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1. vet Selon les infirmi res et les m decins tu nous aurais quitt s sans souffrances J ai des doutes C est du moins le sentiment que tu voulais laisser Une sorte de d part dis cret sans faire de bruit comme sur la pointe des pieds avec un soup on de sourire aux l vres jusqu la fin comme pour nous dire bient t mes amis Quelle le on de courage et de dignit devant la mort En ai je t conscient ce moment l Je crains que non la encore j y reviendrai souvent je crois que je m en vou drais le restant de ma vie Je savais que tu tais en train de nous quitter oui mais je n y croyais pas non je ne parve nais pas y croire ma ch rie Je te prie encore de me pardonner J ignore de quoi sera fait demain Ce triste v nement manquera coup s r un ultime et nouveau tournant pour moi Je vais essayer de faire le r cit de ce qui va se passer dans les semaines et les mois venir je l ignore pour l instant ne serait ce que pour en garder les traces les dispositions d esprit dans lesquelles ta maladie d abord puis ta mort m ont subitement plong 182. 6 combien et je l admets Notre soci t moderne a tendance rel guer la mort de simples formalit s et quelques articles n crologiques C est d ailleurs un sujet que nous voquions rarement entre nous comme si tu voulais m pargner d avance l angoisse que ta disparition ne manquerait pas de provo quer chez moi En r alit elle frappait discr tement notre porte depuis notre retour de vacances l t dernier en Vend e Si la mort ne pr vient pas il y a des signes alar mants qui ne trompent pas amaigrissement grande 17 fatigue manque d app tit fortes douleurs lombaires dans un premier temps pulmonaire ensuite toux continue et naus es besoin de repos tr s fr quents qui ne laissaient aucun doute sur une issue dont je n tais peut tre pas suf fisamment conscient je le crains ce que je me reproche d ailleurs aujourd hui Ai je t suffisamment pr sent tes c t s pendant ta maladie Je me pose la question Je crains h las que non et je m interroge Le type de cancer dont tu es d c d e selon tes m decins aurait pour origine lointaine celui du sein pour lequel tu avais t soign e et gu rie je le croyais du moins il y a une trentaine d ann es avant notre d part pour l Iran As tu souffert Ce n est pas l impression que tu donnais ou essayais de donner durant la derni re semaine pendant laquelle tu as t hospitalis e et que j ai pass e ton che
3. j en suis rentr dans la soir e La fermeture du cercueil avait eu lieu la veille la clinique en pr sence de quelques amis tr s proches Cette formalit restera jamais grav e dans ma m moire Tu portais la robe dont tu tais v tue lors des derni res photos prises de toi en sep tembre l occasion d une promotion dans l ordre de la l gion d honneur d une de tes amies Elles figurent d sormais en bonne place dans mon bureau et ne me quittent plus depuis Je n ai pas cru devoir supprimer le message de notre r pondeur t l phonique enregistr que j coute souvent pour r entendre ta voix L id e que tu pourrais nous quitter aussi brutalement je l avoue ne m avait jamais effleur l esprit jusqu ici C est un sujet propos duquel je m interroge Vivais je ce point hors de la r alit de notre inexorable finitude et de mes devoirs d poux surtout Ton tat de sant fragile je pense au traitement chimioth rapique que tu as suivi avant notre d part d Iran puis ton entr e en dialyse apr s un long traitement de tes kystes r naux je me pose la question Non je l avoue je ne te voyais pas partir si vite J ai toujours pens goistement sans doute que c est moi qui te quitterais le premier que a devait tre crit quelque part je ne sais o Existe il une autre vie apr s la mort Cette croyance ne nous dispense pas de nous y pr parer Je ne l tais pas
