L`entrée dans la vie étudiante. Socialisation et apprentissages
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1. l universit varient en fonction des significations attribu es l engagement dans les tudes universitaires Certains tudiants restent plus ou moins consciemment attach s un projet de formation sup rieure courte et professionnalis e L uni versit repr sente pour eux un lieu de formation qui devrait leur fournir des enseignements pr cis et utiles On retrouve l surtout des tu diants en repli des IUT ou classes de STS des bacheliers technologiques ou professionnels plus souvent ni ois Le curriculum universitaire appa ra t en d calage avec leurs attentes c est abs trait livresque disent ils De plus ils ne comprennent pas quoi a sert D autres expriment une vision tr s instrumen tale de l universit Peu diserts sur les enseigne ments dispens s dans leur sp cialit ils vo quent surtout le statut socio conomique auquel leur passage par l universit devrait les conduire Le statut d tudiant est alors associ a une anti cipation de mobilit sociale ascendante Galland 1995 Cette perspective est assez souvent celle d enfants de milieux populaires Elle est n an moins partag e par d autres issus de milieux plus favoris s o les tudes sup rieures allaient d j de soi dans la g n ration des parents Il s agit alors de maintenir ou am liorer la position sociale h rit e sans projet ou vocation particu li re Des tudia2. d enseignement n est pas seule en cause s y ajoutent et combi nent toutes les autres modifications des modes de vie R gine Boyer INRP Charles Coridian INRP Val rie Erlich Universit de Nice Sophia Antipolis SOLIIS URMIS BIBLIOGRAPHIE BARRERE A 1997 Les lyc ens au travail Paris PUF BAUDELOT C ESTABLET R 1992 Allez les filles Paris Le Seuil BLOSS T ERLICH V 2000 Les nouveaux acteurs de la s lection universitaire les bacheliers techno logiques en question Revue frangaise de Sociolo gie vol 41 n 4 BONNET M 1997 Temporalit s tudiantes des mobilit s sans qualit s Les Annales de la Recherche urbaine n 77 BOURDIEU P PASSERON J C 1964 ed 1985 Les h ritiers Les tudiants et la culture Paris Editions de Minuit CHARLOT B 1997 Le rapport au savoir Paris Anthropos CICCHELLI V 1996 Esquisse d une typologie de la circulation des ressources familiales des tudiants in J C Eicher L Gruel Le financement de la vie tudiante Paris La Documentation fran aise Cahiers de l OVE COULON A 1997 Le m tier d tudiant L entr e dans la vie universitaire Paris PUF DUBET F 1994 Les tudiants n F Dubet et al Universit s et Villes Paris L Harmattan Coll Villes et entreprises DUMORA et al 1997 D terminismes scolaires et exp riences tudiantes en Deug de psychologie L or
3. de d m nagement et de s paration de la famille d autres travaux l ont soulign Galland 1995 Grignon 2000 Il faut alors s adapter ce nouvel habitat et au cort ge de changements qu il occasionne vivre seul e g rer un budget prendre en charge son entretien faire des courses pr parer des repas ces petits ou grands bouleversements du quotidien s ajoute pour tous la rencontre avec un nouvel espace scolaire souvent tr s vaste dans lequel il faut apprendre a s orienter Le premier rep rage de l espace universitaire s organise autour de deux cat gories de lieux ceux r ser v s aux formalit s administratives et ceux o se d roulent les enseignements Les quipements sportifs culturels ou associatifs ne font pas par tie des priorit s D une mani re g n rale la confrontation avec le nouveau lieu d tudes marque une rupture pour les tudiants La r f rence son lyc e est d ailleurs r guli re dans les entretiens effectu s Ce lyc e sert d talon pour mesurer l ampleur du changement il comp tait 1 800 l ves ressemblant par l au lieu o l on se trouve maintenant ou alors il tait petit et familial et la distance ressentie est d autant plus grande Les tudiants d butants d crivent aussi avec r gularit l effritement de leurs r seaux relation nels Ils r sument leur exp rience en disant au lyc e tout le monde se connaissai
