Réception d`une œuvre d`art
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1. la mentalit ou pens e iconique c est dire la prim it pens e intelligible Nous allons voir tout d abord comment l artiste proc de pour produire une uvre et ensuite nous passerons la r ception 3 La production de l uvre Peirce a relativement peu crit sur l art Mais il a d crit longuement le processus de la recherche scientifique au cours duquel une abduction ou hypoth se est suivie d une tape de d duction et d induction Nous pouvons adapter le processus de la recherche scientifique la production d une uvre d art Nous repr sentons le processus de production d une uvre d art sur le sch ma suivant et nous l expliquons ensuite Production de l uvre Prim it possibilit qualitative Chaos de qualit s de sentiment Abduction capter ces qualit s de sentiments les consid rer comme appropri es D duction projeter ces qualit s de sentiments dans un objet auquel elles seraient appropri es Dans la classification des signes plus exactement des processus s miotiques que propose Peirce le signe iconique est un signe qui renvoie son objet un niveau de prim it C est le seul type de signe capable de faire passer des qualit s de sentiments Un signe iconique ne signifie pas un signe visuel ni figuratif On peut avoir des ic nes olfactives tactiles sonores gustatives comme la madeleine de Proust ou kin siques Ce parall lisme est propos par ANDE2. tre complexe et cependant stimulante pour le r cepteur si elle exploite un syst me symbolique clair et accessible Au contraire une uvre trop vide risque de ne pas offrir une base suffisante pour stimuler le r cepteur Prenons comme exemple une uvre de Fred Forest 150 cm2 de papier journal qui a consist ins rer dans la page Arts du journal Le Monde du 12 janvier 1972 un rectangle blanc ne portant que la signature de l artiste dans le coin inf rieur droit Sous ce rectangle l artiste a ajout un texte dans les m mes caract res que ceux du journal invitant le lecteur s exprimer et participer la r alisation de l uvre Ceci est une exp rience Une tentative de communication Cette surface blanche vous est offerte par le peintre Fred Forest Emparez vous en Par l criture ou par le dessin Exprimez vous La page enti re de ce journal deviendra une uvre La v tre Vous pourrez si vous voulez l encadrer Mais Fred Forest vous invite la lui adresser 4 r sidence Acacias L hay les Roses 94 Il l utilisera pour concevoir une uvre d art m dia dans le cadre d une manifestation de peinture qui doit se tenir prochainement au Grand Palais Nous ignorons si cette intervention de Fred Forest a suscit beaucoup de participations mais on peut douter que les participations ventuelles aient t tr s int ressantes et que l ensemble ait quelque coh rence Les p dagogues le savent bien
3. infinie demeure irrepr sentable Elle ne peut tre que pens e ou plut t vue en pens e sentie en pens e pens e iconiquement Ce que fait essentiellement une uvre d art sa sp cificit notre avis c est par un agencement de signes iconiques conduire le r cepteur au del de la limite du repr sentable un niveau de pens e iconique c est dire une pens e sensorielle capable d envisager une qualit totale infinie et possible Comment se fait il que des signes iconiques puissent provoquer un tel mouvement de pens e C est parce que les signes iconiques d tiennent un pouvoir heuristique nous dit Peirce le pouvoir de faire d couvrir par leur observation directe d autres v rit s que celles qui suffisent d terminer leur construction PEIRCE C P 2 279 Les r cepteurs ont donc beaucoup d couvrir en observant une uvre d art 4 2 L art et la r alit Avant d tre interpr t e l uvre r alis e est inerte Elle est un objet un livre un film une vid o un tableau une sculpture une installation voire un objet quelconque de fabrication industrielle comme un urinoir ou un v nement une repr sentation th trale une performance voire une action quelconque de la vie quotidienne par exemple l action de marcher Cet objet ou cet v nement existe comme ph nom ne dans l ordre de la second it C est l interpr tation qui active le support mat riel e
