Objet et préfiguration. L`exemple du menu de restaurant. Jean
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1. franc manger antith ses du gourmand et du gourmet Boutaud 1998 p 252 qui s lectionnent plus qu ils n avalent au contraire si l on s int resse non plus au mangeur mais la cuisine les valeurs euphoriques et dysphoriques se renver sent la nature la main l artisanat devient signe de qualit son oubli renvoyant soit une cuisine jug e trop sophistiqu e soit des proc d s industriels peu compatibles avec l imaginaire du repas NATURE CULTURE MANGEUR quantit saturation s lection art qualit glouton goinfre gourmet gourmand CUISINE qualit artifice main artisanat technologie industrie 5 De prokrino je choisis de pr f rence par opposition protith mi je place devant On notera que le mot menu pr sente en g n ral cette double acception au menu informatique qui affiche une liste d l ments parmi lesquels choisir s oppose par exemple le menu de la soir e qui en annonce simplement le programme 117 OBJETS amp COMMUNICATION MEI 30 31 L analyse du menu passe galement par l tude de ses pratiques et de ses fonc tions elle permet d abord d en distinguer deux types le menu proth tique qui figure sur la table du banquet l occasion d une r union de famille par exemple et qui pr sente aux convives ce qui leur sera servi le menu procritiquef qu il soit carte ou menu qui permet au client du restaurant de choisir les mets qu il souhaite2. cette fin comment s effectue la communication du menu d un c t le menu expos en grosses lettres au dessus du comptoir du fast food l oppos le menu du restaurant toil apport par le serveur une fois le client install Dans le premier cas c est le r gime du contrat permettant au client de choisir objectivement des produits avant de les r gler puis de les consom mer dans le second le rapport s tablit davantage sur la base de la confiance r ciproque le convive demande conseil il go te il d guste et ne vient r gler son repas qu apr s l avoir consomm alors que le Mac Do exhibe ses offres promo tionnelles alors que le restaurant populaire vante l ext rieur de l tablissement en gros caract res son rapport qualit prix le restaurant toil dissimule plus qu il n affiche semblant r server quelques lus le privil ge de d couvrir ce qu il peut lui offrir plus le prestige s accro t et plus la communication du menu se fait discr te le principe dominant comme le remarque Bourdieu 1979 tant celui de l euph misation et du non dit 8 On constatera d ailleurs que le restaurant toil reproduit parfois les pratiques habituelles de la table familiale pas de menu crit ou un simple menu g n rique permettant au chef de cuisiner selon sa fantaisie ou l inspiration du moment 119 OBJETS amp COMMUNICATION MEI 30 31 On le voit c est un autre classe
3. consommer Ces deux menus diff rent d abord dans leur utilisation pratique Alors que le menu de banquet attend le convive sa place le menu de restaurant est la fois expos l ext rieur et apport au client par le serveur apr s un temps d attente conforme aux rituels de la table Si le menu de banquet personnalis au nom du convive qui l emporte en souvenir est usage unique le menu de restaurant anonyme est r cup r par le serveur l issue de la commande le premier ap partient au convive le second est la propri t du restaurateur Mais c est surtout par leur fonction que se distinguent les deux types de menus Le menu de banquet joue en effet d abord un r le organisationnel il est le signe mat riel affectant chaque convive sa place autour de la table place d termin e en application de r gles et rites sociaux politesse savoir vivre rapports hi rar chiques il est un symbole d accr ditation il confirme au convive qu il est bien attendu tout en certifiant aux autres son droit tre l Au del l information que le menu de banquet d livre identique pour tous les invit s se r sume la liste exhaustive et lin aire des mets qui seront servis la fonction essentielle du menu est ici moins d informer les convives que de r affirmer la convivialit dans le partage d une m me nourriture et de r activer ainsi les implications ancestrales de la commensalit Passons rapidemen