4. des fili res litt raires et juridiques Psychologie Droit et AES que chez les scientifiques On soulignera que ces derniers ont tous obtenu un bac S alors que les origines scolaires sont largement diversifi es dans les autres disciplines De plus les tudiants des autres fili res sont confront s des disci plines totalement ou partiellement nouvelles ce qui n est pas le cas des scientifiques L orga nisation m me des fili res varie aussi suffisam ment pour infl chir les perceptions des tudiants En Droit par exemple le poids des cours magis traux renforce un sentiment d anonymat et de distance aux enseignants souvent exprim l oppos l organisation des enseignements de Sciences appara t plus proche de celle du lyc e et r duit le sentiment d tranget On ajoutera que si chaque fili re a ses propres r gles des dif f rences sensibles d organisation apparaissent l int rieur d une m me fili re favorisant ou non le suivi des tudes tutorat stages de remise niveau de pr rentr e La familiarit avec la culture scolaire classique est un atout ind niable pour les tudiants d bu tants Ceux qui expriment des difficult s dans la compr hension de leur travail sont plus souvent des nouveaux tudiants provenant plut t de milieux sociaux d favoris s et de fili res techno logiques et professionnelles Beaucoup s inscri vent dans des fili res longues de l unive
5. plus port es que les gar ons satis faire aux exigences du m tier d tudiant N anmoins elles sont moins confiantes qu eux dans leurs capacit s et entretiennent un rapport plus anxieux aux examens Duru Bellat 1994 Les d butantes envisagent aussi plus souvent de trouver un m tier qui les stimulera intellectuel lement et contribuera leur panouissement per sonnel Les tudiants quant eux mettent davantage l accent sur l attractivit mat rielle l aisance financi re et organisent plus leur avenir professionnel autour des notions de carri re et de promotion La d couverte des tudes universitaires est pour les bacheliers un temps de ruptures conju gu es et d efforts pour construire de nouveaux 104 Revue Fran aise de P dagogie n 136 juillet ao t septembre 2001 rep res et de nouveaux liens sociaux La d fini tion progressive des contours de l exp rience tudiante se fait ainsi par le jeu des interactions entre lecture des parcours ant rieurs attentes l gard de l entr e l universit et remaniement plus ou moins profond des conditions de vie Mais satisfaits inquiets ou d us apr s un semestre quasiment tous ont le sentiment d tre en train de grandir L entr e l universit est partie prenante d un processus de construction identitaire qui s effectue quelquefois douloureu sement mais transforme le rapport soi aux autres et au monde L institution
6. puisqu il a valid tous ses modules Mais l essentiel n est pas l Fr d ric insiste aussi sur l ouverture de ses int r ts et le d veloppement de son esprit critique Gr ce un temps contraint moins rigide qu au lyc e il lit plus s int resse au th tre Il a aussi d couvert d autres personnes d autres milieux d autres exp riences en fr quentant les infrastructures de l universit et en profitant des activit s qu elle offre L universit et ses alentours sont devenus pour lui un lieu de vie o il acquiert de nou velles mani res d tre et de nouvelles mani res de vivre tout en maintenant ses activit s spor tives ant rieures et une relation tr s chaleureuse avec sa m re infirmi re chez qui il r side Nice Fr d ric a le sentiment d tre en train de transformer son rapport soi aux autres et au monde au travers d apprentissages intellectuels et relationnels troitement intriqu s et il en est heureux QUELQUES PRINCIPES DE VARIATION DES PERSPECTIVES La vari t des perspectives et la diversit de tonalit des r cits de l entr e l universit sont donc patentes On tentera d ordonner cette multi plicit en indiquant quelques principes de struc turation de ces histoires individuelles inscrites et constitu es dans des rapports sociaux Les sens multiples d une inscription l universit Les transformations identitaires qu engendre entr e
7. sortir de l universit a donne un profil de quelqu un qui r ussit Il est fier comme l est son p re ouvrier tunisien d avoir obtenu un baccalaur at professionnel avec men tion d autant qu il est le seul parmi sa famille et ses copains d enfance avoir atteint un tel niveau Mais l il n arrive pas comprendre car l universit n est pas ce qu il croyait et tout y est diff rent du lyc e La formation d abord ici c est th orique on parle beaucoup les rela tions entre les professeurs et les l ves les profs sont distants ou m prisants quand ils ne sont pas racistes les crit res d valuation des devoirs qui lui sont incompr hensibles Karim estime travailler beaucoup mais ses notes ne refl tent pas ses efforts Il ne sait pas ce que les enseignants veulent et il n avait pas l habitude de faire de la litt rature Les relations entre les tudiants le d oivent aussi il voit de petits clans dont il se sent exclu Bref pour lui Puni versit constitue un univers opaque et il s estime per u tant par les professeurs que par les tu diants travers un faci s un habillement une gestuelle un langage qui le d signent comme diff rent et d plac l universit Alors il va par tir car tre tudiant a ne l int resse pas vrai ment Ce qu il veut c est r ussir quelque chose Comme Fanny Karim n est pas parvenu au terme d un semestre
