant tre rapport es des figures connues des explications standardis es des mod les av r s L observ
11. gligeable dans un service de psychiatrie face aux projections de l angoisse de morcellement angoisse de destruction et de mort des malades psychotiques aux projections galement des v cus et ressentis agressifs et pers cutifs qui attaquent l unit psychique de l autre tout en en v rifiant en permanence la solidit le caract re durable constant inalt rable qui rassure le patient dans la mesure o cet autre en face de lui continue le consid rer comme une personne unique une unit qui r siste aussi au morcellement psychotique et le penser encore Un malgr ces multiples pr sent s C est dire qu aux questions que pose le patient par l interm diaire de son corps projet et morcel r pond le langage du soignant et d abord par l interm diaire de ce corps substitu reconstruit mais rendu vident par la blouse blanche Le corps de notre patient pouvait donc tre un langage adress aux soignants demande muette protestation silencieuse mais tellement assourdissante qu elle en tait devenue inaudible inqui tude informulable et indicible Ce corps l vidence parlait et ce langage per u comme agressif d autant plus qu on n en comprenait pas toujours le sens r pondait finalement l agressivit des soignants agressivit explicitement formul e derri re laquelle on d couvrait souvent une forme de d tresse mais galement agressivit implicite se manifestant dans
12. mes couloirs ne voir que lui au long des journ es c est un peu comme s il se confondait avec les murs si bien qu on finirait presque par ne plus percevoir sa pr sence Il devient comme transparent silhouette tellement habituelle qu elle ne capte plus le regard S il est pr sence insistante pour la pens e des soignants comme une id e fixe qui se r p te l infini obsessionnelle et r currente il est de plus en plus indiff rence ind termination inexistence physiques et il ne fait plus obstacle au regard de l autre ne limite plus sa trajectoire et sa vision pr sente encore moins de volume et de densit qu un spectre Il est vrai qu il s amenuise progressivement chaque jour plus mince corps toujours un peu plus d bile un peu plus r tr ci fondu dans les murs au point d y vouloir comme dispara tre tre partie l ment morceau de ceux ci Il exhibe en effet les stigmates d une anorexie qui a pour effet un amaigrissement toujours plus important partir d j de qui n tait ni tr s grand ni tr s gros l vidence cet amaigrissement contribue la transparence d crite et c est un peu comme si l on pouvait voir travers celui qui n a plus gu re que la peau sur les os mais aussi sa pr sentation juv nile qui contraste de mani re saisissante avec la population majoritairement g e du service de m decine dans lequel il se trouve Il confronte les soignan
13. palpable et ma tris e une histoire personnelle avec ses choix ses joies ses drames ses transformations ses changements de fa on qu l in luctable s oppos t au moins la mystification d une volont de vouloir qui somme toute est la grande affaire de l Homme faire comme s il n tait pas toujours et uniquement pure contingence C est pourquoi l essentiel n tait pas qu il y eut catharsis retour la conscience de v rit s enfouies dont l nonc aurait eu valeur de lib ration de purgation de purification comme un catarrhe expectorer et que fussent mis en vidence dans la lumi re dans un retour du L th par la gr ce de la d esse Mn mosyne des souvenirs oubli s cach s masqu s d guis s mais construction d une v rit pour soi sorte de mot substitu partir duquel r organiser r agencer r pandre un nouvel nonc un autre discours un propos neuf Gardons nous cependant de m priser cette fonction cathartique sans doute ne fait elle pas tout et nous savons bien que si l on se contente de l utiliser comme un simple trop plein une vacuation les manifestations des difficult s se d placeront prenant d autres formes Mais il est certain que cette projection hors de soi m me temporaire de ses difficult s peut permettre de les travailler en les consid rant avec plus de recul comme d un autre et ce faisant de les neutraliser puisqu elles ne m app
14. par cette hypoth se pos e il l tait d j l avait d j t en tout cas comme volont libert d sir comme avenir aussi mais d envisager d en changer Qu il ait pu souhaiter magiquement changer de corps changer de peau muer muter pouvait r sulter de son adh sion sans cesse renouvel e la technique des enveloppements humides qui produisait des effets et qui ressemblait de plus en plus la construction d une chrysalide pouvant engendrer une m tamorphose d o pouvait na tre sortir jaillir un homme nouveau Il ne protesta pas contre cette interpr tation d abus sexuels dont le mot m me ne fut jamais prononc dont les modes op ratoires ne furent pas abord s directement mais travers des p riphrases sur le mode d une strat gie du d tour comme un secret compris et partag dont la compr hension m me ne n cessitait plus l nonciation et la verbalisation abus qui l avait finalement chosifi qui avait fait de lui un objet et encore un objet partiel anus et bouche ces deux orifices qu il cherchait d sormais occulter fermer clore pour que rien n y p n tre ni que rien n en sorte ni nourriture ni excr ment mais galement aucune parole signifiante aucun secret abus qui lavait rempli de l autre cet autre en lui qu il tuait en m me temps que lui m me cet autre qu il d sirait l vidence d truire mais qu il ne pouvait d truire qu en se d tr
15. ponse attendue qui va produire de l action ou de l abstention mais qui n est qu une action retenue qu une action avort e qui va mettre en mouvement C est un temps qui est travail et processus pr sent et pr sence toujours rempli au moins du temps de l autre quelle que soit l impression de vide que j y per ois et parce que la pr sence de cet autre suscite chez moi des repr sentations subjectives doutes pr ventions craintes attentes d sirs d ceptions ventuelles attitudes et contre attitudes tout ce qui constitue les ressorts des m canismes transf rentiels de la psychanalyse La relation th rapeutique au moins dans sa phase diagnostique qui a pour fonction de recr er un corps l autre non pas d une mani re fictive non pas d une mani re m taphorique mais d une mani re chim rique ou m tonymique ou un organe ou une pathologie devient le tout d un malade est donc un temps d emprise sur l autre qui lui impose une vision une conception des repr sentations que le patient doit faire siennes sous peine de d laissement et d agacement Aussi la relation th rapeutique n est pas comme le musement de Perceval devant la t che de sang sur la neige pens e qui se r v le travers un v nement impromptu de l ordre de l instant ind finissable en de des mots comme un ton un souffle une note de musique Mais c est dans le m me temps un temps de l identification
16. temp rature du corps solution que pour notre part nous avions choisie La technique fait l objet de vives critiques de la part notamment des associations de parents d enfants autistes dans une perspective thique puisqu elles y per oivent des comportements de sadisme dissimul s et une forme de maltraitance l analysant comme un traitement inhumain et d gradant et ce titre non conforme aux prescriptions tant de la D claration Universelle des Droits de Homme de 1948 que de la Convention Europ enne de sauvegarde des Droits de Homme et des Libert s Fondamentales ainsi que dans une perspective scientifique cette technique n ayant fait l objet d aucune valuation scientifique Les associations de parents d enfants autistes se rallient majoritairement des techniques th rapeutiques qu on pourrait qualifier de cognitivo comportementalistes gag es sur l hypoth se que l autisme rel ve principalement de causes neurobiologiques L obligation d information comme la n cessit de recueillir un consentement libre lucide et clair furent l vidence moins compliqu es mettre en uvre dans notre situation que lorsque la m thode se pratique avec des jeunes autistes Notre situation en effet ne se compliquait pas d un trouble cognitif ni d un trouble du rapport la r alit En outre notre patient tait dispos adh rer toute solution th rapeutique qui lui serait propo
17. H nin Michel M tapsychoth rapie de l enfant et de l adolescent Paris Descl e de Brouwer 1996 Lacan Jacques Le stade du miroir Ecrits 1 Paris le Seuil 1966 Lacan Jacques Le temps logique Ecrits 1 Paris le seuil 1966 Lamartine Alphonse de M ditations po tiques Livre de poche Paris Librairie G n rale Fran aise 2006 L vi Primo Si c tait un homme Paris Pocket 1988 L vinas Emmanuel Ethique et infini Paris Fayard 1982 L vine Eva Touboul Patricia Le corps corpus Paris Garnier Flammarion 2002 pp 82 87 Husserl pp 91 94 Merleau Ponty pp 112 115 Diderot Lorenz Konrad Les oies cendr es Paris Albin Michel 1989 Marzano Michela Philosophie du corps Paris PUF 2007 Moli re Jean Baptiste Poquelin dit Le malade imaginaire classiques Garnier Paris Garnier Flammarion 1971 Oury Jean Zl donc Paris Union G n rale d Editions 1978 Ronsard Pierre de Odes Montr al Nabu Press 2010 Sautejean A Roudeix M Pack et traitement institutionnel d une psychose autistique L information Psychiatrique Vol 55 N 7 septembre 1979 Toulouse Privat pp 785 793 Shakespeare William Hamlet collection Librio Paris Flammarion 1994 Sue Eug ne Les myst res de Paris Quarto Paris Gallimard 1998 Tzarowski Guy Du tatouage M moire pour le CES de Psychiatrie sous la direction du Professeur Yves P licier Paris Universit Paris VI Facult de
18. M decine Necker 1985 non publi Venet Emmanuel Ferdi re psychiatre d Antonin Artaud Lagrasse Aude Editions Verdier 2006 Vernet Alain Remarques sur le stade oral et perspectives psychopathologiques Psychologie M dicale Vol 2 mars 1982 pp 87 95 Vernet Alain Pratique th trale et psychoth rapie Pratique des mots N 60 septembre 1987 pp 22 26 Vernet Alain L v nement dans la relation th rapeutique en psychiatrie m moire pour le DU Ethique clinique et hospitali re Paris Sainte Anne Formation Universit Paris Est Marne la Vall e 2009 non publi Wilde Oscar Le portrait de Dorian Gray Livre de poche Paris Librairie G n rale Fran aise 1999 Winnicot Donald La m re suffisamment bonne PBP Paris Payot 2006
19. connu la mis re ni la faim ni v cu des situations abandonniques ou de laisser aller Par ailleurs son parcours scolaire n avait pas t chaotique et sans avoir fait d tudes brillantes et longues il disposait d un bagage minimum et moyen lui ayant permis une insertion professionnelle sans clat sans panache mais existante et qu il trouvait d autant plus satisfaisante qu il n avait pas connu le ch mage la pr carit les successions de petits boulots Les causes familiales m me ne pouvaient tre invoqu es en effet il tait issu d une famille non affect e par un divorce une s paration ou des deuils pr coces et il disait avoir grandi heureux entre ses parents et ses fr res et s urs le chien et le chat ne manquaient que le b uf et l ne les uns et les autres continuant le recevoir chez eux et venir le visiter l h pitall On ne mettait pas en vidence un quelconque hiatus ou dysfonctionnement des attachements pr coces m re enfant ni m me une r gression un stade archa que pr dipien son p re avait t pour lui un mod le d imitation et d identification et il voquait divers souvenirs qui laissaient supposer entre eux un attachement affectif r el sinc re et non pervers Tout juste apparaissait il un peu solitaire un peu isol vieux gar on c libataire endurci pas par choix au demeurant donc sans misanthropie ou homosexualit refoul e mais du fait des ci
20. dans d autres pathologies qui confrontent la cachexie Ce faisant nous normalisions en quelque sorte la situation Cette t che de pr position l eau chaude la collecte des bouilloires et au chauffage de l eau accomplie spontan ment et par certains soignants avec une sorte de jubilation apportait d une part comme une rupture dans les habitudes des gestes quotidiens une fantaisie une forme de jeu presque une jouissance presque du plaisir et ce faisant d autre part transformait les sentiments n gatifs prouv s jusque l par rapport lui face ce qui tait incompr hensible non r ductible des cat gories de pens e r guli rement utilis es On peut d ailleurs se demander si cette jubilation ne provenait pas du fait qu il y avait eu retour un cadre de pens e connu excitation succ dant une panique intellectuelle finalement joie des retrouvailles L aspect tr s inhabituel de cette prise en charge amenait de plus de nombreux dialogues son sujet et repla ait alors le malade comme quelqu un d int ressant comme pouvant tre diff rent de ce qu il donnait voir imm diatement comme tant plus que son apparence directement tangible Nous avions renforc cet aspect inhabituel de la situation en soulignant son caract re th tral par quelques artifices de mise en sc ne le noir car nous op rions dans une p nombre peine clair e cr ant une ambiance appuy e par
21. de la personnification de la diff renciation temps cr ateur temps de la scansion de la partition temps de la percolation C est un temps d intervalle de rupture de discontinuit temps de s paration fragmentation division qui s prouve d abord comme un avoir t ce qui fut avant ce qui vient apr s ce qui vient apr s ce qui fut avant tic tac permanent qui puisque tac est l nous apprend que tic est parti la fois temps du revenir et du devenir perp tuelle fuite et perp tuel retour lin aire et circulaire la fois La relation th rapeutique est en effet l occasion par laquelle doit s laborer un instant de voir anticipation condensation comme dans un r ve de l tre en devenir d un autre de ses transformations changements qui s op reront aussi du fait d un regard fa onnant port sur lui en quelque sorte stade du miroir renouvel invers dans lequel le miroir est le regard modelant de l ordre vis vis d un corps d fendant Cet instant de voir est plus qu un simple regard car s il voit et coute il interpr te aussi inventant alors une r alit surgie non d un n ant absolu mais d un vide apparent celui de notre patient qui l on tend des perches poutres progressive de sout nement chafaudages permettant de b tir cette r alit nouvelle ou retrouv e patient qui doit progressivement s en emparer L instant de voir est le cadre l