4. te y compris l action mentale la conception du monde Par l interpr tation du signe iconique que constitue une uvre d art la pens e du spectateur s est ouverte au possible prim it et cette ouverture provoque un changement un enrichissement de la vie du spectateur Ce que produit finalement une uvre d art c est une nouvelle relation au monde L art est fondateur d existences et producteur de possibilit s de vie par l interm diaire des informations qu il d livre et qui informent notre comportement BOURRIAUD 2009 p 128 11 LICHTENBERG 1742 1799 cit par ECO 1992 p 66 citation reprise par DISPY amp DUMORTIER in PETITAT dir 2010 p 240 L interpr tation artistique a donc des cons quences sur la vie du r cepteur En effet pour le r cepteur le r el s est enrichi au contact du possible 5 L investissement du r cepteur pr sent que nous disposons d un cadre th orique nous pouvons revenir notre question initiale quels facteurs sont susceptibles de stimuler l investissement du r cepteur Nous allons passer en revue ces facteurs en suivant les tapes du processus d interpr tation donc de la perception l action par le biais de la pens e 5 1 La perception a La surprise Pour stimuler l investissement du r cepteur il faut d abord que l uvre se fasse remarquer qu elle attire l attention qu elle provoque une surprise Cela d pend des caract ristiques de l uv
5. une uvre pourra toucher davantage les r cepteurs et agir sur eux dans la mesure o la qualit de sentiment qui s y trouve capt e est suffisamment large et profonde pour clairer les multiples exp riences collat rales que les r cepteurs apportent dans leur rencontre avec cette uvre Conclusion Une uvre d art est un signe iconique dans lequel l artiste a mat rialis une qualit de sentiment une prim it Cependant les signes ne parviennent jamais mat rialiser compl tement la prim it qui demeure irrepr sentable Elle ne peut tre que pens e L uvre d art tant un signe iconique d tient un pouvoir heuristique et conduit le r cepteur au del du repr sentable 18 SENDACK cit dans NI RES CHEVREL 2009 p 90 19 Pour le d velopper il faudrait expliquer la distinction peircienne entre l objet imm diat d un signe et l objet dynamique 16 un niveau de pens e iconique c est dire une pens e sensorielle capable de consid rer une qualit totale infinie et possible Pour parvenir ce type de pens e il faut que le r cepteur s investisse dans son interpr tation de l uvre Nous avons d s lors pass en revue les facteurs susceptibles de stimuler l investissement du r cepteur en suivant les tapes du processus d interpr tation L uvre doit d abord tre per ue elle doit attirer l attention et se faire reconna tre comme tant une uvre d art Ensuite le d veloppement de la pe
6. e d une prim it donc d une qualit totale infinie et possible Sur ce parcours de la prim it l artiste et le r cepteur le spectateur l auditeur le lecteur l interpr te interviennent successivement ou simultan ment et ils collaborent Nous repr sentons le parcours sur le tableau suivant 1 Pour une pr sentation de la s miotique de Peirce voir EVERAERT DESMEDT 1990 et 2004 2 Voir notre article en espagnol en ligne qui a pour titre Qu hace una obra de arte EVERAERT DESMEDT 2008 pure prim it possibilit qualitative chaos de qualit s de sentiments Production prim it mat rialis e existence oeuvre r alis e signe iconique R ception SE prim it intelligible mentalit pure prim it possibilit qualitative chaos de qualit s de sentiments Production prim it mat rialis e existence oeuvre r alis e signe iconique prim it intelligible R ception mentalit Au cours de la production de l uvre l artiste accomplit le passage de la possibilit qualitative un chaos de qualit s de sentiments un trouble que l artiste prouve et qui provoque la 4 production d une uvre l existence c est dire l uvre r alis e dans laquelle la prim it se Dosage 5 3 mat rialise et qui est un signe un signe iconique Et au cours de la r ception de l uvre le r cepteur effectue le passage de l existence l uvre
7. rentielle elle ne peut tre test e valu e que par rapport elle m me Si l artiste constate que son uvre est auto ad quate c est dire qu elle exprime un sentiment intelligible il juge son travail termin A Le r sultat du travail de l artiste est un objet ou un v nement particulier dans lequel la prim it prend existence se mat rialise dans une second it Cet objet ou cet v nement est un signe donc une tierc it qui demande tre interpr t L artiste lui m me est le premier interpr te de son uvre lors de la derni re tape de la production Cependant l artiste est loin d avoir interpr t compl tement son uvre Lorsqu il a termin son travail l uvre reste ouverte et continue se d velopper en s ouvrant aux diverses interpr tations 6 Peirce l explique par l exemple d un sentiment de d j vu comme le sentiment que l on prouve en rencontrant une personne que nous avons l impression d avoir d j rencontr e mais nous ne savons pas o ni quand ni qui est cette personne Le sentiment que nous prouvons nous semble appropri sans avoir d objet nous n avons probablement jamais rencontr cette personne 6 4 La r ception de l uvre 4 1 Le pouvoir heuristique des signes iconiques L artiste a mat rialis de la prim it dans un signe iconique Cependant les signes ne parviennent jamais mat rialiser compl tement la prim it Une qualit totale
