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1. Bernard Pivot 2009 le d crit comme de 1 Alexandre Dumas revisit par le Nouveau Roman 71 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 surtout les sujets r currents dans son travail savoir les relations entre les hommes et les femmes et plus pr cis ment les histoires d amour qui tournent mal On s aper oit ainsi que le besoin de classer si visible lors de la publication des premiers romans de ces auteurs a donn lieu une tentative de saisir les caract ristiques sp cifiques du travail de chaque romancier bien que l on continue d tablir des rapports entre eux et des auteurs consacr s qui les pr c dent De nos jours il est m me devenu clair qu il y a des diff rences dans la place que la recherche en litt raire et par cons quent probablement l histoire litt raire r servera ces auteurs Echenoz et Toussaint s cartent visiblement de Chevillard et de Gailly pour ce qui est du nombre d tudes qui portent sur leur travail du nombre de traductions qui ont t faites de leurs textes et de l inclusion de leurs romans dans le curriculum scolaire Il est impossible de ne pas rep rer dans l volution de la r ception de ces romanciers des ressemblances avec celle des Nouveaux Romanciers Comme Echenoz Toussaint Gailly et Chevillard ceux c1 appartenaient une g n ration de romancie
2. le d veloppement de la maladie est d crit comme une guerre sophistiqu e laquelle nous pr parent et nous habituent les fantasmes de nos dirigeants ainsi que les jeux vid o A l re de Star Wars et de Space Invaders le sida s est r v l tre une maladie id alement compr hensible Sontag 1998 137 L image du videogame entra ne galement l id e que le virus est le v hicule d informations g n tiques Cette transformation des cellules par le virus conna t un d placement du jargon m dical vers l univers informatique la m taphore virale d signant les programmes pirates les virus du software M dias et m decine puisent nouveau dans un registre commun pour d signer leurs maux in dits Mais la visualisation grandissante de l volution virale produite par l imagerie m dicale agit directement sur l imaginaire des malades soudain d munis face cette port e au grand jour de leur h moglobine Le narrateur du Protocole compassionnel dit cette perte d intimit et de confidentialit Mon sang d masqu partout et en tout lieu et jamais moins d un miracle sur d improbables transfusions mon sang nu toute heure dans les transports publics dans la rue quand je marche toujours guett par une fl che quand je marche qui me vise chaque instant Guibert 1991 14 Il n est sans doute gu re surprenant que le plus r cent l ment transformateur du monde
3. Passer en douce la douane l criture minimaliste de Minuit Amsterdam Atlanta Rodopi SIMONIN Anne 1994 Les Editions de minuit 1942 1955 le devoir d insoumission Paris IMEC TOUSSAINT Jean Philippe 1994 in AMMOUCHE KREMERS Mich le HILLENAAR Henk ds 1994 Jeunes auteurs de minuit Amsterdam Atlanta Rodopi VAQUIN Agn s 2012 Un faux air de rien La Quinzaine Litt raire 1 15 f vrier lt URL http www leseditionsdeminuit fr f index php sp liv amp livre_id 2708 gt consult le 12 V 2012 VIART Dominique ed 1998 critures Contemporaines 1 m moires du r cit Paris Caen Lettres Modernes Minard 75 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 CONDITIONS DE POSSIBILIT DE L HISTOIRE DES FRANCOPHONIES DANS LES ANNEES 1980 QUELQUES R FLEXIONS MARIA HERM NIA A LAUREL Un de Aveiro ILC Margarida Losa hlaure O ua pt R sum Nous nous proposons d tudier les rapports entretenus entre la discipline d histoire litt raire et un domaine d tudes qui redessinait ses contours pist mologiques id ologiques et m thodologiques pendant la d cennie les tudes francophones La constitution de ces tudes s est r v l e le lieu d un d bat fructueux pour l avenir des tudes litt raires dont les enjeux ont d pass les f
4. 148 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 un ensemble de quarante cinq textes autobiographiques Renaud Camus expose sans aucune m taphore ses br ves rencontres sexuelles Dans la pr face du livre Roland Barthes loue la simplicit du texte l absence d ornements rh toriques Les sc nes rotiques doivent tre d crites avec conomie L conomie ici est celle de la phrase Le bon crivain est celui qui travaille la syntaxe de fa on entra ner plusieurs actions dans l espace du langage le plus court il y a chez Sade tout un art des subordonn es la phrase a pour fonction en quelque sorte de d graisser l op ration charnelle de ses longueurs et de ses efforts de ses bruits et de ses pens es adventices Camus 1982 15 Dans la continuit de Renaud Camus se situent Catherine Breillat France Huser et Alina Reyes qui publient leur premier roman rotique dans les ann es 80 Les crivaines qui commencent s orienter vers une litt rature d aventures amoureuses ou rotico pornographiques se maintiennent cependant dans le domaine du roman Il faudra attendre la publication de Passion simple Gallimard 1992 d Annie Ernaux pour tre en mesure d appr cier tout fait le succ s foudroyant de l application d une recette paradigmatique qui fait grand remue m nage et
5. dont on est tent de croire tort qu il incarne la totalit de la nouveaut romanesque ou de la contemporan it litt raire fran aise Jacques Pierre Amette se fait l cho dans Le Point des mutations en cours Il s agit d une critique curieuse et expectative devant des textes d une nouvelle g n ration d crivains issus des ditions de Minuit et qui fait bouger le paysage litt raire fran ais cf Amette 1989 25 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 Amette n h site pas nommer cette g n ration de postmoderne ibidem En font partie des crivains tels que notre Jean Philippe Toussaint Jean Echenoz Bertrand Visage ou encore Patrick Deville dont l criture sugg re ici aussi la synth se l int gration voire le recyclage de la tradition et de la modernit l criture blanche durassienne n est jamais loin ni Lacan ni les linguistes associ s ni les cours de facs structuralistes Mais ces crivains ont transform cette culture universitaire gr ce un humour adolescent une impertinence intellectuelle que n avaient ni les Roland Barthes ni les Robbe Grillet ibidem Et Amette de souligner le rapprochement entre ce type d criture et les plans cin matographiques Eux aussi pratiquent en bons zappeurs en fid les t l specta
6. En premier lieu l ironie beckettienne r side dans la dislocation de l espace temps Chez Beckett le temps perd sa dimension lin aire qui suppose l id e de l avancement ou de la progression Le pass et le futur se nivellent en un temps unique qui est l ternel pr sent Le pr sent est immobile enlis dans une r p tition insignifiante La condensation du temps lin aire en un point et l tirement du pr sent en une ternit routini re tel est le double effet paradoxal du temps chez Beckett Parall lement la 8 Qu est ce crire Comment crire op cit p 174 Ammouche Kr mers Entretien avec Jean Philippe Toussaint propos recueillis par Mich le Ammouche Kr mers dans Jeunes Auteurs de Minuit Mich le Ammouche Kr mers amp Henk Hillenaar Amsterdam Atlanta Rodopi 1994 p 27 36 pour la pr sente citation p 30 10 Douze questions Eric Chevillard op cit 165 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 dislocation du temps l espace a connu sa m tamorphose il se d centre L homme jadis au centre de l espace comme pourvoyeur de sens perd tout coup sa place centrale il n est plus celui qui donne le sens mais plut t celui qui subit le non sens L espace d centr o le devant et le derri re perdent leur sens rejoint le temps d nivel pour cr er
7. Par del le ph nom ne de mode consistant red couvrir regretter voire se ressourcer dans les images les sons et les mots des ann es quatre vingt une r flexion critique distanc e s impose de plus en plus qui puisse contribuer dresser le bilan d une d cennie riche en v nements politiques culturels et en coups m diatiques mais qui n est pas sans marquer le champ litt raire fran ais et ce dans un contexte de plus en plus mondialis Certes ces ann es quatre vingt seront fortement marqu es par les deux septennats mitterrandiens que des slogans tant politiques que culturels voire aux accents po tiques ont fini par assurer La force tranquille et Changer la vie L arriv e de la gauche au pouvoir dont l action intermittente la faveur des cohabitations se signalera par des va et vient id ologiques et programmatiques avant de s assagir et d acter les changements des mod les sous lesquels nous avions v cu des d cennies durant est loin d tre le seul piph nom ne de cette poque En effet un moment de notre histoire o l Est communiste r siste voire se raidit sous la menace d un Pape venu d ailleurs que la d tente conna t des hauts et des bas sous Reagan et Thatcher que le ch mage grimpe et que la croissance conomique patine ou ne convainc pas que les id ologies et les m tar cits sont en panne alors que l individualisme si bien bross dans L
8. dition en 1980 du volume inaugural du groupe Tel Quel Th orie d ensemble voque le triomphe de l individualisme critique post rieur 1968 individualisme que le structuralisme finissant et la th orie avaient conduit une pens e d ensemble indisciplin e le d clin de l approche th orique du texte litt raire au long de la d cennie est relev par Compagnon qui reconna t la r sistance de l histoire litt raire l ge d or de la th orie Pour ce critique l histoire litt raire garde au long de la d cennie et au del son identit m thodologique la transmission historique g n rique et chronologique elle s applique la m me technique et s identifie l id ologie r publicaine Pourtant cette apparente stabilit cette force tranquille Ce que repr sentait l histoire litt raire allait tre profond ment branl e par lessor de l histoire culturelle au long de la d cennie Or l histoire sociale des repr sentations telle que Pascal Ory 1987 la d finit attribue une place fondamentale la litt rature comme source d information privil gi e L histoire litt raire est elle possible dans ce contexte Quelle place y est elle r serv e aux tudes fran aises trop connot es et conditionn es par l histoire litt raire Quelques publications dat es des ann es 1980 nous permettent de mieux comprendre l apport de l histoire cu
9. dition notamment Camille Laurens qui dite chez Gallimard et Jean Luc Benoziglio au Seuil Ce livre inclut l entretien avec Jean Philippe Toussaint mentionn ci dessus Ammouche Kremers amp Hillennar 1994 33 o il fournit son opinion sur ces tentatives de classement Ses mots traduisent une attitude qui semble tre partag e par tous ces jeunes auteurs En tout cas le groupe des nouveaux auteurs de Minuit n est pas homog ne et nous ne cherchons pas f d rer Vous savez le terrain a t d blay et nous ne nous sentons pas menac s par d autres mouvements puisque tout a t renvers Mai 68 le nouveau Roman etc Nous la soi disant nouvelle Le fait m me que la publicit de Lindon ait d clench cette pol mique me semble symptomatique du souci que l on avait l poque de trouver une fa on de d signer cette g n ration de romanciers 68 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 g n ration nous arrivons les mains dans les poches sans prouver le besoin de nous rencontrer de nous grouper ou d laborer un manifeste Comme cela tait arriv aux auteurs du Nouveau Roman le refus de la part des romanciers d tre r duits un groupe une cole n y peut rien contre les besoins de la critique et de l histoire litt raire En effet lorsque la fin du si cle approche 1l
10. qu op rent les sciences humaines sur la litt rature Aux tats Unis l intervention de Stanley Fish la conf rence de la Modern ue zez 2 2 Language Association en 1988 constitue une r f rence incontournable pour ce d bat i 2 http www fabula org lht 8 index php id 228 Traduction fran aise De la difficult d tre interdisciplinaire disponible sur http www fabula org lht 8 index php id 290 V aussi le commentaire ce texte par Anna Magdalena Elsner dans Aucune discipline n est une le ou de l importance de r pondre Fish disponible sur http www fabula org lht 8 index php id 288 85 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 et de la plus grande actualit en Europe aujourd hui pour les aspects de nature politique institutionnelle et p dagogique qu elle a soulev s Fish pose dans cet article les bases de la constitution des tudes culturelles pratique interdisciplinaire dans laquelle se r percute cette probl matique Pour ce critique la notion demande tre consid r e comme un d veloppement naturel des imp ratifs de la th orie culturelle de gauche c est dire la d construction du marxisme du f minisme des versions radicales du n o pragmatisme et du New Historicism L association entre le d clin d
11. Nouveau Roman Abstract This paper analyses the stylistic relationship between Jean Echenoz s novelistic writing namely in Le M ridien de Greenwich and Nouveau Roman writing Some relevant continuity features will appear for the approach of contemporary French literature Keywords Jean Echenoz Le M ridien de Greenwich French literature Nouveau Roman 97 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 Clair enfin fin de journ e sombre le soleil brille enfin et dispara t Samuel Beckett Immobile Je suppose que ce serait compliqu de vivre dans un pays o la veille et le lendemain seraient distants de quelques centim tres on risquerait de se perdre la fois dans l espace et dans le calendrier ce serait intenable peut on lire dans les premi res pages du roman Echenoz 1979 10s C est pourtant le pari tenu par J Echenoz dont l uvre offre des parent s certaines avec le Nouveau Roman une captation de la description un go t prononc pour la paralitt rature aux accents d A Robbe Grillet des r surgences simoniennes ou diverses r miniscences selon les comp tences des lecteurs D entr e son premier roman s impose par une dimension ludique humoristique d cal e qui ne peut que cr er une connivence avec le lecteur et dont heureusement il ne se d partira pas au fil des ann es
12. des autobiographies comme il le faisait d s la troisi me page du premier chapitre d Histoire ex crable d un h ros braban on lorsqu il s exclamait ironiquement la fin d un passage d j cit qu il souhaitait imiter la fid lit par rapport au v cu des r cits autobiographiques de M Morgan et de R Steiner Observons qu avec la remise en question de la v ridicit de l autobiographie l crivain belge manifeste sans doute plus profond ment un rejet vis vis de ce que repr sente la notion m me de pacte autobiographique Car cette id e de contrat est caract ristique de la soci t bourgeoise contemporaine comme le remarque Francisco Ernesto Puertas Moya dans son Aproximaci n semi tica a los rasgos generales de la escritura autobiogr fica La autobiograf a implica un modo de lectura en clave ver dica recordando por la poca de su surgimiento la contractualidad jur dica sobre cuyas bases se sustenta la sociedad burguesa Puertas Moya 2004 147 Or tout au long de son uvre narrative J Muno ne cesse de montrer sa volont de prendre ses distances par rapport la mentalit petite bourgeoise La cat gorisation g n rique probl matique d Histoire ex crable d un h ros braban on Rang dans la cat gorie de roman d s sa page de garde alors que la quatri me de couverture pr cise qu il s agit d une autobiographie qui se moque de l autobiographie Muno 1982 qualifi
13. et Suzanne et Louise est publi en 1980 par Gallimard Conversations avec le temps Le Castor Astral 1985 Voir aussi de Denis Roche La Disparition des lucioles L toile 1982 et Var se Fiction amp Ce 1986 De Jean Loup Trassard Territoire est publi au Temps qu il fait en 1989 Inventaire des outils main dans une ferme chez le m me diteur en 1981 Ren Belletto Le revenant P O L 1981 Sur la terre comme au ciel 1982 Grand prix de litt rature polici re P O L 77 Biographie compar e de Jorian Murgrave Un Navire de nulle part Rituel du m pris Des enfers fabuleux Deno l 1985 1986 1986 1988 r unis en un seul volume par Deno l en 2003 20 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 organise ces fragments de m moire selon un processus analogique et associatif et non pas lin aire en une narration avec des insertions de prose bifurcations incises Roubaud 1989 20 L uvre se dit roman un roman fait de six livres mais assemble des moments de prose qui permettent au lecteur d tre aussit t n importe o quand il ouvre le livre un privil ge r serv d ordinaire au lecteur de po sie idem 48s crit Roubaud Livre hybride chute de po sie dans le roman qui se complique d une pr sence r currente de photographies d crites puisqu il est hant par la je
14. l poque laquelle a aussi largement contribu l essor de l industrialisation culturelle en France dans l h ritage des initiatives de Malraux dat es d j de la d cennie de 1950 dans un long processus de r conciliation du capitalisme et de la culture idem 329 consid rablement soutenu par les inventions technologiques se sont fait entendre la voix d Alain Finkielkraut et celle de Marc Fumaroli Une d cennie qui ne saurait tre comprise en dehors d une perspective de longue dur e sur les tendances qui la pr parent Savoureux recueil de m moires et de r flexions sur la vie quotidienne et ses menus v nements 5 l poque le directeur du d partement de litt rature fran aise l universit de Yale Cf entre autres La D faite de la pens e Paris Gallimard 1987 Cf entre autres L tat culturel une religion moderne Paris d de Fallois 1991 78 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 et sur les effets qui la projettent au del de ses limites chronologiques cette d cennie nous invite l tudier par del de ses limites territoriales strictement fran aises La situation o se trouvent les tudes litt raires au moment o Antoine Compagnon publie le livre et l article cit s est pour le moins ambigu Si la r
15. qu il traverse Hubier 2003 71 J Muno de son c t affirme ne pas souhaiter entrer dans cette mise en sc ne que constitue l autobiographie pour aboutir l loge de soi Voici d ailleurs ce qu il r pond une question pos e par une auditrice la fin d un entretien d bat sur Pautobiographie anim par Anne Marie La F re S il y a une caract ristique mon livre c est je crois que je me suis refus d crire ma vie comme exemplaire en quoi que ce soit c est une vie quelconque et c est la mienne c est tout Mon livre n a aucune volont d tre difiant Ce que l crivain se plaira donc parodier dans sa narration de 1982 ce sera pr cis ment ce c t apolog tique dont fait souvent preuve l autobiographie Le passage en revue des d calages parodiques que comporte Histoire ex crable d un h ros braban on doit commencer par l examen de son titre Quoique J Muno n ait pas concr tis son intention lanc e sur un ton moqueur en 1977 de baptiser son livre Avec ces pieds l il choisit un titre l ironie tout aussi patente mais sans vouloir tourner en d rision la seule M Morgan En effet si le noyau du syntagme nominal Histoire de s inscrit dans la lign e des titres des autobiographies les plus anciennes l pith te ex crable s en carte tout fait et donne un sens antiphrastique au terme laudatif qui suit h ros L ambig
16. souvent abord e partir d une perspective autofictionnelle voir entre autres l tude de Dervila Cooke Present Pasts Patrick Modiano s Auto Biographical Fictions Amsterdam New York Rodopi 2005 Elle est caract ris e par la recherche de l identit plac e sous l gide de la fuite du temps l vocation de souvenirs d enfance l atmosph re m lancolique et myst rieuse Place de l toile Gallimard 1985 1968 Prix Roger Nimier 1968 r cit autobiographique qui se d roule dans le Paris de l occupation allemande veille imm diatement l int r t des lecteurs Les romans autobiographiques se succ dent partir d alors porteurs des m mes signes d appartenance son auteur Livret de famille Gallimard 1981 1977 Rue des boutiques obscures Gallimard 1982 1978 Prix Goncourt 1978 Une jeunesse Gallimard 1981 De si braves gar ons Gallimard 1982 Dimanches d ao t Gallimard 1986 Remise de peine Seuil 1988 Vestiaire de l enfance Gallimard 1989 Un cirque passe Gallimard 1992 Dora Bruder Gallimard 1997 Un pedigree Gallimard 2005 et ceci jusqu au dernier en date L Horizon Gallimard 2010 10 Marie Didier est n e en Alg rie en 1939 C est l dans des quartiers marginaux qu elle exerce d abord la m decine profession qu elle continuera d exercer Toulouse Ses romans contiennent de nombreuses connotations autobiographiques Contre visite Gallimard 1988 M
17. tant t d autobiographie d guis e Joiret et Bernard 1999 300 tant t d autofiction Histoire ex crable d un h ros braban on constitue sans conteste un cas singulier d criture du moi Gusdorf 1991 selon l expression utilis e comme titre d un des derniers volumes de Georges Gusdorf pionnier d s les ann es cinquante de la recherche entreprise dans ce domaine litt raire J Muno quant lui confie Claude Vignon au lendemain de la publication de son livre Il ne faut tout de m me pas y voir une autobiographie l tat pur parce que je d teste l autobiographie ce serait assez malheureux que mon roman soit consid r x 8 Voir ce sujet le chapitre III intitul L Histoire ex crable d un h ros braban on une autofiction de la deuxi me partie de l int ressante tude d Agn s Hermans Hermans 1994 86 88 126 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 comme tel C est une parodie de l autobiographie galement Trois jours plus tard l crivain dira Patrick G rard qui s entretiendra avec lui de sa nouvelle narration la Foire du Livre de Bruxelles C est une satire de l autobiographie gt l occasion de l entretien d bat consacr l criture autobiographique qu elle m nera avec J Muno e
18. 1984 et alors g de trente sept ans s appr tait succ der son p re Claude Gallimard Dans un article publi dans T l rama en 1984 Antoine Gallimard exposait sa politique ditoriale en donnant comme exemple le cas d Annie Ernaux Il faut savoir encourager un auteur qui vous donnera 4 5 6 textes de plus en plus r ussis mais qui n obtiennent pas forc ment un grand succ s aupr s des lecteurs Un jour a finira par marcher C est le cas d Annie Ernaux dont le dernier livre La Place est bien accueilli C est a construire l avenir Mais souvent les auteurs sont les premiers se d courager ils ne progressent plus ils n y croient plus vraiment L de la part de l diteur c est inutile d insister Gazier 1984 s p D autres maisons d dition fortun es sont celles d Anne Carri re qui lance Paulo Coelho avec L Alchimiste 1988 dont le travail avait t rejet par d autres maisons d dition et la maison P O L fond e en 1983 par Paul Otchakovsky Laurens qui propose de nouvelles orientations de lecture et lance des crivains tels que Emmanuel Carr re Ren Belletto Camille Laurens Renaud Camus Mathieu Lindon et Val re Novarina et plus tard Marie Darrieussecq et Guillaume Dustan Le trait qui d finit manifestement la production litt raire de cette fin de si cle c est son absence de relation avec toute avant garde Il n y a plus de familles d crivains
19. Et un peu plus loin Hier pour la premi re fois envie d insulter les gens venus l au Centre Culturel pour m couter idem 122 Cette r action hostile pourrait trouver son explication dans les observations de Foucault propos des attitudes qui diff rencient les individus privil gi s de la foule C est que s occuper de soi m me a aura pour effet et a a pour sens et pour but de faire de l individu qui s occupe de soi m me quelqu un d autre par rapport la foule cette majorit ces hoi polloi qui sont pr cis ment les gens absorb s par la vie de tous les jours Foucault 1984 73 Comme signale si justement Philippe Vilain dans le cas d Annie Ernaux c est le narcissisme intellectuel Vilain 2005 17 qui conforme la personnalit de l crivain il s agit d une attitude moins rattach e l image produite par l autobiographe qu l action m me de produire cette image d elle m me moins au fait de se regarder en un e autre qu au geste jubilatoire de se regarder crire et donc de se consid rer s rieusement en ego scriptor idem 20 Et Vilain ajoute Se regardant crire et crivant travers le miroir qu elle se tend sa conscience spectatrice se double alors d une conscience actrice idem 21 Constatation il semblerait qu il n y a pas d issue possible et que l autofiction annoncerait le retour d une postur
20. Jean Claude Lebrun insiste sur ce point dans l ouvrage qu il lui consacre en 1992 Jean Echenoz fait rire chaque page quelque chose est l qui r v le combien l criture ne se prend pas au s rieux combien l intrigue doit tre regard e distance combien la langue est source de quiproquos et de pi ges combien elle peut tout moment d boucher sur le saugrenu et l inattendu Lebrun 1992 13 Pour parfaire le jeu dans Le M ridien de Greenwich la configuration spatiale du r cit transite par le puzzle commun ment vu comme un passe temps Et parmi toutes les pistes et les fausses pistes d une saisie des lieux nous retiendrons 1ci celles des h ros qui prouvent le besoin de prendre de la hauteur L espace temps litt raire Minuit Pour les lecteurs avertis du Nouveau Roman voire les diteurs la parution du roman de Jean Echenoz offre des connexions flagrantes En effet dans son ouvrage 98 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 consacr J r me Lindon J Echenoz se souvient que l diteur avait d embl e op r le rapprochement avec A Robbe Grillet Vous aimez Robbe Grillet bien s r me dit il sur le ton de l vidence comme si mon livre d coulait naturellement de cette influence et r v le aussi J acquiesce elliptiquement sans lui avouer que je ne Pai lu
21. Jean Pierre 1989 Sur deux photos de groupe La Quinzaine Litt raire n 532 16 31 mai 1989 pp 23 26 SCHOOTS Fieke 1997 Passer en douce la douane L criture minimaliste de Minuit Amsterdam Atlanta Rodopi TOUSSAINT Jean Philippe 2005 1985 La salle de bain Paris Minuit 33 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 VIART Dominique 1993 Nouveau Roman ou renouvellement du roman Fr Baert amp D Viart dir La Litt rature fran aise contemporaine Questions et perspectives Louvain Presses Universitaires de Louvain VIART Dominique VERCIER Bruno 2005 La litt rature fran aise au pr sent H ritage modernit mutations Paris Bordas 34 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 QUI A PEUR D HERVE GUIBERT LA LITTERATURE DES ANNEES 80 SOUS LE REGIME DES IMAGES NOEMIE CHRISTEN MC Minstitut UNISG noemie christen unisg ch R sum Vivre ou mourir tel est l enjeu traversant de part en part la trilogie autobiographique d Herv Guibert v ritable chronique du sida Puisant leur mat riel biographique dans les ann es cruciales de la d cennie 1980 les trois livres que sont Ami
22. abord confuse sans visage lorsqu ils viennent sauver quelques occidentaux qui refusent de quitter une mission Lorsque cette mission est attaqu e en l absence des militaires am ricains un officier et son lieutenant aux visages particuli rement patibulaires et aux expressions impitoyables arrivent sur les lieux Ils incarnent merveille les deux figures de la barbarie militaire et paramilitaire que nous avons voqu es pr c demment le sous officier manie la machette et qu te l assentiment de son sup rieur d un regard Les dialogues entre les deux ne sont g n ralement pas traduits et de toute fa on peu nombreux Si l on peut y supposer un souci de r alisme faire parler chaque protagoniste dans sa langue natale il est vident que le film destin au plus large public refl te et souligne ici l incompr hension de l homme blanc face aux Africains abondant dans le sens de clich s linguistiques connus En un mot la langue parl e ici par les protagonistes participe d autant plus leur aspect mena ant qu elle sonne aussi lointaine que possible d une langue connue par le grand public ou plut t le spectateur 187 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 moyen Imagologiquement parlant cette vision de la langue de l autre renvoie la fois un effet de style connu le ba
23. abord l histoire de leur accomplissement social un m tier une carri re une uvre Lejeune 1986 265 1 Muno J lors d une interview par Claude Vignon propos d Histoire ex crable d un h ros braban on cf supra 2 Muno J interview par Patrick G rard pour pr senter Histoire ex crable d un h ros braban on et Les petits pingouins Foire du Livre de Bruxelles 18 03 1982 transcription personnelle de l enregistrement audio 2 A M La F re introduira de la mani re suivante sa premi re question adress e au romancier L auteur Jean Muno affirme d embl e lors d interviews Le livre est parodique ou C est une parodie d autobiographie La F re A M in Moi je moi je moi je cf supra 2 Ph Lejeune modifiera l g rement cette d finition initiale quatre ans plus tard r cit r trospectif en prose qu une personne r elle fait de sa propre existence lorsqu elle met l accent sur sa vie individuelle en particulier sur l histoire de sa personnalit Lejeune 1975 14 127 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 Toutefois l quation d quivalence entre auteur narrateur et personnage qu il faut respecter pour qu il y ait r elle autobiographie ne s av re que partiellement v rifi e car si le narrateur se dit id
24. aider ce dernier selon les circonstances principalement par l chet et incapacit de comprendre les enjeux de la situation qui l entoure Sans d responsabiliser les divers maillons de la cha ne de violence les films du Hollywood engag souhaitent montrer ceux qu ils consid rent comme les vrais coupables ainsi que les responsables originels m me si ces derniers peuvent se r v ler faire partie du public Le Jungle western ou Joseph Conrad la port e de tous La force du C ur des T n bres tient notamment sa capacit d vocation et la part d inexpliqu cultiv e par l auteur Qui est vraiment Kurtz Comment en est il venu devenir le chef d une trange tribu Quels actes a t il effectivement commis Qu est ce donc qu il appelle L horreur en rendant son dernier souffle Ce que nous appellerons le jungle western s attache reprendre cet angle sous une forme narrative plus satisfaisante pour le cahier des charges de la fiction populaire la d nonciation subtile de Conrad se substitue un contexte consensuel un conflit forc ment barbare et condamnable dont les causes politiques sont moins Metro Goldwyn Mayer 1985 10 E ER On se souviendra sur ce point des gardes fronti res en train de trinquer avec Richard Boyle James Woods qu ils venaient de menacer de castration et de tenter d ex cuter Ibid 185 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvel
25. aise de Hollier Denis 1989 A New History of French Literature Harvard University Press CUSSET Fran ois 2005 French Theory Foucault Derida Deleuze amp Cie et les mutations de la vie intellectuelle aux tats Unis Paris la D couverte CUSSET Fran ois 2008 La d cennie le grand cauchemar des ann es 1980 Paris la D couverte FORSDICK Charles amp MURPHY David 2003 Francophone Postcolonial Studies A Critical Introduction Arnold Oxford University Press HOLLIER Denis 1993 De la litt rature fran aise Paris Bordas trad de new history of French literature Harvard University Press 1989 JACQUES Francis 1985 L espace logique de l interlocution Paris PUF MOLLIER Jean Yves 2003 Histoire culturelle et histoire litt raire in Revue d histoire litt raire de la France 3 juillet septembre pp 597 612 MOURA Marc 1999 Litt ratures francophones et th orie postcoloniale Paris PUF MOURALIS Bernard 1984 Litt rature et d veloppement Essai sur le statut la fonction et la repr sentation de la litt rature n gro africaine d expression fran aise Paris Silex ditions 95 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 ORY Pascal 1987 L histoire culturelle de la France contemporaine question et questionnement Vin
26. aises de l poque ponctu es par les noms de Brunel et de Chevrel publications auxquelles les travaux de Mouralis et de Pageaux suivis de ceux de Machado au Portugal donneront suite dans les d cennies suivantes Disciplina sem m todo nem objecto de an lise que n o seja o conhecimento do homem tel qu on lit dans la premi re dition portugaise de Da literatura comparada Teoria da literatura Em suma disciplina de uma nova forma de humanismo Pageaux amp Machado 1988 12 D autre part malgr l insertion de quelques auteurs francophones aux programmes et l attribution de prix litt raires prestigieux des romanciers comme Ben Jelloun l auteur caustique il est vrai de L hospitalit fran aise 1984 ou Patrick Chamoiseau en 1992 pour Texaco ou malgr encore la richesse de la production afro carib enne des ann es 1980 reconnue par Cusset 2005 318 ces quelques signes alli s aux changements qui lentement se font sentir dans les tudes litt raires ne permettent pas encore de consolider l av nement des tudes francophones en France Nous avions consid r l ouverture de cette tude que les limites de la d cennie demandaient tre lues dans leur projection au del d elles m mes Il est tr s int ressant de remarquer que le d clin des tudes fran aises et leur remplacement parfois chaotique par les tudes francophones dans les universit s am ricaines qui en
27. autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 Berton inclut dans le groupe des faiseurs ou marchands de spectacle les uns crivent avec les pieds les autres avec la bite Berton 2002 165 En 1997 Despentes r ussira vendre 40 000 exemplaires de Baise moi Plus tard toujours dans cette tendance Alice Sebold ou Justine L vy connaitront galement un grand succ s Annie Ernaux s inscrit tr s t t et bien malgr elle comme nous l avons vu dans ce que Warren Motte appelle the hybrid domain of the autofiction Motte 1995 55 Nous partageons l avis Motte quand elle affirme qu Annie Ernaux est one of the first women writers in contemporary France to stake a strong claim for the personal idem 54 et l une des premi res aussi mettre en pratique the specificity of autobiography and fiction ibidem Annie Ernaux a fr quemment fait des d clarations telles que je ne me sens jamais crivain Ernaux 2003 19 ou bien il n y a pas de vraie m moire de soi Ernaux 1999 39 et reconnu dans divers entretiens influence exerc e dans son travail par la pens e Bourdieu ce qui appara t clairement dans son premier texte Les Armoires vides 1974 En effet en 1972 Ernaux lit deux livres qui la conduiront vers ce que l crivaine elle m me appellera auto socio biographie Ernaux 2003 21 un genre d criture ou
28. consult le 2 mai 2012 MAULPOIX Jean Michel 2001 La po sie autobiographie d une soif notes de travail http www maulpoix net autobiographie html consult le 2 mai 2012 MENDES Ana Paula Coutinho 2002 Presque rien Figuration du monde par James Sacr Suppl ment Triages Actes du Colloque James Sacr Textes R unis et pr sent s par Christine Van Rogger Andreucci Tarabuste Editions pp 154 159 MESCHONNIC Henri 2001 C l bration de la po sie Paris Verdier PINSON Jean Claude 1990 J habite ici Seyssel Champ Vallon PINSON Jean Claude 1995 Habiter en po te Seyssel Champ Vallon PINSON Jean Claude 1999 quoi bon la po sie aujourd hui Nantes Pleins Feux PINSON Jean Claude et alii 2007 quoi bon la po sie aujourd hui Rennes PU Rennes PRIGENT Christian 1996 quoi bon encore des po tes Paris P O L 63 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 R DA Jacques 1985 Beaut suburbaine P rigueux Pierre Fanlac R DA Jacques 2003 Moyens de transport Montpellier Fata Morgana RORTY Richard 1989 Contingency irony and solidarity Cambridg Cambridge University Press ROCHE Denis 1972 Le m crit Paris ditions du Seuil SACR James 1991 In dits pour les Dix Ans du Cen
29. croissance partir de 1979 14 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 ou de collection se construise et le rapport des crivains aux diteurs est troitement li la sc ne litt raire des d cennies pr c dentes La Maison Gallimard garde son pouvoir d attraction gr ce au prestige de son catalogue et son statut d diteur ind pendant de plus en plus cependant l exploitation de son fonds dans des r ditions prime sur le travail de recherche de nouveaux auteurs En revanche gr ce aux d bats autour du Nouveau Roman des choix audacieux ou avant gardistes et la stature de Beckett les ditions de Minuit ont conquis une force d attraction et une fonction mod lisante videntes Mod le d une maison qui a su constituer un fonds de premier plan tout en restant de dimension r duite et en pr servant son ind pendance mod le d un diteur d couvreur d auteurs et qui a su construire leur l gitimit avec l appui de la critique Simonin 1994 Les ditions de Minuit attirent ou s lectionnent des auteurs qui tout en restant singuliers sont en qu te de nouvelles voies pour la litt rature invention d identit s narratives nouvelles forme de r cit pur usage d un certain d tachement Dans cette d cennie J r me Lindon publie les premiers livres d un nombre impressionnant d auteurs p
30. de la m fiance l gard des id ologies et du politique il n existe plus d axe central par rapport auquel se situer et l crivain est plus solitaire que jamais et la m diatisation croissante n y change rien au contraire Dans chacun de ces traits force et intranquillit loin de s opposer se conjuguent et se r pondent Bibliographie BARTHES Roland 1995 Vingt mots cl s pour Roland Barthes 1975 uvres compl tes t II Seuil BESSARD BANQUY Olivier 2009 Du d clin des lettres aujourd hui n 6 LHT URL http www fabula org lht 6 index php id 130 BESSARD BANQUY Olivier 2006 dir L dition litt raire aujourd hui Bordeaux Presses universitaires de Bordeaux BURGELIN Claude 1988 Georges Perec Paris Seuil CERTEAU Michel de 1980 L invention du quotidien 1 Un art de faire CITTON Yves 2008 Il faut d fendre la soci t litt raire Acta Fabula Essais critiques URL http revue fabula org revue document4299 php COLLEU Gilles 2006 Editeurs ind pendants de l ge de raison vers l offensive Alliance des diteurs ind pendants 22 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 COMPAGNON Antoine 1990 Les cing paradoxes de la modernit Paris Seuil LINDON J r me 1998 De l dition sans diteurs Le Monde 9 juin MO
31. finition de la schizophr nie Voir ce sujet Sluzki Carlos amp Ronald Ransom eds Double Bind the Foundations of the Communicational Approach to the Family New York Grune amp Stratton 1976 1960 et en particulier l article Toward a Theory of Schizophrenia pp 3 22 153 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 de s approcher de l ge adulte d avoir des probl mes de grands Rochier 2012 http tempsreel nouvelobs com culture 20120203 AFP6529 gilles rochier chroniqueur de la banlieue revelation d angouleme html douard Dutour signait en 2006 un article dans la revue ELLE intitul Ces crivains voleurs de vie w o il exposait de fa on amusante les petits scandales ayant nourri des uvres d autofiction la limite du moralement acceptable qui faisaient d river l auto r cit vers des confidences sur la vie de personnes appartenant au cercle intime de l auteur Cette tendance dans l autofiction n a cess de cro tre Citons par exemple pour son rapport l actualit m diatique le livre de Tristane Banon Le Bal des hypocrites ditions Au Diable Vauvert 2011 o P crivaine et journaliste rapporte les circonstances qui l ont men e d poser une plainte contre DSK Dominique Strauss Kahn pour agression sexuelle La publication de Philippe Vilain L aut
32. hender sa maladie Plus l itin raire du SIDA s allongeait travers mon corps plus j avais envie de lire au sujet des maladies ne serait ce que sur un cran de t l vision de les toucher ne serait ce que sur mon corps de les couter Luria 1985 133 Suivant la Outre l engagement des crivains et des artistes atteints par le virus l implication de vedettes issues notamment de l univers du sport tel que Magic Johnson a largement contribu attirer l attention des m dias sur le ph nom ne dans un but d information et de pr vention 34 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 progression du virus dans son flux sanguin Herv Guibert convoque le langage du jeu lectronique courant l poque pour d crire l attaque des T4 d fenseurs de l organisme par les leucocytes Sur l cran du jeu pour adolescents le sang tait un labyrinthe dans lequel circulait le Pacman un shadok jaune actionn par une manette qui bouffait tout sur son passage vidant de leur plancton les diff rents couloirs menac en m me temps par l apparition de shadoks rouges encore plus gloutons Guibert 1991 13 Cette image belliqueuse l arri re go t de science fiction se r v le assez typique du discours des mass m dias de la d cennie en croire Susan Sontag
33. l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 jeu vid o Le n o barbare l cran d nonciation appels la conscience et jungle western En dehors d une veine plus ou moins ind pendante des grands studios am ricains la production hollywoodienne grand public s est distingu e en s inspirant des drames africains r cents pour en faire le cadre et le th me de fictions majeures On peut distinguer trois tendances principales la premi re vou e la d nonciation de faits av r s et brodant une intrigue fictive au sein d un conflit r el la deuxi me s attachant la reconstitution de faits roman ant au minimum l intrigue principale et la derni re situant les intrigues au c ur de pays imaginaires mais ressemblant assez des pays et des situations r elles pour pouvoir tre reconnus ais ment Engagement Hollywood Blood Diamond est sans conteste le film africain de Hollywood ayant rencontr le plus grand succ s ces dix derni res ann es Port e par l un des acteurs les plus en vogue du moment Leonardo Di Caprio l uvre d Edward Zwick a attir l attention du plus grand nombre sur la question pineuse du commerce de diamants en provenance d Afrique L intrigue voque la r demption d un ancien mercenaire blanc de Rhod sie tandis qu il vient en aide un ancien esclave des ex
34. la m me constatation quand il s agit d avoir du succ s il faut tre femme et parler vrai Authier 2002 229 Annie Ernaux fut la premi re montrer un chemin un peu plus sophistiqu que ses pr d cesseurs et que suivraient d autres crivaines parmi lesquelles Christine Angot Catherine Millet ou Virginie Despentes que Benjamin 77 L ros sur le divan s a Virgin Megapresse mars 2001 Toute l uvre romanesque et th trale de Christine Angot Ch teauroux 1959 tourne autour de la vie de l crivaine Elle fait son entr e dans le monde litt raire avec Vu du ciel Gallimard coll L Arpenteur 1990 o elle raconte l histoire du viol et de l assassinat d un jeune enfant Chez Fayard elle publie Interview 1997 apr s avoir t refus par Gallimard Suit L Usage de la vie Fayard 1998 o sont r unis quatre textes th traux deux desquels L Usage de la vie et M me si ont comme personnage principal Christine Angot Le premier des deux autres textes publi s en 1993 par Comp act Corps plong s dans le liquide et Nouvelle Vague met en sc ne deux personnages qui pr f rent parler d eux m mes que communiquer avec autrui et le deuxi me pr sente le monologue d un seul personnage sur lui m me Dans Sujet Angot Fayard 1998 un lecteur passionn ne tarit pas en loges envers son crivaine pr f r e appel e Angot L Inceste Stock 1999 r cit de la relation i
35. minimalisme pour Flieder et minimalismes et romanciers impassibles pour Viart bien que celui ci voque aussi la d signation d impassibles cr e par J r me Lindon D ailleurs deux autres tudes publi es aussi dans les ann es quatre vingt dix reprennent l id e de minimalisme celle de Schoots crivains minimalistes de minuit publi e en 1997 et celle de Motte Small Worlds minimalism in contemporary french literature qui date de 1999 69 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 En 1998 Dominique Rabat publie Le roman fran ais depuis 1900 et classe ces quatre auteurs dans la section formalisme et invention vitant de la sorte les tiquettes De m me Bruno Blanckeman 2002 65 dans Les fiction singuli res tude sur le roman fran ais contemporain place ses romanciers dans le chapitre fictions joueuses sans leur attribuer une d signation Rabat et Blanckman ne reprennent donc plus les d signations cr es dans les ann es quatre vingt et soulignent plut t une autre caract ristique du travail de ces auteurs le jeu formel qui y prend toujours place Cette id e est reprise dans Le roman ludique d Olivier Bessard Banquy publi en 2003 bien que ce travail ne porte pas sur toute la production romanesque du si cle mais sur celle d Echenoz de Toussaint et de Chevillard Gailly n y
36. nis Or le m dia de la t l vision va jouer un r le crucial dans l volution du corps chez Herv Guibert signant m me l aboutissement de son projet C est en effet Voir notamment Owen Heathcote L rotisme la violence et le jeu dans Vous m avez fait former des fant mes in Sarkonak 1997 10 Jean Jacques Courtine Balaise dans la civilisation mythe viril et puissance musculaire in Courtine 2011 462 43 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 pr cis ment dans les ann es 80 que la sexualit envahit le petit cran et ce des spots publicitaires aux s ries rotiques comme les s ries roses sur FR3 et le film hebdomadaire sur Canal Ainsi Herv Guibert donne voir en imagination au travers de ses romans le sida qui en parall le ronge les autres corps ceux qui faute de t l visualit nous sont soustraits Cependant la productrice de TF1 Pascale Breugnot qui est par ailleurs la productrice de bon nombre de programmes sur la sexualit pionniers est aussi la personne qui commande l crivain un film autobiographique sur son quotidien de malade de sida La Pudeur ou l Impudeur Conscient de l exhibitionnisme d une telle d marche l crivain parlera de Pascale Breugot comme d une charognarde La t l vision de la d cennie 80 e