22. duquel je fais un constat qui se construit partir de la distance de l un l autre circulation m me silencieuse d une parole propos du d calage presque toujours certain entre mon d sir et la mani re dont il a pu s inscrire dans la mati re des faits Cette distance souligne des degr s d imperfection et d insatisfaction qui invite pers v rer ou au contraire comme dans l observation pr sent e devient r sistance en raison d un trop grand cart entre le vouloir et le pouvoir entre le r alis et ce qu on croyait r alisable Mais c est dans cette distance cet interstice cet entre deux que se construit un savoir ce qui est voir et que je sais voir d o l agacement r sultant des d guisements que mettait notre patient l expression d une impossible r alit dont la catharsis suscitait une douleur plus grande que ce qui avait pu conduire refuser de la voir comme de la ressentir Construire un tel savoir allant du superficiel au profond du visible vers l invisible du conscient jusqu l inconscient souvent l sans m me qu on le remarque pourrait bien tre la premi re et principale fonction de la relation th rapeutique change dont le but initial est de faire appara tre une situation de mani re lisible d en r v ler l encre sympathique gr ce nos astuces th oriques au besoin en la pla ant dans un statut de chose en la figeant dans une position d immo
23. dysfonctionnements rat s h sitations de la machine corporelle Il tait en effet avons nous dit impossible de rattacher ce qu il pr sentait une maladie et ceci le rendait tr s insupportable aux soignants qui ne pouvaient le soutenir le porter lui rendre ce corps moins lourd moins pesant de sorte qu il lui ft moins mal jusqu l en oublier qui ce faisant ne pouvaient le prendre le comprendre le prendre sur eux avec eux transf rer dans un ailleurs ind termin ce qui pouvait lui faire mal et donc le prendre en charge Ce corps qui n tait pas malade tait en d finitive intouchable Somme toute il ne lui permettait plus puisqu en faisant un intouchable d appartenir la communaut des hommes avec laquelle partager un quelconque bien commun Il n appartenait plus la m me humanit m me plus l humanit n tait plus de fait un homme n tait plus comme nous notre image devenant cr ature monstrueuse et inqui tante vraie chim re construit comme une autre m canique tel le Gr gor de la nouvelle de Kafka Tant il est vrai que le toucher est sans doute ce qui construit le corps la fois pour les autres m me si ce toucher peut n tre bien souvent qu on fr lement du regard mais aussi pour soi m me le d couvrant l assemblant le rassemblant ajustant des sensations parses et donnant ainsi une logique de vie ce qui sans cela serait rest mati re apport
24. elle m me faisant de celui qui tait son corps tout simplement quelqu un qui tait dans son corps mais lui m me et non un autre pr sent malgr lui et contre son gr On retrouvera la distinction entre contenant de pens e et contenu de pens e et cet embo tement de l un dans l autre o la substance de l un d pend de la substance de l autre mais o le contenant qui taye le contenu dispara trait d s lors que le contenu cesserait de le penser comme dans notre observation qui voit le corps physique de notre patient s amenuiser progressivement jusqu se dissoudre et quasiment dispara tre au fur et mesure que les contenus de pens e ne se mobilisent plus sont d vitalis s dans une temporalit qu on voudrait an antir pour n tre plus que ce moment ultime d un pr sent disparaissant dans l instant de la disparition qui est l avance r p t e compulsivement dans cette succession d instants r currents qui le pr figurent encore une fois exprim e diff remment par Husserl Le corps propre se constitue donc originairement sur un mode double d une part il est chose physique mati re il a son extension dans laquelle entre ses propri t s r ales la coloration le lisse le dur la chaleur et toutes les autres propri t s mat rielles du m me genre d autre part je trouve en lui et je ressens sur lui et en lui la chaleur du dos de la main le froid aux pi
25. en font trop des tonnes dysmorphophobiques persuad s d une disgr ce physique id e fixe qui envahit toute la conscience au point d emp cher de penser autre chose d emp cher de vivre id e fixe encore un peu critiqu e malgr son caract re totalitaire et parfois in branlable conviction qu on pourrait alors consid rer comme d lirante et qui conduit d interventions en interventions de chirurgie esth tique aux r sultats toujours insatisfaisants Sans doute condescendra t on concevoir qu ils puissent souffrir et encore mais cette souffrance sera pes e pour peu de choses par rapport ce qui sera consid r comme de la com die et comme un manque de volont Pour ces malades qui malgr ce qu on voudrait croire souffrent r ellement et d abord dans leur chair et dans leur corps rien n est plus insupportable que de leur renvoyer que ce n est pas leur corps qui souffre mais leur t te et de les sommer bien souvent d accepter que leur probl me soit essentiellement psychologique Ce faisant on ajoutera de la souffrance morale la souffrance physique En revanche un vrai malade surtout si son cas est grave voire d sesp r conforte le soignant dans l importance de son r le et souligne de mani re exemplaire presque caricaturale la noblesse de sa fonction son caract re altruiste et la quasi asc se de son d vouement conf rant la profession soigna
26. est justement la personne au personnage c est dire une personne incarn e par un individu singulier rempla able mais qui ne peut tre totalement superposable et identique celui qui le remplacerait chacun ayant toujours des mani res diff rentes de dire de faire et donc d tre On pourrait consid rer le r le la personne comme un tant mais le personnage qui donne vie l tant ne pouvant tre qu un Etre Cette autre peau des soignants se traduit de mani re visible par la blouse blanche cet uniforme immacul dont on peut penser qu il n a pas t voulu tel par un simple souci d hygi ne pour que celle ci soit trac e examinable pour qu il prot ge des impuret s ext rieures qu il rendrait exemplairement visibles mais qu il s est aussi impos comme une m taphore de ce qu on croit tre les valeurs morales des soignants La blouse blanche dans ces conditions carapace du soignant corps superpos son corps de chair montre d une certaine mani re cet invisible qu est ce corps de chair cherchant en gommer les asp rit s et d fauts derri re un ce voir et donc un savoir qui trace la fronti re malade soignant fronti re que la blouse blanche cherche symboliser puisqu elle se fait ici langage qui n a plus besoin des mots pour se dire et tre compris Cette carapace qu est la blouse blanche est une protection de l int grit psychique du soignant qui est non n
27. inconscientes garde de ce fait un aspect d intentionnalit de manifestation de volont une fiction de libert qui donnent l illusion de ma trise d un destin si bien qu au bout du compte ces comportements sont per us comme moins obsc nes que l anorexie L anorexie en effet ne semble pas r sulter d un acte bien identifi affirmant une pr sence mais se montre au contraire comme l effet d une progressivit in luctable qui para t s imposer malgr soi en dehors de toute volont et qu on pourrait d finir comme le tutoiement avec l implacable d une mort dont le nom ne serait jamais prononc et dont l id e ne serait jamais pens e mort qui n est qu un trou noir gouffre qui aspire in luctablement sans en avoir l air et qui laisse supposer l inverse tellement l anorexique croit ma triser son destin Ce tutoiement d une certitude qu on se fait croire comme impossible et inactuelle comme ind termin e mais tellement in vitable en fait cette illusion d un Je tout puissant mais qui moins qu un crayon ou un stylet qui inscrit ce qui constitue une diff rence majeure avec les autres atteintes au corps est une gomme qui efface toute r alit au point de construire du vide du n ant derri re l apparence d une forteresse vide n amorce aucune phrase aucune rencontre avec l autre C est un tu qui dissout tout soi m me les autres et m me la perspecti
28. l autre pour advenir et devenir et qu il est d abord le lieu d une emprise et le lieu d une empreinte qui le rend miroir peut tre moins de l me de l int riorit que de l ext rieur et d abord du temps qui passe puisqu il est affect par un processus de vieillissement En cons quence moins qu un corps machine le corps appara t corps pens corps parl et d abord par l autre celui qui dit qui assure ces deux fonctions scribe et interpr te qu a pu identifier Michel Balat C est donc toujours l autre qui invente le corps d abord contenant psychique avant que d tre contenu psychique cet autre pouvant tre prot iforme Dieu ou A Cr ateur ou organisateur la mani re de la loi du P re sorte de structure universelle pr existante qui d ailleurs pourrait tre purement mat riel la fa on de l infrastructure conomique postul e par Marx L analyse du d veloppement de l enfant montre exemplairement qu il faut la pr sence de l autre et d abord la m re pour faire advenir l identit l autonomie psychique l individualit pour construire le contenant de pens e qui n est pas qu une simple surface g om trique dans lequel circuleront des contenus de pens e Cette invention du corps de l autre est un peu ce que fait le soignant qui a besoin d identifier des maladies un corps organis mais morcelable d coupable s cable qui a bes
29. la recomposition de sa trajectoire ce qu en tous cas nous reformulions comme tel et lui r attribuions comme autant d interpr tations qu il lui appartenait de saisir ou de rejeter les seules interpr tations pertinentes tant celles auxquelles il adh rait et que pour la plupart il faisait lui m me partir de ce qu il entendait des reformulations propos es D abord il n tait pas le vide motionnel et sensible que nous pensions Outre le fait qu il pouvait voquer les nuances de temp rature et comparer les tats successifs de celle ci au cours des s ances en y ajoutant une notion de bien tre ou de malaise y aff rente il r vait haute voix de nourritures terrestres plus app tissantes et go teuses les unes que les autres tranches paisses et tendres de rosbif saignant et ses garnitures de pommes dauphine duchesse frites et saut es craquantes et fondantes en bouche desserts au chocolat engloutis jusqu l indigestion cascades de cr mes chantilly le tout accompagn des vins qu il croyait appropri s Il n tait pas loin s en faut d go t de la nourriture C est bien ce qui se passe en g n ral avec les anorexiques qui souvent aiment cuisiner faire manger les autres les remplir et les gaver se nourrissant presque si l on peut dire par personne interpos e dans une sorte d inversion du rapport de la m re l enfant le nourrisson celui qu il faut nourrir se nourriss
30. le fait qu on ne le voyait plus qu il tait devenu transparent que le regard port vers lui tait devenu fugace et fugitif ou trop charg de cette agressivit qui par le truchement d yeux r volvers acc l rait cette mort que le patient exposait aux regards de tous mais que beaucoup se refusaient voir car refusant de l accepter Cette mort tait bien s r cette mort venir imminente mais elle tait aussi cette mort lui m me en tant que sujet d sirable et m me tout simplement en tant que sujet puisqu il avait t instrumentalis chosifi objectalis r duit au rang d une chose par le d sir d un autre qui y avait trouv motif pensons le de satisfaction et de jouissance car sinon pourquoi aurait il tu en lui toute satisfaction et toute jouissance et tout plaisir du corps sauf en l imaginant le r vant dissociant motion sensation et repr sentation ne s autorisant plus acc der au plaisir qu travers la pens e c est dire par le truchement d un autre lui m me autrui miroir moins accessible moins attaquable moins chosifiable Ce souvenir refoul d vitalis trou noir chec au d sir comme tout nonc qu il tentait de rendre inop rant avait t pour lui une fa on d essayer d abolir le temps cherchant annuler l avenir pour mieux occulter le pass sans pour autant y parvenir se retrouvant dans la situation de cet enfant nouveau mort e
31. puisse aboutir dire Je suis celui qui dit je dis ce que je suis je suis BIBLIOGRAPHIE Anzieu Didier Le Moi Peau Paris Dunod 1995 Bachelard Gaston La philosophie du non Quadrige Paris Gallimard 1981 Balat Michel Le musement de Peirce Lacan Revue internationale de philosophie Vol 46 N 180 janvier 1992 pp 128 176 Barbey d Aurivilly Jules Une histoire sans nom La Pl iade Tome 1 Paris Gallimard 1978 Biswanger Ludwig Introduction l analyse existentielle Paris Editions de Minuit 1971 Bosco Henri Hyacinte Paris Gallimard 1945 Bovier Ph Brandli H L enveloppement humide L Information psychiatrique Vol 55 N 7 septembre 1979 Toulouse Privat pp 771 785 Camus Albert Le mythe de Sisyphe Paris Gallimard collections id es 1970 Cassou Jean Trente trois sonnets compos s au secret Paris Gallimard 1995 Changeux Jean Pierre L homme neuronal Paris Fayard 1983 Chappuis Raymond La psychologie des relations humaines Paris PUF 1991 Clervoy Patrick Corcos Maurice Petits moments d histoire de la psychiatrie en France Paris Editions EDK 2005 Condillac Etienne Bonnot de Trait des sensations Paris Fayard 1984 Delion Pierre Le packing avec les enfants autistes et psychotiques Paris Editions Eres 2007 Diderot Denis Le paradoxe sur le com dien Paris Garnier Flammarion 1971 Ferreri Maurice De l apparence la dysmorphest
32. sienne Car il n est pas n cessaire que le malade s exprime directement Et m me puisqu aussi bien dit on les grandes douleurs sont muettes moins il parlera directement et plus correspondra t il ce malade id al qui permet au soignant de s id aliser d tre le parangon des vertus de sa profession Un malade id al est donc un malade qui se d finit par ses sympt mes dont le corps parle le langage de la maladie qui permet de faire un diagnostic comme un pronostic dans l entre deux desquels pourront s inscrire la th rapeutique ou la prise en charge Que le malade pr sente une affection organique ou psychiatrique n y change rien La rencontre qui se fait avec lui peut se penser avec des outils et un code communs lesquels d finissent comme un mode d emploi Notre patient comme nous l avons vu ne r pondait aucun de ses crit res ne pouvait tre qualifi de malade dans l un comme l autre des contextes de soins ce qui se rencontre aussi parfois avec de jeunes suicidants qui ne pr sentent aucune pathologie mais un d go t de vivre d autant plus malais admettre pour les soignants et peut tre aussi pour tous les adultes que la vie de ces jeunes n a pas encore t exp riment e reste en grande partie inconnue demeure promesse Mais quelque difficult que l on ait pour le faire on peut la rigueur admettre qu il s agit pour l adolescent d une forme de libert
33. soignant ce ne sont pas la maladie la douleur la souffrance et m me la mort situations pour lesquelles il a t pr par qui sans tre toutes toujours protocolis es s inscrivent dans une conduite tenir font appel des sch mes de comportements pr vus et anticip s situations dans lesquelles la plupart du temps il a un r le actif et qui r pondent globalement la d finition qu il se donne de lui m me au moins collectivement qui est de prendre soin On peut penser qu alors le soignant se trouve dans le connu au moins le compr hensible et le connaissable face ce qui peut se d crire et s analyser face ce qui rel ve d une certaine logique avec des causes et des effets visibles en partie et assur ment pensables de l ordre d une nonciation dont il poss de la grammaire et le vocabulaire et d faut au moins un dictionnaire qui lui permet un minimum de compr hension Que le malade dispose ou non de la possibilit de s exprimer dans un langage verbal son attitude appara t signifiante pour le soignant qui peut la d crypter et la placer dans un ordre discursif qui lui permet de voir ce qu il fait de pr voir et finalement de se situer dans une interaction c est dire un jeu de questions r ponses celles ci pouvant tre silencieuses et m me le fait du seul soignant qui ce faisant s incarnera en l autre l animant lui pr tant vie sensations et pens e en cho la
