Revue de presse, Minuit,1991 - Jean
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1. d lectable insignifiance qui fait notre sp cialit Nous ne proposons nulle nigme r soudre et notre m ditation sous le balcon des Biaggi est sans objet que cette sorte de d lire o tournent les sottes n vroses de l oisivet tandis qu on fait quelque chose sans plus penser rien comme regarder la mer fumer une cigarette ou veiller sur le sommeil d un enfant C est alors que les phrases vous traversent comme vous traverse l incessant cliquetis de b mes et de haubans o s vanouit la rumeur des ports Reconnaissons m me qu notre fa on d user et d abuser des caprices d criture pour donner le change et tromper le lecteur sur nos intentions nous sommes d cid ment un crivain Un vrai Et bien qu il ne se passe rien dans nos livres nous irions jusqu dire le plus imaginatif sans doute de sa g n ration2. La revue de presse de La R ticence Minuit 1991 Jean Claude Lebrun R volution 12 octobre 1991 Monsieur et son b b Pour entrer dans le dernier roman de Jean Philippe Toussaint il faut le lire d une seule traite Sinon l instar d un film pass vue par vue L essentiel ferait d faut ce mouvement n d une savante combinaison entre une sorte de d lire de l inqui tude et un humour pince sans rire En cela La R ticence retrouve ce ton singulier ce compos parfaitement subtil de s rieux de d rision et de po sie qui depuis La Salle de bain ditions de Minuit 1985 en passant par Monsieur ditions de Minuit 1986 et L Appareil photo ditions de Minuit 1988 signale le territoire d criture du romancier d origine bruxelloise Une fin de mois d octobre le narrateur trente trois ans le m me ge que l auteur arrive avec son petit gar on de huit mois dans un village de bord de mer Sasuelo Un indicatif t l phonique donn dans le dernier tiers du livre r v le que Sasuelo est une localit corse imaginaire dans la r gion de Bastia Le voyage entrepris depuis Paris est destin explique le narrateur en quelque sorte rencontrer des connaissances les Biaggi Cet en quelque sorte sera repris ult rieurement comme pour placer d embl e action de la m me mani re que le lieu dans les zones ambigu s de l incertitude et du flou Une semaine durant exactement d l
3. eront jamais s il se pourrait qu un seul Biaggi f t rentr et qu il nous pi t derri re son volet clos tout comme nous pions nous m me n en plus finir les signes qu il aurait pu abandonner par volont ou par distraction de sa pr sence r solument invisible une bo te aux lettres vid e une auto qui a boug une grille mal ferm e ou bien encore car nous sommes dot d un caract re f cheusement parano de le cadavre d un chat noir flottant la gueule ouverte dans les eaux du port On voit par l que nous faisons bien des histoires apr s tout nous sommes venu ici pour rencontrer Biaggi dans quel but nous ne le saurons jamais c est comme le b b que nous appelons mon fils longueur de phrases amoureusement car nous sommes venu ici avec notre b b la poussette de notre b b les couches culottes les petits pots et le si remarquable lit portatif de notre b b avec tous ces tubes multicolores qui le font ressembler une fois d ploy sur la moquette de notre chambre d h tel un minuscule centre Georges Pompidou Pourtant cause peut tre de ce b b qui dort ou de ce chat qui flotte ou d un pressentiment dont se nourrirait notre trop pensive nature nous ne voulons plus du tout voir notre ami Biaggi dont l absence au demeurant nous para t trop manifeste pour ne pas maquiller la pr sence Voil voil voil Le sch ma pourrait tre hitchcockien si nous ne nous complaisions tant la
4. hrases dans toutes les circonstances de la vie qu il soit occup manger une poire au fond d une brasserie ou descendre en pirogue le fleuve Congo C est un peu comme Jean Philippe Toussaint on ne peut plus l imaginer autrement qu immobile et prostr occup en somme se laisser traverser par les phrases au bord de sa fameuse baignoire celle de la non moins fameuse salle de bain qui fit elle seule le titre le mobilier le th me et la fortune de son premier roman D autres narrations ont suivi mais elles n ont gu re d log le quidam pensif qu elles se donnent chaque fois pour h ros C est le m me personnage d shabit nonchalant et contemplatif comme en orbite autour de son inexprimable ego qu on voit de livre en livre avancer dans l existence avec la souriante circonspection des modestes Il avait vingt sept ans presque vingt neuf quand il jouait aux fl chettes en coutant le football la radio dans sa salle de bain sans perdre de vue une phrase de Gramsci qui lui passait par la t te Gide c tait Bossuet dont ni les fl chettes ni le football ni le fleuve Congo ni m me les poires ne l ont jamais distrait Il avait vingt neuf ans accomplis dans Monsieur o on le retrouvait au fond de son petit appartement une machine crire sur les genoux tapant un trait de min ralogie fondamentale o il tait question du fluosilicate d aluminium orthorhombique et m me de la structure du pentagonohexa
5. imit e par une p riode de mauvais temps de menus incidents r p tition vont progressivement mettre l homme dans un tat de malaise avec l impression grandissante que les mailles d un filet tenu par des mains inconnues se referment sur lui l origine de cette d rive un tout petit grain de sable une h sitation L homme venu passer quelques jours de vacances l h tel et soudain retenu par une g ne incompr hensible n est pas all saluer les Biaggi son arriv e D s ce moment tout se noue l gal d un roman noir et les indices s accumulent laissant penser que les Biaggi pour quelque obscure raison en retour l vitent et m me le font surveiller Sa position devient la fois celle du chasseur et celle du gibier puisque ses efforts tardifs pour tablir le contact avec les Biaggi devenus bizarrement introuvables un v ritable travail de filature s accompagnent d une permanente sensation de surveillance Comme si l h sitation du d part la r ticence avait mis en branle un double m canisme de suspicion Comme si tout depuis concourait mettre le narrateur en alerte d un c t en d faut de l autre Comme si un encha nement de v tilles d clenchait une logique de soup on mais aussi de culpabilit et de pers cution Jusqu faire s interroger le narrateur sur sa propre identit voire son existence comme en ce matin encore humide des pluies nocturnes o tel Peter Schlemihl son ombre lui m me semble a