37. par le biais des personnages qu il contr le les zombies et monstres cr s par la firme mal fique Or m me si ces montres sont des victimes de manipulations ils n en conservent pas moins pour leur grande majorit l apparence humaine La pol mique est n e du malaise cr par un jeu qui proposait donc de mettre en sc ne un Blanc efficace civilis tirant sur des Noirs r duits un tat de sauvagerie inhumaine dans le cadre d un jeu vid o la part interactive et donc sensorielle de l identification du spectateur joueur au personnage pose syst matiquement probl me De fait la sauvagerie des personnages une fois d shumanis s par le processus de zombification ne g nerait sans doute pas autant le public que les s quences d introduction qui mettent en sc ne des personnages encore peu alt r s par le virus si m me ils le sont Ainsi que l a soulign N Gai Croal critique de la section jeux vid o du magazine Newsweek C est tout le probl me quand seul Chris Redfield le h ros appara t humain avant que les habitants ne se transforment en zombies l humanit des autres personnes est en question C est comme si on pouvait peine voir leurs visages il n interagit pas avec eux gt Ces s quences sont les premi res de la longue qu te des deux personnages principaux et les mettent d j aux prises avec des agresseurs E Meirelles Fernando 2005 Universal d apr s le roman de
38. pp 7 23 Dans les ann es 80 ce sont les dits nouveaux romanciers qui inventent des ruses nonciatives jeux avec les pronoms les temps la fiction pour travailler un mat riau autobiographique en vitant les pi ges et les illusions d un r cit qui croirait pouvoir retrouver le pass On ne peut gu re voir dans Enfance 1983 de Sarraute dans L Amant 1984 de Duras dans Les G orgiques 1981 ou L Acacia 1989 de Simon un retour voire une palinodie La question se pose sans doute de mani re diff rente pour Alain Robbe Grillet mais chacun de ceux l 1 vidence poursuit de fa on coh rente son uvre singuli re tout en se d pla ant en se donnant de nouveaux objets Parall lement parmi les premiers livres publi s par des inconnus nombreux rel vent de cette recherche de nouvelles critures de soi que ce soit par une narration fragment e dans L Image fant me 1981 ou Aventures singuli res 1982 d Herv Guibert ou par le biais de l vocation de la disparition d un parent Annie Ernaux La Place 1983 Une femme 1988 ou encore dans les autofictions qui la suite de Fils de Doubrovsky jouent sur l ambigu t du contrat de lecture sati t parfois Un autre retour tout aussi remarqu est celui du r cit et de la narration que Robbe Grillet et Sarraute condamnaient en tant qu intrigue apr s l exploration des limites du d pouillement narratif la recherche d un renouve
39. pulmonaire de Claudia Les nouveaux rayons et cam ras de la fin de XX me si cle passant au radar l int riorit des tres offrent dans leur pr cision une vision moins calme les images n tant pas sans produire l effroi L uvre d Herv Guibert satur e de ces examens plongeants en t moigne Les visions viennent parfois court circuiter le r cit Les clich s de l IRM imagerie par r sonance magn tique ont r v l des zones floues dans la mati re blanche du cerveau Me rem morer m est difficile Guibert 1991 211 De m me l pisode de la fibroscopie v cue comme un viol constitue l ultime traumatisme de cette descente narrative dans les profondeurs de l me et du corps Herv Guibert guettant sur l cran le dessin de ses visc res se fait m me parfois son propre chirurgien sollicitant le concours du lecteur pour saisir la port e de l volution de son mal C est mon me que je diss que chaque nouveau jour de labeur qui m est offert par le DDI du danseur 5 Anne Marie Moulin Le corps face la m decine in Courtine 2006 56 L image de la douleur sert bien de tranquillisant au narrateur comme l analyse Vincent Kaufmann propos de l pisode sanglant de l ablation du ganglion film en direct dans L Homme au chapeau rouge Une douleur sans image une douleur qu il est impossible de s imaginer est insupportable inimaginable justement alo
40. que Francisca Romeral passe en revue Mais l autofiction n est pas l apanage de la litt rature hexagonale Elle s invite galement dans les litt ratures francophones un concept tant politique que litt raire dont les ann es quatre vingt actent d finitivement l existence et projettent les enjeux comme le rappelle Maria Herminia Amado dans un exhaustif tour d horizon C est le cas des jeux parodiques chez l crivain belge Jean Muno qu Isabelle Moreels d crit l heure de la belgitude Enfin et puisque la litt rature n est pas que roman la po sie n est pas en reste dans cette livraison Bien au contraire Ana Paula Coutinho se propose d interroger ses mutations et ses inqui tudes per ues partir de cette d cennie sous forme d inflexions mais aussi de convergences Il ressort de ce num ro th matique que les ann es quatre vingt notamment pour ce qui est de la production litt raire en fran ais continue d exercer leur fascination voire leur tutelle sur la contemporan it de l criture et de la lecture Nous en serions la fois redevables et fonci rement attach s En tous cas nous en sommes les h ritiers directs et in tranquilles Ana Paula Coutinho Maria de F tima Outeirinho Jos Domingues de Almeida AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 ANNEES 80 ENJEUX
41. recherches et d enseignement d sign par tudes th trales Or malgr le silence et ou les provocations du genre la po sie est inadmissible d ailleurs elle n existe pas Roche 1972 ou bien quoi bon la po sie aujourd hui Pinson 1999 2007 ou quoi bon encore des po tes Prigent 1996 en une glose quelque peu r ductrice de la c l bre question de H lderlin quoi bon des po tes en temps de d tresse dans son l gie Pain et Vin la po sie continue toujours tre crite et partag e c est dire publi e et lue dans une proportion Rappelons que le c l bre et assez pol mique Manifeste d octobre 2007 Pour une Litt rature Monde en fran ais subsumait aussi la dite litt rature au roman 52 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 comparativement modeste certes mais particuli rement stable ou fid le J oserai m me dire que les po tes fran ais contemporains peut tre bien plus que tous les autres auteurs europ ens sont bien habitu s au requiem la po sie ou la litt rature tout court savoir un tat de crise end mique un regard pos dans la perte comme dirait Jean Michel Maulpoix auteur d un essai intitul justement Adieux au Po me 2005 et comme si une d fense de la po
42. s rie Lettres JOIRET Michel amp BERNARD Marie Ange 1999 Litt rature belge de langue fran aise Bruxelles Didier Hatier KLINKENBERG Jean Marie 1998 Lecture in MUNO Jean Histoire ex crable d un h ros braban on Bruxelles Labor Coll Espace Nord n 126 pp 365 405 LECARME Jacques amp LECARME TABONE liane 1997 2004 L Autobiographie Paris Armand Colin Coll U Lettres LEJEUNE Philippe 1971 2003 L Autobiographie en France Paris Armand Colin Coll Cursus LEJEUNE Philippe 1975 Le Pacte autobiographique Paris Seuil Coll Po tique LEJEUNE Philippe 1986 Moi aussi Paris Seuil Coll Po tique LEJEUNE Philippe 1989 L Autobiocopie in CALLE GRUBER Mireille amp ROTHE Arnold d Autobiographie et biographie Colloque franco allemand de Heidelberg 25 27 mai 1988 Paris Librairie A G Nizet MAY Georges 1979 L Autobiographie Paris Presses Universitaires de France MERLIN Corinne 1987 L homme de Malaise une rencontre avec Jean Muno Le Fran ais dans le Monde n 207 f vr mars pp 30 32 MERTENS Pierre dir 1976 Une autre Belgique Les Nouvelles litt raires n 2557 4 11 nov pp 13 24 MOREELS Isabelle 2003 Lecture d Histoire ex crable d un h ros braban on de Jean Muno comme roman de la belgitude Dialogues francophones n 8 9 Timisoara Editura Universitatii
43. senter la premi re conf rence d Etats francophones Niamey au Niger C est pourtant aux ann es 1980 que les premiers r seaux de la Francophonie sont organis s partir de la pr sentation en 1980 par L opold Senghor lors du sommet Franco Africain tenu Nice en 1980 du projet Communaut organique de la francophonie dont l objectif tait l all geance une langue Forsdick amp Murphy 2003 94 une lecture politique s av re int ressante sur ce point Cusset 2005 327 Le r le de Mitterrand dans la cr ation d une communaut francophone devient d terminant et donne lieu des sommets r guliers de l organisation tous les deux ans qui mobilisent bien des instances gouvernementales fran aises et des pays concern s Veldwachter 2011 95 Le premier Sommet a eu lieu Versailles en 1986 et 42 pays y taient repr sent s Le second Sommet D claration de Qu bec 1987 a constitu la Ie Conf rence des Chefs d tat et des gouvernements des pays ayant le fran ais en partage inspir s par l usage de la langue fran aise comme outil de connaissance de dialogue de d veloppement et d innovation 2 Ce sommet visait la concertation sur des enjeux et des sujets d int r t commun de nature politique Remarquons cependant que le projet de la fondation de l Agence de coop ration culturelle et technique PACCT compar e une Unesco franc
44. tachement l appellation ne dure pas non plus En 1989 la d signation d crivains minimalistes circule d j L article de Grainville 1989 26 paru dans Le Figaro en t moigne Echenoz forme une famille on le sait avec Toussaint et quelques zigs class s sous le logo du roman minimal sec et dandy Bien qu elle ait le d savantage de mettre en relief une seule caract ristique du travail de ces auteurs la d signation d crivains minimalistes au contraire des pr c dentes est utilis e jusqu la fin du si cle tant reprise comme nous le verrons dans un grande nombre d tudes plus approfondies sur le roman fran ais des ann es quatre vingt Vers la fin du si cle plus pr cis ment en 1994 Ammouche Kremers et Hillennar sont responsables par la parution chez Rodopi d un fameux volume qui produit encore une appellation celle de Jeunes auteurs de minuit que l on formule aussi souvent comme Jeunes romanciers de minuit L expression a l avantage d tre plut t neutre de ne pas mettre en relief une caract ristique de leur travail plut t qu une autre bien qu elle continue renvoyer aux Nouveaux Romanciers appel s eux aussi les crivains de Minuit Elle a aussi le d savantage de ne pas inclure d autres auteurs de la m me g n ration et dont le travail a des caract ristiques en commun avec ceux de ces romanciers mais qui publient chez d autres maisons d
45. tacher c tait la premi re fois cause du spot que je la voyais se d tacher raser le mur et s craser cinq m tres plus bas lourde pl treuse mordante sur la page vierge de mon journal intime ibidem Cette image de la d f cation minutieusement d crite au niveau de sa consistance destructrice et dans son trajet jusqu au feuillet blanc du journal intime du narrateur repr sente une r ponse m taphorique tr s forte de scepticisme voire de rejet par rapport la question de recherche identitaire surtout qu elle ferme le prologue Le d calage du ton de ce pacte autobiographique singulier est vident par rapport l emphase de celui de Jean Jacques Rousseau consid r comme fondateur du genre qui ouvre le premier livre de ses Confessions 1782 Je forme une entreprise qui n eut jamais d exemple et dont l ex cution n aura point d imitateur Je veux montrer mes semblables un homme dans toute la v rit de la nature Rousseau 1782 1789 1 Le simili pacte autobiographique situ au d but d Histoire ex crable d un h ros braban on ne ressemble pas non plus celui de Pierre Emmanuel pour prendre un exemple d j moins pr somptueux et chronologiquement beaucoup plus proche du texte de J Muno je voudrais rassembler dans un faisceau les composantes de mon histoire me relier ce pass toujours pr sent tirer de lui cette image de moi qui peut tre m anime encor
46. toute fictionnalisation des v nements est cart e ibidem Les H ritiers les aboutira ensuite un texte th tral Normalement Stock coll Le Livre de Poche 2003 qui sera repris dans une mise en sc ne de Christine Angot et Michel Didym au Th tre National de la Colline en 2002 et en 2006 par Thomas Quillardet En 1999 Hubert Colas met en sc ne Nouvelle Vague Salle Agitakt Paris En 2005 Angot travaille nouveau avec Monnier dans un spectacle dramatique intitul La Place du singe Catherine Millet est actuellement directrice de la r daction Art Press critique d art parmi ses publications L Art contemporain en France Flammarion 1992 L Art contemporain un expos pour comprendre un essai pour r fl chir Flammarion 1998 Dali et moi Gallimard 2005 Elle est l auteure du fameux best seller La Vie sexuelle de Catherine M Seuil 2001 vendu plus de 350 000 exemplaires en France 3 Dans Baise moi Florent Massot 1997 Grasset 1999 J ai lu 2000 Virginie Despentes raconte la vie tr pidante et marginale mais cependant heureuse de deux jeunes filles attir es par le danger Alice Sebold raconte dans Lucky d Nil 2005 comment elle r ussit se reconstruire affronter le regard de l autre et aimer de nouveau apr s avoir t victime d un viol sur le campus universitaire l ge de dix neuf ans 7 Justine L vy dans Rien de grave d Stock 2005 accuse Ca
47. 16 n 3 pp 6 18 SARKONAK Ralph 1997 Une histoire de corps in SARKONAK Ralph 1997 Le corps textuel d Herv Guibert Paris Lettres Modernes pp 5 22 SONTAG Susan 1998 Le sida et ses m taphores in La maladie comme m taphore trad par Brice Matthieussent Paris Christian Bourgois TUDORET Patrick 2009 L crivain sacrifi vie et mort de l mission litt raire Paris Editions Le Bord de l eau WORTON Michael 1977 En d crivant le corps en imaginant l homme le vrai corps de Guibert in SARKONAK Ralph 1997 Le corps textuel d Herv Guibert Paris Lettres Modernes pp 63 77 Apostrophes Emission t l visuelle du 16 mars 1990 Ex Libris Emission t l visuelle du 28 f vrier 1991 diffus e le 7 mars 1991 50 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 TOUT LE RESTE N EST PAS QUE ROMAN INFLEXIONS ET CONVERGENCES DANS LA POESIE FRAN AISE POST 80 ANA PAULA COUTINHO Universit de Porto Instituto de Literatura Comparada Margarida Losa amendes letras up pt R sum La po sie fran aise post 80 c est dire crite et publi e partir des derni res ann es 80 correspond t elle une rupture ou une r appropriation de certains axes de la modernit esth tique Quoique d une fa on br ve et pr
48. 6 2013 pp 51 64 Ce genre d exp rience de la trivialit et de la fugacit constitue souvent un pr lude de d sir subtil d vasion ou bien un pr texte pour faire le bilan de la vie tout en appelant des temps diff rents qui figurent la m tamorphose et travers celle ci toutes les marques de la vuln rabilit humaine et sociale Nous pouvons rep rer ce m me processus dans Fin d l gie Saint Nazaire un des premiers po mes de J Habite ici de Jean Claude Pinson Le titre du po me est d j tr s int ressant d s lors qu il appelle une forme po tique traditionnelle avec des traits aussi bien lyriques qu piques une forme qui va surgir visuellement d form e du point de vue m trique et rythmique mais aussi parce qu il introduit le sens ambigu du final du po me qui pointe aussi bien vers la tonalit m lancolique d une l gie que vers la fin m me d une certaine id e de po sie qui a du mal tre int gr e de nouvelles r alit s urbaines ou suburbaines Ici les nuages sont souvent si press s que la ville fait l effet d une gare oubli e o l on n a droit qu au vent des trains des ch meurs on en a sans doute plus qu ailleurs je parle comme si j tais en charge de la ville beaucoup sont impuissants aiguiller leurs vies et plus que d autres prennent la pluie quand cr vent sans arr t des nuages bas fouett s par les vents d ouest j en vois passer courb
49. Cette canalisation de l nergie physique et psychique pr n e dans les ann es 80 pour se transformer en force de travail sert ce nouveau paradigme d existence qu est l entreprise Les imp ratifs de la sant du sport et de la sexualit deviennent les indispensables ingr dients d une bonne hygi ne sociale mais aussi d une ali nation Tel est le paradoxe de la biopolitique des ann es 1980 ces trois vecteurs majeurs de la construction de soi qui ont toujours t la sant et le souci qu on en prend le sport en tant qu thique du corps et la sexualit comme mode principal de subjectivation se trouvent ce point encourag s stimul s surveill s par des dispositifs nouveaux qu ils figurent bient t trois formes d assujettissement in dites les trois sites d une expropriation du corps Cusset 2006 271 Les progr s r cents en mati re de m decine chirurgicale du sexe et de greffes ainsi que les inventions du clonage laissent entrevoir diff rentes figures de surhommes le mutant ainsi que le cyborg cousins du clone virtuel du c t des techniques de num risation Le cin ma hollywoodien est envahi depuis la fin des ann es 1970 d images de Samson et d Hercule l excellence des effets sp ciaux augmentant leur puissance Rocky 1976 film de John G Avildsen interpr t par Silvester Stallone les diff rentes versions de Superman sorties entre 1978 et 1987 ou encore Terminator 1985 r al
50. Ere du vide s affiche de plus en plus et pr figure l av nement de la g n ration yuppie et du n o lib ralisme des ann es quatre vingt dix plusieurs balises culturelles viennent op rer une rupture que le recul et la r flexion permettront de mieux mettre en lumi re et qui constituent autant d axes d approche de cette d cennie inoubliable Rappelons le cette p riode charni re assiste sur le plan litt raire au retour d une intentionnalit r f rentielle et si ce n est de l auteur au moins de sa figure notamment chez des Nouveaux Romanciers convertis ainsi qu l mergence de nouveaux crivains et textes notamment chez Minuit qui marquent d finitivement le champ litt raire La Salle de bain 1985 Le M ridien de Greenwich 1979 tout comme l essor de l autofiction et la prise en compte et volution th oriques et taxinomiques des Litt ratures Francophones Inconsciente des mutations qui couvent chute du Mur et effondrement des grands syst mes conomiques et de pens e elle ignore tout encore des progr s technologiques qui devaient bouleverser le monde internet en t te et des pragmatismes conomiques et financiers qui devaient s imposer plus tard une Europe largie et unifi e uniformis e par la monnaie Une d cennie in tranquille en somme Les diff rentes contributions de ce num ro ont t ch de r pondre chacune sa fa on aux diff rentes questio
51. aise 2005 334 le d bat poursuivait outre Atlantique la lecture des intellectuels fran ais dissidents nourrissait le passage des tudes fran aises aux tudes postcoloniales la French Theory l emportait dans les universit s am ricaines qui accueillaient les plus grands penseurs du postcolonial la triade Edward Said Homi Bhabha Spivak et la pens e de Barthes de Foucault et de Derrida Les ann es 1980 sont aussi des ann es de bilan et de prospection de l avenir C est sans doute une des raisons pour lesquelles Compagnon se propose d tudier les 5 Ne pas confondre avec le sens d engagement propos par Sartre pour cette expression dans Qu est ce que la litt rature 1948 16 Nad ge Veldwachter parlera de l exil intellectuel fran ais 2011 25 81 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 d buts de la II R publique 1983 en particulier ses aspects id ologiques et politiques aspects qui d terminent certains choix de l histoire litt raire et nous aident comprendre son volution l poque Si les pratiques pluridisciplinaires de l histoire culturelle ont contribu modifier le r gime d historicit des uvres litt raires et relativiser quelques pr suppos s de l histoire litt raire se r v lant ainsi un a
52. analyser en parall le celui de mission civilisatrice et d universalisme en contrepoint des concepts de d mocratie et de globalisation Des concepts qui aident comprendre d une part la difficult du dialogue entre l histoire litt raire fran aise et la francophonie et d autre part entre tudes francophones et tudes postcoloniales Quelques perspectives s affrontent pendant les ann es 1980 dans la constitution des tudes francophones d apr s leur foyer d origine o le d bat porte essentiellement sur la langue fran aise et sur sa d territorialisation Ce cadre est l h ritier de la situation coloniale l empire se renferme alors autour de la d fense de la langue fran aise La cr ation des Alliances fran aises en 18837 constitue une initiative pionni re d int gration des lites locales et d appel leur coop ration dans la diffusion et la promotion de la mission civilisatrice de la langue et de la culture fran aises la prise de 27 V Maurice Bru zi re L Alliance Fran aise histoire d une institution Paris Hachette 1983 90 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 conscience des p rils qui guettaient le fran ais dans l univers colonial risquait de porter atteinte l id e d universalit du fran ais Forsdick amp Murphy
53. ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 de la vie priv e c est dire des relations dans le contexte proche famille amis intimes activit s diverses 3 la troisi me attitude propre l individualisme se concr tise dans le rapport que l individu entretient avec lui m me c est dire dans les actions qu il entreprend pour lui m me dans le seul but de prendre soin de lui m me et de mieux se conna tre Foucault signale que transpos dans le contexte contemporain les ann es 80 le souci de soi serait l quivalent d une sorte de dandysme moral d affirmation d fi d un stade esth tique et individuel ind passable d goisme et de repli sur soi m me Il s agit finalement de trouver le plaisir en soi m me et de se rendre culte soi m me Foucault 1984 56 60 Dans les discours litt raires gocentriques contemporains dans l autofiction tout particuli rement ce souci de soi se double souvent d un souci de plaire de s exhiber ou m me de scandaliser et finit souvent par s adapter au moule que lui tend implicitement travers les m dia entretiens en direct la t l vision ou la radio reportages dans la presse non sp cialis e et des magazines divers non seulement Le Nouvel Observateur mais aussi ELLE T l 7 Jours Paris Match etc un lectorat lui aussi m dia
54. ce que j ai relev ici et ce qui s est pass du c t du roman ou de la prose narrative ne sont pas du tout fortuites On serait tent d en appeler l aussi une loi des sciences naturelles celle des vases communicants m me si elle seule elle n arriverait pas expliquer pourquoi nous avons l impression que la po sie a toujours t en avance Bibliographie AUG Marc 1992 Non Lieux Introduction une anthropologie de la surmodernit Paris Seuil La Librairie du XXe Si cle BAUDELAIRE Charles 1999 crits sur l art Paris Le Livre de Poche BONNEFOY Yves 1985 L improbable et autres essais Paris Gallimard Coll Id es 1959 COLLOT Michel 1989 La po sie moderne et la structure d horizon Paris PUF Coll Ecriture DELAVEAU Philippe dir 1988 La Po sie Fran aise au Tournant des Ann es 80 Paris Jos Corti GOFFETTE Guy 2000 loge pour une cuisine de province suivi de La vie promise Paris Po sie Gallimard MALLARM St phane 1945 uvres Compl tes Paris Biblioth que de la Pl iade MAULPOIX Jean Michel 1984 Un dimanche apr s midi dans la t te Paris P O L MAULPOIX Jean Michel 1990 Portraits d un ph m re Paris Mercure de France MAULPOIX Jean Michel 2005 Adieux au po me Paris Editions Jos Corti MAULPOIX Jean Michel 1999 La po sie fran aise depuis les ann es 50 in http www maulpoix net articuler html
55. changer la perspective sur la vie litt raire qu une histoire de la litt rature organis e par auteurs par si cles ou par p riodes litt raires ne pouvait donner et ouvrir de nouvelles voies de recherche notamment dans le domaine de la sociologique de la lecture L apport de l histoire culturelle l histoire litt raire est mesurer notre sens par ses effets m thodologiques et conceptuels Les projets d velopp s l poque montrent clairement que la litt rature n habite pas un espace autonome et que 1 Consid r l uvre inaugurale des tudes d histoire culturelle 2 Disciple de Bourdieu il a transmis la perspective sociologique fran aise original anglais Expression aux connotations lansoniennes 14 Cf entre autres Histoire de l dition fran aise 4 vols et de Martin Lyons Le triomphe du livre 1987 80 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 l tude des uvres gagne tre envisag en situation 15 il s agissait alors de r inscrire le ph nom ne ou le fait litt raire dans l univers o il vit le jour depuis la formation de l crivain et ses affinit s litt raires et esth tiques tout en tenant compte de l histoire de l dition discipline qui devait fournir des mat riaux d cisifs pour les tude
56. chantier je n aurais pas seulement envie de l cher mais de mordre de bouffer de croquer de mastiquer d avaler idem 106 45 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 Cette lutte n est pas s en rappeler les douloureuses s ances de gymnastique voqu es dans ses r cits comme ici dans Le Protocole Compassionnel o le narrateur se compare un jeune Marocain Boxer Boxer comme le jeune Marocain sur les vestiges de la piscine de Kontiki Casablanca face l oc an sans personne vaincre que soi m me Boxer poil dans le vide dans l infini dans l ternit idem 169 Le film de La Pudeur et L impudeur insiste d ailleurs sur cette image du corps en lutte certains plans montrant Herv Guibert dans son appartement pris dans des gesticulations difficiles boxant litt ralement l air seul face lui m me Les quelques plans pris face la cam ra donnent l impression que les poings s adressent au spectateur pris t moin de cette lutte acharn e et solitaire comme s il manquait un adversaire Car l ennemi sournois et latent est tapi ailleurs l o nul ne le voit Entre posture et imposture mort et r surrection de l auteur Si comparaison n est pas raison comme avertit l adage il est n anmoins difficile d imaginer contraste plus sa
57. ci envers l h ritage litt raire Ils ne se prennent pas de haut en discr ditant la tradition litt raire ainsi que le font les romanciers du Nouveau Roman ils ne visent pas non plus restaurer la tradition en pousant corps et me ce que leurs pr d cesseurs ont remis en cause L ironie est cette suspicion joviale qui fait la fois rapprocher et loigner L expression crivains minimalistes laquelle certains critiques ont recours pour qualifier les crivains qui nous int ressent semble recouvrir le terme d impassible et celui de roman ludique ou de fictions joueuses Le terme minimaliste renvoie une esth tique qui valorise la fois la retenue des motions et l puration de l criture romanesque L criture minimaliste restitue la mesure du d nuement et limite les ordres du divertissement dit Blanckeman idem 66 La floraison des p rip ties romanesques chez Echenoz la jonglerie verbale chez Chevillard et la tendance l explosion motionnelle chez Gailly ou Toussaint sont encadr es dans une organisation narrative qui limite le r cit quelques combinaisons d unit s formelles idem 65 164 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 L h ritage spirituel de Beckett La vision du monde correspondant l ironie postmoderne peut tre d
58. comme celle des crivains du Nouveau Roman par exemple L afflux de nouveaut s ditoriales se disant ou tant catalogu es comme autofictionnelles n ayant pas tari au d but du XXI si cle Philippe Vilain r fl chit dans D fense de Narcisse 2005 sur le l gat provenant des d cennies pr c dentes finissant par dresser pour ainsi dire un constat des lieux Selon Vilain les crivains contemporains peuvent tre rassembl s en deux grands groupes ceux qui au cours des derni res ann es ont 1 Propos d Antoine Gallimard dans un article de T l rama 21 03 1984 sign Michel Gazier 144 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 chapp la m diatisation grande chelle comme par exemple Fran ois Bon et Louis Ren des For ts et ceux qui ont t accapar s par une critique de la r ception m diatis e comme c est le cas d Annie Ernaux Avec notamment la cr ation du n ologisme actufiction r cit dont la structure th matique exploite les v nements ou les grands sujets de l actualit suppos r sumer la tendance de la rentr e litt raire 2003 avec la cr ation du Nouveau Nouveau Roman par Fr d ric Beigbeder ou bien avec celles de l cole Minuit ou des Moins que rien par la revue N R F qui on s en souvient tentait de regrouper sous une m me ba
59. conduit au silence doit tre revisit dit Umberto Eco Eco 1985 77 Dans ce contexte la parodie s impose comme une pratique privil gi e de la litt rature et de l art contemporains car elle permet de renouer avec un pass dont le poids p se toujours sur la conscience contemporaine sans pourtant y adh rer avec un s rieux qui d tonerait dans le spectre litt raire et artistique largement remodel par la modernit Chez nos crivains la pratique de la parodie rev t diff rentes formes pour Echenoz la parodie est essentiellement celle des matrices narratives rattach es au romanesque Sa reprise des genres mineurs de la litt rature s accompagne d un souci du renouveau du romanesque Chevillard s attaque la fois un spectre plus large de genres litt raires roman d aventure autobiographie po sie journal intime et des textes sp cifiques contes des fr res Grimm Gailly reprend les chansonnettes famili res Vautobiographie et l histoire d amour pour improviser sa propre fa on Quant Toussaint le thriller et l autobiographie sont des formes parodiques privil gi es de l crivain 173 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 L ironie est importante dans l tude sur la parodie contemporaine dans la mesure o l ironie constitue l fhos principal d
60. critique le En fait Jacques Pierre Amette fait allusion par m garde Patrick Devret qui ne peut tre vu le contexte que Philippe Deville Voir aussi sur ce point SCHOOTS Fieke Passer en douce la douane L criture minimaliste de Minuit p 19 note 26 26 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 roman postmoderne se veut litt raire Demoulin 1997 10 Il allie in galement dans un m me r cit des l ments narratifs traditionnels et un jeu conventionnel ce qui sugg re le collage ou le surcodage C est sur ce point que devait revenir Jean Bessi re lorsqu il d crit le minimalisme comme l expos minimal de la subjectivation comme la r duction du questionnement que son impasse porte gr ce la pr sentation de contextes et de jeux pragmatiques attach s aux personnages minimaux Bessi re 2010 261 Et Bessi re de mieux situer cette mouvance dans la probl maticit du genre romanesque contemporain Ces petits riens sont des donn es ad quates la perception de quiconque Parce qu ils sont des petits riens ils ne peuvent tre les supports ou les moyens ni de la figuration pl ni re de la constitution du sujet humain ni de la figuration du pouvoir du roman idem 295 Dans ce dernier cas le d pouillement narratif des plus r cent
61. critique litt raire n a pas manqu de relever des reflets subtils dans les attitudes impassibles des personnages des romans de Jean Philippe Toussaint en proie l inaction d une soci t hyper individualiste et elle m me plus d un titre impassible telle que l a d crite Gilles Lipovetsky dans le portrait bross dans L re du vide justement au d but des ann es quatre vingt 1983 Ceci dit Jean Philippe Toussaint Bruxellois ayant tudi l Institut d tudes politiques de Paris 1978 et titulaire d un DEA d histoire livre sa salle de bain en 1985 un moment d cal et d pass du d bat identitaire de la belgitude qui s est tenu dans son pays au tournant des ann es quatre vingt En effet au moment du fameux num ro des Nouvelles Litt raires de 1976 o Pierre Mertens lan ait son fameux manifeste Une autre Belgique dont il faut rappeler le contexte et les termes dans la mise en perspective du rapport identitaire la France gale distance d une vergogne imb cile phase centrifuge et Groupe du lundi et d un orgueil d plac phase centrip te Mertens 1976 14 Toussaint n avait encore rien publi Et Mertens d noncer l ordre du jour de la nouvelle g n ration litt raire belge qui pr c da tout juste 28 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie v
62. de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 Nous avons affaire un labeur d asc tes comme disait feu J r me Lindon d crivant les jeunes crivains de sa maison pour qui ne comptent ni l argent ni les prix litt raires n1 la gloire Nous sommes donc en pr sence d impassibles cf Amette 1989 cet gard S mir Badir se r f re au contexte socio historique dans lequel le roman contemporain se con oit et qui a trait au statut m me de l crivain ces jeunes crivains sont dans un rapport de proximit avec leurs lecteurs qui ne me para t pas tre indiff rent leur fa on d crire ni la mani re dont les textes sont lus Ce sont des salari s qui t moignent devant d autres salari s ibidem Cette volution des crivains contemporains vers le profil bas n est pas sans lien avec la fin de l engagement id ologique en litt rature Si l on peut se r jouir de voir le genre romanesque d livr de la gangue des discours th oriques et des id ologies Hugotte amp Mourier 1995 39 il y a aussi la d b cle d un autre engagement esth tique cette fois marqu par le soup on Par ailleurs cette litt rature est en accointance avec la pens e et la caract risation sociologique de nos soci t s contemporaines marqu es par un repli sur le sujet individualiste La
63. de Vest Universit de l Ouest de Timisoara Centre d tudes Francophones pp 91 106 MORGAN Mich le avec la collaboration de Marcelle ROUTIER 1977 Avec ces yeux l Paris Robert Laffont Coll V cu France loisirs MUNO Jean 1967 Le Blanc cass Les Cahiers du groupe n 1 Le H ros dans le roman pp 35 39 MUNO Jean 1976 Ripple Marks Bruxelles d Jacques Antoine MUNO Jean 1980 T es rien terrien in SOJCHER Jacques d La Belgique malgr tout Bruxelles d de l Universit de Bruxelles pp 361 366 134 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 MUNO Jean 1982 Histoire ex crable d un h ros braban on Bruxelles d Jacques Antoine Coll crits du Nord n 7 MUNO Jean 1986 Munoscopie in BAILLY Marc dir Dossier Jean Muno Ph nix Science fiction et fantastique n 7 d c pp 30 58 PUERTAS MOYA Francisco Ernesto 2004 Aproximaci n semi tica a los rasgos generales de la escritura autobiogr fica Logrofio Universidad de la Rioja Servicio de Publicaciones Biblioteca de investigaci n n 37 PYCHOWSKA Joanna 2007 L Existence humaine dans le miroir litt raire belge Cracovie Wydawnictwo Naukowe Akademii Pedagogiczne ROUSSEAU Jean Jacques 1782 1789 Les Confessions Paris d
64. de ce panorama la fois descriptif et r flexif font remarquer que des po tes assez distincts entre eux sont capables de puiser chez ou de se r clamer des m mes auteurs Ceci nous am nerait conclure que les po tes se lisent davantage entre eux ou qu il y a souvent une co ncidence entre auteurs et lecteurs de po sie ce qui pourrait nous conduire aussi une r flexion sur certaines dynamiques et sp cificit s du champ litt raire qui touchent particuli rement le domaine de la po sie Ce n est pourtant pas dans ce sens que j entends mener ma lecture Il me semble en effet que l on peut d celer quelques inflexions plus ou moins subtiles concernant tout d abord des po tes qui publiaient parfois d j depuis bien des ann es Pour cela j invoquerai pour l exemple un po te et essayiste en somme un poete critique dans la pure lign e de la modernit baudelairienne aussi central que litt rairement et institutionnellement reconnu Yves Bonnefoy dont la po sie a toujours pr tendu riger un univers rachet aussi bien de l abstraction que de l obscurit du r ve Dans un de ses premiers essais L acte et le lieu de la po sie dat de 1958 il d fendait d j que la po sie avait comme grand d fi de fonder de nouveau l espoir et que pour ce faire le po te devait faire le choix baudelairien des choses mortelles Bonnefoy 1985 124 Or la diachronie de l uvre po tique de Bonnefoy est b
65. dont on ne songe pas nier l efficace jusques et y compris l heure actuelle Et d autre part la critique t moigne de la vitalit et de l inscription non revendicative des textes belges de langue fran aise du moment ce qui oblige le chercheur en litt rature belge le dater Au moment o para t La salle de bain Jean Philippe Toussaint est donc un crivain belge dont l horizon esth tique se trouve aux antipodes des revendications de ses confr res impliqu s dans les d bats et les discours d escorte de la belgitude ce concept marqu par la n gation la d pression et la revendication 1l s agit pr sent de substituer celui positif et indiciel de belgit La belgit rend donc compte d une litt rature qui a d ment pris conscience des manipulations qui la menacent des complexit s qui lui donnent corps et des particularit s de son contexte sans en faire un malaise Elle en fait plut t une chance un apport constructif et actif aux voies du projet francophone que le suffixe positif r ne manque pas de conf rer et de 29 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 rappeler Autrement dit nous voil enfin comme le rappellera Marc Quaghebeur devant une belgitude mi chemin entre positivit et n cessit Quaghebeur 1998 208 Ceci dit il de
66. du prologue quasiment identique pour clore la contribution du romancier au volume collectif La Belgique malgr tout 1980 correspondait l une sorte de pied de nez l interrogation identitaire nationale ressass e dans le cadre de la belgitude De mani re parall le il sert dans la narration de 1982 montrer une remise en question ironique du r le du journal intime et annonce ou confirme apr s le paratexte d j analys la teinte particuli re de l autobiographie qui va suivre Le d rapage parodique du p ritexte se poursuit dans l incipit du chapitre initial de l uvre Je suis c est vrai on ne saurait pr tendre le contraire D ailleurs ma maison natale existe toujours troite et sombre elle sentait vaguement l urine j ignore pourquoi Muno 1982 17 Bien que les deux premiers mots paraissent de nouveau r pondre l attente d un lecteur du genre autobiographique vu l expression de l affirmation ontologique fondamentale Je suis s y ajoute imm diatement le syntagme c est vrai renforc par la remarque insolite on ne saurait pr tendre le contraire qui semble donner l assertion initiale le statut d une concession La suite du paragraphe d vie sur la description plut t d senchant e de la maison natale du narrateur dont celui ci met d abord en exergue l odeur d urine Cette double vocation des besoins naturels entre les quatre lignes conclusives
67. du prologue et l incipit du premier chapitre donne un certain accent trivial au r cit qui serait incongru dans le cadre d une autobiographie traditionnelle port e apolog tique Le narrateur se plaira pourtant revenir sur un aspect scatologique au d but du deuxi me chapitre lorsqu il mentionnera les cacastrophes de Papin enfant d gageant parfois une odeur naus abonde faute de s tre rendu temps aux toilettes Les cacastrophes ne demandent pas beaucoup d explications chacun sent cela d ici noter pourtant que ces incongruit s se produisaient de pr f rence et 123 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 paradoxalement dans un climat de r tention ou de saine d tente cours de syst me m trique lecture de palmar s r union d enfants sages partie de colin maillard organis e avec les mamans par un jeune instituteur po te On aimerait y voir une manifestation d ind pendance une forme embryonnaire d affirmation de soi Papin puant mais gardons nous de l hagiographie idem 24 Le lecteur ne peut manquer de percevoir la fin de l extrait le trait ironique d coch au genre autobiographique puisque selon le narrateur cette sorte de narration basculerait dans l hagiographie en consid rant le rel chement du sphincter anal chez le gar on
68. e selon laquelle la pauvret extr me de l expression peut de fait enrichir l exp rience esth tique 138 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 d j en 1967 que dans le monde r ellement renvers le vrai est un moment du faux Les ann es pass es depuis lors ont montr le progr s de ce principe dans chaque domaine particulier sans exception Debord 1988 55 Debord s tait attard analyser en particulier l un des proc d s d appropriation les plus communs de cette soci t en croissance qui consistait falsifier copier ou adapter ce qui tait consid r comme des biens symboliques de la classe sup rieure parmi lesquels l criture la lecture et la cr ation litt raire Le faux forme le go t et soutient le faux en faisant sciemment dispara tre la possibilit de r f rence l authentique On refait m me le vrai d s que c est possible pour le faire ressembler au faux Les Am ricains tant les plus riches et les plus modernes ont t les principales dupes de ce commerce du faux en art Le jugement de Feuerbach sur le fait que son temps pr f rait l image la chose la copie l original la repr sentation la r alit a t enti rement confirm par le si cle du spectacle et cela dans plusieurs domaines o le XIXe si cle a
69. en plus probable l identit du narrateur et de l auteur Ainsi au chapitre 8 de la premi re partie seront signal s pour les p riodes de vacances du petit Papin des sl jours modestes et prolong s la mer ou dans les Ardennes pr s d un village nomm Muno Muno 1982 81 Mais si le lecteur averti sait que le romancier a pr cis ment emprunt son pseudonyme au nom de ce lieu de vill giature rien dans ce passage ne l explique encore et par cons quent un certain suspense est maintenu Toutefois vingt pages plus loin l ad quation entre narrateur et auteur ne laisse plus de doute car apr s avoir d crit les m rites des chahuts scolaires de son adolescence le narrateur imagine que le lire les p dagogues reconnaissent enfin leurs bienfaits et 128 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 qu ils s exclament Mais il a raison ce Muno idem 101 Par ailleurs certains indices ult rieurs tels que l achat d une maison en un lieu curieusement nomm Malaise idem 198 concordent avec ce que l on sait de l crivain Pourtant l ambigu t demeure parce que d autres d tails concernant le protagoniste diff rent de notre connaissance de l auteur comme le fait que Papin m ait qu un seul enfant contrairement J Muno p re de Jean Ma
70. es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 m diateurs se r duit libraires en difficult critique affaiblie reste ainsi l enseignant un grand champ d intervention et la responsabilit d introduire aux livres plus ou moins difficiles qui sont n glig s par les m dias Quelques autres pratiques d criture q pratiq Pour compl ter et non pour contester le portrait le plus souvent trac de la d cennie et sans pr tendre en arr ter les traits je proposerai quelques lignes de force et noms d auteur qui m riteraient aussi d y prendre place La pratique de l humour et l ironie litt raire est manifeste et souvent soulign e chez les auteurs des Editions de Minuit en particulier chez J Echenoz J Ph Toussaint E Chevillard qui jouent avec les codes et l nonciation romanesque il faudrait ajouter ces noms celui de Christian Gailly pour humour noir de Dit il de Minuit et celui de Jean Luc Benoziglio ou Maurice Roche publi par Fiction et C et grand prix de humour noir pour Je ne vais pas bien mais il faut que j y aille Mais c est une pratique d criture qui traverse d autres uvres de la p riode et se d veloppe ensuite Schoentjes 2012 Il en est de m me pour l hybridit s miotique texte et image photographique qui s amorce dans ces ann es o la photographie entre dans le champ art
71. es aux Etats Unis o elles ne sont plus l ordre du jour Les r f rences bibliographiques cette p riode sont abondantes Faisons r f rence la r alisation de la Journ e d tudes Mai 68 si loin si pr s tenue la Facult des Lettres de l Universit de Porto au mois de mai 2008 dont les textes sont disponibles sur l adresse de la Biblioth que digitale de cette universit http ler letras up pt site default aspx qry id031d1207 amp sum sim 86 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 A ces raisons d ordre historique et consid rant le contexte id ologique sous jacent la vogue de ces tudes Baetens signale que l id al r publicain fran ais et les valeurs universelles qui le soutiennent tait depuis toujours inclusif en opposition l exclusion laquelle taient vou es les minorit s am ricaines pendant la d cennie Finalement l ampleur de ces tudes peut expliquer pour Baetens leur difficile institutionnalisation en France La nature interdisciplinaire de ces tudes devient difficilement conciliable avec leur inscription dans un cadre disciplinaire rigoureux tel que celui de l universit fran aise exige une situation qui aide mieux comprendre le d calage entre les deux mod les d tudes Tel que le constate A