34. surveill e polic e contr l e avec la m me vigilance et donc mesur e avec la m me parcimonie La m tamorphose ou on purge b b Que cette parole f t que dans le moment de la s ance l occasion de ce que nous avions voulu teint d tonnement dans cet espace clos de la chambre o se d roulait comme un rituel trange qui se voulait modification des cadres et des rep res un pourquoi put se poser nouveau et peut tre pour la premi re fois tel tait ce que nous ambitionnions la question se faisant plus importante que la r ponse car c e t t alors la manifestation que le corps n tait plus l unique vecteur de l expression encore que toute parole toute oralisation ne soient possibles qu travers sa m diation Ce qui tait dit n tait compte tenu de ce postulat pas le plus important et peu nous chalait que ce fut du vrai du vraisemblable du reconstruit du fictionnel de l invent de l imagin pourvu que ceci fit sens permettant de r orienter une vie de fa on retrouver un Nord perdu ne plus donner aux autres ce sentiment d tre l ouest de reconstruire une histoire de d crypter ce qui s imposait soi malgr soi cette anorexie incomprise et inexpliqu e de fa on reprendre en main sa propre vie pour qu elle ne s coul t qu avec ordre dans un temps retrouv non suspendu non plac comme entre parenth se temps rendant visible
35. une conduite tenir Une nymphe en sa chrysalide Mais que proposer Les m thodes d invigoration de stimulation d encouragement ce qu en patois psychologique on nommerait revalorisation narcissique spontan ment utilis es par les soignants qui sans le savoir toujours un peu comme Monsieur Jourdain avec la prose avaient mis en place une d marche psychoth rapique sur le mod le de ce qui pouvait s apparenter une relation d aide n avaient montr aucune efficacit On pouvait certes discuter de l appoint m dicamenteux mais sur quelles bases puisqu il ne pr sentait aucune pathologie constitu e Une v ritable psychoth rapie d inspiration analytique n tait gu re adapt e au vu de la banalit de ses propos de la pauvret de ses verbalisations de l incapacit qu il avait d montr au cours des entretiens diagnostiques faire des liens ou rebondir partir des reformulations qui lui taient faites Une th rapie de groupe sur le mode d un groupe de parole par le moyen duquel on cherche s tayer se renforcer des exp riences des autres trouver dans l autre des mod les pour soi m me des trajectoires communes semblables similaires proches permettant de se comprendre soi m me par ce qu on trouve retire prend chez l autre n aurait gu re t qu un groupe de silence dans lequel il n aurait rien dit en raison de la timidit qui tait la sienne et de la
36. Le Corps de l Anorexique maudit maux dits mots dits Alain VERNET Psychologue M moire de philosophie Mort toute fortune l espoir l espace Mais non point mort au temps qui poursuit sa moisson Il me faut me retraire et lui c der la place Mais dans ce d nuement grandit ma passion Je l emporte avec moi dans un pays sans nom O nuit et nuit sur nuit me pressent et m effacent L ombre y d vore l ombre et j y dresse le front A mesure qu un mur de songe boit ma trace Ce n est vie ni non plus n ant De ma veill e Les enfants nouveaux morts errent dans l entre deux Transparentes clart s apparues disparues Elans sans avenir souvenirs sans pass D cro tre fait leur joie expirer fait leur jeu Et Psych br le en eux les ailes tendues Jean Cassou IL Trente trois sonnets compos s au secret Soutenu sous la direction du Professeur Eric FIAT Universit de Paris Est Marne la Vall e INTRODUCTION Comme un compagnon des journ es et des nuits des jours heureux ou malheureux des heures creuses des moments vides comme aussi des instants joyeux la peine toujours dans les temps ordinaires comme dans les instants extraordinaires se faisant souvent oublier se rappelant aussi malgr soi nos pens es sachant galement se faire insistant le corps est ce n cessaire et indispensable outil par lequel nous sommes gr ce auquel nous existons et avec le
37. a m thode en soi qui serait efficace et que ce qui importait d abord tait que le patient f t r investi reconnu et d une fa on positive C est pourquoi on postulait que l investissement affectif des soignants compenserait leur m connaissance de la technique et qu il fonctionnerait comme un Moi auxiliaire soutenant enveloppant contenant aidant susceptible de construire un contenant psychique cette holding dont parle Winnicott et que cette authenticit relationnelle valant une forme de reconnaissance de l autre manifestant l int r t port au patient pour autant qu elle sache demeurer l coute de l autre dans une position d attention flottante de bienveillance disponibilit authenticit somme toute de mise en danger de soi au risque de l autre de fragilit quipollente celle du patient l emporterait largement sur de possibles maladresses ou erreurs Cette reconnaissance pensions nous imposait aussi de replacer ce soin dans un cadre de pens e global habituel aux soignants impliquant que pour reconna tre l autre il leur fallait d abord se reconna tre eux m mes aussi nous l avions caract ris comme une modalit d une d marche de soins palliatifs destin e non pas inverser le processus d l t re mais redonner au patient un sentiment d estime de soi et de dignit en l aidant maintenir une image de soi acceptable d faut d tre satisfaisante comme
38. ant lui aussi par personne interpos e Dans ces situations d anorexie on peut donc se demander si le corps de l autre n est pas comme une substitution de soi m me comme une carapace protectrice tr s ext rioris e devenue ce faisant visible palpable repr sentable acceptable parce que diff rente parce qu c t comme un soi m me id alis comme s il fallait finalement cette ext riorit un Moi peau de l autre pour me rassurer sur l int grit de mon propre Moi et comprendre qu il est pour me saisissant un peu de moi m me m appartenir Mais c tait comme si autre chose l avait rempli s tait substitu la nourriture emp chant d s lors qu il p t avaler celle ci C est lui m me qui fournit les mat riaux permettant de penser cette hypoth se qui ne lui fut pas propos e dans cette brutalit mais dont la r p tition la reprise la reformulation firent qu il fin t par se l approprier Il raconta en effet qu au cours d une partie de p che avec son p re 1l tait tomb l eau qu il avait bu la tasse avait cru mourir en retrouvait un souvenir marqu par la peur et la panique Mais qui sourd trop facilement limpidement clairement n est souvent que r surgence d une eau qui court plus profonde et plus souterraine et qui est le flux essentiel Aussi ne pouvait on penser qu il s agissait l d un souvenir cran susceptible d en masquer d autres pl
39. ant une information c est dire donnant forme ce qui n tait que substance en puissance p te laquelle manquait son levain Corps faire La forme du corps son caract re unique diff rent des autres corps des autres choses hommes et objets sont fournis par ce toucher qui fait sortir de l indiff renciation en construisant des limites une surface un cran Ce toucher qui constitue l homme pour le soignant qui labore sa constitution ce sac d os et de muscles qui est son corps est comme l me dont parle Condillac qui travers la r sistance la solidit ressentie lors d un contact corporel fait appara tre l autre comme diff rent de soi et ce faisant donne l un comme l autre le sentiment d tre deux diff rents et s par s l un de l autre travers cette conscience d exister puisque l me qui ne conna t pas son corps aper oit naturellement comme des modifications o elle se trouve et ne trouve qu elle Puisque le propre de cette sensation est de repr senter la fois deux choses qui s excluent l une hors de l autre l me n apercevra pas la solidit comme une de ces modifications o elle ne trouve gu elle m me elle l apercevra n cessairement comme une modification o elle trouve deux choses qui s excluent et par cons quent elle l apercevra dans ces deux choses C est travers ce toucher et plus pr cis ment la main que l individu se con
40. artiennent plus ne sont plus miennes comme galement de les analyser de les d dramatiser de les d nouer en jouant de leurs diff rents aspects de leurs diff rentes facettes de les manipuler finalement ce qui aboutit les transformer N est ce pas ainsi que fonctionne l intrigue dans le roman de Wilde Le portrait de Dorian Gray le portrait ext riorisant tout ce que refuse d tre et de vivre le h ros et d abord d accepter le temps qui passe le portrait assumant en quelque sorte sa place tant un double une forme de comme si qui permet d tre tout ce qui sans lui ne serait pas possible Avec pour guide et rep res la trame de ces postulats gag s tout de m me sur les quelques r f rences th oriques expos es les s ances d enveloppement humide commenc rent se d roul rent dur rent et il les attendait rappelant aux soignants qu il croisait qu il s y rendrait allait s y rendre s y rendait en revenait celles ci faisant pr texte une parole certes convenue des politesses mais qui avait auparavant quasiment disparu Il n tait plus tout fait cet ectoplasme errant dans les couloirs qu on s effor ait de ne plus voir tellement sa pr sence tait devenue abjecte et incongrue Sa journ e et ses semaines ne se d roulaient plus compl tement inutiles et fades creuses et insipides vides et plates Elles avaient retrouv un rythme une scansion permettant de mettre de l a
41. ation qui sert de pr texte ce travail et qui illustre une situation d anorexie mentale chez un adulte cherchera montrer combien a pu para tre obsc ne son entourage mais aussi au patient lui m me ce qui est apparu comme une exhibition insupportable parce qu incomprise du corps D autres mises en avant du corps d autres mani res de l utiliser peuvent galement d sar onner l entourage soignant comme non soignant que ce soient certaines parures vestimentaires ou l utilisation d effets de maquillage plus ou moins r versibles plus ou moins durables en particulier des teintures capillaires notamment que ce soit l utilisation d accessoires vestimentaires plus ou moins fix s dans l enveloppe corporelle plus ou moins adh rents ou dissociables du corps comme les piercings que ce soient des inscriptions directement faites sur le corps destin es plus ou moins une visibilit plus ou moins facilement lisibles d codables interpr tables plus ou moins agressives comme les tatouages et les scarifications lesquelles par rapport aux tatouages paraissent plus un balbutiement semblent un langage moins articul comme si le tatouage tait une parole plus facilement exprim e moins difficile formuler et qui fait moins mal pour s noncer et s exprimer qui a moins de mal se dire que ce soient des automutilations des tentatives de suicide ou m me des suicides r ussis la te
42. bilit en la cristallisant ce qui somme toute fut permis pour le patient dont nous parlons par nos enveloppements humides Le travail inaugural de toute relation th rapeutique est alors de construire une chim re permettant de s rier la multitude des situations d ordonner la bruyance des ph nom nes de les r duire quelques formes simples que d aucuns pourraient nommer structures Ce savoir constat et perspective mobilise diverses sensations diverses perceptions diverses interpr tations qui se groupent s assemblent se f d rent de fa on rassembler en un nouvel agr gat ce qui tait jusqu alors pars cet agr gat tant ce que nous appelons diagnostic et il devient nouveaut point d appui d autres v nements successifs venir cause partir de laquelle s engendreront des s ries d v nements qui n eussent pas t sans celui ci ou qui eussent t diff rents Mais alors qu on pourrait le consid rer comme une r ponse un diagnostic est d abord une question pos e peut tre d abord soi m me une interrogation qu on s efforcera de confirmer ou d infirmer mais qui sera toujours un moment inaugural dissociant l avant de l apr s organisant le regard et la perception et partir duquel se d ploiera une information Mais cette relation th rapeutique est un temps de tension parce que c est un moment de dialogue temps dialectique d une question pos e une r
43. ction l autre et que mon erreur n affectait pas les autres syndromes psychopathologiques je la tus Avions nous malgr l instrument pr tention scientifique fait uvre de clairvoyance assist s d une tr s fine et tr s pr dictive intuition clinique ou avons nous d termin par notre regard les comportements du patient En tout tat de cause lorsqu il sortit du service de psychiatrie o il s journait fr quemment pour une d pression qui n en finissait pas il vira sa cuti devint homosexuel et concubina avec de jeunes ph bes Au demeurant c est bien le regard de l autre qui constitue l enfant et qui structure son d veloppement en m me temps d ailleurs que le contact corporel qui facilite l attachement pr coce avec la m re et qui mutatis mutandis rappelle le ph nom ne d empreinte d crit par Konrad Lorenz m me si les m canismes subjectifs des projections prennent rapidement le relais des ph nom nes objectifs purement physiologiques C est bien en effet un contact corporel charnel qui inaugure le d veloppement humain utilisant le r flexe inn de succion pour dans ce que Freud d crira comme le stade oral structurer des sensations de manque et de pl nitude de plaisir et de d plaisir de tension et d ataraxie construire une attente et la pr sence de l autre construire aussi une ambiance rassurante ou faire se d velopper une angoisse d an antissement Le c
44. e Quelqu un de nous s avisa de demander notre aveugle s il serait bien content d avoir des yeux si la curiosit ne me dominait pas dit il j aimerais bien avoir autant de longs bras il me semble que mes mains m instruiraient mieux de ce qui se passe dans la lune que vos yeux ou vos t lescopes I vaudrait donc bien autant qu on perfectionn t en moi l organe que j ai que de m accorder celui qui me manque Mais travers la main c est tout le contact avec la peau contact non m diatis direct qui inscrit dans la sensation incarne dans la chair montre une tendue d termine un espace par lequel percevant des mouvements allers retours pr sence absence retrait disponibilit je puis discriminer un autre que moi m me tout en me percevant dans le m me temps C est ce qu Anzieu tente aussi de d montrer dans le Moi Peau quand il nous dit que la pens e est tout autant affaire de peau que de cerveau et que le Moi se constitue partir d une exp rience tactile d abord Moi corporel avant d tre Moi psychique faisant du Moi le miroir de l me et comme nous avons tent de le faire voir dans notre observation faisant du corps le reflet d une histoire A partir du moment o le stade oral par laquelle d bute l histoire du petit d homme est d abord un contact de bouche sein par cons quent de peau peau il apparait bien que les premi re perceptions sensorielles qui organisent p