8. souvent dans l art contemporain le r cepteur est invit agir dans l uvre ou sur l uvre Celle ci fonctionne par l action du r cepteur Solliciter la participation physique du r cepteur est sans doute un bon moyen pour stimuler son investissement condition toutefois que cette participation soit en rapport avec le contenu de l uvre Ce qui est particuli rement stimulant pour l investissement du r cepteur c est lorsqu une uvre lui permet de faire la m me exp rience que celle qu elle met en sc ne dans son contenu c est dire lorsqu il y a un parall lisme une parfaite ad quation entre l nonc et l nonciation On pourrait parler de participation nonciative C est le cas de plusieurs uvres que nous avons analys es ailleurs la canne de Patrick Corillon Blind Date de Luis Bisbe ou Fantasme de Humberto Ch vez Mayol Nous ajoutons ici deux exemples simples de participations nonciatives Le premier exemple est la vid o Viewers 1996 de Gary Hill Dans cette vid o 17 personnes en grandeur nature se trouvent align es debout en silence elles apparaissent tr s pr sentes se d tachant sur un fond noir Lorsque le visiteur se d place le long de l cran toutes ces personnes le suivent du regard Ainsi aussi bien le visiteur que les personnes sur l cran donc dans l uvre sont des regardeurs regard s 13 Cf EVERAERT DESMEDT 2005 et 2006 a et b 14 EVERAERT DESMEDT 2010 15 EVERA
9. ERT DESMEDT 2006 a 11 le Dhs en AS Se OT OA Oi Arbo hini http eduardo art100 blogspot com 2011_04_01_archive html I EPL J LAS E ea Voir aussi la vid o sur http www youtube com watch v ecS_cgoH6MI amp feature related Le second exemple est une sculpture hyperr aliste r alis e par le duo d artistes Littlewhitehead Elle s intitule Zt happened in the corner 2007 Elle repr sente un groupe de personnes qui se trouvent dans l angle d une salle d exposition tournant le dos aux visiteurs 12 http www mobypicture com user joolsmcesweeney view 7314474 Que font les visiteurs d s qu ils entrent dans la salle La plupart se dirigent spontan ment vers cet angle pour y faire la m me chose que ce que font les personnages repr sent s dans l uvre Nombreux sont les visiteurs qui se font photographier en se mettant dans l uvre 13 On voit donc que cette uvre sollicite imm diatement la participation physique et nonciative des r cepteurs c L acc s au syst me symbolique Pour que le r cepteur puisse entrer dans la logique de l uvre il faut que le syst me symbolique exploit par l uvre lui soit accessible Une uvre peut se fonder sur un syst me symbolisme pr existant et tr s large condition toutefois d y introduire une rupture C est le cas de Magritte qui repr sente des objets familiers d une mani re conventionn
10. Nicole EVERAERT DESMEDT Facult s universitaires Saint Louis Bruxelles everaert fusl ac be http www fusLac be fr 100130 html R ception d une uvre d art la pens e iconique L objectif de cet expos est de r pondre aux questions soulev es par B reng re Voisin dans son texte de pr sentation de ces journ es d tude La r ception d une uvre d art peut elle se comparer l art de d baller son pique nique Ce que le r cepteur investit est il inversement proportionnel ce que l auteur dispose Une uvre charg e sollicite t elle moins le r cepteur qu une uvre pur e En d finitive comment une uvre stimule t elle l investissement du r cepteur valuer l investissement du r cepteur consiste se demander dans quelle mesure et de quelle fa on le r cepteur est amen mettre son nergie psychique dans l activit de r ception d une uvre d art Il est difficile de r pondre une telle question si l on ne dispose pas d une th orie globale qui d finisse l activit de r ception Or la lumi re de la philosophie pragmatique et de la th orie s miotique de Ch S Peirce nous avons labor un mod le de la communication artistique qui met en rapport la production et la r ception des uvres Et depuis plusieurs ann es nous avons exploit ce mod le pour analyser divers exemples uvres d art contemporain Nous pr senterons tr s rapidement le cadre peircien puis les g