72. est bien pr sente aussi dans l uvre d auteurs d terminants du canon litt raire fran ais reconnus depuis longtemps par l histoire litt raire mais que celle ci n aborde cependant pas sous cet angle il suffirait de penser Camus Gide Loti Verne Segalen Leur lecture contrapunctique est bien l un des d fis que nous lance Edward Said Cette r flexion est amen e au d bat par Jean Marc Moura d s la fin de la d cennie suivante lorsqu il signale l ambig it des notions de francophonie Cf entre autres La guerre des langues et les politiques linguistiques Paris Payot 1999 Linguistique et colonialisme petit trait de glottophagie Paris Payot 1974 1988 2 L histoire litt raire elle m me par ailleurs si lacunaire en 2003 dans le n 103 de La Revue d Histoire litt raire de la France Jos Luis D az dans un article pertinemment intitul Multiple histoire litt raire signalait encore le besoin d ouverture de l histoire litt raire aux auteurs mineurs mais tout aussi importants pour la d finition du champ litt raire fran ais reprenant l appel fait par l historien de la culture Jean Yves Mollier dans ce m me num ro 91 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 litt raire et de th orie postcoloniale en France dont l
73. esth tiques ant rieurs alors qu il appara t surtout comme prise de distance et de libert face ce qui tait devenu une image trop rigide de la modernit une sorte de surmoi esth tique Une des premi res composantes th matiques et esth tiques de ce renouvellement paradoxal est donc le retour de l auteur ou du sujet si l on consid re que c est quivalent Le principe d immanence structuraliste et la place faite au lecteur sur lequel se cl t le c l bre article de Roland Barthes La mort de l auteur ont pu constituer des tabous d s lors remis en question Et d abord par Barthes lui m me qui n a cess de se d placer de livre en livre D s 1975 Roland Barthes par Roland Barthes comme W ou le souvenir d enfance de Perec proposent des formes d critures de soi qui n ont rien d un retour na f l nonciation autobiographique D une part anamn ses fragmentaires et jeu d alternance des pronoms De l autre refus d un formalisme vide associ une exp rimentation de formes nouvelles Perec entrelace fiction et criture de soi pour dire sans pathos et cr ment la blessure historique et personnelle majeure qu est l extermination des juifs 4 Georges Perec W ou le souvenir d enfance 1975 Je me souviens 1978 R cits d Ellis Island 1980 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013
74. fait nous savons que la c l bre d couverte de Lavoisier s applique tout aussi bien la nature qu la culture Les ruptures sont souvent des effets d illusion ou des cons quences de l ignorance tout court pour ce qui est des forces qui interagissent et qui sont toujours bien plus plurielles et contradictoires que chaque individu et chaque poque ne l aper oivent soit par na vet soit par strat gie d auto affirmation On peut d s affirmer que les inflexions produites par une grande partie de la po sie post 80 sont en fait des formes de convergence avec quelques tendances qui taient d j inscrites dans quelques passages de ce l on appelle la modernit esth tique et qui est devenue en fait une transmodernit au sens non d une simple r p tition du pass ou d une esp ce de nostalgie r gressive mais plut t d une r appropriation ayant le futur comme horizon Contrairement ce qu on entend souvent la formule la force tranquille ne na t pas avec la campagne mitterrandienne en 1981 elle avait t d j utilis par L on Blum dans un de ses discours de 1936 qui l avait alors emprunt e Jean Jaur s 62 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 Comme observation finale je tiens encore ajouter que les coincidences que Pon aura discern es entre
75. grands r cits qui ont fait merger les ironistes Rorty 1989 en tant que voix voies qui renoncent toute pens e totalisante ou toute v rit unique ce titre le dispositif nonciatif et la figuration du monde d un po te comme James Sacr sont vraiment exemplaires Sa po sie et ses essais se signalent par l insistance dans la banalit dans la soi disant insignifiance dans le recours au registre de la familiarit voire du r gionalisme et l agrammaticalit tous ces traits tant parfaitement pr m dit s Mendes 2002 154 159 Les effets de la d mystification de la po sie sont vidents et ils la conduisent un seuil la limite de l autod rision quoiqu elle ne parvienne pas tre iconoclaste comme au temps des avant gardes tant donn qu il s agit d une autod rision m l e une subtile complaisance ou m me un registre de tendresse associ s l univers de l enfance si souvent voqu Il ne s agit plus exactement de promouvoir une criture d nu e ou une sage ignorance mais de construire une voix nonciatrice avec une modestie prudente ou apparemment modeste Cette voix qui n est pas tout fait distanc e par rapport ce qu elle nonce a pourtant tendance h siter l instar de celui qui crit comme s il tirait toujours c t A cause du sentiment qui me vient Que j cris pour pas grand chose et sans rien dire de si i
76. http bibliobs nouvelobs com romans 20110224 0BS8647 chevillard a l heure du dino html gt consult le 08 V 2012 FILLON Alexandre RIGLET Marc 2009 Pour ou contre le dernier Toussaint L Express le 1 septembre lt URL http www lexpress fr culture livre la verite sur marie_816006 html gt consult le 03 V 2012 FLIEDER Laurent 1998 Le Roman fran ais contemporain Paris Seuil 713 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 GAMARRA Pierre 1983 Un nouveau Nouveau roman Cherokee de Jean Echenoz Europe pp 175 179 GARCIN J r me 2009 Temps de Toussaint Le Nouvel Observateur le 25 septembre lt URL http bibliobs nouvelobs com romans 20090925 BIB4056 temps de toussaint html gt consult le 03 V 2012 GRAINVILLE Pierre 1989 Minimal sec dandy Le Figaro p 26 HARANG Jean Baptiste 2010 Du tonnerre Le Magazine Litt raire le 23 septembre lt URL http www magazine litteraire com critique fiction du tonnerre 23 09 2010 32683 gt consult le 03 V 2012 JERUSALEM Christine 2004 La rose des vents cartographie des critures de Minuit in BLANCKEMAN Bruno MILLOIS Jean Christophe ds Le Roman fran ais aujourd hui Transformations perceptions mythologies Paris Pr texte diteur KANTCHEFF Christophe 2011 L homme qui n existait pas Poli
77. inf mant il valait mieux donc parler d autofiction Cela faisait plus chic Le d bat autour de l autofiction 147 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 ne me passionne pas Je ne comprends pas cette esp ce de fureur actuelle Ernaux 2005 http www regards fr culture annie ernaux saisir ce qui passe a Dans L Atelier noir publi en 2011 qui offre un recueil de notes de ses journaux intimes Annie Ernaux fait de nouveau r f rence la fausset de l autofiction Il va sans dire que l indiff rence d Annie Ernaux quant la port e et la validit de Pautofiction tout comme celle affich e par d autres crivains contemporains n a point emp ch la critique litt raire devant l envergure croissante du genre d y voir un sujet s rieux de r flexion comme le sugg re entre autres tudes le livre de Joseph Brami Madeleine Cottenet Hage et Pierre Verdaguer Regards sur la France des ann es 80 le roman publi en 1994 et dans lequel Annie Ernaux son corps d fendant tient une place non n gligeable Dans les ann es 80 chaque crivain travaille donc en solitaire s occupant d exhiber la connaissance du monde les particularit s de sa propre existence et s appliquant fa onner sa propre griffe il n y a pas d uniformit esth tique Il s ensuit une prodigali
78. l autobiographie l ethnologie et l histoire quelque chose la jointure du familial et du social du mythe et de l histoire Thumerel 2004 80 comme en t moignent ses nombreuses d clarations publiques Dans un ample reportage intitul Autofiction confessions d enfants du si cle r alis par Marion Rousset pour la revue Regards parue en f vrier 2005 se trouve un entretien avec Annie Ernaux intitul Saisir ce qui passe travers moi au cours duquel Rousset pose l auteur de La Place la question incontournable Vous reconnaissez vous dans la vague actuelle d autofictions La r ponse d Annie Ernaux est cat goriquement n gative l crivaine d clare pour la ni me fois qu elle ne s identifie absolument pas avec ce qu elle consid re une mode qui n a produit que des livres sans int r t Beaucoup de livres d autofiction ne m int ressent pas Ils ressemblent une variante d un tr s vieux genre qui est le roman psychologique Le plus dramatique c est qu on a souvent l impression d avoir lu a cent fois Sauf avec Christine Angot La vague actuelle est une mode qui n aura qu un temps Le terme lui m me cr par Serge Douvbrovsky est surtout valable pour lui D ailleurs ce crivain continue dans cette veine avec beaucoup de pers v rance d une certaine fa on tous ses livres sont semblables Dans les ann es 80 le mot autobiographie tait devenu
79. la qualit de leur travail leur sens d observation de la vie contemporaine la r novation des techniques narratives et l invention des expressions langagi res singuli res sont repr sentatifs des romanciers de fictions joueuses Ce qui relie ces crivains outre des th matiques communes c est l esprit ironique qui impr gne la majorit de leur production litt raire Ils n h sitent d ailleurs pas souligner leur affinit pour l ironie qu ils remplacent parfois par le mot humour Pour Jean Philippe Toussaint l ironie ou l humour qu il a mise en avant dans ses 2 Le terme est de Bruno Blanckeman 159 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 premiers romans tait la priorit dans sa cr ation romanesque j essayais de traiter sur le mode de l humour en proposant une vision du monde L humour ce moment l tait une priorit C tait m me un crit re esth tique pour juger de la late 3 r ussite d une page Pour Jean Echenoz l ironie est la distance que l crivain met entre l histoire et la repr sentation Elle garantit l efficacit de l criture il y a la dimension ironique dont je ne peux pas me passer un moment l efficacit du r cit me para t bizarrement plus satisfaisante si elle passe par une esp ce de couche d a
80. les choses en accordant une importance exag r e des l ments mineurs J Muno marque ainsi par ces reprises parodiques vis e satirique sa distanciation par rapport un certain type d autobiographie la fois hagiographique et pr tendant r v ler des pans intimes du pass d une grande figure L auteur annonce de la sorte le ton ironique et la port e de son roman suivant d inspiration autobiographique avou e qu il publiera d ailleurs au m me ge que M Morgan l avait fait pour ses souvenirs de star c est dire peu avant d atteindre la soixantaine Observons que d s la troisi me page du premier chapitre d Histoire ex crable d un h ros braban on l crivain se r f rera au soi disant mod le de M Morgan avec le m me dessein ironique L autobiographie est un genre exigeant Il exclut la fabulation la conjecture la pr somption flatteuse et de ce point de vue avec une mati re assur ment moins captivante j aimerais faire aussi bien que Mich le Morgan ou que le mercenaire Rolf Steiner Du vrai rien que du vrai v cu Muno 1982 19 Le sens antiphrastique de la d claration d intention du narrateur j aimerais faire aussi bien que se trouve confirm par la derni re phrase de l extrait En effet celle ci s av re ironique parce qu elle insiste trop lourdement sur le caract re v ridique 114 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autob
81. les oublier car elles enrichissent d autres noms la litt rature de cette d cennie En voici quelques exemples parmi toutes celles qui accompagnent alors Minuit dans le travail de recherche d auteurs quoiqu avec une visibilit moindre Deux exemples de collection d abord La collection Fiction et C est tr s repr sentative du foisonnement de la d cennie et de la multitude des voies d exploration des possibles en litt rature Cr e au Publicit ins r e dans La Quinzaine pour le premier roman de Christian Oster Le terme serait emprunt un journaliste B Vercier et D Viart 2005 Le Centre culturel international de Cerisy la Salle a organis en juillet 2003 un colloque sur Les crivains minimalistes sous la direction de Marc Dambre et de Gilles Ernst Eric Chevillard Patrick Deville Jean Echenoz Jean Philippe Toussaint mais aussi Emmanu le Bernheim Christian Gailly Eric Laurrent H l ne Lenoir sont quelques uns des crivains dont l uvre est au centre de cette d cade 5 La question Existe t il un style Minuit a fait l objet d un colloque les 23 24 et 25 mai 2012 l Universit d Aix en Provence 16 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 Seuil en 1974 par Denis Roche transfuge de Tel Quel sur un mode d ouverture maximale la collection accueille tous les genres roman
82. litigieux Le Monde 05 04 2003 p 29 DARRIEUSSECQ Marie 1996 L autofiction un genre pas s rieux Po tique n 107 pp 369 380 DEBORD Guy 1992 1988 Commentaires sur la soci t du spectacle suivi de Pr face la quatri me dition italienne de La Soci t du Spectacle Paris Gallimard ERNAUX Annie amp JEANNET Fr d ric Yves 2003 L criture comme un couteau Paris Stock ERNAUX Annie 1999 1997 La Honte Paris Gallimard coll Folio ERNAUX Annie 2001 Se perdre Paris Gallimard coll Blanche FOUCAULT Michel 1984 Histoire de la sexualit 3 Paris Gallimard FOUCAULT Michel 2001 L Herm neutique du sujet Cours au Coll ge de France 1981 1982 Paris Seuil Gallimard GASPARINL Philippe 2004 Est il je Roman autobiographique et autofiction Paris Seuil coll Po tique GAZIER Michel 1984 Entretien avec Antoine Gallimard T l rama 21 03 1984 s p GOFFMAN Erving 1979 1971 Relaciones en p blico Microestudios de Orden P blico Madrid Alianza Editorial trad esp LECARME Jacques 2004 Origines et volution de la notion d autofiction Le Roman fran ais au tournant du XXT si cle Actes du colloque Vers une cartographie du roman fran ais depuis 1980 Paris Universit de Paris Sorbonne 23 25 mai 2002 organis par le CERACC Paris Presses Sorbonne Nouvelle pp 13 23 LECARME Jacques 1993 L Aut
83. loi du Talion est sauve De nouvelles horreurs Les conflits qui ont ensanglant l Afrique dans les ann es 1990 et 2000 ont fait leur chemin sur les crans d actualit s mondiaux Les actes de g nocide au Rwanda ont choqu par leur rapidit et le nombre de victimes Les mutilations ont rendu la guerre civile sierra l onaise tristement c l bre La famine organis e en Somalie et au Darfour ont choqu les esprits et mobilis la solidarit internationale Les images de montagnes de cadavres de fosses communes d ossuaires gigantesques se sont imprim s dans les m moires et un nouveau paradigme de l horreur s est fait jour au tournant du si cle pass La d mesure de ces exactions leur brutalit la terrifiante organisation de ces massacres ont rendu difficile la compr hension de leurs motifs La mis re la corruption le pillage des richesses et des mati res premi res associ es des rivalit s haineuses et ancestrales parfois orchestr es par les anciens colonisateurs comptent parmi les facteurs qui ont engendr ces conflits complexes Entre l motion et la compr hension un d s quilibre vertigineux s est install pour ne jamais vraiment se r sorber En revanche des responsables ont pu tre d sign s et assez fr quemment jug s et 1l est frappant de trouver nonobstant la partie du continent o ils ont pu op rer des types de criminels tr s ressemblants les uns aux autres Vu d occident
84. maintenue 8 Cinq branches du projet portant le titre Le Grand Incendie de Londres sont publi es en un seul volume par Fiction et C en 2009 PE Hocquard Aerea dans les for ts de Manhattan P O L 1985 Un priv Tanger P O L 1987 3 M Cohen Miroirs Gallimard 1981 Je ne sais pas le nom Gallimard 1986 Le grand paon de nuit Gallimard 1990 21 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 entre la prose et la po sie ait beaucoup chang depuis les ann es 80 Sarraute disait souvent ne pas voir de diff rence entre l une et l autre Sarraute 1996 1693s mais le pouvoir pris par le roman s est encore accru et les minorit s litt raires se sont encore marginalis es Au risque de simplifier ce paysage litt raire je conclurai par deux traits qui me semblent caract ristiques tout d abord le principe g n ralis d une distance maintenue par l auteur l gard de son objet et de son criture distance face aux codes la repr sentation la narration soi etc Ensuite la dispersion des choix d criture qui peut se lire comme un effet de la perte d aura ou de royaut de la litt rature fortement ressentie la fin du si cle pr c dent et au del Cette dispersion r siste au d sir f d ratif de l diteur du fait de l loignement des grands r cits et des avant gardes
85. nationale belge francophone du roman La salle de bain 1985 de l crivain fran ais Jean Philippe Toussaint Mots cl s Jean Philippe Toussaint La salle de bain Belgique litt rature fran aise contemporain Abstract This paper suggests a national identity reading Belgian Francophone of the novel La salle de bain 1985 by French writer Jean Philippe Toussaint Keywords Jean Philippe Toussaint La salle de bain Belgium French literature contemporary Cet article a t labor dans le cadre du projet Interidentidades de l Institut de Literatura Comparada Margarida Losa de la Facult des Lettres de l Universit de Porto une I amp D subventionn e par la Funda o para a Ci ncia e a Tecnologia int gr e dans le Programa Operacional Ci ncia Tecnologia e Inova o POCTI Quadro de Apoio II POCTI SFA 18 500 24 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 Tout semble avoir t crit et dit sur l uvre et le parcours litt raires de P crivain minimaliste et postmoderne fran ais Jean Philippe Toussaint auteur d un roman culte incontournable et qui marque m tonymiquement une part des mutations en cours dans la litt rature fran aise des ann es quatre vingt La salle de bain sans s s il vous pla t Toussaint
86. publication d auteurs devenus des auteurs de r f rence dans le champ francophone comme Tahar Ben Jelloun Patrick Chamoiseau Mohamed Dib Edouard Glissant Kateb Yacine Amin Maalouf 5 Des circonstances m thodologiques en fonction du glissement l ext rieur de la France des tudes litt raires vers d autres domaines dont les tudes culturelles et l int rieur de celles ci avec une forte popularit les tudes postcoloniales l int rieur desquelles se situent leur tour pour quelques auteurs les tudes francophones L tude des conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 demande effectivement une perspective d ensemble sur la convergence de 92 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 circonstances multiples elle demande galement une r flexion sur les rapports d exclusion que l histoire litt raire a entretenus avec elle pendant la d cennie mais dont l origine est lointaine Nous terminerons notre r flexion sur un point particulier Effectivement et c est l encore un aspect souvent ignor dans le d bat sur les litt ratures francophones le domaine des litt ratures francophones ne se limite pas aux litt ratures des anciennes colonies fran aises cette d signation s applique gale
87. quand l auteur du c l bre essai Le peintre de la vie moderne 1863 pr voyait que le po te ou l artiste en g n ral devrait extraire l ternel du transitoire Baudelaire 1999 517 Or ce qui s est pass souvent davantage du c t d un r cit critique sur la po sie au XX si cle que du c t des po tes ou des po mes eux m mes c est que l on a privil gi l un ou l autre versant de la modernit esth tique faisant par l oublier son ambivalence intrins que dont la d claration baudelairienne laquelle j ai fait allusion est je crois l embl me supr me L existence de deux grands versants dans la po sie contemporaine tr s pertinemment d sign s par Jean Claude Pinson dans son essai Habiter en po te 1995 comme le versant herm neutique et le versant herm tique r cup rent ou manifestent cette tension qui structure la plupart de la po sie moderno me contemporaine du XX si cle Le d passement du solipsisme formel que l on va si souvent invoquer pour caract riser un certain renouveau de la po sie n est en fait rien d autre qu un effort d une nouvelle articulation des deux versants de la modernit esth tique Du reste rappelons le cette notion d articulation a t significativement choisie par Jean Michel Maulpoix pour caract riser la po sie des ann es 80 1999 L autot lisme textuel qui a marqu bien des po tes dans les ann es 60 et 70 et qui
88. qui consiste en un m lange savant de trois ingr dients fondamentaux femme issue d un milieu modeste mais devenue importante de pr f rence crivaine ou voluant dans le milieu artistique journalistique ou intellectuel et se livrant la premi re personne narration s affichant d s la deuxi me de couverture comme tant ouvertement autobiographique et charg e Parmi les travaux les plus importants de Catherine Breillat crivaine directrice th trale cin aste et sc nariste se trouvent L Homme facile J ai lu coll Litt rature G n rale 2000 1968 Le Soupirail Guy Authier 1974 et Une vraie jeune fille Deno l 2003 1975 qui fera l objet de deux adaptations cin matographiques l une pornographique en 1975 en plein essor du cin ma X et l autre comique cette derni re reprise en 2000 avec assez de succ s Plus tard seront publi s Romance Cahiers du Cin ma coll Petite Biblioth que des Cahiers du Cin ma 1999 Le Livre du plaisir Lgf coll Poche 2001 ma s ur Cahiers du Cin ma coll Petite Biblioth que des Cahiers du Cin ma 2001 En 2004 Catherine Breillat publie Pornocratie Deno l 2004 En collaboration avec Germaine Tillion Laure Adler et Gis le Alimi elle publie un libre de photographies Femmes des rues Paris Descartes et Cie coll Hors Collection 2004 Le Machisme l cran Cin maction 2001 publi sous la direction
89. raire Dossier n 500 09 2010 Victor Pouchet L Art du contresens de Vincent Eggericx Le Magazine Litt raire n 201011 11 2010 Vincent Colonna Un homme de passage de Serge Doubrovsky Le Magazine Litt raire n 201104 04 2011 Serge Doubrovsky Un homme de passage Paris Grasset 2010 154 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 finalement utiles la confection de portraits complets d individus plus ou moins c l bres utiles un genre qui lui n a rien perdu de sa solidit m me s il court le risque de sombrer parfois dans l autofiction dans le sens de fiction de l autre quand le livre n a pas t crit par le sujet lui m me la biographie Bibliographie AUTOPACTE lt URL http worldserver oleane com autopact gt consult le 10 11 2012 AUTHIER Christian 2002 Le Nouvel Ordre sexuel Paris Bartillat BACHOLLE Mich le S 2000 Un pass contraignant Double bind et transculturation Amsterdam Atlanta Rodopi BAUDRILLARD Jean 1996 La Soci t de consommation Paris Gallimard coll Folio BAWIN LEGROS Bernadette amp STASSEN Jean Fran ois 1996 Sociologie de la famille le lien familial sous questions Paris De Boeck Universit BERTON Benjamin 2002 Des plans sur la com te Panorama prospectif du roman fran ais
90. s sous l averse et le poids des sacs provision des mis res ils rentrent pied de chez Leclerc tout a n a rien de po tique il n y a pas l mati re loge ni de quoi faire une l gie d ailleurs ils n en voudraient pas pr f rant la t l pour s mouvoir et pleurer pour admirer des miniatures chacun sa po sie Pinson 1990 12s 59 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 Nous pouvons donc constater que l allusion faite l l gie fonctionne ici double sens elle la renouvelle du dedans en l association de nouveaux espaces de nouvelles inqui tudes et finalit s au sens de buts en m me temps qu elle dicte ou du moins sugg re une fin au sens cette fois de disparition d un certain type de po sie dont l allusion la forme l giaque est ici la m tonymie Par ailleurs ce po me de Jean Claude Pinson laisse percevoir quelques biograph mes du domaine public comme le fait que ce philosophe et po te habite Nancy et qui vont dans le sens d une tendance que l on retrouve bien plus ais ment dans la po sie post 80 qui est celle de l abandon ou de d passement du principe mallarm en de la disparation locutoire D ailleurs ce n est s rement pas un hasard si le livre de po mes de Jean Claude Pinson int grant le po me cit c
91. sc ne m diatique comme le mauvais disciple l h ritier d une certaine autorit mais subvertie et r invent e Si Herv Guibert fait figure de Judas il n en reste pas moins qu il aura incarn une autre version de l auteur se mirant dans le double miroir du livre et de l cran une posture de entre deux qui sera souvent celle des crivains de sa g n ration La litt rature ne pourra op rer ce retour dans le cas d Herv Guibert que via une autom diation maximale l crivain occupant toutes les places Auteur narrateur personnage de ses r cits conform ment au pacte autobiographique il est galement le sc nariste le cameraman et l acteur de son film La diminution du corps longuement d crite dans ses romans d cr pitude dont nous avons tent de rendre compte a pour pendant un besoin imp rieux de r unir tous les moyens possibles pour se repr senter et peut tre atteindre l id al celui des dieux tre dans un m me temps sujet et objet de cette contemplation Un v nement tir du Protocole compassionnel m rite de retenir notre attention se retrouvant accidentellement enferm dans sa propre cave le protagoniste lutte de toutes ses forces pour trouver les moyens d en sortir L pisode qui se d roule dans l obscurit est finalement interrompu par une projection de la mort du narrateur apog e du supplice Alors je me vis r ellement Guibert 1991 83 L nonc est l e
92. sie comme on en a fait d autres nagu re n tait d sormais plus possible que sous cette forme la fois indirecte et m lancolique Le c t minoritaire de la po sie moderne et contemporaine associ une forme d litisme qui puise dans la tradition de la modernit esth tique notamment de sa vie litt raire ou pour dire bourdieusement du champ litt raire coexiste ou plut t s enracine dans la ferme conviction que la po sie est non seulement le r el absolu dans la tradition novalienne mais qu elle incarne aussi et par excellence l absolu litt raire pr n par le romantisme allemand d I na D o cette situation paradoxale tout en tant en marge des grands circuits de diffusion et de cons cration actuels de plus en plus soumis aux r gles et aux rituels m diatiques la po sie et l id e de litt rature moderno contemporaine qui s y associe continuent de fonctionner comme la mesure sous jacente de ce qui est ou de ce qui n est pas litt rature au niveau du canon esth tique et ce qui revient souvent au m me au niveau de la critique la plus sp cialis e et la plus symboliquement autoris e Cela dit il serait absolument r ducteur et regrettable si en voulant faire le point sur ce qu a repr sent pour la litt rature fran aise une p riode aussi int ressante que celle des ann es 80 et des ann es suivantes nous ne regardions pas du c t de la po sie et de l essai criti
93. tarifs de corruption se distingue dans Hotel Rwanda le capitaine qui menace d ex cuter les prot g s de Paul Rusesabagina se laisse acheter par de largent et quelques bi res son sup rieur exige une caisse de whisky et des garanties pour l apr s 184 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 guerre Cette mani re de pr senter la corruption en lien avec les atrocit s commises par les militaires ou les paramilitaires rappelle celle employ e par Oliver Stone dans Salvador lorsque le cin aste souhaitait d peindre l croulement de la soci t centre am ricaine La continuit dans l emploi du proc d nous permet de lier ces uvres dans une vis e commune mais aussi de constater que le proc d lui m me est devenu un effet sc naristique classique Soulignons que ces sc nes de corruption permettent g n ralement un h ros fragile de gagner du temps face la barbarie prouvant de ce fait la sup riorit de la ruse sur la force brute tout en remettant en cause la profondeur des convictions des tortionnaires Il s agit donc non seulement de donner des visages la barbarie mais aussi de l expliquer de montrer ses diff rentes facettes voire sa part d humanit ainsi en est il des atermoiements et des allers et retours de l un des employ s de P Rusesabagina pr t d noncer et
94. un univers o les rep res habituels de l espace temps n ont plus de sens En second lieu l ironie se trouve dans l invalidation de la notion du sujet Les personnages beckettiens sont pr sent s comme des morts vivants qui se baladent dans un monde disloqu Le mouvement corporel devient robotique et le langage verbal clat L homme ne se pr sente plus comme une unit signifiante dont chaque geste chaque parole porte un sens mais comme un assemblage machinal dont les pi ces sont isol es les unes des autres Les personnages se livrent des logorrh es enti res et des tics corporels la parole et le mouvement du corps en affichant leur c t vain et ridicule provoquent irr sistiblement le rire Le sujet qui suppose une combinaison d un esprit et d un corps dispara t pour c der l image du cadavre parlant dont l esprit est absent et travers lequel les identit s vides sont interchangeables En dernier lieu l ironie est l absence totale d un centre ou d une origine de sens La dislocation de l espace temps et l invalidation de la notion de sujet ne sont que les cons quences de cette absence L univers aveugle se tourne en son propre nom sans se r f rer une quelconque lumi re qui lui projette un sens Dans le cas de Beckett il serait plus juste de parler de la perte de sens que de son absence Le pr sent est d peint comme la fin du monde qui n en finit pas les personnages sont parfo
95. vers titanesques et autres cr atures qui peuvent n avoir Jamais t humains dans le bestiaire du jeu pour noter quelques figures proches de celles que nous avons d j mentionn es plus haut Entre autres personnages des militaires ren gats au service de la firme transnationale se trouvent tous les points clefs du jeu et leur monstruosit semble r sider principalement dans leur r sistance au feu du h ros et dans les grognements inqui tants qui remplacent leur langage Bien entendu 1l s agit plus de logique de jeu que d une id ologie raciste le joueur devant tre appel faire preuve de toujours plus d ing niosit et de capacit s pour venir bout de ses ennemis Cependant le probl me pos par N Gai Croal demeure il s agit bel et bien d incarner un h ros blanc tuant sans h siter une foule de Noirs La cruaut sauvage de ces personnages est induite suivant le m me processus que dans le cas des milices paramilitaires rendus fous par la drogue ou contamin s par un virus insensibles la douleur ils ob issent aveugl ment et m me avec joie aux ordres donn s par un Blanc Wesker sorte de super vilain de la saga des Resident Evil l instar des rigolards Gatling gun Majinis On notera le caract re composite de l attirail de ces derniers ennemis uniforme d braill le cigare et des bijoux colliers et bracelets tranchant un peu avec la tenue r glementaire Cet att
96. violence du h ros que parce qu elle proc de de l esprit de vengeance et non d un quelconque sadisme En revanche il convient de rappeler que cette vision radicale s est encore simplifi e lors des pr sidences Reagan r solument d fiantes l gard des Nations Unies et de leurs tentatives de r glements diplomatiques des conflits Un bon ennemi doit tre un ennemi affreux Contrairement un clich rh torique de la critique la violence est employ e 2 2 contre courant des codes du super h ros de comic book selon les r gles encore en vigueur et plus ou moins respect es la violence graphique doit tre vit e sugg r e Death Wish Winner Michael Paramount 1971 E Cf le Code of the Comics Magazine Association of America 1954 http historymatters gmu edu d 6543 178 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 au mieux En somme le m chant est m chant intrins quement ou bien des v nements tragiques l ont fait d vier du droit chemin th me omnipr sent dans les comic books Dans le cadre de la fiction du Talion la violence est utilis e titre d appel l motion du spectateur Horrifi par celle exerc e par les m chants il se r jouit de celle vengeresse que le h ros applique aux m chants Point de limite dans la violence tant que la
97. 1984 Le Miroir qui revient Paris Minuit ROBBE GRILLET Alain 2001 La Reprise Paris Minuit SIMON Claude 1970 Orion aveugle Gen ve Skira Les Sentiers de la cr ation SIMON Claude 1971 Les Corps conducteurs Paris Minuit SIMON Claude 1973 Trityque Paris Minuit VIART Dominique amp VERCIER Bruno 2005 La Litt rature fran aise au pr sent H ritage modernit mutations Paris Bordas 109 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 JEUX PARODIQUES MUNOLIENS ENTRE AUTOBIOGRAPHIE ET AUTOFICTION L HEURE D UNE AUTRE BELGIQUE ISABELLE MOREELS Universidad de Extremadura Espagne imoreels unex es R sum Les nombreux d calages parodiques qui ponctuent l Histoire ex crable d un h ros braban on 1982 de Jean Muno montrent cinq ans apr s la cr ation du n ologisme autofiction par Serge Doubrovsky un questionnement de fond sur le pacte autobiographique d fini une d cennie plus t t par Philippe Lejeune Or cette volont manifest e par un romancier majeur des lettres belges de langue fran aise de la deuxi me moiti du XX si cle de se lib rer des cha nes du genre autobiographique s inscrit dans le processus d autonomisation du champ litt raire belge francophone En effet l ancrage national historiquement et linguisti
98. 2003 92 Les travaux du linguiste Jean Louis Calvet constituent des r f rences bibliographiques incontournables parues le long des ann es 1980 et 1990 pour l tude des rapports id ologiques entre l histoire de la langue et l histoire du colonialisme Dans Linguistique et colonialisme Calvet accentue la contribution de la linguistique d s ses origines en tant que discipline nier la langue de l autre assurer la supr matie occidentale pour cet auteur le projet de la francophonie manifeste la survivance de cette posture il constitue un des masques de l imp rialisme linguistique du fran ais C est aussi dans le cadre de cette perspective que la d signation d auteurs francophones inclut les auteurs qui crivent en fran ais r unis dans un ensemble th oriquement mais paradoxalement homog ne indistinct situ l ext rieur de l espace fran ais hexagonal celui ci galement envisag comme th oriquement et paradoxalement homog ne tenant en marge les litt ratures dites r gionales et tout autre litt rature en fran ais Selon cette perspective les auteurs et les uvres francophones n int graient pas l histoire litt raire Cette option d analyse ignore que la probl matique postcoloniale est pourtant sous jacente l uvre d auteurs maghr bins ou africains qui ont publi pendant la d cennie m me si cette probl matique n y est pas explicitement th matis e elle
99. 2005 1985 Toute la critique litt raire a tr s rapidement su signaler chez lui une plume avant coureuse dans le cadre du renouveau romanesque de langue fran aise du tournant des ann es quatre vingt notamment aux ditions de Minuit m me si Le m ridien de Greenwich de Jean Echenoz lui est l g rement ant rieur cf Schoots 1997 Il n est d s lors pas le seul avoir marqu le d marrage stylistique et critique de la re narrativisation du r cit et figurer sur une autre photo de groupe forg e cette fois tant l esprit de mouvance coh rente et manifestaire n y est plus cf Viart 1993 110 116 Ils sont plusieurs avoir trouv chez J r me Lindon puis Ir ne Lindon un accueil ditorial exigeant mais qui est loin d en faire aux dires de Lindon et des crivains eux m mes cf Salgas 1989 amp Rabaudy 2001 une cole homog ne Ils ont pour nom outre Toussaint Gailly Chevillard Oster etc La litt rature contemporaine esp re une synth se dialectique int grant la tradition au sein de la modernit la subjectivit malgr ou par del le soup on le r cit malgr et par del le texte cf Badir 1993 18s nouveau la critique s aper oit que ses grilles de lectures si elles sont encore valables doivent tre largies ou r valu es Elle se rend compte du tournant stylistique o elle se trouve Dans le m me sens mais plut t en commentaire au tout nouveau roman minuitard
100. 49 pp 15 27 THUMEREL Fabrice 2004 Annie Ernaux une uvre de l entre deux Arras Artois Presses Universit VILAIN Philippe 2005 D fense de Narcisse Paris Grasset 157 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 158 175 L IRONIE DANS LE ROMAN FRAN AIS DEPUIS 1980 ECHENOZ CHEVILLARD TOUSSAINT GAILLY ZHAO Jia Universit du Zhejiang zhaojia O hotmail fr R sum L ironie est de retour Elle est souvent qualifi e d ironie postmoderne du fait de ses liens avec l ensemble des sympt mes culturels de la soci t postmoderne Les romanciers les plus repr sentatifs de ce courant sont Jean Echenoz Eric Chevillard Jean Philippe Toussaint et Christian Gailly Nous essaierons d clairer dans la pr sente tude quelques caract ristiques de l ironie commune ces quatre crivains Mots cl s ironie impassible ludique d senchantement rieur autor flexion Abstract Often qualified as postmodern irony is back in contempory French literature This paper caracterises it in Jean Echenoz Eric Chevillard Jean Philippe Toussaint and Christian Gailly s works Keywords irony impassive playful joyful disenchantment self reflexion La publication de ce texte est soutenue par the Fundamental Research Funds for the Central Universities 158 ZHA
101. 9 Le nouveau nouveau roman Le Point 16 janvier BADIR S mir 1993 Vers la postmodernit Retour Baudelaire critures n 5 pp 8 21 BAETENS Jan 2003 1985 Jean Philippe Toussaint publie La salle de bain J P Bertrand M Biron B Denis amp R Grutman dir Histoire de la litt rature belge 1830 2000 Paris Fayard BESSI RE Jean 2010 Le roman contemporain ou la probl maticit du monde Paris PUF DEMOULIN Laurent 1991 Pour un roman sans manifeste critures n 1 pp 8 21 DEMOULIN Laurent 1997 G n ration innommable Textyles n 14 pp 7 17 HUGOTTE Val ry MOURIER Pierre Fran ois 1995 Le roman en question I Pr texte n 7 d cembre pp 34 40 LIPOVETSKY Gilles 1983 L re du vide Essais sur l individualisme contemporain Paris Gallimard MERTENS Pierre 1976 De la difficult d tre Belge Les Nouvelles Litt raires n 2557 pp 4 11 QUAGHEBEUR Marc 1996 Une arche inachev e Textyles n 13 pp 137 148 QUAGHEBEUR Marc 1998a 1982 Balises pour l histoire des lettres belges Bruxelles Labor QUAGHEBEUR Marc 1998 Et si nous cessions d hypostasier la langue A Pickels amp J Sojcher dir Belgique toujours grande et belle Revue de l Universit de Bruxelles Ed Complexe pp 202 210 RABAUDY Martine de 2001 Les enfants de Minuit L Express 27 d cembre SALGAS
102. BERDER Fr d ric 2011 D molir Chevillard Le Figaro le 28 f vrier lt URL http www lefigaro fr lefigaromagazine 2011 02 26 01006 20110226ARTFIG00583 demollir chevillard php gt consult le 03 V 2012 BESSARD BANQUY Olivier 2003 Le roman ludique Jean Echenoz Jean Philippe Toussaint ric Chevillard Paris Presses Universitaires du Septentrion BLANCKEMAN Bruno 2002 Les fictions singuli res tudes sur le roman fran ais contemporain Paris Pr texte diteur BOURDIEU Pierre 1998 Les r gles de l art Gen se et structure du champ litt raire Paris ditions du Seuil CROM Nathalie 2009 Une fois encore l auteur de Faire l amour et de Fuir sublime les affres d une passion exclusive T l rama le 15 septembre lt URL http www telerama fr livres la verite sur marie 46945 php gt consult le 03 V 2012 DESPLECHIN Marie 2009 Jean Philippe Toussaint Je recherche une nergie romanesque pure Le Monde le 18 septembre lt URL http www jptoussaint com documents e e0 Le Monde pdf gt consult le 03 V 2012 ECHENOZ Jean 2001 J r me Lindon Paris Minuit EZINE Jean Louis 2010 L illumin d Echenoz Le Nouvel Observateur le 23 septembre lt URL http bibliobs nouvelobs com romans 20100923 BIB5686 1 039 illumine d 039 echenoz html gt consult le 03 V 2012 EZINE Jean Louis 2011 L heure du Dino Le Nouvel Observateur le 24 f vrier lt URL
103. Berger 2006 cit e par Marc Escola dans un collectif propos de la traduction tardive en France du livre d Homi Bhabha The Location of Culture 1994 la notion de studies renvoie une pratique institutionnelle de la recherche am ricaine qui la diff rencie fortement de son quivalent hexagonal Les programmes d tudes am ricains rendent plus faciles les croisements inter ou pluri disciplinaires au sein des sciences humaines et sociales et ils d gagent une dimension performative particuli re Ces recherches ne visent pas seulement clairer les quilibres des pouvoirs en place en prenant pour objet d tudes des minorit s qu elles rendraient davantage ou enfin visibles mais elles produisent un renforcement de leur capacit empower nonciative une transformation des pratiques sociales et culturelles dans la mesure o ce sont les m mes qui sont la fois objets et sujets de l tude Historiquement c est la d cennie 70 qui a vu exploser la s rie des tudes dans un contexte de d colonisation et de luttes d mancipation qui trouvaient dans les travaux de M Foucault sur les formations discursives un angle d approche pour analyser le r le des institutions dans la production des savoirs pouvoirs Les africana studies les women s studies les culturals studies ou les subaltern studies commenc rent prendre corps dans l universit am ricaine Escola Marc in Marie Cuillerai Le Tiers espace un
104. ESTHETIQUES ET EDITORIAUX D UNE PERIODISATION JO LLE GLEIZE Universit Aix Marseille Force et in tranquillit des ann es 1980 tandis que la r f rence Pessoa souligne l clatement la dispersion manifeste et les visages multiples de la litt rature de ces ann es l l oxymore en dit les tensions des tensions qui font que p se davantage selon les aspects retenus l un ou l autre des p les de l opposition et qui rendent incertain le jugement de valeur La question de la valeur a t pos e depuis lors la litt rature de fa on r currente et sous deux formes diff rentes celle de la valeur de la litt rature dans la soci t un moment donn et celle de la valeur des uvres litt raires d une p riode donn e Deux questions distinctes la litt rature peut voir contester sa place et sa valeur et des uvres peuvent n anmoins tre reconnues Laissons de c t la question de la place du litt raire ou de l crivain d tr n de la fonction sacr e conquise aux XVIII et XIX S si cles et remise en question par la transformation de nos soci t s Citton 2008 Dans la litt rature de la fin du XX si cle s exposent diff rentes voies de prendre acte de la perte de royaut de la litt rature et d crire quand m me m me si c est impossible et fragile Quant la question de la valeur de la litt rature de la d cennie 1980 elle est plus restreinte et ins parable du manq
105. Instituto de Estudos Franceses da Faculdade de Letras da Universidade do Porto INTERC MBIO Revue d tudes Fran aises French Studies Journal 2 s rie n 6 2013 FACULDADE DE LETRAS DA UNIVERSIDADE DO PORTO Titulo Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 Propriedade Instituto de Estudos Franceses da Faculdade de Letras da Universidade do Porto Diretor Jos Domingues de Almeida Organizadores do presente n mero Ana Paula Coutinho Un Porto ILC Margarida Losa Maria de F tima Outeirinho Un Porto ILC Margarida Losa Jos Domingues de Almeida Un Porto ILC Margarida Losa Comiss o Cient fica da revista Cristina Robalo Cordeiro Un Coimbra Jean Yves Mollier Un de Versailles Saint Quentin en Y velines Paul Aron Un Libre de Bruxelles Charles Bonn Un Lyon 2 Jo lle Gleize Un Marseille Aix en Provence Francisco Lafarga Un Barcelona Marc Quaghebeur Archives et Mus e de la Litt rature Bruxelles Periodicidade Anual ISSN 0873 366X Capa de Lu s Mendes Sede e reda o Faculdade de Letras da Universidade do Porto Via Panor mica s n 4150 564 Porto Portugal Correio eletr nico intercambio Oletras up pt URL http ler letras up pt site default aspx gry id05idl 184 amp sum si Les auteurs des articles publi s dans ce num ro sont tenus pour seuls responsables du contenu de leurs textes TABLE DES MATI RES ditorial Ann es 80 enjeux esth tiques et dit
106. J Echenoz n est il pas curieux de lire dans Le M ridien de Greenwich Abel mettait en ordre sa m moire Il parlait Il racontait sa vie d coupait sa biographie en pisodes qu il situait les uns par rapport aux autres reconstituant quand il y avait lieu la logique de l encha nement Echenoz 1979 171 Ne seraient ce pas les pr misses des inventions romanesques suivre la premi re de ce nouveau genre tant Ravel Bibliographie BECKETT Samuel 1974 Pour finir encore et autres foirades Paris Minuit ECHENOZ Jean 1979 Le M ridien de Greenwich Paris Minuit ECHENOZ Jean 2001 J r me Lindon Paris Minuit ECHENOZ Jean 2006 Ravel Paris Minuit HAMON Philippe 1981 Introduction l analyse du descriptif Paris Hachette J RUSALEM Christine 2005 Jean Echenoz g ographies du vide ed Presses de l universit de Saint tienne J RUSALEM Christine amp VRAY Jean Bernard sous la direction 2006 Jean Echenoz une tentative modeste de description du monde Publications de l universit de Saint tienne LEBRUN Jean Claude 1992 Jean Echenoz Monaco ditions du Rocher PEREC Georges 1978 La Vie mode d emploi Paris P O L 108 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 ROBBE GRILLET Alain 1976 Topologie d une cit fant me Paris Minuit ROBBE GRILLET Alain