45. e possiblement homme et quelque peu vainqueur disponible nouveau pour la promesse de l aube CHAPITRE II CORPS CONTENANT ET CORPS CONTENU DE PENSEE Discours pour l un paroles de l autre Carapace et Habitus Toute notre observation montre un corps mis en avant comme projet dans le regard de l autre d une mani re particuli rement agressive un peu comme une insulte corps qui agresse l autre non directement mais dans son habitus dans son identit professionnelle et personnelle dans ce qui fait pour les soignants comme une carapace comme une autre peau cette autre peau qui est constitutive non d un Moi ce qui ici n est donc pas superposable au Moi Peau tel que Didier Anzieu le th orise mais de ce qu on pourrait appeler un Soi c est dire un Moi social engag dans une relation avec les autres ce que le Moi est galement mais surtout inscrit dans un syst me de repr sentations sociales titulaire d un statut et ici tr s directement crit dans des textes juridiques qui prescrit des limites l action qui comme au th tre correspond au texte d une pi ce dans laquelle chacun son r le c est dire des indications de conduites mais que chacun interpr tera de fa on faire de ce r le un personnage pour l habiter le faire passer de la personne r le r duit une trame impersonnelle susceptible d tre n importe qui derri re le masque qu
46. e coffrage qui permettent la construction d une substance d une sorte d invariant qui int grent des observations des ph nom nes d exp riences et de familiarit les r sument galement les contiennent les absorbent les englobent mais aussi les d passent C est la construction de ce qu on pourrait consid rer comme une structure c est dire une abstraction un th or me la mani re de Pythagore qui a recherch ainsi que l crit Lucien Jerphagnon tablir une constante a priori qui d passe les exp riences sensibles et qui s appliquent toutes qu il appelle l Un primordial et qu on pourrait tout aussi bien nommer comme une monade Cet instant de voir inaugural connaissance abductive connaissance de l autre et connaissance sur l autre construction de l autre et construction sur l autre regard qui se pose dispose impose la fois explication et perspective la fois d un point de vue causal mais aussi d un point de vue projectif est une mani re de faire cr dit l autre de qualit s et de d fauts aussi mais d une capacit de ressemblance qui me permet de l inscrire dans un syst me de comparaisons ce que la terminologie actuelle nomme r f rentiel Qu on le compare soi m me un Autre dont il serait l image ou la ressemblance par rapport donc une instance tierce ext rieure et originaire que cette instance soit Dieu ou la figure
47. eds les sensations de contact au bout des doigts Le contenant corporel ne s prouve et ne se con oit qu travers les contenus de pens e qui ont besoin de lui pour se d velopper pour le penser mais qui peuvent le d passer et pourquoi pas construire une repr sentation qui pourrait venir en comp tition voire en conflit avec lui les sensations localis es ne sont pas des propri t s du corps propre en tant que chose physique en revanche elles sont des propri t s de la chose corps propre dans certaines circonstances elles durent longtemps encore apr s le contact Le corps purement physique purement assemblage de mati re purement organique base n cessaire et indispensable n existe donc pas totalement sans la repr sentation qu on peut s en faire La force de cette repr sentation appara t bien terrible puisqu on se rend compte travers notre observation que celle ci impose sa r gle sa loi sa logique finalement son ordre et sa violence au corps mati re au corps physique jusqu vouloir le faire dispara tre jusqu vouloir l emp cher de fonctionner alors qu il n avait aucun d faut qu il tait parfaitement int gre Ce corps physique ce corps mati re n est qu une puissance en devenir d tendue qui doit tre anim e caus e pour se d velopper Dans notre observation cette cause a plus que la technique des enveloppements humides plus que le toucher permettant d
48. en place d une construction d lirante parano de o s esquisse une diff renciation o s ouvrent la possibilit d une comparaison l esquisse d une rupture avec l indivision psychotique et de faire de cette situation limit e trop vite ipso facto une gu rison m me si la distance critique par rapport au d lire et la d rision sur soi m me l humour sont toujours de bon augure car montrant qu un autre est possible face soi Le corps en sc ne dans le th tre est d un bon pronostic pour admettre l autre accepter de le rencontrer le penser diff rent de soi sans tre adversaire bon augure d une volution positive qui laisse penser que qui est en sc ne s loigne de l obsc ne CONCLUSION Le corps apparition disparaissante de la personne support de tout ce qu elle est de tout ce qu elle fait de son essence comme de son existence socle de son d veloppement comme de ses actions faits et gestes n cessaire au surgissement de la pens e est d embl e en sc ne puisque soumis au regard et la caresse de l autre forc ment spectateur d s l instant de la naissance Il est cette surface cet espace ce volume prenant place d embl e dans le Monde en mobilisant les perceptions les repr sentations les attentes et les projections des autres qui par ces moyens vont le construire et le d terminer C est pourquoi on peut penser que ce corps bien que d j l a besoin de
49. era pas obligatoirement un langage articul Il pourra tre aussi un langage tactile fait de sensations directes ou m diatis es sensations qu on pourrait appeler par procuration comme un regard Aussi le corps se construit par un syst me d interm diaires sensoriels autour desquels progressivement se structureront des sensations de plaisir ou de d plaisir d excitation et de tension ou de calme et d ataraxie ces premi res sensations tant r gul es par l apport de nourriture faisant que la sensation de faim et la sensation de sati t seront les premi res sensations qui seront progressivement discrimin es conf rant au stade oral la mission d inauguration de la vie de l homme C est un des apports fondamental de Freud d avoir montr que le Moi autant dire la construction d une personnalit autonome et individualis e se construit progressivement partir de sensations corporelles identifiant des zones rog nes donc investies de mani re privil gi es par la libido c est dire des sensations de plaisir et d plaisir qui dans leur d placement et en fonction des mani res de faire de l entourage face ces manifestations d excitation et d apaisement ne peut exister qu travers une m diation corporelle qui le construit dans le m me moment le m me temps le m me mouvement que le corps se construit s identifie c est dire se per oit comme unit individualit autonomie
50. es qui en g n ral sont communs un certain nombre d individus donc partag s mais qui ne peuvent exister sans ce corps qui les d livre mais qui en m me temps les per oit Ce langage peut n tre ni oral ni crit bien qu inscrit et bien qu utilisant parfois des codes et signes s en inspirant issus de la langue comme il en est avec le tatouage langage du corps r serv quelques initi s moins public bien qu ventuellement tr s expos tr s exhib tr s montr mais qui pour devenir langage de communication et non simple exposition doit tout de m me tre compris de quelques uns qui se reconnaissent entre eux formant ainsi communaut c est dire possession commune de quelques biens symboliques valeurs histoire types d v nements Les tatouages identifient et permettent de reconna tre et de se reconna tre entre marins anciens d tenus militaires groupes humains disposant d un sentiment d appartenance plus ou moins fort plus ou moins troit qui font du corps la fois un lieu de m moire Le corps de notre patient parlait pour lui sa place suppl ant une parole perdue oubli e cach e en tout cas indicible et inexprimable Il ne parlait pas en effet travers des mots qui n exprimaient on l a dit que d affligeantes banalit s Mais il ne s exprimait pas non plus travers des maux ce langage de la maladie ce discours des sympt mes qui permet de percevoir les
51. h sie in Haroche Michel Pierre sous la direction L me et le corps philosophie et psychiatrie Paris Plon 1990 pp 69 114 Fiat Eric Le temps Questions de philosophie Internet http philo pourtous free fr articles Freud Sigmund Trois essais sur la th orie sexuelle Paris Gallimard 1989 Gillis Alain L autisme attrap par le corps Bruxelles Mardaga 1999 Giraudoux Jean Bella Paris Grasset 1926 Goethe Johann Wolfgang Von Les souffrances du jeune Werther Livre de poche Paris Librairie G n rale Fran aise 1999 Gorceix Antoine Trans psychose in Haroche Michel Pierre sous la direction L me et le corps philosophie et psychiatrie Paris Plon 1990 pp 15 48 Haag Genevi ve Le Moi corporel entre d pression primaire et d pression m lancolique Revue Fran aise de Psychanalyse Vol 68 avril 2004 pp 248 264 Japrisot S bastien Un long dimanche de fian ailles Folio Paris Gallimard 2004 Jeammet Philippe corps et esprit l impact de l adolescence in Haroche Michel Pierre sous la direction de L me et le corps philosophie et psychiatrie Paris Plon 1990 pp 49 68 Jeammet Philippe Anorexie boulimie les paradoxes de l adolescence Paris Hachette 1999 Jerphagnon Lucien Histoire de la pens e de Hom re Jeanne d Arc Paris Tallandier 2009 Kafka Franz La m tamorphose collection Librio Paris Flammarion 1988 Klein Jean Pierre
52. il remplit l espace et qui impose d en faire le tour comme une pr sence r elle qui peut tre d truite cass e alt r e mais dont on ne peut faire qu elle ne soit pas qu elle n occupe pas une certaine place Ce corps apparu l occasion de la naissance qui lui donne sa visibilit d finitive l int gralit de sa dimension spatiale ses mesures qui certes a pu tre visualis auparavant au travers de diverses images clich s radiologiques permises et r v l es par les techniques d imagerie m dicale n tait jusqu alors que possibilit potentialit probabilit et c est cet v nement historique et dat qui lui conf re toute sa substance m me si celle ci ne cessera de varier de se modifier de se transformer du fait du d roulement de la vie des circonstances et contextes dans lesquels elle se passe se situe se d veloppe Cette naissance agit comme un r v lateur de ce qui n tait qu attente esp rance virtualit pens e inscrivant dans la mati re des faits ce qui n y tait qu en puissance conf rant une mat rialit ce qui n avait jusqu alors qu une consistance d id e fragile fugace diversifi e qui n tait qu une multiplicit non talonn e La mati re a ceci de particulier dans cette situation que pour se r v ler elle passe de l ombre la lumi re d une chambre noire remplie d un liquide amniotique dont elle a besoin de se d barrasser po
53. is approche corporelle et approche psychologique de fa on lui permettre de se reconstruire une pens e du corps une repr sentation de celui ci de fa on galement ce qu il r ussisse le percevoir comme r ceptacle et inscription de sensations mais pour qu il puisse aussi les diff rencier en vue de se percevoir uni unique permanent et finalement consistant au filtre de ces diff rences A travers cette approche th rapeutique contest e et critiqu e mais que l ad quation la situation particuli re d crite ici pourrait permettre de d fendre voire m me de promouvoir il est apparu qu un corps pouvait s inventer tant du point de vue des soignants de l ext rieur de l Autre que du point de vue du patient travers un regard diff rent de l un comme des autres nouveau discours nouvelle projection de sens nouveau langage L utilisation de cette m thode r pondait plusieurs objectifs premi rement l illustrer dans une situation extr me afin d en d montrer la pertinence dans une perspective de d fense et de promotion qu on pourrait qualifier de militante deuxi mement susciter une th tralisation du soin de fa on ce que son aspect spectaculaire sensationnel mobilise diff remment les soignants autour du patient dirigeant sur lui un regard plus teint de surprise que de d nigrement et recentre aussi le patient vers lui m me pour qu il se r fl chisse diff remment da
54. it d une apparence de n ant ou plut t de n antisation de ce qui litt ralement br le les l vres d chire l enveloppe et comment il est un trop plein de souvenirs r duit un vide qui cherche les neutraliser elle expose comment travers une parole qu on porte sur lui propos de lui langage verbal et non verbal langage des perceptions et des sensations du fait de la m diation de l autre qui par la limite qu il pose l obstacle qu il impose l espace dont il dispose la construction d un corps oblige concevoir une diff rence des existences non fusionn es non strictement superposables que je m approprie pour en faire une essence Ce corps se construit d abord comme espace sensoriel avant d acc der une histoire o il appara t contenant de pens e avant que de permettre d y accueillir des contenus de pens e Elle l expose du point de vue du patient qui ce faisant peut parvenir se d sengluer d un v cu d abjection qui abolit tout sentiment de dignit jusqu se comporter comme s il n tait plus rien Mais elle l expose aussi du point de vue du soignant qui reconstruit aussi un corps travers le regard m dical souvent quelque peu corps a priori mais qui ne peut qu exister ainsi sauf tre aussit t renvoy vers une sorte de n antisation puisque radicalement autre et inaccessible corps qu il faut rendre familier qui doit ob ir aux r gles d
55. l de bonnes pratiques si bien que la pens e ligneuse de la technocratie exprim e dans son jargon de m me essence et m me suffisance ne s tant pas encore prononc e nul avis contraire ne s exprima au cours de la r union d quipe cens e valider ce nouveau projet de soin Cette r union ne fut pas l occasion d un d bat dialectique mais une simple r union informative un syst me de questions r ponses au cours de laquelle fut expos e la m thode que l on se proposait d utiliser Quelle est elle Il s agit d envelopper le patient et patient est en cette circonstance le terme adapt puisque la s ance dure de vingt quarante minutes dans des linges mouill s l eau froide en lui constituant une sorte d emmaillotement comme on faisait jadis aux nourrissons dans les langes ou plus loin encore aux momies gyptiennes dans leurs bandelettes d o seul merge le visage Cette m thode d abord utilis e pour abaisser la temp rature corporelle de patients d veloppant des fi vres infectieuses fut d velopp e en France dans les ann es 1960 1970 par un psychiatre am ricain Woodburry lui m me fortement controvers pour les enfants et adolescents autistes ou pr sentant des troubles graves de la personnalit type de psychose infantile dans lesquels la conscience et l image de soi sont morcel es non construites infiltr es de perceptions bizarres d lirantes coenesth siques ou