8. Ce manque d encadrement la consterne Quel travail a t elle a faire puisqu on ne lui dit rien Fanny s effondre sous l accumula tion des changements qui touchent ses univers scolaire et extra scolaire Elle se r jouissait pour tant d en finir avec le lyc e et de venir Nice J en avais marre raconte t elle je me disais je fais la fac a va tre tranquille plus les parents les profs derri re mais c est vrai qu on est d us parce qu on est livr s nous m mes qu on doit se d brouiller tout seuls Le point nodal de l entr e l universit s exprimait pour Fanny en termes de lib ration des contr les et d mancipation C est pr cis ment la face posi tive des contraintes qui lui manque apr s un semestre d exp rience tudiante l encadrement le soutien et la prise en charge assur s par les parents et les enseignants Karim l impossible m tamorphose Les conditions de vie de Karim 20 ans n ont pas t boulevers es comme celles de Fanny dans la mesure ou il vit a Paris avec sa famille elles se sont m me am lior es puisque titulaire d une bourse il a pu abandonner le travail r mu n r qu il effectuait au temps du lyc e Karim est pourtant si d sempar qu il a pris la d cision de tenter une r orientation vers un BTS en alter nance la rentr e prochaine Il s est inscrit en AES parce qu il souhaite cr er une entreprise et aussi parce que
9. L entr e dans la vie tudiante Socialisation et apprentissages R gine Boyer Charles Coridian Val rie Erlich La croissance massive des effectifs universitaires et simultan ment les taux lev s d abandon ou de r orientation lors de la premi re ann e d tudes sup rieures interrogent sur les modalit s de l entr e l universit Si des travaux r cents ont affin la connaissance g n rale des conditions d tudes et de vie de la population tudiante peu se sont centr s sur les d butants pour tenter de restituer les diff rentes facettes de leur exp rience Telle est la perspective de cet article qui s attache d velopper une approche transversale de l entr e dans la vie tudiante et privil gie les relations entre formes d appren tissages et vie sociale parmi les bacheliers arrivant l universit Mots cl s tudiant sup rieur premier cycle socialisation identit sociologie de l tudiant L entr e l universit est analys e comme un passage ou processus d affiliation Coulon 1997 dont l enjeu est la transformation progres sive du lyc en en tudiant Dubet 1994 C est sur ce processus que nous nous centrerons en mettant toutefois l accent sur la diversit des facteurs qui concourent construire peu peu une identit tudiante En effet l entr e dans la vie tudiante ne peut tre per ue partir des seules modalit s d affiliation intellectuelle e
10. Nice dans quatre fili res contrast es recrutement massif Administration Economique et Sociale AES Droit Psychologie Sciences de la Vie et de la Terre SVT L interrogation portait sur les chan gements prouv s lors du passage du lyc e l universit sur les tudes ainsi que sur les conditions et modes de vie L enqu te a eu lieu plusieurs mois apr s la rentr e universitaire a la p riode de transition entre le premier et le second semestre et au moment de la prise de connais sance des premi res valuations UN TEMPS DE RUPTURES CONJUGU ES L entr e l universit met manifestement en jeu une s rie de changements touchant les diff rents domaines de la vie tudiante Une d structuration des cadres de vie et d tudes L arriv e l universit implique une rencontre avec un nouvel espace urbain dans lequel il faut apprendre se rep rer Presque tous les Pari siens d couvrent un nouveau quartier Ceux qui vivent en banlieue chez leurs parents deviennent les usagers d une ville apparemment bien peu famili re et ont souvent faire face de longs trajets quotidiens et de nouveaux modes de d placements Les provinciaux quant eux ren contrent fr quemment la grande ville o ils s installent m me si l loignement entre la r sidence familiale et le lieu d tudes n est pas toujours important L entr e l universit est plus souvent pour eux synonyme