107. Jean Louis Calvet de rapprocher la dictature du fran ais contemporaine de la Me R publique la m me p riode ou est n e la discipline civilisatrice de l histoire litt raire Les tudes culturelles mergent qui d centralisent la d finition disciplinaire des tudes litt raires centr es sur un objet la litt rature vers une constellation de disciplines tout aussi int ressantes et qui s interpellent lors de leur projection sur les tudes litt raires et situent le lecteur dans l actualit voil encore un des apports des ann es 1980 au d bat des tudes litt raires contemporaines Effectivement l approche des ann es 1980 invite revenir sur des textes capitaux dont quelques situations contemporaines actualisent les effets La pratique interdisciplinaire qui n a pas perdu de son actualit aujourd hui a suscit les plus vifs debats au long des ann es 1980 En France le d bat tait ouvert par l application des m thodes des sciences humaines linguistique structurale anthropologie psychanalyse sociologie ou histoire la litt rature La m thodologie suivie dans des livres publi s pendant la d cennie Marthe Robert En haine du roman 1982 ou Janine Chasseguet Smirgel thique et esth tique de la perversion 1984 en constituent des exemples reconnus l poque illustre pourtant d apr s Guillaume Bridet les effets de E n i nas 22 r duction et traduction
108. John Le Carr 2001 http multiplayerblog mtv com 2008 04 10 newsweeks ngai croal on the resident evil 5 trailer this imagery has a history 191 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 particuli rement virulents Au cours de ce passage on voit notamment les h ros assister discr tement une sorte de meeting improvis au cours duquel un orateur appelle les villageois la lutte sur fond de musique angoissante et martiale N Gai Croal note tr s juste titre que cette ambiance sonore fait r f rence ce qu il faut bien appeler le standard contemporain de la musique de film de guerre tabli par Hans Zimmer pour le film La Chute du Faucon noir La musique qu ils utilisent dans la bande annonce rappelle fortement celle utilis e dans La Chute du Faucon noir qui se d roulait en Afrique en Somalie Il s agit pr cis ment de l un des l ments les plus d rangeants parce que cela donnait envie de se demander Wow quelles recherches cette quipe a t elle faites Est ce qu ils se sont content s de regarder La Chute du Faucon noir et de donner au jeu cette esp ce de vibration N Gai Croal Newsweek avril 2008 http multiplayerblog mtv com 2008 04 10 newsweeks ngai croal on the resident evil 5 trailer this imagery has a history Les concepteurs avant m me de placer le jo
109. Jules Tallandier Coll Les Chefs d uvre de l esprit Tome Premier STEINER Rolf 1976 Carr rouge Du Biafra au Soudan le dernier condottiere R cit recueilli par Yves Guy Berg s Paris Robert Laffont Coll V cu 135 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 LES ANNEES 80 ET L EPANOUISSEMENT DE L AUTOFICTION ANNIE ERNAUX ET ALII FRANCISCA ROMERAL Grupo PAIDI HUM 160 Estudios de Filologfa Francesa Un de Cadix Espagne francisca romeral uca es R sum La progression et la diversit de nouvelles formes de l autobiographique notamment celle de l autofiction caract risent la litt rature des ann es 80 L adoption d attitudes individualistes et l influence des m dia favorisent l apparition d une g n ration de jeunes crivains dont Annie Ernaux soucieux de la capitalisation de leur exp rience de vie et du dialogue avec leur public milieu et interlocuteur Les productions litt raires actuelles semblent montrer que loin d tre une mode passag re l autofiction s est affirm e et a conquis d autres domaines artistiques Mots cl s ann es 80 individualisme autofiction Annie Ernaux Abstract The evolution and diversity of news forms of autobiography especially that of autofiction or self fiction characterize 80 s French literature The adoption o
110. LLIER Jean Yves 2002 et coll O va le livre dition 2002 La Dispute PEREC Georges 1989 L infra ordinaire Paris Hachette ROUBAUD Jacques 1989 Le Grand Incendie de Londres Fiction et Ce Paris Seuil SARRAUTE Nathalie 1996 Le Langage dans l art du roman uvres compl tes Paris Gallimard Biblioth que de la Pl iade SCHIFFRIN Andr 1999 L dition sans diteurs Paris La Fabrique SCHOENTIES Pierre dir 2012 L ironie formes et enjeux d une criture contemporaine coll para tre d Garnier SIMON Claude 1997 Le Jardin des Plantes Paris Minuit SIMONIN Anne 1994 Les ditions de Minuit 1942 1955 Le devoir d insoumission Imec ditions TODOROV Tzvetan 2007 La Litt rature en p ril Paris Flammarion VERCIER Bruno amp VIART Dominique 2005 La Litt rature fran aise au pr sent Paris Bordas VIART Dominique 2009 R sistances de la Litt rature contemporaine n 6 LHT Entretien URL http www fabula org Iht 6 index php id 130 28 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 UNE SALLE DE BAIN QUI DECLINE SA NATIONALITE JEAN PHILIPPE TOUSSAINT ECRIVAIN BELGE JOS DOMINGUES DE ALMEIDA Universit de Porto ILC Margarida Losa jalmeida letras up pt R sum Cet article propose une lecture identitaire
111. O Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 Le retour de l ironie L ironie est de retour Nous assistons aujourd hui une production abondante d uvres litt raires et artistiques qui sont caract ris es par une l g ret m ditative Cette vogue d ironie qui a fait son entr e en France la fin des ann es 1970 et au d but des ann es 1980 a une extension consid rable non seulement elle d passe largement les domaines de la repr sentation et s tend aux discours de divers ordres de la vie sociale mais elle ne se limite plus une seule aire culturelle pour devenir un ph nom ne partag par diff rentes cultures avec des dates d apparition diff rentes et des formes variables Cette ironie est souvent qualifi e d ironie postmoderne du fait de ses liens avec l ensemble des sympt mes culturels de la soci t postmoderne L ironie postmoderne s est affirm e dans la cr ation litt raire hexagonale apr s l exp rimentation d un certain formalisme litt raire incarn par le Nouveau Roman et avec l ascension d une nouvelle g n ration d crivains des Editions de Minuit que la critique a regroup s sous l tiquette d impassible Les romanciers les plus repr sentatifs de ce courant sont Jean Echenoz Eric Chevillard Jean Philippe Toussaint et Christian Gailly Ces quatre crivains par
112. a derni re en raison d une origine anglo saxonne assez r cente qui ne lui a pas encore permis de s acclimater dans notre recherche universitaire gt Moura 1999 1 L histoire des litt ratures francophones et de leurs rapports l histoire litt raire reste faire Pour conclure nous consid rons que la situation des tudes litt raires pendant les ann es 1980 demande une attention particuli re la convergence de plusieurs r alit s 1 Des circonstances d ordre institutionnelle rappelons introduction des litt ratures francophones dans les programmes d enseignement fran ais et la cr ation de plusieurs centres de recherche dans le domaine partir du milieu des ann es 1970 dont celui inaugural du Centre International d Etudes Francophones Paris Sorbonne Paris IV rappelons galement la fondation de PAPELA Association pour l tude des litt ratures d Afrique en 1984 2 Des circonstances de nature politique Nous venons d voquer la r alisation des premiers Sommets de la Francophonie ceux ci ayant pos les bases pour la constitution d un r seau actuellement constitu l chelle mondiale qui int gre les diff rentes institutions repr sentatives de la Francophonie 3 Des circonstances m diatiques bien que leur effet court terme ait t alors assez r duit comme l attribution du prix dont le Goncourt d j r f r 4 Des circonstances ditoriales marqu es par la
113. a fort contribu au divorce de plus en plus accentu entre la po sie et le public lecteur avait constitu une r action exp rimentale aux exc s expressionnistes de la po sie post romantique et post surr aliste L association de la po sie aux effusions lyriques y avait t convertie en de complexes et ombilicaux plans de reconstruction linguistique suivant une ligne 55 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 mallarm enne qui cherche toujours s loigner de l universel reportage et rendre plus purs les mots de la tribu Cependant cette po sie et les lectures critiques qui au long des ann es l ont soutenue oubliaient ou sous estimaient deux aspects importants 1 Le projet rimbaldien d une po sie objective tel qu il l a pr sent Georges Izambard contraire ou r ticent l gard d une po sie subjective toujours horriblement fadasse Christian Prigent tait d j sous jacent aux po tiques me des auteurs de la premi re moiti du XX si cle tels que Pierre Reverdy Eug ne Guillevic ou Francis Ponge Donc il n y avait pas vraiment de rupture avec la tradition po tique dans le dessein de cette po sie textuelle mais plut t toute l exacerbation d une certaine tendance 2 La po sie moderne per ue souvent comme af
114. a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 Eh bien s r nous sommes de la viande nous sommes des carcasses en puissance Si je vais chez un boucher je trouve toujours surprenant de ne pas tre l la place de animal Les r cits de la trilogie autobiographique d Herv Guibert prennent racine dans les ann es 1980 lorsque les premi res allusions au virus HIV paraissent dans les journaux aux USA pour faire retour en France Se situant au c ur de cette actualit tr pidante des premiers diagnostics et traitements de la maladie sur fond de fausses alertes et de bruits parfois les plus fantaisistes les r cits de ces trois livres dressent une v ritable chronique du sida Mais si les textes se taillent un costume d poque leur juste mesure c est que cette histoire passe par celle du sujet individuel qui la premi re personne ne dissimule rien son lecteur et laisse derri re les rideaux de l criture tra ner ses secrets Revenant sur les ressorts tragiques de sa contamination dans le fragment 19 de A l Ami qui ne m a pas sauv la vie le narrateur Herv Guibert passe en revue les ann es cruciales de la d cennie 80 aura t l ann e de l h patite que Jules m a refil e d un Anglais qui s appelait Bobo et que Berthe a vit e de justesse par une injonction de gammaglobuline Guibert 1990 58 et ain
115. ailly lorsqu il d clare qu il ne faut pas d valoriser les lieux communs romanesques La diversit des attitudes des parodistes contemporains indique le rapport ambivalent que l on a avec son h ritage litt raire Ni tout fait satirique ni tout fait r f rente l ironie s impose comme thos le plus conforme ce rapport complexe avec le pass ye i E 2 a 2 P criture contemporaine cherche se d marquer des mod les pr c dents avec le sourire d un enfant qui s amuse Bibliographie 174 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 BERTHO Sophie 1994 Jean Philippe Toussaint et la m taphysique Jeune auteurs de Minuit Textes r unis par Mich le Ammouche Kermers et Henk Hillenaar CRIN n 27 Amsterdam Atlanta GA pp 16 25 BLANCKEMAN Bruno 2000 Les R cits ind cidables Jean Echenoz Herv Guibert Pascal Quignard Lille Presses Universitaires du Septentrion BLANCKEMAN Bruno 2002 Les Fictions singuli res tude sur le roman contemporain Pr texte diteur CHEVILLARD Eric 2006 Douze questions Eric Chevillard entretien avec Chevillard propos recueillis par Florine Lep tre sur le site Inventaire Invention le 21 novembre http www eric chevillard net e inventaireinvention php ECHENOZ Jean 1999 La r alit en fait trop il faut la ca
116. ans un village martyr o les h ros avancent d couvert r solus film s comme les quatre cowboys de La Horde Sauvage tant t au film dit de monstre ennemi invisible de nature inqui tante et inhumaine cela a t tabli aux yeux du spectateur par la sc ne Explication donn e notamment par Claude Yvon dans l Encyclop die de Diderot et d Alembert ISBien que tentante l interpr tation onomastique ne tient pas son nom n est mentionn qu au g n rique mais pas dans les dialogues ou pas de mani re suffisamment r currente ou intelligible et en anglais le terme quivalent est sadistic 16 Peckinpah Sam La Horde sauvage The Wild Bunch Warner Bros 1968 Le film reprend ici outre son cadre de jungle les enjeux et les effets narratifs de Predator John McTiernan Universal 1984 par exemple o une poign e de mercenaires devaient d ployer leur savoir faire pour chapper un adversaire redoutable et invisible 188 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 du massacre de la mission que l on devine dans les frondaisons de la for t ou que l on sent aux trousses des h ros Le champ rh torique du film est volontairement path tique induisant que la r flexion et la raison logique sont inop rants ou ne peuvent qu entraver l action n cessaire aux populati
117. ans Le M ridien de Greenwich nous constatons une parent avec les travaux d U Eco En effet l esprit ouvert de ce dernier l am ne tudier la construction des r cits tout en faisant fr quemment r f rence la paralitt rature et en insistant sur les strat gies ludiques 107 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 Le M ridien de Greenwich ne saurait se lire sans une contextualisation litt raire et critique Sa parution en 1979 s av re tre une poque de transition qui pourrait aussi tre per ue comme la ligne du m ridien de Greenwich d un c t la d cennie soixante dix marqu e par une litt rature de recherche soucieuse des formes de l autre la d cennie quatre vingt avec son retour du moi des histoires lin aires etc Le roman avec le recul symbolise ce changement radical m me s il faut se m fier d une trop grande sch matisation Entre la mise en sc ne d une structuration du r cit concert e et qui cesse de devenir d concertante pour un certain public comme l avoue au d but des ann es quatre vingt A Robbe Grillet dans Le Miroir qui revient et des tonalit s nouvelles Jean Echenoz avec Le M ridien de Greenwich repr sente la fois la fin d une poque litt raire exp rimentale et le d but de nouvelles aventures singuli res Quant l volution personnelle de
118. ar un sentiment ambivalent envers la soci t contemporaine L amour d tach est peut tre le terme ad quat pour d finir la position des crivains impassibles Or l impassibilit n est pas synonyme d insensibilit comme l exprime clairement J r me Lindon propos de l tiquette qu il donne cette g n ration d crivains des Editions de Minuit a n a pas l quivalent d insensible qui n prouve rien cela signifie pr cis ment le contraire qu on ne trahit pas ses motions Bertho 1994 16 25 Si l on retient ses motions cela ne veut pas dire que les motions n existent pas simplement qu elles changent de localisation Au lieu d tre une caract ristique du personnage et du narrateur l motion se d place vers l organisation du r cit particuli rement vers une certaine tendance au renouveau du romanesque En effet le refus du pathos chez les crivains tudi s est ins parable d un certain ludisme int gr dans le renouveau du romanesque Raconter une histoire composer cette histoire en intrigue ramifier cette intrigue en s quences inventives telles seraient les trois op rations romanesques assurant ce que A Kibedi Varga appelle une renarrativisation du texte c est dire l effort de construire de nouveau des r cits Blanckeman 2000 15 N anmoins comme le montrent beaucoup de critiques cette renarrativisation n est pas un si
119. aria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 BADIOU Alain 1985 Peut on penser la politique Paris Seuil BAETENS Jan 2011 Une d fense culturelle des tudes litt raires Dossier LHT n 8 publi le 16 mai 2011 En ligne URL http www fabula org Iht 8 index php id 218 BAUDRILLARD Jean 1987 et 1990 Cool Memories I et II 1980 1990 Paris ditions Gallil e BERGER Anne 2006 Travers e de fronti res Postcolonialit et tudes de genres en Am rique Entretien avec Anne Berger par G Lem nager et L Marie in Labyrinthe 2 n 24 BRUNEL Pierre amp CHEVREL Yves eds 1989 Pr cis de Litt rature compar e Paris PUF CHEVREL Yves 1989 La litt rature compar e Paris PUF coll Que sais je CALVET Jean Louis 1974 Linguistique et colonialisme petit trait de glottophagie Paris Hachette CALVET Jean Louis 1999 La guerre des langues et les politiques linguistiques Paris Hachette CERTEAU Michel de 1980 L invention du quotidien Paris Union g n rale d ditions coll 10 18 COMPAGNON Antoine 1983 La Troisi me R publique des Lettres de Flaubert Proust Paris Seuil COMPAGNON Antoine 1989 1895 La litt rature l cole in Denis Hollier dir De la litt rature Paris Bordas pp 768 772 trad fran
120. aux conditions de leur possibilit Pour ce faire nous commencerons par situer cette p riode et poursuivrons notre r flexion en faisant r f rence aux diverses tendances th oriques et m thodologiques qui se croisent alors dans les tudes litt raires pour y d cerner des signes de possibilit ou de blocage pour les tudes francophones Ayant l avantage de la lire une distance de 30 ans et d un point de vue exotopique par rapport aux sc nographies et aux sc notopies engag es dans le d bat l poque situons nous face une poque pr tendument cauchemardesque et profond ment nombriliste Cusset 2008 322 ou chacun cultive son jardin Compagnon 1989 les ann es 1980 Une d cennie localis e son tour l int rieur d un si cle horribilis le XX si cle d cri par tant de penseurs si cle de totalitarismes de g nocides d exc s d id ologies criminelles de fausses avant gardes qui s ach ve sous la mal diction du sida mais qu Alain Badiou a pourtant r habilit e dans Le si cle 2005 publication o il a rassembl les le ons qu il avait prof r es au Coll ge International de Philosophie entre 1998 et 2001 Le crit re n crologique semblerait convenir la suite du livre de Cusset La d cennie le grand cauchemar des ann es 1980 l exercice de d limitation chronologique de cette p riode inaugur e par la disparition de plusieurs noms que les deux d cennie
121. bio s rie vol 6 2013 pp 76 96 De m me que la controverse a exist dans le domaine anglo saxon sur l utilisation de l expression post colonial r serv e la production litt raire de la p riode coloniale et postcolonial pour celle post rieure la p riode coloniale de m me pouvons nous consid rer diff rents moments dans l histoire de la Francophonie Une francophonie avec un f minuscule qui d signe au d but l appartenance g ographique et linguistique une communaut sens o On sime Reclus l emploie qui reprend finalement la conception universalisante valorisatrice de la qualit de la langue pr n e par Rivarol la fin du XVIIIe si cle qui la situe dans un espace colonial limit mais qui se veut transfrontali re aujourd hui et une Francophonie avec F majuscule pour signaler sa cons cration institutionnelle et les diverses organisations qui y collaborent L analyse du discours des Sommets de la Francophonie dont Pinstitutionnalisation se fait progressivement au long des ann es 1980 est significative de l volution des valeurs que l expression a prise au long de cette p riode Cependant cette division par trop simpliste m rite d tre approfondie Effectivement l histoire de la francophonie gagne tre situ e dans le cadre de la r flexion sur l id e de r publique et de ses valeurs Quelques concepts acqui rent dans ce cadre une port e qu il convient d
122. c important de d placer le regard vers ces diteurs pour viter que ne reviennent toujours les m mes noms danger d autant plus grand que le nombre des Mathieu Lindon L homme qui vomit 1988 et Emmanuel Carr re Hors d atteinte 1988 1 Ce sera par exemple le cas de Marie N Diaye qui quitte Minuit pour Gallimard 20 1 faudrait signaler aussi que d s ces ann es la place de la litt rature diminue dans l audiovisuel il existe encore une mission litt raire grand public la TV celle de Bernard Pivot Certes moins soucieux de litt rature que Pierre Dumayet il a n anmoins re u des crivains importants et cr des v nements culturels avec un fort impact son entretien avec M Duras Elle reste encore pr sente dans la presse et l Universit sur le mod le des universit s am ricaines s ouvre lentement aux auteurs vivants mais dans quelques lieux seulement Paris 8 Paris 7 Aix en Provence 1 La liste pourrait en tre longue citons encore Le Temps qu il fait maison fond e en province par Georges Monti en 1981 est aussi exemplaire avec d autres du r le difficile et pr cieux de d couvreur que joue la petite dition depuis lors Le nom s en inspire d un titre du po te libertaire Armand Robin 1912 1961 On se reportera aux entretiens qu a men s Olivier Bessard Banquy 2006 et au plaidoyer pour leur n cessaire ind pendance de Gilles Colleu 2006 18 AGLEIZE Jo lle Ann
123. cette sc ne de celle du roman de Claude Simon Triptyque publi en 1973 et de d celer une variante significative En effet dans les derni res pages du roman alors que le puzzle qui repr sente un village est presque termin que l on s attend la vision d ensemble d j bien dessin e le personnage ne franchit pas la derni re tape brusquement sa main droite balaie avec violence la surface de la table aller et retour dispersant les petites pi ces du puzzle qui s parpillent tout autour D lib r ment le personnage refuse la coh rence et privil gie la divergence et subs quemment la permanence des fragments L interpr tation est ouverte y aurait il quelque chose d insupportable voir un monde fini Serait ce la volont de tout refaire ou de passer autre chose Le parall le avec le romancier est ais d autant qu il s agit de la fin du roman Curieusement les pi ces du puzzle qui dans Triptyque forment comme un archipel de petites les creus es de baies de golfes h riss es de caps Simon 1973 220 224 nous ram nent vers l univers du roman Le M ridien de Greenwich Toutefois l on d c le une attitude diff rente En effet Byron Caine s empresse d mettre le v u d avoir un nouveau puzzle Echenoz 1979 141 Ainsi dans ce cas le puzzle reconstitu a termin sa mission et puis son lot de mises en abyme Mais le monde de l espionnage a des lois tran
124. cteur dans le myst re celui de l incarnation ou de la r incarnation Au terme de ce parcours interm diatique dans l uvre tardive d Herv Guibert deux reflets d une m me r alit demeurent l horizon de nos attentes La mort traverse l uvre disloquant le corps au passage p trifiant son combat tandis qu en m me temps s ternisent une figure une souffrance enfin partag e et l espoir vivant d une victoire Bibliographie ANZIEU Didier 1985 Le Moi peau Paris Dunod AZIZA SHUSTER Evelyne 1972 Le M decin de soi m me Paris PUF BACON Francis 1976 L Art de l impossible Entretiens avec David Sylvestre Gen ve Skira BUOT Fran ois 1999 Herv Guibert le jeune homme et la mort Paris Grasset COURTINE Jean Jacques 2011 Histoire de la virilit tome HI La virilit en crise AXE XXI si cle Paris Seuil CUSSET Fran ois 2006 La d cennie le grand cauchemar des ann es 80 Paris La D couverte GRISL St phane 1996 Dans l intimit des maladies de Montaigne Herv Guibert Paris Descl e de Brouwer GUIBERT Herv 1989 L Incognito Paris Gallimard GUIBERT Herv 1990 A Ami qui ne m a pas sauv la vie Paris Gallimard GUIBERT Herv 1991 Le Protocole compassionnel Paris Gallimard GUIBERT Herv 1992 L Homme au chapeau rouge Pari Gallimard GUIBERT Herv 2009 La Pudeur ou l Impudeur film diffus sur TF1 le 30 jan
125. d gag la place de ce roman dans la nouvelle phase litt raire belge francophone et interrog de fa on tr s g n rique son rapport sous entendu ou indirect la Belgique par del l humour et le d tournement des clich s Reste enfin se demander si Toussaint qui n a jamais cach ou reni ses origines belges a galement crit un roman belge premi re vue la r ponse para t simple pas du tout Toutefois peu peu une l g re suspicion merge et au fur et mesure que l on avance dans La Salle de bain le narrateur se manifeste de plus en plus clairement comme belge Baetens 2003 522 En effet plusieurs indices relev s en passant en lisant laissent distinctement entendre que nous sommes en pr sence d un narrateur et d un crivain qui n escamote pas sa belgit voire qui la distille avec le m me souci ludique et impassible avec lequel il con oit l criture romanesque dans son ensemble En fait c est partir de l hypot nuse que ces traces indicielles deviennent consistantes jusqu en d gager une identit qui n est plus vraiment de l ordre du creux A Venise le narrateur se met couter des conversations de touristes tout juste d barqu s dans le couloir de l h tel Je les entendais converser en fran ais sur le palier vraisemblablement sur le pas de leur porte des uvres de Titien de V ron se L homme parlait d motion v ritable
126. de Fran oise Puaux et pr fac par Gis le Halimi recueille un entretien avec Breillat 20 France Huser La Maison du d sir Paris Seuil 1982 2 Alina Reyes d bute dans la litt rature rotique avec Le Boucher Seuil 1988 o elle raconte la premi re personne ses amours avec un boucher Le livre conna t un grand succ s de ventes l t m me de sa publication 149 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 d intimit et d rotisme criture d pouill e criture plate conomie la fois du langage et du texte L un des grands m rites de l autofiction est d avoir fait une place dans la litt rature toute une g n ration d crivains et en particulier de femmes crivains d sireuses de faire valoir leur vie intime Dans un article paru en 2001 dans Virgin Megapresse et intitul L ros sur le divan longtemps la litt rature rotique a t crite par des hommes pour des hommes il est question de cette petite r volution dans le domaine des lettres et du tournant spectaculaire pris par les tendances ditoriales favorables aux micro r cits voluant dans un rotisme latent depuis les ann es 80 Un mur du ghetto est donc en train de s crouler gr ce toute une cr ation romanesque essentiellement f minine Le critique Christian Authier parvient lui aussi
127. de Robbe Grillet que Les Gommes il y a une quinzaine d ann es Echenoz 2001 13s D Viart B Vercier dans leur ouvrage intitul La Litt rature fran aise au pr sent H ritage modernit mutations soulignent la fois le lien entre les deux univers et la sp cificit de J Echenoz Son premier roman Le M ridien de Greenwich qui demeure marqu par les d constructions du Nouveau Roman s impose des contraintes changer de lieux et de X personnages chaque chapitre comme pour affoler la narration et reprend en le perturbant comme Robbe Grillet dans Les Gommes le mod le du roman policier voire de l espionnage Mais d j domine un sens de la fantaisie et de la gratuit qui confine la d rision Viart amp Vercier 2005 385 Qui plus est la lecture du roman Le M ridien de Greenwich la description de l architecture du palais o voluent les espions n est pas sans voquer l atmosph re d ploy e dans le roman d A Robbe Grillet publi en 1976 Topologie d une cit fant me Le palais reposait sur des fondations de b ton coul es sur l emplacement des ruines indatables Echenoz 1979 37 Et si nous inversons le cours du temps nous remarquons que La Reprise d A Robbe Grillet en 2001 d veloppe nouveau cette implosion de l espace temps dans l univers d voy des espions du Berlin d apr s guerre De fait les romans de J Echenoz trouve
128. de leurs origines dont font souvent preuve les autobiographes 124 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 110 135 Voyons les choses cr ment comme il sied dans une autobiographie s rieuse l un de mes grands p res tait un rat Anarchiste rat jaloux jaloux rat anarchiste pas sortir de l Et l autre dans un genre diff rent ne valait gu re mieux Il tait Flamand des champs et des estaminets Ah combien j envie ceux qui peuvent se vanter de leurs racines en faire tout un plat choisi d licatement relev pour gourmets idem 47 Car l isolement entre guillemets de racines marque la distance prise par rapport l emploi de ce terme dans le style des autobiographes De m me dans la suite de cette derni re phrase l usage d un lexique m taphorique d ordre culinaire para t incongru pour parler de l criture concernant l vocation de ses anc tres Ces indices successifs de distanciation montrent d s lors qu il faut interpr ter j envie dans un sens ironique antiphrastique Loin de vouloir se trouver dans la situation de ceux qui peuvent se pr valoir d origines prestigieuses J Muno souhaite en r alit montrer le ridicule de ce type de discours qui souligne emphatiquement la valeur de son ascendance Songeons de plus que par un habile
129. de sensation pure Il se disait touch par les tableaux de V ron se sinc rement touch ind pendamment disait il de toute culture picturale ce sont s rement des Fran ais me dis je Toussaint 2005 58 Parenth se tr s parlante si l on sait le rapport de la culture belge la cr ation picturale Par ailleurs le bref et impassible s jour dans l h tel fut galement l occasion de nouer un rapport de complicit et de confidence avec le barman Ici sous pr texte du 31 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 cyclisme et par vedette interpos e chacun choisit son camp dans l interlangue sportive et ludique L absence d une langue commune ne nous d courageait pas sur le cyclisme par exemple nous tions intarissables Moser disait il Merckx faisais je remarquer au bout d un petit moment idem 58 De m me la ferveur footballistique du narrateur uniquement v cue sur le petit cran loin de la socialit des stades se traduit par l organisation de matchs imaginaires lors du championnat du monde sous forme de colonnes d quipes mais qui n en sont pas moins expression d une appartenance identitaire Dans la premi re J avais inscrit le nom de cinq pays la Belgique la France la Su de l Italie et les tats Unis et c t dans la s
130. du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 n importe quel pays d Afrique et raconter son histoire Le Nigeria semblait vident car quand je lai lu cela disait l ext rieur d une grande ville en plein chaos et il n y a que quelques grandes villes en Afrique qui poss dent de nombreuses cultures diff rentes qui me semblent avoir du sens et je ne pouvais songer aucun autre endroit Alors j a choisi le Nigeria pas pour m attaquer au Nigeria sp cifiquement mais cela pourrait tre n importe quel endroit d Afrique Mais j avais besoin de m enraciner Interview au site Blackfilm mars 2003 http www blackfilm com 20030307 features antoinefuqua shtml Le cin aste compte avant tout des films d action et des thrillers dans sa filmographie et le ton du film confirme cette signature artistique Il s agit avant tout de suivre une bande de Navy Seals d cidant d aider la population qu ils devaient abandonner et leur parcours au c ur de la jungle vers une fronti re difficile d acc s avec des d tachements d une arm e meurtri re aux trousses Les points forts de la narration r sident bien plus dans l alternance entre les effets de suspense et les s quences horrifiques montrant les atrocit s commises sur des populations civiles Au c ur de la jungle donc mais bien au c ur des t n bres pour paraphraser encore Conrad les soldats am ricains affrontent une menace d
131. e Emmanuel 1970 22 Or quoique J Muno ne le signale pas souvenons nous que ces six pages ouvrant Histoire ex crable d un h ros braban on constituent la reprise quelques suppressions mineures ou variantes pr s g n ralement non signifiantes d un texte de l crivain paru deux ans plus t t dans un num ro sp cial de la Revue de l Universit Libre de Bruxelles Jacques Sojcher y avait invit quasi septante soixante dix auteurs belges exprimer leur opinion sur le concept de belgitude en prolongement du d bat 1 I semble que dans Histoire ex crable d un h ros braban on J Muno ait voulu abr ger la reprise de sa contribution La Belgique malgr tout car les suppressions de morceaux de phrases sont de loin sup rieures aux rares ajouts de mots sans que le sens du texte initial en souffre 122 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 ouvert par la publication du dossier Une autre Belgique dit sous la responsabilit de Pierre Mertens quatre ans auparavant dans l hebdomadaire fran ais Les Nouvelles litt raires C est d ailleurs pourquoi nous constatons dans le texte de J Muno cette association du questionnement identitaire individuel et national que le titre Histoire ex crable d un h ros braban on augurait Le paragraphe final cit
132. e la culture et la perte de la centralit culturelle du monde occidental probl matise autrement les tudes francophones dangereusement d centr es pour certains par rapport aux valeurs sous jacentes l histoire litt raire fond e sur l association entre la langue la nation le territoire trois garants de stabilit culturelle et litt raire Jan Baetens dans un article publi dans la revue en ligne LHT identifie les principales raisons pour lesquelles les tudes culturelles d apr s le mod le des cultural studies ne se sont pas institutionnalis es en France pendant la d cennie Parmi les conditionnements identifi s le critique accorde une importance particuli re aux raisons d ordre historique philosophique acad mique et institutionnelle qui ont uvr ce blocage Tout en comparant le triomphe des cultural studies aux tats Unis au long de la d cennie alli s un fort engagement militant Baetens conclut sur le d calage historique v rifi en France entre les ann es 1968 ann es particuli rement militantes et les ann es 1980 celles ci marqu es par le lib ralisme conomique l effondrement de l avant garde et le d clin du militantisme pour Baetens d pass e la p riode du languisme les mouvements antiglobalisation promeuvent actuellement son article date de 2011 par contre l mergence de l alterglobalisme et les cultural studies sont devenus dat
133. e cette derni re En principe l intention du parodiste peut s tendre du simple jeu ludique la ridiculisation m prisante en passant par le sourire ironique L fhos de la parodie contemporaine se penche vers l ironie plut t du c t du ludique que du c t du satirique La satire implique la sup riorit de limitant par rapport limit en portant un jugement n gatif envers ce dernier son thos est la raillerie En revanche la parodie contemporaine ne suppose pas une telle sup riorit un texte n a pas un destin meilleur ou pire qu un autre C est leur action de diff rer qui est mise en relief et en r alit actualis e par cette parodie Huncheon 1978 467 477 Pour Linda Huntcheon la fonction de la parodie contemporaine consiste marquer une diff rence plut t qu critiquer Cette distance est introduite par l usage de l ironie qui permet au parodiste de prendre de la distance par rapport l objet parodi sans se livrer pour autant au rire caustique Les attitudes que prennent nos crivains peuvent tre toutes consid r es comme ironiques avec des degr s diff rents La parodie d Echenoz rel ve de l ironie ludique l crivain montre un vif int r t pour les genres parodi s et en m me temps il s amuse d jouer leurs codes L ironie de Chevillard inclinerait du c t de la satire dans sa parodie du conte populaire Par contraste il y a du respect dans l ironie de G
134. e de 1982 et d aide aux diteurs de litt rature CNL a t mise en place Mais les nombreux petits diteurs n s dans les ann es 70 et qui jouent un r le notable dans le paysage ditorial en particulier dans la recherche de nouveaux auteurs restent des structures tr s fragiles et beaucoup ne r sistent pas longtemps La force des Editions de Minuit Dans ce contexte les Editions de Minuit occupent une position singuli re et jouent un r le minent dans la cr ation litt raire d alors Toute maison d dition traditionnelle toute collection litt raire veut offrir un espace qui attire des crivains prometteurs Or une maison d dition dont les options esth tiques sont fortes et convergentes cr e une sorte de communaut de lecteurs qui comprend des crivains en puissance Beaucoup de temps est cependant n cessaire pour qu une image d diteur La rentabilit d un produit ordinaire se situe entre 12 et 15 alors que les marges b n ficiaires sur le livre se situent entre 1 et 3 Quand Andr Schiffrin analyse 1 volution de l dition am ricaine sous ce m me titre cet diteur am ricain consid re que la France chappe encore ce ph nom ne de concentration acc l r 10 Cr ation de l ADELC Association pour le d veloppement de la librairie de cr ation d cembre 1988 1 Les diteurs artisans se multiplient dans la p riode de croissance des ann es 70 puis connaissent une d
135. e fait entendre dans les romans suivants D Viart et B Vercier soulignent cet entre deux les textes s offrent la lecture imm diate sans aucune difficult mais s duisent aussi les lecteurs cultiv s par leur syst me allusif constant Il ne s agit plus de bloquer la m canique romanesque mais de la faire fonctionner en en d voilant les coulisses Viart amp Vercier 2005 385 Parmi ces coulisses nous pouvons nous fier entre autres l ments au roman puzzle la fois mise en espace et brillante mise en abyme qui ne saurait se passer d un lecteur actif Le puzzle romanesque Le puzzle appara t incidemment comme un l ment de d cor La surface de la plus grande table tait presque enti rement occup e par un puzzle inachev repr sentant la Visite d une galerie de Van Haecht par fragments Echenoz 1979 38 Byron Caine le h ros se passionne pour la r alisation de puzzles Nous assistons au moment crucial o 1l pose la derni re pi ce Avec un geste th tral Byron Caine s tait brusquement loign de la table o s talait son puzzle et maintenant il le consid rait de loin immobile avec un vague sourire de fiert attendrie qu il ne tentait plus de masquer Il se tenait tr s droit Selon un ph nom ne sp culaire un second personnage Tristano l observe observant son puzzle lequel n est qu une r duplication en lui m me et ram ne une centaine de pages a
136. e logique de d placements et de reprises de tentatives toujours recommencer pour dire au plus intense l exp rience de la violence du r el Quant aux nouveaux venus sur la sc ne litt raire ils racontent en effet ils jouent avec les codes narratifs pour les parodier avec des intrigues enchev tr es qui m nagent parfois des culs de sac narratifs comme Jean Echenoz dans Cherokee ou l Equip e malaise 1983 1986 En revanche la parodie du romanesque de Jean Philippe Toussaint dans la Salle de Bain ou L Appareil photo 1985 1988 r duit l intrigue quasiment rien mais pr serve le plaisir d une verve narrative pure et loufoque Dans le discours sur les ann es 80 se trouve souvent voqu le retour du r f rent sous l esp ce d un r el social ou historique Mais celui ci tait il v ritablement banni Claude Simon s tait vu reprocher en 1971 d j Cerisy la Salle propos de la Route des Flandres de lui accorder une importance suspecte Simon 1997 355 358 banni des positions de principe d alors le r f rent insiste pourtant dans l criture Et le m me Simon fonde les G orgiques sur la d couverte de documents pistolaires de son anc tre g n ral d Empire largement cit s le document est constitu en base de la construction fictionnelle Il est en revanche plus ambigu dans l criture rudite de Pascal Quignard qui privil gie la mati re antique tout en revendiquant un trava
137. e n ant tant t se distinguent tant t se valent tant t se confondent L ironie de la jeune g n ration d crivains des Editions de Minuit h rite de l ironie beckettienne cette vision du d senchantement rieur La perte des rep res spatio temporels l incertitude et la flottaison du sujet l insignifiance de la parole et de l action nous sommes bel et bien dans un univers fictif post beckettien Ce qui est diff rent par rapport Beckett c est que d une part le d senchantement de Beckett cette angoisse devant la question m taphysique cette ambig it intrins que du sens et du non sens font place soit au d tournement de la question de l origine comme chez Echenoz et chez Gailly soit la raillerie cinglante chez Chevillard ou m me l vocation d une m taphysique d form e chez Toussaint D autre part le rire de Beckett teint d un go t amer sur fond de l absurde se transforme en un rire distanci mais jovial chez la jeune g n ration d crivains En effet chez Echenoz et Gailly l angoisse provoqu e par le tourment m taphysique est substitu e par une anxi t plus personnelle plus localis e davantage centr e sur l aspect psychique et social L absence de sens au niveau existentiel se 167 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 manifeste par
138. e pens e de l mancipation Acta Fabula Dossier critique Autour de l uvre d Homi K Bhabha URL http www fabula org revue document5451 php De m me que l av nement de l histoire litt raire a t en partie d termin par des facteurs d ordre politique au tournant du XIXe si cle l int r t envers les litt ratures 87 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 francophones ne saurait tre compris en dehors du contexte historique et politique ou ces litt ratures dont la divulgation remonte aux ann es 1960 ont volu au long des ann es 1980 L tude du contexte intellectuel fran ais des ann es 1980 de m me que les tendances sociales et les options politiques qui caract risent cette p riode ne sauraient tre dissoci s de l orientation que connaissent les tudes litt raires l poque y compris les tudes francophones La r flexion sur les conditions de possibilit d une histoire des tudes litt raires francophones demande effectivement une attention particuli re un aspect auquel les tudes litt raires ne semblent pas s int resser et qui m riterait que l on s y attarde Vinstitutionnalisation de la Francophonie comme affaire d tat depuis 1969 lorsque De Gaulle propose Andr Malraux de le repr
139. e psychique du trouble l crivain des Lumi res est convaincu de la r alit organique de son mal tel point qu il exige sur son testament l autopsie de son cadavre pour qu enfin la v rit de son corps fasse jour Grisi 1996 Parmi les contemporains d Herv Guibert Serge Doubrovsky p re revendiqu de l autofiction est connu pour avoir contest l autorit m dicale Le narrateur ponyme de Fils lors d une s ance de psychanalyse se substitue litt ralement son analyste via la fiction et ce apr s l avoir tourn la d rision et avoir lui m me d cortiqu son propre cas Corps sain corps sid en le paradoxe des ann es 80 7 Cette n gation de l origine se poursuit dans cette incise Non mes chers parents vous en r cup rerez ni mon corps malade ni mon cadavre ni mon fric Vous apprendrez ma mort dans un journal Guibert 1991 63 41 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 Nous l aurons compris m dias et m decine convergent dans leurs discours et certaines de leurs pr occupations autour d un m me objet savoir le corps La d cennie place le corps au centre de l attention avec l av nement du yoga des salles de sport et des m decines parall les la litt rature du sida offrant un violent contrepoint ce discours du bien tre
140. e qu on croyait d su te celle de l crivain g nie Si nous nous penchons maintenant du c t du marketing ditorial on remarque qu aux alentours des ann es 80 la critique litt raire commence s loigner peu peu des grands dinosaures de la litt rature qui taient toujours productifs et continuaient obtenir d importants succ s de ventes tels Philippe Sollers qui publie Femmes Gallimard 1983 Fran oise Sagan qui publie La femme fard e Ramsay 1981 Jean d Omersson qui sort Mon dernier r ve sera pour vous une biographie sentimentale de Chateaubriand LGF Livre de Poche 1983 ou Henri Troyat le toujours prolif re expert en litt rature russe qui publie tout au long de la d cennie plusieurs romans dont la Suite romanesque ou Trilogie Viou Cette critique litt raire se tourne alors vers des crivains plus jeunes n s dans les ann es 40 50 Parmi ces derniers se trouvent Herv 142 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 Guibert Patrick Besson Michel Braudeau Patrick Modiano Marie Didier Nadine Trintignant et bien s r Annie Ernaux ne qui font leur apparition sur le march ditorial vers la fin des ann es 70 ou le d but des ann es 80 s duisant imm diatement un lectorat aux traits particuliers moins intellectuel que celui des ann es pr c dentes comme le
141. e sur le contexte politique du film bien qu il ait pu se r clamer et l d une volont de mettre en lumi re les difficult s chroniques de l Afrique Le film enti rement tourn Hawa ne saurait revendiquer le niveau d engagement politique des uvres pr c demment cit es Tout juste le r alisateur Antoine Fuqua argue t il de ses bonnes intentions quant au choix de prendre le Nigeria pour toile de fond et non un pays africain imaginaire La premi re fois que j ai lu le script il s agissait d un pays fictif avec un nom invent Cela me met toujours en rogne car ce n est pas n cessaire Vous pouvez choisir 1 Soit avant les ann es 1960 o l on d nombrait des dizaines d uvres du genre sur les crans chaque ann e Les westerns produits massivement en s rie pour le grand et le petit cran jusqu aux ann es 60 o le genre prend une tournure diff rente repr sent essentiellement par des artistes qui s approprient les codes du genre alors que la production de masse d croit progressivement Rieupeyrout Jean Louis Le western ou le cin ma am ricain par excellence Editions du Cerf 7 art 1953 Bellour Raymond Le Western sources mythes auteurs acteurs filmographies Union G n rale d ditions Paris 1966 http www bbc co uk films 2003 09 01 bruce willis_tears_of_the_sun_interview shtml 186 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures
