OPA sur l`intérêt général
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1. tat et les institutions in ternationales auraient chou Quelles comp tences sont propos es Quelle vision de la soci t refl tent leurs discours Quel nouveau statut briguent ils Comment articulent ils la prise en compte de l int r t g n ral et l organisation interne du travail au sein de l entreprise De fa on plus ou moins explicite les grands groupes fondent leur l gitimit l action sur leur responsabilit pr sent e comme d coulant naturellement de leurs potentiels multiples Forts de cet avantage comparatif ils mettent en uvre quantit d actions les engageant directement et pour lesquels ils tablissent priorit s objectifs et finalit s Les op rations de partenariats r ussis sont pr sent es tant sous forme de r sultats chiffr s que de marques de reconnaissance obtenues Le r le central de l int r t g n ral pour l entreprise et le r le de l entreprise comme vecteur de progr s pour l ensemble de la soci t civile sont une constante qui bien qu elle ne pr sente aucun caract re de nouveaut engendre une modification profonde des relations sociales avec pour valeur paradigmatique le consensus D fense de la libert individuelle protection de l environnement et lutte contre les in galit s La l gitimit des entreprises se soucier d int r t g n ral repose sur un triple constat Le devoir d agir exprime tout d abord un certain sentiment de res po2. Ce nouveau statut de l entreprise cr e des droits et des devoirs L engagement des entreprises limite le caract re gratuit de ses actes conditionn par la p ren nit m me de l entreprise c est l une des distinctions majeures entre le statut moral d une personne morale et celui d une personne physique Or l id e d une communaut au sens w b rien du terme qui pallierait l atomisation de la soci t fait grincer des dents il semble qu en France le lieu de travail ne saurait servir de cadre l panouissement de l individu quoi qu en disent C Boltanski et E Chiapello L entreprise transnationale un acteur philanthropique m lant le local et le mondial L entreprise transnationale est un acteur global dont les r les ne se limitent plus la production de biens et de services elle doit galement se soucier de sa r partition et devenir un acteur de d veloppement28 La responsabilit sociale et environnementale des entreprises fait donc office de levier gr ce auquel elles peuvent associer la soci t civile leurs activit s et ce non seulement au plan national mais surtout au plan mondial Le consensus est large sur la g n ralisation de la responsabilit d entreprise l chelle mondiale l OCDE y voit m me une premi re tape vers l laboration de normes internationales de comportement des entreprises29 L extension du nombre des acteurs de leur taille et de
3. entreprise est mettre en relation directe avec la communaut que repr sente l entreprise elle m me Il r sulte de l analyse lexicale que si les partenaires associatifs ou institutionnels sont cantonn s au local les entreprises ont elles acc s aux communaut s en d autres termes aux partenaires la 37 IMPERTINENCES 2009 38 ma trise pratique des probl mes de terrain aux entreprises le d veloppement de relations humaines directes avec les communaut s permettant de se situer sur le terrain des valeurs Comme dans le cas du d veloppement durable la citoyennet tient de la m re Gigogne utilis e le plus souvent sous sa forme g n rique elle est rarement d finie ou illustr e par des actions concr tes Si l incarnation de la citoyennet n est pas pos e comme indispensable de quoi s agit il donc Les entreprises expriment une volont de s inscrire dans un territoire g ographiquement situ et humainement d limit Or l vanescence des fronti res tant au niveau europ en qu au plan mondial d stabilise en r duisant des formalit s ce qui il y a peu encore tait signifiant la citoyennet symbolisait aussi une communaut natio nale Ce que les entreprises sugg rent n est naturellement pas le r tablissement de fronti res nationales elles promeuvent au contraire une double chelle le local et le mondial Certaines tendent susciter localement la r surgence de
4. une profonde modification structurelle de l organisation des actions de philanthropie par anticipation ou comme r action aux attentes internes et externes d boutant par la coll gialit et la complexit des r seaux les critiques d abus de bien social Des modifications structurelles et organisationnelles Une perestroika thique Parce que les activit s d int r t g n ral ne sont plus des uvres de charit mais concurrentielles avec des contraintes et les risques du march 26 et pour r pondre aux incitations de l tat et aux pressions de la soci t civile une v ri table perestro ka thique est l uvre dans l entreprise Celle ci est patente dans son statut m me comme le montre bien A Leseur27 la vision n oclassique de l entreprise comme pur rapport de force sans statut propre a c d la place une construction de l entreprise comme exp rience humaine cr atrice de valeurs et porteuse de projets Or c est pr cis ment la condition laquelle une entreprise peut tre pens e comme responsable ce que le droit fran ais reconna t depuis C CILE ROBIN 1994 Et l auteur poursuit Que penser d une entit disposant d une certaine forme d autonomie dont on juge les actions d un point de vue moral et qui accepte d tre jug e ainsi Pourrait on juger les actions d une entit qui n aurait pas de statut moral C est qu on la consid re comme sujet moral
5. est r v lateur que les fondations d entreprises bien qu ligibles aux financements publics n y aient que tr s peu recours elles n estiment n avoir de comptes rendre 31 IMPERTINENCES 2009 32 qu leur entreprise de tutelle Cela r v le certes une volont d ind pendance de part et d autre mais ne faut il pas y voir galement de la part des entreprises la n cessit de faire de leur fondation un domaine r serv Le lien fondations entreprises une filiation forte D apr s l tude men e par Ernst amp Young cit e plus haut la fondation est per ue par les trois quarts des entreprises du panel comme un organisme de l entre prise Or l entreprise et sa fondation sont autant li es que distinctes dans un int r t mutuel bien compris Tout d abord elles sont proches g ographiquement Au plan organisationnel les salari s sont dans 92 des cas mis disposition par l entreprise gracieusement dans 67 des cas surtout lorsqu il s agit des fonctions dirigeantes ceux ci s ajoutent la cohorte de salari s b n voles essentiellement affect s aux op rations de terrain dans tous les cas l expertise est le crit re le plus souvent retenu pour les affectations La structure et les m thodes de gestion de l entreprise d teignent nettement sur celles de la fondation et les enqu teurs en concluent que la fondation sert non seulement l image de l entreprise mais
6. fait office de facteur de coh sion sociale pour l entreprise et d panouissement personnel pour les collaborateurs Il y a bien s r une imbrication ind niable en termes de gouvernance le conseil d administration de la fondation est sous le contr le de l entreprise et dans les choix des domaines d actions naturellement proches des m tiers de l entreprise D autre part le caract re ph m re des fondations et le refus de la majorit de leurs responsables de viser la p rennit est certainement un frein leur man cipation41 De plus si l on observe une tendance significative l augmentation du montant des programmes d action pluriannuels42 PAP gage s il en est de la reconnaissance par l entreprise de l efficacit de sa fondation il est bon de rappeler avec Ernst amp Young que la fondation d entreprise est une fondation de flux aliment e en continu par l entreprise fondatrice on peut donc facilement y voir un conditionnement des contributions de l entreprise au fil du temps en fonction de ses objectifs propres Enfin l tude note que la majorit des fondations d entreprise n es apr s 2003 ont t cr es sans dotation initiale les entreprises restent prudentes au vu du caract re irr vocable du transfert C CILE ROBIN mais non d nu e de souplesse Malgr ces nombreuses limites l autonomie de la fondation vis vis de l en treprise cr atrice certain
7. sentiments citoyens Ceci suppose l existence d une citoyennet mondiale cer tes celle ci se d veloppe en partie gr ce la multiplication de textes et forums internationaux il serait pourtant tout fait pr matur de parler de citoyennet mondiale Cette id e tr s fran aise n est d ailleurs pas sans rappeler le devoir de civilisation d un certain Jules Ferry Le d veloppement de partenariats Les entreprises ont beau affirmer tre les mieux plac es pour r pondre aux attentes des soci t s elles n en sont pas pour autant omnipotentes Les partenariats bien plus que de simples outils de l gitimation sont une n cessit Ils sont pr sent s comme r sultant d un choix de l entreprise tant en ce qui concerne les parte naires que pour les projets eux m mes La l gitimit de ces acteurs n est pas d taill e ici mais il appara t clairement que la l gitimit d coule de la taille et de la r putation du partenaire ce qui n a rien de surprenant Le corollaire de la l gitimit est la p rennit comme les entreprises et les projets les partenaires doivent faire montre d une longue exp rience et d une vision du long terme pour justifier les sommes engag es par les entreprises D autre part la p rennit est li e l chelle g ographique dans laquelle s inscrivent les partenariats Le fait de cibler certains partenariats n est pas qu une affaire de positionnement des entrep