4. faire 114 OBJET ET PR FIGURATION L EXEMPLE DU MENU DE RESTAURANT d finir essentiellement dans une relation avec quelque chose d autre dont ils ne sont que l esquisse le projet ou l amorce Il existe toujours entre pr figurant et pr figur des degr s variables une relation de similarit qui proc de d op rations diverses s lection bande annonce de film vitrine de magasin d gusta tion d un vin reproduction photographie de mode photo de la pi ce couverte de tel papier peint r duction chantillon sch matisation plan d architecte maquette substitution suggestion de pr sentation mode d emploi slogan publi citaire notice de montage programme d un spectacle tiquette de lavage menu de restaurant Comme tous les signes l objet pr figurant entretient ainsi avec son r f rent un rapport allant de la motivation par contiguit l chantillon est dit ostensif l arbitrarit du signe linguistique Il a cependant ceci de particulier qu il n est pas l simplement pour signifier mais pour faire savoir faire croire et finalement faire faire inciter celui qui le per oit ex cuter une action aller voir tel film pr f rer tel produit commander ce plat ci plut t que celui l il s agit moins de signifier que de plaire et de convaincre Illustrons notre propos par l tude du menu de restaurant De Levi Strauss et Leroi Gourhand Bourdieu 1979 ou Fischle
5. la diff rence de l interface incorpor e l interface attach e est s parable de l objet la couverture du livre l adaptateur permettant de manipuler l outil ressortissent cette cat gorie 121 OBJETS amp COMMUNICATION MEI 30 31 R F RENCES Ascher F 2005 Le mangeur hypermoderne Paris Odile Jacob Boltanski C 1979 Les mod les cinq relations entre texte et image Paris Cheval d attaque Bourdieu P 1979 La Distinction Paris Edi ions de Minuit Boutaud J J 1998 S miotique et communi cation Paris L Harmattan Boutaud J J 2005 Le sens gourmand Pa ris Jean Paul Rocher Christin A M 2000 Po tique du blanc vide et intervalle dans la civilisation de l alphabet Leu ven Peeters Vrin Ducrot O 1972 Dire et ne pas dire Pa ris Hermann Dupuy J P 2009 Rh torique du menu gas ronomique Communication amp Langages 160 19 33 Eco U 1985 Lector in fabula Paris Grasset Fischler C 1990 L Homnivore Paris Odile Jacob Floch J M 2002 S miotique marketing et communication Paris PUF Fontanille J 2005 Signes textes objets si uations et formes de vie les niveaux de perti nence s miotique In J Fontanille amp A Zinna Les objets au quotidien Limoges Pulim NAS Grice P 1979 Logique et conversation Com munications 30 57 72 Heilbrunn B 2004 La c ne gourmande ou a liturgie p tissi re de Pierre Her
6. orient es vers l usager et ou envers d autres objets Zinna 2005 parais sent bien adapt es la description des objets techniques et technologiques pour 120 OBJET ET PR FIGURATION L EXEMPLE DU MENU DE RESTAURANT lesquels les probl mes de communication se cristallisent d une part autour de l adaptation de l objet la t che ergonomie et d autre part autour de la commu nication de cette adaptation Il est vident cependant que l objet ne se r sume pas en son faire un Opinel n est pas qu un outil de d coupe pas plus qu un Iphone un simple moyen de converser distance Aussi semble t il n cessaire de repenser et largir le concept d interface On conviendra que l interface permet une action double sens de l utilisateur vers l objet l interface est alors vue comme un lieu de m diation permettant l action potentielle de trouver r alit et de l objet vers l utilisateur que l on parle de factitivit ou avec la psychologie cognitive d affordance il s agit de constater que l objet a la capacit de faire faire de faire savoir mais aussi de faire croire autre ment dit l interface ce par quoi je per ois l objet et interagis avec lui joue certes un r le fonctionnel permettre de couper de t l phoner de s lectionner etc et cognitif indiquer l action informer expliquer mais aussi id ologique elle me persuade de la qualit ergonomique de l objet me sugg re so
