Entropie et anthropologie
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1. Dunn 1998 Le tout automobile les drive in et les malls la congestion urbaine tout cela poss de une longue histoire aux Etats Unis Lhabitat suburbain avec un garage dont la porte lectrique s ouvre distance y existait d ja en 1930 Gebhard 1992 e Diffusion du mode de vie motoris Cette civilisation de l automobile va s exporter apr s la Seconde Guerre Mondiale dans tous les pays industrialis s Partout le ph nom ne se r plique avec les m mes joies la lib ration du mouvement et les m mes peines accidents pollution de l air congestion Lavenement de l automobile 114 NERGIE ET MACRO SYST MES TECHNIQUES marque le passage de la ville p destre la ville motoris e Wiel 1999 qui se traduit par un red ploiement de l activit humaine sur le territoire La mobilit facilit e que permet la motorisation de masse engendre une mobilisation de la soci t Ce qui tait fixe devient mobile et les distances s allongent entre le domicile le travail l cole les commerces et les espaces r cr atifs Cet allongement des distances est compens par des gains de vitesse dans les d placements qui compriment les temps de parcours dans un budget temps constant Rappelons que l talement urbain semble autant la cause que la cons quence du succ s de l automobile De nombreux auteurs ont montr que les valeurs hygi nistes et la mise en place de transports collectifs train tramway2. omnibus cal ches etc tendaient promouvoir un exode urbain un mouvement centrifuge qui loignait des villes pour rechercher le grand air et cela bien avant l invention de l automobile N anmoins plus la voiture se d mocratise plus l environnement se construit pour en favoriser l usage et en l espace d une g n ration l automobile passe du luxe la normalit Cette br ve histoire de l automobile d crit le chemin inverse de celui de la notion d entropie Quand le club de Rome rend son rapport Halte la croissance en 1972 le mouvement de la motorisation europ enne n est pas encore achev e mais les rails sont pos s ou plut t l autoroute est construite la trajectoire sociotechnique est d finie La d pendance pointe son nez et les premiers chocs p troliers laissent entrevoir les difficult s d un monde dans lequel le carburant co terait cher Mais ce n est qu un sursaut Notons que les Etats Unis ont d j connu une telle p nurie pendant la seconde Guerre Mondiale lorsque le p trole et le caoutchouc taient r serv s l effort de guerre l poque les taxis collectifs et la pratique du covoiturage s taient fortement d velopp s Ils taient d ailleurs encourag s par la propagande gouvernementale avec le slogan When you ride alone you ride with Hitler Figure 1 When you ride alone you ride with Hitler By Weimer Purssel 1943 Printed by the Government Pr
3. Entropie et anthropologie d pendance automobile et fin du p trole Laurent Fouill LARES Rennes Il et Service Transports Urbains de Rennes M tropole LAS Universit Rennes II 3 all e Adolphe Bobierre 35000 Rennes France Nous nous int ressons ici deux trajectoires historiques l une est celle d un concept majeur de la thermodynamique l entropie et l autre concerne une invention toute aussi r volutionnaire l automobile Ces deux entit s sont li es car la premi re th orise ce que la seconde met en pratique la transformation de la chaleur en mouvement Le second lien que nous mettrons en vidence est beaucoup plus indirect mais peut tre plus important et actuel Comme nous le verrons l entropie implique la survenue du manque et ce dernier trahit notre d pendance nerg tique et automobile Nous commencerons par pr senter une des multiples voies qu a emprunt e la notion d entropie avant d observer le chemin plus lin aire de l automobile Ensuite nous r sumerons le concept de d pendance automobile qui pour nous se trouve la jonction de ces deux trajectoires Enfin nous pr senterons notre contribution personnelle ce domaine de recherche Entropie et raret des ressources nerg tiques e L entropie physique En 1824 lorsque Sadi Carnot dans son m moire pointe du doigt le ph nom ne que Clausius nommera plus tard Entropie il fait basculer la conception du monde encastr e dans sa d
