MIROIR La constitution d`un regard
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1. Rubrique DR La constitution d un regard deux observatoires de l enfance R GINE SIROTA Institut National de Recherche P dagogique 29 rue d Ulm 75230 Paris Cedex 05 Centre de Recherche sur les Liens Sociaux CERLIS CNRS Universit Ren Descartes Paris V Entretiens avec Armelle Le Bigot Macaux Observatoire permanent des enfants Gabriel Langou t et Christian Nique Observatoire de l enfance en France recueillis par R gine Sirota Aux diff rents clairages port s sur l enfance dans ce num ro cette rubrique miroir adjoint deux visions oppos es voire contradictoires de len fance qui ont pour point commun d tre construites partir d une m me structure sociale des observatoires de l enfance Depuis quelques ann es des observatoires se cr ent dans les domaines les plus divers structures inter m diaires entre la recherche et ses utilisateurs potentiels Signe que les connaissances produites deviennent des enjeux sociaux sur des questions chaudes socialement Il tait stimulant pour clore ce dossier sur la sociologie de l enfance de sortir de lunivers de la recherche et de rencontrer les responsables de deux observatoires pour saisir une part de ces enjeux tels qu ils sont exprim s dans deux sph res bien diff rentes mais qui chacune mod le et la gestion sociale et le regard port sur l enfance Tous expriment la n cessit de disposer d un outil permettant diff rents p2. correspondent plus aux besoins Il faut inventer un nouveau concept de vacances Il faut se demander quels sont les enfants qui ont des besoins pendant les vacances quels types de besoins qui sont ces gosses qui gal rent dans des univers de b ton et qui n ont d autre possibilit que d aller se bala der dans les caves de HLM avec un transistor coll l oreille On avait besoin de comprendre tous ces probl mes l Quelle tait la situation non pas du point de vue de la demande socia le mais des savoirs disponibles n 3 1999 3 ducation et Soci t s Sociologie de l enfance 2 R gine Sirota GABRIEL LANGOU T L information est parcellaire et dispers e 11 y a des secteurs sur lesquels on manque totalement d informations par exemple sur les enfants qui tra vaillent sur la prostitution enfantine D autre part il n y a pas de lieu o on puisse rassembler les savoirs sur l enfance De plus l hypoth se courante et principale concernant la France tait qu il n y avait pas de probl me majeur concernant l enfance Par exemple les cas de maltraitance de d linquance sont consid r s comme marginaux ils font la une des m dias pendant deux trois jours puis disparaissent On consid re souvent que les probl mes de l enfance ce sont les probl mes de l UNESCO de l Afrique mais pas ceux des pays riches or c est faux Dans quelle mesure s agit il d un changement La situation
3. autour de l cole et un partenaire Hachette qui tait int ress en tant qu diteur Notre id e d une structure sp cifique d observatoire militant de l enfance a rencontr imm diatement un accueil favorable Il ne s agissait pas de cr er un laboratoire scientifique mais de recenser des informations de travailler des connaissances pour pro duire des connaissances utiles l action Nous voulons comprendre les souf frances de l enfance de fa on mobiliser des organisations et la soci t toute enti re pour que cela change Quel type d actions menez vous au sein de OEF GABRIEL LANGOU T Une de nos fonctions principales est la publication d un ouvrage par an Dans le premier il s agissait de dresser le portrait des probl mes rencon tr s par les enfants en France de discuter des id es na ves de mettre au jour les grands probl mes Le deuxi me volume est consacr aux nouvelles familles Le troisi me portera sur les handicaps Les sujets sont propos s au conseil d administration puis trait s librement par l quipe de OEF avec un dossier de synth se une partie informative statistique et pour la troisi me partie nous passons commande en faisant appel des chercheurs reconnus par la communaut scientifique sur le sujet tout en multipliant les points de vue et en croisant les approches disciplinaires Une quatri me partie plus pratique avec bibliographie r capitulative donne une li