7. Objet et pr figuration L exemple du menu de restaurant Jean Philippe DUPUY Nous appelons pr figuratif un objet dont la fonction premi re est de permettre celui qui le manipule de se repr senter un objet une situation un proc s non encore adve nus l objet pr figuratif a ceci de particulier qu il n est pas l simplement pour signifier mais pour faire savoir faire croire et finalement faire faire Cet article se propose d es quisser l analyse s miotique de l un de ces objets le menu de restaurant ignorant le texte verbal nous interrogerons l objet mat riel qui en est Le support papier carton ardoise cran etc et verrons qu il oriente nos r ceptions et nous pr dispose par sa mati re sa taille son toucher sa typographie et plus globalement sa mise en page percevoir le vrai go t des choses MoTs CL s S MIOTIQUE OBJET PR FIGURATION MENU GASTRONOMIE We call prefigurative an object whose primary function is to allow whoever manipulates it to represent an object a situation an action that has not yet happened the prefigu red object is particular because it not only exists to convey meaning but also to inform to get us to believe and finally to make us act This article aims to outline the semiotic analysis of one of these objects the restaurant menu leaving aside the verbal text we shall examine the material object which is its support paper cardboard slate screen etc and see that it direc
8. ain de repr sentation puisqu il permet au convive de fa onner son image travers ce qu il choisit il n est pas indiff rent de pr f rer une pizza une salade un poisson grill une choucroute garnie A l oppos du menu de banquet le menu de restaurant c l bre donc le triomphe de l individualisme choisir et se distinguer dans tous les sens du terme par ses choix partager un repas avec des convives sans partager pour autant la m me nourriture ne pas devenir l autre mais rester soi Menu de banquet et menu de restaurant ont finalement des fonctions et des r les oppos s quand le premier c l bre la convivialit et le partage le second qui sert plus se distinguer qu r unir assure le triomphe du choix individuel alors que le menu proth tique tire son sens de l objet qui le supporte le menu procritique accorde un r le essentiel au contenu verbal qu il pr sente quand l un implique un invit passif l autre pr suppose un convive qui devra choisir une place un prix des plats quand l un se veut festif et ludique l autre se doit de convaincre et d ploie pour ce faire toutes les s ductions de la rh torique Cette opposition fonctionnelle entre menu de banquet et menu de restaurant est loin d puiser l tude des pratiques du menu il resterait encore pr ciser par exemple ce qui distingue en ce domaine le fast food du restaurant traditionnel ou toil Nous observerons
9. e du blanc de l espace du retrait Christin 2000 et s illustre particuli rement dans les vastes menus des restaurants toil s Deux structures antith tiques donc d un c t une mise en page qui affecte de renon cer tout artifice de l autre une organisation qui renvoie explicitement aux arts graphiques d un c t la saturation la quantit le refus affect de la m diation artistique de l autre la s lection la distinction la qualit Mais allons plus loin avec l examen des polices de caract res On peut distinguer en ce domaine trois pratiques diff rentes crire r ellement le menu la main utiliser des mod les typographiques simulant de fa on plus ou moins fid le l cri ture manuscrite Vivaldi Lucida Handwriting par exemple choisir des polices stylis es Verdana Garamond ou bien d autres Ce choix n est bien s r nullement indiff rent si le caract re typographique exempte le mot de toute corpor it et assure sa plus parfaite transparence significative Th voz 1989 p 12 l empreinte manuelle r incarne le texte pour cr er le mythe de l artisan Structure graphique et mod les typographiques instaurent finalement une axio logie complexe organis e autour de l opposition fondatrice nature culture qui sous tend l analyse des pratiques alimentaires Appliqu e au mangeur elle per met notamment de tracer la figure du glouton et du goinfre adeptes du