8. soit comme groupes sociaux soit comme individus isol s dont le seul point commun est un handicap pr cis Le position nement des groupes vis vis de cette typologie ne recoupe pas forc ment leurs activit s industrielles ou de service C est la simple pr sence des entreprises qui par l emploi et les retomb es indirectes implique directement ou indirectement les populations d favoris es Nier les besoins consisterait saper les bases de l gitimit des actions de philanthropie et par l m me s interdire toute incursion sur les terres de l int r t g n ral Le droit d coule du devoir qui est lui m me issu d une n cessit ext rieure 35 IMPERTINENCES 2009 36 Une responsabilit des groupes fond e sur leur puissance conomique leur richesse humaine et leurs comp tences gestionnaires Le lien entre le constat d une situation insatisfaisante et la conviction des groupes que c est de leur devoir d agir est tiss gr ce plusieurs fils reli s par la notion g n rale de responsabilit Celle ci est pr sent e comme proportionnelle la force des groupes c est une responsabilit essentiellement positive qui d coule de leurs richesses mat rielles et immat rielles et en font les acteurs les mieux plac s pour agir efficacement Bien que certains groupes avancent une conception naturaliste de l engagement dans des bonnes causes ou affirment qu ils s en sont toujours pr occup s
9. t g n ral en France c est toucher l identit m me de la nation l essence de l tat La philanthropie est l une des manifestations de la promotion de l int r t g n ral Le Robert d finit ainsi le philanthrope comme une personne qui s emploie am liorer le sort naturel et moral des hommes Personne qui a une conduite d sint ress e ne cherche aucun profit Je suis commer ant je ne suis pas philanthrope Cette double dialectique nombre d sint ressement et b n fices mat riels b n fices moraux semble pr sager de l impossible combinaison du profit et de la philanthropie La m me source fait tat de la polys mie int ressante du don d fini la fois comme ce qu on abandonne sans rien recevoir en change et comme avantage naturel La corr lation n est pas tablie explicite ment mais nous verrons que la l gitimation du don comme action d int r t g n ral par le don comme avantage est probl matique Le paradoxe du don comme le C CILE ROBIN rappelle Karen Nielsen2 consiste en ce que donner ne rapporte que si le don est sinc re Enfin la g n rosit cette disposition donner plus qu on est tenu de le faire Le Robert m ne au domaine des droits et des devoirs du moralement correct et de la l gislation Le flou entourant cette d finition est contrebalanc par le d veloppement de cadres normatifs tant t incitatifs tant t prescrip
10. actions compl mentaires sont regroup es au cr dit de l entreprise pour une plus grande visibilit et une plus grande clart ce qui rel ve sans doute moins de la d magogie que de la p dagogie en ce que les relations entre l entreprise et sa fondation sont fond es sur un cadre juridique complexe dont les profanes ignorent pour la plupart les m andres L importance des notations thiques Les entreprises se livrent une v ritable course aux notations thiques relayant ainsi la multiplication surtout depuis le d but des ann es 2000 des diverses agences de notations et autres pactes labor s diff rentes chelles La volont de se situer dans un cadre normatif sp cifique est la partie visible de l iceberg et aucune entreprise n estime n cessaire de justifier la l gitimit de cette d marche qui concentre elle seule l essentiel des contreparties immat rielles de l engagement des entreprises en faveur de l int r t g n ral Le fonctionnement des agences de notations ou des grands organismes de m me que les crit res d appartenance au cercle restreint de l lite mondiale de la philanthropie font parfois l objet d une description minutieuse la moiti des entreprises concern es citent au moins un organisme de notation dont elles font partie L adh sion un 41 IMPERTINENCES 2009 42 pacte permet aux entreprises de se situer une chelle mondiale La standardisa tion des crit res
11. attrait des meilleurs suivrait in vitablement Le choix des actions permettrait aux potentiels futurs salari s d lire l entreprise laquelle ils souhaiteraient apporter leur collaboration L ellipse est la suivante puisque les actions caract re philanthropique symbolisent les valeurs de l entreprise et puisque d autre part l entreprise semble tre un cadre d panouissement global de l individu les individus opteraient pour une entreprise en fonction de ses valeurs Comme l ont montr plusieurs tudes am ricaines le cadre g ographique social et culturel est ind niablement un l ment cl dans le choix des demandeurs d emploi il reste prouver que les valeurs d fendues par l entreprise entrent galement en jeu dans ce choix il faudrait surtout d terminer si les emplois les plus valoris s en mati re d int r t g n ral sont galement les mieux r mun r s Il ressort donc du corpus que l implantation locale est tant la cons quence l illustration de la bonne sant conomique de l entreprise que le fondement de sa l gitimit l action Elle est moyen et fin si tant est qu elle permet tous les acteurs dont l entreprise d en tirer profit par la mise en valeur de comp tences et par leur d veloppement permanent Le progr s l chelle globale n a de sens que s il s incarne localement Le mythe identitaire des communaut s dans le cadre d actions hors de l
12. de notation thique fait cho la normalisation des proc dures et des cadres formels entourant les actions philanthropiques au sein m me de l entreprise Cette double normalisation interne et externe permet sans doute une comp tition plus quitable entre les entreprises qui en int grant des instances mondiales ind pendantes confirment leur potentiel et leur l gitimit participer des actions de grande envergure que cautionnent indirectement les tats nationaux par l interm diaire d une organisation comme l ONU La philanthropie au service de la mondialisation C est peu dire que les d localisations et autres d centralisations des entreprises au niveau mondial ont mauvaise presse Pourtant les groupes de notre corpus ne refl tent absolument pas cette grande perplexit de la soci t civile face l extension g ographique du domaine de la lutte conomique Le monde se pr sente comme un vaste territoire connu des entreprises et ferti lis par leurs soins comme un espace global dont l unit repose moins sur des sp cificit s nationales que sur des grands groupes arm s de valeurs qui leur sont propres et qui d finissent ainsi une nouvelle segmentation g ographique dont ils sont les porte drapeaux La mondialisation est donc tout la fois potentiel d unit d un groupe et ac croissement de sa capacit d action conomique mais aussi philanthropique En effet la pr sence illustre certes
13. engendre une modification profonde des relations sociales avec pour valeur paradigmatique le consensus L omnipr sence des groupes du CAC 40 n a d gale que la virulence des critiques que leurs d tracteurs leur adressent et ces critiques redoublent quand il s agit de commenter les engagements but philanthropique de ces grandes entreprises s indignant d une OPA sur l int r t g n ral Si les PME m c nes b n ficient d un retour plus favorable dans la presse cela est d ce que deux actions similaires de partenariats ne sont pas per ues de la m me fa on selon la taille et le chiffre d affaires des entreprises concern es Les tudes men es par l Admicall et d autres organismes priv s ou publics t moignent toutes de la bonne sant du m c nat des entreprises priv es en France En parall le la presse relate toujours davantage d exp riences de partenariats publics priv s r ussis c est dire gagnant gagnant une collaboration sous forme de jeu somme non nulle dont b n ficieraient les entreprises et leurs partenaires Pourtant l int gration par l entreprise de probl matiques li es l int r t g n ral n en finit pas de poser probl me Outre les nombreux pamphlets d non ant la privatisation de l int r t g n ral et l impossible d sint ressement de structures capitalistes les mots cl s ne font pas l unanimit Ouvrir la bo te de Pandore de l int r
