Les normes journalistiques à l`épreuve d`un débat engagé
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1. l extr me droite la nation le drapeau l identit nationale et qu elle introduit un 5 lien entre immigration et identit nationale Tenus un r le d observateurs les journalistes se trouvent dans une situation paradoxale rapporter un discours qu ils subissent discours politique engag neutralit journalistique et relater un d bat soci tal lui aussi politis et engag tout en conservant leur devoir de neutralit Dans le cas du traitement de la cr ation du minist re en question les journalistes ont donc t soumis aux faits mais surtout d pass s par les discours le d bat finissant par leur chapper Plac e dans l impossibilit de traiter v ritablement l effervescence qui au del des faits s est plac e sur le terrain de l id ologie la presse d information g n rale s est content e d un traitement factuel et technique et a laiss d autres le soin de couvrir le d bat Conclusion Le poids des normes a donc emp ch les journalistes de relater et relayer le d bat provoqu par la cr ation de ce minist re Tout du moins dans la presse d information g n rale et dans ses formes d critures traditionnelles Le d bat a par contre trouv refuge dans des marges journalistiques Celles ci cr ant une forme de n o presse d opinion N anmoins dans une situation fortement concurrentielle certains des glissements rep r s peuvent aussi s expliquer par un mar2. v rencielle voire technocratique de la Haye 1985 et ont multipli les citations interviews et t moignages d intellectuels de citoyens ou d associations qui ont eux assur le ton pol mique Cette utilisation d un discours indirect n est pas une nouveaut en mati re de journalisme et la parole directe donn e aux citoyens est un outil qui s est largement d velopp bien avant l Internet y compris en dehors du journalisme Ce qui est int ressant ici c est qu une telle prise de parole renvoie une vision proc durale de la d mocratie fond e sur la confrontation d opinions et la discussion Or la multiplication des interviews ou t moignages ne produit pas de discussion en tout cas pas de fa on synchrone En dehors de l Internet qui peut permettre un change mais qui y conduit rarement la confrontation n est gu re possible Il nous semble donc que cette technique de discours d l gu a moins pour objectif de contribuer la confrontation des points de vue que de 3 contourner l impossibilit qu auraient les journalistes tenus de respecter objectivit et neutralit prendre position En quelque sorte les journalistes font dire d autres ce qu ils ne peuvent exprimer Pour preuve les ditoriaux la charge de journalistes aguerris et auxquels on a retir toute vell it pol mique Riutort 2009 Les marges journalistiques ou le contournement des normes La presse g n raliste
3. Les normes journalistiques l preuve d un d bat engag Communication prononc e dans le cadre du colloque Les journalismes r alit s plurielles thique commune Universit d Ottawa 9 mai 2010 H l ne ROMEYER Ma tre de Conf rences Gresec EA 608 Fa za NA T BOUDA Doctorante allocataire monitrice Gresec EA 608 Le 18 mai 2007 Nicolas Sarkozy devenu chef de l tat cr e le minist re de l Immigration de l int gration de l Identit nationale et du d veloppement solidaire Cette cr ation suscite aussit t de vives r actions de la part d lus d associations et d intellectuels qui d noncent le lien fait entre identit nationale et immigration comme allant l encontre des valeurs et de l histoire fran aises p titions manifestations et m me d missions en font cho Des faits qui en toute logique auraient d trouver leur place dans la presse qui aurait d pu relayer le d bat Il s agit donc ici de comprendre ce qui pour nous rel ve d un paradoxe alors qu elle est consid r e et se consid re elle m me comme garante de la d mocratie la presse quotidienne d information g n rale n a pas ou peu relay un d bat dont le fondement m me porte sur les valeurs d mocratiques fran aises Les journalistes partagent pourtant une vision de leur profession comme rouage de la d mocratie voire comme agent actif de contre pouvoir Plenel 1996 Ramonet 1999 Or il fut peu quest
4. ch prendre pr server ou consolider Ainsi si le changement de discours politique en p riode lectorale renvoie explicitement la conqu te d un march ce que nous avons appel des marges journalistiques et notamment celles concernant les supports num riques ou l mergence des supports culturels comme porteurs de d bat pourraient tre analys es comme des strat gies de rattrapage sur le march des industries culturelles et m diatiques C est dans ce sens que l on peut interpr ter l int gration par les journaux d information g n rale d l ments issus du web l utilisation de vid os ou des blogues le rattrapage d un d bat qui leur a chapp Notes 1 Cette contribution pr sente les premiers r sultats du s minaire Journalisme et pratiques journalistiques du laboratoire le Gresec EA 608 Universit Grenoble 3 Stendhal Consistant en une citation de reconnaissance d adh sion de filiation de soumission de la Haye 1985 174 De nombreux travaux Proulx et Granjon notamment ont montr que les changes sur Internet sont rares nombre de questions restant sans r ponses Il s agit plus de se mettre en sc ne de s exprimer que d engager v ritablement une discussion 40 tonalit r v rencielle 16 de tonalit prudentielle 20 de tonalit technocratique 18 de tonalit politique 6 de tonalit pol mique Le terme de r f rentiel d fini par Muller r