10. f rents un stylo ne peut gu re servir qu tracer des signes sa monos mie fonctionnelle minimise le besoin d information Au contraire une interface fortement polys mique appliqu e un objet multivalent semble imposer le recours une proth se informative ce qui pr sente un triple avantage d multi plier l espace informatif le d coupler des exigences fonctionnelles ou esth tiques de l objet et surtout autoriser le recours massif un code symbolique le texte verbal et ventuellement graphique forte valeur expressive L usage qu on fait de ce syst me complexe d informations multiples semble ce pendant en contester l int r t les indications sont bien souvent n glig es par l utilisateur tel point que certains fabricants d objets techniques ins rent au c ur m me de l objet des papiers adh sifs cartons qui en interdisent provisoi rement toute utilisation afin d imposer le recours pr alable au mode d emploi De fa on plus g n rale plus l information est distante de l objet et moins elle semble n cessaire d o le peu d int r t que l on porte par exemple aux notices en ligne qui apparaissent plus comme des compl ments optionnels ou la r sul tante d obligations l gales que comme des outils indispensables son utilisation On le constate le syst me d informations accompagnant l objet qui en constitue une interface d port e vis e cognitive et praxique faire savoir e
11. hilosophe y verrait le sympt me de l re postmoderne La soci t de consommation est ins parable de la profusion des informations l hypertrophie l acc l ration des messages de la culture de la communication sont au m me titre que l abondance des marchandises partie int grante de la soci t de consommation Lipovetsky 1983 p 158 Le s mio ticien doit plut t analyser le syst me mis en place autour de l objet en proposer une typologie et en d crire les usages Les informations transmises l utilisateur ressortissent trois cat gories corres pondant elles m mes aux trois moments de la vie de l objet sa fabrication nature des composants lieu de date de production etc sa commercialisation marque identification r f rences prix par exemple son utilisation mode d emploi no tice technique consignes de s curit r solution de pannes recyclage etc Ces indications figurent rarement sur l objet m me quand c est le cas et si l on excepte l indication de la marque commerciale la position de ces informations souvent sur une face peu visible de l objet ou la police utilis e et la taille des caract res donnent au message un caract re subsidiaire nous y reviendrons Les indications de fabrication commercialisation et usage sont elles pareillement fournies dans le cas d un stylo d une machine laver d un t l viseur ou d un vase A l vidence il n en e
12. les d chiffre note Michel Th voz 1989 p 18 propos des crans d ordinateur ces caract res signifient le code la rationalisation l efficience la fiabilit la performance la performativit bref le stade supr me de l imp rialisme technocratique On le constate derri re la mati re du menu transpara t une axiologie valorisant le naturel au d triment de l artificiel synth tique ou technologique et pr f rant le fragile qui connote la fra cheur et la nouveaut au solide et pratique Une analyse plus approfondie du texte du menu non pas de son contenu lin guistique mais de sa structure visuelle permet de pr ciser les termes de cette axiologie A l exception du logo du restaurant peu d images en g n ral sur le menu mais on sait qu il n est de texte en effet qui pour advenir aux yeux du lecteur puisse se d partir de sa livr e graphique et mat rielle Sans support et sans mati re sans dessin l image du texte il ne saurait y avoir de texte Souchier 2003 p 25 La structure visuelle du texte participe de fait sa signi fication et si l on voulait en faire une compl te description il faudrait suivre F Saint Martin 1990 et d tailler aussi bien les variables visuelles couleur tex ture forme dimension orientation profondeur que les relations syntaxiques qu elles entretiennent rapports topologiques de voisinage gestaltiens de regrou pements par exemple O
13. m in J J Boutaud Sc nes gourmandes Actes des Ren contres BIAC 2005 Paris Jean Paul Rocher Landowski E Grignaffini G Marrone G Montes S Taverna L Marsciani F 1998 S miotique gourmande Limoges Pulim NAS Lipovetsky G 1983 L re du vide Paris Gal imard Parret H 1998 Synergies discursives syn cr tisme du sensible synesth sies de la sen sation In Language and Beyond Amsterdam Rodopi B V Saint Martin F 1990 Th orie de la gestalt Qu bec PUQ Souchier E 1996 L crit d cran Pratiques d criture et informatique Communication amp langages 107 107 119 122 Souchier E Davallon J Despr s Lonnet M Jeanneret Y Le Marec J 2003 Lire crire r crire Paris B PI Th voz M 1989 D tournement d criture Pa ris Editions de Minuit Zinna A 2005 L objet et ses interfaces In J Fontanille amp A Zinna Les objets au quotidien Limoges Pulim NAS