4. aleur le faible rendement nerg tique l irr versibilit de l nergie utilis e donc en tendant vers l infini l puisement de l nergie disponible ou utilisable donc de la ressource et la croissance du d sordre global l int rieur du syst me et dans le milieu environnant ce qui n est pas sans rappeler le r chauffement global Le principe d entropie contient donc en germe l alpha et l om ga de la civilisation automobile La civilisation automobile e Naissance de l automobile L automobile cette compagne fid le si bien d crite par Jean Pierre Orfeuil 1994 poss de une histoire courte mais fulgurante Voil une innovation qui a r ussi changer la face du monde Womack et al 1990 et l adapter ses besoins d une mani re si parfaite qu elle semble avoir t toujours pr sente Mais l histoire de cette invention centenaire aurait bien pu tre diff rente Issu d un travail collectif et d une paternit multiple principalement d ing nieurs fran ais et allemand Alphonse Eug ne Beau Etienne Lenoir Nicholas Otto Rudolf Diesel Gottlieb Daimler Etienne Delamare Deboutteville Carl Benz Fernand Forest Ren Panhard Emile Levassor L on Serpollet Armand Peugeot l automobile reste une curiosit aux contours changeant entre 1880 et 1900 Pendant cette p riode se c toient des v hicules lectriques a vapeur charbon et a essence a trois ou quatre roues Cette curie
5. flamber Ce qu il nonce se traduit aujourd hui par l imp ratif du d veloppement durable et de l orientation vers des nergies renouvelables Cette orientation du capitalisme contemporain semble une adaptation tardive l irr versibilit chaque fois que nous construisons une voiture nous dissipons de l nergie et de la mati re qui ne seront plus disponibles pour une autre activit ou une autre g n ration d humains il en va de m me pour chaque litre de carburant que nous versons dans notre r servoir 112 NERGIE ET MACRO SYST MES TECHNIQUES Il devient de plus en plus certain que nous approchons de la fin du p trole du pic de d pl tion aussi appel pic de Hubbert comme en t moignent les travaux de l Association for the Study of Peak Oil ASPO et la prolif ration d ouvrages aux titres vocateurs tel que P trole apocalypse Cochet 2005 La vie apr s le p trole Wingert 2005 L apr s p trole Lef vre Balleydier 2006 ou plus simplement encore La fin du p trole Kunstler 2005 Ce premier d tour historique autour de la notion d entropie n avait pour but que de mettre en perspective le suivant qui traite de l automobile Les travaux de Carnot constituent des pr requis th oriques a la construction des moteurs combustion interne qui quipent nos voitures et en m me temps leurs implications en d montrent les risques et les limites la d perdition de ch
6. inting Office for the Office of Price Administration National Archives and Records Admnistration 115 ENERGIE ET SOCI T Sciences GOUVERNANCES ET USAGES La d pendance automobile e Premi re d finition Le principe d entropie impose une limite sup rieure la courbe croissante que trace l essor de l usage de l automobile Lorsque la courbe exponentielle rencontre la droite qui en marque la limite elle devient asymptote et la notion de d pendance automobile devient une r alit discut e Dans sa premi re d finition la notion de d pendance automobile r f re celle de d pendance nerg tique ou plus exactement p troli re des villes Le mode de vie motoris correspond un style urbanistique la ville clat e les Edges Cities la suburbanisation l talement urbain la p riurbanisation etc Los Angeles Houston et Phoenix en sont les arch types Selon les urbanistes australiens Newman et Kenworthy 1989 1999 il existe une corr lation entre densit urbaine et consommation de p trole Plus la ville est tal e et plus elle consomme de carburant par des d placements longs et nombreux en automobile Plus la densit de population est faible plus la ville s tale et plus ses habitants ont besoin de se d placer en automobile Comvommation de carburant et densit urbaine Commana ana uelle de cartenmnt gigapales par ponosne LJ Lu Li ton 1 1 Densit urbane person