11. e par l un d entre eux suffisants en connaissances et peut tre insuffi sants en p dagogie En effet s ils se d clarent plut t satisfaits d avoir des enseignants cal s ils se montrent plus sceptiques sur leurs qualit s p dagogiques et leur souci de faciliter le travail des tudiants et de les motiver Per us souvent comme savants les enseignants de cours magis traux ne feraient en effet pas tous beaucoup L entr e dans la vie tudiante Socialisation et apprentissages 99 d efforts pour faciliter la t che principale a leurs yeux la prise de notes Alors que les conseils prodigu s dans les sessions d accueil des nou veaux bacheliers et les prescriptions ensei gnantes elles m mes lorsqu elles sont nonc es mettent avant tout l accent sur une prise de notes intelligente fond e sur une attention soutenue en cours magistral les tudiants soulignent que les pratiques enseignantes sont diverses et que cer taines rendent l exercice peu ais Une partie des enseignants ne sont pas non plus int res sants c est dire ne se pr occupent pas vrai ment d accrocher l attention de leur auditoire Or pour une fraction des tudiants de premi re ann e l int r t pour telle ou telle mati re a encore du mal exister en dehors de la personne de l enseignant Barr re 1997 Pointant une ten sion entre le savant et le p dagogue chez leurs enseignants de cours magis
12. ence de l importance de la socialisation silencieuse Lahire 2000 qui s op re dans l organisation du temps et les rap ports entre temps contraint et temps libre Pour la plupart il faut alors prendre conscience de son temps le construire et le ma triser en l orga nisant il faut s auto motiver s auto contraindre s autodiscipliner Il faut autre ment dit se d finir soi m me un temps scolaire un temps de travail personnel un temps de loi sirs et le cas ch ant un temps de travail r mu n r Dans ce but certains conservent la division du temps de travailleur qu ils avaient acquise au lyc e d autres estiment pouvoir jouer de leur libert pour imbriquer travail et loisirs tout en maintenant leur objectif prioritaire d tudes beaucoup plus rares sont ceux qui comme Alice fonctionnent plut t par rapport aux loisirs La d couverte des enseignements universitaires leur entr e l universit les bacheliers doi vent donc s adapter des changements plus ou moins intenses de leur mode de vie alors que simultan ment ils sont confront s de nouvelles m thodes d enseignement et d couvrent des situations p dagogiques in dites celle des cours magistraux en amphith tre constituant parfois une exp rience assez d routante voquant ainsi leurs enseignants de cours magistraux les d butants partagent assez large ment l appr ciation formul
13. ent de soi auquel son entr e l universit et son installation Nice devaient selon elle r pondre A n e de deux L entr e dans la vie tudiante Socialisation et apprentissages 101 enfants d origine populaire Fanny arrive d une petite ville du Var et habite la cit universitaire La s paration d avec sa famille et l organisation universitaire l am nent vivre de mani re bien diff rente qu au temps du lyc e Elle a de longs transports effectuer dans la ville mange moins bien que chez ses parents raconte t elle est g n e aussi par la promiscuit et le bruit de la cit universitaire De plus elle est confront e la gestion de l argent de sa bourse responsabilit inconnue jusque l En ce qui concerne propre ment ses tudes les plaintes de Fanny augmen tent encore Elle aime bien la discipline qu elle a choisie mais elle a eu l habitude d ajuster ses efforts au rendement qu elle pouvait en escomp ter Comment maintenant se pr parer aux exa mens alors qu on n en conna t la date que tr s tard qu on ne sait m me pas la forme des preuves Les cours lui paraissent galement difficiles suivre car les enseignants ne tiennent pas compte du niveau de connaissances des l ves Ils parlent tout de suite avec un vocabu laire qu on ne comprend pas dit elle ajoutant qu ils veulent casser les tudiants en ne s occu pant pas d eux
14. ientation scolaire et professionnelle vol 26 n 8 DURU BELLAT M 1994 Filles et gar ons l cole approches sociologiques et psycho sociales Note de synth se Revue fran aise de P dagogie n 109 ERLICH V 1998 Les nouveaux tudiants Un groupe social en mutation Paris Armand Colin FRICKEY A dir BOYER R CORIDIAN C ERLICH V HERAUX P PRIMON J L collab 2000 La socialisation des tudiants d butants Exp riences universitaires familiales et sociales Dossiers du cation et formations n 115 GALLAND O dir 1995 Le monde des tudiants Paris PUF GRIGNON C dir 2000 Les conditions de vie des tudiants Paris PUF LAHIRE B 2000 Conditions d tude mani res d tu dier et pratiques culturelles In C Grignon dir Les conditions de vie des tudiants Paris PUF LE BART C MERLE P 1997 La citoyennet tu diante Int gration participation mobilisation Paris PUF OBERTI M 1995 Les tudiants et leurs tudes In O Galland dir Le monde des tudiants Paris PUF L entr e dans la vie tudiante Socialisation et apprentissages 105