56. lque envie qu ils aient de s crier temps suspend ton vol sachant bien qu il fera la sourde oreille sourd tous ces appels le suppliant d interrompre sa course quelque d sir qu ils aient de souhaiter d un grand fleuve qu il cesse de couler vers l aval afin peut tre au moins deux fois s y baigner dans la m me eau et qu il change sans cesser d appartenir au m me individu d tre la m me personne qui s en accommode plus ou moins qui n en est pas d truite qui s y retrouve et s y reconna t voil le lot commun de tous ceux pour qui le Moi ne s parpille pas dans ce mouvement mais au contraire s enrichit se renforce se poursuit d accumulation d exp riences diversifi es en amassement de contingences diff rentes Mais il n en est pas toujours ainsi soit qu on n accepte pas son corps tel qu il est ou qu on refuse les effets du temps sur lui Le premier cas voquera travestissement transexualisme mais aussi toutes les pratiques transformistes depuis le body building mais aussi la chirurgie esth tique en g n ral des actions radicales importantes visant une transformation d finitive et qui ne sont pas d nu es d agressivit Quant la pratique du tatouage si elle ne modifie pas radicalement le corps dans sa constitution elle transforme sa repr sentation le regard qu on peut porter sur lui et a un caract re d finitif non compl tement d nu d
57. lus indiff rent mais qui se met en position d attente de disponibilit de r ceptacle de l appel de la sonnette qui d clenche le ballet de la collation un peu comme au th tre les trois coups frapp s par le brigadier qui annoncent le lever du rideau et le d but du spectacle Assur ment nous ne pouvons que penser au th tre d autant plus avons nous dit que ce choix de l enveloppement humide n tait pas d nu d une th tralisation exhibition du soin en r ponse l exhibition d une douleur muette d une histoire indicible exhibition exag ration exacerbation destin e cr er pour les soignants comme pour le patient une intrigue aux r les connus convenus mais appropriables ceux de la maladie mais pour la parler la toiser la consid rer de plus loin avec du recul non pas pour la vivre consid rant qu elle est le ressort tragique de comportements qui sans cela confinait au non sens et encore moins tre v cu par elle maladie formant comme un r citatif soubassement explicatif scand par le rituel des enveloppement humide la fa on des ch urs des trag dies antiques A la fois texte d roulant un sc nario b ti d une s rie d interpr tations r les interpr t s permettant fictivement mais non virtuellement d exp rimenter travers ces comme si les situations redout es pour s y construire un nouvel habitus et en prouver sa solidit mais aussi improvisation
58. me se ratatine se rabougrit de fa on occuper de moins en moins de place de moins en moins d espace de moins en moins d tendue jusqu devenir invisible en tout cas transparent jusqu n tre plus vu n tre plus regard n tre plus per u Ce corps alors ne montre que de l invisible n exprime que de l inaudible ne pr sente que de l ind chiffrable et de l incompr hensible devenant intouchable n offrant aucune prise et aucun angle d attaque Face ce qu il faut bien consid rer comme un fl au de sant publique face cette obsc nit qu est l anorexie mentale pour ceux qui la vivent jusqu n en plus vivre et ceux qui la voient jusqu n en plus pouvoir parfois m me jusqu plus soif modestement nous avons voulu pr senter et proposer une m thode qui offre la possibilit de r inventer un corps tout en le reconstruisant corps contenant et contenu de pens e corps qui se parle pour moins parler le langage d un autre que l anorexique veut faire taire et qui pour obtenir cela ne peut que se taire lui m me m thode dont la part de th tralit appelle une autre proposition th rapeutique dans les situations d anorexie mentale le th tre comme psychoth rapie qui permet travers soi m me comme un autre d exprimer et parler cet autre pour en fin de compte ne rester que soi m me l une et l autre m thodes permettant que le patient
59. n corps m taphorique contenant simul jou repr sent dans lequel pourront circuler des contenus construits et recr s dont on pense qu il pourra s en saisir pour nouveau s appartenir en mettant en sc ne un comme si dont on voudrait qu il s accommode et s en saisisse corps m taphorique se substituant l ancien corps inutile carapace vieille peau sur laquelle collent trop de secrets r duite n tre plus que le r ceptacle d une m moire visible circonscrite et verrouill e Le temps qui toujours marche avait pendant deux nuits Echancr selon l ordinaire De l astre au front d argent la face circulaire Sire Renard tait d sesp r Comp re loup le gosier alt r Passe par l L autre dit Camarade Je veux vous r galer voyez vous cet objet C est un fromage exquis le dieu Faune l a fait La vache lui donna le lait Jupiter s il tait malade Reprendrait l app tit en t tant d un tel mets J en ai mang cette chancrure Le reste vous sera suffisante p ture Jean de La Fontaine Le loup et le renard extraits Fables Livre XI Fable 6 CHAPITRE PREMIER COMME UNE FLAMME QUI S ETEINT Faim ou fin Trotte menu qui va et vient dans l h pital d un lieu un autre sans but apparent qu il occupe peu d espace Et cependant quelle place il tient Combien il remplit les discours des soignants qu il teinte de perplexit d incompr hen
60. n de pouvoir la formuler comme Hamlet en une question d livrance Etre ou ne pas tre c est l la question Y a t il plus de noblesse d me subir la fronde et les fl ches de la fortune outrageante ou bien s armer contre une mer de douleurs et l arr ter par une r volte Mourir dormir rien de plus et dire que par ce sommeil nous mettons fin aux mots du c ur et aux mille tortures naturelles qui sont le legs de la chair c est l un d nouement qu on doit souhaiter avec ferveur Mourir dormir Peut tre r ver Oui l est l embarras Il ne posait pas comme Hamlet ce qu il vivait comme une attitude d lib r e intentionnelle comme un choix entre plusieurs possibles mais il subissait ce qui s imposait lui lui collant la peau malgr lui s emparant de lui jusqu le rendre tranger lui m me Ses propos taient litt ralement insignifiants d une grande banalit ne permettant pas de saisir ce qu il pouvait ressentir dans son intimit supposer m me qu il ait pu ressentir quelque chose qu il ait pu prouver des sensations qu il ne se soit pas situ au del de la douleur et du plaisir Face ce qui s apparentait un vide int rieur une vacuit de la pens e une carence de la sensation nous ne pouvions que supposer penser pour lui propos de lui interpr ter c est dire faire des hypoth ses impossibles v rifier valider expo
61. n majeure de l tat g n ral engageant tout de m me le pronostic vital Si par ses effets et par ses manifestations visibles l organique et donc le corps taient en avant aucune cause ne pouvait tre directement rattach e cette corpor it Dans ces conditions le raisonnement imm diat de l quipe soignante est qu il n existe qu une cause psychologique ce qui n a pas d explication organique et que ce qui ne provient pas du corps vient de la t te C est alors le recours au psy en d sespoir de cause car il faut bien qu il y en ait une dont on esp re qu il trouvera dans les profondeurs de l histoire personnelle dans le secret de l intimit dans un recoin de la m moire voire dans une circonvolution du cerveau la circonstance la faille la blessure ou m me le traumatisme enfouis et qu ainsi se produira un d clic partir duquel le processus s inversera quand aura t identifi e la souffrance initiale et que le blocage cach inconscient viendra la conscience en pleine lumi re pourra se verbaliser avec une certaine id e de l infaillibilit de cette m thode cathartique mani e par un praticien thaumaturge Les entretiens avec lui auxquels il se montrait tout particuli rement coop rant en aucune fa on d fensif ou opposant n amen rent pas de ces r v lations secr tement attendues par l quipe soignante sur le mode d un fia
62. ns le miroir de regards soignants qui ne soient plus un miroir bris troisi mement lui offrir les conditions symboliques d une nouvelle naissance d une renaissance gr ce une mue lui permettant de se d barrasser de sa vieille peau d abandonner le vieil homme de laisser de c t les scories traces s diments d une histoire possiblement douloureuse pouvant enfin tre regard e contempl e envisag e au moyen de ce d calage permis par la m tamorphose symbolique d une sorte de nymphe abandonnant dans sa chrysalide constitu e par cette esp ce de carapace de linges humides le mis rable tas de secrets l ayant jusqu alors emp ch de s appartenir quatri mement permettre de faire en toute s curit psychologique puisqu il tait lov dans cette m taphore de carapace protectrice elle m me doubl e par la barri re pare excitations constitu e par le groupe des th rapeutes des interpr tations relatives ce qu on supposait qu taient ces secrets de fa on lever l interdit qui emp chait de les penser et les r duire en les nommant pour mieux les ma triser ceci outre l aspect directement cathartique pouvant avoir pour effet de les g n raliser de les partager d en r partir alors la charge et le poids d anxi t Cette observation expose comment se reconstruit un corps comment il se construit et s invente depuis l instant inaugural de cette m tamorphose comment il surg
63. nstance tait inop rante Il ne voulait pas mourir il voulait vivre et qu on fit ce qu il fallait pour d sireux de retrouver l app tit de manger enfin Il se disait pr t consentir et adh rer tous moyens pr conis s propos s mis en uvre Ce refus d une mort per ue qui s annon ait lui comme aux autres ne permettait donc pas de consid rer son tat d anorexie mentale comme un quivalent suicidaire Au surplus il n y avait chez lui aucun sympt mes de d pression ni de ces sympt mes d excitation d agitation qui sont souvent l ultime recours avant l effondrement d pressif Non seulement il n entrait dans aucune grille de lecture d une maladie organique mais plus encore dans aucune grille de lecture psychiatrique sauf changer les crit res d finissant l une et l autre nosographies Pouvait on m me dire qu il souffrait physiquement ou moralement Il n voquait rien qui perm t de l affirmer d une fa on vidente l exception de ce souhait de ne pas tre ce qu il tait sans pour autant mettre en uvre un quelconque changement pour commencer inscrire dans la r alit dans la mati re des faits le choix affich discr tement certes mais non extorqu On ne pouvait pas dire qu il tait r sign mais il tait totalement passif compl tement soumis ce qui paraissait tre pour lui une circonstance d adversit C tait ainsi qu il contin
64. ntative de suicide contrairement ce qu on croit n tant pas un appel l aide mais un suicide qui a chou le suicide tant par lui m me appel l aide mais appel informulable ou inaudible cri qui se jette en m me temps qu il se tait tel une apparition disparaissante pour le dire avec la terminologie de Vladimir Jank l vitch A l exception du suicide le caract re d exhibition de ces diverses manifestations est souvent vident et par l m me leur caract re discursif semble ind niable m me s il existe des brouillages parasitant la compr hension Mais on s accorde y reconna tre ou bien l expression d une souffrance qui se vit et se dit ou bien l expression d une affirmation de soi d une recherche d identit qui s essaie avant de se trouver se manifeste au regard de l autre travers des provocations qui ne laisseront pas indiff rents et permettront par le biais de cet autre de se sentir un peu ou un peu plus soi m me La tentative de suicide parce qu elle est un acte destin retrancher demeure une affirmation une protestation d existence qui reste de l ordre d un discours potentiellement compr hensible bien qu il ne le soit pas toujours mais qui permet par essais et erreurs des tentatives de d codage et de traduction En outre ces conduites rev tent toutes peu ou prou l apparence d un acte qui m me s il est le r sultats de motivations
65. nte une sorte de posture d abn gation charitable et missionnaire impr gn e de religiosit qu elle a conserv e malgr la la cisation des tablissements hospitaliers publics comme priv s d ailleurs Les d nominations anciennes d H tel Dieu de Charit de Piti inchang es depuis des si cles montrent l vidence cette filiation religieuse tant des tablissements que des personnels qui y travaillent que des pr notions et repr sentations qui les structurent les d crivent les pensent Mais un vrai malade se doit aussi de gu rir ce que ne font bien s r pas les malades imaginaires dont on consid re qu ils ont des b n fices secondaires tre malades et si possible de gu rir vite ou en montrant qu il est en bonne voie de gu rison Ce malade est gratifiant pour le personnel soignant car il lui rend visible et palpable son action laquelle il donne du sens outre l aspect de renforcement narcissique qui r sulte de ce que cette gu rison permet d une perception par le soignant de l importance de son r le et de la n cessit de sa fonction Il n en est pas toujours ainsi et pas seulement pour ceux qu on consid re peu ou prou comme des pseudo malades ces hypocondriaques hyst riques dysmorphophobiques d j voqu s En effet une difficult surgit avec les personnes g es car avec ces derni res il est impossible d inverser un processus d involution
66. oin de lui appliquer un certain langage dont il impose la r ciprocit langage qui souvent r pond une logique causaliste Quand le patient ne fonctionne pas dans cette r ciprocit quand le d codage n op re pas et que le d cryptage se fait insignifiant le soignant se trouve en situation de mise en danger de malaise et d anxi t percevant alors comme une atteinte son habitus et sa carapace comme une mise en cause de son corps professionnel comme une prise de possession du patient sur lui compr hension insupportable puisqu elle s inverse Certaines pathologies comme l anorexie avivent ce malaise peut tre en tout cas tel que cela ressort de notre observation parce que le corps de l anorexique est d j pris par l autre d j trop rempli de l autre et qu il ne reste alors au patient qu faire le vide en lui vide de tous les contenus psychiques et organiques la fois jusqu l extinction finale ne plus tre pour n tre plus cet autre en soi Et qu il est impossible de remplacer avant de n tre plus par une autre emprise fut elle celle du soignant L anorexique alors n a d autre parcours possible que d osciller de l abject l obsc ne d indicible en innommable dans une mise en sc ne qui tient l autre distance loignant quelque d sir que ce soit emp chant m me qu il se constitue par rapport un corps qui se tasse progressivement sur lui m