4. de len fance s est modifi e mais n y a t il pas aussi un regard qui a chang une sen sibilit qui a volu CHRISTIAN NIQUE Les deux ont jou de mani re combin e videmment on a maintenant un regard diff rent la notion des droits de l enfant n est pas la m me aujour d hui Mais les probl mes de l enfance ont aussi chang de nature Il y a de nouveaux probl mes qui se posent Le rapport de l enfant l adulte l o il y a du ch mage et de la gal re n est pas de m me nature que dans les milieux pauvres villageois Dans les zones rurales des ann es 1930 si les enfants avaient des difficult s ils avaient des points de rep res qui ont disparu GABRIEL LANGOU T Notre travail consiste a faire changer le regard mieux d crire des situations r elles fournir une photographie mais aussi d mystifier des id es surfaites et mal faites Si on prend un des th mes du premier ouvrage la d linquance toutes les donn es statistiques font appara tre que la d linquan ce cro t Vraisemblablement la d linquance a chang mais le regard aussi a chang en particulier le rep rage de la d linquance est beaucoup plus com plexe Il y a sans doute une part de l augmentation de la d linquance qui tient l volution du rep rage selon les zones g ographiques et les poli tiques De m me il est important de montrer que le divorce n a pas le m me sens pour les diff rents milieux sociaux Le mil
5. emballage ils v rifient la qualit la vraie contenance d un produit ils sont pragmatiques Vous les d finissez comme des acteurs au sens plein du terme mais inversement comment pourrait on d finir le poids du marketing dans la construction d une culture enfantine Importante mais il est difficile de parler des enfants en g n ral Huit onze ans c est l ge cl avant six sept ans ils ont du mal faire le tri analy ser s lectionner en termes de produits ils sont relativement changeants Si on ne leur donne pas un produit qu ils r clament ils passent autre chose Alors qu huit onze ans ils construisent leur comportement de consomma teur ils sont l aff t des informations ce sont de vraies ponges Ce qu on transmet il s en impr gnent mais ils en prennent et en laissent tomber Et puis il y a la bande des copains c est une sorte de marketing indirect travers des ph nom nes d imitation Ils ne prennent pas les choses pour argent comptant s il n y a pas coh rence entre un outil de marketing un contenu de message et le produit qu il y a derri re ils voient la ficelle Quelles sont vos sources Quelles m thodologies employez vous Avant les ann es 1980 il y avait une petite oreille tourn e vers les enfants mais massivement on faisait des tudes avec les mamans En 1980 1990 on a fait massivement des tudes duo On convoquait mamans et enfants mais ils t
6. a mis l accent sur le r le des enfants ils ont t vus comme tant des acteurs part enti re Dans les ann es 1980 et 1990 on nous a pr sent les enfants comme des dictateurs absolus Les parents ont tout l ch les enfants d cident de tout C tait l enfant roi et les annon ceurs ne savaient plus trop o ils en taient entre la maman qui paie et le gamin qui d cide de tout Aujourd hui c est assez d pass on a retrouv un discours plus r aliste plus en nuances Non ce n est pas l enfant qui d cide qui choisit la voiture des parents On consid re qu il y a un vrai partenariat Quand elles font leurs courses d alimentation les m res tiennent nettement compte de l avis de leurs enfants Elles expliquent que a leur fait gagner du temps que c est ridicule de les forcer sur une marque de chocolat ou une autre Mais il y a des diff rences par secteurs par univers par ges Les enfants sont au courant de tout ils connaissent les difficult s de leurs parents Ce sont des consommateurs tr s lucides tr s avertis mais quand ils consomment ils consomment bon escient Cela ne veut pas dire qu ils sont versatiles Ils sont tr s curieux l aff t de tout mais ils v rifient avant de s emballer avant d en faire un ph nom ne avec les copains n 3 1999 3 ducation et Soci t s Sociologie de l enfance 2 R gine Sirota Contrairement aux m res ils ne se laissent pas prendre par l
7. aient s par s et on comparait leurs discours Les enfants racontaient avec une pr cision extr me Au final on les remettait ensemble et on s apercevait que les enfants taient plus vrais plus authentiques a nous permettait de faire un quilibre pour comprendre qui tait prescripteur Aujourd hui c est assez d pass on fait des groupes soit avec des mamans soit avec des enfants suivant les produits L enfant est tr s int gr tant du c t fabricant que du c t distributeur En plus nous avons un panel de mille enfants qui sont consult s en permanence par questionnaire par t l phone pour faire des groupes pour valider un sujet repartir z ro la demande des Am ricains nous avons c t du panel des raconteurs des gamins qu on a identifi s comme plus ouverts plus pointus curieux branch s Ces gamins l on les transforme en raconteurs en les quipant comme des repor ters la mission c est d tre en veil partout Quels sont vos rapports avec les disciplines universitaires constitu es LOPE est un instrument car il y a un manque de pont entre ce qu on fait nous et ce qui se fait ailleurs Nous ne sommes que des courroies de ducation et Soci t s n 3 1999 1 Sociologie de l enfance Z La constitution d un regard deux observatoires de l enfance transmission Il y a un quilibre tenir Quand on a un doute sur l interpr ta tion on fait appel des universi