15. is un travail pr cis est demand Ce qui ne va pas sans poser probl me beaucoup pour comprendre la nature du travail personnel accomplir Les incertitudes du travail tudiant Comment apprendre m moriser l enseigne ment re u Comment le compl ter lire Comment s y prendre et quelles sont les priori t s La r ponse ces questions sur le travail personnel appara t peu vidente En premier lieu la plupart des d butants voque l augmentation du travail personnel fournir par rapport au lyc e et dans leurs discours pr domine le senti ment qu ils ont norm ment de choses faire et qu il faut consacrer beaucoup de temps aux tudes car la fac c est pas la glande finale ment Face cet afflux de travail les tudiants font en fait preuve de comportements plus ou moins pertinents au regard des prescriptions enseignantes qui insistent sur l intensit et la tr s grande r gularit du travail Si quelques uns met tent en uvre ces conseils la plupart repoussent le travail plus tard quitte travailler dans lur gence juste avant les examens ou le font au coup par coup Le travail est alors transform en une s rie d investissements court terme calcu l s au plus pr s en fonction des b n fices sco laires attendus Les tudiants reconnaissent souvent une mau vaise r partition de leur travail personnel dans leur emploi du temps Au terme des premi res valuati
16. ma triser les ruptures co extensives l entr e l universit Sa r ussite ant rieure prenait appui sur un r seau de sou tiens tant intellectuels qu affectifs concentr s sur son lyc e Celui ci lui apparaissait comme une famille avec d une part ses a n s et guides les enseignants et d autre part ses copains Il a perdu ces rep res et ne parvient pas en reconstruire Fr d ric vers la conqu te de l autonomie Fr d ric 19 ans s est inscrit en SVT apr s avoir obtenu un bac S avec mention AB Il n a pas de projet professionnel arr t mais son but actuel est d apprendre dans le domaine qui lin t resse Il est globalement satisfait de son entr e l universit car il se sent devenir responsable et adulte Certes la circulation de l information est d fectueuse certains enseignants sont de pi tres p dagogues les liens entre cours magis traux et TD quelquefois l ches Mais ces insuffi sances sont peu importantes et stimulent plut t 102 Revue Fran aise de P dagogie n 136 juillet ao t septembre 2001 sa capacit d initiative et sa curiosit Il apprend tre autonome et ma triser l organisation de son temps et de son travail Assidu et concentr en cours il a pris l habitude de fr quenter la biblioth que pour rechercher des manuels et effectuer des exercices d entrainement avec d autres tudiants Cette m thode de travail lui a r ussi estime t il
17. ne Plus encore le temps scolaire contraint pr pond rant durant les ann es ant rieures se d fait dans la mesure o le contr le de la pr sence n est plus syst matique On soulignera encore que le passage l uni versit met en cause non seulement la r gularit de la vie lyc enne mais aussi les d coupages habituels de la journ e et de l ann e Bonnet 1997 Chaque journ e du lyc e tait faite d une succession de cours de 55 minutes cette unit horaire se substituent des s quences de dur e variable l unit trimestre se substitue le semestre unit incompr hensible puisque les tudiants notent qu elle dure en r alit peine plus d un trimestre Quel est alors l horizon tem porel pertinent La d sorganisation des rep res temporels scolaires commune tous prend une ampleur diff rente selon les modalit s de r si dence Les tudiants qui demeurent chez leurs parents conservent le plus souvent des rituels familiaux comme les r unions autour du d ner C est parmi les tudiants qui ont d cohabit que la perte des rep res temporels appara t la plus aigu Les contraintes familiales ne structurent plus alors un temps d j faiblement organis par la scolarit Cette vacance est d sign e par nombre d tudiants sous le terme r current de libert imm diatement qualifi e de fausse libert ou de libert pi ge Comme si les d butants avaient consci
18. nts nombreux et plus souvent pari siens attendent de l universit l approfondisse ment de leurs connaissances dans le domaine qu ils ont choisi Eux aussi estiment pr parer leur avenir mais en termes d acc s une profession intellectuellement int ressante Ils envisagent depuis le lyc e des tudes longues qui enrichis sent leurs connaissances du moins dans cer taines disciplines car le rapport au savoir de ces d butants est avant tout rapport aux savoirs Le savoir est en effet peu objectiv dans les dis cours de ces tudiants apprenants qui se r f rent plus ce qu ils apprennent qu au fait m me d apprendre Charlot 1997 Se situant dans une logique d apprentissage la vie tudiante les concerne galement peu et leurs changes avec leurs condisciples sont limit s aux objets sco laires Le Bart Merle 1997 Enfin d autres tudiants encore attendent plus de leur entr e l universit Ce temps serait celui du d veloppement et de l accomplissement per sonnel L institution stricto sensu n est pas appe l e seule a remplir ces fonctions Elle est prise dans un ensemble qui relie les l ments d un nou veau mode de vie incluant la distance physique et affective par rapport aux parents la gestion autonome de son travail de ses loisirs et de ses fr quentations Pour ceux la tre tudiant c est se transformer au travers d apprentissages tant intellectuels que rela