67. oire englu dans un pr sent que rien n claire et qu aucune perspective d avenir illumine Et pourtant l envie demeure qui n est pas une envie de mourir mais une envie de vivre et de manger repr sentations persistantes et revendiqu es du plaisir m me si cette envie n irrigue et ne soutient aucune sensation C est un peu comme si son corps avait fui pour n tre que pens e pure hors de toutes contingences rendant superflue toute alimentation et faisant d une mort exhib e annonc e anticip e une mort d j l r p tition d une histoire ancienne d j dite et d j crite m lant dans l imparfait d un pr sent qui va s arr ter un futur trop bien annonc mise en sc ne d une histoire abjecte claboussant d obsc nit Ce corps exposait tous vents un d calage et une b ance entre l envie et l impuissance faisant vivre aux soignants ce m me dilemme envie de le sortir de cet inextricable impuissance pouvoir le faire happ s qu ils taient tout comme le patient par le trou noir d une pens e fig e s vaporant sans jamais se renouveler ferm e toute entr e pens e qui n tait plus comme le corps que l ombre d elle m me un mirage ni mise en mots ni mise en sens ni mise en sensations pens e de m me nature que le corps ectoplasme L approche th rapeutique qui lui a t propos e l enveloppement humide s est voulue double la fo
68. on tait recherch e mais essentiellement pour qu ter et susciter l int r t des soignants et sans penser que peut tre les ressorts dramatiques qui s op raient dans ce qui pourtant n tait pas un psychodrame pourraient aussi agir sur le patient spectateur de lui m me acteur de son histoire qu il interpr tait comme si elle fut celle d un autre en partie ext rieure lui dans une mise en sc ne orchestrant des interpr tations paroles certes son propos mais incertaines ayant plus le statut de fictions r alisables d faut d tre r alistes que d une v rit absolue et intangible La magie du spectacle fut qu il op r t sur le patient lui m me auteur en partie acteur et spectateur de lui m me Doit on s en tonner quand Hamlet s crie dans la pi ce ponyme N est ce pas monstrueux que ce com dien ici dans une fiction dans le r ve d une passion puisse si bien soumettre son me sa propre pens e que tout son visage s enflamme sous cette influence qu il a les larmes aux yeux l efjarement dans les traits la voix bris e et toute sa personne en harmonie avec son id e J ai oui dire que des cr atures coupables assistant une pi ce de th tre ont par l action seule de la sc ne t frapp es dans l me au point que sur le champ elles ont r v l leurs forfaits Eprouve t on quand on joue dans le feu de l action les sentiments pr t s au pe
69. ontact corporel le toucher m me s il s agit d abord d un toucher avec la langue et la bouche est ce qui va lui permettre de construire le monde qui l entoure puis de s en diff rencier de sortir de la relation fusionnelle et symbiotique qu il a avec sa m re pour se percevoir d abord c t diff rent avant de se construire comme entit autonome Le contact il il vers l ge de trois mois ajoutera une autre forme de toucher un toucher distance Mais pour se diff rencier pour sortir de la fusion d avec la m re pour qu il y ait ce bing bang psychologique encore faut il qu il y ait symbiose Et quand il n y a rien ou que l attachement maternel ou du substitut maternel est perturb alors l ext rieur ne se construit pas l autre est biais et la conscience de soi est morcel e comme dans le cas de l autisme et des psychoses infantiles A l origine ce regard de l autre ce contact corporel ces premiers mois qui vont faire contenu de pens e avant m me que le contenant de pens e ne s autonomise et de mani re concomitante ne se mette en place ne se construise ne se d veloppe passe par la nourriture Aussi on doit se demander si tout rapport vici celle ci soit boulimie soit anorexie soit alcoolisme soit quelques perversions que ce soit mettant la bouche en jeu ne renvoie pas un trouble des interactions pr coces entre la m re et l enfant Comme l c
70. otiv s et peut tre heureux le plaisir dans le travail ou le bonheur notions qui ne sont sans doute pas strictement superposables tant probablement ce qu il faudrait cependant d montrer un ressort de la motivation au travail un des aspects de ce concept ambig e pluriel qui fait flor s dans nos organisations de travail depuis qu elles ont choisi d en consid rer les acteurs comme autant de ressources humaines dont on s enquiert au moins en th orie du bien tre des d sirs du degr de satisfaction tout ceci tant cens contribuer un dynamisme qui ne pourra qu tre profitable l organisation Il faudrait donc que les malades soient bien malades et qu ils en aient une claire conscience de fa on tre patients face aux soins appliqu s qu ils en per oivent l int r t le bien fond les avantages venir et qu ainsi ils s investissent dans les soins propos s qui plus est qu ils y consentent comme tous les examens et investigations Rien n est plus insupport en effet que ceux qu on consid re comme des malades imaginaires comme le patient de notre observation renvoy s par les somaticiens dans l univers de la psychiatrie mais tout aussi insupport s des soignants en psychiatrie qui se sentent pareillement mis en chec par la cohorte des hypocondriaques sans sympt mes visibles et probants hyst riques de conversion aux sympt mes exag r ment visibles qui
71. quel nous inscrivons notre trajectoire sur la terre entre l avant de notre naissance et l apr s de notre mort Sans lui rien n est possible et tout ce que nous faisons disons pensons n cessite qu il soit car sans lui nous n aurions t tout jamais que le d sir d un autre d finitivement irr alis En effet lorsque l enfant para t au moment de la naissance c est bien un corps qui se pr sente certes surface de projections et de d sirs multiples conscients et inconscients dans l engendrement d une histoire d une filiation plus ou moins fluide connue d termin e C est un corps qui se d couvre surface visible enfermant une machinerie invisible contenant perceptible prot geant un contenu fragile non encore totalement efficient dont les fonctionnalit s ne sont ni pleinement actives ni toutes effectives surface de contact ench ssant ce qui permet qu elle dure grandisse se d veloppe et progressivement se perp tue Ce corps se d couvre en arrivant en pleine lumi re et en plein air devant se d pouiller pour cela d une carapace protectrice pr alable qu est le liquide amniotique et s attribue un volume une place dans l espace d j une existence qui s impose aux autres que cette place puisse avoir t pr vue l enfant tant attendu mais aussi quand cela n est pas le cas L enfant devient d s lors incontournable justement du fait d un volume dont
72. qui pr tent l ext rieur des probabilit s agressives dangereuses et pers cutrices tandis que les enveloppes psychiques et contenants de pens e poreux remplissent mal leur fonction de barri re et d cran protecteur d crin d intimit et d int riorit Plus r cemment le psychiatre Pierre Delion l a introduite dans des cas de troubles majeurs du comportement chez des jeunes pr sentant des troubles graves de la personnalit hyperactivit instabilit grave auto et h t ro agressivit insomnie rebelle Ce refroidissement de la peau est suivi par un r chauffement thermique cutan secondaire spontan rapide progressif dans un intervalle de dur e de cinq minutes environ ceci ayant t constat par des v rifications effectu es l aide d un thermom tre cutan Ainsi le r chauffement des t guments est r el objectif et n est pas qu une simple sensation une pure perception subjective du patient A l issue de la s ance le sujet est frictionn enduit d eau de Cologne ce qui est une fa on outre de renforcer sa sensation de r chauffement de prendre soin directement de son corps en lui attribuant valeur et importance mais aussi en le repla ant comme instrument de sensualit et de plaisir Ensuite une collation lui est propos e dans une ambiance conviviale qu il partage avec les th rapeutes moment m taphorique de la rencontre de l change de la r introduction dialectique de l
73. qui ne saurait lui tre plus marchand e contingent e discut e qu aucun autre alors qu il n y avait que bien peu de libert dans la situation d crite plus haut sauf celle soulign e d imposer son temps l adversit et de l acc l rer emp chant ce faisant que puisse s installer le temps d une rencontre avec les soignants Aussi peut on affirmer qu un malade id al est un malade patient ce qui dans la grammaire m dicale et soignante ne peut qu tre tautologique qui ne ralentit ni n acc l re le temps dont on peut percevoir l volution et le changement partir de l habitus professionnel Des mots pour les maux du diagnostic la th rapeutique ou l invention d un corps La relation th rapeutique se pense entre deux bornes celle d un d but de la relation qu inaugure le diagnostic celle d un aboutissement qui devrait r sulter du soin proprement dit dont on pense imagine pr voit quelque peu le chemin ce vers quoi en tout cas on tend et souhaite aboutir soin dont on imagine ce qu il pourrait tre en quoi il pourrait consister ce qu il pourrait produire et qui pour tre tout de m me un peu un r ve n est cependant pas compl tement divagation dans l inconnu En effet dans ce moment de r ve se produit un change entre ce qui est et ce que veux entre une r alit telle qu elle est devenue et ce que je pr voyais qu elle deviendrait dans le temps
74. r serve voire de l isolement dont il avait fait preuve durant son existence On pouvait aussi supposer de ce fait qu un groupe aurait eu pour lui terme un caract re agressif intrusif car y sont souvent insupport s ceux qui s y singularisent ou par trop de silence de retrait mais aussi de mise en avant de soi et de th tralit Hors il tait un peu les deux muet silencieux avare de paroles mais en m me temps exhibant ce corps d charn comme une provocation obsc ne suscitant malaise chez autrui corps qui tait peut tre aussi un cri qui ne pouvait sortir de sa gorge close Puisqu il mettait le corps en avant pourquoi ne pas opter pour une approche corporelle qui plus est r gressive faisant en somme le parcours inverse celui qu il nous jetait en pleine face la fin proche la mort annonc e la disparition exhib e remplac es par les origines la naissance l enfance le d but l instant initial La m thode du packing mot anglais qu on peut traduire par enveloppement humide fut propos e La pratique de cette m thode contest e par ailleurs n tait faut il le dire pas tr s orthodoxe n tant pas appliqu e aux situations pathologies populations pour lesquelles elle avait t con ue propos e pr conis e Mais aucune AMM n existait pour les m thodes psychoth rapiques et il n y avait pas encore eu de conf rences de consensus visant aboutir un r f rentie
75. rconstances alors m me qu il avait eu des aventures f minines mais non durables sans lendemain ou en tout cas toujours br ves et pisodiques mais tout de m me renouvel es Nulle cause organique nulle cause psychiatrique rien d objectivable rien qui perm t aux soignants de faire application de leurs grilles de lecture de recourir leurs habitus de penser ce qui leur chappait le risque tait alors qu il en vienne tre rejet de leur cadre de pens e puis exclu de leur pens e puis oubli moins qu il ne mobilis t leur projections agressives comme autant de d fenses contre un sentiment d impuissance d inutilit et de remise en cause d une identit professionnelle et au del psychique et personnelle Et c est bien ce qui se produisit les propos exprim s au cours des r unions d quipe revendiquant un faire de l action le besoin d tre dans son r le et sa fonction soignante de conserver une identit qu il mena ait Lui pas plus que les soignants n arrivait expliquer et comprendre sa situation et partageait avec eux ce m me d sir d une illumination en panne qu il tait de sens quant lui m me subissant le poids de son ama grissement sans parvenir tracer m me l esquisse de ce qui n tait pour lui qu un pourquoi informul insuffisant ouvrir une perspective et d finir un rep re de conduite partir duquel organiser orienter pas
76. rit Philippe Jeammet le rapport la nourriture exprime toujours le degr de d pendance la m re Tel n tait pas le cas de notre patient et c est la raison pour laquelle on peut dire que l expression de son corps les nonc s que ce dernier se permettait son insu malgr lui n taient pas le langage des maux Ni langage de mots ni langage de maux ce corps pourtant s exprimait d une mani re inaudible mais travers une exhibition obsc ne et impudique qui en devenait bruyante On a vu comment dans notre observation on a pu acc der non pas forc ment une v rit mais un contenu accept permettant de reconstruire autour de ce contenu de pens e un contenant de pens e permettant de le neutraliser en une sorte de crypte de coffre fort d armoire aux secrets sans qu il envahisse tous les espaces et de fa on ce qu il ne soit plus un souvenir assassin tuant en m me temps contenu et contenant de pens e et d abord le contenant seul moyen per u comme radicalement efficace pour faire dispara tre le contenu On a vu combien ce contenu tait abject et combien ce corps s tait ferm tout acc s ext rieur mais en m me temps toute temporalit dans une vaine tentative magique de gommer une effraction une intromission une introduction involontaire d un autre en soi C est dire que ce corps se manifestait comme miroir de sa propre histoire de son intimit de l exi
77. rogressivement une conscience de soi et de l autre de Moi qui quitte la fusion maternelle d limitent ce Moi corporel qu voque Anzieu Si la technique a permis qu une parole se remette circuler s exprimer si donc des contenus de pens e ont pu s laborer c est peut tre parce qu un contenant de pens e avait pu se resolidifier contenant de pens e que d crit aussi peu ou prou Condillac m me s il ne le dit pas dans les m mes termes la statue apprend donc conna tre son corps et se reconna tre dans toutes les parties qui le composent parce qu aussit t qu elle porte la main sur l une d elles le m me tre sentant se r pond en quelque sorte de l une l autre c est moi Mais il est vrai qu on pourra penser comme Merleau Ponty ce qui n est pas tr s loign de ce qui se noue lors du Stade du Miroir de Lacan que ce corps ne se constitue que parce qu il est d j l comme un dessein de lui m me cr ateur de l espace et du monde et donc moins cr par lui moins cr par les sensations externes qu il ne les active et met en uvre qu il ne les constitue le corps dans ces conditions ne pouvant jamais tre objet tre le fait de l autre mais celui qui se cr e par lui m me une sorte de totalit parties et somme des parties Cette sorte de toute puissance corporelle tait bien ce qu tait notre patient qui finalement l emp chait de vivre totalit close sur