14. la propri t un trait de paix succ dant l tat de guerre32 Le m c nat de comp tence contre la dichotomie entreprise soci t civile Apr s tout si chacun s y retrouve 33 Ce leitmotiv est repris l envi si bien qu il semble d sormais admis que les moyens justifient les fins cette logique instrumentale caract ristique du court terme cohabite avec une implication et un engagement des entreprises sur le moyen voire le long terme Il s agit tant d uvrer concr tement pour l am lioration des conditions de vie de populations cibl es que de se situer dans une perspective t l ologique progressiste bien plus globale Ceci nous ram ne au fameux dilemme du prisonnier selon lequel la strat gie coop rative du donnant donnant est la plus robuste et permet d apr s P Pharo de contrecarrer le paradoxe de l altruisme selon lequel un organisme qui se sacrifie pour autrui est limin de la s lection naturelle34 Le m c nat de comp tences est particuli rement repr sentatif de l esprit ga gnant gagnant puisqu il ancre la philanthropie dans un change entre sp cialistes de l entreprise et de la soci t civile Ceci implique de fait une reconnaissance mutuelle et contribue l apaisement par le transfert de comp tences sp cifiques bien moins sujettes aux accusations d instrumentalisation puisque non directe ment mon taires ou mat rielles Tr s symptomatique de la soci
15. pr cit 36 Panorama Ernst amp Young des fondations d entreprise dition de 2007 37 Une fondation abrit e ou sous gide est d nu e de personnalit morale et assujettie sur le plan juridique et fiscal la fondation m re ou l Institut de France 38 Centre fran ais des fondations CFF 39 Panorama Ernst amp Young pr cit 40 Donn es du Centre fran ais des fondations 41 D apr s l enqu te de l Observatoire de la Fondation de France men e en 2006 61 des fondations d entreprises affirment ne pas vouloir poursuivre apr s la premi re p riode de cinq ans 42 Le PAP constitue un engagement l gal obligatoire de l entreprise en faveur de la fon dation d entreprise pour financer ses actions d int r t g n ral Son montant minimal est de 152449 librement r parti sur la p riode quinquennale 43 Augustin Landier Le grand m chant march d cryptage d un fantasme fran ais Paris Flammarion 2007 49
16. t immat rielle qui d finit partiellement la n tre le m c nat de comp tence permet de faire de C CILE ROBIN chaque employ volontaire simultan ment un porte drapeau de l entreprise et une personnalit reconnue comme telle relativisant ainsi la dichotomie primaire entre monde de l entreprise et soci t civile l essor des fondations Le jeu somme nulle s inscrit totalement dans le concept d externalit po sitive V ritable inversion de la main invisible selon K Nielsen35 il relie la r alisation de l objectif de rentabilit maximale de l entreprise son uvre bienfaitrice pour la communaut Le m c nat rationnel a remplac la charit Tr s loin des missionnaires de la I R publique les b n voles d entreprise transmettent les valeurs de l entreprise et visent la r alisation de ses objectifs par des savoirs et savoir faire sp cifiques L entreprise philanthrope est multiple et interactive L un des cadres id aux de l affirmation de cette double identit est la fondation cr e par l entreprise v ritable n ud du r seau elle s est impos e comme l avatar privil gi de la maison m re Une fondation d entreprise se cr e tous les douze jours en France36 L efferves cence est confirm e tant par les Centres fran ais et europ ens des fondations que par l Admical les fondations en g n ral et en particulier celles cr es par les entreprises font flor s
17. En 2005 le CFF Centre fran ais des fondations d nombrait ainsi en plus des 500 fondations reconnues d utilit publique et des 600 fondations abrit es37 150 fondations d entreprise soit deux fois plus qu en 2001 Le solde net des cr ations de fondations par les entreprises tait en 2006 de 29 contre 7 en 2002 et 16 en 2004 D apr s l Observatoire de la Fondation de France l ensemble des fondations qui comportent au moins une entreprise parmi leurs fondateurs ont d pens pour l ann e 2004 un total de pr s de 394 millions d euros 12 du budget total des fondations La m me ann e elles ont redistribu environ 161 millions d euros des tiers Les entreprises sont donc des contributeurs majeurs du secteur des fondations La cabinet d audit Ernst amp Young en conclusion de son Panorama affirme qu il ne s agit nullement d un effet de mode mais d un mouvement r el d un engouement certes r cent mais appel perdurer et se d velopper Quels ont t les d clencheurs de ce mouvement Quels rapports les fondations d entreprises entretiennent elles avec l tat et les collectivit s publiques Quels liens unissent l entreprise et sa fondation 29 IMPERTINENCES 2009 30 un moyen privil gi d ins rer l entreprise dans le monde philanthropique Cr er sa fondation est pour une entreprise un moyen privil gi de s ins rer dans le monde philanthropique L l
18. Le Cac 40 et la privatisation de l int r t g n ral C cile RoBIN Dans leur discours philanthropique les grands groupes pr tendent corriger les d s quilibres sociaux et environnementaux Mais pourquoi r ussiraient ils l o l tat et les institutions internationales auraient chou Quelles comp tences sont propos es Quelle vision de la soci t refl tent leurs discours Quel nouveau statut briguent ils Comment articulent ils la prise en compte de l int r t g n ral et l organisation interne du travail au sein de l entreprise L auteur nous montre que d une fa on plus ou moins explicite les grands groupes fondent leur l gitimit l action sur leur responsabilit pr sent e comme d coulant naturellement de leurs potentiels multiples Forts de cet avantage comparatif ils mettent en uvre quantit d actions les engageant directement et pour lesquels ils tablissent priorit s objectifs et finalit s Les op rations de partenariats r ussis sont pr sent es tant sous forme de r sultats chiffr s que de marques de reconnaissance obtenues Le r le central de l int r t g n ral pour l entreprise et le r le de l entreprise comme vecteur de progr s pour l ensemble de la soci t civile sont C cile Robin est tudiante en Master 2 d histoire conomique Paris 1 19 IMPERTINENCES 2009 20 une constante qui bien qu elle ne pr sente aucun caract re de nouveaut
19. Pourquoi les entreprises s imposent elles de tels d tours didactiques Cela participe sans doute de la 39 IMPERTINENCES 2009 40 dynamique g n rale de transparence et de la volont d afficher clairement le cadre des actions de philanthropie si nulle entreprise ne pr tend au d sint ressement beaucoup s attachent d montrer leur honn tet et leur efficacit L implication des salari s dans l entreprise dans le cadre de la fondation n est pas des plus univoques s il est dans l int r t de tous que celle ci mobilise les comp tences et les nergies l investissement pour les entreprises n est rentable qu condition que ces salari s ne soient d tach s que provisoirement au sein de la fondation et r int grent rapidement leurs fonctions traditionnelles avec le surplus de confiance que leur a apport leur engagement philanthropique L entreprise et sa fondation forment un r seau interactivit s multiples et constantes d coulant de la compl mentarit et de la proximit des deux entit s Cette structure de r seau permet la mise en place de plusieurs niveaux d actions tant g ographiquement qu en ce qui concerne l organisation et la structure des actions Si le sentiment de responsabilit des entreprises et les finalit s affich es restent souvent dans l abstrait et rel vent de d clarations de bonnes intentions il en va tr s diff remment des r sultats affich s Puisque les entrepri
20. aires sont majoritaires 68 en 2005 aux d pens des fondations op rationnelles c est en effet un moyen adapt pour organiser de fa on th matique ou r gionale la r partition des moyens financiers vers des acteurs choisis Ce mouvement suit l exemple des fondations am ricai nes distributives tr s sp cialis es et comp tentes dans l un des secteurs cibl s Les fondations s imposent donc comme moyen de s adapter aux volutions des pr occupations de la soci t civile le social et la solidarit sont depuis 2006 largement en t te des actions philanthropiques soutenues par le secteur priv un tiers des entreprises s y consacrent40 Les actions cibl es restent destin es tous les publics tout se passe comme si les fondations reproduisaient leur chelle les crit res d universalit de la culture fran aise Les incitations de l tat pour aboutir cette efficacit dans l autonomie ne sont qu une illustration du mouvement plus g n ral d encouragement la prise en charge de l int r t g n ral par des acteurs d tach s de la sph re publique Le CFF rappelle que l tat a initi un profond mouvement de r forme de l espace l gal r glementaire et fiscal favorable aux fondations Symbole de cette d l gation de pouvoirs et de l gitimit la loi de 2003 a supprim la pr sence obligatoire de repr sentants de l tat au sein des organes d lib rants Au del des symboles il