8. artenaires de partager une m me connaissance de construire un regard de mettre port e des uns et des autres des savoirs jug s difficiles d acc s dont il faut pouvoir disposer dans une chelle de temps diff rente la fois de celle de la recherche et de l action imm diate Car il s agit autant n 3 1999 1 ducation et Soci t s 73 Sociologie de l enfance 2 R gine Sirota de prendre du recul par rapport l action quotidienne d en ma triser les orientations que de disposer ou de diffuser rapidement des connaissances adapt es pour ce faire Or dans le domaine de l enfance les connaissances apparaissent particuli rement parses et sujettes des jeux de repr sentation Enfants ch ris de la soci t de consommation enfants orphelins de la soci t tels sont les deux portraits que peignent d une part une soci t de marketing d autre part une association militante Double face d une m me volution sociale cette juxtaposition est destin e interpeller le lecteur sans plus de pr cautions sur les dissociations d un champ de recherche Entretien avec Armelle Le Bigot Macaux Observatoire permanent des enfants agence de marketing ABC Comment d finiriez vous l Observatoire permanent des enfants OPE LOPE est un outil qui a d marr il y a deux ou trois ans Fortement pouss par nos clients il proc de d une double d marche Nos clients des agences des fabricants demandaie
9. de la MGEN le vice pr sident est le secr taire g n ral des PEP la direction scientifique est assur e par Gabriel Langou t professeur des Universit s Nous mettons en place actuellement un conseil scientifique Notre r le est de montrer les probl mes r els dont la soci t doit se pr occuper mais il n est pas d aller sur le terrain politique Nous sommes int ress s par un double public des responsables et des d cideurs et un public de gens du terrain de praticiens pour lesquels il est utile de donner des outils relativement lisibles C est pourquoi nous parlons de valorisation de la recherche Ce public nous int resse tout autant que les d cideurs notre hypoth se tant que c est par le terrain que passent les demandes sociales de changement n 3 1999 3 ducation et Soci t s Sociologie de l enfance 2 R gine Sirota D o est venue l id e de l OEF CHRISTIAN NIQUE L id e est n e en 1995 lu pr sident des PEP dont le budget est com pris entre deux et trois milliards de francs pour red finir le projet politique de l association je suis tomb sur un vide Il n y avait pas d tudes synth tiques de tableau g n ral de l enfance dans notre pays Il tait n cessaire de disposer d tudes plus g n rales c est pourquoi nous avons contact des par tenaires le minist re de l ducation nationale la MGEN le minist re de la Sant des organisations qui gravitent
10. ieu enseignant continue de penser que c est le divorce qui cr e les difficult s des enfants l cole L OEF est fait pour que la r alit change et aussi pour que le regard change Publications L tat de l enfance en France 1997 Paris Hachette Les nouvelles familles en France 1998 Paris Hachette
11. la mise en place de l OEE Quels taient et quels sont ces probl mes CHRISTIAN NIQUE On peut en donner quelques exemples il y a des enfants SDF qui ne savent pas o dormir qui dorment dans les couloirs du m tro Il y a des enfants SDFF c est dire sans domicile familial fixe ils gal rent ils vont dormir chez l un chez l autre On peut dire qu ils n ont pas d ancrage Il y a des enfants d enfants ce sont des lyc ens qui ont des enfants qui les cachent les font garder par des pions Il y a des enfants qui ont faim c est le probl me des cantines qui est pos Il y a des enfants sans rep res sociaux sans structu ration sans affection Les PEP l origine en 1915 ont t institu es pour les orphelins de guerre Maintenant l une de leurs pr occupations majeures est de s occuper des orphelins de la soci t Ce sont les gosses envers qui la soci t ne joue pas le r le tut laire qu elle joue envers l ensemble de la soci t enfantine Les chiffres sont extr mement inqui tants il y aurait un million d enfants en situation d exclusion actuellement Chacune de nos associations d parte mentales a 15 000 enfants dans cette situation autour d elle II nous faut inventer de nouveaux dispositifs Les centres de vacances tels qu ils ont t invent s par les mouvements pour la jeunesse au moment du Front populai re pour a rer l esprit et le corps des enfants des campagnes et des villes ne