78. rrant dans un entre deux faisant sans cesse retour du refoul dans un no man s land avec une autre apparence une autre identit tel ce h ros du roman de S bastien Japrisot qui ne peut quitter l horreur d une situation de guerre qu en prenant l identit d un autre de fa on malgr tout continuer vivre De cette mort d j venue d j l venir et presque l on ne voyait qu elle illustrant le propos d Antoine Gorceix la mort ne se dit pas elle se montre Sans plus pouvoir la ma triser par un quelconque qualificatif qui aurait pu la relativiser car comme l crit Giraudoux il est aussi vain d accrocher la mort une pith te que de poser une couronne sur le n ant Ces r actions d fensives des soignants correspondent ce qu Antoine Gorceix d crit parlant des atteintes au corps que s infligent certains patients dont l anorexie les automutilations les tentatives de suicide comme une menace pour le narcissisme de l autre un clou rouill qui s enfonce par maladresse dans leur propre chair Le corps de notre patient parlait et s exprimait Mais que disait il Que le corps parle ne surprenait pas encore qu il soit rare qu il parle aussi directement En effet le plus souvent le corps utilise le langage oral ou crit qui l exprime mais sans que cette expression soit directe utilisant pour ce faire un v hicule une m diation un code des sign
79. rsonnage que l on interpr te ou reste t on dans le semblant Est on comme Werther qui ressent au premier degr que peu peu tous mes sens s embrasent que mes yeux s obscurcissent qu peine j entends encore et que cela me prend la gorge comme un assassin qu alors mon c ur par de rapides battements cherche donner du jeu mes sens sufjoqu s et ne fait qu augmenter leur trouble Et faut il m me les prouver vraiment pour bien jouer C est l tout le paradoxe du com dien qui selon Diderot interpr tera avec d autant plus de vraisemblance des sentiments qu il les ressentira moins s en tiendra distance les manipulant jouant avec faisant ainsi varier plus finement le potentiom tre de leur intensit En ce qui concerne notre patient nous n tions pas dans la beaut du geste dans la recherche d une perfection de jeu mais dans la mobilisation d motions et de pens e qui ne cherchaient pas tre ressemblantes mais exister et s exprimer Mais en reprenant cette histoire me vient ce regret que nous n ayons pas essay le th tre comme psychoth rapie dont l exp rience m avait pourtant d montr l efficacit quand deux patients consid r s comme chroniques hospitalis s depuis de nombreux mois voire m me plusieurs ann es avaient voulu jouer devant les autres hospitalis s de leur pavillon une sc ne du Malade Imaginaire quand Toinette pour convaincre Argan qu
80. s et futur id es et volont m moire et projet Finalement il n tait plus gu re corps ou si peu ou peine et de moins en moins et gu re me non plus puissance de vie susceptible d animer ce corps mourant et s il affirmait quelque chose c tait bien cette sorte de monisme de l extr mit ultime poch de vie qui subsistait dans cette interrogation gardienne miroir reflet du presque rien d un ultime souffle de vie Il s coulait tel un filet d eau qui doucement s enfoncerait en terre se dissolvait comme un caillou calcaire sous un goutte goutte acide se r duisait comme peau de chagrin jusqu n tre plus sans qu on l ait m me remarqu Pour autant il n avait pas totalement renonc l humanit car subsistaient ce pourquoi touff et ce parce que souhait malgr tout bien qu il dout t de le trouver jamais ces deux conjonctions qui t moignent grammaticalement syntaxiquement de la possibilit d un lien subsistant en cons quence d une capacit d alt rit tant selon Primo Levi ce qui n existait plus dans ces lieux de d shumanisation absolue et voulus comme tels qu taient les camps de concentration nazis En ce qui concerne ce vieux gar on dont nous parlons un pourquoi pouvait encore se murmurer mais alors m me qu on pouvait supposer toutefois que ce pourquoi posait d une certaine mani re la question de l Etre ou de l Etant il tait loi
81. s e Par rapport la m thodologie expos e nous avions apport quelques modifications Ainsi que nous l avions nonc plus haut nous utilisions un enveloppement humide chaud ou ti de mobilisant cet effet toutes les bouilloires du service cette recherche des bouilloires et ce r chauffement de l eau l actif de soignants ne d sirant pas forc ment participer la s ance d montrant leur adh sion au projet On s tait d ailleurs questionn sur les conditions de la participation des diff rents membres de l quipe cette prise en charge d s l instant o aucun n avait jamais pratiqu sauf bien s r le psychologue l initiative de ce soin Le principe du volontariat avait t retenu sachant qu il tait pr f rable de ne pas mobiliser trop d anxi t de crainte d appr hension face une m thode inconnue du service et qu il fallait se garder de la curiosit sachant aussi qu il y aurait une rapide analyse de la s ance l issue de chacune d elle de fa on s auto corriger et que les points essentiels de la s ance mais non le contenu des propos chang s seraient retranscrits sur un Cahier accessible tous y compris au patient concern mais plac dans un endroit lui garantissant la confidentialit Il nous paraissait en effet important que personne ne se sent t exclu pour que le soin pris sens tant entendu que c tait plus son caract re symbolique que l
82. ser des impressions des intuitions subjectives aper us sommaires tangentiels dont rien n indiquait qu elles eussent pu avoir un caract re d objectivit et qui restaient par cons quent de l ordre d une croyance bien qu elles r sultassent d un fonctionnement r flexif et rationnel Mutatis mutandis illustration et non explication sans pr tention la certitude peut tre aurait on pu lui appliquer ce que Henri Bosco dans son roman Hyacinte met dans l esprit d un de ses personnages Sans secousse ce monde magique se d tachait des l vres de la Terre et nous descendions hors du temps en nous largissant jusqu nous dissoudre et nous perdre aux n buleuses des ab mes J avais enfin saisi ce pr sent ce moi m me je durais Mais je durais dans une abolition totale rien ne semblait me limiter Et cependant invariablement au cours de ma descente je sentais tout coup un choc sourd je heurtais un obstacle Je ne sais quoi me s parait J tais brusquement en de j ignorais quelque chose J attendais Il attendait effectivement Car disait il et en cela il tait parfaitement lucide il avait toutes les raisons et non les chances car ce n tait pas son souhait de mourir si rien ne s op rait qui invers t le cours fatal des v nements qui tait comme l coulement d un fleuve emport vers l aval et il ne voulait pas qu il en f t ainsi m me si sa volont en la circo
83. sion mais aussi d agressivit de plus en plus au centre de leurs propos mesure qu il para t comme s effacer au bord de dispara tre enflant dans les pr occupations interrogations questionnements des autres pendant que lui mesure semble se d gonfler comme s aspirer l int rieur de lui m me On dit d autant plus de paroles son propos qu il n exprime rien d autre dans son discours que quelques banalit s m t orologiques ou autres consid rations passe partout et on dirait qu son vide correspond le trop plein de l autre comme une vaine tentative de r tablir un semblant d quilibre Entre deux ges et d j presque sans ge hors d ge comme si cette dimension temporelle et chronologique n avait aucune importance il appartient au groupe de ceux auxquels on ne peut donner d ge C est pourtant un quinqua mais qui aurait oubli de vieillir Il prom ne son allure d s uvr e et une apparence d adolescent attard dans les couloirs de l h pital moins qu il ait vieilli trop vite sans vraie enfance sans vraie jeunesse fig depuis toujours dans cet aspect qui est le sien Il use les jours il use le temps dans une d ambulation dont l objet est imperceptible et qui se r p te mesure que la journ e passe de son lit un fauteuil du hall d entr e et vice et versa pour recommencer ternel retour aux m mes lieux perp tuels d tours par les m
84. stence Ce corps reflet de l innommable de l impensable de l incommunicable tait la fois masque et sympt me ne r v lant rien explicitement express ment et il traduisait un malaise mal aise mal tre un difficile v cu sans pour cela le r v ler directement mais travers cette anorexie cette cachexie cet amenuisement progressif cette disparition annonc e plus m tonymie que m taphore d guisement condensation t lescopage et glissement s mantique un peu comme il en est dans les r ves qui sont moins divagations compensations que pas de c t Loin s en faut en effet que ce corps exprim t son v cu et son ressenti par des manifestations motionnelles directes la mani re de certaines productions romanesques Mais il reste que le corps est miroir ou reflet que les v nements v cus soient heureux ou malheureux et il en est ainsi pour tous Selon Maurice Ferreri le corps a une histoire et une m moire Il est un am nagement libidinal qui est continuit et changement Il est constitutif du Moi Il est d j tout simplement reflet du temps qui passe Que le corps change nul ne le niera plus lentement videmment qu une rose qui se matin avait close et pourrait bien avoir perdu cette vespr e les plis de sa robe pourpr e qu il porte sur lui comme en lui les stigmates de l ge quelque effort que font certains ou certaines pour les gommer cacher masquer que
85. struit comme tel comme une unit associant sensation et repr sentation Que la main soit froide par exemple et que la poitrine soit chaude la statue les sentira comme quelque chose de solide et de froid qui touche quelque chose de solide et de chaud elle apprendra rapporter le froid la main la chaleur la poitrine et elle en distinguera mieux l une de l autre Ainsi ces deux sensations peu propres par elles m mes faire conna tre la statue qu elle a un corps contribueront cependant lui en donner une id e plus sensible La technique des enveloppements humides utilis e comme approche th rapeutique a en partie remobilis le toucher la main n cessaire pour emmailloter mais aussi le contact avec les draps humides agissant comme une sorte de prolongement sensoriel ce contact permettant d prouver la sensation de solidit qu voque Condillac et de percevoir son enveloppe dans l opposition cette autre enveloppe de la sentir comme r ceptacle de sensations possiblement rassembl es en une seule tendue pi g e mais contenue dans le filet de l enveloppement contenant r el d un cops construire comme enveloppe physique mais aussi psychique comme contenant de pens e pouvant accueillir des contenus de pens e corps anatomique et corps v cu dans la terminologie de Biswanger Cette importance du toucher est aussi mise en avant par Diderot quand il crit prenant l exemple d un aveugl
86. t qu on veut restaurer et qui ne peut qu advenir au filtre d un corps pr alablement malade Cette cr ation d un autre comme utopie partir d un corps r duit et reconstruit comme une fiction op rative qui pourrait d finir une modalit de la relation soignante et th rapeutique est une r alisation fa on d assembler des existants partir d apriori th oriques de combiner des ph nom nes pour aboutir une essence nouvelle ce qui pour Bachelard est le propre de la d marche scientifique car on con oit la substance dans son aspect formel avant de la voir dans son apparence mat rielle de la m me mani re que la formule d velopp e est un substitut rationnel la substance cr ant des noum nes th ories qui chercheront des ph nom nes exp riences sachant que le postulat d passe toujours l exp rience Peut tre ceci explique t il le perfectionnisme des soignants plus exigeant vis vis du patient que ce dernier ne l est pour lui m me rendant compte en partie de l agressivit du malaise du sentiment de perte d identit professionnelle qu on les a vus manifester dans l observation propos e Cette reconstruction cette fiction cette sorte d illusion port es jusqu l incandescence de la caricature expression dans la r alit d une pens e pr alable qui s incarne dans un individu singulier telles sont les caract ristiques de la relation th rape
87. t lux d cisif et permettant de faire du lien entre des incompr hensions et des suppositions partiales partielles et parcellaires Aucune psychopathologie n tait d celable en tout cas l organisation de personnalit montrant certes un tableau de carence et d immaturit d inhibition et de timidit n avait pas le caract re d une d compensation psychiatrique et son rapport la r alit n tait pas alt r par un v cu psychotique et discordant des situations qu il ne reconstruisait pas de mani re d lirante dans une m ta r alit et une para logique toutes personnelles pas plus qu il n tait envahi par des pens es parasites ni hallucinations ni m me id es fixes obsessionnelles pas plus qu il n tait d prim aux prises avec une incapacit faire face au monde telle qu il est au point de vouloir s en abstraire symboliquement voire m me s en retirer pratiquement et d finitivement pas plus qu il n tait n vros pas plus que quiconque en tout cas ni anxieux de tout au point de perdre tous ses moyens d tre en relation avec son environnement ou de ne pouvoir l tre que d une mani re artificielle et factice Les causes sociales qui eussent pu favoriser une forme de d pendance et de r signation ou de r volte asc tique contre certaines somptuosit s consommatrices n taient pas non plus probantes Issu certes d un milieu modeste et ouvrier il n avait pas
88. tourn vers l interne du c t de ses propri t s intrins ques renfermant ce qui rend possible et durable sa situation d cran Il s ensuit qu on peut consid rer qu il existe un corps pour soi et un corps pour autrui qui ne sont pas toujours superposables ce qui permet qu ils se consid rent comme diff rents associ s peut tre intriqu s sans doute mais non fondus entre eux non amalgam s non compl tement en symbiose On peut penser que cette absence de symbiose cette diff rence cette distance est ce qui est n cessaire pour que s laborent la fois le Moi et l Autre dans une dialectique du Je et du Tu et qu en cons quence il ne peut exister de corps que parce qu un moment il s est trouv pris dans les rets du langage Sans le langage le corps ne serait qu une mati re comme une autre ordinaire finalement alors m me qu il reste pens comme un extraordinaire la fois par son apparition consid r comme un heureux v nement mais par son fonctionnement m me qui reste une source constante d merveillement C est donc le langage port telle une ombre sur cette mati re organique surgissant dans un espace g ographique et topographique partag qui va construire le corps gr ce des qualificatifs attribu s la mati re qui seront comme autant de causes d terminant sa substance Ce langage ne sera pas toujours verbal Il pourra tre un environnement sonore qui ne s