11. RSON 1987 Pour plus de d tails voir EVERAERT DESMEDT 2006 a et b 5 Induction tester cet objet l uvre pr sente ces qualit s de sentiments il les rend intelligibles les qualit s de sentiment sont appropri es cet objet Prim it mat rialis e donc en second it dans un signe donc en tierc it a Au d part l artiste prouve un trouble provoqu par un chaos de qualit s de sentiments Il est soudain en contact direct avec la prim it A Son abduction consiste laisser venir ces qualit s de sentiments essayer de les capter il fait l hypoth se que ces qualit s sont appropri es sans savoir pr cis ment quel objet elles sont appropri es A Ensuite par une sorte de d duction l artiste applique son hypoth se il la projette dans son uvre c est dire qu il va incarner les qualit s de sentiments dans un objet auquel elles pourraient tre appropri es Ainsi en construisant cet objet auquel les qualit s de sentiments seraient appropri es l uvre cr e son propre r f rent Par cons quent une uvre d art est auto r f rentielle Il s agit bien d une tape d ductive l artiste applique son hypoth se comme une r gle et il laisse l uvre se d velopper compl tement en suivant cette r gle A La derni re tape de la cr ation d une uvre est un type d induction qui consiste dans le jugement de l artiste sur son uvre Puisqu une uvre est auto r f
12. a direction du vent nous prouvons une douleur maintenant cause d un mal de dents 2 La tierc it est la cat gorie de la m diation donc de la r gle de la loi Tandis que la second it est une cat gorie du particulier la tierc it et la prim it sont des cat gories du g n ral mais la g n ralit de la prim it est de l ordre du possible et celle de la tierc it est de l ordre du n cessaire et par cons quent de la pr diction La loi de la pesanteur par exemple nous permet de pr dire que chaque fois que nous l cherons une pierre elle tombera sur le sol La erc it est la cat gorie de la pens e du langage de la culture 1 2 Peirce classe les processus s miotiques en fonction de ces cat gories par exemple l ic ne appartient la prim it l indice la second it et le symbole la tierc it Ces trois cat gories sont n cessaires et suffisantes pour rendre compte de toute l exp rience humaine puisque la prim it se rapporte la vie motionnelle la second it la vie active et la tierc it la vie intellectuelle et socio culturelle On peut distinguer en suivant Peirce trois grands types d activit s les activit s pratiques sont de l ordre de la second it les activit s th oriques scientifiques rel vent de la rierc it tandis que les activit s artistiques concernent la prim it ce que nous allons expliquer tout de suite 2 La communica
13. e n est pas une explication ext rieure l uvre il fait partie de l uvre Parfois aussi le titre d une uvre suffit mettre sur la voie d une interpr tation S il n y a pas de titre significatif ni de texte de l artiste ou si ce texte n est pas suffisamment clair une m diation ext rieure peut s av rer n cessaire Elle peut prendre la forme des informations apport es par la mus ographie par le commissaire d une exposition et par les critiques tout le paratexte d L ouverture sur plusieurs niveaux de lecture Pour que le spectateur poursuive suffisamment son interpr tation d veloppant ainsi le processus de la production il faut qu il y soit encourag qu une premi re interpr tation se d gage partir de laquelle de nouvelles hypoth ses interpr tatives s encha neront en cascade 16 DANTO 1989 pp 29 30 donne l exemple d un monochrome rouge qui peut tre interpr t diff remment selon que le titre en est La travers e de la Mer Rouge par les H breux Red Square La nappe rouge ou Nirvana 14 Pour cela il faut que l uvre soit effectivement ouverte et suffisamment complexe pour permettre plusieurs niveaux de lecture Dans son texte de pr sentation B reng re Voisin se demandait si une uvre d pouill e stimulait l investissement du spectateur mieux qu une uvre charg e Il ne nous semble pas que le d pouillement soit un crit re privil gier dans tous les cas En effet une uvre peut
14. elle r aliste conforme aux habitudes de voir et cela explique pourquoi un large public entre facilement dans l uvre de Magritte Mais ensuite dans le contexte de ses tableaux Magritte provoque des ruptures dans l ordre symbolique les conventions les habitudes perceptives et ce sont ces ruptures qui orientent la pens e du r cepteur vers ce que Magritte appelle le Myst re qui correspond la pens e d une qualit totale ou pens e iconique Une uvre qui exploite le syst me tabli sans aucune rupture n est pas de l art un peintre du dimanche qui r alise aujourd hui un tableau la mani re impressionniste est peut tre dou techniquement mais il n est pas pour autant un artiste Ce sont les ruptures dans l ordre symbolique tierc it qui permettent le passage du possible prim it et donc le fonctionnement artistique Souvent le syst me symbolique concern par une uvre est plus limit plus pointu Il s agit d un syst me de r gles que l artiste se donne l int rieur m me de son uvre et il faut que le r cepteur en prenne connaissance pour comprendre cette uvre C est le cas le plus fr quent dans l art contemporain d o l incompr hension la d ception et le d sint r t du grand public qui ne dispose pas du mode d emploi du code d acc s aux uvres Souvent dans l art contemporain un texte crit par l artiste accompagne une installation ou une intervention et en donne la clef Ce text