142. econde je consignais les r sultats de mes parties de fl chettes Apr s cette premi re phase liminatoire j organisai une rencontre entre les deux quipes nationales ayant totalis le plus de points La finale opposa la Belgique la France D s la premi re s rie de lancers mon peuple tr s concentr prit facilement l avantage sur ces maladroits de Fran ais idem 89s c est nous qui soulignons On aura not la nette dichotomie mon vs ces De retour Paris le narrateur se fait tr s formellement rappeler l ordre et l extran it identitaire par rapport la R publique C tait avant Schengen et louverture des fronti res internes de l Union Europ enne mais l avertissement de la jeune femme de la police est prendre comme un rappel identitaire auquel les lettres belges de langue fran aise continuent se heurter dans leur rapport au centre et l Hexagone Circulez dit elle et n oubliez pas que vous tes l tranger ici idem 128 Cette r primande n a pas t de nature inqui ter outre mesure notre Belge exil En fait le lendemain il rentrait dans son appartement et retrouvait sa salle de bain Edmonson son amour et sa qui tude Bibliographie 32 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 AMETTE Jacques Pierre 198
143. ection de l criture de soi et de l autre l imaginaire biographique Rimbaud le fils de Pierre Michon y est publi en 1991 Parmi les maisons d dition novatrices de dimensions r duites il faut au moins voquer P O L et Verdier pour leur participation remarquable l laboration d un nouveau paysage ditorial P O L est fond e en 1983 par Paul Otchakovsky Laurens qui dirigeait jusqu alors une collection chez Hachette o il avait publi Emmanuel Hocquard et Georges Perec et qui a pris son ind pendance apr s le rachat d Hachette par le groupe Lagard re Matra diteur cr ateur d auteurs plus soucieux de l offre Jean Luc Benoziglio Cabinet portrait en 1980 remporte le prix M dicis Pascal Bruckner Lunes de Jiel 1981 adapt au cin ma par R Polanski et Parias 1985 Nancy Huston Les variations Goldberg 1981 et Trois fois septembre 1989 Pierre Mertens Les Eblouissements 1987 Maurice Roche Je ne vais pas bien mais il faut que j y aille 1987 Olivier Rolin Ph nom ne futur 1983 Jacques Roubaud Le grand incendie de Londres 1989 Susan Sontag Moi etcetera nouvelles 1983 7 Pr sentation de l diteur 17 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 que de la demande il fait de cette maison son nom un lieu d exp rimentation litt raire Il a su s attacher des auteurs
144. eenwich bouscule les cat gories mentales il rappelle les efforts fournis par le personnage qui lors d un voyage en avion tente en vain de calculer le d calage horaire dans Les Corps conducteurs roman publi en 1971 Simon 1971 119s De m me nous lisons dans les deux romans l infinit simale progression d un rai de lumi re qui am ne r fl chir sur la dimension cosmique Dans Les Corps conducteurs la lumi re joue un r le essentiel nous pouvons retenir la s quence r currente de la tache de soleil dans la salle de bains Elle recouvre selon les moments diverses formes g om triques et varie en couleurs Le rectangle jaune franc citronn et uni semble tracer un temps une configuration susceptible d voluer idem 166 pourtant dix pages plus loin il ne semble pas s tre modifi idem 176 Le doute s immisce chez le narrateur conscient des limites de la perception humaine Peut tre s est il d plac mais sur une distance infinit simale que l il ne peut appr cier ibidem Alors la r alit cosmique s impose ou du moins se laisse deviner Il semble que le soleil se soit maintenant presque immobilis commen ant entamer sa course avec cette solennelle lenteur des astres immobiles lanc s de fantastiques vitesses travers l espace idem 177 Le rapprochement avec Le M ridien de Greenwich se manifeste ainsi Le temps n avait pas chang le sole
145. eil dans l le Lorsqu ils taient arriv s au blockhaus ouest l apr s midi s achevait et le soleil vermillonnant s appr tait plonger au vu de tous idem 130 Donc Th o Selmer qui ne l oublions pas est du genre dissimuler son arme aux alentours de la page 430 du dictionnaire Gaffiot cf idem 102 et Arbogast s accordent une pause dans leur m tier d espions Ce dernier pour parfaire la sc ne pour ajouter un st r otype r cup re son petit magn tophone de mauvaise 106 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 qualit pour couter un quatuor de Schubert Le spectacle son et lumi re peut commencer Ils regard rent l astre s approcher de son reflet se confondre avec lui s amenuiser et se dissoudre et ils virent encore apr s qu il eut disparu ses derniers rayons fuser par dessus l horizon de l autre c t de la sph re et faiblir idem 131 L imaginaire dans ses faces diurne et nocturne est sur la br che lors du passage angoissant entre chien et loup L espace et le temps apr s l aperture du coucher de soleil refl t dans la mer se conjuguent dans un processus de r tr cissement suscitant la peur et un sentiment d impuissance L espace semblait se contracter tout en s opacifiant comme s il imposait aux corps aux objets le franchisseme
146. els fran ais disparaissent les uns apr s les autres cette poque Outre Michel Foucault mort du sida Roland Barthes s teint accidentellement en 1980 Lacan en 1981 Dans les ann es 90 Gilles Deleuze et Guy Debord se suicident Paradoxalement alors que la France se d peuple peu peu de ses penseurs et crivains d envergure la sc ne litt raire ne reste pas d serte pour autant En effet une foule de nouveaux auteurs entrent en sc ne et m me avec grand fracas On assiste donc un envers et un endroit la mort de l auteur permet sa r surrection A l auteur monument succ de l auteur v nement et ce passage est encore une fois intimement li l av nement de la t l vision On constate un pouvoir croissant de la t l vision sur la litt rature entre 1968 et 1981 un pouvoir qui se manifeste surtout au travers d missions litt raires telles que Ouvrez les Guillemets et depuis 1975 Apostrophes toutes deux anim es par Bernard Pivot La t l vision promouvant la litt rature la fa on des salons litt raires d antan voit la mont e en puissance du pathos de l motion au d triment du logos de la langue Ce mode motionnel et on serait tent de dire spectaculaire va de pair avec un r gime de la croyance il s agit de faire croire et de convaincre l auditoire d une v rit Tudoret 2009 Herv Guibert semble lui seul avoir incarn cette posture parad
147. emple des dictateurs pr ts tout le mar chal Mobutu voire parfois cliniquement fous Idi Amin Dada Il nous semble que ces nouvelles formes de la terreur ont connu un sinistre succ s aupr s des m dia occidentaux pr cis ment en raison de leur nouveaut Les enfants soldats notamment passeraient presque pour des inventions sierra l onaises alors que des cas d enr lement ont pu tre observ s de tout temps et au plus pr s de nous durant la seconde guerre mondiale Pis qu une vision paternaliste ces lieux communs refl tent une incompr hension presque totale des v nements et autant de ceux qui les commettent que de ceux qui les subissent Ces nouveaux st r otypes renvoient plut t l exotisme sombre du C ur des T n bres de Joseph Conrad Dans ce fameux roman le th me de la sauvagerie est troitement li la fascination sensuelle exerc e par l Afrique sur l occidental Les nouveaux barbares d Afrique susciteraient le m me m lange trouble et ambigu d attraction et de r pulsion totale sur des occidentaux blas s et on verrait se confronter une forme de n o primitivit et le post modernisme Cette rencontre a fait na tre des lans de solidarit consid rables mais a aussi g n r une nouvelle g n ration de personnages de fiction dans deux cadres significatifs deux m dia notoirement consommateurs et g n rateurs de st r otypes le cin ma et le 181 VILLATTE Rapha
148. en 2012 Echenoz a publi son premier roman il y a trente trois ans Qu en est il de la r ception de ces auteurs de nos jours Pour saisir la fa on dont leur uvre est per ue en France on s arr tera sur les articles et les comptes rendus 70 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 parus lors de la publication de leurs derniers romans Il est vrai que ce sont des textes superficiels publi s pour la plupart dans des journaux mais ils jouent un r le important dans la r ception des ouvrages ils attirent attention sur un roman plut t que sur un autre ils sugg rent des tiquettes ils lancent des modes et ils sont aussi l cho des contemporains notamment des chercheurs les plus renomm s Ainsi en 2009 Toussaint publie La v rit sur Marie Sur un ensemble de cinq articles crits lors de la publication du roman Crom 2009 Desplechin 2009 Fillon 2009 Garcin 2009 Loret 2009 Pivot 2009 un seul cherche encore des filiations En g n ral les articles situent ce nouveau roman par rapport l ensemble du travail de l auteur Toussaint crirait ainsi des romans sans intrigues peu conventionnels o humour et tristesse coexistent et dont les principaux sujets sont l amour et le d sir De m me en 2010 lors de la sortie de Des clairs de Jean Echenoz aucun des six articles consult s ne mentionne de
149. en pour moi m me pas la peine d essayer Echenoz 2001 9s 66 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 J adorais Beckett et certains auteurs de Minuit mais la r putation de la maison me semblait franchement trop intellectuelle c est dire pas tr s dr le Ammouche Kremers Hillenaar 1994 27s Publier chez Minuit pour ces jeunes auteurs comme pour leurs contemporains est un signe de qualit ce qui explique pourquoi ils h sitent envoyer le manuscrit de leur premier roman cet diteur Lorsque J r me Lindon d cide de publier un si grand nombre de premiers romans cela attire donc l attention de la critique sur ce groupe de jeunes auteurs et les classe tout de suite dans la cat gorie de la litt rature de qualit voire d avant garde Ce n est donc pas tonnant que la premi re tiquette que l on attribue ces romanciers d butants soit celle de Nouveau Nouveaux Romanciers Ainsi en 1983 Pierre Gamarra 1983 175 publie dans la revue Europe une chronique sur le deuxi me roman d Echenoz dont le titre est Un nouveau Nouveau roman Cherokee de Jean Echenoz Ce qui est remarquable en relisant cet article c est que Gamarra s tend surtout sur les caract ristiques qui cartent le travail d Echenoz du Nouveau Roman le retour du personnage la reprise des proc d s narratifs du r cit tradi
150. ent autour de la v rit en y faisant allusion L ironie dans ce contexte devient un terme g n rique qui englobe toutes les critures mystificatrices Elle superpose deux niveaux de sens le sens apparent et le sens cach La lecture de l ironie vise passer au del de l apparence pour trouver le sens cach Ce 172 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 jeu de cache cache implique des efforts de la part du lecteur pour d coder le message il implique forc ment une certaine polys mie tant que la cl n est pas fournie L ironie contemporaine est pr sent e comme un point de fuite qui chappe sans cesse l interpr tation du lecteur L ironie n attend pas l claircissement de son nigme mais invite s enfoncer toujours plus dans le processus de l interpr tation L autre aspect important de l autor flexion dans la litt rature contemporaine est la parodie et les proc d s citationnels en g n ral La floraison de la parodie vient un moment o les exc s de la modernit c est dire le rejet radical de l h ritage du pass se trouvent dans une impossibilit o l art s gare vers des conceptions de plus en plus abstraites La r ponse postmoderne au moderne consiste reconna tre que le pass tant donn qu il ne peut tre d truit parce que sa destruction
151. entique au personnage principal il ne para t pas correspondre en tous points l auteur Observons par exemple que la page de garde introduisant la premi re partie de la narration d coup e en quatre p riodes porte les dates 1925 1940 D s le deuxi me paragraphe de cette section se trouve d crite la naissance du protagoniste alors que J Muno ne na t pas en 1925 mais en janvier 1924 la quatri me de couverture de la premi re dition du livre rappelle d ailleurs l ann e pr cise o il est n De plus on ne conna t pas le pr nom du protagoniste imm diatement surnomm Papin par tous parce que avant m me d tre en ge scolarisable les r ponses qu il donnait aux questions d un livre intitul Voil qui vous tes lui attribuaient la personnalit de Denis Papin enfant Il faut dire que les parents du gar onnet contr laient soigneusement la soi disant spontan it de ses r ponses au Jeu psychologique et de soci t par lequel on conna t son caract re et celui de ses amis afin de toujours faire aboutir leur fils au profil du futur inventeur de la machine vapeur piston Or ce manque d identit du nom de l auteur et du narrateur peut poser probl me vu que l h t ronymie du h ros exclut l autobiographie Lecarme et Lecarme Tabone 1997 2004 62 Cependant apr s ces premi res h sitations tout au long du r cit le lecteur attentif rel vera des indices rendant de plus
152. er blanc triangulaire saillant l ouest masquait un bout d oc an d formant l g rement le contour du terrain Caine grimpa l arbre pour mieux voir idem 94 Le panorama s enrichit par un jeu de structures embo t es Outre sa division en deux parties par les soins du m ridien de Greenwich et perpendiculairement celle ci l le tait encore coup e en deux par un ruisseau inconsistant qui prenait sa source sur la c te orientale tout pr s du palais et la transper ait d est en ouest ibidem Finalement le personnage a le sentiment de se saisir lui m me l int rieur de cet espace Mais la certitude passe par la formulation Voil l le pensa Byron Caine c est ici que je suis Et la chose lui parut extraordinairement arbitraire idem 95 Nous percevons un entrelacs de cette notion de l arbitraire celui du d coupage du m ridien de Greenwich se superpose celui de sa profession d espion qui se rend l o lui ordonne et bien s r celui sous jacent du signe linguistique Le r f rent est l mais il lui faut reformuler pour y croire Il r p ta voix haute C est ici que je suis ibidem Notons le passage de la pens e au discours prononc Du point de vue m taphorique nous pourrions dire que les h ros prennent de la hauteur po tique face l espace temps comme l atteste la s quence du chapitre 20 o ils contemplent un coucher de sol
153. er ce genre pr tendument moribond qu est l autobiographie Hubier 2003 128 En effet selon l approche synth tique de Jacques Lecarme et liane Lecarme Tabone Comme crit res d appartenance l ensemble dit autofiction on 130 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 retiendra d un c t l all gation de fiction marqu e en g n ral par le sous titre roman de l autre l unicit du nom propre pour auteur A narrateur N protagoniste P Lecarme et Lecarme Tabone 1997 2004 275 Dans le cas du Munologue le premier trait d finitoire g n rique et p ritextuel est respect le sous titre de roman tout comme le second onomastique m me si Jean Muno constitue un pseudonyme de Robert Burniaux puisque l auteur l a utilis pour signer toutes ses uvres de fiction Nous constatons bien par ailleurs que dans cette narration l accent est mis sur l invention d une personnalit et d une existence c est dire sur un type de fictionnalisation de la substance m me de l exp rience v cue idem 269 Comme le soulignait Agn s Hermans au d but de la pr face de son clairant travail sur Histoire ex crable d un h ros braban on comme uvre autor f rentielle J Muno est un auteur tendance autobiographique mais qu
154. est temps de faire le bilan sur le roman en France au vingti me si cle et plusieurs tudes sont alors publi es qui font un effort de s lection des auteurs m ritant d tre retenus d la qualit de leur travail et sugg rent des fa ons de les classer Rappelons qu Echenoz a alors publi huit romans re u le Prix Medicis en 1983 et le prix Goncourt en 1999 Toussaint a crit six romans et re u le Prix Victor Rossel en 1997 Gailly compte sur dix romans et le Prix France Culture 2000 et Chevillard a crit dix romans et re u le Prix F neon en 1993 La fin du si cle est donc un moment d cisif dans la carri re et la r ception de ces auteurs Les tudes sur le roman fran ais du vingti me si cle publi s entre les ann es quatre vingt dix huit et le d but des ann es deux mille consacrent toutes des chapitres au travail de ces romanciers Entre 1997 et 2004 six tudes sur le roman fran ais du si cle ont t publi es Or Echenoz Toussaint Gailly et Chevillard sont toujours trait s dans la m me section de chacun de ces livres ce qui montre que l on continue valoriser les caract ristiques que leurs textes ont en commun et les concevoir comme un groupe Dans Le roman fran ais contemporain de Laurent Flieder Flieder 1998 8 et dans Le roman fran ais au XXe si cle de Dominique Viart Viart 1999 139 ils sont inclus dans des sections dont le titre reprend l id e de minimalisme de la parodie au
155. eux souvenirs d enfant soumis des parents et enseignants autoritaires si bien que divis en 34 sections le r cit ne correspondait en 126 pages qu aux notes prises par le narrateur entre le 2 et le 6 juillet 1974 D s l ann e suivant cette uvre publi e en 1976 J Muno voit d j comment il construira le roman qui para tra en 1982 propos duquel il dira Ripple Marks est Vantichambre de ce livre ci L auteur d laissera l aspect fragmentaire discontinu de Ripple Marks pour la narration lin aire r trospective d Histoire ex crable d un h ros braban on Reprenant les termes utilis s par Jean Pierre Carron pour distinguer ce qu il 8 Muno J lors d une interview par Jacques De Decker au sujet de Ripple Marks Association des crivains Belges 16 02 1977 transcription personnelle d une bande enregistr e disponible aux A M L Muno J lors d un entretien d bat anim par J De Decker et E Benoot l occasion de la parution d Histoire ex crable d un h ros braban on aux ditions Jacques Antoine Palais des Beaux Arts Bruxelles 26 05 1982 transcription personnelle d une bande enregistr e disponible aux A M L 116 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 consid re comme les deux v ritables fers de lance Carron 2002 29 de la lit
156. evoir se plier une 7 En revanche en sciences humaines disparaissent alors R Barthes M Foucault J Lacan et d une certaine fa on L Althusser 13 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 logique de rentabilit incompatible avec la sp cificit du livre et de ne plus pouvoir perdre de l argent sur la majorit des livres premiers romans et po sie surtout en se rattrapant sur quelques best sellers et sur les ventes aux clubs et aux collections de poche Dans la tradition ditoriale la p r quation permet en effet l diteur de consid rer les auteurs comme constituant un fonds et un investissement pour l avenir Or le nombre d diteurs ind pendants diminue et les diteurs moyens comme Gallimard ou Le Seuil r sistent en se constituant en archipel mais l dition artisanale est marginalis e et risque d tre cart e des circuits de distribution Vue des tats Unis cette situation cependant appara t encore pour quelque temps enviable Schiffrin 1999 C est en 1998 que J r me Lindon mettra en garde contre l dition sans diteurs et la fragilisation des diteurs de litt rature qui doivent cr er leur public et ont besoin de temps pour cela Pour compenser les effets n gatifs de cette situation une politique d aide la librairie la loi Lang sur le prix unique dat
157. f individualistic attitudes and influence of media promote the emergence of a generation of young writers including Annie Ernaux concerned about the capitalization of their life experience and dialogue with their audience and readers Current literary productions seem to show that far from being a temporary fad autofiction asserted itself and conquered other arts Keywords 80s individualism self fiction Annie Ernaux 136 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 Dans le domaine litt raire les ann es 80 symbolisent avant tout l clatement du sujet et l av nement de l criture de l intime dans toute sa prodigalit Mais avant d aborder cette p riode reculons un peu dans le temps et jetons un rapide coup d il sur la d cennie pr c dente o se trouvent les germes de ce ph nom ne qui recevra bient t le nom d autofiction Durant les ann es 70 les conventionnalismes se pulv risent les assises de la soci t s branlent et on assiste un peu partout la revendication de droits sociaux davantage individuels que collectifs C est peut tre dans ces ann es l que devrait se situer le moment de pl nitude de la soci t moderne du point de vue mat riel technique interrelationnel des droits sociaux de l panouissement personnel et surtout de l mancipation des femmes et des jeu
158. finie comme le d senchantement rieur Cette combinaison de l angoisse et du rire ne peut s exprimer qu travers une criture distanci e Malgr le ludisme caract ristique de leur cr ation les quatre crivains tudi s sont tous sous l influence spirituelle de Beckett Beckett lui a t une sorte de sauf conduit ne d clare Gailly Il en est de m me pour Toussaint influence de Beckett a t tr s pesante etil a d faire des efforts pour s loigner Parmi ces quatre crivains des Editions de Minuit c est sans doute Chevillard qui se rapproche le plus de Beckett par son criture m langeant l absurde et l ironie Le rire de Beckett justement est une arme d clare Chevillard en se r f rant sa parent avec Beckett un rire de connivence qui soudainement devient un rire f roce implacable si bien que le lecteur ou le spectateur entra n par son rire se retrouve devoir affronter l horreur du n ant d voil par Beckett Et peut tre qu il y a chez moi quelques clats de ce rire l mes yeux le rire c est l intelligence des situations une mani re de voir le n ant derri re ce qui nous accable si bien qu il n y a plus qu en rire gt Le rire de Beckett est ins parable du n ant qu il constate et de l absurde qu il construit par la suite L ironie est un esprit r gnant qui mane de toute l uvre de Beckett elle se manifeste diff rents plans
159. firmation de l autonomie absolue de la parole par rapport au monde ext rieur n excluait pas la r f rentialit tout court comme le professeur critique et po te Michel Collot en est venu l exposer brillamment la fin des ann es 80 faisant pour ce appel une lecture ph nom nologique dont il a d gag la notion de structure d horizon en tant que ressources du texte po tique qui r gissent la fois le rapport au monde la constitution du sujet et la pratique du langage Collot 1989 7 Sans qu il s agisse ici de faire appel d autres circonstances sociales et intellectuelles des ann es 80 qui d passent largement l univers de la po sie ou de la critique de la po sie nous sommes en mesure de comprendre que le temps tait arriv d essayer une re intensification de la relation du po me avec le plan de l exp rience au sens le plus mondain et imm diat du terme par antidote aussi bien au paradigme m taphysique et tr s concr tement un certain univers sp culatif de tradition heidegg rienne qu au paradigme autot lique qui avait tent pas mal de po tes entre les ann es 60 et les ann es 80 3 Voir les critiques enflamm es d Henri Meschonnic qui a responsabilis Heidegger et ses pigones de l anesth sie des po tes force de provoquer une po tisation tout fait fig e des langues Meschonnic 2001 83 132 56 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que r
160. fra ordinaire Les titres de Pierre Bergounioux et de Pierre Michon sont significatifs Miette 1985 est le nom d un personnage aussi mineur que ceux des Vies minuscules de Michon 1984 Pour Michel de Certeau qui en 1980 publie L invention du quotidien 1 Un art de faire le quotidien ne rel ve pas d un savoir il est ce qui perturbe la pens e la fois r sidu et ce dans quoi nous sommes pris et que nous ne voyons pas Perec cherche ainsi dire ce que nous vivons sans le penser une exp rience du v cu plut t qu une banalit plus facile repr senter Pour d busquer cet infime il faut une attention renouvel e et pour Perec des contraintes Questionnez vos petites cuill res Qu y a t il sous votre papier peint Perec 1989 13 ou des inventaires 2 chapitres de La Vie mode d emploi sont intitul s Tentative d inventaire de quelques unes des choses qui ont t trouv es dans les escaliers au fil des ans R Barthes appelle romanesque cette attention au r el de l exp rience quotidienne qu il veut ainsi distinguer du roman Le romanesque est un mode de discours qui n est pas structur selon une histoire c est un mode de notation d investissement d int r t au r el quotidien aux personnes tout ce qui se passe dans la vie Barthes 1975 1995 327 De m me que ce retour du romanesque n est pas un retour au roman traditionnel le retour du sujet ou de l au
161. gan venait alors de publier Avec ces yeux l 1977 la star ayant choisi d voquer dans son titre son fameux regard nigmatique dont la cam ra aimait capter le bleu intense 5 Lettre de J Muno Jacques G rard Linze dat e du 14 09 1977 conserv e aux A M L correspondance J Muno J G Linze 113 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 En cho parodique un phare du cin ma fran ais J Muno feint d envisager pour le r cit de ses souvenirs un titre qui lui donnerait la vedette aux pieds l une des parties du corps consid r es comme les moins nobles et aux antipodes du miroir de l me que repr sentent les yeux Le lecteur se rend bien compte qu il ne faut pas prendre au s rieux le terme de h ros utilis par l crivain du fait que ce dernier nous d clare que sa vie sera vue par le trou de sa chaussette Rabaissant toute pr tention lev e parce qu un trou de chaussette constitue une mis rable fen tre donnant une visibilit tr s limit e cette locution fait ludiquement cho expression voir par le petit bout de la lorgnette aussi bien du point de vue phon tique tru r pondant par la rime bu et Joset lorngt qu au niveau s mantique car cette expression critique une mani re erron e de consid rer
162. ge pour une cuisine de province 2000 mais aussi et surtout parmi les non lieux selon la c l bre nomenclature de Marc Aug pour d signer ces espaces caract ristiques de ce que ce sociologue a aussi nomm la surmodernit c est dire des espaces anonymes fuyants non identitaires et non relationnels Aug 1992 100 C est justement vers ces lieux de passage que le po te Jean Michel Maulpoix nous transporte lorsqu il crit dans Portraits d un ph m re Il tra ne dans les a roports pr s des guichets et des boutiques Il observe les tiquettes coll es sur les valises et les immenses panneaux noirs ou clignotent les noms des villes qui n existent pas Milan Ath nes Ankara Tachkent Changai Los Angeles La Paz Il regarde circuler les pilotes les stewards et les h tesses costum s de ciel bleu telle une moderne esp ce de demi dieux en transit sur la terre des ailes aux chevilles pr ts s envoler de nouveau vers des cieux plus purs Maulpoix 1990 35 5 n q i RR r Parfois il s av re pourtant difficile de distinguer ce style d un certain laxisme d expression aux antipodes d un travail ferme et sur le rythme et sur le vers que d autres po tes contemporains comme Jacques Roubaud ont continu mener 58 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol
163. ges et ses acolytes ont pr vu une autre arriv e 103 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 L amusant c est que l autre attend toujours son puzzle et on va lui offrir une femme la place idem 163 De son c t compte tenu de l encha nement in luctable des r glements de compte Byron Caine fait preuve de d cence Il n osa pas faire allusion son puzzle Ce n tait s rement pas le moment idem 170 Pourtant le puzzle demeure sa marque tel point que les autres personnages lisent l archipel dans cette optique Curieux exprima Arbogoast c est comme un puzzle Il faudrait y amener l inventeur un de ces jours idem 187 Telle est la contribution de Jean Echenoz au puzzle comme pi ce de la d composition du roman fran ais l poque o Georges Perec publie en 1978 La Vie mode d emploi Et l anecdote r v l e par J Echenoz C J rusalem en deviendrait presque d cevante J Echenoz r alisait le fameux puzzle et l a donc transpos dans son roman J rusalem 2005 195 tant le puzzle ouvre le champ romanesque et l imagination des lecteurs Et tout change si l on regarde de pr s ou distance Prendre de la hauteur ou visions panoramiques S quence int rieure et s quences ext rieures m ritent d tre rapproch es car elles dispensent de
164. gti me Si cle Revue d histoire 16 vol 16 pp 67 82 ORY Pascal 2011 L histoire culturelle Paris PUF PAGEAUX Daniel Henri amp MACHADO lvaro Manuel 2001 Da Literatura comparada Teoria da literatura Lisboa Presen a Edi es Setenta 1988 PAGEAUX Daniel Henri 1994 La litt rature g n rale et compar e Paris Colin TODOROV Tzvetan 1981 Mikhail Bakhtine le principe dialogique suivi des crits du cercle de Bakhtine Paris Seuil VAILLANT Alain 2010 L histoire litt raire Paris Armand Colin VELDWACHTER Nad ge 2011 Litt rature fran aise et litt ratures francophones une union inconvenante n 8 LHT Dossier publi le 16 mai 2011 En ligne URL http www fabula org Iht 8 index php id 236 96 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 LE MERIDIEN DE GREENWICH DE JEAN ECHENOZ OU L ESPACE TEMPS ROMANESQUE MARIE ANNE MACE Universit de Bretagne Sud France R sum Cet article analyse les rapports de parent stylistique entre l criture romanesque de Jean Echenoz notamment dans Le M ridien de Greenwich et le travail scriptural du Nouveau Roman faisant appara tre des lignes de continuit des plus pertinentes pour l approche de la litt rature fran aise contemporaine Mots cl s Jean Echenoz Le M ridien de Greenwich litt rature fran aise
165. i le Sallenave la d fendait fermement estimant qu on ne pouvait pas reprocher aux romans fran ais du moment d tre des autobiographies maquill es ou camoufl es car il avait toujours exist un contrat implicite et secret entre la vie et l uvre d un crivain Quelques ann es apr s Marie Darrieussecq qualifiait l autofiction de genre pas s rieux Darrieusecq 1996 369 380 et en 2003 Michel Contat crivait dans un article du Monde qu il s agissait d un genre litigieux Contat 2003 29 Arnaud Schmitt apr s avoir questionn la pertinence de la d nomination roman autobiographique sugg rait le terme autonarration Schmitt 2000 15 27 qui faisait le titre de son ouvrage La perspective de l autonarration Selon Schmitt le terme roman autobiographique est inappropri car il oblige le lecteur se demander en permanence si ce qu il lit est un fait ou une fiction ce qui l loigne du plaisir de lecture en d saccord avec Schmitt Philippe Gasparini d fendra la r currence du terme en 2004 dans son ouvrage Est il je Roman autobiographique et Autofiction Philippe Lejeune dont le nom tait devenu une r f rence incontournable en ce qui concernait les tudes autobiographiques depuis la publication en 1975 de son fameux Pacte autobiographique ne cessera de s interroger sur le terme autofiction et pr sentera bien plus tard en 2005 au cours d une conf rence inaugurale int
166. i re 2006 162 O Bessard Banquy L hyperproduction ditoriale l affaissement de la critique traditionnelle destination des lettr s se doublent d un effacement des rep res vidents dans le processus de l gitimation des textes Du d clin des lettres aujourd hui n 6 LHT ibid AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 Un consensus sur les ann es 80 De ce consensus les termes de la probl matique de cette journ e d tudes constituent une parfaite synth se l exception peut tre de la question des Litt ratures francophones qui reste trop souvent encore tenue l cart des analyses de la p riode retour de la r f rence et de l auteur mergence de nouveaux crivains et textes La plupart des ouvrages sur la litt rature contemporaine font de 1980 un seuil et de la d cennie une p riode charni re p riode de rupture avec une certaine modernit celle des avant gardes Cette rupture d avec la rupture caract rise ce qui a t appel post modernisme ce terme emprunt l architecture mais dont le flou et les contradictions ainsi que les acceptions diff rentes selon les cultures am ricaine allemande fran aise ont fait qu il a t quasi abandonn du moins en litt rature Compagnon 1990 Le ph nom ne est souvent d crit comme un retour des principes
167. i dessus a pour titre une forme verbale la premi re personne J habite ici s il ouvre sur un po me qui a pour titre Reportage et finalement s il a aussi pour pigraphe initiale une citation de Goethe qui souligne l importance des po mes de circonstance c est dire les po mes pour lesquels pour paraphraser le po te allemand c est la r alit ext rieur qui fournit aussi bien l occasion que la mati re Entre temps l adverbe ici du titre installe imm diatement une d claration lecture double tranchant la suggestion une r f rence extratextuelle de proximit et le renvoi l espace textuel du livre en soi savoir une autor f rentialit Si un retour au sujet il y a chez les po tes des deux trois derni res d cennies il ne s agit gu re de revenir un stade pr moderne et d ignorer soit la fissure entre diff rents plans soit le pouvoir re configurateur et identitaire de l criture po tique Je suis un bonhomme de papier rappelle l auteur de J habite ici De son c t en crivant un essai sur les rapports entre la po sie et l autobiographie Jean Michel Maulpoix se met toujours dans la foul e de la modernit esth tique lorsqu il pr cise que le po me repr sente tout d abord le billet possible d alt rit des transactions du sujet avec les autres qui l habitent Maulpoix 2001 La diff rence de la subjectivit po tique co
168. i reste toujours volontairement en marge de l autobiographie classique Hermans 1994 3 Dans Le Munologue travers les d calages parodiques que nous avons analys s l crivain souhaite tourner en d rision certains aspects d un genre devenu la mode son poque et qu il n appr cie pas Or la voie ou voix de l autofiction des derni res d cennies du XX si cle qui s inscrit dans le progr s g n ral de la litt rature autobiographique progr s qui serait la fois renaissance expansion et diversification Lecarme et Lecarme Tabone 1997 2004 267 lui permet de pr senter par l effet d une petite ruse transparente une autobiographie d chain e idem 268 Dans le cas d Histoire ex crable d un h ros braban on il faut comprendre l pith te d cha n e dans son double sens c est dire que l autobiographie munolienne propos e se veut selon la signification verbale tymologique d livr e des cha nes marqu es par le genre un certain ton apolog tique et une pr tention rendre la v rit exacte des faits du pass Mais en m me temps cette narration s av re aussi imp tueuse suivant le sens acquis par le participe pass d cha n devenu adjectif En effet Le Munologue lance ironiquement des critiques qui ne plaisent pas tous et touchent notamment aussi bien le statut d crivains belges francophones subsidi s au service d une litt ratu
169. ic sur des points tr s pr cis de leur comportement de consommateurs Ach terai je jamais un autre diamant Si jamais j ach te un autre diamant je m assurerai de ce qu il vient d une zone sans conflit et je ferais certifier cela par le vendeur vous pouvez en tre foutrement s r L quipe semble donc se satisfaire d un public responsable ou consciencious audience pour reprendre une terminologie propre aux campagnes de promotion du d veloppement durable et du commerce quitable Les connotations de ce type de campagne visant un public duqu responsable mais mod r dans ses actes sont laiss es dessein dans notre choix de libell En effet il nous semble crucial d insister sur la diff rence fondamentale qui oppose les deux publics ou plus pr cis ment les deux vis es Le cin ma engag a pour but d indigner et peut tre de contribuer des changements politiques majeurs tandis que le cin ma responsable dans le cas de Blood Diamond se contente d encourager les spectateurs exiger des certificats d authenticit lors de leurs prochains achats de diamants Ces deux films comme d autres pr c demment cit s emploient quelques figures types de la barbarie Dans le cas de Blood Diamond le gardien chef du gisement de diamants ou le chef de la milice d enfants soldats correspondent un ensemble de traits physiques et comportementaux que nous retrouverons fr quemment g
170. ica 1954 http historymatters gmu edu d 6543 Articles sur les films cit s Sur Les Larmes du Soleil Interview au site Blackfilm mars 2003 http www blackfilm com 20030307 features antoinefuqua shtml Interview de Bruce Willis http www bbe co uk films 2003 09 01 bruce willis tears of the sun interview shtml Sur Blood Diamond Interview de Leonardo Dicaprio au site IndieLondon 2003 http www indielondon co uk Film Review blood diamond leonardo dicaprio interview Interviewd Edward Zwick http movies about com od blooddiamond a bloodez112806 htm Voir aussi http www moviesonline ca movienews_10613 html Sur le jeu Resident Evil Site communautaire http residentevil wikia com Ndipaya Croal Ngai Newsweek online http multiplayerblog mtv com 2008 04 10 newsweeks ngai croal on the resident evil 5 trailer this imagery has a history 198
171. iction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 identifying affirmation claimed by the francophone Belgian literature through the concept of belgitude at the turning point of the 1980s Keywords autobiography autofiction belgitude Jean Muno parody 111 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 Introduction La production de l crivain belge francophone J Muno 1924 1988 se caract rise par l vocation r currente quoique voil e des s quelles d une enfance et d une adolescence cras es par le poids d une rigide ducation petite bourgeoise Ses di g ses vari es mettent toujours en sc ne un petit homme seul apparemment quelconque de couleur blanc cass face aux repr sentants d une soci t bien pensante Mais avec la publication d Histoire ex crable d un h ros braban on en 1982 ce romancier bruxellois d j plusieurs fois prim et devenu acad micien depuis peu E E EK A 4 ose enfin proposer ce qu il nomme lui m me un curriculum vitae cum grano salis diverses reprises au cours de ce texte sous titr roman le narrateur se r f re l autobiographie comme le mod le auquel essayerait de se conformer son entreprise bien que le lecteur per oive qu il ne s agi
172. iction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 d sireuse de se r concilier avec ses origines populistes et la fois fascin e par les moyens de communication les produits de la technologie et du luxe les signes de distinction de la modernit soci t qui se laisse facilement s duire par les nouveaux pouvoirs qui imposent dans la douceur une conomie frivole tourn e vers l ph m re et le dernier cri Lipovetsky 1987 195 c est dire tourn e vers la mode dans tous les domaines y compris celui de la litt rature soci t que Lipovetsky appelle la colonne dorsale de la soci t de consommation idem 201 Quant aux crivains eux m mes ils se d finissent en g n ral par une d marche en qu te identitaire poursuivent la l gitimation d une criture personnelle tout en cultivant minutieusement un souci de soi suffisamment puissant pour pouvoir g n rer une magistrale territorialit gocentrique Goffman 1971 55 c est l auto to auto soi m me par soi m me qui d rive in vitablement vers la notion de personnage de masque de figure Il s agit d un comportement litiste qui selon Jean Baudrillard est caract ristique d une culture culturalis e Baudrillard 1995 21 et qui s affirme paradoxalement en m me temps que face au public milieu comme c est le cas d Annie Ernaux l crivain exhibe son attachement un ce
173. ien la preuve de la difficult de cette sorte de r alisme initiatique que ce po te critique d fendait par ailleurs Tout en voulant d passer la logolatrie et ce que Bonnefoy appellera l excarnation mallarm enne sa tendance lui au culte de l instant po tique l enfermait souvent dans un univers d essences d tach es aussi bien du temps historique que d un sujet empirique Cependant son univers po tique est devenu de plus en plus consonant avec ses essais partir de la fin des ann es 70 lorsque Yves Bonnefoy a 54 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 commenc assumer une po tique de l immanence c est dire accepter int grer ces errants du r el li s l isotopie du passage du temps ou de la vieillesse Je crois en fait que l on peut d celer pas exclusivement mais surtout chez l auteur de Du mouvement et de l immobilit de Douve une tension ou une ambivalence entre deux grands p les structurants de la po sie fran aise contemporaine qu il nous faut envisager pour comprendre ce qui va se passer de fa on de plus en plus vidente partir des ann es 80 Les p les en question sont ceux de la contingence et de l absolu qui rappelons le surgissaient d j intimement li s dans la pens e baudelairienne fondatrice de la modernit
174. il pp 5 18 BENIT Andr 2006 Histoire ex crable d un h ros braban on de Jean Muno Fran ais 2000 Bulletin de Association belge des professeurs de fran ais n 201 202 avril Nos Lettres s envolent L enseignement de la litt rature belge de langue fran aise CARRON Jean Pierre 2002 criture et identit Pour une po tique de l autobiographie Bruxelles d OUSIA DE LA TORRE Estrella amp RENOUPREZ Martine d 2003 L autobiographie dans l espace francophone I La Belgique C diz Servicio de Publicaciones de la Universidad de C diz Estudios de Francofonfa DOUBROVSKY Serge 1977 2001 Fils Paris Gallimard Coll Folio EMMANUEL Pierre 1970 Qui est cet homme in Autobiographies Paris Seuil GUSDORE Georges 1991 Lignes de vie 1 Les critures du moi Paris Odile Jacob 133 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 HERMANS Agn s 1994 Jean Muno Le statut de l autobiographie Les th ories de l autobiographie travers une uvre autor f rentielle de Jean Muno L Histoire ex crable d un h ros braban on m moire de 2 licence pr sent l Universit Libre de Bruxelles HUBIER S bastien 2003 Litt ratures intimes Les expressions du moi de l autobiographie l autofiction Paris Armand Colin Coll U
175. il tait une toile morte Son rayonnement provisoire d croissant s effor ait laborieusement de s infiltrer au travers d une masse solide dont 100 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 on renon ait croire que de simples nuages empil s taient l origine et qu il s agissait bien plut t d une sorte de pesanteur d paississement irr versible de lair Echenoz 1979 115 Paul reclus dans sa chambre refuse de donner une signification Il devenait chaque jour plus improbable qu une tendue infinie p t exister au del de ce fragment contract de l atmosph re et l espace triqu justifiait que sur lui on tir t les rideaux ibidem Donc dans sa chambre aux rideaux tir s un d but d apr s midi 1l tentait de ressusciter ses id es pour les hi rarchiser et ce les yeux fix s sur un rai de clart pouilleuse qui s acheminait p niblement entre les rideaux mal joints et avortait d un reflet terne sur le renflement d un sac de cuir pos sous la fen tre idem 115s Mais plus que ses id es c est la lumi re qui obs de le personnage et concentre son attention De son lit Paul surveillait toujours le rayon de lumi re blafarde pr s de la fen tre qui se d pla ait insensiblement Imperceptible dans un premier temps son mouvement devenait de plus en plu
176. il de restauration et d appropriation Les Tablettes de buis d Apronenia Avitia sous titr roman comble par l imaginaire les blancs laiss s dans une uvre ancienne inachev e et fragmentaire tout en r crivant les Notes de chevet de Sei Sh nagon Ailleurs c est une r alit sociale et actuelle brutale que d crivent les livres de Fran ois Bon Sortie Le reproche manait de Jean Ricardou au colloque de Cerisy la Salle de 1971 cet pisode a t voqu avec ironie par Claude Simon dans Le Jardin des Plantes 1997 crits intimes d une grande dame japonaise du XIe si cle l ouvrage est mentionn d s la p 21 des Tablettes de buis d Apronenia Avitia 11 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 d usine et de Leslie Kaplan L exc s lusine qui paraissent la m me ann e 1982 m canisation de l homme et de la femme au travail comme amput s de leur humanit par l univers totalitaire de l usine La litt rature vient buter sur une r alit qui exc de le langage et les mots qui pourraient la d crire et la syntaxe se plie au v u de dire le r el comme choc Comme les historiens des Annales attentifs la vie quotidienne d un Montaillou et aux g n alogies familiales ces critures peuvent aussi ne retenir du r el et de l histoire que le plus ordinaire ce que Perec nomme l in