19. ons les investissements les plus produc tifs reposeraient pourtant selon eux sur la mai trise de l organisation du travail personnel soit la capacit se pr parer son propre rythme sans se laisser d passer par les ch ances Le temps et les moments consacr s au travail seraient moins importants que la capacit s auto organi ser Si cette capacit g rer l autonomie para t assez discriminante la compr hension de la nature du travail effectuer diff rencie galement les investissements tudiants et leur engagement dans un v ritable travail universitaire Les notes de cours principal support de travail et d appren tissage pour le plus grand nombre sont par exemple utilis es de mani re vari e la plupart s en tiennent ces notes tandis que d autres se livrent a un travail de recopiage une partie cherche aboutir des r sum s ou une mise en fiches qui leur permettent de synth tiser le cours Une minorit seulement se livre un travail de compl mentation et de pr cision de ces notes de cours par des recherches personnelles partir de manuels ou d ouvrages En r alit beaucoup 100 Revue Fran aise de P dagogie n 136 juillet ao t septembre 2001 se sentent d munis pour savoir ce qu il faut lire en dehors du cours surtout lorsque de copieuses bibliographies leur sont fournies sans v ritable mode d emploi Les d butants l universit doivent donc s adapter
20. rsit o leurs chances de succ s sont minimes Bl ss Erlich 2000 parce qu ils n ont pu int grer une formation sup rieure courte IUT STS Ce sont eux qui rencontrent le plus de difficult s dans appropriation des savoirs universitaires ils souffrent de l absence de connivence cultu relle Bourdieu Passeron 1964 entre leur milieu d origine et celui o ils voluent d sormais l universit Peu familiaris s avec les modalit s de la p dagogie universitaire cours magistraux travail autonome tr s loign es de leur culture scolaire ant rieure les titulaires de ces baccalau r ats y compris avec mention ne manquent pas d tre surpris par le d calage existant entre leur savoir faire acquis dans le secondaire et celui requis par la culture universitaire Je ne com prends pas pourquoi j ai eu six et demi Je vais rencontrer mon correcteur et il va m claircir les id es parce que j avais appris On soulignera enfin les diff rences d adapta tion l universit des filles et des gar ons tra vers leurs r cits les tudiantes apparaissent plus organis es dans leur travail personnel planifica tion du travail usage d un agenda et pourrait on dire plus studieuses que les tudiants comme des travaux sur les coll giens et lyc ens l ont d j soulign Baudelot Establet 1992 Elles semblent avoir int rioris l obligation du tra vail et tre
21. sidence ind pendante la double vie devient leur lot commun Erlich 1998 Dans ce paysage bouscul la famille et le ou la petite amie que l on avait d j au lyc e demeu rent des points d ancrage Si les propos restent tr s discrets sur les relations amoureuses ils s tendent beaucoup plus longuement sur les relations familiales qui semblent d ailleurs renfor c es par la distance le cas ch ant Les contacts t l phoniques sont fr quents On cherche un sou tien face des tentations de d couragement une aide pour des achats des conseils de mani re g n rale La famille largie est alors mise contribution et constitue un l ment central de ces r seaux relationnels dor navant s par s et juxtapos s que d crivent les tudiants Leur situation reste aussi tr s soumise la vie familiale car beaucoup de d butants sont encore loin d tre ind pendants financi rement L argent gagn surtout pendant les vacances scolaires permet seulement un partage des charges n go ci et de petits arrangements organis s sur des normes variables Cicchelli 1996 Des rep res temporels reconstruire L entr e l universit est aussi v cue comme un moment de d r glement du cadre temporel Au temps plein et r gulier du lyc e c tait 8 h 17 h peu pr s tous les jours se substituent l irr gularit et la discontinuit des horaires universi taires qui organisent la vie quotidien