14. ment pourquoi la publicit fait un usage immod r de tels objets R le p dagogique tout d abord l objet pr figuratif est toujours une sim plification de l objet ou du proc s venir il n en retient qu un aspect et rend ainsi l objet pr figur plus facile appr hender R le id ologique ensuite le pr figurant s affiche comme une reproduction objective de l objet et convainc par son vidence il n est cependant qu un point de vue sur le pr figur et r v le ce qu on veut en faire croire R le testimonial enfin de m me que l objet menu vient donner une sorte de concr tisation aux annonces toutes rh toriques des intitul s gastronomiques de m me l objet pr figuratif rel ve du corps du geste et de la mati re Souchier 1996 p 119 sa corpor it m me rassure et donne un ancrage mat riel aux promesses du pr figur Nous avons constat que la communication de l objet se manifestait sous deux formes antith tiques d une part une communication explicite m diate qui passe par du texte verbal ou graphique plus ou moins solidaire de l objet d autre part une communication implicite imm diate qui repose sur un ensemble de valeurs et de significations semblant inscrites culturellement au c ur m me de l objet Plus complexe est de th oriser comment l objet communique en ce domaine les propositions d A Zinna qui consid re les objets comme des inter faces
15. ment que nous sugg re ici l tude des pratiques il ne s agit plus d observer travers la morphologie du menu une opposition nature vs culture mais de constater que les fonctions du menu et ses modes de communication pr figurent des proc s alimentaires et des sc nes gustatives fondamentalement diff rents L objet pr figuratif joue ainsi un r le minent de m me que la marque peut tre consid r e comme un vaste moteur s miotique charg de mettre en sc ne et de th traliser aliments et gestuelles Heilbrunn 2004 p 203 de m me l objet menu a pour r le de pr figurer la sc ne alimentaire venir plus que de nous dire ce que nous allons manger il nous permet d anticiper sur le go t des aliments et par l nous aide le construire l impression en bouche confirmera ou non ce premier tat de mise en forme et en image des sensations mais dans tous les cas elle en prolongera le sens et composera avec tout ce qui a pu na tre de cette anticipation du go t Boutaud 2005 p 108 Le menu appara t ainsi comme un embrayeur visuel du go t entrant en redondance avec d autres signes qui composent le th tre gastronomique organisation de l espace d cor mise en sc ne de la table pratiques de service etc De fa on plus g n rale l analyse du menu de restaurant nous a permis de perce voir certaines fonctions de l objet pr figuratif on en rel vera simplement trois qui expliquent notam
16. n ral du hasard on a appr ci le tissu doux et soyeux de cette veste on a estim que ce v hicule permettrait de voyager plus agr ablement cet objet a sembl parfaitement adapt son usage le design de ce t l phone son ergonomie tout autant que le prestige de sa marque nous ont s duit Bref si nous avons pr f r tel objet tel autre c est qu il a fait na tre en nous des motions des repr sentations des croyances loin d tre un dispositif passif l objet appara t bien dot d un potentiel de communication Deuxi me constatation de multiples indications script es figurent soit directe ment sur l objet soit indirectement sur des extensions qui en sont solidaires ti quettes couverture etc on y lira selon les cas la marque le mod le la compo sition des consignes d entretien ou d utilisation Ajoutons galement que lors de son acquisition l objet ne parvient pas seul et nu entre nos mains mais entour le plus souvent d autres objets modes d emploi notices bo tes catalogues en tretenant avec lui des rapports fonctionnels vari s expliquer interdire illustrer mettre en situation etc Autrement dit si l objet sait communiquer il ne semble pas savoir tout dire et doit parfois recourir des proth ses communicatives Mais allons plus loin et d passons le cadre strict de l objet pour le replacer l in t rieur des pratiques des strat gies Fontanille 2005