21. an de cr ations initi en 2004 suite l entr e en vigueur de la loi A llagon de 2003 est flagrant pourtant les incitations l gisla tives n expliquent qu en partie ce ph nom ne L envol r cent du nombre de cr ations de fondations s appuie galement sur la bonne r putation dont elles b n ficient Qu elles soient reconnues d utilit publi que ou non leur caract re non lucratif leur conf re une certaine immunit quant aux potentielles critiques sur leur appropriation par l entreprise fondatrice A titre d illustration bien que la loi ne leur interdise pas de d velopper des activit s co nomiques accessoires contribuant leur financement les fondations d entreprise n utilisent que tr s minoritairement cette possibilit et se consacrent surtout aux missions d int r t g n ral qui sont leur vocation premi re De m me le revenu des placements financiers r alis s par la fondation constituent des ressources d autofinancement compl mentaires reconnues mais dont la part reste faible A l origine du fort capital de sympathie et de l engouement certain38 dont les fondations jouissent se trouve galement la synth se r alis e entre un haut degr de sp cialisation et l emploi massif de b n voles les salari s ne repr sen tent que 1 7 quivalent temps plein en moyenne3 ce qui vise une efficacit maximale dans la gestion Si l on en croit le CFF le fort retentissement
22. damn e comme une insulte aux pauvres 7 Le topos de l utilitarisme est largement pr sent dans la presse et les ouvrages fran ais Les militants d Attac vont en tre tout retourn s Voil que les banques leurs pires ennemies se mettent parler comme eux de partage de g n rosit de C CILE ROBIN solidarit En un mot de philanthropie 8 L argent parce qu il est d fini tant comme vecteur de libert que comme fossoyeur du sens et des valeurs synth tise les craintes actuelles face la mondialisation Il est frappant de constater la synchronie entre les d buts de la mondialisation dans l apr s Seconde Guerre mondiale et la cr ation des grandes instances internationales et la r surgence de la question de l thique sous forme d thique conomique On peut voir dans ce parall lisme temporel l une des causes expliquant le pr jug d favorable de l opinion publique face aux entreprises transnationales et la volont des entre prises responsables d uvrer pour la soci t comme des acteurs sociaux10 ne peut d s lors que para tre suspecte Ce que la mondialisation menace n est rien de moins que le compromis historique organisant la distribution des richesses et du pouvoir dans la soci t ll L int r t g n ral la jonction de l conomique et du politique L int r t g n ral est en France une cat gorie noble minente distincte de la somme des int r ts
23. de l entreprise et de l conomie de march Pourquoi aujourd hui l thique n est elle plus une affaire de choix moral mais une n cessit organique Quelles sont les r ticences face aux r cents d veloppements du capitalisme dont l entreprise est le pivot Si le capitalisme demeure la seule forme historique ordonnatrice de pratiques collectives tre parfaitement d tach e de la sph re morale4 sa p rennit d pend de sa capacit mobiliser un d j l l gitime puis l associer l accumulation du capital La r f rence un bien commun est ainsi consubs tantielle au capitalisme et l adaptation de ce dernier divers contextes culturels n est en rien une nouveaut L incursion du capitalisme hors de sa sph re propre 21 IMPERTINENCES 2009 22 concerne galement le monde politique L articulation des trois sph res cono mique morale politique tient du rapport de force et d aucuns mettent en avant le d clin de la morale et la r sorption des pr rogatives propres au politique comme facteurs explicatifs de l h g monie de l conomique en l occurrence du capitalisme et de ses porte drapeaux les entreprises L entreprise consid r e comme immorale D apr s un r cent sondage SOFRESS les chefs d entreprise susciteraient plus de confiance que l tat ou les m dias et autant que les syndicats ou la justice Pourtant la confiance dans la bonne vol
24. ent en profonde reformulation Les divisions binaires simplistes entre le commercial et l thique l entreprise et les associa tions le salariat et le b n volat ne sont d cid ment plus l ordre du jour La p n tration de la structure du r seau dans toutes les sph res de la soci t a large ment contribu complexifier une situation qui para t d sormais incontournable et vou e se d velopper C est donc sans doute partiellement par pragmatisme que l on s accorde d finir les partenariats priv public comme jeux gagnant gagnant Puisque les termes m mes du d bat posent probl me il nous a sembl souhaitable de se faire l avocat du diable c est dire d couter les discours des entreprises propos de l int r t g n ral et d enregistrer leurs propres d fi nitions et les enjeux qu ils estiment essentiels Notre tude lexicom trique n a pour l heure aucun caract re diachronique et est focalis e sur un type unique de sources les sites Internet des entreprises du CAC 40 Le parti pris de subjecti vit implique l absence de confrontation des assertions des entreprises avec les chiffres et autres donn es objectives dont nous disposons 33 IMPERTINENCES 2009 34 Le discours des grandes entreprises pour l gitimer leurs interventions Puisque les grands groupes pr tendent corriger les d s quilibres sociaux et environnementaux pourquoi r ussiraient ils l o l
25. i ci n est plus une fin en soi au point que l on pourrait C CILE ROBIN l gitimement se demander si son usage m taphorique qu est la philanthropie n a pas d tr n sa valeur propre de profit redistribuer Les entreprises d finissent l argent comme moyen de l engagement et rendent ainsi le profit irr prochable La redistribution dans le cadre d actions reconnues d utilit publique l gitime l accumulation et la rend indispensable l action Au contraire la capacit d va luation des entreprises fait partie int grante de leurs comp tences manag riales et si elles ne r pondent pas une demande explicite de la soci t civile l va luation permet par anticipation de limiter voire de faire avorter toute critique quant une appropriation purement utilitariste par les entreprises des valeurs fondements et expressions de l int r t g n ral Il semble important de noter que les actions de grande visibilit n ont pas l exclusivit une minorit d entreprises met galement l accent sur les r sultats d actions moins clatantes et les projets d ampleur limit e occupent une place non n gligeable refl tant ainsi la volont des entreprises de promouvoir et valoriser l individu comme tel Pour conclure notons qu une exception pr s aucune entreprise ne distingue les budgets allou s la fondation de l entreprise de ceux directement men s par cette derni re Les sommes et
26. it du groupe mais s exprime galement en externe En ce qui concerne les actions philanthropiques la communication des cadres formels et moraux est clairement adress e au grand public Cette normalisation implique on s en doute des cons quences en termes de relations humaines en interne et de vision de la structure hi rarchique de l entreprise L int gration horizontale et verticale des responsabilit s appara t chapeaut e par une main invisible en interne charg e d dicter et de veiller l application des r gles thiques Il serait ridicule de parler de tyrannie morale mais on peut toutefois s interroger sur la l gitimit de groupes priv s tablir des cadres moraux sur le lieu de travail C est sans doute un risque de d rive majeure et les groupes veillent par leurs discours nuanc s et complexes ne pas tomber de Charybde en Scylla en l occurrence d un a humanisme une id ologie 43 IMPERTINENCES 2009 44 Dialogue et consensus Comme le terme de morale celui de consensus est omnipr sent sans tre cit et appara t d couler naturellement du dialogue On peut l gitimement se demander pourquoi dans la mesure o les entreprises revendiquent leur l giti mit comme d coulant de n cessit s ou de besoins remont s de la soci t civile L id e de consensus affleure en permanence par l int gration dans l entreprise de valeurs et d actions directement li e
27. la limite de la foi et donc presqu irr cusables Pour reprendre la classification de Max Weber ils joignent l thique de conviction l thique de responsabilit la rationalit instrumentale question des moyens la rationalit pratique question des fins La grande force des groupes consiste pr cis ment dans cette humanisation d une structure que leurs d tracteurs d crivent comme abstraite et inhumaine En d passant l expression juridique de personne morale pour la consid rer dans son sens litt ral l entreprise elle m me se d finit par sa personnalit l image d un individu Notons que ce mouvement bijectif entre les facteurs conomique et humain se retrouve au sein de l tat en t moigne l appellation minist re du Travail des Relations sociales de la Famille et de la Solidarit Or ce processus conduit une diff renciation des groupes du secteur en cassant l unit toute formelle et apparente du secteur priv et en faisant de chaque entre prise une personne propre les entreprises font passer leurs valeurs au premier plan valeurs dont la relativit inh rente pr te naturellement moins le flanc aux critiques et force ses d tracteurs se situer sur le m me plan Si l on ne peut plus opposer aux grands groupes priv s que des valeurs morales le capitalisme lib ral est sauf C est bien le glissement des probl matiques de l int r t priv vers l in