177. ilit des discours litt raires suspensive irony which I connect with postmodernism with its yet more radical vision of multiplicity randomness contingence and even absurdity abandons the quest for paradise altogether the world in all its disorder is simply or not so simply accepted ambiguity and paradox give way to quandary to a low keyed engagement with a world of perplexities and uncertainties Alan Wilde dans Horizon of assent modernism postmodernism and the ironic imagination University of Pennsylvania Press Philadelphia 1981 p 10 169 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 postmoderne Finalement l importance accord e au d codeur de l ironie consacre cette derni re comme le prototype du discours id al l poque contemporaine En effet aujourd hui la signification d un texte litt raire est con ue plut t comme un effet de lecture d concertant que comme nonciation auctoriale De ce point de vue Echenoz Toussaint Chevillard et Gailly sont ironiques dans la mesure o leur questionnement sur le monde passe par le jeu du langage Leurs textes se veulent volontairement autor flexifs se r f rant la fois au processus de l criture et l instance cr atrice Les proc d s autor flexifs sont abondants nous nous en limitons trois Le premier p
178. in pendant vingt ans la fonction thique et la morale du quotidien apud Cusset 2005 330 Mais aussi les concepts de dialogisme et de chronotope ouvraient ils le champ des po tiques de l autre Aujourd hui l histoire litt raire poursuit son chemin les tudes culturelles aussi Pour les deux disciplines le texte litt raire est un document Les tudes litt raires restent partag es en France entre des champs difficilement conciliables l histoire litt raire et les sciences humaines d un c t l mergence de litt ratures francophones seo troitement li e la situation postcoloniale de l autre Nous en avons analys les orientations pist mologiques et m thodologiques principales l histoire litt raire ou les tudes comparatistes franco centr s Qu elle soit approch e du point de vue de l histoire de l histoire litt raire m me tel que le fait Compagnon dans La Troisi me R publique des lettres 1983 ou dans son article publi dans la somme d Hollier d j mentionn e 1989 ou qu elle soit approch e de l ext rieur selon le mod le de Hollier l histoire culturelle mergente s int resse l histoire litt raire pour re situer les uvres dans un contexte de production diffusion r ception largi et complet elle accorde une attention tr s particuli re l histoire des Des publications r centes l attestent dont L histoire litt
179. ins d guis e de mise en place d un personnage En effet dans son tude sur L Autobiographie 1979 G May envisage l apologie comme premier mobile de ce type de narration avant le r le de t moignage ou les raisons affectives 2 et pr s de 25 ans plus tard lorsque S bastien Hubier envisage les Enjeux des crits autobiographiques il s interroge 1 Muno J lors d une interview par CI Vignon propos d Histoire ex crable d un h ros braban on 15 03 1982 transcription personnelle de l enregistrement audio Muno J lors d un entretien d bat anim par J De Decker et E Benoot l occasion de la parution d Histoire ex crable d un h ros braban on aux ditions Jacques Antoine cf supra 2 s agit de la premi re section des Mobiles rationnels chapitre III Pourquoi May 1979 41 43 117 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 Ne pourrait on pas ainsi avancer l hypoth se que tout r cit intime est un r cit pi g qui maquillant en justification l loge de soi est invariablement sous tendu par l amour propre l gotisme la vanit une v ritable propension narcissique le poussant l auteur narrateur comme Chateaubriand s en aller nuitamment lire la d rob e s on loge dans les journaux des provinces
180. interpr tation en appelle une autre Plus le lecteur avance dans sa recherche du sens plus il s enfonce dans la perplexit devant un labyrinthe de sens Chevillard tend pr senter dans son uvre des personnages ou des animaux fantastiques aux contours flous et dont la nature est difficile d terminer Ils parcourent toute une s rie d aventures qui ne sont au fond que des aventures de l criture une criture sans objet et sans origine Le mouvement du texte chevillardien peut tre qualifi d ironique car le texte r siste la tentation d un sens fig et se d truit mesure qu il se construit Toussaint met en r cit quant lui la fa on dont l crivain s approprie la r alit La r alit per ue peut se pr senter comme une contre puissance la subjectivit d formante de l crivain L ironie r side dans le contre coup qu envoie la r alit la volont de l crivain une sorte de raillerie l g re avec laquelle l objet prend la revanche du sujet Chez Gailly le r cit est g n rateur d nigmes et les nigmes sont g n ratrices du r cit L criture de Gailly est une criture qui sauve dans la mesure o crire c est enqu ter sur soi m me Les nigmes qui ne cessent de se produire dans le r cit sont autant de questions que l crivain se pose lui m me Les fictions ne sont pas la parole directe de la v rit elles sont comme des p riphrases qui tourn
181. iographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 indispensable de l authentique autobiographie travers la restriction rien que ainsi que la r p tition de vrai et la redondance de v cu or nous nous sommes aper ue que V cu tait le nom de la collection de l diteur Robert Laffont dans laquelle avaient paru aussi bien l autobiographie de M Morgan que celle de Rolf Steiner L ironie du narrateur par rapport aux entreprises de l actrice et de l aventurier est patente surtout qu aucun des deux n avait r dig seul le r cit de sa vie Il faut signaler qu crire l histoire de sa propre existence avec le secours ventuel de professionnels qui retapent les r cits de vie de toutes les c l brit s qui n ont pas le temps le go t ou la capacit d crire Lejeune 1989 54 tait devenu une mode l poque Cet engouement se manifeste parall lement l int r t nouveau pour le genre autobiographique dans la deuxi me moiti du XX si cle du c t de la recherche litt raire ayant jusque l g n ralement consid r comme mineure cette tendance raconter les tapes de la construction du moi Dans une autre lettre adress e au m me J G Linze quinze jours plus tard que celle cit e ci dessus J Muno r voquait son projet de livre cum grano salis je prends des notes pour un roman que je
182. ion d crivains r agit au travail de la pr c dente Ce sont ces pr suppos s qui ont d termin la r ception de ce nouveau groupe d crivains que J r me Lindon a d cid de faire publier en France dans les ann es quatre vingt Jean Echenoz Jean Philippe Toussaint Eric Chevillard et Christian Gailly entre autres ont boulevers la sc ne litt raire par leur criture et l poque tous les critiques litt raires les chercheurs et m me leur diteur ont cherch une fa on de les classer On est alors la fin du si cle ce qui contribue ce besoin de trouver une tiquette convenable pour ces travaux on veut faire le bilan sur la production litt raire du si cle on comprend que l on doit y inclure ces jeunes romanciers mais le manque de distance temporelle ne permet pas une vision d ensemble claire Les ditions de Minuit ont jou un r le essentiel dans la publication mais aussi dans la r ception de ces romans Il s agit d une maison d dition qui a une r putation de publier de la litt rature de qualit d avant garde Simonin 1994 471 et dont le rapport au ph nom ne du Nouveaux Roman est encore tr s r cent l poque Les deux t moignages suivants le premier d Echenoz le second de Toussaint montrent comment ces jeunes auteurs eux m mes en sont conscients l poque Maison trop s rieuse trop aust re et rigoureuse essence de la vertu litt raire trop bi
183. ion des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 LEBRUN Jean Claude 2010 Jean Echenoz Je cherche un nouvel espace L Humanit le 23 septembre lt URL http humanite fr 19_09_2010 jean echenoz C2 AB C2 A0je cherche un nouvel espace C2 A0 C2 BB 453783 gt consult le 03 V 2012 LORET ric 2009 Marie a tout pris Jean Philippe Toussaint met le feu au troisi me pisode de ses amours impossibles Lib ration le 17 septembre lt URL http www liberation fr livres 0101591396 marie a tout pris gt consult le 03 V 2012 MOTTE Warren 1999 Small Worlds minimalism in contemporary french literature Lincoln Londres University of Nebraska Press NICOLAS Alain 2011 Vie et destin de Dino Egger le bienfaiteur inexistant L Humanit le 10 f vrier lt URL http www humanite fr 10 02 2011 vie et destin de dino egger le bienfaiteur inexistant 464745 gt consult le 03 V 2012 PAYOT Marianne 2010 L tincelle Echenoz L Express le 23 septembre lt URL http www lexpress fr culture livre des eclairs 921563 html gt consult le 03 V 2012 PIVOT Bernard 2009 la recherche du pur sang perdu Le Journal du dimanche lt URL http www Jeseditionsdeminuit com f index php sp liv amp livre id 2621 gt consult le 03 V 2012 RABATE Dominique 1998 Le Roman fran ais depuis 1900 Paris P U F SCHOOTS Fieke 1997
184. ions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 et quelque peu m lancolique C est ce que l on peut trouver par exemple au cours d une conversation de rue entre ouvriers trangers chez James Sacr 1991 ou bien chez Jacques R da qui a entre temps r cup r la tradition de la m trique dans la po sie fran aise tout en l associant des r f rents tant divers qu actuels que ce soit la travers e de paysages vari s par de diff rents moyens de transport R da 2003 ou toute sorte de signes de la beaut suburbaine R da 1985 Ces espaces travers s par une partie consid rable de la po sie de la derni re fin de si cle ne sont pas indissociables d une autorepr sentation c est dire d un autoportrait explicite ou implicite du po te Celui ci la suite d une d sacralisation qui remonte d j la fin du dix neuvi me si cle ne se con oit plus exactement comme un dandy baudelairien mais plut t comme un simple fl neur un vagabond sans blason ni aur ole une figure plus sobre d mocratique et pragmatique certes m lancolique et maladroite comme l albatros baudelairien Il s agit en fait d une figure vou e l errance parmi des r f rents qui taient habituellement absents du monde de la po sie pas seulement les espaces et les lieux tr s modestes comme il arrive par exemple Guy Goffette dans lo
185. iorit technologique armes modernes techniques guerri res bas es sur la discipline plut t que sur la fureur combattante ventuellement induite par des stup fiants ou de l endoctrinement Suivant la trame du roman de Conrad la plupart de ces r cits mettent en sc ne une exp dition r duite dans le temps en aucun cas destin e demeurer et apporter des modifications durables sur l environnement travers 1l s agit de commandos venus effectuer une mission et vou s quitter le terrain aussi vite que possible sentiment d urgence renforc pr cis ment par le surnombre et la nature de l ennemi Dans le cas de Resident Evil 5 la progression est marqu e par l volution des ennemis Ces ennemis portent le nom g n rique de Mayinis mot swahili d signant A idem p 99 193 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 tout la fois un d mon ou une personne mauvaise Sorti du premier village o les ennemis cibles peuvent tre vus comme des humains encore sains ou suffisamment pour cr er la pol mique que nous avons cit e les h ros rencontrent rapidement des personnages dont l humanit se trouve physiquement d grad e de mani re progressive jusqu ne plus ressembler que lointainement aux hommes qu ils furent Nous laisserons de c t les cerb res insectes g ants
186. ir qui rel ve la fois de la mise distance et du sourire C est aussi une tendance naturelle souhaiter chapper au pathos De m me que pour Echenoz l ironie ou l humour pour Chevillard est un moyen de garder une distance par rapport la Litt rature Elle devient la condition m me d une litt rature sans pathos L humour est une condition de ma litt rature J ai essay d crire un livre en m en abstenant si vous aviez vu la pauvre chose il n y avait pas d humour a c tait r ussi mais pas de litt rature non plus par voie de cons quence Et pourtant paradoxalement l humour me permet aussi de tenir la litt rature distance le monument Litt rature Quant Gailly il pr f re le terme d ironie au terme d humour car il convient 6 i s i E mieux au ton de ses romans L ironie prot ge contre les motions comme Gailly Ecrire c est fuir conversation Canton entre Cheng Dong et Jean Philippe Toussaint les 30 et 31 mars 2009 dans Fuir Paris Les Editions de Minuit coll double 2005 pour la premi re dition 2009 pour la pr sente dition p 183 La r alit en fait trop il faut la calmer entretien avec Echenoz propos recueillis par Jean Baptiste Harang apparut dans Lib ration le 16 septembre 1999 Douze questions Eric Chevillard entretien avec Chevillard propos recueillis par Florine Lep tre sur le
187. irail n est pas sans rappeler les chefs de milice et de troupes paramilitaires que nous avons voqu s supra pr sents notamment dans Blood Diamond Dans le m me esprit certains ennemis les Ndipaya plus proches de la vision conradienne correspondent l imagerie tribale mais galement d shumanis s par le virus qui les a contamin s et tout aussi incurables Le d cor de cette apparition r pond 25 A 5 Hans Tir du site communautaire consacr au jeu http residentevil wikia com Ndipaya 194 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 d ailleurs leur apparence et comporte d autres l ments conradiens huttes d cor es poteaux sacrificiels restes humains Conclusion La fascination pour l Afrique est assur ment l un des lieux communs de la cr ation artistique les plus solides v hicule de clich s aussi nombreux que c l bres sur le terrain ses habitants et leurs coutumes Depuis une vingtaine d ann es on peut constater une r surgence de ces lieux communs revitalis s apr s un certain temps d abandon Ainsi que les Formalistes russes le d crivaient dans les ann es 1920 l exotisme sombre semble rena tre On retrouve les outils narratifs et les artefacts descriptifs au service du divertissement d un appel aux consciences mondiales ou les deux la foi
188. ire litt raire pour actualiser le projet de Bruneti re ou de Lanson mais constituer un essai d inscription de la fiction et de la litt rarit dans le monde contemporain aux auteurs cit s avec une attention particuli re la situation fran aise globale l cole po F Pr PAD 1 A 5 l alphab tisation le monde ditorial la presse la vie litt raire y taient concern s L attention envers les rapports complexes que la litt rature maintient avec le milieu historique et culturel informe parmi d autres le projet d une histoire litt raire publi e chez Arthaud en 1984 sous la direction de Claude Pichois intitul e Litt rature fran aise et l analyse des rapports qu entretenaient les crivains et la politique entre 1930 et 1950 a constitu l objectif de la publication en 1981 du livre The Left Bank par l am ricain Herbert R Lottman traduit la m me ann e en France La Rive Gauche du Front populaire la guerre froide Le projet d une vie litt raire est couronn la fin des ann es 1980 avec la publication par Priscilla P Ferguson de Literary France The making of a culture ouvrage qui para tra en fran ais sous le titre La France nation litt raire chez l diteur belge Labor en 1991 Aussi les publications sur l histoire du livre et de l dition domaine dans lequel le nom de Roger Chartier constitue une r f rence incontournable contribuent elles
189. is par James Cameron pour ne citer que quelques films marquent les esprits et formatent encore davantage une repr sentation de la virilit comme machine suer Au milieu de ces corps sains muscl s et bronz s pr n s par l industrie cosm tique la chirurgie esth tique et le septi me art le p le et d charn Herv Guibert r siste donc sa mani re ce spectacle En effet cliv entre adolescence et grand ge le corps du narrateur de la trilogie s est litt ralement soustrait du temps Ami qui ne m a pas sauv la vie se termine d ailleurs sur cette silhouette gracile promesse lointaine et 8 Voir Yves Michaud Visualisations Le corps et les arts visuels in Courtine 2006 431 451 42 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 utopique de r surrection Mes muscles ont fondu J ai enfin retrouv mes jambes et mes bras d enfant Guibert 1990 267 Mais par la monstration de ce corps rong et asexu Herv Guibert inverse surtout les valeurs morales et esth tiques v hicul es par son poque ainsi que les normes de genre A l activisme l optimisation le contr le et la jouissance de l esprit d entreprenariat ambiant Guibert oppose la passivit apparente et l conomie des forces L criture comme le film qui le portraiture t moignent d un ave
190. is e par une histoire anthropomorphe ou zoomorphe L aventure de l criture se lit en filigrane travers l aventure du personnage Le r cit tend un miroir secret son propre m canisme que le lecteur peut d celer par del l histoire apparente Les critures des quatre crivains des Editions de Minuit peuvent tre commun ment caract ris es comme critures ironiques l criture simulacre et l criture diff r e chez Echenoz l criture h sitante chez Toussaint l criture nigme chez Gailly l criture sans objet chez Chevillard Sans exception ces auteurs adoptent la forme de l nigme qui tend un miroir au fonctionnement du texte La production de sens dans le texte devient elle m me une nigme c est la mise en marche de l ironie dans la litt rature L criture simulacre chez Echenoz rassemble un grand nombre d l ments h t roclites pour produire un effet loufoque Il est vain de vouloir sonder la profondeur d une telle criture 1l n y a pas de sens cach chercher derri re le texte La combinaison insolite des mots ainsi que l effet loufoque qu elle cr e est l essence m me 171 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 d un tel texte Dans l criture diff r e le sens est sans cesse diff r jusqu l infini Une question en appelle une autre une
191. is sujets aux r miniscences de la p riode d avant la fin du monde o l on pressent l imminence de la fin et o d plorer la fin est possible parce que les derni res traces de la vieille m taphysique sont encore visibles L absurde est la situation pr sente o l origine du sens tant perdue de vue le seul rep re existant est ce monde abandonn tournant en rond 166 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 En un sens l ironie de Beckett peut tre interpr t e de deux mani res selon le point de d part o l on se situe lorsque les personnages ont des r miniscences de la p riode de la pr diction de la fin l ironie se r f rant la lumi re du sens est cette conscience lucide qui constate le chaos en planant au dessus du monde lorsque les personnages s enlisent dans le pr sent ternel sont coup s du souvenir de l origine et incapables de se projeter dans l avenir l ironie est la n gation totale d un quelconque salut du non sens Le rire du n ant dirait on Du sens au non sens du non sens au sens l homme glisse constamment d un p le un autre le sens et le non sens sont l envers et le revers de l existence qui se fond dans une ambig it intrins que La force de l ironie beckettienne r side justement dans les contradictions des choses humaines la lumi re et l
192. isantes alors que le d but des ann es septante soixante dix tait encore marqu en Belgique par des campagnes linguistiques hypernormatives appel es Chasses aux belgicismes plac es sous l gide de l Office du bon langage cr en 1962 L crivain qui jusqu Ripple Marks s tait bien gard de laisser percevoir dans ses textes son appartenance une communaut francophone p riph rique emploie effectivement dans Le Munologue une langue fran aise ponctu e de tournures r gionales aussi bien lexicales que phon tiques Si Histoire ex crable d un h ros braban on pr sente un d calage par rapport aux autobiographies traditionnelles d s son titre ce dernier le situe au fil de la lign e pique d une uvre embl matique consid r e comme fondatrice de la litt rature belge de langue fran aise La L gende et les aventures h ro ques joyeuses et glorieuses d Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs Car au del du rapprochement des termes des deux titres Histoire renvoyant l gende et Voir ce sujet notre tude Lecture d Histoire ex crable d un h ros braban on de Jean Muno comme roman de la belgitude Moreels 2003 132 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 aventures et h ros h
193. ise l cart Gallimard 1992 qui sort en librairie en m me temps que Passion simple d Annie Ernaux La Bouilloire russe S guier 2002 et Le Livre de Jeanne Gallimard 2004 Nadine Trintignant premi re pouse du cin aste Jean Louis Trintignant partage se vie professionnelle entre le cin ma et la litt rature Dans ses romans elle aborde surtout des th mes autobiographiques mais elle s interroge galement sur la condition de la femme Ton chapeau au vestiaire Fayard 1997 est publi la m me ann e que Je ne suis pas sortie de ma nuit d Annie Ernaux et aborde le m me sujet que ce dernier la maladie d Alzheimer 2 En 1974 Annie Ernaux publie son premier livre Les Armoires vides chez Gallimard 143 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 Ces changements se produisent souvent gr ce l initiative d diteurs jeunes eux aussi qui se proposent de renouveler le panorama litt raire en affichant des pr f rences tr s marqu es par rapport aux grandes maisons d dition ou leurs pr d cesseurs Ces nouveaux diteurs qui se laissent guider par leur propre flair lancent donc des auteurs inconnus s effor ant la fois de se passer des comit s de lecture et de pr coniser une politique d auteurs Gazier 1984 s p selon les propos d Antoine Gallimard qui en
194. isissant que celui cr par la mise en regard des repr sentations du corps d Herv Guibert avec la place monumentale que celui ci s est taill son poque L amenuisement physique est en effet sans proportion avec la force de la posture de notre auteur S imbriquant dans la trilogie comme dans un anneau de Moebius m decine et m dias s articulent un troisi me domaine dont il convient de rendre compte le champ litt raire Force est de constater que les ann es 80 sont travers es par la mort sous toutes ses formes outre l ombre du sida menace aussi celle plus souterraine de la d pression Cette morbidit plane galement sur le champ litt raire depuis que l auteur a t d cr t mort par Barthes et Foucault L acte de d c s celui du grand crivain ne se r duit Sur le cannibalisme comme motif eucharistique chez Herv Guibert voir les analyses de Vincent Kaufmann dans Geminga ou qu est ce qu un v nement litt raire Furor n 28 mars 1997 Gen ve ainsi que dans M nage trois litt rature m decine religion Presses Universitaires du Septentrion Villeneuve d Ascq 2007 46 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 pas sa dimension symbolique ou m taphorique mais trouve des chos dans l histoire toute une s rie de grands intellectu
195. istement c l bres dans les conflits africains des ann es 1990 et 2000 Pour autant leur discours ne fait pas l conomie de ces l ments Ce que nous appelons justification rh torique path tique tient un m canisme d j observ dans la saga des Rambo la n cessit de fournir une bonne raison d indignation au spectateur Dans le cas des Larmes du Soleil la f rocit de l ennemi est largement expos e complaisamment d crite diront certains L ennemi poss de plusieurs visages tous aussi terrifiants et fascinants qu incompr hensibles Le but des auteurs n est pas tout fait le m me que dans les exemples pr c demment cit s 18 The only thing necessary for the triumph of evil is for good men to do nothing 189 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 il s agit moins d en appeler un r veil des conscience que de susciter une horreur visc rale un choc motionnel puissant qui peut mener consid rer l actualit avec une empathie plus grande pour les populations victimes Qu en est il du bourreau Il est rejet la haine la plus f roce si irr cup rable qu il doit tre mis hors circuit aussi rapidement que possible Le tortionnaire le bourreau l enfant soldat drogu et endoctrin semble irr m diablement perdu pour l humanit Capable de toutes les bassesse
196. istique et devient objet th orique La Chambre claire le dernier livre de Barthes publi l ann e de sa mort en 1980 joue un r le capital et les livres associant photographie et textes se feront de plus en plus nombreux Ce sont ceux d crivains et photographes qui d j auteurs de textes publient des livres associant texte et photographie Herv Guibert 7 Maurice Roche Je ne vais pas bien mais il faut que j y aille Seuil coll Fiction et C 1987 Comme l indique Pierre Schoentjes dans son introduction d un volume collectif para tre aux ditions Garnier L ironie formes et enjeux d une criture contemporaine 19 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 Suzanne et Louise sous titr roman photo Denis Roche Conversations avec le temps ou moins connu Jean Loup Trassard Territoire Le brouillage des genres n est pas une pratique nouvelle mais prend de nouvelles formes dans la reprise parodique ou le d tournement de genres mineurs ainsi le roman policier le roman noir et fantastique accueillent des critures litt raires Ren Belletto dont L Enfer en 1986 obtient le prix Femina publi par P O L pour ses premiers romans Antoine Volodine ne trouve pas d diteur qui comprenne son projet et les publie dans une collection de science fiction avant d tre accueilli par J r me Lind
197. itul e Diaris i Dietaris Universit d Alicante 10 novembre 2005 le terme antifiction par lequel il tente alors de d signer par agacement devant autofiction Lejeune 2007 3 14 les 1 Cf l article Fiction et autobiographie Le Monde 24 07 1992 146 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 productions crites qui lui semblent troubles Jaime l autobiographie dit il j aime la fiction J aime moins leur m lange idem 3 Lejeune qui souligne la n cessit d tablir une s paration entre la v rit sinc rit et l inventive s rige en d fenseur de la puret et l homog n it autobiographique du journal personnel alors que comme signale Paul Ric ur les actions organis es en r cit pr sentent des traits qui ne peuvent tre labor s th matiquement que dans le cadre d une thique Ric ur 1990 137 et qu il n y a pas de r cit thiquement neutre idem 139 En d finitive une petite bataille quoique de longue haleine s tait d clar e dans le monde des lettres autour de l autofiction Le nom d Annie Ernaux se trouve tr s t t incorpor par la critique au nouveau courant Cependant l crivaine cherchera toujours s en d tacher et soutenir que depuis ses d buts son projet a t de situer son criture entre
198. jeu de mots derri re l expression en faire tout un plat choisi se cache la locution famili re faire tout un plat de quelque chose qui signifie accorder une importance exag r e un l ment insignifiant Ne n gligeons pas non plus au d but de l extrait cit ci dessus la discr te ironie exprim e par rapport au ton sans d tour dont pr tendent faire preuve les autobiographies consid r es comme s rieuses parce que la polyphonie constitu e par la confrontation de deux registres contrast s celui soutenu de sied apr s cr ment nous met sur la voie d une distanciation moqueuse En effet son scepticisme vis vis du respect de la v rit que se doivent de respecter les autobiographes le narrateur l affiche ouvertement trente pages plus loin Car voici comment il conclut sa description des difficult s prouv es par le jeune et malhabile Papin pour se d ganter rapidement afin de saluer respectueusement les adultes selon les principes d une bonne ducation si je vous disais que c est ce qui m a brouill avec la politesse je ne mentirais pas tellement En tout cas pas plus que dans la moyenne des autobiographies et m me plut t moins idem 77 125 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 J Muno souligne ici la fausse sinc rit
199. la date de publication du livre New History of French Literature en 1989 par Denis Hollier et dont l dition fran aise publi e en 1993 porte le titre vaguement dix huit miste de De la litt rature fran aise Un titre dont la traduction litt rale aurait risqu non seulement la confusion avec la nouvelle histoire tel que le sugg re Cusset mais qui aurait galement risqu notre opinion d tre pris pour le titre d un ouvrage d histoire litt raire m me si d une nouvelle histoire litt raire or on le sait les tudes litt raires fran aises sont profond ment marqu es par la tradition et le poids de cette discipline Antoine Compagnon allait devenir l historien de cette d cennie et ses travaux nous permettent de la d limiter entre la publication de son livre La Ile R publique des lettres 1983 et l ann e de 1989 o il revient sur cette probl matique dans un article ins r dans le livre de Hollier cit En termes id ologiques conomiques et sociaux les ann es 1980 furent marqu es par les politiques g n reuses de Mitterrand et de Jacques Lang le languisme dans un contexte hostile ce qui tait d sign l poque comme l imp rialisme am ricain Lang pour lequel l appui aux franges de la soci t avait comme objectif selon Cusset d exorcise r leur envie de bagarre Cusset 2008 327 Contre la promotion de la surconsommation culturelle
200. la terre changeante comme support de l uvre On travaille pour ainsi dire 137 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 avec ce qui se trouve port e de la main il n y a pas de d ploiement de grands moyens mat riels On assiste l closion de mouvements artistiques revendicatifs dont l Arte Povera G nes 1967 qui pr conisent le rejet de ce qui a t transmis jusqu alors par la culture traditionnelle la fois que la subs quente red finition de l uvre d art partir du minimalisme et des pratiques performatives qui permettent d tablir une relation interactive avec le spectateur La fonction de l art sera celle de rendre possible et visible le caract re ph m re de la r alit dans sa vari t et ses mutations on utilisera des mat riaux ou des supports non r sistants au passage du temps et on ne cherchera plus produire des uvres dart immortelles Par ailleurs l id e selon laquelle l artiste est un g nie id e qui perdurait depuis la Renaissance est compl tement abandonn e Il existe en quelque sorte un d sir de se d gager des connaissances transmises par la culture dominante et de revenir au naturel de s exprimer partir de la personnalit constitutive du soi Et ces id es se poursuivent et s intensifient durant les ann es 80 Dans une mise en cor
201. le mais par une sorte d acte de naissance du discours le pacte autobiographique Lejeune 1971 2003 49 En effet dans le prologue d Histoire ex crable d un h ros braban on figurent l expression de la volont du narrateur de pr ciser son identit et ses origines de nier l inanit de son existence en r plique l affirmation T es rien Terrien qui lui est lanc e ainsi que le constat de la difficult de cette entreprise Mais le lecteur ne peut manquer de sourire lorsqu il s aper oit que la d marche de celui qui s adresse lui r pond la question pos e par un oiseau insolent qui souille de sa fiente les pages crire Il faut savoir que le livre de J Muno s ouvre sur un prologue o nous voyons le narrateur absorb par les images d une mission t l vis e du c l bre Bernard Pivot Comme ce programme litt raire porte ce soir l sur les origines d crivains issus de diverses r gions de France le p etit bonhomme entre deux ges Muno 1982 10 commence lui m me en son for int rieur et dans la solitude de sa villa new look s interroger sur ses racines Malgr l intervention fantasmatique de l envahissante figure de M m Clauzius sa propre m re ainsi que nous l apprendra la lecture du roman il se rend tristement compte qu il lui manque une g n alogie dans laquelle s inscrire Le narrateur songe Elle tait close la porte de
202. le un chef ou une id ologie et susciter une forme d angoisse de la part du spectateur en ce que le silence ou le laconisme de ces personnages les rend difficiles comprendre ou plut t les place distance De fait ces rares mots en font d inqui tantes silhouettes des tres d shumanis s en totale opposition avec les h ros dont le spectateur aura pu appr cier la faconde depuis le d but du film En r sum ces sous officiers repr sentent une figure de la barbarie avec laquelle on ne discute pas face laquelle tout raisonnement ou r flexion sont inutiles Il est int ressant de noter qu au dessous d eux se trouvent g n ralement des soldats l apparence similaire mais moins remarquables car moins mis en valeur par le sc nario et souvent r duits litt ralement des silhouettes dans le viseur des h ros ainsi que les fameux enfants soldats g n ralement repr sent s fortement intoxiqu s et endoctrin s et encore plus d shumanis s de ce fait Dans ces deux films au dessus de ces sous officiers on trouve des officiers sup rieurs ou parfois directement des g n raux mais l essentiel du message politique de Blood Diamond tient faire le lien entre ces brutes et les hommes d affaires d Anvers et de l montrer au spectateur qu il constitue lui m me un autre maillon de la cha ne Ajoutant au d go t qu inspire la hi rarchie militaire ainsi d voy e une hi rarchie des
203. le biais de la n vrose de la foule La question de la m taphysique existe sans doute chez ces deux crivains mais elle est voqu e de mani re allusive par la description d un monde trange qui d gringole Chez Toussaint au lieu d tre absente la m taphysique s av re omnipr sente D normes efforts sont mobilis s pour atteindre l id al d apaisement du corps et de l esprit dans une m taphysique de papier qui m lange la sagesse orientale et la m taphysique occidentale La m taphysique est repr sent e chez lui comme une philosophie de consommation On retrouve ici curieusement une attitude qui rejoint celle des derniers grands modernistes comme Beckett Mais l ou le mot m taphysique pourrait avoir des connotations graves tout est mis ici en uvre par l auteur pour viter ce ton les le ons de Toussaint r cusent r solument la profondeur Bertho 1994 21 Chez Chevillard la question de l origine et la possibilit d un monde meilleur sont pr sentes mais le projet de remonter une origine porteuse de sens est toujours vou l chec soit l existence de l origine est suspect e soit les efforts humains pour y parvenir sont ridiculis s En un mot la diff rence entre l essence et les apparences ne tourmente plus autant Chevillard que Beckett Si l tre n existe pas ce n est pas une raison pour se lamenter on Joue entre les apparences Si le sens est absent il n y a
204. le des ann es 80 Ce qui est ind niable et nous reprenons ici notre compte les propos que soutenait Jacques Lecarme en 2002 c est que le terme d autofiction pendant vingt ans ponctuel pointu et impopulaire est devenu extensif vague et s duisant chez les auteurs et chez les critiques Cette volution a t not e par Philippe Lejeune dans son entretien r cent du Magazine Litt raire de mai 2002 autofiction d signerait tout l intervalle assez mal d fini entre roman et autobiographie il en viendrait m me fournir un euph misme s duisant au mot bien ingrat d autobiographie parce qu il rajoute l id e de cr ation et d imaginaire Lecarme 2004 18 Aujourd hui l autofiction continue tre bien pr sente envahissant d autres domaines de la cr ation Citons par exemple Gilles Rochier qui a remport le Prix R v lation 2012 Angoul me pour son album de BD Ta m re la pute ditions 6 pieds sous terre une chronique sur son enfance et sa jeunesse dans une cit de la banlieue parisienne Ta m re est une pute c est une autofiction qui parle de l enfance du fait 31 Voir Particle Los escritores somos monstruos del ego afirma John Banville El Pa s 15 09 2006 L hypoth se du double bind trad double lien ou double d pendance est d velopp e partir de 1956 par Gregory Bateson Don D Jackson Jay Haley et John Weakland dans une tentative de d
205. lerai ainsi tous les textes de fiction dans lesquels le lecteur peut avoir des raisons de soup onner partir des ressemblances qu il croit deviner qu il y a identit de l auteur et du personnage alors que l auteur lui a choisi de nier cette identit ou du moins de ne pas l affirmer Lejeune 1975 25 Nous pourrions certes v rifier pour Histoire ex crable d un h ros braban on le premier aspect du pacte romanesque indiqu par Ph Lejeune vu l attestation de fictivit idem 27 gr ce la fonction du sous titre roman donn par J Muno Mais le second la pratique patente de la non identit l auteur et le personnage ne portent pas le m me nom ibidem pose probl me Car nous venons de le voir si le protagoniste est appel Papin par la totalit de son entourage tout au long de la narration ses parents ses amis ses coll gues etc il finira dans les derni res pages du r cit par se confondre avec son double alter ego au sens tymologique du terme autre moi m me qu il a choisi de nommer Muno or c est l le pseudonyme de l auteur lui m me qui figure sur la couverture du livre Prenant clairement ses distances avec l autobiographie proprement dite Histoire ex crable d un h ros braban on pourrait tre consid r e comme une autofiction selon le n ologisme forg par S Doubrovsky cinq ans avant sa publication qui cherche relay
206. les et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 expliqu es que dans les films que nous avons voqu s pr c demment Nous choisissons le terme de western parce que le genre originel avait su s affranchir son heure de gloire de trop longues explications historiques autant que de justifications id ologiques ou politiques Les westerns se d roulant durant les guerres indiennes fonctionnaient sur le ressort de la peur de l Indien de sa sauvagerie suppos e et de la mort qu il administrerait automatiquement tout colon blanc s il tombait sous son couteau L autre pilier du western r sidait alors dans l apologie d un certain esprit pionnier teint e de la nostalgie d une poque suppos e simple et franche o tout probl me trouvait sa solution imm diate f t ce dans le sang Ainsi les pionniers civilis s s opposaient ils diam tralement aux sauvages Peaux Rouges De la m me mani re certains films et jeux vid o reprennent cette peur de la sauvagerie de l ennemi lorsque leurs intrigues ou leurs contextes ont l Afrique pour toile de fond Qui plus est l instar du western s riel 2 ces uvres semblent plus profiter de l attrait du public pour le cadre propos que v ritablement amener ledit public une r flexion politique ou un engagement Dans Les Larmes du Soleil la star du film Bruce Willis n insiste gu r
207. livre condamn idem 220 l auteur fait si bien rimer corps et corpus que c est galement toute une posture litt raire singuli re qui transpara t creusant un nouveau sillon dans le champ controvers de la litt rature contemporaine La maladie entre m dias et m decine une histoire de m diations L apparition du sida sur la sc ne publique brise les barri res habituelles d intimit entre m decins et patients soumis continuellement l imp ratif du tout dire rapidement suivi d un tout montrer au service de la pr vention du virus HIV La maladie vient au fond personnifier de mani re tr s visuelle le syst me immunitaire d faillant jusqu ici consid r comme une pure abstraction le virus HIV tant d abord manifeste sous la forme d une maladie de peau comme la l pre et la syphilis Cette d figuration physique s accompagne d un discours s miologique le sida qui ronge les corps devenant rapidement selon l expression de Susan Sonntag une m taphore Sontag 1998 Cette perte de visage et d identit est paradoxalement contrebalanc e par l envahissement d images de corps contamin s sur le petit cran la maladie et la mort observ es en direct prenant des allures de spectacle Val ry Luria autre praticien de ce genre fin de si cle de la sida fiction Sarkonak 1997 7 per oit dans ce ph nom ne une exp rience multisensorielle et audiovisuelle lui permettant d appr
208. llement se fait dans des nonciations narratives nouvelles ce qui ne signifie pas toujours retour au roman Un retour au plaisir du r cit se manifeste d s les ann es 70 dans le foisonnant La Vie mode d emploi 1978 sous titr romans et qui multiplie personnages et histoires de qu tes et de voyages en un puzzle narratif achev Burgelin 1988 173 ou en 1978 dans Rue des boutiques obscures de Patrick Modiano qui raconte une investigation sur le pass en m me temps qu une qu te d identit d un juif aux noms multiples De cette mutation sans reniement on peut voir une forme significative dans l uvre de Claude Simon pour qui la description on le sait est constitutive du r cit Apr s Le on de choses en 1975 o la narration ne se construit que de descriptions Les G orgiques en 1981 raconte par montage et assemblage discontinu les destins de 10 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 deux fr res ennemis pendant les guerres r volutionnaires et refusant l ordre chronologique entrelace le r cit description de moments diff rents de l Histoire 1789 1936 et 1939 1940 Et L Acacia poursuit dans cette voie en r duisant le feuillet narratif aux deux guerres mondiales celles du p re et du fils Mutation exemplaire en ce que s y d ploie dans la continuit rigoureuse d une po tique un
209. lmer entretien avec Echenoz propos recueillis par Jean Baptiste Harang apparut dans Lib ration le 16 septembre ECO Umberto 1985 Apostille au Nom de la rose traduit de l italien par Myriem Bouzaher Grasse GAILLY Christian 2007 Qu est ce crire Comment crire entretien avec Christian Gailly propos recueillis par Christiane J rusalem et Elisa Bricco dans Christian Gailly l criture qui sauve sous la direction d Elisa Bricco et Christine J rusalem Publications de l Universit de Sainte Etienne pp 170 177 HUNTCHEON Linda 1978 Ironie et parodie Po tique n 36 pp 467 477 RYAN SAUTOUR Michelle 2002 La m tafiction postmoderne M tatextualit et m tafiction ouvrage collectif du CRILA Rennes Presses universitaires de Rennes pp 141 160 SCHOENTJES Pierre 2001 Po tique de l ironie Paris Seuil coll Points essais TOUSSAINT Jean Philippe 1994 Entretien avec Jean Philippe Toussaint propos recueillis par Mich le Ammouche Kr mers dans Jeunes Auteurs de Minuit Mich le Ammouche Kr mers amp Henk Hillenaar Amsterdam Atlanta Rodopi pp 27 36 TOUSSAINT Jean Philippe 2009 Ecrire c est fuir conversation Canton entre Cheng Dong et Jean Philippe Toussaint les 30 et 31 mars dans Fuir Paris Les Editions de Minuit coll double 2005 pour la premi re dition 2009 pour la pr sente dition VIEL Tanguy 2006 Pou
210. lturelle au renouvellement de l histoire litt raire au long de la d cennie C est le cas de la somme monumentale Histoire litt raire de la France publi e par Pierre Abraham et Roland Desn en douze volumes entre 1974 et En opposition la solidarit qui avait caract ris le projet lansonien tel que le remarque Compagnon 1983 programme de confrontation et de d bat permanent au dire de Philippe Sollers qui r digea la pr face de la r dition du volume Cf le collectif du groupe Tel Quel Michel Foucault Roland Barthes Jacques Derrida Philippe Sollers et al Th orie d ensemble Seuil 1968 10 Nous voquons sous la forme oppositive le titre de la journ e d tudes o les axes de r flexion qui sous tiennent cet article ont t pr sent s La force in tranquille des ann es 1980 79 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 1980 faisant suite aux Manuels d Histoire litt raire de la France publi s par les m mes auteurs dans les ann es 1960 1970 Cette publication surgit quatre ann es apr s la traduction en France du livre de Richard Hoggarth The Uses of Literacy 1957 sous le titre La culture du pauvre Minuit 1970 par Jean Claude Passeron La somme cit e ne visait pas proc der une organisation p riodologique de l histo
211. ment aux litt ratures europ ennes belge et suisse de m me qu la litt rature qu b coise ou encore toute litt rature crite en fran ais dans d autres r gions au monde L histoire des litt ratures litt ratures que je pr f re d signer d apr s un point de vue plus large les litt ratures en fran ais produites le long des ann es 1980 m riterait galement d tre revisit e sur ce point en ce qu il se r v le d terminant pour la constitution d une autre histoire litt raire Les ann es 1970 furent marqu es par d intenses mouvements contestataires aux Etats Unis dont les r percussions sur l universit ont t rapides la popularit de la French Theory y aidant Barthes Todorov Lacan Derrida et Goldmann suivis par Genette Foucault Cixous Ren Girard et Paul de Man de nouvelles voies s ouvrent aux tudes litt raires dont les post colonial studies gender studies queer theory subaltern studies tel que le reconna t Nad ge Veldwachter 2011 25 L autorit du mod le fran ais qu il fut de nature historique et litt raire qu il fut structuraliste se voyait ainsi contest e face la d construction des grandes narrations Des crivains francophones sont invit s dans les plus grandes universit s am ricaines un mouvement ditorial r pond aux attentes d un nouveau public sensibilis aux nouvelles probl matiques pos s par ces litt