12. nt constamment resituer les r sultats ponctuels sur des produits ou des gammes dans une perspective globale pour en tester la coh rence De notre c t nous ressentions une frustration ter rible devant ce gouffre cette m connaissance de la culture enfantine de la part des clients Tout ceci m a donn l envie de cr er OPE avec comme principe que ce n est pas le client qui dicte le contenu d une tude mais nous qui prenons l initiative des sujets qui seront trait s Il y a trois id es force dans la construction de OPE une veille une interpr tation un outil d change et de proximit pour que tout le monde ait une culture commune En outre cela cr e un climat de confiance avec les clients Sur quelles th matiques travaillez vous Nous avons d fini les sujets qui nous paraissaient les plus importants Pour la premi re ann e l cole le jouet la pub le sport c est dire des th matiques assez vastes pour brosser une toile de fond du public Sachant que POPE est d fini sur trois populations d ge ceci donne l cho des jardins pour la maternelle l cho des r cr s pour le primaire et l cho des secrets pour le coll ge Puis pour la deuxi me ann e nous avons chang les th mes ducation et Soci t s n 3 1999 1 Sociologie de l enfance 2 La constitution d un regard deux observatoires de l enfance nous sommes pass aux h ros aux grands parents aux pubs aux ad
13. os Maintenant dans une troisi me tape nous allons pouvoir travailler en ten dances en cherchant comprendre ce qui est p renne et ce qui change dans l environnement et l actualit des enfants L id e c est d viter la course l information c est une sorte de veille qui est faite avec une interpr tation un mode d emploi Ils ne peuvent pas la faire dans la mesure o nos interlo cuteurs ce sont les chefs de produits les directeurs de marketing de grosses bo tes comme Mattel Danone Disney Hachette McDonalds Procter amp Gamble Ils sont toujours dans l urgence ils sont sur leur secteur produit ils n ont ni le temps ni les moyens d aller voir ce qui se passe autour Le fait de travailler avec des enfants sur des enfants qu est ce que cela introduit dans le marketing La dimension enfantine en marketing a beaucoup volu Elle n est pas nouvelle cela fait longtemps que les fabricants sont de plus en plus conscients du r le des enfants En 1972 quand j ai commenc les gens nous regardaient comme des zombies quand on arrivait avec notre discours sur l enfant prescripteur certe poque on disait quand m me c est la m re qui paie Entre 1970 et 1980 il y a un d but de prise de conscience provoqu par la limitation du temps de publicit la t l vision pour les jouets car tout le monde tait persuad que l enfant tait fascin par la publicit Cela a fait beaucoup parler on
14. ste d associations afin de fournir un outil aux militants Sur quels types de probl matique avez vous d marr vos travaux CHRISTIAN NIQUE Les PEP interviennent traditionnellement depuis 1915 aupr s des enfants handicap s des enfants en difficult s scolaires priv s de vacances pri v s de loisirs priv s d activit s culturelles en d tresse avec un dispositif de 600 tablissements des b n voles et 17000 salari s Dans les ann es soixante les besoins de l enfance se sont profond ment modifi s Jusque l la France ducation et Soci t s n 3 1999 1 Sociologie de l enfance 2 La constitution d un regard deux observatoires de l enfance tait un pays rural et sociologiquement stable Depuis la fin des ann es cin quante elle s urbanise et devient sociologiquement instable ce qui a engendr des probl mes nouveaux avec le d veloppement des banlieues des ghettos de la mis re et du ch mage Les mouvements militants comme les PEP ont besoin de red finir de recaler leur action pour r pondre ces nouveaux besoins de l enfance Les choses apparaissent progressivement des tentatives sont faites puis on s aper oit que le probl me est plus massif qu on ne le croyait partir de cette dynamique on est arriv l id e qu il fallait d finir une nouveau pro jet politique et pouvoir l asseoir sur une meilleure connaissance des difficult s de l enfance contemporaine d o
15. taires Nous avons aussi une mission de for mation qui enrichit notre vision tr s marketing mais nous travaillons avec des chercheurs qui savent aussi parler produits On les fait intervenir comme caution ou comme explication Mais en faisant attention de ne pas plaquer un discours trop interpr tatif car il y a une grande m fiance Si je faisais directement r f rence des r flexions trouv es dans la sph re universitaire je ferais peur J ai du mal faire accepter ce discours Entretiens avec Gabriel Langou t et Christian Nique Observatoire de l enfance en France OEF GABRIEL LANGOU T professeur l Universit Ren Descartes Paris V CERLIS est directeur scientifique de l OEF CHRISTIAN NIQUE est inspecteur g n ral de l ducation nationale et pr sident de la F d ration des pupilles de l enseignement public Quelle d finition donneriez vous de l Observatoire de l Enfance en France en termes de structure GABRIEL LANGOU T C est un organisme de recherche et de valorisation de la recherche assez particulier en France au service d une uvre militante pour l enfance mais ind pendant par rapport la militance sur le mod le anglo saxon C est actuellement un Groupement d int r t conomique mis en place par la F d ration des Pupilles de l Enseignement Public PEP et la Mutuelle g n rale de l enseignement public MGEN Christian Nique en est le fon dateur le pr sident est le vice pr sident
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