15. els facteurs influencent le d veloppement de ce type de pens e 5 2 La pens e a L tat d esprit sympathie intellectuelle disponibilit L investissement du r cepteur d pend de son tat d esprit du moment sympathie intellectuelle attention disponibilit d sir de d couvrir de se laisser surprendre 12 Voir une chose comme de l art c est tre pr t l interpr ter quant sa signification et quant sa mani re de signifier DANTO 1996 p 63 10 Comme l tat d esprit est fluctuant le fonctionnement d un objet comme uvre d art n est pas permanent Si nous poss dons une uvre dans notre salle de s jour elle fonctionnera le plus souvent comme un simple objet d coratif et seulement certains moments pour certains r cepteurs elle se remettra fonctionner comme une uvre d art Malheureusement toute uvre d art qu on met chez soi devient une babiole Il vaut mieux faire le clown dans la rue devant des gens sinc res qui te comprennent et te donnent ce qu ils peuvent sans exiger de rapporter chez eux quoi que ce soit sauf une pens e nouvelle PISTOLETTO 1998 p 109 b La participation physique L investissement du r cepteur d pend aussi de son tat physique Le corps intervient en effet dans l interpr tation on se d place pour regarder un tableau on s approche on se recule S il y a une foule autour de nous notre contact avec une uvre risque d tre perturb Tr s
16. epteurs Plut t que de s adresser son public travers son m dium le peintre au travail s adresse son m dium et adresse son tableau termin au spectateur DE DUVE 2000 p 148 Lorsqu on a demand Maurice Sendak l auteur de l album Max et les maximonstres s il concevait ses albums en pensant aux enfants ses lecteurs il a r pondu ceci J aime recevoir les lettres que les enfants m crivent et j aime avoir l occasion de rencontrer un enfant qui a aim un de mes livres Non que j crive fondamentalement pour les enfants En r alit je fais ces livres pour moi C est quelque chose que je dois faire et c est la seule chose que j ai envie de faire Atteindre les gosses est important mais secondaire D abord toujours je dois atteindre et ne pas l cher l enfant qui est en moi On le voit dans cette citation de Sendak l objectif de l artiste n est pas de s adresser un public particulier mais de capter des qualit s de sentiments Atteindre l enfant qui est en moi c est chercher capter une prim it une qualit profonde qui se situe au del ou en de des individus qui n est ni subjective ni objective 5 3 L action De quelle fa on et dans quelle mesure l interpr tation d une uvre est elle susceptible de provoquer une modification des habitudes d action du r cepteur un enrichissement de son exp rience Nous ne d velopperons pas ce point ici Nous dirons seulement ceci
17. il ne suffit pas de dire Exprimez vous pour faire participer les gens Il faut formuler une proposition plus pr cise pour d bloquer la cr ativit et donner une consigne pour la canaliser et la stimuler Un espace vide n est pas automatiquement un espace de cr ativit Faire de l art n est pas laisser libre cours l expression de n importe quoi notre avis le rectangle blanc de Fred Forest n apporte pas de quoi permettre au r cepteur de mordre dedans e Des r cepteurs pas une cible Une uvre con ue par l artiste en fonction d une cible d un type de r cepteurs d termin a priori offre t elle davantage de possibilit s quant l investissement de ces r cepteurs Notre r ponse est non L art n est pas de la communication m diatique L art est une recherche de l artiste pour capter la prim it en la mat rialisant dans son uvre Pendant son travail l artiste n est pas en rapport avec les r cepteurs il ne doit pas penser eux mais il est en rapport avec son uvre il la laisse se construire elle m me suivant ses propres r gles il la laisse voluer sous sa guidance sous sa protection en poursuivant jusqu au bout le processus d ductif avec agap dit Peirce c est dire l amour 17 Fred Forest cit par ARDENNE 2002 p 42 15 volutionnaire l amour du cr ateur pour sa cr ation Lorsque son travail est termin alors seulement l artiste met son uvre en rapport avec les r c