212. mes archives j arrivais trop tard J avais me contenter de ma propre destin e sans plus sans rallonge d aucune sorte idem 11 De plus comme pour remuer le couteau dans la plaie de son questionnement identitaire probl matique une sorte de petit corvid qui s est install chez lui depuis quelque temps se met r p ter Ki tu Ki tu Ki tu Or le narrateur interpr te les criaillements de cet h te ind sirable qu il a essay de d loger sans succ s sous la forme d un lancinant Qui es tu Qui es tu Qui es tu quand il ne croit pas entendre T es rien T es rien idem 12s Il r pond avec rage Je suis Un point c est tout idem 1479 tentant une fois de plus mais en vain d atteindre de sa 16 Notons que dans le texte initial publi dans La Belgique malgr tout figurait Je suis n au lieu de Je suis Un point c est tout Muno 1980 365s 121 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 pantoufle lanc e violemment dans les airs ce Zoiseau railleur embusqu derri re une poutre de son haut toit cette affirmation et ce geste d sesp r s du narrateur le volatile cesse de ricaner pour riposter par un acte dont le protagoniste d crit les effets de la mani re suivante J ai vu la fiente se d
213. moderne La Nouvelle Revue Fran aise n 561 pp 160 168 BLANCKEMAN Bruno DAMBRE Marc amp MURA BRUNEL Aline 2004 Le Roman me fran ais au tournant du XXI si cle Actes du colloque Vers une cartographie du roman fran ais depuis 1980 Paris Universit de Paris Sorbonne 23 25 mai 2002 organis par le CERACC Paris Presses Sorbonne Nouvelle BRAMI Joseph COTTENET HAGE Madeleine amp VERDAGUER Pierre 1994 Regards sur la France des ann es 80 le roman Stanford ANMA LIBRI 7 Inevitablemente a lo largo de los a os unas biograf as se van alimentando de las que las han precedido las que estuvieron m s cerca al tiempo vivido y a los testimonios de los coet neos a los materiales fr giles que se dispersan o se destruyen La tierra f rtil sobre la que se sustenta una tradici n biogr fica son las cartas los recuerdos orales los diarios todo lo que es cotidiano y desaparece lo que dif cilmente se preserva si no hay una cierta actitud de civilizada consideraci n hacia el pasado por no hablar de un discurrir p blico sin muchas calamidades ni sobresaltos Antonio Mu oz Molina El Pa s 07 04 2012 http cultura elpais com cultura 2012 04 04 actualidad 1333535500 395133 html Traduction Tout au long des ann es et de fa on in vitable les biographies de nourrissent de celles qui les ont pr c d es qui ont t plus proches du temps v cu et des t moignages laiss s par les contempo
214. moderne l ordinateur emprunte des m taphores issues de notre plus r cente maladie transformatrice affirme Susan Sontag propos du virus HIV idem 200 38 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 Au fond la nature virale de la maladie est comme mim e par les mass m dias v ritable gangr ne v hiculant une vitesse clair nouveaux traitements et fausses rumeurs la mani re du sida justement Herv Guibert accuse cette contamination publique non sans ironie dans L Incognito accusant les m dias eux m mes d tre le v hicule du virus Ce n est pas ma veine j attrape tout ce que je touche tout ce que je lis qui existe C est en lisant les journaux que j ai contract le sida Je suis immuno d ficitaire Guibert 1989 180 Parall lement cette mise nu m diatique le d veloppement de l anatomie agrandit les possibilit s d exploration visuelle du vivant Le savoir anatomique du pass extrait sur le mort restait nimb d une aura effrayante L imagerie du corps au XX si cle a pour premi re caract ristique d tre une imagerie du vivant et d offrir tous le moyen de regarder sans violence l int rieur du corps On se souvient de la fascination romantique du jeune h ros du roman de Thomas Mann La Montagne magique Hans Castorp pour le clich
215. mple retour au r cit classique tant discr dit par le Nouveau Roman elle associe l h ritage loin du romanesque avec la conscience des exp rimentations de la g n ration ant rieure Le nouveau romanesque est r alis avec une insistance constante sur d une part la reprise des codes g n riques du romanesque classique et d autre part sur l auto exposition de l instance cr atrice 163 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 La mobilisation d un grand nombre de p rip ties et de personnages chez Echenoz renoue des liens avec la tradition romanesque mais de fa on d tourn e et caricatur e La reprise des lieux communs du romanesque est galement pr gnante chez Gailly la passion et l aventure sont au rendez vous dans ses romans Le romanesque chez Chevillard et Toussaint est diff rent le romanesque de Chevillard est un romanesque des mots tandis que celui de Toussaint est un romanesque du quotidien Chez ces quatre crivains l ironie est la garantie de la reprise du romanesque elle procure d un c t le rire et le plaisir la narration et de l autre la distance voire m me la subversion des topos romanesques La reprise du romanesque chez ces quatre crivains des Editions de Minuit refl te la m me attitude ambivalente vis vis de la soci t contemporaine cette fois
216. mportant trop occup je vois bien 61 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 D un tourment tout personnel cause de cela soudain Je ne sais plus comment continuer j essaie De voir si des notes prises petits carnets rouges pleins d encre et de silence obscur Pourraient m aider grossir autant que je voudrais Mais pour aboutir quoi ce livre en chantier Tellement peu de projet et je me souviens si mal de tout Continuer c est pourtant pas comme s arr ter mais j en sais rien non plus Malgr les mots de quelques uns qui font semblant de savoir Le sentiment d crire c t Des choses dont le contexte chappe mon po me aveugle Sacr 1996 57 Pour conclure ce bref trajet parmi des lignes structurantes de la po sie fran aise post 80 et pas seulement fran aise il faut le dire j en reviens l image inspiratrice de cette r visitation d une d cennie ou au sens plus large d une poque qui a co ncid avec un tournant de si cle et de mill naire Le pr fixe entre parenth ses ajout l adjectif d un slogan politique d j plein d Histoire traduit bien la dynamique ambivalente d une poque que l on peut maintenant commencer analyser tant t avec l quidistance critique tant t avec la conscience d une proximit encore op rante En
217. n Claude Pinson la manifestation d un pari clair sur l ouverture de la po sie sur le monde inscrit sur quatre grandes lignes la ligne des lieux et de circonstances la ligne de la mort la ligne de l inconnu et la ligne du rapport aux autres idem 40 Le paysage urbain qui va justement pr valoir dans la po sie partir des me derni res ann es du XX s il ne correspond gu re une pr sence in dite de la ville dans la po sie est n anmoins li la recherche d une plus grande authenticit c est dire d une relation actualis e puisant plus directement dans l existence concr te des individus du monde contemporain Au lieu de mondes imaginaires au lieu de certains m canismes de transfiguration nous avons d sormais affaire une repr sentation prosa que un certain reportage si m pris par tout un courant mallarm en d un quotidien plut t banal v cu par des gens aussi anonymes que banals dont le sujet po tique est t moin ou y participe le tout avec un style assez simple d saffect volontairement anti intellectuel Voir ce que l auteur de Crise de vers avait d nonc la fin du XIX si cle l emploi l mentaire du discours dessert l universel reportage dont la litt rature except e participe tout entre les genres d crits contemporains Mallarm 1945 368 57 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflex
218. nces Peut tre fallait il se trouver au milieu du hall pour joindre ces formes parses les synth tiser en une forme unique f t ce une formule ibidem Il se met en mouvement pour capter les images du tapis Si chaque image r v le une figuration identifiable le sens global lui chappe puisqu il ne pouvait tablir entre elles aucun lien logique qu il f t de ressemblance ou de correspondance de continuit ou de contiguit ibidem L ensemble figuratif pourtant chappe donc toute configuration et paradoxalement se transforme en abstraction cf idem 239 Mais la fin du rendez vous le hasard donne la solution En empruntant l escalier Abel se trouve l emplacement id al sur le palier du premier tage et alors la divergence se mue en convergence il red couvrit le hall v tu de son tapis Comme il l avait pens seule une vue plongeante permettait de reconstituer l unit de son motif cela repr sentait une barque norme Echenoz 1979 246 Cette barque sorte d Arche de No devient le miroir du personnage Et il en tait de cet ordre et de ce bateau qui traversait en diagonale l espace de chanvre et de lin comme de la vie d Abel opaque et indistincte au ras du sol elle s clairait d une logique nouvelle d s qu on s levait un peu dans les hauteurs de l immeuble Hass ibidem Abel personnage en train de mettre de l ordre dans les affaires profession
219. ncestueuse que l crivaine entretient avec son p re la fois qu elle a une relation homosexuelle avec une partenaire d fraie la chronique litt raire Dans Pourquoi le Br sil Stock 2002 la narratrice parvient sortir de son tat d pressif gr ce sa rencontre Pierre Louis Rozyn s r dacteur chef de Livres Hebdo Les D sax s Stock 2004 pr sente un couple en voie de s paration Sylvie une maniaco d pressive en traitement psychiatrique et Fran ois un d pressif court d inspiration Les protestations de deux amis d Angot qui se reconnurent dans ces personnages fait resurgir la pol mique sur ce qui pouvait tre consid r thiquement valide dans l autofiction Rendez vous Flammarion 2006 Prix Flore 2006 raconte l histoire d amour entre l crivaine et un acteur qui souhaitait depuis cinq ans la rencontrer En 2008 Christine Angot doit d dommager conomiquement lise Bidoit qui s tait explicitement reconnue dans la description des circonstances personnelles du personnage de Christine dans le March des amants Seuil 2008 et qui accusera de nouveau Christine Angot et cela pour les m mes raisons la publication de Les Petits Flammarion 2011 En m me temps Angot collabore dans plusieurs projets de th tre En 1997 elle cr e en collaboration avec Mathilde Monnier le spectacle Arr tez arr tons arr te qui 150 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l
220. nda 2004 USA Canada Kotcheff Ted Rambo 1982 Anabasis Elcajo USA McDonald Peter Rambo III 1989 Carolco USA McTiernan John Universal Predator 1984 USA Meirelles Fernando 2005 Universal 2001 USA Peckinpah Sam La Horde sauvage The Wild Bunch Warner Bros 1968 USA Romero George La Nuit des morts vivants Night of the Living Dead Independant 1968 USA Zombie Dawn of the Dead Laurel Group 1978 USA Le Jour des morts vivants Day of the Dead UFDC Laurel 1985 USA Scott Ridley La Chute du Faucon noir Black Hawk Down Universal 2001 USA Stallone Sylvester John Rambo 2008 Lionsgate Weinstein Company USA Stone Oliver Salvador Metro Goldwyn Mayer 1985 USA Winner Michael Un Justicier dans la Ville Death Wish Paramount 1971 USA Zwick Edward Blood Diamond Warner Bros 2006 USA Jeu vid o Resident Evil 5 Capcom 2008 Japon Bibliographie critique Ouvrages g n raux BELLOUR Raymond 1966 Le Western sources mythes auteurs acteurs filmographies Paris Union G n rale d ditions DIDEROT amp D ALEMBERT Encyclop die RIEUPEYROUT Jean Louis 1953 Le western ou le cin ma am ricain par excellence Paris Editions du Cerf 7 art 197 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 Code of the Comics Magazine Association of Amer
221. ne Ces pages tenteront de cerner les points de jonctions de ces diff rents discours iconographiques et d analyser comment une uvre litt raire strictement textuelle s en fait le r ceptacle En effet Herv Guibert manifeste le d sir d un livre total un Gesamtkunstwerk un id al d j formul par les avant gardes des surr alistes aux situationnistes et avant eux par les romantiques Wagner Mallarm etc qui prendra sous sa plume les traits d un livre infini idem 36 ou de ceux de tous les livres possibles idem 70 Mais le jeune auteur entend r aliser ce projet de totalit via la multiplicit des m dias dont dispose cette fin de XX si cle les m dias artistiques photographie cin ma vid o jeu vid o etc s articulant aux m dias m dicaux et aux massm dias en particuliers la t l vision Cette lecture propose galement 36 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 d tudier la signification profonde de ce corps pathologique mis en sc ne et en images dans la trilogie partir de ces trois dispositifs En effet d une part la posture physique de l auteur narrateur personnage Herv Guibert renverse bon nombre de st r otypes esth tiques et moraux attach s au corps des ann es 80 D autre part au seuil de la mort r digeant son
222. ne invitation qui dans la tradition philosophique exclut pourtant longtemps le corps Cette connaissance physiologique largie ne conduit pas pour autant l omnipotence de la m decine Elle entra ne davantage une certaine volont de ma trise chez le patient n gociant la redistribution des r les avec le m decin comme c est le cas dans la trilogie Herv Guibert confie vouloir manier parfaitement le jargon des m decins idem 123 ou encore faire s oi m me les prises de sang idem 250 accomplissant sur le plan fictionnel le projet utopique formul par Descartes d tre m decin de soi m me Aziza Shuster 1972 Autom diation rime alors troitement dans cette uvre avec autom dication Si Herv Guibert entend se soustraire via l criture et la multiplicit des supports aux objectivations d autrui et s autodiagnostiquer c est bien pour se soustraire l autorit m dicale et chapper sa v rit renverser un tabou Suite l hypocrisie qui envahit le discours sur les malades du sida commencer par celui tenu sur la mort de Michel Foucault les m decins diagnostiquant officiellement un d c s d des manifestations neurologiques venues compliquer un tat sceptic mique Buot 1999 184 Herv Guibert restera obs d par la question du travestissement de la v rit 40 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 so
223. nelles et priv es incarne la qu te d une ma trise f t elle ph m re et illusoire comme Byron Caine du haut de son le Le m ridien de Greenwich ouvre l espace temps comme un d fi romanesque Les personnages n auront de cesse de s approprier ces donn es vitales dont les rep res arbitraires sont paradoxalement si fuyants et entrem l s Byron Caine du haut du monticule central de l le op re cette lecture conjointe Tout le secteur occidental de l le qui en termes de m ridien de Greenwich repr sentait demain tait en revanche d une extr me aridit ce n taient que pierres galets cailloux rochers Peu d animaux s y risquaient alors que la partie repr sentant hier abondait en marsupiaux et monotr mes repr sentatifs du continent idem 94s 105 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 Tout au long du roman le personnage recherche un endroit lui permettant de s approprier l espace de le ma triser Pour ce faire prendre de la hauteur s av re tre la solution pour saisir autant que faire se peut l le Ainsi Byron ne se contente pas du monticule central du sommet duquel on pouvait l embrasser tout enti re mais il grimpe dans un arbre pour parfaire la captation du lieu D o il se trouvait elle semblait presque parfaitement ronde seul un gros roch
224. nes Comme l explique Bernadette Bawin Legros dans les ann es 70 les mouvements de lib ration des femmes et des jeunes avaient d ailleurs quelque peu rel gu la famille au rang d objet surann Bawin Legros 1996 11 Et c est dans ce contexte historique que va voluer entre autres la production d Annie Ernaux notamment celle de ses premiers textes Il existe alors un grand d sir de se dire de se manifester de sortir de l anonymat et de franchir le foss aussi bien entre g n rations qu entre classes sociales Dans le domaine culturel des formes d expression crite jusqu alors consid r es inf rieures telles que les go documents ou les journaux intimes deviennent alors les objets d tude de chercheurs du champ litt raire souvenons nous des travaux de Philippe Lejeune en particulier de son recueil de t moignages sur le journal personnel qui aboutissent en janvier 1990 Cher Cahier et qui plus tard donneront naissance la sa base de donn es Autopacte Dans le domaine des arts plastiques les artistes russes et am ricains poursuivent une recherche d j initi e dans les ann es 60 consistant fondamentalement adopter des formes d expression simples pour manifester leurs inqui tudes esth tiques L art conceptuel se renforce tandis que l id e de la pr carit de la vie donne lieu des mouvements comme le Body Art le corps comme support de l uvre ou le Land Art
225. net comme la marque pr coce d un esprit ind pendant On le voit J Muno aime se moquer de la complaisance manifest e par ce type d criture du moi autosatisfaction par rapport laquelle il manifeste son rejet lors de plusieurs interviews Pourtant comme l a remarqu J M Klinkenberg lors de sa Lecture d Histoire ex crable d un h ros braban on Une vraie ind pendance semble bien s exercer par et dans la d f cation Klinkenberg 1998 398 Ainsi se rappelant Papin au seuil de l adolescence le narrateur nous confie je g rais mes besoins avec conomie et contrairement l usage javais soin de ne jamais faire tout la fois Muno 1982 83 et il nous explique que de la sorte il pouvait se m nager de tr s fr quentes pauses aux toilettes de mani re fuir momentan ment la morne tude impos e par ses parents J M Klinkenberg souligne juste titre l audace th matique de J Muno en la mati re dans la section de sa Lecture intitul e La libert sera f cale ou ne sera pas Nous ajouterons son commentaire que le renvoi r gulier des allusions et m taphores scatologiques tout au long de la narration constitue une transgression par rapport la censure exerc e g n ralement vis vis de cet aspect dans le genre autobiographique Dans le fil de cette complaisance vis vis de soi m me qu il rejette J Muno tourne ironiquement en d rision l orgueil
226. nni re des auteurs comme Philippe Delerm ou Pierre Autin Grenier on a vu ces derni res ann es comment certains diteurs ou certaines critiques essayaient en inventant ou en r actualisant des tendances anciennes de participer la formation du champ litt raire contemporain mais aussi et surtout on a vu combien il demeurait d licat pour un auteur de se positionner dans un syst me sans cole sans chef de file o d autres instances l gitimantes le positionnaient son insu Vilain 2005 138s C est en effet au d but des ann es 80 que dans le monde litt raire et le milieu m diatique tout le monde se permet librement de participer de la formation du champ litt raire et pense avoir quelque id e apporter On cherche comme affirme Philippe Vilain d finir ce que l on consid re un nouveau genre qui tout en gardant une certaine affinit avec l autobiographie s en carte de fa on originale Le terme qui ne va pas tarder s imposer est celui d autofiction cr comme l on le sait en 1977 par Serge Doubrovsky Cependant au fur et mesure que le ph nom ne s tend et se complexifie et que l on se retrouve dans le besoin de d finir ces nouvelles productions troitement li es la culture du moi face l ambig it du terme autofiction commencent prolif rer un peu partout et dans tous les milieux les d nominations et les n ologismes dont nous t Beigbeder Fr d ric P
227. nous proposons non pas d assigner une nationalit cette salle de bain mais plut t d en d crypter les sympt mes d une belgit qui n a plus se mettre en vidence ou l affiche Mais venons en cette salle de bain qui fit couler autant d encre que d eau Le roman narre le r cit d un homme aux prises avec un narcissisme touchant la psychose voire aux troubles obsessifs compulsifs refusant de quitter sa salle de bain Lorsque J ai commenc passer mes apr s midi dans la salle de bain je ne comptais pas m y installer non je coulais l des heures agr ables m ditant dans la baignoire parfois habill tant t nu Toussaint 2005 11 Le roman est divis en trois parties 3 Cf l ditorial Les crivains belges sont n s quelque part La Revue Nouvelle n 3 crire en Belgique une autonomie la carte mars 1997 p 22 30 ALMEIDA Jos Domingues de Une Salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain belge Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 24 33 interchangeables du point de vue narratif curieusement intitul es Paris hypot nuse et nouveau Paris apr s une br ve escapade tout sauf romantique Venise Je partis brusquement et sans pr venir personne Je n avais rien emport idem 53 ce qui accentue le brouillage ironique et ludique des pistes du r cit Jan Baetens a fort bien
228. ns pos es par cette d cennie in tranquille plus d un titre Et d entr e de jeu Jo lle Gleize dresse un bilan g n raliste du contexte scriptural de charni re dans lequel advient la litt rature fran aise des ann es quatre vingt marqu e par des mutations esth tiques subtiles et plurielles charge d crivains embl matiques dont les autres contributions ont d velopp les contours C est le cas d une part du renouveau romanesque de Minuit Echenoz Chevillard Toussaint Gailly etc dont la r ception critique est largement voqu e dans ses tenants et aboutissants esth tiques par Dominique Faria Par ailleurs Jia Zhao analyse les processus ironiques chez ces m mes auteurs et notamment chez Jean Echenoz dont le roman Le M ridien Greenwich fait l objet d une approche critique compar e de la part d Anne Marie Mac cet gard Jos Domingues de Almeida souligne la belgit peine perceptible mais l inscription identitaire efficace du roman culte de Jean Philippe Toussaint La Salle de bain D autre part la mouvance autofictionnelle qui merge fortement pendant cette d cennie et bien au del trouve galement de solides et originales approches No mie Christen revient sur le contexte autobiographique et la caract risation critique de l uvre incontournable et anthume d Herv Guibert dont l criture intime trouve un puissant corollaire et relai romanesque chez Annie Ernaux
229. nstituent autant de th mes d clin s jusqu au vertige par le jeune auteur la perspective qui sera la n tre choisit d explorer un angle diff rent Car la morbidit rotique para t n tre que la part d coll e d une vis e d ensemble qu elle claire signalant le moment cl d une histoire m diatique m dicale et artistique qui passe par le corps r el ou fantasm de l auteur En effet le XX si cle aura invent conjointement le cin ma et la radiographie puis la t l vision L uvre d Herv Guibert se fait l cho de trois dispositifs visuels qui dans les ann es 80 prennent pour objet les malades du sida Les premi res images sont propos es par les m dias de la communication presse TV charg s de v hiculer l information sur la maladie Parall lement dans le cadre de la clinique les techniques de visualisation m dicale radiographie endoscopie chographie offrent aux malades une vision toujours plus fine de l int rieur de leurs corps afin de mesurer la progression du mal Enfin les m dias artistiques photographie vid o proposent un ultime miroir que les malades se tendent souvent eux m mes se r appropriant ainsi une image de soi L entreprise autobiographique guibertienne se situe l exacte intersection de ces diff rents flux visuels tiraillant les malades commencer par le narrateur et propose en filigrane une lecture de ce tournant de l histoire contemporai
230. nt confirme cette image particuli re du h ros dont l histoire est propos e 119 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 Pr tendant offrir la fiche signal tique attendue du protagoniste ce commentaire suscite la surprise d s les premi res lignes cause de l pith te insolite appos e la nationalit de Papin Belge mitoyen et vu son tonnant signe distinctif le port d un cartable l o l on attendrait la mention d un trait physique ou psychologique remarquable Le lecteur constate certes qu il suivra l volution du personnage principal depuis son enfance Papin scolaris jusqu sa maturit le professeur Papin tout au long d tapes de l histoire contemporaine de la guerre clair de 1940 Papin dans la Blitzkrieg au processus de f d ralisation de la Belgique Papintje reflamandis par erreur comme se doit de le proposer une autobiographie digne de ce nom Toutefois avant m me qu on ne lui avoue que le livre repr sente une autobiographie qui se moque de l autobiographie le r cepteur de l uvre se rend compte des d calages ironiques Ainsi l activit d crivain de Papin est voqu e par le biais d une r f rence la chanson populaire Au clair de la lune mon ami Papin pr te m
231. nt d un passage trop troit pour eux La condensation comme dans les r ves cesse enfin la place la dilatation nocturne somme toute plus rassurante que l entre deux L espace nocturne revint s taler comme une mer montante se dilater comme le jour lui m me idem 131 L imaginaire poursuit sa course tendance psychanalytique avec la nuit matricielle La nuit liquide baignait maintenant les corps d un l ment plus doux plus maternel au sein duquel les angles semblaient moins ac r s quels qu ils fussent idem 131s La pause achev e la routine peut occuper le champ romanesque avec les conversations des professionnels Du moins auront ils accompli le programme descriptif attendu selon l approche de Ph Hamon La pose posture de spectateur r clame une pause de l intrigue l oubli de l intrigue un oubli du personnage la perte de vue une perte de voyeur l abandon du mouvement narratif un abandon du personnage qui s absorbe dans le spectacle Hamon 198 190 Vue plongeante contre plong e miniaturisation panorama tous les artifices sont convoqu s pour tenter de restituer une configuration spatiale pendant un temps d termin ou d terminer comme une mise au point sans cesse r activ e par un mauvais g nie des lieux En dehors des crivains dont nous pouvons rapprocher Jean Echenoz en ce qui concerne la cr ation romanesque telle qu elle appara t d
232. nt des chos et des correspondances chez les crivains du Nouveau Roman m me si cela n est pas d lib r de la part de l auteur Ainsi D Rabat d c le une parent avec N Sarraute au del de la pr sentation de la conversation il retient la phrase r v latrice et les mots avan aient un un sur ce pr caire chafaudage parfois reli s les uns aux autres comme l attention qu elle t moigne une physique p rilleuse de l ordre du discours J rusalem amp Vray sous la direction 2006 191 Dominique Viart voit dans les d r glements romanesques quelques familiarit s avec Claude Ollier De l un l autre on 99 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 noterait un m me go t pour un romanesque d funt celui de l aventure de l exploration du voyage de Jules Verne et Stevenson M me int r t inquiet pour les disparitions pour l trange et la science fiction idem 246s Nous pouvons aussi tablir des analogies avec les romans de Claude Simon notamment autour de la restitution temporelle et des interrogations qu elle suscite C tait pour aujourd hui Oui h sita Carrier enfin pour hier on ne s y retrouve pas avec le d calage horaire C est nervant idem 242 Cet extrait de la conversation dans Le M ridien de Gr
233. ntinue s exposer mais elle ne r sulte pas ou plus d un droit d exclusivit au pouvoir magique ou d miurgique Ce qui se passe c est que la po sie ouvre le sujet aussi bien de l criture que de la lecture une relation intersubjective avec l alt rit tout d abord celle qui habite le sujet lui m me 60 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 La m lancolie et l ironie que l on voit pr ner dans une partie consid rable de la po sie post 80 fonctionnent comme des r servoirs de survie pour le sujet po tique forc ment critique et donc divis qu il soit dit moderne ou post moderne selon la port e de chaque terme Nous sommes l au sein du lyrisme critique d fendu non seulement par Jean Michel Maulpoix comme par d autres po tes critiques contemporains ce qui au d part distingue les po mes d un simple divertissement motif de dimanche apr s midi bien que cette allusion puisse tre utilis e comme manifestation vidente d une certaine auto d mystification Maulpoix 1984 La cohabitation du po te avec l ironie qui remonte aussi une caract ristique de la po sie moderne de tradition baudelairienne s est visiblement accentu e au cours des me derni res ann es du XX la suite de la d faite des grandes id ologies ou des
234. ntre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 Ahu Jop tur P cagiin bad AA dec gpa dal HISTOIRE EX CRABLE D UN H ROS BRABAN ON te Luodum Vihe Chu e uo Pad uno a hau FA Des d calages parodiques longuement pr m dit s En d pouillant la correspondance priv e fournie de J Muno adress e un autre crivain belge Jacques G rard Linze nous avons d couvert que d s 1977 soit cinq ans avant la parution d Histoire ex crable d un h ros braban on et l ann e m me o Serge Doubrovsky lance le n ologisme d autofiction pour pr senter son uvre intitul e Fils J Muno exprime l intention d crire l histoire de sa propre vie avec une dose d ironie Car dans une lettre datant de septembre 1977 J Muno annonce son ami que lorsqu il aura fini le recueil de nouvelles fantastiques auquel il travaille ce moment l Histoires singuli res 1979 il r alisera le projet suivant j crirai l uvre de ma vie Comme Mich le Morgan Avec ces pieds l O ils ne m ont pas conduit o ils auraient d les plats o je les ai mis ceux dans lesquels il aurait fallu les mettre bref la vie d un h ros vue par le trou de sa chaussette Le titre Avec ces pieds l propos par J Muno pour le futur r cit de son existence parodie celui des m moires que la c l bre actrice fran aise Mich le Mor
235. ofiction un mauvais genre Autofictions amp Cie Actes du colloque de Nanterre 1992 RITM n 6 pp 227 249 LEJEUNE Philippe 2007 Le journal comme antifiction Po tique n 149 pp 3 14 156 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 LIPOVETSKY Gilles 1987 L Empire de l ph m re La Mode et son destin dans les soci t s modernes Paris Gallimard coll Biblioth que des sciences humaines McILVANNEY Siobh n 2001 Annie Ernaux The Return to Origins Liverpool Liverpool University Press MOTTE Warren 1999 Annie Ernaux s Understatement Small words Minimalism in the French Literature Lincoln University of Nebraska Press pp 54 69 MUNOZ MOLINA Antonio 2012 Toda la vida El Pais 07 04 2012 lt URL http cultura elpais com cultura 2012 04 04 actualidad 1333535500 395133 html gt consult le 07 1V 2012 RIC UR Paul 1990 Soi m me comme un autre Paris Seuil coll L Ordre philosophique ROUSSET Marion 2005 Autofiction confessions d enfants du si cle Annie Ernaux Saisir ce qui passe travers moi Entretien avec Annie Ernaux Regards lt URL http www regards fr culture annie ernaux saisir ce qui passe a gt consult le 2 11 2012 SCHMITT Arnaud 2000 La perspective de l autonarration Po tique n 1
236. ofiction en th orie suivi de deux entretiens avec Philippe Sollers et Philippe Lejeune ditions de la Transparence 2009 et de nombreux articles critiques r cents viennent prouver la s dimentation du terme autofiction l actualit du d bat autour de la notion et la continuation de la production du genre qu est venu reconfirmer et couronner en 2010 le dernier livre de Serge Doubrovsky Un homme de passage o l inventeur de l autofiction g de plus de quatre vingts ans revient sur sa vie intime sur son pass aux tats Unis sur son obsession pour l criture de soi et nous livre finalement une nouvelle d finition de l autofiction sc narisation romanesque de sa propre vie Malgr leur caract re ph m re les productions autofictionnelles auraient elles une chance de survivre Sans nul doute oui C est l avis exprim r cemment par l crivain espagnol Antonio Mu oz Molina pour qui tous les menus crits sont 33 Cf Gilles Rochier chroniqueur de la banlieue r v lation d Angoul me Le Nouvel Observateur 03 02 2012 ELLE 22 05 2006 35 Pour ne citer que des articles parus dans Le Magazine Litt raire Bernart Comment De la pens e comme autofiction Le Magazine Litt raire Dossier n 482 01 2009 Aliette Armel Au feu de l autofiction Le Magazine Litt raire Le Cahier critique n 490 10 2009 Nelly Kapri lian Sans mentir Le Magazine Litt
237. oi ta plume faisant cho aux paroles bien connues mon ami Pierrot pr te moi ta plume ce qui a pour effet de lui ter toute valeur acad mique La derni re ligne enfin nous confirme le statut plut t m diocre du narrateur d j d sign antiphrastiquement comme h ros dans le titre puisqu il s agit d un fantassin de troisi me classe et non pas de premi re La mention du r le lib rateur du rire humour ou ironie qui cl t cette pr sentation originale confirme l aspect non conventionnel de cette autobiographie refusant de se prendre au s rieux Le prologue de l uvre offre un autre d calage parodique en proposant un type particulier de pacte autobiographique au sens o onze ans avant la publication d Histoire ex crable d un h ros braban on Philippe Lejeune avait d fini cette notion devenue fondamentale dans l tude du genre Il s agit de l engagement personnel d authenticit de la part du narrateur n cessaire quoique non suffisant pour parler d une v ritable autobiographie S interroger sur le sens les moyens la port e de son geste tel est le premier acte de l autobiographe souvent le texte commence non point 120 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 par l acte de naissance de l auteur je suis n
238. ol 6 2013 pp 24 33 l entr e en sc ne de Toussaint Il ne s agit plus de vouloir tout prix divorcer d avec l instance fran aise pour affirmer une nation litt raire part Il ne s agit plus non plus de pr ner la dilution pure et simple dans l univers substitutif fran ais Dor navant Pierre Mertens et sa g n ration pr conisent la complexit d une condition qu ils qualifient de difficile ibidem La m taphore de animal tour tour chasseur et pourchass s av re tr s r v latrice du propos poursuivi Il s agit dans les deux cas donc dans tous les cas de marquer le territoire nous marquerions pourtant notre territoire comme le fait l animal traqu mais aussi comme le chasseur qui le traque ibidem Cette nouvelle d marche a vaincu s est impos e et a v cu tant il est vrai que les principaux acteurs du mouvement de la belgitude se trouveront quelques ann es plus tard aux rouages de la machine culturelle belge et que leurs aspirations deviendront des acquis institutionnels La notion de belgit dont Marc Quaghebeur impute la fabrication l universitaire et critique italien Ruggero Campagnoli conviendrait mieux la caract risation th orique des textualit s des espaces imaginaires et des structures soci tales Quaghebeur 1998a IV D autant plus que d une part le recul permet de complexifier et de pr ciser ces outils conceptuels
239. oman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 Dans son court essai de 1999 quoi bon la po sie aujourd hui Jean Claude Pinson montrait qu il tait d j temps pour la po sie de se d barrasser du d mon de la th orie qui ayant succ d au d mon de l analogie rejet par Mallarm l avait min e tout particuli rement dans les ann es 60 et 70 Pinson 1999 10 Selon Pinson les th ses n o avant gardistes autour d une criture illisible faisaient encore partie de la mythologie du po te maudit et d une forme d illusion romantique idem 24 en somme d une mystique litt raliste qui min e par la crise de la repr sentation rige le N ant comme anti Absolu Par contre en s inscrivant dans la lign e de toute une r habilitation du lyrisme men e dans les ann es 80 par d autres po tes et critiques comme Jean Michel Maulpoix ou Martine Broda Jean Claude Pinson proposait une po sie lyrique qui dans le sillon de l univers de l intimit de Leopardi est centr e sur Pint riorit m lancolique et qui tout en vitant l hyper subjectivit d un certain Romantisme d veloppe une nergie nonciative noter que cette nergie d coule du langage m me et cherche par l re intensifier l existence humaine et faire reconna tre dans le po me une proposition du monde On trouve d s lors dans cet essai de Jea
240. on pour le cinqui me Lisbonne derni re marge en 1990 Ces crivains trouvent dans des genres consid r s comme mineurs un espace de libert pour cr er des univers personnels cependant la fronti re de plus en plus poreuse entre genres majeurs et mineurs n en persiste pas moins Un autre type de brouillage m rite qu on s y attarde le franchissement de la fronti re qui s pare dans toute l institution litt raire critiques libraires etc mais non dans les pratiques d criture la prose et la po sie Ce franchissement est instaur en principe ditorial par la collection de Denis Roche Fiction et C qui rassemble des fictions des romans de la po sie des essais soit comme la revue Tel Quel le faisait de textes et sans son dogmatisme des livres qui chappent aux crit res g n riques stricts C est galement un principe ditorial de P O L que de retenir avant tout les livres o l enjeu litt raire essentiel consiste cr er un espace o vit et se rejoue neuf la langue Souvent ces livres de prose sont des livres d auteurs class s comme po tes tels Jacques Roubaud dont Le Grand incendie de Londres est fait de r cits qui m lent m moire autobiographie fiction pour laborer une sorte d autoportrait inachev en une construction diss mination de soi Roubaud en parle comme d une exp rience le plus possible quotidienne de prose noue avec le lecteur un pacte de v ridicit
241. onnelle d aujourd hui est une litt rature de l extr me une fiction qui met en place une strat gie de l puisement en ce qu elle vise 170 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 repousser les limites de la signification par le recours la saturation Ryan Sautour 2002 141 160 La m tafiction lorsqu elle est associ e l ironie adopte une dimension critique plut t que narcissique Chez Echenoz Gailly Toussaint et Chevillard la fonction critique de la m tafiction est mise en avant Les crivains tendent ins rer dans leur r cit une voix auctoriale ironique ou m me un porte parole mis en sc ne pour mettre des remarques explicites ou implicites sur le r cit ou l crivain En mettant en vidence la limite du langage ces auteurs soulignent la relation probl matique qui existe entre la repr sentation et la r alit l criture et l auteur Par une manipulation de proc d s fictionnels ils r v lent comme illusoires la transparence ou la perfection de tous les modes de repr sentation L ironie est pr cis ment cette conscience lucide qui sait se tenir l cart de l illusion Le second proc d de l autor flexion est implicite dans le texte il s agit d une mise en r cit du cheminement d une criture particuli re autrement dit l criture est all gor
242. ons menac es les soldats choisissent de rester au c t de la population victime sous le coup d une forte motion et non de leur efhos de militaire devant ob ir aux ordres ou encore au logos impliquant la mort probable s ils suivent cette voie Le film place d ailleurs en exergue une citation attribu e Edmund Burke Tout ce qui est n cessaire pour le triomphe du mal est que les hommes bons 18 ne fassent rien Lorsque le personnage incarn par Bruce Willis et ses hommes font irruption dans le village ils mettent un terme une s ance de torture pouvantable un viol suivi de mutilations En une mani re d illustration de la citation ci dessus si ces hommes de bien ne d viaient pas leur route pour entrer dans le village le mal pouvait s accomplir sans tre inqui t L extr me violence de l ex cution des violeurs trouve un point d quilibre respectant la loi du Talion telle que Rambo l applique crime r voltant ch timent imm diat volontiers brutal mais suppos ment proportionn De plus l imm diatet du ch timent l apparente la vengeance sentiment r curent de la culture populaire et ressort dramatique puissant malgr ses utilisations fr quentes Cependant on peut voir cet pisode et quelques autres comme des justifications rh toriques l talage de la violence En effet n1 Hotel Rwanda ni Blood Diamond n exposent de mani re aussi graphique les tortures tr
243. ont fait l exp rience dans les ann es 1980 est voqu comme une situation viter de nos jours dans l universit fran aise fondement du projet de conciliation entre les tudes litt raires et les tudes culturelles que Jan Baetens 2011 d signe par tudes 8 Prix Goncourt en 1987 pour le roman La Nuit sacr e suite au roman L Enfant de sable 83 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 litt raires culturelles Le discours d cliniste a envahi bien des c nacles d s la fin du mill naire en m me temps qu augmente l int r t envers les litt ratures en fran ais et les cultural studies qui ne correspondent pas l histoire culturelle de mod le fran ais puisqu il leur manque la dimension historique et que ces tudes privil gient le contemporain l poque en France l histoire culturelle constituait une nouveaut elle posait les bases de sa constitution en tant que discipline et s int ressait l histoire litt raire Les sciences humaines ouvraient le champ interdisciplinaire aux tudes disciplinaires sinon disciplin es de la litt rature les invitant l in discipline Pierre Nora dans son article Que peuvent les intellectuels publi dans Le D bat en 1980 accusait les sciences humaines d avoir mis f
244. ontre l oubli contre l usage contre l usure Jean Michel Maulpoix Comme si tous les autres signes et indices manifestes ou sous jacents dans les publications dans les m dias dans les rayons des librairies ne suffisaient pas le programme de ce rendez vous est venu en quelque sorte confirmer que le roman ou en somme la prose narrative est devenue le premier synonyme la m tonymie par excellence de la litt rature Cette circonstance est d autant plus significative que la porte avait t laiss e ouverte l approche d autres types de discours litt raires lorsque l on a propos comme sujet centrip te et centrifuge de ce colloque les questions qui se sont pos es la litt rature donc non seulement au roman dans la foul e d une force in tranquille des ann es quatre vingt Il para t que Vint riorisation voire la naturalisation du c t ogre du roman ou du r cit aussi bien que le sentiment et de marginalit et d litisme des happy few auxquels Stendhal d dia h l s son roman La Charteuse de Parme en1839 a d j atteint le discours les recherches les curricula somme toute les int r ts et les activit s au sein de l universit m me moyennant un plus au moins subtil silence teint d oubli Nous pourrions aussi invoquer l absence du texte dramatique mais il se fait que de celui l on parle de plus en plus partir de la dramaturgie ou de ce nouveau domaine de
245. ophone remontait d j l ann e 1953 lorsque l Union culturelle fran aise fut cr e Montr al tel que le soulignent Forsdick et Murphy 2003 94 26 V http www francophonie org IMG pdf Declaration SOM II 04091987 pdf 88 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 conomique et de coop ration la solidarit ouverte la diversit des langues et des cultures de nos peuples La coop ration dans la formation l innovation la technologie les industries des langues l conomie le d veloppement du multilat ralisme dans l objectif clair de contribuer l instauration d une paix solide et durable dans le monde ont d finit la tonalit nettement politique du HI Sommet tenu Dakar en 1989 Au long des divers Sommets de la Francophonie tenus au long des ann es 1980 l orientation vers la coop ration dans le but du d veloppement des pays du Sud entra ne des interpr tations o les objectifs conomiques politiques et culturels prennent un sens et jouent un r le de plus en plus vident L institutionnalisation de la Francophonie comme affaire d tat les liens que les accords qui en d coulent tablissent entre les pays concern s exclusivement les ex colonies fran aises et non l ensemble des pays francophones e
246. oriaux d une p riodisation 7 JO LLE GLEIZE Une salle de bain qui d cline sa nationalit Jean Philippe Toussaint crivain JOSE DOMINGUES DE ALMEIDA Qui a peur d Herv Guibert 2 La litt rature des ann es 80 sous le r gime des MASES unia EE TE DE USE PS UE TT EU di ET ER A a ES TOR EE 34 NOEMIE CHRISTEN Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 ci e oiei eE a E e das Ga ana sa sn ava er ne q ae SA Ress 51 ANA PAULA COUTINHO La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 65 DOMINIQUE FARIA Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions 76 MARIA HERMINIA A LAUREL Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque 97 MARIE ANNE MACE Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique ss Er Tera AS ee de ca Ui e aa 110 ISABELLE MOREELS Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii 136 FRANCISCA ROMERAL L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Jia ZHAO AUTRES PAPIERS Images de l Ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la DAFDAMI E nn sonate E ee RR RUMO O de 176 RAPHA L VILLATTE DITORIAL