89. ts au paradoxe d une mort annonc e et progressive certaine si rien ne se passe mort par cachexie d nutrition en quelque sorte dissolution et de cette jeunesse apparente que les repr sentations spontan es et vernaculaires inscriraient plut t comme parangon de vie En permanence il nous montre une contradiction d image d une part la pr notion que sa pr sentation juv nile en fait comme un prototype de la vitalit et du dynamisme et d autre part la fatigue et l obsolescence impressions qui se renforcent du fait qu il parait user les journ es grignotant les heures d une pendule qui tourne peine temps mort blanc amorphe qui ne s coule presque pas et qu aucun v nement ne vient vraiment rythmer scander souligner ni les soins qu est ce qu il fait l Il n a rien On ne lui fait rien pas m me corporels puisqu il est autonome mais surtout assez incurique ni les repas puisqu il ne mange pas sauf du boire en l occurrence du caf dont il fait une forte consommation cette usure du temps tant est sa seule activit cette usure de la journ e dont on dirait qu il s efforce de la grignoter jusqu son terme du soir remplissant son vide par ce qui pourrait se nommer un rien Et c est bien l tout ce qu il grignote car il ne mange rien A tel point qu il a fallu lui implanter une sonde gastrique afin de le nourrir l aide de poches alimentaires dont il jette
90. uait son bonhomme de chemin vers l issue fatale qu il annon ait montrait exhibait in luctable qu il refusait sans cependant montrer qu il en redoutait l ventualit ne manifestant aucune anxi t en consid rant cette issue qu il pr sentait comme une probabilit presque certaine un fait non innommable puisqu il l voquait mais tout de m me proprement indicible puisqu il ne pouvait qu en faire tat sans rien manifester de ses contextes et des raisons qui l avaient constitu L v nement pouvait il avoir quelque sens ne pouvait il qu tre d sincarn comme ext rieur lui m me encore qu il se sent t concern alors m me qu il s appr hendait comme un ph nom ne de d sincarnation perte de chair et de substance consumant son corps petit feu impuissant s emp cher de s teindre tout aussi bien que les soignants qui faut il le dire n avaient pas trouv une m thode ad quate qui leur eut permis de souffler sur les braises ce qui provoquait la fois leur culpabilit et leur col re devant ce spectacle de leur impuissance face cette destruction publique petit feu mise en sc ne obsc ne et impudique des stigmates d une mort involontaire presque in vitable et doublement intol r e aussi bien d eux m mes que du patient Il tait un peu comme Gregor Samsa dans la nouvelle de Kafka la m tamorphose lequel est devenu tranger lui m me comme au
91. uisant d abord en d truisant en lui le temps l histoire la m moire mais aussi la facult de penser mais aussi son propre corps puisqu il n avait trouv aucune autre solution pour abolir la m moire et le pass qu en abolissant aussi le pr sent et l avenir Qui cependant pourrait certifier que cette hypoth se tait vraie Son caract re op ratoire ne suffit pas prouver sa v rit Mais elle fonctionna et l est la v rit Et peu importe dans ces conditions qu elle ne fut peut tre que m taphore Peu nous chaut qu elle ne fut qu une analogie tablie partir de situations vaguement analogues d crites et th oris es par ailleurs Il fallait voir ce moment l intensit du regard que le patient dirigeait vers le th rapeute principal qui parlait pour lui comme si les autres n avaient plus t l comme si l entourage s tait dissous comme si le monde environnant n existait plus deux yeux fi vreux brillants vivants quasi exorbit s de son visage le corps tendu la t te relev e Et soudain c tait comme une inversion de ce qui s tait pass jusqu pr sent au lieu de se dissoudre corps et me dans l environnement dans ces murs de l h pital dans le monde des objets de s y fondre et d y dispara tre il dissolvait le monde des objets l annihilait l annulait et ce faisant en reprenait possession redevenait comme ma tre et possesseur de la natur
92. un discret fond musical les morceaux de musique ayant t pr alablement choisis par le patient l unit de lieux sa chambre l unit de temps les m mes jours la m me heure de fa on ce qu il attende se pr pare scande le d roulement de ses journ es d un rythme nouveau et y inscrivant des v nements r p titifs puisse commencer recr er un temps pour lui reconstruire une chronologie et ne soit plus simplement l objet d une dur e vide s coulant inexorablement vers l ultime l in luctable la fin au fur et mesure que la vie se retirait de lui Evidemment ces s ances n taient pas que des instrumentalisations de sensations concernant plus particuli rement le froid le chaud le sec et l humide le mouvement contraint et le mouvement libre Il nous paraissait important qu il y eut des mots durant ces s ances qu elles ne fussent pas que pur langage des sensations mais u une parole f t toujours dite propos de ce qui se passait se ressentait s imaginait 9 b bi parole outil d un partage mais aussi outil permettant de construire une m moire des s ances une histoire de celles ci et d en percevoir les r p titions comme les revirements Si bien que la m thode des enveloppements humides pouvait se concevoir aussi et avant tout comme un pr texte un moyen facilitant l expression et la circulation de la parole celle ci du fait des circonstances n tant plus
93. une grammaire convenue et somme toute s exprimer dans un vocabulaire attendu Cette observation montre aussi combien une relation th rapeutique ne peut s amorcer que parce qu on a une id e de ce qu elle doit tre ainsi qu une attente quant son d roulement Sinon l obsc ne s impose qu on ne peut contourner que par une mise en spectacle c est dire une mise en r gle une mise en sens une mise en mots qui construit des perceptions une histoire une intrigue qui se donne voir et se discerne c est dire dont on pressent la fois les ressorts et la chute Au final pourrait on affirmer que le corps de l anorexique parle mais d un autre que lui m me qu il montre en le masquant tout en cherchant s en vader disparaissant lui aussi pour forcer cet autre dispara tre faisant d un trop plein un vide paradoxe qui fait qu il devient intouchable qu on ne peut plus l attraper le prendre le comprendre mettant en sc ne cette disparition mutuelle dans une affirmation disparition de soi Il en r sulte une langue incompr hensible et inaudible qui visualise une insupportable obsc nit C est pourquoi soigner l anorexique suppose de le toucher directement ou par des m diations dont celles du regard et de recr er un langage son propos pour le parler le dire l noncer le montrer tel qu on croit qu il est diff rent de ce qu il pense tre en recr ant d abord u
94. ur acc der au statut de r v lation alors que l image l instar de la photographie pour se r v ler a besoin de passer de la lumi re l ombre et n acc dera au statut de r v lation que par l interm diaire d un n cessaire bain liquide dont il lui faudra s impr gner C est un corps qui se d couvre en naissant mais cette naissance est d j connaissance dans la mesure o elle est un effet d une pluralit de personnes et de d sirs de corps pensants donc de sujets commencer par les parents et au del l entourage familial et toute la parent le Ces repr sentations ne sont d ailleurs pas toutes toujours positives et il en est de mortif res d autres charg es d angoisses et d autres qui charg es d id alisations inaccessibles portent d j leur poids d insatisfaction d chec pr visible ce que d aucun nomment fatalit Ceci fait que ce corps est d j un peu plus qu un corps puisqu il est d embl e un lieu d inscription des d sirs d autrui r ceptacle de multiples projections support de diverses paroles propos qui placent dans une filiation positionnent dans une trajectoire enserrent dans une cha ne un filet un maillage de d terminations Ce corps est certes espace surface volume occupant une situation g ographique qui s offre aux regards et aux repr sentations d autrui cran par cons quent mais il est aussi crin c est dire cran re
95. us indicibles plus innommables proprement parler impensables de ceux qui ne s effacent vraiment jamais quelque effort qu on p t faire pour les oublier de ceux qui font retour sans qu on l e t voulu souhait d sir de ceux qu au contraire on s efforce d oublier de cacher d enkyster d enfermer d enclore au plus profond de soi dans le creux le plus sombre de son intimit comme une tache ind l bile qui telle la goutte de sang sur la clef qu a remise au moment de son d part Barbe Bleue son pouse et qu elle ne devait point utiliser ne disparait pas quelque effort fait pour s en d barrasser Ne pouvait on penser qu il pouvait occulter ceci parce que les conduites d anorexie sont une mani re de refuser la dimension de la sexualit dans le corps de refuser qu il devienne d sirable et chez les jeunes filles par le biais de l am norrh e de rendre invisible cette possibilit de f condit et donc de sexualit une dimension de sexualit dangereuse possiblement agressive susceptible d tre destructrice Ne pouvait on penser en analogie avec les conduites anorectiques des adolescents qu il rendait son corps d une certaine mani re ind sirable mais aussi que ce corps t moignait d une histoire la racontait parlait pour lui et malgr lui de lui et que ce faisant 1l pouvait lui devenir insupportable au point non peut tre de vouloir le d truire puisque
96. utique mais ce sont aussi peu ou prou des m canismes qui sous tendent le th tre cr ation fictionnelle d un autre incarn e dans une action m diatis e par le corps D o peut tre la facilit qu ont eu dans notre exemple les soignants pour adh rer ce spectacle des enveloppements humides qui th tralisait une relation th rapeutique et une d marche de soins CHAPITRE IV Corps en sc ne qui mots dit pour tre moins maux dits Ou Th tre et psychoth rapie Corps montr expos exhib corps vu regard repens corps presque disparu mais aussi corps renaissant et reconstruit corps qui exprime et masque qui dit en d formant corps aussi qui tente de plier le temps sa convenance abolissant pass dans un futur ant rieur presque trop pr sent mais corps aussi spatialis contenu et contenant de pens e contenant ressenti dans une forme de rencontre avec un autre substitu artifice permettant de se retrouver chrysalide facilitant une m tamorphose mais chrysalide sans cesse refaite apparition disparaissante dans un temps limit pr vu organis attendu et qui ce faisant lui redonne du rythme une dimension une tendue une paisseur une dur e et un embo tement d espaces le corps propre mais aussi l enveloppement qui le contient mais aussi l espace d interaction avec les th rapeutes mais aussi l espace clos de la chambre ouverte toutefois sur un service qui n est p
97. vant et de l apr s dans leur d roulement qui n tait plus un coulement amorphe Nos s ances d enveloppements humides taient elles devenues pour lui comme pour l quipe soignante de nouveaux condiments refaisant le sel d une vie et la pimentant quelque peu d une attraction nouvelle ramenant vers lui l int r t Il y eut des hauts et des bas des moments creux des p riodes au cours desquelles il semblait que rien ne se passait des s ances qui semblaient se r p ter sans qu appar t rien de nouveau des attentes d ues des impatiences des aller retour des en avant en arri re mais il finit tout de m me non pas de guerre lasse mais un peu l improviste quand on ne s y attendait plus par se remettre manger Et rien ne surprit plus les soignants que ce jour o il les appela d un coup de sonnette imp ratif pour demander sa collation Et cet appel de sonnette parfois pour le soignant source d agacement et d irritation tait l devenu esp r souhait fi vreusement attendu Ils n y r pondaient pas tout fait imm diatement afin qu elle se fit secondairement plus insistante et imp rative cet appel de la sonnette ayant pris comme un statut de sur salaire de r compense de prime Que se passa t il durant ces s ances N en retenons que les surprises l inattendu cr ant l v nement partir duquel se cristallisait ce qui pouvait appara tre comme primordial pour
98. ve de la mort pourtant tellement explicite C est un tu qui ne v hicule plus aucun discours plus aucun langage plus aucune parole signifiante sinon l apocalypse d une mort qui ne peut pas se dire et qu on ne veut plus voir plus penser plus parler tellement elle est pr sente toute puissante occupant tous les espaces mort toujours l car d j l ici et maintenant r p tition presque d j faite d une situation ant rieure d une mort d j venue par cons quent tutoiement qui b gaye au point d en rester sans voix de n en savoir que dire et m me de n en pouvoir crier Faudrait il consid rer que les conduites d anorexie sont des tu adress s des on l un et l autre pronom ne pouvant que d cliner un futur ant rieur C est ce que pourrait voquer l observation qui sert de pr texte d illustration d argument ce travail Il s agit d un patient que malgr lui en tout cas sans qu il en comprenne les tenants car pour ce qui est des aboutissants il sait bien vers quoi ils se dirigent son corps mal d fendant mais passif l anorexie conduit vers la mort dans l exhibition d une cachexie envahissante d une d nutrition grandissante d une destruction conqu rante Incapable de justifier son attitude d expliquer son comportement d identifier les causes de ce comportement 1l subit sans pouvoir rien dire petit petit vid de vie de parole d hist
99. x autres de moins en moins homme pas tout fait animal encore malgr son aspect mais qui s animalise s ab tissant progressivement finissant par perdre le langage articul et qui ne mange plus laissant doucement sourdre la vie de sa carapace dans l incompr hension g n rale y compris celle de sa s ur qui au d part l avait regard comme un humain qu il demeurait malgr tout et qui avait pourtant fini par l expulser brutalement agressivement hors de la cit des hommes lass e de cette incompr hension attitude qui n en pas douter pr cipitera la mort de Gregor Comment ne pas l identifier en effet Gregor Samsa Gregor ne mangeait pr sent presque plus rien C est tout juste si passant par hasard pr s du repas pr par il n en prenait par jeu une bouch e la gardait dans sa bouche pendant des heures puis g n ralement la recrachait Il commen a par penser que c tait la tristesse provoqu e par l tat de sa chambre qui le d go tait de manger J ai pourtant de l app tit se disait Gregor soucieux mais pas pour ces choses A l vidence tous voulaient sortir de cette situation d entre deux ni mort ni vie pas encore mort mais plus vraiment vivant patient et soignants partageant ce m me d sir et soucieux surtout les soignants de lib rer d puiser d vacuer leur anxi t dans l urgence d un faire dans des actes th rapeutiques des gestes de soins
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