6. nt des sens et de l esprit Au large nouveau on peut voir passer les ferries le livre se referme Le narrateur est en vue de zones tales apr s le bref passage de turbulences mentales Une perturbation n e de bien peu de choses L h sitation d un instant et tenue par la pr sence incongrue autant que salvatrice de l enfant dans des limites raisonnables Pour ce faire Jean Philippe Toussaint ne grossit jamais le trait il retient son criture dans les s quences d inqui tude comme dans les s quences d humour pr tant son narrateur dans les deux cas le d lire noir et le d lire dr le cette mani re de voir et de dire les choses qui ne les fige pas en une seule posture et qui comme pour la maniabilit de la poussette laisse percevoir le jeu entre le r el et ses repr sentations Ne serait ce pas l au demeurant le sens ultime de ce court roman qui confirme Jean Philippe Toussaint comme l un des crivains importants d aujourd hui Jean Louis zine Le Nouvel Observateur 19 septembre 1991 Le vide mode d emploi L auteur de La Salle de bain publie La R ticence Ou comment faire un roman de rien O tout manquerait sauf le talent quoi reconna t on un crivain Parce qu il avait aper u un jour Andr Gide au fond de la brasserie Lut tia pelant une poire et lisant un livre Roland Barthes r pondait en substance un crivain c est quelqu un qui se laisse traverser par les p
7. octa dre Et deux doigts encore quand Monsieur avec la main enti re ne parvenait qu grand peine h ler un taxi l il semble que l auteur qui fut champion de Scrabble dans la cat gorie juniors lui ait pr t une part de son talent Bref il avait trente et un ans r volus quand las de h ler il prenait dans L Appareil photo des le ons de conduite automobile En vain semble t il en tout cas sans passion puisque cet aveu tait gliss entre les pages Je n ai rien trait dans ce livre voyez presque rien quelques transitions farceuses des souplesses de pupille le murmure d un fleuve infini miroitant dans la clart de la nuit apais e de mon esprit Nous allons sur nos trente trois ans dans La R ticence et nous pourrions signer la m me confession sans y changer un mot Nous sommes l intangible l inviol narrateur d un roman impeccable sous l aspect des subjonctifs Se pouvait il que les Biaggi fussent quand m me rentr s et qu ils dormissent maintenant au premier tage de la maison nous interrogeons nous par exemple la page 116 Par une heureuse et simplifiante co ncidence notre ouvrage se trouve d ailleurs parfaitement r sum par cette citation de pure forme puisque condamn un s jour sans mobile apparent dans un village baln aire du pourtour m diterran en peut tre corse mais peut tre pas nous passons cent soixante pages nous demander si les Biaggi sont rentr s s ils rentr
8. tion du b b le roman noir qui s esquissait vire ainsi la tendre loufoquerie et le seul d lire qui s affiche reste celui de l humour ce b b de huit mois c tait vraiment le type qui dormait le plus que je connaissais annonce le p re avec un s rieux irr sistible la limite du non sens il voque la poussette qui sert promener quelquefois l enfant Elle tait tr s maniable en tout cas m me s il ne restait plus qu une seule poign e L autre s tant cass e le jour de mon arriv e que j avais toujours dans la poche d ailleurs avec un des taquets de la roue qui s tait d tach l avant veille Comme si dans le rapport aux tres et aux choses une attitude po tique le disputait constamment une attitude anxieuse Une dualit qui se retrouve dans la tonalit du livre et sa coloration cet gard le b b dormeur mangeur et joueur appara t comme une belle trouvaille de la part de Jean Philippe Toussaint qui installe ainsi l antidote la plus radicale la parano a rampante et vite de jamais basculer dans le grin ant et le morbide Mieux qui insuffle son texte une v ritable tonicit ludique et en pr pare l pilogue aussi rationnel que banal la suite de quoi s estompe l amorce de tentation de l ab me que le narrateur s tait d couvert je commen ais bient t entendre le bruit de la mer au loin le murmure r gulier de la mer qui m apporta peu peu comme un soulageme
9. voir perdu son reflet au centre de la laque miroitait le reflet argent de la vieille Mercedes grise autour duquel cependant par je ne sais quel jeu de perspectives et d angle mort il n y avait aucune trace de ma pr sence cette aune les faits insignifiants n existent plus tout s inscrit charge ou d charge et vient nourrir le soup on ou l att nuer la pr sence de nouveaux clients l h tel la lumi re allum e dans la chambre du patron insomniaque un volet mal ferm de la maison vide des Biaggi une voiture stationn e pr s de l h tel un homme t l phonant dans une cabine publique un cadavre de chat flottant dans le port un fil de p che encore accroch la gueule Cependant alors qu une sorte de fr n sie contradictoire de la suspicion et de la culpabilit para t s tre empar e du narrateur le poussant chercher nuit et jour dans l h tel et au dehors les indices de tout ce qui peut se tramer son encontre la pr sence de son fils ne cesse de le tirer vers un autre versant celui des exigences simples du sommeil de l alimentation et des jeux enfantins Un enfant placide que le narrateur laisse de longues heures seul au milieu de la chambre dans son lit d crit humoristiquement comme un assemblage de tubes m talliques de diff rentes couleurs qui s embo taient les uns dans les autres pour composer un ch ssis rectangulaire sorte de petit centre Georges Pompidou chaque appari
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