18. mment taire mes commentaires Paris d Ecole nationale sup rieure des Beaux Arts 2003 MORELLET F Les citations in http arts fluctuat net francois morellet citations 3648 html consult le 08 03 2011 NI RES CHEVREL I 2009 Introduction la litt rature de jeunesse Paris Didier jeunesse PEIRCE Ch S 1931 1935 1958 Collected Papers Vol 1 6 Collected Papers Vol 7 8 Cambridge Massachusetts Harvard University Press PETITAT A dir 2010 La pluralit interpr tative Aspects th oriques et empiriques Paris L Harmattan PISTOLETTO M 1998 L homme noir le c t insupportable Paris cole nationale sup rieure des Beaux Arts texte original en italien 1970 SCHMILCHUK G 2005 Helen Escobedo Footsteps in the Sand Mexico CONACULTA UNAM TURNER SHUSTERMANN R 1994 L art en bo te in Critique n 562 19
19. ns e du r cepteur d pend de son tat d esprit du moment et des possibilit s de participation physique et surtout nonciative que l uvre lui offre L acc s au syst me symbolique exploit par l uvre est un facteur indispensable Il faut aussi que l uvre soit suffisamment complexe pour permettre plusieurs niveaux de lecture Enfin l uvre provoquera un enrichissement de la vie du r cepteur dans la mesure o la qualit de sentiment qui s y trouve capt e est ressentie par le r cepteur comme tant appropri e son exp rience collat rale L uvre apporte alors au r cepteur un clairage nouveau sur son exp rience 17 Bibliographie ANDERSON D 1987 Creativity and the Philosophy of C S Peirce Dordrecht Martinus Nijhoff Publishers ARDENNE P 2002 Un art contextuel Paris Flammarion BOURRIAUD N 2009 Formes de vie L art moderne et l invention de soi Paris Deno l DANTO A 1989 La transfiguration du banal Paris Seuil DANTO A 1993 L assujettissement philosophique de l art Paris Seuil DANTO A 1996 Apr s la fin de l art Paris Seuil DE DUVE Th 2000 Voici 100 ans d art contemporain Gand Amsterdam Ludion DISPY M amp DUMORTIER J L 2010 Vari t de l interpr tation du r cit fictionnel Le point de vue didacticien in PETITAT A dir ECO U 1992 Les limites de l interpr tation Paris Grasset EVERAERT DESMEDT N 1990 Le processus interp
20. outes les interventions et les perturbations que les artistes contemporains r alisent ne font que d placer la fronti re entre l art et la r alit sans la supprimer Nous n approuvons pas SHUSTERMAN 1994 pp 140 143 lorsqu il pr tend que La dichotomie art r alit doit tre surmont e afin que l art soit plus insuffl de vie et que la r alit soit plus esth tiquement gratifiante Il souhaite donc que l art soit plus vivant et la r alit plus esth tique Ce souhait non seulement assimile art et r alit alors que la distinction notre avis doit tre maintenue il gomme aussi une autre distinction laquelle nous tenons entre esth tique et artistique Nous consid rons que le plaisir esth tique est li l appr ciation du beau il peut tre provoqu par une uvre d art ou par toute autre chose sans intentionnalit artistique un paysage une personne agr able regarder tandis que le plaisir artistique ne concerne pas le beau mais le kalos c est dire l admirable en soi qui correspond selon Peirce l accroissement d intelligibilit de la prim it 4 3 Les variations interpr tatives Un objet mis entre guillemets devient donc une uvre ouverte aux interpr tations Que l uvre soit ouverte ne signifie pas pour autant que les r cepteurs puissent la remplir de n importe quoi ni n importe comment Il faut que le r cepteur entre dans la logi
21. que de l uvre c est dire qu il observe et respecte les principes inh rents l uvre principes qui ont t suivis par l artiste au cours de l tape de d duction Il faut qu il aborde l uvre avec sympathie intellectuelle comme dit Peirce C est cette condition que la r ception r active et poursuit le mouvement de la production le mouvement d accroissement d intelligibilit de la prim it Une interpr tation n est jamais imm diate C est un mouvement un processus progressif au cours duquel il y a une alternance entre des observations de l uvre et des hypoth ses interpr tatives qui s encha nent en cascade 8 D apr s SCHMILCHUK 2005 p 194 9 Fran ois MORELLET Du spectateur au spectateur ou l art de d baller son pique nique Mais comment taire mes commentaires Paris d cole nationale sup rieure des Beaux Arts 2003 p 54 10 Sur la cascade des interpr tations voir notre analyse de l installation de Luis Bisbe Blind Date in EVERAERT DESMEDT 2010 a 8 Une interpr tation peut tre plus ou moins riche selon le degr d attention du r cepteur et les informations collat rales dont il dispose notamment des connaissances historiques tout n est pas possible n importe quel moment de l histoire de l art cfr DANTO 1989 p 90 connaissances de donn es techniques connaissances culturelles diverses dans diff rents domaines y compris celui de l art en g n