5. envoie un espace de sens d limitant les valeurs les normes et les relations causales qui s imposent comme un cadre cognitif et normatif pour les acteurs engag s dans la confrontation de leurs int r ts R f rences DE LA HAYE Yves 1985 Journalisme mode d emploi Grenoble La pens e sauvage Ellug MULLER Pierre 1995 Les politiques publiques comme construction d un rapport au monde dans La construction du sens dans les politiques publiques D bats autour de la notion de r f rentiel Paris L Harmattan p 153 180 NEVEU Erik 2009 Sociologie du journalisme Paris La D couverte Collection Rep res PLENEL Edwy 1996 Un temps de chien Paris Gallimard RAMONET Ignacio 1999 La tyrannie de la communication Paris Galil e RIUTORT Philippe 2009 L criture d un ditorial ou comment codifier le talent dans Les genres journalistiques Savoirs et savoir faire Paris L Harmattan p 136 149 SCHLESINGER Philip et Howard TUMBER 1995 Reporting crime The media politics of criminal justice Oxford Clarendon Press
6. ion de d bats en dehors d un traitement ponctuel et factuel Ce constat nous porte questionner les pratiques professionnelles journalistiques afin de saisir ce qui dans le poids des normes et des r f rences professionnelles des journalistes p se sur le traitement journalistique de cette th matique Ainsi plusieurs glissements c est dire carts par rapport la norme journalistique de production mergent et feront l objet de la premi re partie Ces glissements constituent finalement des marges journalistiques c est dire des espaces ou critures in dits contournant certaines normes professionnelles En effet l hypoth se travaill e par ce texte s appuie sur les travaux d Yves de la Haye 1985 pour montrer que les normes professionnelles qu elles soient tangibles en termes de pratiques les rubriques les registres d critures etc ou plus symboliques l objectivisme en mati re d information p sent sur l criture journalistique elles banalisent les discours et d pouillent l actualit de ses aspects contradictoires Toutefois nous soulignerons que la logique de march des industries culturelles et m diatiques peut galement tre g n ratrice de marges journalistiques Glissements dans les pratiques journalistiques Le traitement journalistique de la cr ation de ce minist re et du d bat suscit r v le des pratiques journalistiques atypiques Plusieurs volutions ma
7. rquant le glissement de la th matique vers des espaces des supports ou des critures innovants ont t rep r es travers une analyse de corpus couvrant la p riode du ler septembre 2006 au 31 mai 2009 La premi re volution concerne les cat gories de presse ayant trait le sujet avec pour les m dias d information g n rale un premier glissement de la presse quotidienne d information g n rale vers la presse hebdomadaire magazine C est ainsi que si le journal Lib ration aborde le d bat autour de la question du minist re 83 reprises ou le Figaro 125 reprises le magazine hebdomadaire le Nouvel Observateur pour la m me p riode y revient 367 fois Le d bat semble m me chapper la presse d information g n rale pour se d velopper dans la presse sp cialis e notamment culturelle le magazine T l rama a couvert le sujet 94 reprises dans des articles sp cifiques auxquelles s ajoutent 16 critiques de productions culturelles et deux dossiers th matiques sur la question Le r cit d un d bat engag semble donc plus facile dans un magazine culturel que dans un quotidien d information Les glissements ne s arr tent pas aux cat gories mais touche galement les supports de diffusion T l rama comme au Nouvel Observateur le support en ligne du titre multiplie les sujets sur la question et permet de multiples approfondissements dossiers th matiques interviews d intellectuels 2 et de pe