28. la majorit d entre eux proposent des explications plus rationnelles parfois sous forme de justification Trois th mes ressortent de l analyse lexicale la puissance conomique la richesse humaine quantitative et qualitative et des comp tences de gestionnaires Comme dans le cas voqu plus haut du potentiel humain dont les entreprises disposent leurs comp tences d coulent naturellement de leur implantation au niveau mondial Leur avantage comparatif r side dans leur sp cialisation dans leur statut d expert dans leur domaine avec pour preuve en amont leurs performances conomiques et en aval le nombre de projets men s bien Cette sp cialisation affich e fait cho celle que d veloppent de plus en plus d orga nismes gouvernementaux ou non c est un fait la bonne volont et l expertise ont chang leur statut la premi re est devenue suspecte tandis que la seconde semble d sormais tre un gage de vertu Mais la volont et le statut de sp cialiste peuvent qualifier d autres acteurs les entreprises se doivent donc d abattre un atout suppl mentaire leurs comp tences de gestionnaires Les actions cibl es par les entreprises r pondent trois types d imp ratifs elles se doivent d tre li es aux activit s de l entreprise portent une vision morale de la vie en soci t et prennent corps dans des partenariats divers Puisque les actions r pondent des besoins elles vont dan
29. la n cessit du salaire qui justifierait l adh sion des valeurs pour des raisons alimentaires l tat apporte aussi dans bien des cas des compl ments num raires Non la diff rence est la suivante on peut choisir d int grer ou de quitter une entreprise plus facilement qu on ne choisit un tat Or la dimension du choix est l un des l ments essentiels de nos soci t s Les entreprises n ont certes pas encore d tr n les tats mais force est de constater que leur int gration des moyens et des finalit s relevant traditionnellement du domaine public illustre un rapport de force in dit Conclusion On pourrait synth tiser l argumentaire des groupes de notre corpus par le syl logisme suivant majeure la soci t civile exprime des besoins sociaux environnementaux soci taux mineure les entreprises priv es sont les mieux plac es pour r pondre ces attentes C CILE ROBIN conclusion donc les entreprises priv es sont les repr sentantes de l int r t g n ral En contrepoint de cette logique implacable se pose la question de la l gitimit Pour reprendre la phrase de Ren R mond on ne commence parler de l gitimit que lorsqu elle est contest e Or bien que l engagement des groupes soit pr sent comme justifi et in vitable la notion de l gitimit est r currente et fond e sur une conscience une conviction une vocation des groupes autant de termes
30. la puissance mais justifie galement la d finition de priorit s d actions responsables par les groupes qui se d finissent comme connaisseurs privil gi s de situations locales sp cifiques et par voie de cons quence s octroient un devoir d intervention La forte pr sence du local se fait cho l implantation mondiale et permet de contrer l hostilit fran aise la rh torique de la mondialisation La soci t m re reste ainsi proche de ses compatriotes tandis que ses filiales peuvent se concentrer sur des actions plus lointaines g ographiquement mais aussi plus adapt es l offre comme la demande Si les entreprises insistent tant sur leurs implantations au niveau mondial et la diversit de leurs quipes c est bien pour affirmer le caract re indissociable des liens entre mondialisation et p rennit C CILE ROBIN L inscription dans la dur e contraste nettement avec la volont des entreprises de s adapter aux demandes manant de la soci t civile On peut d s lors se demander si la philanthropie ne doit pas tre consid r e comme la bou e de sauvetage la bouff e d oxyg ne d un secteur priv hautement concurrentiel et par cons quent accul la r alisation de b n fices dans le court terme En se resituant dans la longue dur e les entreprises renouent avec une tradition ce qui fait de l ouverture l int r t g n ral la condition sine qua non de la p rennit Paradoxale
31. leurs lieux d intervention a accompagn une modification structurelle essentielle l laboration de l entreprise comme r seau comme structure r ticulaire l chelle mondiale30 Or sur le plan th orique comme dans la pratique de l engagement philanthropique cette nouvelle organisation exige une r gulation des diff rentes composantes du syst me A Salmon n carte pas l hypoth se d un renforcement d mocratique des activit s des firmes mais l autocontr le des entreprises lui semble plus probable 27 IMPERTINENCES 2009 28 L articulation du mondial et du local en mati re de philanthropie d entreprise entre tout fait dans ce cadre en ce que cette derni re permet un ancrage territorial pour favoriser une diffusion des convictions En int grant les forces sociales dans le dialogue et l action les entreprises transforment ainsi leurs anciens adversaires obstin s en collaborateurs oblig s Cette endog n isation de la critique3l d sarme non seulement les acteurs locaux externes l entreprise mais plus g n ralement les anti capitalistes impuissants face ce nouveau fait social qu est la n gociation permanente et la multiplicit des partenariats et des groupes sociaux concern s A Fouill e gr ce la m taphore tr s parlante de naufrag s sur une le d finissait d j l assistance comme une obligation mais aussi comme une garantie une d fense de
32. mais bien la fin du monopole du d sint ressement par les extr mes les plus pauvres et les plus riches en un mot la d mocratisation du d sint ressement Affirmons avec P Rosanvallon21 Ce qu il faut faire sortir de nos t tes c est l id e que service collectif tat non marchand galit et que service priv march profit in galit C est bien le sens du goodwill anglo saxon cette survaleur associant cr ation de valeur et caract re philanthropique Le compromis post social d mocrate inclut in vitablement le patronat la soci t elle m me et l tat Le minist re de la Culture et de la Communication s emploierait il d truire lui m me les fondements de sa l gitimit sur le th me l tat providence est mort vive l tat animateur22 tiers n gociateur entre l autonomie de chacun et la responsabilit de tous23 En s affichant comme partenaire et non plus comme simple guichet subventions il ent rine la d s tatisation de l int r t g n ral et le glissement de l tat comme b quille du capitalisme au capitalisme comme b quille de l tat Il s agit bien d une reformulation du contrat social24 C est parce que l tat lui m me a amorc puis multipli les incitations la partici pation des entreprises dans les actions d int r t g n ral parce qu il a reconnu ses propres limites tant financi res que structurelles
33. ment c est donc l inscription dans le cadre priv de valeurs publiques qui permet aux grands groupes d assurer leur stabilit et leur durabilit Le reniement de la diff rence ontologique entre les deux sph res brouille les cartes de la r partition des r les et fait des entreprises un acteur comme les autres aux c t s des institutions publiques et des organismes non gouvernementaux avec pour corr lat la d dramatisation des activit s capitalistiques et le refus l gitime des entreprises d assumer plus longtemps le r le de bouc missaire d une soci t d senchant e Les textes normatifs sont pr sent s comme tant des moyens efficaces pour lutter contre les in galit s Les groupes disent mettre leur point d honneur respecter la l gislation en toute circonstance Mais au del du Code du travail et des normes sp cifiques li es l emploi la lutte contre les in galit s est int gr e plus largement dans la d marche thique des groupes mat rialis e le plus souvent par des codes chartes et autres textes L engagement au respect de principes tels qu dict s dans ces documents est un fondement essentiel tant en interne que dans le cadre des partenariats Les entreprises visent un cr dit de l gitimit aupr s du grand public dont l outil privil gi notre poque reste la r glementation La rationalisation normative clot et s applique en interne des fins fonctionnelles et d un