17. n innocuit et ses vertus me convainc que sa possession m est n cessaire Cet largissement des fonctions de l interface implique de prendre en compte les variations de distance de l objet au sujet l interface peut tre certes incorpor e l objet l encoche du flacon la marque imprim e sur le sac mais elle peut aussi tre attach e lui l tiquette du produit ou m me d port e soit dans l espace la t l commande le mode d emploi soit dans le temps le menu de restaurant qui pr figure le repas la bande annonce qui pr figure le film etc Car ce sont bien tous ces l ments mat riels ou non ces informations ces croyances qui me permettent de manipuler l objet c est dire d abord men faire une re pr sentation Il resterait encore expliquer pourquoi le discours de l objet s impose l o le dis cours sur l objet est comme nous l avons not souvent ignor de l utilisateur au del des raisons psychologiques relations affectives avec l objet appropriation il est n cessaire d insister sur le caract re implicite de la communication de l objet Si l objet r ussit nous plaire et nous convaincre c est pr cis ment parce qu il ne nous dit explicitement rien mais nous laisse projeter sur lui des valeurs des significations des connotations et acc de ainsi la fois l efficacit de la parole et l innocence du silence Ducrot 1972 9 A
18. n se contentera pr sentement d opposer deux structures visuelles la premi re que nous appellerons structure satur e se caract rise par un remplissage presque total de la surface de la page les marges sont inexis 4 On comprend mieux d s lors que rares soient les menus prendre le risque d effacer toute trace de corpor it on en citera cependant deux exemples forts diff rents Le restaurant toil n ayant rien prouver en mati re de qualit peut sans difficult choisir la stylisation et pr f rer la r f rence artistique au paradigme de la main une rapide consultation des restaurants trois toiles fait appara tre qu il west plus de menu de cette cat gorie utilisant aujourd hui de police manuscrite Quant au menu du fast food il n est pas apport individuellement au convive mais s affiche au dessus du comptoir souvent sur des crans l absence de contact entre le convive et le menu entre ainsi en redondance avec les polices utilis es qui s affranchissent de toute empreinte manuelle dans les deux cas il s agit de la m me crainte du contact physique de la volont d effacer le corps pour garantir et s curiser les relations avec le client 116 OBJET ET PR FIGURATION L EXEMPLE DU MENU DE RESTAURANT tantes les interlignes r duits la page satur e de signes on en trouvera des exemples achev s sur la table des bouchons lyonnais la seconde dite structure d nud e joue au contrair
19. on constatera alors que ce qu on sait ce qu on croit ce qu on imagine de l objet nous parvient souvent pr alablement sa manipulation effective par le biais d autres objets qui lui sont plus ou moins troitement associ s bande annonce photographie etc et que nous appellerons objets pr figuratifs L objet communique mais il semble ainsi avoir autant besoin d explicitation que de pr figuration C est ces deux particularit s de l objet que nous allons nous attacher en essayant d abord de d crire rapidement le syst me d informations qui l accompagne puis en menant l analyse s miotique d un objet pr figuratif le menu de restaurant 112 OBJET ET PR FIGURATION L EXEMPLE DU MENU DE RESTAURANT Lors de son acquisition l objet est au centre d un syst me complexe d informa tions explicites pr conisations mises en garde conseils en tous genres Il n ap partient pas au s mioticien de rechercher en dehors de l objet les raisons pour lesquelles son utilisation semble passer n cessairement par la diffusion d un savoir c est le r le du sociologue qui verrait l une des cons quences de la mar chandisation de l objet en contrepartie de la somme vers e on exige de l infor mation sur la provenance de l objet ses conditions de garantie etc c est aussi le r le du psychologue qui analyserait ce ph nom ne en termes d angoisse sociale le savoir para t prot ger du danger et le p