8. rsonnalit s en vid o carte interactive sur les flux migratoires etc Pour le Nouvel observateur 75 6 des articles du titre sont diffus s sur le site Internet En outre les sites Internet organisent des d bats interactifs en donnant la parole aux citoyens d bats auxquels les versions imprim es non seulement encouragent participer mais se r f rent au sein de leurs propres articles le d bat en ligne devient source pour le support papier Et m me au del puisqu au Nouvel Observateur l impossibilit d une expression directe des journalistes est contourn e lorsque ces m mes journalistes sont interview s par leur coll gue du web Ce fut notamment le cas pour le r dacteur en chef et le sp cialiste des affaires trang res Trois journalistes du titre sont les invit s du Forum au m me titre que des experts ou des personnalit s politiques On retrouve la m me utilisation du web comme outil d expression des journalistes du journal Lib ration o la journaliste Fur o r f rent sur la question Le dernier glissement l uvre concerne ainsi l criture journalistique Au del de l aspect quantitatif il est curieux d observer que la presse d information g n rale ne s est pas d partie d un ton r f rentiel et prudentiel de la Haye 1985 sur ces questions En outre travers l criture journalistique les r les et les tons apparaissent les journalistes ont adopt une posture prudentielle r
9. se retrouve fortement contrainte par le poids des normes professionnelles et notamment la r f rence la notion d objectivit Celle ci est une norme d criture int rioris e par les journalistes comme fondement de leur identit Elle renvoie la fois aux notions de v racit de neutralit des faits mais aussi la pratique de s paration des faits du commentaire Neveu 2001 Yves de la Haye 1985 a montr que les registres prudentiel et r v renciel sont ceux qui d ploient le plus de signes de neutralit Dans le Nouvel Observateur entre 2006 et 2009 sur notre sujet les tonalit s prudentielle et r v rencielle concernent 50 des articles respectivement 40 et 10 pour seulement 6 de tonalit pol mique En contrepoint du traitement minimaliste de la presse d information g n rale des prises de position apparaissent dans l espace public Des formes d engagement et de politisation mergent et se retrouvent sur diff rents supports Ces expressions r v lent ainsi une large palette de formes d engagement du militantisme politique des prises de conscience plus ou moins politis es palette qui contraste avec le traitement neutralis de la presse d information g n rale Or ces formes d engagement se d veloppent sur des supports inattendus et constituent ce que nous avons appel des marges c est dire dans un type de presse ou de supports qui n est pas consid r jusque l comme porteur
10. stion de l immigration et de l identit nationale Ce nouveau ton politique place les journalistes dans une situation de tension entre d une part un discours politique tr s engag discours qui serait en rupture avec les valeurs r publicaines et d autre part une norme professionnelle bas e sur la neutralit les emp chant non seulement de commenter sur le fond mais aussi de relater le d bat tel qu il se produit Jusque l la question sensible de l immigration tait balis e la fois dans le discours politique rapport la colonisation la d colonisation l antis mitisme et au racisme et dans le discours journalistique rapport aux risques de d rives la stigmatisation des banlieues et des immigr s Pour des raisons culturelles et historiques donc mais aussi politiques et professionnelles la neutralisation du discours pour viter l engagement ces deux univers partageaient un m me r f rentiel et ce d autant plus qu institutionnels et journalistiques sont g n ralement des sources les uns pour les autres Tumber et Schlesinger 1995 Cette matrice partag e a homog n is des discours d nu s de toute forme d engagement sur la question le discours de la presse fran aise tait consensuel tout en tant marqu politiquement et en ad quation totale avec le r f rentiel politique La rupture intervient lorsque la droite r publicaine re l gitime des th matiques laiss es jusque l
11. traditionnel de ces questions presse magazine sp cialis e etc Les marges sont entendues au sens large ne recouvrant pas seulement le rapport d ext riorit la presse d information g n rale mais aussi toute criture journalistique marginale par rapport la pratique commune Nous consid rons sur cette question que le magazine T l rama incarne une de ces marges Ce magazine non d volu au traitement de l actualit s est v ritablement saisi de la question travers ses supports 4 papier et web et sur un ton plus pol mique 42 des articles que celui du Nouvel Observateur 6 Partant de critique culturelle pour monter en g n ralit ce magazine a cristallis le d bat autour de la cr ation du minist re et a impos un personnage Eric Z mour Ce journaliste chroniqueur essayiste incarne la rupture provoqu e par la re l gitimation d un discours politique de droite et par effet m canique la politisation du discours journalistique C est l occasion de ses chroniques ou de la sortie de son livre que le d bat sur ce minist re est relanc dans T l rama Et c est parce qu il se pr sente comme chroniqueur qu Eric Z mour peut adopter une posture pol mique La rupture de r f rentiel Muller 1995 La re l gitimation politique des th matiques de l identit et des valeurs nationales vient rompre un discours consensuel que partageaient jusque l journalistes et hommes politiques sur la que
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