7. inue dans toutes les derni res enqu tes m nages r alis es selon la m thodologie du CERTU Centre d Etude sur les R seaux de Transport et l Urbanisme Lyon Lille 119 ENERGIE ET SOCI T Sciences GOUVERNANCES ET USAGES Rennes Reims et Rouen Enfin alors qu elle n avait jamais cess de cro tre la consommation de carburant par les m nages diminue en valeur absolue en 2005 et stagne depuis Cela d montre que des marges de man uvre existent et qu en les exploitant il est possible de mod rer notre usage de l automobile La mise en question de notre rapport l automobile rode son statut d vidence et permet de reprendre prise sur son usage Bibliographie BALISH C 2006 How to live well without owning a car Berkeley Ten speed press 216 p BOULLIER D dir 2003 L outre lecture Paris Biblioth que publique d information 272 p CALLON M 1986 l ments pour une sociologie de la traduction La domestication des coquilles Saint Jacques et des marins p cheurs dans la baie de Saint Brieuc In L Ann e sociologique n 36 pp 169 208 COCHET Y 2005 P trole apocalypse Paris Fayard 274 p COCHOY F dir 2004 La captation des publics c est pour mieux te servir mon client Toulouse Presses Universitaires du Mirail 297 p DUNN J 1998 Driving Forces The Automobile its Enemies and the Politics of Mobility Washington The Brookings Institution Press 230 p DUPUY G 1995a L a
8. iscipline la Physique d un monde r versible ou rien ne se perd rien ne se cr e tout se transforme principe de conservation un univers irr versiblement en proie a la d gradation et la dissipation La d couverte du principe d volution marque le passage du pendule m canique en qu te du mouvement perp tuel au cruel sablier thermodynamique pour qui la fl che du temps indique la direction de la fin En effet l entropie est une mesure du d sordre l int rieur d un syst me l o la m canique ne concevait que des forces ordonn es dont l nergie se conservait ENERGIE ET SOCI T Sciences GOUVERNANCES ET USAGES Heureusement pour nous le domaine de validit d un tel pr dicat se limite aux territoires confin s des laboratoires de physique Le premier comme le second principe de la thermodynamique ne s appliquent en th orie qu aux syst mes thermodynamiques clos N anmoins de nombreux chercheurs d autres disciplines informatique communication cononomie ont d couvert des implications ce concept et lui ont donn vie hors de son domaine initial e Implications bio conomiques Lun d entre eux un conomiste roumain totalement h t rodoxe pour ne pas dire h r tique r pondant au nom de Nicholas Georgescu Roegen mit l hypoth se que le ph nom ne d entropie pouvait tre g n ralis l ensemble du vivant et en premier lieu l activit conomique Il co
9. le Paris Plon 370 p LEFEVRE BALLEYDIER A 2006 L apr s p trole lorsque les puits seront sec Paris Larousse coll Petite encyclop die 128 p MC SHANE C 1994 Down the Asphalt Path The Automobile and the American City New York Columbia University Press 288 p 120 NERGIE ET MACRO SYST MES TECHNIQUES NEWMAN P amp KENWORTHY J 1989 Cities and Automobile Dependence an international sourcebook Aldershot Gower Technical 388 p NEWMAN P amp KENWORTHY J 1999 Sustainability and Cities Overcoming Automobile Dependence Washington Island Press 464 p ORFEUIL J P 1994 Je suis l automobile La Tour d Aigues Editions de l Aube 95 p SLOMAN L 2006 Car sick Solutions for our car addicted culture Foxhole Green Books 192 p WACHS M amp CRAWFORD M Dir 1992 The Car and the City The Automobile the Built Environment and Daily Urban Life Ann Arbor The Michigan University Press 325 p WIEL M 1999 La transition urbaine Sprimont Editions Mardaga 149 p WINGERT J L 2005 La vie apr s le p trole de la p nurie aux nergies nouvelles Paris Editions Autrement 238 p WOMACK J P Dir 1990 The Machine that Changed the World New York Mac Millan 323 p 121
10. nd r duire le succ s de l automobile des travers psychosociaux un besoin d plac de se valoriser et de se distinguer 118 NERGIE ET MACRO SYST MES TECHNIQUES Nous sugg rons qu en plus de ces deux aspects d j bien tudi s un troisi me est rest oubli celui de la norme et de la tradition En effet l usage de l automobile a rapidement atteint le statut d vidence et de routine On prend sa voiture le matin comme on enfile une chemise ou un pantalon Il semblerait insens de faire autrement La tendance la r p tition la routine que les addictologues qualifieraient sans h sitation de compulsion ne fait que traduire un attachement fort automobile au sens de Latour 2000 e Les acteurs du d tachement emp cheurs de rouler en rond Notre regard se porte donc sur ceux qui affirment qu il est possible de se d placer autrement et qu en plus ce changement est souhaitable voire in luctable pour les plus convaincus Des collectifs mergeant proposent de rompre avec cette tradition du tout automobile et pour ce faire d ploient toutes sortes de dispositifs et de ruses afin de persuader leurs contemporains de les suivre dans leur exploration des possibles Ils tentent donc de capter Cochoy et al 2004 l automobiliste pour le d tourner de sa voiture et l int resser Callon 1986 leurs dispositifs Cette exploration reprend de vieilles pistes qui n ont pas t approf