22. t Ici personne nous connait et on connait personne En effet entr e a l universit a fait clater les groupes constitu s l un est entr en STS l autre est parti dans une autre universit ou une autre fili re M me si l on est au m me endroit les horaires divergents rendent les rencontres difficiles Les relations avec les anciens sur le lieu de r sidence familial ne sont pas non plus toujours ais es Il y a les contraintes du travail la concurrence de la relation amoureuse De nouvelles relations sont certes nou es sur le lieu d tudes mais elles apparaissent encore fra giles et li es l organisation des enseignements On rencontre telles personnes toutes les semaines en s installant dans la m me partie de l amphi th tre et en fr quentant les m mes TD Des contacts reviennent r guli rement mais ils sont ph m res et concernent chaque fois des per sonnes diff rentes C est comme des coll gues de travail dit Nathalie on se croise C est rare qu on se voie en dehors r p tent les tu diants parisiens comme provinciaux qui souli gnent aussi que la semaine est courte puisque le vendredi chacun rentre chez soi et on rencontre plus personne de la fac Le retour chez les parents en fin de semaine est en effet quasi sys 98 Revue Fran aise de P dagogie n 136 juillet ao t septembre 2001 t matique parmi les d butants disposant d une r
23. t sociale l universit Elle proc de d une ren contre entre une nouvelle culture scolaire et un nouveau statut social mais aussi d une transfor mation des cadres et modes de vie qui ensemble contribuent fa onner l identit de l tudiant L affiliation appara t donc comme un aspect de la socialisation tudiante celle ci se d clinant au travers de divers processus par lesquels les tudiants construisent leur identit propre Dans cette perspective nous cherche rons d abord identifier les changements qui caract risent les diff rents domaines d exp rience significatifs pour les d butants Les his toires singuli res d tudiants pr sent es ensuite permettront de pointer quelques unes des trans formations identitaires types qui caract risent l entr e l universit La mise en vidence de repr sentations diversifi es de l universit et des Revue Fran aise de P dagogie n 136 juillet ao t septembre 2001 97 105 97 tudes sup rieures mais aussi de situations objectivement diff renci es conduira enfin esquisser quelques principes de variation des modalit s d entr e l universit Les analyses pr sent es issues d un projet de lINRP et d une convention d tude avec la Direction de la programmation et du d veloppe ment du Minist re de l ducation nationale Frickey et al 2000 s appuient sur 80 entre tiens conduits sur deux sites Paris et
24. tant bien que mal des modalit s d enseignement qui les surprennent et d stabili sent Amen s conduire eux m mes leur travail personnel ils acqui rent ou non un certain nombre de comp tences qui leur permettent de r pondre au moins en partie aux exigences des tudes universitaires Coulon 1997 Il faut en fait apprendre apprendre dans un contexte o il n y a pratiquement plus de devoirs la mai son impos s ni de contr les et d valuations r guliers qui guident le travail accomplir Dans leurs discours les tudiants parlent tr s fr quem ment sans le nommer de ce flou p dagogique qui caract rise les premiers cycles universitaires Oberti 1995 Pour une bonne partie d entre eux seule la sanction des examens de fin de premier semestre leur donnera l occasion de s interroger v ritablement sur leurs m thodes de travail tout au moins pour ceux qui surmontent le d courage ment qu elle peut susciter QUELQUES HISTOIRES SINGULI RES D ETUDIANTS DEBUTANTS ESQUISSE D UNE TYPOLOGIE DES EXPERIENCES Si l apprentissage de nouveaux dispositifs insti tutionnels et de nouvelles formes de travail tien nent une large place dans l exp rience des d bu tants leurs r cits d signent bien d autres domaines charg s pour eux de significations Pris dans un temps de ruptures conjugu es confron t s de nouvelles conditions de vie et une nou velle culture scolaire les tudian
25. tionnels L entr e dans la vie tudiante Socialisation et apprentissages 103 Les positions sont toutefois instables Dumora et al 1997 dans la mesure o le sens donn l inscription dans les tudes sup rieures se construit et reconstruit dans le d roulement de l ann e universitaire Des situations objectivement diff renci es La vari t des perspectives para t d autre part associ e des situations objectivement diff ren ci es qui concernent les conditions de vie la s paration ventuelle d avec les parents la ren contre avec un nouvel espace urbain la prise en charge de sa vie quotidienne et quelquefois l exercice d un travail r mun r Les tudiants qui cumulent ces changements pr sentent une approche de l entr e l universit rarement cen tr e sur l adaptation proprement scolaire Les pr occupations quotidiennes l emportent alors dans les discours de ces d butants surtout pro vinciaux puisque comme on l a vu ils sont plus souvent confront s ces situations que les Parisiens Au point que ces derniers se donnent plus fr quemment voir comme des lyc ens prolong s tandis que les d butants ni ois apparaissent davantage comme des jeunes en voie d autonomisation Les r cits de l entr e dans l institution universi taire varient aussi selon la fili re d inscription Les changements per us par rapport au lyc e sont plus marqu s parmi les tudiants