34. national de l chec du projet de fondation port par F Pinault est le signe que les Fran ais acceptent positivement l id e que l initiative priv e est l gitime au c ur des actions d int r t g n ral Les Fran ais n ont visiblement pas lu le Panorama Ernst amp Young qui affirme que 69 des entreprises interrog es assignent comme premier objectif leur fondation de d velopper et am liorer leurs relations avec leur environnement conomique social politique et culturel et comme second objectif de satisfaire l int r t g n ral 56 C CILE ROBIN L adaptabilit des fondations aux pr occupations de la soci t civile Quoi qu il en soit les fondations contrairement aux entreprises peuvent d s lors se permettre une communication plus directe plus diff renci e plus souple Leurs finalit s reconnues et la caution morale dont elles b n ficient leur permettent de mettre en valeur le processus d institutionnalisation en compl ment du cadre l gislatif interne qui leur est propre Par leur structure et par leur nature c est bien une vision sp cifique du temps et de l espace que les fondations d veloppent avec une adaptabilit qui les distingue ind niablement des institutions tatiques comme des entreprises Le m c nat crois se pose comme arch type de cet tat de fait Autre signe des temps depuis les ann es 1980 et l mergence des fondations d entreprise les fondations distribut
35. nsabilit des groupes vis vis de la d fense de la libert individuelle th me classique de la tradition lib rale depuis au moins trois si cles mais ici d velopp tant en interne au sein du groupe qu en externe en termes de droits fondamen taux de chaque individu La nouveaut r side dans la r conciliation de ces deux sph res pr sent es comme interd pendantes Ce droit la libert est pourtant pr sent comme tant compromis par des n cessit s mat rielles ou immat rielles auxquelles certaines populations sont soumises Cependant un constat s impose aucun des 40 groupes n apporte de d finition de la n cessit Qu il soit humain conomique culturel environnemental social ou soci tal le besoin prend des allures d vidence L aide semble l gitim e seulement par un consensus C CILE ROBIN Apr s l expression d une responsabilit et la mise en avant d une n cessit se pose un fait les groupes se pr sentent comme tant les mieux plac s pour r pondre aux probl matiques de l int r t g n ral par leurs actions de philanthropie en ce qu ils incarnent une force conomique et humaine et gr ce leurs comp tences de gestionnaires Cet avantage comparatif essentiel leur permet de mettre en avant leur propre vision du progr s d finie illustr e mat rialis e par leurs actions Dans tous les cas l engagement r sulte d une exigence qui d finit des devoirs et par cons quent de
36. ont des entreprises tenir compte des probl matiques d int r t g n ral se trouve limit e par leur objectif fondamental qu est la r alisation de profits De plus il semble toujours ill gitime qu un chef d entreprise ajoute ses profits l h donisme ce qui est en cause ici est l intrica tion de la vie priv e et de la vie professionnelle Or la seconde tant consid r e comme immorale la premi re perd de sa grandeur si bien que les attaques portent tant sur le chef d entreprise que sur l homme Malgr les efforts d A Comte Sponville ou de R Boudon visant replacer le capitalisme sur le terrain de l amoralit La main invisible n est pas davantage celle du Diable que celle du bon Dieu le dieu Mammon tient encore de l Ant christ Une perception accrue par la mondialisation C est moins l argent en soi que la disproportion et les disparit s dans les niveaux de revenu qui fait probl me Les sommes en jeu ent rineraient ainsi une asym trie qui rendrait impossible tout espoir de contre don et viserait davantage conforter les entreprises dans leur position de sup riorit C est une nouvelle version de la tr s chr tienne parabole du mauvais riche laquelle nous sommes confront s et la nette domination des banques et tablissements de cr dit parmi les m c nes ne fait qu amplifier la stigmatisation or la finance reste un univers socialement suspect et la richesse con
37. ou organisationnelles que la philanthropie d entreprise est souvent consid r e comme un abus de bien social L entreprise l instar de saint Martin offrirait une partie de ses biens mat riels ou immat riels des tiers alors que ces biens ne lui appartiennent pas 25 IMPERTINENCES 2009 26 exclusivement Certains conomistes comme M Friedman d noncent ainsi le m c nat comme vol pur et simple de l argent des actionnaires et voit comme seule justification la d rogation du principe de rentabilit la r ponse par l entreprise aux pressions l gales et sociales visant r parer les effets des d faillances du march 25 ces r ticences suivent une double ligne de force d une part il est demand l entreprise de coller son objectif premier de r alisation de profit et d autre part l int r t g n ral ne saurait empi ter sur les int r ts individuels des acteurs internes l entreprise En d autres termes ce qui manque d sormais l entreprise c est la formulation claire d un contrat social interne et la mise en place d un r el processus d mo cratique l gitimant la r partition des b n fices L tat a d l gu les finalit s en pr supposant leur adaptabilit la structure de la sph re priv e or la sp cificit de l int r t g n ral c est pr cis ment son inscription dans un processus d ci sionnel r sultant d un consensus L entreprise a op r
38. par es la rationalit utilitaire d finissant la vie conomique vs le d sint ressement caract risant la vie priv e La lev e de boucliers provoqu e par la publication de la Feuille de route de l Elys e Mme Albanel ministre de la Culture et de la Communication t moigne des nombreuses r ticences l introduction d une dose d efficacit et de rentabilit serait contraire l essence de la sph re du hors de prix D autre part le foisonnement du monde philanthropique et son institutionnalisation ont fait des activit s d int r t g n ral non plus des uvres de charit mais des actions concurrentielles avec des contraintes et les C CILE ROBIN risques du march 19 Les structures d une ONG et d une entreprise divergent elles tant La seconde aurait elle l exclusivit des hi rarchies et in galit s de salaires tandis que la premi re n aurait que faire de consid rations d efficacit La richesse emp che t elle donc toujours de passer par le chas de l aiguille du d sint ressement Une reformulation des r les de l tat et de l entreprise L engagement des entreprises dans des actions d int r t g n ral peut tre d fini comme une forme impure d altruisme o comportement thique et b n fices individuels sont troitement associ s20 Nous pourrions dire que la philanthropie est victime de son succ s Ce qui est vis n est donc pas l int ressement en soi
39. particuliers Il s ensuit une distinction franche entre le public et le priv que mat rialise dans notre pays un service public important fond sur des principes sp cifiques et une fonction publique qui en est le c ur 12 L ancien ministre de la Fonction publique Anicet Le Pors en rappelait les trois fondamentaux galit ind pendance et responsabilit Or ces trois notions sont pr cis ment celles que revendiquent actuellement les entreprises conomie politique culture des fronti res devenues poreuses Le m c nat d entreprise embryonnaire au d but des ann es 1970 a atteint en 2005 le montant d un milliard d euros13 ce qui place la France au deuxi me rang europ en Le m c nat de prestige ou de conviction d fendu le plus souvent par le chef d entreprise lui m me a c d la place un m c nat d entreprise com municationnel impliquant et repr sentant l ensemble des collaborateurs Ainsi 23 IMPERTINENCES 2009 24 en 2006 le m c nat de solidarit 66 a d pass le m c nat culturel 52 et les actions de m c nat crois lequel consiste associer des actions diff rentes dans leurs finalit s et ou dans les modalit s d application ainsi par exemple une action culturelle et une action sociale sont en forte hausse et repr sentent d sormais le tiers du totall4 La dimension politique de ce fait social est vidente et la r partition ternaire telle qu tablie pa
40. pello Le nouvel esprit du capitalisme pr cit 20 T Hommel Entreprise et histoire pr cit 21 La crise de l tat providence Paris Le Seuil 1992 1981 p 112 22 J Donzelot L invention du social Essai sur le d clin des passions politiques pr cit 23 Ibid p 260 24 P Rosanvallon La crise de l tat providence pr cit 25 Co ts et avantages des initiatives priv es dans OCDE Responsabilit des entre prises Initiatives priv es et objectifs publics 2001 26 C Boltanski et E Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme pr cit 27 L entreprise comme entit morale Entreprise et histoire n 45 d cembre 2006 Alexia Leseur est membre de la Mission climat de la Caisse des d p ts et consignations C CILE ROBIN 28 T Hommel Paternalisme et RSE continuit s et discontinuit de deux modes d or ganisation industrielle Entreprise et histoire n 45 d cembre 2006 29 Responsabilit des entreprises Initiatives priv es et objectifs publics pr cit 30 A Salmon La tentation thique du capitalisme pr cit 31 C Boltanski et E Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme pr cit 32 La philanthropie scientifique au point de vue du darwinisme Revue des Deux mondes sept oct 1882 33 Les Echos 6 octobre 2006 34 Morale et sociologie Le sens et les valeurs entre nature et culture Paris Gallimard 2004 35 Le m c nat mode d emploi