4. est souvent le risque de ce type de journal r cit de sombrer dans une tristesse larmoyante 12 dans les pleurnicheries et les rodomontades sentimentales le d couragement surtout dans l introspection enfin qui vous guette chaque ligne Suis je devenu l autre comme certains le pensent aujourd hui Je laisse au lecteur le soin de juger lui m me si j y suis parvenu et o j en suis au jourd hui Notre soci t moderne d barrass e para t il des illu sions de la m taphysique et de la religion est en train de rel guer les rituels ancestraux de la mort l arri re plan disons le mot de les mettre gentiment au rancart Si nos glises ne sont pas vides loin de l si la Toussaint le jour des Morts P ques No l et les f tes religieuses sont encore respect s ce n est plus l habitude de s apitoyer sur la mort Enterrement religieux ou pas incin ration selon le cas articles n crologiques carnets du jour mis part la tentation est de plus en plus forte de restreindre cette affligeante r alit biologique au seul domaine m dical Au fait dites moi notre ami le pauvre est mort de quoi Seuls les d c s provoqu s par accidents ou catastrophes naturelles suscitent encore l attention et l int r t momen tan s du monde m diatique Par les temps qui courent disons le tout net la mort ne fait plus ses choux gras Elle est devenue un sujet strictement intime et priv q
5. m aident pour l instant accepter ma peine Ta disparition va coup s r transformer ma vie Je ne sais plus qui a crit nos douleurs sont une ile d serte Cette le chacun l aborde comme il peut Si la pri re et la foi apportent aux croyants l espoir d une nou velle vie elle ne d livre pas de mode d emploi ceux qui ne croient pas Seuls dans ce cas le courage et la r signa tion parviennent apaiser leur peine avec le temps C est avec toi d abord qui te trouves sur l autre rive d sormais dont j ai besoin de parler C est toi mon amour que je d die ces d risoires carnets de deuil Oui cette date du 10 janvier 2005 restera grav e jamais dans ma m moire et je ferai en sorte qu il en soit ainsi Passons puisqu il le faut bien aux fameuses formali t s en question Les obs ques organis es par les Pompes Fun bres G n rales de Neuilly service religieux et inhumation inclus ont t c l br es hier 13 janvier dans la plus stricte intimi t l glise Saint Marc proche du cimeti re de Caucade de Nice o tes parents avaient acquis une concession lors de la mort de ton papa en avril 1957 Je crois qu on peut dire que tout a t parfait comme il se doit Il faisait un temps magnifique un soleil radieux et un ciel sans nuages 16 comme si la nature s tait mise sur son trente et un pour t accompagner ta derni re demeure Parti le matin m me par avion
6. Avant propos Vivre c est combattre r sister survivre et nul ne le peut ind finiment A la fin il faut mourir et c est la seule fin qui nous soit promise Y penser toujours ce serait y penser trop Mais n y penser jamais ce serait renoncer a penser Andr Comte Sponville Le d c s de mon pouse en d but d ann e derni re a provoqu chez moi une profonde d tresse une perte de tous mes rep res comme une sorte d branlement de tout mon tre mais d abord un immense chagrin S y m lera un sentiment a la fois de r volte et col re contre le destin Mon impuissance a g rer ce genre de situation y ajoutera un temps une perte de confiance comme si ma propre existence avait perdu subitement tout sens pour moi Re mords et repentirs s y grefferont de surcroit Gr ce l aide pr cieuse et au soutien d amis proches de mon entourage familial au fil des mois je me suis non sans mal attach surmonter mon deuil Un sursaut pro voquera durant les mois suivants un r flexe face la mort inconscient sans doute qui allait m aider me r ins rer dans le quotidien O en suis je au moment o je r dige l avant propos de ces carnets Si La dame la faux me suit maintenant comme mon ombre elle ne me prendra plus en d faut cette fois Je l attends d sormais de pied ferme lorsqu elle voudra Je vis depuis en simple mortel La mort ne peut plus rien contre moi Un mot peu