11. nes par hectane Figure 2 Consommation de carburant et densit urbaine Source Newman et Kenworthy 1989 p 48 Reproduit et traduit par F H ran 2001 1 Pour une discussion plus d velopp e du concept de d pendance automobile dans la litt rature Cf F H ran 2001 116 NERGIE ET MACRO SYST MES TECHNIQUES Un aspect conomique de la d pendance est aussi important prendre en compte moins le carburant co te cher plus il est consomm principe de l lasticit de la demande au prix En cons quence les pays qui manquent d espace Japon Hong Kong Singapour axe Rh nan et qui ne poss dent pas de ressource fossile qui taxent donc le carburant en cons quence sont moins d pendant au p trole que les pays aux ressources fonci res et p troli res abondantes e Seconde d finition En France c est au g ographe Gabriel Dupuy 1995a et b 1999 2006 que l ont doit le plus grand nombre de travaux sur la d pendance automobile Mais sa d finition diff re pour lui c est le syst me automobile dans son ensemble qui g n re la d pendance du fait d un monopole radical au sens d Illich 1974 exerc par ce mode de transport qui de fait limine la possibilit d un choix modal Ce syst me cr e des effets de r seau de club et de parc qui renforcent le bonus b n ficiant celui qui poss de une automobile aux d pens du non motoris Ces effets constituent des feed back qui renfo
12. nsid ra qu peu de chose pr s la Terre pouvait tre assimil e un syst me thermodynamique clos poss dant un stock fini d nergie fossile et que toute activit humaine et particuli rement l conomie industrielle constituait une transformation d gradation de ce stock en divers produits services et d chets Selon sa th orie bio conomique les prix devraient d couler du co t nerg tique irr versible li la production transformation et la rar faction in luctable du stock fossile qui est une donn e finie La Loi de l entropie est la racine de la raret conomique Georgescu Roegen 1975 son sens le travail humain devrait poss der un co t plus faible que celui produit par un moteur thermique puisque le premier exploite une ressource abondante et renouvelable alors que le second consomme irr versiblement une ressource rare et non reproductible Notons que Georgescu Roegen va encore plus loin que les physiciens puisqu il consid re qu une quatri me loi de la thermodynamique devrait tendre la seconde la mati re Ainsi pour lui les minerais sont affect s par la dissipation comme l nergie contenue dans certaines substances Ses travaux avaient pour but de rendre la th orie conomique coh rente avec les lois de la physique et de soumettre la premi re aux exigences de la seconde e Conscience du monde fini En fait il pose la question du temps l esp ce humaine veut elle durer ou
13. nte Ce revirement s est traduit en terme l gislatif par la Loi sur l Air et Usage 117 ENERGIE ET SOCI T Sciences GOUVERNANCES ET USAGES Rationnel de l Energie 1996 et la loi Solidarit et Renouvellement Urbain 2000 qui modifient la Loi d Orientation des Transports Int rieurs 1982 et obligent chaque agglom ration de plus de 100 000 habitants la diminution du trafic automobile par la mise en place d un Plan de D placement Urbain D s lors des acteurs de toute nature entrent en sc ne pour favoriser des modes de transports alternatifs ou doux L utilisation de la voiture n est pas forc ment diabolis e mais son statut de moyen de transport normal est remis en question pour certains motifs et dans certaines conditions C est l usage qu on en fait plus que l outil qui pose question Ainsi des alternatives l automobile personnelle peuvent tre la voiture partag e ou le covoiturage Ce qui compte ici c est le rendement nerg tique par passager et non le mode en lui m me Mieux vaut une voiture remplie qu un bus vide mais mieux vaut un bus moiti plein que trente voitures avec une seule personne l int rieur La d finition substantielle de l outil est relativis e par l usage qui en est fait D s lors les efforts des ing nieurs pour produire des v hicules performants resteront vains si l utilisateur n est pas int gr dans cette d marche de sobri t nerg ti