41. r sulte d une coute pr alable de l entreprise maintes fois revendiqu e et prend d autant plus de poids que l int gration des valeurs et des actions se produit tous les 45 IMPERTINENCES 2009 46 niveaux de l entreprise en abscisses comme en ordonn es Pour autant l ta blissement d un cadre normatif pr cis est pr sent comme une n cessit pour concr tiser l adage l ambition commune prime sur les int r ts individuels La d multiplication des instances d cisionnelles en mati re de philanthropie associ e leur d centralisation relative n est pas sans rappeler la structure m me de l tat fort de ses minist res commissions et experts en tous genres Outre l efficacit qu elle permet l entreprise la normalisation tient galement lieu de balises Mais quelques entreprises d passent tr s largement cette vision fonctionnaliste de l organisation normative et font de son acceptation explicite par les salari s une condition sine qua non l emploi Si les salari s adh rent et soutiennent leur entreprise ils font alors office de corps lectoral dont on peut mesurer la part de contempteurs et la part de d tracteurs des valeurs exprim es et des actions men es Il reste une diff rence majeure elle ne tient pas la dissym trie entre l employeur et l employ le citoyen tant dans une m me position d inf riorit par rapport l tat elle ne tient pas non plus
42. r C BelllS entre les domaines de l conomie r gie par l efficacit du politique fond sur l galit et du culturel visant l panouissement de la personnalit sont revoir La France et sa tra dition de s paration des pouvoirs se trouve d munie face la porosit de leurs fronti res la notion de r seau s adapte d cid ment bien mal au cart sianisme R apparaissent alors les mythes du d sint ressement et de l tat providence de nombreuses voix s l vent pour d noncer l abus de bien social dont les entreprises se rendraient coupables L entreprise peut elle tre philanthrope Quels arguments sont avanc s pour d nier toute forme de d sint ressement l engagement des entreprises en faveur de l int r t g n ral N y a t il pas des points de convergence au plan structurel organisationnel voire ontologique entre les domaines priv et public La professionnalisation et la sp cialisation des acteurs de la philanthropie sont elles r ductibles une volont d accro tre les profits d gag s par l entreprise Faut il vraiment avec T Hommell6 affirmer que la responsabilit sociale des entreprises n est qu une social license to operate un imp ratif d image en vue du maintien d une l gitimit publique voire dans T adh sion une mission sociale un brevet de r publicanismel Ou comme V Zelizerl8 tablir une division de la vie sociale en deux sph res s
43. risation du facteur humain s affirme comme outil de recrutement pour les entreprises et comme moyen pour les salari s d exprimer pleinement leur personnalit dans le cadre professionnel La mise en valeur positive de la res ponsabilit individuelle ne peut que d boucher sur la reconnaissance elle aussi positive de la responsabilit collective C CILE ROBIN L interp n tration des sph res publique s et priv e s Les entreprises d finissent leurs activit s conomiques comme appartenant des domaines relevant tant de la sph re publique que de la sph re priv e En asso ciant leurs activit s leurs valeurs et les valeurs leurs actions les entreprises s imposent comme membres actifs des deux sph res et par cons quent comme interm diaire voire m diateur social Ce statut de pivot s il est rarement d crit comme tel s impose par la juxtaposition quasi syst matique des diff rentes parties prenantes de l entreprise Cette place de choix r sulte de deux facteurs outre l implantation mondiale et locale des entreprises ces derni res s appuient sur leurs ressemblances avec la soci t dans son ensemble tant en terme de comp tences que de potentiel humain repr sentatif La repr sentativit en interne des entreprises n est naturellement pas une nouveaut mais la revendication de cette repr sentativit des entreprises est elle in dite Est ce dire que les oppo sitions de groupes sociau
44. rises il s agit bien plus de cr dibilit et d efficacit L inscription dans la C CILE ROBIN longue dur e n exclut cependant pas les actions li es des urgences humani taires Les partenariats sont de trois types ils sont dans leur majorit conclus avec des associations ou ONG en compl ment ou des fins de positionnement certaines entreprises s orientent vers des partenariats avec des repr sentants de l tat enfin les fondations d entreprise jouent un r le essentiel Par les actions engag es par les valeurs promues par le cadre dans lequel s in carne la personnalit de l entreprise la position des entreprises ressemble s y m prendre celle d une autorit tatique C est sans doute l une des raisons premi res pour lesquelles l tat n est pas cit aucune concurrence n est affich e frontalement et les d bats r currents sur les limites de l extension des pr rogati ves de l tat n apparaissent en aucun cas dans notre corpus Si l tat consid r comme pouvoir centralis la fran aise appara t peu les collectivit s locales territoriales et autres repr sentants institutionnels sont davantage pris en consi d ration En effet ceux ci comptent parmi les partenaires des entreprises dans le cadre d actions locales la cr dibilit des entreprises dans leurs engagements est indissociable des repr sentants locaux comme r f rence et comme caution garan
45. s l int r t g n ral et ainsi par l int gration de l entreprise dans le grand orchestre des acteurs incontournables de la soci t civile Le consensus s av re tre la cl ouvrant l entreprise la porte de l espace public Peut on pour autant affirmer que l entreprise a acquis le statut d instigatrice du social par sa capacit articuler le collectif et l individuel Est il l gitime de la qualifier d interm diaire entre l tat les membres de la soci t civile et les partenaires associatifs Son immixtion dans l espace public via l int r t g n ral autorise t elle d finir l entreprise comme cadre d mocratique Le consensus et son faire valoir qu est le dialogue illustrent l articulation entre l individu et le collectif Plus qu un simple outil le dialogue a une finalit en le repla ant dans le cadre social en g n ral les entreprises le pr sentent comme un l ment cl de l am lioration des relations humaines En interne le dialogue tient tant du curatif que du pr ventif mais il est dans la tr s grande majorit des cas l outil d une plus grande coh sion du groupe Les mauvais esprits y verront sans doute une volont d appropriation totale de l individu sous couvert des bonnes actions et bonnes pratiques d int r t g n ral Dans le jeu concurrentiel les entreprises s efforcent d attirer les talents en faisant appel leur sensibilit la valo
46. s l ments viennent relativiser et assouplir le lien de filiation La m me tude signale que les fondations d entreprise se d tournent de leur facult l gale de d tenir des titres des soci t s fondatrices L Observatoire de la Fondation de France note pour sa part l augmentation des fondations de m c nat d entreprise largi l on passe ainsi de 64 en 2004 74 d but 2006 Plus loign es des entreprises ces fondations sp cifiques supposent soit plusieurs cr ateurs soit que l entreprise n est pas l origine de la cr ation soit qu elles ont t cr es pour tre autonomes Le CFF lui m me reconna t la grande tension existant entre ces deux personnes morales que sont l entreprise et sa fondation la structure en r seau n est pas seule responsable du flou peu artistique maintenu sur la question les responsabilit s n ont jamais t clairement d finies et il semble que les fondations se plaisent se diff rencier nettement sur le plan thique au risque de tomber dans des extr mes variations sur le th me de l immoralit des retours commerciaux des engagements philanthropiques ou du refus de la mise en valeur de ces engagements dans la politique de communication de l entreprise Insistons sur le fait que si la question le capitalisme est il un humanisme n a pas de sens c est bien parce que sur le plan m me de la s mantique les deux termes sont pris dans un mouvem