7. ann es 1978 et 1994 quelques milliers de feuil lets tout de m me fruit des cogitations d un autre moi m me toujours un peu en retrait J ai publi compte d auteur deux livres Le premier Bien apr s les jours et les saisons a paru en 1998 Il m le changes pistolaires entre le narrateur et un certain Jean Sommeval un ami po te rimbaldien et aventurier lui aussi qui trouvera la mort dans un accident d avion en Afrique l ge de vingt cinq ans 10 Le second Tu seras un homme mon fils a paru en 2004 sous forme d un portrait r cit le premier d une s rie qui devait en comporter trois Il retrace le parcours d un ami galement proche Richard d Aubasse Rich pour les amis dont il est le personnage principal Mon modeste r le s y est limit jouer celui d interviewer indiscret Rich m aidera au fil des mois affronter l preuve qui est la mienne et me r inventer une autre vie fit elle courte vu mon ge avanc dans laquelle le besoin d criture refe ra soudain surface comme une lame de fond Si mon parcours s est plut t bien d roul je n avais pas imagin la disparition de mon pouse emport e en quel ques mois des suites d un cancer Elle m a conduit abandonner la r daction de ces portraits pour me consacrer chaud ces carnets de deuil dont je ne connais pas d exemple sous cette forme du moins Chaque individu porte en lui un secret qu il
8. ne r v le jamais totalement sauf peut tre par l criture Il m a sembl que je n avais pas le droit de m y d rober et qu il tait de mon devoir de raconter ce qu a t oui on peut dire les choses comme a le roman de notre vie Alors que j avais pr vu au d part d ajouter ces car nets un bref r cit de sa jeunesse et de son adolescence j ai d cid de l inclure ici et l dans mon journal en rapportant l pop e de sa famille maternelle celle de son arri re grand p re et grand p re polonais celle de son propre p re ce qu a t sa vie indochinoise comment s est d roul e sa brillante carri re ainsi que quelques r cits de nos voyages Se m lent dans ses carnets les h sitantes tapes de ma r insertion dans la vie active la reprise de mes voyages l tranger et les premi res appr hensions de ce qui consti tue les signes avant coureurs de la vieillesse S ils reprennent sous forme de flashs ce qui s est pass en France et dans le monde durant l ann e 2005 ce qu il est convenu de nommer l actualit n en constitue pas loin 11 de l l essentiel sinon en dessiner l aussi par petites touches discr tes la toile de fond Mon complice et mod le la fois certains de nos amis parlent de double nous sommes convenus avec Rich que nous aurions des conversations en vitant l aussi de som brer dans les grandes interrogations m taphysiques conven
9. t tre sur mon parcours Classique mainte nant bien avanc il s est partag entre plusieurs types d activit s mon job casse crotite en qualit de cadre d entreprise en France d abord a l international ensuite comme expatri en Afrique puis dans le Proche et Moyen Orient de directeur de zone pour le compte d un grand groupe fran ais en qualit de consultant ensuite S y ajou tera une forme de b n volat au sein d une association professionnelle de promotion du commerce ext rieur la quelle m occupera mi temps enfin l criture qui peu a peu gagnera du terrain Disons une vie bien remplie Pour tre tout a fait franc j ai toujours fait grace a la chance ce que j ai souhait faire dans ma vie Je n ai ja mais eu d ailleurs de sup rieur proprement parler ni de gros soucis dans ce qu on appelle le d roulement de ma carri re un mot qui m a toujours fait sourire tant elle re l ve du hasard et des circonstances J y ajouterais un besoin d une certaine libert d agir 4 mon gr Une sorte d aventurier atypique au fond c est ce que j ai t entre nous et je le suis rest toute ma vie C est finalement l attrait de l aventure la curiosit le besoin d aller d cou vrir le monde le go t d entreprendre qui finiront par l emporter Outre mes activit s professionnelles de nombreux arti cles parus dans la presse conomique j ai tenu un journal entre les