20. r 1990 les recherches men es sur les rituels de consommation et l imaginaire de la table accordent peu de place cet accessoire et quand on s y int resse Dupuy 2009 c est le texte verbal et sa rh torique qui mobilisent l attention plus que l humble objet qui en est le support C est pourtant lui que nous allons nous attacher en d crire d abord rapidement quelques variantes morphologiques et montrer comment l objet devient signe le replacer ensuite au c ur des usages et des pratiques pour en tracer la valeur pr figurative Le menu pr sente peu de variations de forme il appara t le plus souvent comme un feuillet ou un ensemble de feuillets rectangulaires de format A3 ou A4 en g n ral libres ou r unis par agrafage voire reliure mobile c est dire que le texte verbal que le menu supporte impose ici sa configuration la plus fr quente celle de la page en format portrait On notera bien ici ou l quelques pr sentations plus atypiques tel cet ventail constitu de lamelles pr sentant chacune un assem blage de plats diff rents ce sont des cas rares le menu demeure un texte jusque dans sa mat rialisation usuelle A cette standardisation de la forme r pond une relative diversit de la mati re papier papier sous couverture plastique carton carton plastifi ardoise voire verre de l cran Dans la perspective qui est la n tre celle de la pr figuration du 3 Il convient en effet pour le res
21. st rien et il semble bien exister une relation entre la nature de l objet d une part et la quantit et le type d informations transmises d autre part Expliquer cette disparit informationnelle par la complexit tech nique de l objet ne suffit pas on y verra plut t la r sultante de deux facteurs la comp tence pr suppos e de l utilisateur et l ambigu t fonctionnelle de l objet Sur le premier point rappelons en effet qu une interface est toujours un pari fait sur les aptitudes physiques ou intellectuelles de l utilisateur et au del sur les mod les cognitifs qu il est susceptible d activer une interface est efficiente si l instar des locuteurs coop ratifs de Grice 1979 elle n en dit ni trop ni trop peu et est capable de pr voir le comportement de son utilisateur type les dysfonctionnements ergonomiques proviennent en partie de l inadaptation des modes de fonctionnement de l outil aux sch mas pr dictifs qu il mobilisera Quant l ambigu t fonctionnelle elle trouve sa source soit dans la polys mie des l ments d interface un m me bouton pour plusieurs usages diff rents 113 OBJETS amp COMMUNICATION MEI 30 31 soit dans l absence d iconicit de ces m mes l ments la compr hension des symboles impose alors un apprentissage pr alable soit encore dans la multiva lence de l objet la diff rence d une machine laver qui dispose de plusieurs programmes dif
22. t en revue quelques autres fonctions du menu de banquet jouer sur l attente la d couverte la surprise le libell des mets pouvant se r v ler volontairement ambigu voire nigmatique permettre l h te de produire une image socialement valorisante selon le degr d originalit de respect des usages ou de prodigalit qu affichera le menu favoriser le souvenir l objet menu support m moriel permettant aux convives de se rappeler plus ais ment l v nement festif R sumons nous Au plan informatif le menu de banquet finalement ne sert rien ou presque rien ce qui n implique pas qu il ne signifie rien mais que son sens est chercher plus dans la pr sence d un m me objet menu devant chaque assiette que dans le texte qu il affiche il importe peu de manger tel ou tel aliment il importe beaucoup que de le manger ensemble c est l objet proth tique plus que son contenu verbal qui fait sens 6 Le banquet s oppose ainsi la fois au buffet et au grignotage puisqu il implique m mes mets et m me temps 7 cf le fameux You are who you eat with de Jeffrey Sobal 118 OBJET ET PR FIGURATION L EXEMPLE DU MENU DE RESTAURANT Au contraire le menu de restaurant sert principalement choisir choisir telle auberge plut t que telle autre tel menu du jour gastronomique du terroir de pr f rence tel autre et dans ce menu ou sur la carte tel plat Au del le menu est aussi terr