22. r tatif Introduction la s miotique de Ch S Peirce Li ge Mardaga EVERAERT DESMEDT N 2004 La s miotique de Ch S Peirce in Signo Site Internet de th ories s miotiques http Www signosemio com peirce semiotique asp EVERAERT DESMEDT N 2005 Sens d une uvre et sens d une exposition le parcours du visiteur in Prot e Vol 33 n 2 EVERAERT DESMEDT N 2006 a Interpr ter l art contemporain La s miotique peircienne appliqu e aux oeuvres de Magritte Klein Duras Wenders Ch vez Parant et Corillon Bruxelles De Boeck EVERAERT DESMEDT N 2006 b L esth tique d apr s Peirce in Signo Site Internet de th ories s miotiques http www signosemio com peirce esthetique asp EVERAERT DESMEDT N 2008 Qu hace una obra de arte Un modelo peirceano de la creatividad art stica in http www unav es cep EveraertUtopia html EVERAERT DESMEDT N 2010 a Les voies de l interpr tation un rendez vous l aveugle in GAUDEZ FI La culture du texte Approches socio anthropologiques de la construction fictionnelle vol 2 Paris L Harmattan EVERAERT DESMEDT N 2010 b Variations interpr tatives d un r cit en images par des groupes d enfants in PETITAT A dir GOODMAN N amp ELGIN C 1990 Esth tique et connaissance Paris ditions de l clat 18 MORELLET F Du spectateur au spectateur ou l art de d baller son pique nique in Mais co
23. ral et connaissance de l ensemble de l uvre de tel ou tel artiste L interpr tation d une uvre varie selon le degr de culture de chaque r cepteur Fran ois Morellet avoue Je sais que c est le r ve de beaucoup d artistes de toucher directement un public sans culture Cela a t aussi le mien Mais MORELLET p 4 Il reconna t qu il s adresse d sormais des amateurs clair s p 53 Ce sont ces amateurs clair s qui sont invit s venir d baller leur pique nique Les oeuvres d art sont des coins pique nique des auberges espagnoles o l on consomme ce que l on apporte soi m me MORELLET p 50 51 Le spectateur qui n apporte rien dans sa rencontre avec une uvre n y trouvera rien Ce que nous voyons d une uvre et ce que nous en tirons d pend beaucoup de ce que nous lui apportons GOODMAN 1990 p 75 Remarquons que l image du pique nique diffus e par Fr Morellet avait d j t employ e dans un aphorisme de Lichtenberg Le texte est un pique nique o l auteur apporte les mots et le lecteur le sens LICHTENBERG 4 4 Le r sultat du processus d interpr tation Dans la perspective de la s miotique pragmatique de Peirce on peut consid rer que l interpr tation d un signe conduit l interpr te de la perception l action par le biais de la pens e Le r sultat de l interpr tation d un signe selon Peirce est une modification des habitudes d action de l interpr
24. randes lignes de notre mod le pour en arriver la question de l investissement du r cepteur 1 Le cadre peircien les trois cat gories Le syst me de Peirce est tr s large et coh rent la fois complexe et reposant sur une base tr s simple Il se fonde essentiellement sur trois cat gories pr sentes dans tous les ph nom nes Peirce d signe ces cat gories par les nombres la premi re la deuxi me et la troisi me cat gories ou la prim it la second it et la fierc it Nous indiquons dans le tableau suivant les valeurs des trois cat gories que nous utiliserons dans la suite de notre expos 1 2 3 Firstness Secondness Thirdness Prim it Second it Tierc it ind pendamment relatif m diation globalit circonstances spatio loi r gle totalit temporelles G N RAL PARTICULIER G N RAL POSSIBLE REEL NECESSAIRE qualit s mat rialisation pens e culture motions exp rience fait repr sentation action r action langage ic ne indice symbole vie motionnelle vie active vie socio culturelle activit s artistiques pratiques scientifiques La prim it dit Peirce est la conception de l tre d un ph nom ne ind pendamment de toute autre chose La second it est la conception de l tre relativement autre chose Et la tierc it est la conception de la m diation par laquelle un premier et un second sont mis en relation La prim it cor
25. re mais galement du contexte o elle se trouve le cas du visiteur qui se rend dans un mus e ou une galerie pour y voir une exposition est diff rent de celui du promeneur qui d couvre par hasard dans l espace public un objet ou un v nement dont il ignore le statut artistique S il est surpris par ce qu il d couvre il se posera des questions il entrera donc dans un processus interpr tatif b Les marqueurs guillemets ou d corum Encore faut il pour que l uvre puisse fonctionner comme telle qu elle se fasse reconna tre comme tant une uvre d art C est ici qu interviennent les marqueurs guillemets et autre d corum Il n y a pas de probl me dans le cas de l art classique et moderne o les marqueurs sont bien connus cadres des tableaux socles des sculptures Mais le probl me se pose dans le cas des objets et des v nements artistiques contemporains que l on rencontre dans l espace public Il faut que le promeneur soit amen faire l hypoth se du statut artistique de ce qu il rencontre Cette hypoth se d clenchera son tour une hypoth se interpr tative cet objet ou cet v nement tant une uvre d art doit avoir une signification qui vaut la peine d tre cherch e et que le r cepteur s attend d couvrir Donc si l uvre a attir son attention et s il la reconna t comme tant une uvre d art le r cepteur pourra entrer dans un processus de pens e de type artistique Voyons qu