10. t dans les minutes qui suivirent une sorte de s isme motionnel en moi auquel s est m l e imm diatement une violente r action de r volte J ai eu l impression de perdre tous mes rep res je ne sais pas d un grand vide en moi Je t avais quitt e ce soir l sans imaginer une seconde que tu vivais les derni res heures de ta vie Tu m avais demand je me souviens maintenant de te recoiffer Ton joli visage peu affect par ta maladie tait tr s calme tu t es regard e dans le miroir que je t ai tendu tu m as souri comme je le faisais lorsque je quittais la clinique en me disant Il faut que nous soyons coura geux demain mon petit ch ri Je vais gu rir je te le 15 promets Nous nous embrass mes comme nous le fai sions chaque soir avant de nous endormir Sans espoir de gu rison j esp rais du moins secr te ment une r mission de quelques mois de quelques semaines je ne sais pas de quelques jours Nous sommes en fin d apr s midi J essaie de reprendre mes esprits Je suis seul dans notre appartement silencieux entour de mes livres devant mon ordinateur mon seul lien pour l instant avec le monde ext rieur Que te dire Tu me manques cruellement Sans voix d sempar je cherche en vain sans les trouver s il en existe d ailleurs les mots justes pour exprimer ma peine et mon chagrin On dirait qu ils ne viennent pas Seuls les t moignages d amiti et de soutien
11. ue cha cun affronte selon son chagrin ses croyances ou ses convictions Si Dame la mort revient souvent dans ces carnets r di g s au jour le jour si les redites y sont fr quentes l motion et le chagrin souvent mal contr l s ce dont je m excuse aupr s des lecteurs je souhaite que ce soit l amour de deux aventuriers un peu en avance sur leur temps qui finalement triomphe l amour et un ultime mes sage d esp rance dans la vie pour ceux qui ont connu cette preuve Bref ce que je me souhaite c est d essayer de tirer ma r v rence moi aussi sinon en beaut du moins la t te haute en regardant le monde les yeux dans les yeux 13 Janvier 2005 Ce 14 janvier en fin de matin e Il tait autour de quatre heures du matin lorsque la son nerie du t l phone a retenti Le temps de saisir mon portable qui ne m a pas quitt depuis plusieurs semaines Vous tes bien le mari de Madame Loreau si lence Excusez moi Oui C est pour vous informer du d c s de votre pouse Il faudrait que vous passiez nos bureaux vers huit heures nouveau long silence g n et mon interlo cuteur d ajouter s excusant nouveau Pour proc der aux formalit s Prostr depuis trois jours j ai du mal r aliser ce qui m arrive Est ce la peine ajout e au choc ressenti par cet appel nocturne la bri vet du message ce mot de formali t qui m a choqu il s est produi
12. ues sur la mort Celles ci viseront surtout a appro fondir la nature les liens qui nous ont unis et constitu s le ciment de notre couple Nul doute que ces changes et entretiens toujours brefs compte tenu de son emploi du temps aient contribu d s le d part me redonner confiance Ils m ont non seulement aid affronter mon deuil et mon combat mais facilit au demeurant ce dont je vou drais ici le remercier ma r insertion J ai pens qu il ne serait pas inutile d en faire figurer des courts extraits sous forme de quelques bribes de nos conversations formule que nous avions d j adopt e dans son propre portrait Journal plus souvent monologue avec mon pouse dis parue ces carnets permettront au lecteur je l esp re du moins de reconstituer ce qu a t pour moi l preuve de ce deuil ce que je lui dois surtout j insiste et ainsi de m acquitter d une dette d amour que je voudrais honorer avant de quitter ce monde x k k Nous sommes mal pr par s affronter la mort d un tre cher conjoint ou enfant que ce soit de maladie ou de vieillesse La population dite du troisi me ge ne cessant d augmenter la fois dans la dur e de vie et en nombre vivant souvent isol e ou en maison de retraite cette situa tion ne va pas s am liorer dans les d cades a venir Il faudra apprendre un jour aux retrait s mourir et com mencer du moins s y pr parer Pai tenu viter c
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