14. ondies et qui sont remises au go t du jour le covoiturage avec Internet les transports en commun avec la billettique et des v hicules performants tramway m tro Bus haut niveau de service la bicyclette avec des v los en libre service et m me l automobile avec l autopartage ou les taxis collectifs Les acteurs qui travaillent laborer ce d placement des usages sont eux aussi multiples et pas n cessairement unis dans leur action et leur conception du monde commun b tir Certains sont d j institu s ing nieurs techniciens et lus des collectivit s territoriales op rateurs de transports en commun d autres mergent et semblent encore bien marginaux associations de covoiturage d autopartage de cyclistes de pi tons et collectifs anti voiture Self Help pour automobilistes d pendants Certains pr nent des mesures incr mentales l o d autres clament un radicalisme absolu Mais bien que les rem des qu ils prescrivent ne soient pas les m mes leur diagnostic est unanime Ils ne sont pas d accord sur les moyens mettre en uvre mais ils s accordent sur les causes et les finalit s du changement ce qui est un bon point de d part pour envisager des alliances et des compromis Leurs actions conjugu es l envol e des cours du brut laissent d j entrevoir la port e des changements en cours La fr quentation des transports collectifs d colle La part modale de l automobile dim
15. que e L attachement automobile Notre th se vise observer et rendre compte des multiples dispositifs mis en uvre par un assemblage h t rog ne d acteurs personnes asso ciations entreprises collectivit s pour persuader leurs contemporains de changer leur comportement quotidien et de r duire leur usage d pendant de l automobile Encore marginal ce mouvement de d tachement merge sous nos yeux comme en t moigne la r cente publication de livres sous forme de mode d emploi pour le grand public Balish 2006 ou de guide des bonnes pratiques adress aux d cideurs Sloman 2006 dans le but de changer les conduites Nous faisons l hypoth se que l attachement Latour 2000 et 2006 Boullier et al 2003 automobile plus qu une d pendance objective un artefact technique ou une affaire de valorisation de soi le faire valoir ou la consommation ostentatoire chers aux sociologues est un ph nom ne pluriel enracin dans une tradition faite d habitudes et de routines Nous ne nions pas la d pendance automobile ni le classement social l uvre dans le choix parmi la gamme des v hicules N anmoins nous restons insatisfaits de ces deux directions explicatives souvent oppos es La premi re explication tend limiter la possibilit du changement car automobile tant l outil de d placement le plus performant elle est indispensable La seconde explication traduit souvent une posture critique qui te
16. rcent le cercle magique de la motorisation En fait la d pendance automobile au sens de Dupuy assujettit une technique et au service qu elle fournit bien plus qu l nergie qu elle consomme On ne peut pas lui donner tort puisque d s que l approvisionnement en carburant pose probl me il devient envisageable d opter pour d autres motorisations et d autres ressources nerg tiques sans remettre en question le bien fond et la fonction de l automobile personnelle La d pendance est une servitude volontaire une fragilit accept e pour les b n fices d un gain de puissance Gras 2003 Mais comme le dit Dupuy L automobile n est en aucune mani re in luctable Elle peut perdre long terme son monopole radical Dupuy 1999 II propose d ailleurs plusieurs pistes pour sortir de cette d pendance au sentier path dependence pour sortir de l orni re recomposer le maillage du r seau routier diff rencier les v hicules restreindre le stationnement Il n est jamais trop tard pour bifurquer technologiquement D crocher de l automobile mode d emploi e Un changement d j perceptible Ces travaux sur la d pendance automobile ont largement renouvel et diffus cette th se aupr s des g ographes des urbanistes des am nageurs mais aussi des ing nieurs du transport La mobilit redevient un objectif discutable et controvers entre droit la mobilit et mobilit contrai