26. traux les tu diants portent un jugement globalement plus favorable l gard des charg s de TD ou TP Cette situation p dagogique rappelle certains ce qu ils ont connu au lyc e et facilite les changes avec les enseignants qui de fait sont plus accessibles Les charg s de TD compte tenu de leur recrutement ont galement l avan tage d tre souvent plus jeunes que les profes seurs d amphith tre et d apparaitre ainsi comme plus proches M me si les TD paraissent g n ralement faci liter la compr hension et l assimilation des connaissances expos es en cours magistral des griefs ne manquent pas d tre formul s Confront s l encore une diversit des pra tiques enseignantes les tudiants indiquent que la coordination p dagogique entre enseigne ments magistraux et enseignements de TD est mise en uvre de fa on fort vari e Ils expriment galement leur malaise d finir la finalit des uns et des autres Les s ances de tutorat assu r es par des tudiants avanc s ne sont pas non plus bien d finies Si beaucoup ont entendu par ler de cette offre de soutien peu y avaient eu recours Les d butants soulignent aussi leurs dif ficult s saisir ce qui est attendu d eux et constatent que si certains charg s de TD mon trent la voie suivre tous sont loin d avoir le m me niveau d exigences puisque certains ne corrigent m me pas le travail qu ils demandent si toutefo
27. tre et fait un bilan positif de son entr e l universit Elle tu die ce qu elle a vraiment choisi et se sent res ponsable de la gestion de son temps comme de son travail Elle exprime un seul regret l univer sit lui para t tr s impersonnelle d une mani re g n rale et les relations entre les tudiants lui semblent superficielles Aucun lieu n est pr vu pour qu ils puissent se r unir et prolonger les contacts nou s lors des cours Pourtant cette lacune l affecte assez peu finalement dans la mesure o elle a conserv ses relations de lyc e et de quartier qu elle rencontre lors d activit s sportives ou sa paroisse Ma vie est tr s agr able conclut elle moi de me prendre en charge et de faire le mieux possible quand mes parents me soutiennent et me permettent de faire mes tudes dans des conditions plus faciles que pour d autres L entr e l universit d Alexandra s inscrit dans la continuit de ses exp riences pr c dentes sans engendrer de changements profonds ni dans son mode de vie ni dans la place donn e ses tudes ni dans sa mani re de travailler Fanny une adaptation douloureuse Fanny titulaire d un bac L a 19 ans et demi Elle s est inscrite en Psychologie parce qu elle voulait savoir le comportement des gens Elle n indique de projets ni en termes scolaires ni en termes professionnels mais exprime un souci d ouverture et de d veloppem
28. ts sont amen s interroger leurs investissements intellectuels et affectifs et les r agencer en r action aux per turbations ressenties Ils produisent ainsi des r cits aux couleurs vari es de leur passage du lyc e l universit La pr sentation de quatre portraits contrast s vise faire saisir l amplitude des domaines d exp rience signifiants et la diver sit des r am nagements op r s par les d bu tants Elle permet de d gager quelques formes de transformation identitaire co extensives de l en tr e l universit Alexandra la continuit dans le changement Alexandra 19 ans a obtenu un bac S Elle appr ciait la rigueur de la d marche scientifique et s est inscrite en Droit la fois parce qu elle pensait retrouver l des exigences de m thode et parce qu elle envisage de rentrer un peu plus tard Sciences Po pour travailler dans les relations internationales comme sa m re Alexandra vit avec ses parents Paris pr s de son universit Un peu d sorient e au d part par la nouveaut de certaines mati res du travail effectuer et des crit res d valuation elle estime s tre bien adap t e en s appuyant sur les m thodes de travail qu elle avait acquises au lyc e Tr s assidue en cours elle travaille avec r gularit alternant recherches en biblioth que en semaine et t ches de longue haleine le week end Elle a r ussi toutes les preuves du premier semes
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