47. s droits L utilisation du terme de mission n est gu re surprenant dans ce contexte Les exigences sont fond es sur des convictions qui d finissent la l gitimit des groupes La l gitimit est ainsi la raison et le r sultat de toute action li e l int r t g n ral Ce double lien de causalit est au c ur de la probl matique en ce que ce lien bijectif d crit le cercle vertueux dans lequel les groupes entendent se positionner Au c ur des discours se trouvent la libert de l individu la protection de l environnement et la lutte contre les in galit s Si le premier terme renvoie une conception nettement lib rale de la libert de chacun de d velopper ses comp tences le deuxi me rel ve davantage de la n cessit d une protection bienveillante tant curative que pr ventive Le troisi me terme fait r f rence des r alit s extr mement diverses dont les causes ne sont pas explicit es Les populations au profit desquelles les entreprises annoncent un devoir d agir sont extr mement diverses La lutte contre les in galit s fait ressortir des types de populations particuli rement vuln rables et d favoris es dans les domai nes de la sant de l ducation et de l acc s aux services socioculturels On ne trouve de la part des groupes aucune volont de stigmatisation de populations la dynamique est essentiellement positive et constructive Les b n ficiaires sont d finis soit g ographiquement
48. s le sens de l int r t g n ral et sont donc morales per se La symbiose de la responsabilit et de la conviction d une part et des moyens et des fins d autre part s affirme comme un puissant rempart contre l opposition primaire entre grand m chant march 3 et bonnes C CILE ROBIN uvres de service public Par ce discours les entreprises redistribuent les cartes des affrontements id ologiques et des cat gories sociales Le choix des secteurs d action bien plus qu une illustration des comp tences de l entreprise est aussi un moyen de d velopper ses comp tences En outre il permet l implication directe et massive des collaborateurs et en particulier des salari s Les entreprises choisissent les actions auxquelles elles souhaitent collaborer en s appuyant sur leur double identit le sp cialiste et le cadre de r f rence Une question br le les l vres laquelle nous n aurons pourtant pas de r ponse si les secteurs d intervention sont pr cis s quels types de salari s sont impliqu s Ceci demanderait tre analys in situ Notre hypoth se est qu une lite de bons comp tents est en train de se former parmi les salari s Mais quel r le jouent ils dans ce processus de s lection Ce qui pr te moins quivoque est le b n fice direct qu apporte l entreprise la d finition pr cise de sa sph re d intervention lire les discours de communica tion des groupes l
49. ses s imposent des devoirs et une efficacit maximale elles se doivent de prouver par des chiffres la r alisation des id aux manant de la soci t civile et mis en pratique par l entreprise en interne ou dans le cadre de partenariats Puisque les entreprises pr tendent pouvoir concilier l initiative priv e et la solidarit quelles preuves concr tes apportent elles pour valider le bien fond de leur engagement en dehors de leurs pr rogatives purement conomiques Les r sultats mis en avant font tat d un nouveau rapport largent celui ci permet aux entreprises de briguer un nouveau statut d fini par leurs propres soins comme corr lat de la reconnaissance de la part de la soci t civile de l ind niable progr s apport par la philanthropie d entreprise fortes de ce nouveau statut les entreprises ne pr sentent plus le consensus comme r sultant d une injonction de la hi rarchie mais bien comme fondement et expression du choix et de l implication de chaque collaborateur Les entreprises ne montrent pas d empressement taler des chiffres a fortiori si ceux ci se rapportent des euros En mati re de philanthropie cela rel ve encore partiellement du tabou et la modestie est de mise en la mati re L chelle n est donc pas homog ne et les chiffres sont difficilement comparables Dans les espaces consacr s aux actions philanthropiques une certaine id e de l argent fait l unanimit celu
50. t r t g n ral et vice versa qui ent rine la l gitimit du secteur priv l int r t g n ral a d livr le secteur priv de son immoralisme suppose 47 IMPERTINENCES 2009 48 NoTEs 1 Association pour le d veloppement du m c nat industriel et commercial 2 Le m c nat mode d emploi Paris Economica 2007 Site Internet du MEDEF avril 2007 La citation est de Laurence Parisot L Boltanski et E Chiapello Le nouvel esprit du capitalisme Paris Gallimard 1999 58 Le regard des Fran ais sur la responsabilit des chefs d entreprise 2002 R Boudon Le sens des valeurs Paris PUF 1999 p 195 D de Blic et J Lazarus Sociologie de l argent Paris La D couverte 2007 8 Les chos 2 f vrier 2008 9 A Salmon La tentation thique du capitalisme Paris La D couverte 2007 10 Jbid 11 S Berger Notre premi re mondialisation Paris Le Seuil La R publique des id es 2003 p 16 12 A le Pors La r volution de la fonction publique est une forfaiture Le Monde 26 septembre 2007 13 Budget total du m c nat chiffres de l Admical 14 Ibid 15 Les contradictions culturelles du capitalisme pr cit 16 Entreprise et histoire n 45 d cembre 2006 17 J Donzelot L invention du social Essai sur le d clin des passions politiques Paris Le Seuil 1994 18 La signification sociale de l argent Paris Le Seuil 2005 19 L Boltanski et E Chia
51. tifs visant contrecarrer les vell it s des philanthropes les d finir eux m mes La sp cificit de notre sujet tient pour une grande part ce qu il illustre le glissement s mantique de notions tr s sensibles car ontologiquement li es l articulation entre l individu et le collectif C est une red finition des groupes sociaux qui est ici en jeu Or les grandes entreprises priv es y jouent un r le majeur et cristallisent par l m me des craintes et des enjeux qui les d passent souvent Cette d fiance envers les grands groupes s articule autour de trois pro bl matiques le scepticisme des Fran ais envers le capitalisme p re de tous les maux le PACS entre le politique et l conomique fossoyeur des fondamentaux r publicains l volution structurelle des relations interindividuelles dans le cadre professionnel et la d licate question de la dissociation entre sph re priv e et sph re publique C est parce que les entreprises priv es et le capitalisme lib ral qu elles incarnent rel vent toujours d un n ud gordien trancher pour retrouver les valeurs fondatrices h rit es des Lumi res que leur revendication repr senter et promouvoir l int r t g n ral se heurte au mur de l incr dulit Les Fran ais et le capitalisme lib ral Le nouveau comit d thique du MEDEF a pour mission d apporter des r ponses aux nombreuses questions exprim es par la soci t civile vis vis
52. ts de l int r t g n ral par leur statut et leur fonction L tat ne diff re finalement que tr s peu d autres partenaires comme les Nations Unies ou les grandes ONG il est cit titre de r f rence de r seau permettant de multiples partenariats Mais l int r t g n ral est d finitivement mondial ou local et le niveau m so qui est celui de l tat n est pas valoris au titre d une sp cificit hexagonale parce que le niveau national n occupe qu une place tr s secondaire dans les pr occupations des grandes entreprises priv es L tat ne saurait donc tre un concurrent il n existe comme partenaire des entreprises que dans la mesure o il est d centralis et par cons quent r duit ses repr sentants locaux Le d valoriser en fustigeant l inefficacit des mesures prises ou l riger en responsable de certaines situations sociales au plan national n aurait aucun sens Pourtant par cette ellipse le Rubicon est vite franchit Puisque dans les discours analys s ici ni les entreprises ni la mondialisation ne sont responsables de l iniquit qui d autre que l tat aurait failli En tant que partenaire privil gi de l entreprise la fondation b n ficie d une description tr s d taill e de son statut juridique de son organisation interne et de son r le Les sites sont globalement tr s accessibles mais les passages consa cr s aux fondations sont de haute qualit p dagogique
53. x en interne ont cess Disons plut t que l volution du capitalisme par l ouverture des entreprises et leur adaptation aux modifications du corps social a permis en th orie aux entreprises de d passer ces clivages internes en les repla ant dans une perspective plus globale soci tale En met tant sur le m me plan le dialogue social en interne et au sein de la soci t les entreprises proc dent une op ration cathartique la repr sentativit soci tale de l entreprise lui permet d assumer les discordances internes en en faisant l une des expressions d un fait social plus global Or si l entreprise r sume son chelle les probl matiques globales qui pourrait pr tendre une plus grande l gitimit dans la revendication du statut d interm diaire Elle n est plus pr sent e comme lieu de cristallisation des injustices mais comme chantillon porteur du code g n tique social On passe ainsi d une stigmatisation une potentialit d action en faveur de l int r t g n ral Ce statut revendiqu d chantillon repr sentatif de l entreprise m ne t il irr pressiblement l instauration d un cadre d mocratique dans l entreprise L engagement des entreprises s apparente t il un r f rendum comme plusieurs l insinuent Le soutien des salari s aux valeurs et actions sociales soci tales ou environne mentales de leur entreprise est mis en avant de nombreuses reprises il
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