17. use machine suscite d abord la m fiance A Londres notamment elle n est tol r e que roulant au pas et pr c d e d hommes agitant des drapeaux rouges Red Flag Act 1865 1896 Lorsque la machine se stabilise elle reste un hobby de bourgeois d explorateurs de sportifs les courses et d aventuriers En Europe pourtant le berceau de l automobile celle ci conserve un statut d objet luxueux et rare jusqu la Seconde Guerre Mondiale d o probablement un manque de recul historique et un faible int r t des historiens europ ens pour l usage de l automobile ENERGIE ET SOCI T Sciences GOUVERNANCES ET USAGES e D mocratisation et motorisation de masse Aux Etats Unis en revanche la voiture surmonta rapidement l hostilit des premiers temps pendant lesquels les riches automobilistes se faisaient caillasser dans New York Flink 1970 D s 1910 elle devient tr s populaire et les Am ricains la con oivent tr s vite comme un outil de d placement un moyen de transport permettant de faire la navette entre le logement et diff rentes activit s quotidiennes dont le travail De ce fait les auteurs am ricains poss dent donc un recul suffisant pour tudier l histoire sociale de cet objet fascinant La d mocratisation de la voiture qui correspond sa production et sa consommation de masse FordT aboutit l mergence d une v ritable culture de la voiture Flink 1975 Pour James Flink l a
18. uto et la ville Paris Flammarion coll dominos 124 p DUPUY G 1995b Les territoires de l automobile Paris Economica 216 p DUPUY G 1999 La d pendance automobile Paris Economica 60 p DUPUY G 2006 La d pendance l gard de l automobile Paris PREDIT La documentation fran aise 96 p FLINK J J 1970 America Adopts the Automobile 895 1910 Cambridge MIT Press 343 p FLINK J J 1975 The Car Culture Cambridge MIT Press 260 p GEBHARD D 1992 The Suburban House and the automobile In The Car and the City The Automobile the Built Environment and Daily Urban Life M Wachs amp M Crawford Dir Ann Arbor The Michigan University Press pp 106 123 GEORGESCU ROEGEN N traduction fran aise de J Grinevald et Rens 1979 La d croissance Entropie Ecologie Economie Lausanne Editions Pierre Marcel Favre GRANDJEAN A amp JANCOVICI J M 2006 Le plein s il vous plait Paris Le Seuil 186 p GRAS 2003 Fragilit de la puissance Se lib rer de l emprise technologique Paris Fayard 310 p HERAN F 2001 La r duction de la d pendance automobile In Cahiers Lillois d Economie et de Sociologie n 37 2001 pp 61 86 HOLZ K J 1997 Asphalt Nation How automobile took over America and how we can take it back Los Angeles University of California Press 418 p ILLICH I 1973 nergie et quit Paris Fayard 57 p KUNSTLER J H 2005 La fin du p trole le vrai d fi du XXI si c
19. utomobile poss de dans l histoire am ricaine du XX si cle une place aussi importante que la fronti re au XIX pour Turner Notons ironiquement que le pl biscite du v hicule motoris correspond une saturation du transport hippomobile l poque on afflige les chevaux des m mes maux que ceux que l on reproche aujourd hui l automobile dangereux bruyants puants sales polluants vecteurs de maladies Il faut dire que les tonnes de d jections vers es sur les pav s et les cadavres de chevaux qui couvraient les rues des grandes villes lors des pizooties ne semblent pas une vision r jouissante de l urbanit La premi re motorisation des villes s effectue par le rail train tramway m tro mais lorsque l automobile devient massivement disponible avec des prix bas les r seaux de transport collectif urbain semblent en perte de vitesse Ils sont satur s vieillissants insuffisants et surtax s Les compagnies priv es de tramway n investissent plus et survivent en augmentant les tarifs aupr s d usagers captifs D s lors toute la soci t am ricaine se recompose autour de automobile et de la route les formes urbaines s talent et se d densifient l habitat syst matise la pr sence du garage Wachs Crawford et al 1992 la rue se couvre d asphalte et devient exclusivement un espace de circulation McShane 1994 le r seau autoroutier Interstate relie les Etats et traverse les villes
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