23. t faire faire est per u souvent comme un obstacle sa jouissance imm diate l objet semble appeler le geste la manipulation directe et s accommode mal des proth ses in formatives et en g n ral de toute m diation cognitive Par opposition la communication sur l objet la communication de l objet para t imm diate l objet fait croire et a donc une fonction id ologique Afin de le v rifier quittons la perspective topologique l objet au c ur d un ensemble d informations au profit d un regard diachronique se placer sur l axe du temps permet d observer que la communication de l objet peut d passer sa sph re im m diate et porter sur d autres objets ou proc s venir Nous appelons pr figuratif un objet dont la fonction premi re est de permettre celui qui le manipule le voit l entend le go te de se repr senter un objet une situation un proc s non encore advenus l chantillon de parfum le plan du b timent la page d accueil du site WEB l emballage du produit la notice de montage tous ces objets diff rents de nature ont cependant en commun de se 2 Plus encore qu une interface iconique une interface indicielle ne n cessite qu une explicitation limit e puisque dans ce cas le signe est arrach la chose Boutaud J J 1998 p 229 C est le cas du guidon du v lo du manche du couteau qui sont la fois le moyen de l action et l indice de la possibilit du
24. taurateur de trouver un compromis entre des exigences peu conciliables de co t d esth tique de solidit et de modifiabilit d o une h sitation entre certains mat riaux r sis tants mais difficiles actualiser et d autres plus sensibles aux salissures mais que l on remplacera ou corrigera sans difficult et moindre co t 115 OBJETS amp COMMUNICATION MEI 30 31 repas par le menu la mati re de l objet joue un r le essentiel quand on sait les relations entre toucher et go t prendre le menu en main en percevoir le poids la mati re l paisseur le grain c est ainsi d clencher le mouvement synesth sique Parret 1998 qui conduira la construction du go t Quelques oppositions se dessinent alors entre le papier calque synonyme de douceur de fragilit de l g ret qui para t annoncer demi mot autant la sub tilit des saveurs que la fra cheur des produits et l inverse l paisse couverture plastique transparente qui renvoie davantage au catalogue ou la brochure publi citaire entre le carton pais associ connotativement au luxe ou la reproduction artistique et la feuille plastifi e qui avoue la confection en s rie le pr fabriqu entre les lettres trac es la craie sur une ardoise qui convoque un imaginaire de l artisanat et les caract res apparaissant sur l cran du fast food servant pr sen ter au consommateur les diff rents menus Avant m me qu on
25. ts our receptions and predisposes us by its material its size its touch its typography and its layout to perceive the true taste of things KEyworos SEMIOTICS OBJECT PREFIGURATION MENU GASTRONOMY 1 Jean Philippe DUPUY est enseignant chercheur en sciences de l Information et de la Communication l IUT de Dijon Agr g de grammaire et Docteur en Sciences du Langage il est rattach au labora toire au CIMEOS LIMSIC de l Universit de Bourgogne Ses recherches et travaux s inscrivent dans le champ de la s miotique et de la rh torique ses terrains d tudes privil gi s vont des textes en r seaux aux menus gastronomiques 111 OBJETS amp COMMUNICATION MEI 30 31 Nous avons tous en fait un tr s grand nombre de mod les et nous es sayons constamment de conformer la r alit ces mod les Dans le cas de la photographie et sp cialement de la photographie d amateur ce n est pas la r a lit que le photographe essaie de saisir il cherche recopier une image pr exis tante De m me les personnages photographi s en groupe la fin d un repas prennent les poses qu ils savent tre celles qu il faut avoir sur ce genre d image Christian Boltanski Que l on acqui re un v tement une automobile un t l phone ou une simple brosse dents trois constatations triviales s imposent d abord le choix que l on a op r ce mod le ci plut t que celui l ne proc de pas en g
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