26. respond la saisie des qualit s et des motions mais abstraction faite de leur mat rialisation Ce serait par exemple une qualit de rouge une roug it ind pendamment d un objet quelconque dans lequel cette qualit pourrait s incarner Car si nous consid rons un stylo rouge nous l opposons n cessairement un stylo bleu ou noir et nous sommes donc dans la second it une chose par rapport une autre Autre exemple une impression vague de peine avant de se rendre compte si cette impression provient d un mal la t te d un mal de dents ou d une douleur morale En effet d s que nous prenons conscience que nous souffrons d un mal de dents nous mettons en rapport un effet et une cause donc nous sommes dans la second it Il faut bien comprendre que dans la prim it il n y a que du UN il s agit d une conception de l tre dans sa globalit sa totalit sans limites ni parties sans cause ni effet Une qualit est une pure potentialit abstraite La prim it est de l ordre du possible C est la cat gorie la plus difficile d crire car elle se situe dans un domaine pr verbal D s que nous essayons d en parler elle nous chappe La second it est plus facile comprendre c est la cat gorie du r el concret particulier de l exp rience du fait de l existence de l action r action Par exemple la pierre que nous l chons ici et maintenant tombe sur le sol la girouette s oriente en fonction de l
27. t le transforme en objet artistique L interpr tation op re la transfiguration du banal L interpr tation fait passer l objet ou l v nement dans une autre r alit celle de l uvre Pour qu un objet puisse fonctionner comme uvre d art il faut qu il soit mis entre guillemets c est dire qu on le consid re comme une autre r alit Prenons un exemple Helen Escobedo a r alis une installation en 1991 dans le parc de Chapultepec Mexico L installation s intitulait Negro basura negro ma ana Noir ordures noir lendemain et consistait en 10 tonnes d ordures d vers es sur un plastique gris tendu au milieu d un chemin pi tonnier sur une longueur de 100 m tres Cependant en raison du d go t prouv par les autorit s devant ce contact direct avec les ordures l artiste a recouvert celles ci d un filet m tallique et d une couche de peinture noire Ces deux marqueurs taient 7 Titre du bel ouvrage de DANTO 1989 n cessaires pour que l installation soit per ue comme telle c est dire comme quelque chose so 8 fait avec des ordures et non pas litt ralement comme des ordures Fran ois Morellet mis l honneur dans le titre de notre colloque emploie le terme de d corum pour d signer ces marqueurs qui distinguent l art et la r alit Il faut un d corum un signe traditionnel qui montrent l appartenance de l objet sa cat gorie art T
28. tion artistique une uvre d art fait circuler la prim it Comment fonctionne s miotiquement une uvre d art Dans la perspective pragmatique qui est celle de Peirce la signification d un signe c est ce que ce signe fait comment il agit sur l interpr te renfor ant ou modifiant ses habitudes d action Notre question ne sera donc pas Qu est ce qu une uvre d art mais bien Que fait une uvre d art 2 Et voici notre r ponse une uvre d art fait circuler la prim it Elle fait passer la prim it le possible les qualit s les motions d un tat chaotique confus indistinct un tat intelligible pensable en passant par un tat interm diaire celui d une mat rialisation dans un objet ou un v nement Ces trois tats de la prim it s obtiennent en appliquant les cat gories la prim it Peirce C P 1 533 En effet chez Peirce les cat gories interviennent de multiples niveaux on peut donc distinguer la pure prim it que Peirce appelle la possibilit qualitative la prim it qui se mat rialise dans de la second it qui prend existence dit Peirce et enfin la prim it pens e qui entre donc dans la tierc it La prim it pens e qui intervient sp cifiquement dans l activit artistique Peirce l a nomm e la mentalit mais sans tre tr s satisfait de ce terme Je propose de la nommer la pens e iconique La pens e iconique est la pens
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