247. ound regardless time genres or media Keywords Africa barbarity imagology colonialism video games 176 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 Lorsqu il d cida de rev tir pour la quatri me fois uniforme us de John Rambo Sylvester Stallone ne doutait gu re de l int r t des fans du personnage et des trois premiers volets et pouvait donc escompter un nombre d entr es important Cependant il fallait bien inventer une histoire pour que le soldat perdu p t y exprimer ses talents Si l intrigue se devait d tre simple les Rambo comportent un certain nombre de passages oblig s dont un nombre important de combats l arme feu et des d monstrations de techniques de survie il lui fallait une bonne raison de sortir de sa retraite un ami secourir par exemple et avant tout un ennemi Un adversaire dou rus comp tent susceptible de produire une telle nuisance que seul un soldat pr t tout puisse le vaincre John Rambo en l occurrence Dans la premi re s quelle l ancien b ret vert affrontait des trafiquants de drogue tha landais et dans la seconde l arm e rouge en Afghanistan soient des ennemis contextuellement vidents sur le plan moral ou id ologique Rambo III date de 1988 l heure de son retour Sylvester Stallone assumant cette fois la r alisa
248. our un Nouveau Nouveau Roman La R gle du jeu oct 2003 n 23 pp 18 22 note de Philippe Vilain 13 Sauvage Bertrand L cole des Moins que rien La Nouvelle Revue Fran aise janv 1998 n 540 note de Philippe Vilain 16 Voir le tableau des Origines et volution de la notion d autofiction contenu dans Le roman fran ais au tournant du XXP si cle sous la direction de Bruno Blanckeman Aline Mura Brunel et Marc Dambre Paris Presses Sorbonne Nouvelle 2004 145 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 citerons quelques uns des plus fr quents life writing le terme le plus g n ralis dans le milieu anglo saxon surfiction Raymond Federman postmodern autobiography Ronald Sukenik global novel Hong Kingston nouvelle autobiographie Alain Robbe Grillet biomythography Audre Lorde fiction autobiographique post coloniale Rachid Boudjedra autobiographical fiction Dervila Cooke photobiographie Pilles Mora et Claude Nori autofiction biographique Vincent Colonna A G M autobiographie g n tiquement modifi e Philippe Vilain autophotobiographie Sophie Calle En 1992 Jacques Lecarme crivait ironiquement que l autofiction tait un mauvais genre Lecarme 1993 227 tandis que Dan
249. ovisoire tant donn le recul relatif mon analyse cherche r pondre cette question tout en d celant des lignes structurantes qui portent en somme sur la litt rature qui fait la transition entre le XX et le XXI si cles Mots cl s po sie fran aise post 80 Jean Claude Pinson Jean Michel Maulpoix Yves Bonnefoy James Sacr Abstract Does french poetry written and published after the 1980 s correspond to a disruption or to a re appropriation of certain axes of aesthetic modernity Even if in a provisional and brief way the reading proposed here will try to answer this question highlighting the structuring lines regarding the literature that marks the transition between the twentieth and the twenty first century Keywords Post 80 French poetry Jean Claude Pinson Jean Michel Maulpoix Yves Bonnefoy James Sacr Cet article a t labor dans le cadre du projet Interidentidades de L Institut de Literatura Comparada Margarida Losa de la Facult des Lettres de l Universit de Porto une I amp D subventionn e par la Funda o para a Ci ncia e a Tecnologia int gr e dans le Programa Operacional Ci ncia Tecnologia e Inova o POCTI Quadro de Apoio III POCTI SFA 18 500 51 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 Po sie piq res de rappel c
250. oxale de l auteur des ann es 80 malade du sida c est alors qu il est au seuil de la mort qu il rena t ressuscite en litt rature via l criture certes mais surtout via une criture relay e par les m dias et plus largement le r gime de l image Il convient de rappeler qu Herv Guibert conna t la c l brit suite la publication de l ami qui ne m a pas sauv la vie un livre qui raconte entre autres la lente agonie de son ami le c l bre philosophe Michel Foucault A mi chemin du disciple fid le et du tra tre opportuniste Herv Guibert construit sa c l brit sur les vestiges de celle d un autre et pas n importe lequel D ailleurs dans Ami face au penseur alit Guibert se th matise comme un espion comme un adversaire visant lui survivre Il affirmera en effet Bernard Pivot lors de son passage l mission litt raire Apostrophe avoir t le t moin de la mort de Michel Foucault sur le ton de l ap tre 47 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 On peut dire en quelque sorte qu Herv Guibert se fait le t moin de La Mort de L Auteur ou plut t de la mort de La mort de l Auteur et du coup selon la logique de la dialectique n gative celui de Sa R surrection sa d claration le projetant sur le devant de la
251. pas lieu d tre angoiss le langage est d sormais un pr texte pour s amuser Le fiasco universel chez Beckett devient une source de jeu pour Chevillard ainsi que pour d autres Ce que dit Tanguy Viel propos de l ind cision chez Echenoz vaut galement pour les trois autres crivains Ce qu il y avait alors de rassurant chez Beckett comme dans toute l re du soup on c est qu il y avait encore une m taphysique soit elle celle de l chec du ratage et pr cis ment de l ind cision auquel le texte donnait un corps une profondeur force de travailler le vide et dans le vide Mais le probl me c est que chez Echenoz cette ind cision ne se marque jamais comme telle il n y a pas de dramatisation de l ind cision dans ce qu on pourrait appeler une po tique de l impossible Viel 2005 255 265 168 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 Au lieu d engendrer un style disloqu parpill la fois loquace et r ticent le d senchantement rieur d aujourd hui d place la tension entre les mots et le sens vers la tension interne du langage Si l clatement de la totalit devient une r alit ent rin e la postmodernit ne cherche plus retrouver l unit par la puissance de la logique ni construire une nouvelle totalit par le cheminement infini de la subjec
252. perturbablement de m crire Mon silence semblait ne le g ner en rien Peu peu d ailleurs le sentiment d sagr able qu il crivait ma place s estompa Apr s tout il parlait de notre commune destin e et je pouvais devenir lui comme il tait devenu moi m me ibidem 23 4 9 Le Munologue est d ailleurs l appellation que l auteur aime utiliser pour d signer ce roman un projet de titre que l diteur aurait refus all guant qu il ne s agissait pas d une accroche convaincante pour un lecteur non averti 129 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 Lorsque le narrateur nous signale ensuite qu un jour o levant les yeux de sa page d criture vers le plafond pour trouver l inspiration il y d couvre un petit corvid noir immobile qui le fixe et se met criailler Ki tu Ki tu Ki tu la boucle est boucl e En effet le lecteur se rappelle l intervention de cet impertinent Zoiseau railleur dans le prologue du livre tenant lieu de pacte autobiographique La cat gorisation g n rique d Histoire ex crable d un h ros braban on suscite la r flexion parce que cette uvre a t souvent qualifi e par la critique de roman autobiographique Or voici la d finition que donne Ph Lejeune de cette cat gorie j appel
253. ploitations diamantif res Parall lement le spectateur assiste au parcours sinistrement initiatique du fils de cet esclave chapp embrigad dans une milice d enfants soldats Par son traitement quitable des sujets politiques r els et de l intrigue ne n gligeant aucun des deux Blood Diamond a su trouver son public et v hiculer un message d appel une prise de conscience collective On a vu l ensemble de l quipe lors de la campagne de promotion voquer en priorit les th mes touchant la fili re E Les entr es am ricaines en salle auraient rapport 57 312 489 USA 1 April 2007 source IMDB http www imdb com title tt0450259 http movies about com od blooddiamond a bloodez112806 htm 182 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 diamantaire aux enfants soldats ou la guerre civile sierra l onaise voire l injustice du sort fait l Afrique Cela tant il convient de nuancer l apparent militantisme de l quipe Il faut distinguer en cela les vis es de Blood Diamond et celles de Hotel Rwanda Si ce dernier appartient au courant d un cin ma v rit politique radical comparable aux uvres plus engag es de Costa Gavras appelant l indignation internationale du public le but de Blood Diamond semble se limiter attirer l attention du publ
254. po sie essai de litt rature fran aise et trang re condition que les auteurs parviennent t tons et avec obstination inventer et d velopper une forme pour reprendre les mots de l diteur Et ce mode d incitation par la libert donn e correspond son souci de cr er un espace d inventivit pour des auteurs et des livres tr s divers romans de Jean Luc Benoziglio qui remporte le prix M dicis de Nancy Huston fait de la juxtaposition de r cits portraits du belge Pierre Mertens de Pascal Bruckner un roman adapt au cin ma par Polanski des nouvelles de Susan Sontag l essayiste un texte inclassable d humour noir de Maurice Roche le premier roman d Olivier Rolin et le premier ouvrage de l autoportrait foisonnant et clat de Jacques Roubaud l inverse de Fiction et as la collection L Un et l autre de Gallimard que le psychanalyste crivain J B Pontalis fonde en 1989 se donne une ligne ditoriale pr cise significative de nouveaux questionnements rassembler des ceuvres qui d voilent les vies des autres telles que la m moire des uns les invente 7 des uvres qui instituent un dialogue un jeu de va et vient constituant une connivence entre l auteur et son objet le propre de l un se nourrissant de la fiction et de la qu te de l autre La collection enregistre ainsi en m me temps qu elle la renforce une des formes de la litt rature des ann es 80 l inters
255. pport important au renouveau des tudes litt raires partir des ann es 1980 face une histoire litt raire qui devenait elle m me un objet historique il faudra d autre part tenir en consid ration louverture du cadre th orique en France et ailleurs aux perspectives apport es par la diffusion des travaux de Bakhtine l poque La pens e bakhtinienne valorise le texte litt raire en ce que celui ci situe les discours socialement et historiquement elle a ainsi contribu modifier la vision nationaliste et monolithique de l histoire litt raire Ce changement de perspective offre la possibilit de l criture d une autre histoire litt raire possibilit int ressante mais pas encore suffisamment travaill e notre sens dans le cadre de l analyse des conditions de possibilit des litt ratures francophones Tenant compte encore d autres travaux importants d velopp es au long de la d cennie les publications de Stanley Fish ne sauraient ne pas tre cit es dans ce contexte Effectivement partir du moment o avec Fish l on consid re que le litt raire n est pas exclusivement dans le textuel mais dans l interpr tation qu il n est pas une essence mais le r sultat d une attitude interpr tative force est d accepter que la litt rature est le domaine des effets de lecture Ceci constitue un changement de paradigme fondamental dans les tudes litt raires en cons quence la litt rat
256. que ce titre n est pas sans rappeler le style pique de celui de l uvre de Charles De Coster consid r e comme fondatrice de la litt rature belge francophone La l gende et les aventures h roiques joyeuses et glorieuses d Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs Le texte de la quatri me de couverture dont le but g n rique est d baucher les lignes de force de l uvre afin d all cher l ventuel lecteur s loigne lui aussi de la pr sentation laquelle devrait donner lieu une autobiographie suivant les normes du genre Nom Papin Nationalit Belge mitoyen Signes particuliers porte un cartable Papin scolaris Papin dans la Blitzkrieg Papin occult r sistant lib r le cavalier Papin le pied l trier Golden Sixties Papin Papin mai 68 Papintje reflamandis par erreur le professeur Papin membre du Cercle par inadvertance mon ami Papin pr te moi ta plume de la Belgique de papa celle de Papin du Bon Usage la bande dessin e une autobiographie qui se moque de l autobiographie le monologue du fantassin de troisi me classe pour qui le rire c est la libert Muno 1982 4 de couverture 5 Andr B nit remarque aussi judicieusement parmi les connotations de braban on que ce terme d signe un cheval de trait en voie d extinction prestigieux mais sans comparaison avec un pur sang B nit 2006 117 Ce rapprocheme
257. que qui lui est intimement li comme l ont d j fait quelques sp cialistes lors d un colloque qui s est tenu Londres en 1986 et publi deux ans plus tard sous la direction de Philippe Delaveau tout en utilisant un ancrage chronologique pareil celui qui est la base de ce rendez vous La Po sie Fran aise au Tournant des Ann es 80 1988 Il est pourtant vrai que ceux qui se sont pench s l instar de Dominique Viart et Bruno Vercier sur une description aussi courageuse que stimulante il faut le 53 COUTINHO Ana Paula Tout le reste n est pas que roman Inflexions et convergences dans la po sie fran aise post 80 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 51 64 souligner de ce que l on a appel La Litt rature Fran aise au Pr sent ont jug que la po sie fran aise au XX si cle d ailleurs consid r e d une extraordinaire richesse n a pas subi de grands bouleversements puisque la po sie ne pratique pas la rupture aussi vivement que l criture narrative Si les esth tiques s infl chissent elles le font dans le prolongement d une voie esquiss e ici ou l et sous le signe d une reconnaissance Viart amp Vercier 2005 412 C est peut tre cause de ce soi disant manque d alt rations que la po sie n a eu droit qu une cinquantaine de pages dans un ouvrage qui en d passe les quatre cents l appui de leur th se les auteurs
258. quement tr s marqu de ce r cit illustre l affirmation identitaire revendiqu e par la litt rature belge francophone travers le concept de belgitude la charni re des ann es quatre vingt Mots cl s autobiographie autofiction belgitude Jean Muno parodie Abstract The numerous parodic discrepancies which punctuate Histoire ex crable d un h ros braban on 1982 by Jean Muno show us five years after the initial creation of the neologism auto fiction by Serge Doubrovsky a background ensemble of questions about the autobiographical pact defined ten years earlier by Philippe Lejeune Yet this desire manifested by a major novelist of Belgian letters about the French language in the second half of the 20 century to free oneself from the restrictions of the autobiographical genre is part of the empowerment process of the Belgian francophone literary field Indeed the very marked national anchoring of this narrative both historically and linguistically illustrates the Nous remercions le Gobierno de Extremadura et le FEDER qui ont contribu au financement de nos recherches bibliographiques l tranger concernant ce th me gr ce l appui conomique offert au groupe de recherche CILEM Lenguas y Culturas en la Europa Moderna Discurso e Identidad HUMOO8 auquel nous appartenons Universidad de Extremadura 110 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autof
259. qui le suivent en 1983 Georges Perec d abord et aussi Ren Belletto Renaud Camus M Cholodenko E Hocquard L Kaplan D Sallenave C est chez P O L que M Duras publie La Douleur en 1985 c est aussi l que commencent publier discr tement des auteurs qui ne seront reconnus que dans les ann es 2000 comme Emmanuel Carr re et Mathieu Lindon Verdier petite maison d dition cr e en 1978 en province dans l Aude est une de ces maisons artisanales dont le parcours et l thique ditoriale sont tout aussi rigoureux et r ussis G rard Bobillier a men une politique d auteurs de sciences humaines surtout et a su remarquer des uvres d avenir Pierre Michon dont le premier livre Vies minuscules a t publi par Gallimard 1984 mais sans que aux dires de Michon l diteur ne s occupe v ritablement de lui au point de le laisser rejoindre les ditions Verdier sans protester Puis il a su se rallier Pierre Bergougnoux et plus tard Antoine Volodine Ces artisans de l dition ont r ussi constituer un fonds de qualit malgr la migration vers les grands diteurs d auteurs en voie de reconnaissance la fid lit des auteurs les r compense souvent pourtant de la qualit de leurs relations de travail beaucoup plus troites que chez les diteurs majeurs et le rachat des droits pour le passage en poche chez Gallimard ou le Seuil donne une seconde vie leurs livres Il est don
260. qui ne m a pas sauv la vie 1990 Le Protocole compassionnel 1991 et L Homme au chapeau rouge 1992 se font galement les t moins d une autre r volution op r e par trois dispositifs visuels qui dans les ann es 80 prennent pour objet l instar du narrateur les malades du sida M dias de la communication techniques de visualisation m dicale radiographie endoscopie chographie ou encore m dias artistiques photographie vid o convergent sur le corps de l auteur lui tendant leurs sournois miroirs d formants L effroi est d autant plus remarquable qu il renverse bon nombre de st r otypes attach s aux corps des ann es 80 tourn es vers la beaut la performance et le muscle Le lecteur devient spectateur les descriptions faisant place peu peu aux apparitions du jeune auteur la t l vision Se r approprier une image de soi dans un geste d autom diation maximal en orchestrant par avance sa r surrection litt raire devient le motif parcourant ces trois livres celui d une beaut intol rable Mots cl s sida fiction interm dialit autom diation corporalit image posture t l vision Abstract this paper proposes a specific reading of Herv Guibert s intermedial way of exposing his own disease in his literary work Keywords Aids fiction intermediality automediation physicality image posture television 34 CHRISTEN No mie Qui
261. r me limite le principe de tauromachie autobiographique pr n par Michel Leiris payer de sa personne au del de l aveu donc puisque l crivain contemporain n a plus rien confesser et ob it une autre injonction s exposer 44 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 34 50 Un pisode du Protocole compassionnel marque l apog e de ce conflit ontologique entre corps sain et corps sid en celui des retrouvailles du narrateur avec son ami d enfance Djanlouka ancien voisin d origine arabe dont il confie avoir t secr tement amoureux Depuis quelques pages d j le jeune homme r de autour du narrateur sur sa moto rouge attribut viril par excellence pouss par la curiosit devant le physique d charn du jeune Herv il voulait en voir plus que les autres Les deux hommes concluent ensemble un premier march se montrer nu l un l autre Nous nous d shabill mes face face sur la terrasse moi en prenant garde de ne pas m taler en enlevant mon jean sur une jambe puis l autre et lui en une volte face comme par magie pendant que je continuais trimer pour mon d shabillage se retrouva nu splendide et pur Guibert 1991 183s L effeuillage marque le d calage des forces entre la lenteur maladroite du malade et l agilit merveilleuse du
262. r une litt rature post mortem Jean Echenoz une tentative modeste de description du monde dit par Christine J rusalem et Jean Bernard Vray PU Sainte Etienne pp 255 265 175 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 176 198 IMAGES DE L ENNEMI NOUVELLES ET MOINS NOUVELLES FIGURES DU BARBARE ET DE LA BARBARIE RAPHA L VILLATTE Coordination Litt rature Populaires et Cultures M diatiques Limoges raphaelvillatte O gmail com R sum Grande oubli e de l attention internationale l Afrique l est galement des fictions populaires Cependant depuis lorsqu elle attire les regards des cr ateurs elle suscite des fantasmes et g n re des fictions la fois modernes en ce qu ils collent l actualit et tr s ancr es dans les mythologies coloniales Peut tre les unes ne sont elles que des reflets des autres On peut retrouver de nouvelles figures de l ennemi et du barbare qui semblent traverser temps genres et m dia Mots clefs Afrique barbarie imagologie colonialisme jeux vid o Africa is not only a continent forgotten by international concern but also by popular fiction Since Africa draws creators attention it arouses phantasms and provokes both modern and colonial mythological fiction that reflects each other where new representations of enemy and barbarous can be f
263. rains plus proches des mat riaux fragiles qui se dispersent ou se d truisent La terre fertile sur laquelle s appuie une tradition biographique sont les lettres les souvenirs transmis oralement les journaux intimes tout ce qui est quotidien et dispara t et se pr serve difficilement moins qu il n y ait une certaine attitude de respect civilis envers le pass ou encore une vie publique sans trop de malaises ni de soubresauts 155 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 BUCKEYE Robert 1999 Review of Shame by Annie Ernaux Review of Contemporary Fiction 19 n 1 pp 175 176 CAMUS Renaud 1982 Tricks Paris Persona CHARPENTIER Isabelle 2005a La litt rature est une arme de combat Entretien avec Annie Ernaux Rencontres avec Pierre Bourdieu G rard Mauger dir Broissieux ditions du Croquant pp 159 175 CHARPENTIER Isabelle 2005b Produire une litt rature d effraction pour faire exploser le refoul social Projet litt raire effraction sociale et engagement politique dans l uvre autosociobiographique d Annie Ernaux L Empreinte du social dans le roman depuis 1980 Collomb Michel dir Montpellier Centre d tudes du XX si cle Universit Paul Val ry Montpellier IL pp 111 131 CONTAT Michel 2003 L autofiction un genre
264. raire par Alain Vaillant 2010 2 Expression en usage surtout apr s 1962 le substantif FRANCOPHONIE est rarement utilis avant 1962 ann e o la revue Esprit consacre un num ro au Fran ais langue vivante qui s int resse la francophonie Moura 1999 signalons que 1962 a t l ann e de l ind pendance de l Alg rie 2 Mais qui int resse en premier les d partements d tudes fran aises am ricains et non pas les correspondants fran ais ceux l ayant effectu leur conversion aux tudes culturelles d s les ann es 1960 70 et ayant situ les tudes litt raires fran aises dans le domaine des tudes francophones postcoloniales les universit s am ricaines ayant accueilli les principaux penseurs du postcolonial 84 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 livres de la presse et de l dition tout en ouvrant la possibilit par ses lectures distanc s des temporalit s historiques de la r valuation du canon et de la place des auteurs dans un panth on relativis les tudes francophones mergeant peine dans un d bat centr autour des nouveaux enjeux g opolitiques et g ostrat giques la fin de la guerre froide ceux l projettent un regard nouveau sur l Afrique devenue le plateau de nouvelles guerres des langues et
265. rands 5 Leonardo Dicaprio semble plut t embarrass l heure de prendre une position tranch e sur la question et s abrite derri re un argumentaire plut t timide http www ugo com ugo html article id 16206 Edward Zwick bien qu un peu plus engag demeure assez politiquement correct dans son propos http www moviesonline ca movienews_10613 html GEORGE Terry 2004 Le propos du film n est pas sans rappeler Missing Costa Gavras Universal 1982 interview de Leonardo Dicaprio au site IndieLondon 2003 http Awww indielondon co uk Film Review blood diamond leonardo dicaprio interview 183 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 particuli rement muscl s le cr ne g n ralement ras v tus d un amalgame d uniformes et d accessoires civils charpes couvre chef bracelets colliers et de troph es ventuels Leurs actes et leur mani re de s exprimer sont videmment des plus brutaux Il est m me noter que ce type de personnage le garde chiourme ou le sous officier qu il fasse partie d une arm e r guli re ou non n a g n ralement que quelques lignes de dialogue dans la plupart des longs m trages tudi s On peut supposer que leur quasi mutisme correspond un choix permettant d induire des traits de personnalit brutalit stupidit d ob issance aveug
266. rarchique des pouvoirs les diff rentes gu rillas et milices ont sans doute offert le visage le plus terrifiant des conflits africains Certaines se sont radicalis es partir d anciennes formations l instar des Kamajors de Sierra Leone ou des Janjawids du Darfour d autres furent cr es de toute pi ce pour l occasion les Interahamwe du Rwanda Cette cat gorie a sans doute frapp le plus fortement l imagination du reste du monde non seulement par la dimension et la diversit des atrocit s commises mais aussi en raison de leur utilisation fr quente des fameux enfants soldats Ces derniers bien que ne constituant gu re une nouvelle mani re de faire la guerre ont attir l attention des m dias du monde entier Ils symbolisent l absence de perspectives d avenir des pays concern s vivants paradoxes de candeur et de dangerosit Tous les types de combattants cit s dans cette courte liste ont fait les gros titres de l actualit durant les conflits africains Figures nouvelles ou anciennes de la guerre plus ou moins conventionnelle et de ses d g ts collat raux ils ont provoqu indignation d go t effroi et piti provoqu le d bat au sein des plus hautes instances internationales et fait couler des rivi res d encre Tandis que les documentaristes s attachaient d crire et donner comprendre les encha nements causaux qui avaient men aux conflits le cin ma de fiction simultan ment s approp
267. ratures qu on d couvre qui utilisent la langue fran aise de toutes autres fins que la litt rature canonique des revues importantes sont publi es Veldwachter 2011 25 des questions de nature politique nourrissent les d bats dont le rejet par les universit s fran aises des intellectuels noirs que ces m mes universit s forment mais se refusent les admettre dans leur coll ge professoral Achille Mbembe cit par Nad ge Veldwachter 93 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 d opposer la France et les Etats Unis sur leur capacit accumuler et diss miner les savoirs labor s dans le syst me acad mique occidental Au cours du dernier quart du vingti me si cle leurs universit s et centres de recherche sont parvenues attirer presque tous les meilleurs intellectuels noirs de la plan te ceux d entre eux qui avaient t form s en France voire des universitaires fran ais noirs auxquels les portes des institutions fran aises sont rest es herm tiquement ferm es Achille Mbembe apud Veldwachter 2011 26 la question coloniale constituant un sujet tabou Un nouveau champ celui des sciences humaines fait obstacle aux tudes litt raires envahit leur champ et l cart se creuse entre les deux Un cart que le d calage des traductions face au
268. rbare parle une langue incompr hensible et puisque le barbare est effrayant sa langue est laide ou effrayante l oreille et un proc d anxiog ne sans doute efficace lennemi parlant une langue inqui tante sa barbarie est d autant plus grande Rappelons ici l une des tymologies possibles si ce n est la plus r pandue du terme barbare qui veut que le mot f t forg d apr s l imitation par les gt x x nes gt 14 Grecs des langues trang res entendues aupr s de visiteurs trangers Il est noter que le film d Antoine Fuqua ne met en sc ne d officier sup rieur la star du film que le cruel colonel Idris Sadick Absence de g n raux absence de dirigeants politiques l exception du dernier descendant de la lign e royale pers cut e argument narratif du film toute l intrigue se d roule hauteur de soldat militaires contre militaires ce dernier aspect diff rent cependant du film conventionnel de guerre ou du film de guerre conventionnelle en ce que l une des arm es se livre des atrocit s Le choix de l humanit est donc faire par les h ros et les aspects moraux de l intrigue en demeureront l Restent les p rip ties et le genre du film L affrontement final mis part il est gagn par l arriv e des avions de chasse am ricains telle la cavalerie le film voit une succession d pisodes faisant r f rence tant t aux codes du western telle l arriv e d
269. rc et Martine Une divergence importante est que l on ne mentionne pas les activit s de romancier de Papin devenu adulte En effet il faut attendre le dernier chapitre du livre pour voir le narrateur se mettre crire des lettres qu il s envoie lui m me par la poste afin de meubler le vide de sa vie de retrait et t Jant t il signait Papin tant t Muno en souvenir de ce village des Ardennes dans lequel presque adolescent il avait pass d ind cises vacances idem 277 Se trouve alors v rifi le constat de Ph Lejeune que crivant son autobiographie l auteur pseudonyme en donnera lui m me l origine Lejeune 1975 24 La fin du livre claire la d marche cr atrice puisque le narrateur nous dit que Muno crivit plus longuement des pages et des pages une v ritable histoire trange et famili re que Papin lut comme une autobiographie r v e Muno 1982 278 Papin qui n est pourtant autre que le propre auteur de ces innombrables feuillets se sent d concert par cette abondante production de Muno ne paraissant plus demander de r ponse de la part de son soi disant interlocuteur Papin et l avant derni re page il s exclame l adresse de son double Il munologue idem 281 Juste avant que ne se ferme le r cit le narrateur nous explicite ainsi l origine de son processus de questionnement autobiographique Je ne r pondis pas mais Muno continua im
270. re qui se veut impassible En effet chez les crivains tudi s il existe une forte tendance retenir le pathos dans la narration cela tient deux raisons Premi rement le caract re du sujet contemporain ainsi que sa relation avec le monde ext rieur ont chang Le monde ne se pr sente plus comme une totalit intelligible aux yeux des individus en m me temps la notion de sujet model e par la fragmentation du monde clate sous la pression de l incertitude et l h t rog n it Echenoz brosse des portraits d individus d phas s fous nerveux qui se laissent aller la d rive sans chercher comprendre la raison de leurs actes ni comment ils sont devenus ce qu ils sont Chez Toussaint les personnages se retirent volontairement de la vie publique pour se r fugier dans le domaine priv et leur vie int rieure L antipathie et le d sint r t envers le monde ext rieur caract risent ses personnages L uvre de Chevillard pr sente des figures humaines aux contours flous fantastiques qui sortent quasiment du cadre r aliste La repr sentation de ces individus contemporains d s quilibr s antipathiques et farfelus favorise une criture impassible Sur ce plan l uvre de Gailly fait figure d exception car ses personnages sont en qu te d motion mais l auto ironie est omnipr sente chez ces m mes personnages qui prennent plaisir se moquer de leur passion Deuxi mement la position qu adop
271. re acad mique an mi e mendiant la l gitimation parisienne que le purisme excessif de la langue fran aise recommand aux portes de l Hexagone De l 131 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 l emploi marqu de belgicismes et l exub rance linguistique de certains passages truff s de savoureux n ologismes Conclusion uvre foisonnante Histoire ex crable d un h ros braban on repr sente un texte subversif vis vis des normes strictes de l criture autobiographique En effet nous y avons rep r de nombreux d calages parodiques par rapport au genre autobiographique mobile apolog tique ces distanciations se situant tant au niveau du paratexte titre quatri me de couverture prologue que dans l incipit et tout au long de la narration Offrant un mode particulier d criture du moi dans la ligne de l autofiction Le Munologue propose simultan ment la revendication d une affirmation nationale car l ancrage belge de ce r cit est accentu linguistiquement outre les r f rences constantes de la di g se au contexte historique de la Belgique notamment le processus de f d ralisation du pays Dans sa narration J Muno ose remettre en question non seulement une inscription g n rique mais galement le principe de soumission des normes linguistiques asept
272. respondance des points d int r ts des artistes minimalistes et de ceux affich s par Annie Ernaux Warren Motte signale Like those artists Ernaux intends to exploit minimalism s apparently paradoxical logic the idea that extreme poverty of expresion can in fact enrich the aesthetic experience Motte 1999 55 En effet les intentions litt raires de l auteur de Les Armoires vides et de Passion simple commencent m rir une poque o les valeurs de r f rence dans tous les domaines sont remises en question o les objets con us par et pour une minorit sociale privil gi e s ils ne sont pas radicalement limin s sont vulgaris s ou convertis en objets anonymes recycl s l infini et rendus ainsi accessibles tout un chacun En 1988 Guy Debord apr s avoir men sa propre enqu te sur les valeurs et les comportements de la soci t du moment notait sur un ton alarm dans ses Commentaires sur la soci t du spectacle Renversant une formule de Hegel je notais De nos jours on assiste au renouveau de certains aspects de cette tendance dans l uvre de Damien Hirst par exemple en particulier dans les s ries de t tes de vache attaqu es et d vor es par des essaims de mouches dans des bo tes en verre ou de requins et autres animaux dans du formol 2 Traduction Comme ces artistes l Ernaux a l intention d exploiter la logique apparemment paradoxale du minimalisme ainsi que l id
273. riait les v nements sa mani re Du type au st r otype De nombreux observateurs se sont inqui t s depuis une quinzaine d ann es de ce 180 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 que l Afrique n attirait gu re l attention des m dia internationaux que lorsque les pires atrocit s taient d crire En termes imagologiques on peut penser que la priorit fut donn e cette face sordide du continent et que ces choix ditoriaux r v lent la vision que l Occident se fait a priori de l Afrique En termes critiques on peut observer l apparition de st r otypes partir d un nombre assez important d individus ou de groupes tristement c l bres permettant comparaisons et renvois dos dos Nul doute que la qualit de l information peut tre insuffisante assur ment noy e dans le flot g n ral a contribu ce r sultat Les st r otypes annonc s par les types que nous venons d exposer pass rent pour relativement nouveaux au seuil des ann es 90 l exception des dictateurs sanguinaires et de leurs milices Les atrocit s commises par des groupes insurrectionnels comme au Liberia ne correspondent gu re l image traditionnelle des luttes des ann es 1969 et 1970 o l on voyait s opposer des partis d mocratiques et pacifiques le MNC L de Patrice Lumumba par ex
274. rla Bruni de lui avoir piqu son mari Traduction Le domaine hybride de l autofiction Traduction Annie Ernaux est l une des premi res crivaines de la France contemporaine avoir introduit dans l univers litt raire une solide revendication de la sph re intime et personnelle 3 Traduction La sp cificit de l autobiographie et de la fiction 151 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 tudiants et la culture 1964 et La Reproduction l ments pour une th orie du syst me d enseignement 1970 que Pierre Bourdieu crit en collaboration avec Jean Claude Passeron Pour Ernaux ces deux lectures repr sentent le d clencheur Charpentier 2005a 160 qui l aideraient comprendre crit Isabelle Charpentier la position qu elle occupe dans le monde social et plus pr cis ment l ensemble des positions qu elle y a successivement occup pour devenir l ethnologue de soi m me Ernaux 1997 40 Charpentier 2005b 114 J ai gard longtemps les petites feuilles de notes que J avais prises sur ces deux ouvrages trois fois rien en fait par rapport impact assez extraordinaire et bouleversant que ces livres ont eu pour moi Charpentier 2005a 161 plusieurs occasions Annie Ernaux a rendu hommage la m moire de Jean Gene
275. ro ques soulignons que la narration de Ch De Coster prenait elle aussi plaisir de mani re souriante affirmer linguistiquement et th matiquement son origine hors de l Hexagone Papin nous am ne au cours du r cit des tapes de sa propre vie traverser plus d un demi si cle de l histoire de l tat belge devenant f d ral au risque de perdre son identit m tiss e tandis que Thyl Ulenspiegel nous faisait assister aux luttes du futur peuple belge contre le pouvoir espagnol afin d acqu rir pr cis ment la reconnaissance de son identit sp cifique Au diapason de ses compatriotes francophones favorables la cr ation du concept de belgitude par Claude Javeau et Pierre Mertens en 1976 J Muno a choisi d enraciner son curriculum vitae cum grano salis dans la r alit belge du XX si cle S inscrivant dans le processus d autonomisation du champ litt raire belge francophone la d marche lib ratrice munolienne s av re double vis vis des contraintes d un genre litt raire mais aussi par rapport l h g monie parisienne L auteur du Munologue se r v le d s lors comme une figure d crivain qui avec ce rejet souriant des normes castratrices illustre pleinement la force tranquille des ann es quatre vingt Bibliographie ANDRIAT Frank 1980 Jean Muno la fantaisie du d sespoir in DE DECKER Jacques amp ANDRIAT Frank Jean Muno Bruxelles Cyclope Dem n 28 29 30 avr
276. roc d de l autor flexion celui qui se r f re explicitement au processus de cr ation est le m tadiscours du romancier Les commentaires sur le r cit en cours sont ironiques dans la mesure o ils se retournent contre le r cit en rompant l illusion r aliste par l intrusion de la voix du narrateur L ironie r side dans l intention du narrateur de d voiler ou au contraire de mystifier la nature fictive du r cit ou dans sa mise en sc ne du processus de cr ation jalonn par les incertitudes et les checs L ironie dans ce contexte est la capacit de l art de r fl chir sur lui m me et ainsi de parvenir la conscience critique primordiale pour un art qui refuse de se figer Vironie c est l accentuation constante du caract re fictif artificiel de toute fiction au del de son ambition de r alisme Schoentjes 2001 109 L ironie met de la distance entre d un c t l auteur et sa cr ation et de l autre la cr ation et la r alit elle met en garde l auteur et le lecteur contre l illusion imitative qui hante tant la conscience de l art dans la tradition occidentale Le r cit sp culaire participe la grande tendance de l autor flexion du langage en g n ral Certes la m tafiction n est pas une invention de notre poque mais le caract re postmoderne de ce ph nom ne r side dans le geste de pousser l autor flexion de l art jusqu l extr me La litt rature m taficti
277. rometteurs tels par ordre d entr e dans la maison d dition Herv Guibert Fran ois Bon Eug ne Savitzkaya Jean Echenoz Marie N Diaye Jean Philippe Toussaint Marie Redonnet Eric Chevillard Christian Gailly Christian Oster Jean Rouaud et Antoine Volodine en 1990 Tr s peu de ces premiers romans sont des succ s en dehors de Cherokee prix M dicis Les Champs d honneur prix Goncourt et La Salle de bain succ s critique mais ils n en d montrent pas moins la capacit de J Lindon d celer de vrais talents et des crivains porteurs d une uvre int ressante Forment ils pour autant un groupe J r me Lindon la fin de la d cennie proposait dans une publicit pour le premier roman de Christian Oster de r unir sous le 2 Herv Guibert L image fant me 1981 Fran ois Bon Sortie d usine 1982 Eug ne Savitzkaya La disparition de Maman id Jean Echenoz apr s Le M ridien de Greenwich 1978 Cherokee 1983 Marie N Diaye Quant au riche avenir 1985 J Philippe Toussaint La Salle de bain 1985 Marie Redonnet Splendid H tel 1986 Eric Chevillard Mourir m enrhume 1987 Christian Gailly Dit il 1987 Jean Rouaud Les Champs d honneur 1990 Prix Goncourt Antoine Volodine Lisbonne derni re marge 1990 15 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 terme de romanciers impassibles Echeno
278. ronti res hexagonales Mots cl s histoire litt raire histoire des tudes francophones Abstract This article aims at studying the connections between the discipline of Literary History and a field of enquiry whose epistemological ideological and methodological frameworks were being reconfigured throughout the 1980s namely Francophone Studies The establishment of this branch of studies has aroused a series of fruitful important debates regarding the future of literary French studies whose issues have clearly crossed French borders and way beyond Keywords Literary History Francophone Studies History Cet article a t labor dans le cadre du projet Interidentidades de L Institut de Literatura Comparada Margarida Losa de la Facult des Lettres de l Universit de Porto une I amp D subventionn e par la Funda o para a Ci ncia e a Tecnologia int gr e dans le Programa Operacional Ci ncia Tecnologia e Inova o POCTI Quadro de Apoio IN POCTI SFA 18 500 76 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 Nous nous proposons d analyser la d cennie 1980 1990 en consid rant quelques tapes de l volution de l histoire litt raire au long de cette p riode et la place qui y est r serv e aux tudes francophones Nous nous int resserons surtout
279. rovient davantage de la position d un narrateur impassible qui joue avec la narration L ironie de Chevillard est plus marqu e plus satirique plus mordante plus proche du rire que d un sourire l ger Le choix d une telle tonalit n est pas difficile comprendre car l ironie se pr sente pour Chevillard comme une arme efficace pour d chirer les apparences trompeuses du monde l apparence d un langage usuel l apparence d une civilisation d cadente l apparence des individus flottants etc Ainsi son ironie est une grande force et branle avec violence le monde dans ses vieilles assises Quant Gailly dans ses uvres l ironie est la position d sinvolte et distanci e d un tre humain en proie la suffocation motionnelle et l angoisse de ne pouvoir trouver une identit constante L ironie s offre comme le m canisme protecteur de l homme perdu dans sa recherche de soi m me L impassible le ludique et le minimaliste Chez ces crivains l ironie est utilis e comme un moyen de mise distance de d Elisa Bricco et Christine J rusalem Sainte Etienne Publications de l Universit de Sainte Etienne 2007 p 170 177 Ein ig ibidem 161 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 l criture elle devient m me un principe litt raire mis en application dans une critu
280. rs publiant chez Minuit et refusaient d tre envisag s en tant que groupe La critique litt raire a cependant insist sur la d signation Nouveau Roman Ce n est qu apr s une trentaine d ann es que l on commence valoriser ce qui est unique dans le travail de ces romanciers par rapport ceux qui les pr c dent et par rapport les uns aux autres plut t qu chercher les traits qu ils pourraient avoir en commun Ceci dit de m me que les auteurs associ s au Nouveau Roman Echenoz Toussaint Gailly et Chevillard continuent tre tudi s ensemble le plus souvent sous l tiquette plut t neutre d crivains de Minuit Ils sont cependant con us comme des romanciers qui bien qu ayant des caract ristiques en commun ont fait un parcours personnel et produit des ouvrages qu il faut conna tre pour leur qualit litt raire et pour le plaisir qu elles produisent plut t que parce qu ils appartiennent une cole litt raire 12 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 Bibliographie AMMOUCHE KREMERS Mich le HILLENAAR Henk ds 1994 Jeunes auteurs de minuit Amsterdam Atlanta Rodopi AUBRON Herv 2011 Malin g nie Le Magazine Litt raire n 505 le 3 mars lt URL http www magazine litteraire com content critique fiction articleid 18634 gt consult le 08 V 2012 BEIG
281. rs que repr sent e elle devient supportable voire m me d sirable L endorphine en fait c est l image cf Herv Guibert avatars de la t l incarnation in Ochsner amp Grivel 2001 186 39 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 34 50 mort Sur elle je fais toutes sortes d examens de clich s en coupe des investigations par r sonance magn tique des endoscopies des radiographies et des scanners dont je vous livre les clich s afin que vous les d chiffriez sur la plaque lumineuse de votre sensibilit idem 94s L hyperm diatisation exhibant une surface de corps sorte de moi peau Anzieu 1985 ainsi que l hyperm dicalisation de son substrat interne appelons le le moi profond influencent cette litt rature du sida la premi re personne glissant d une culture de l aveu orale et crite une culture de l exposition maximale s appuyant sur le registre visuel conform ment l entreprise d Herv Guibert d aller jusqu au bout d un d voilement Guibert 1991 31 Cette cartographie de l tre entier sort des h pitaux pour envahir l imaginaire artistique poursuivant cet id al de transparence soi et d introspection Jamais si cle n aura t aussi loin dans la poursuite du principe socratique connais toi toi m me u
282. rtain groupe social les groupes d favoris s les sans papiers les sans abri les personnes qui exercent la prostitution celles touch es par des maladies qu on venait de d couvrir l Alzheimer ou le SIDA etc ou une certaine lite sociale ne serait ce que celle des crivains Se perdre d Annie Ernaux tout comme plus tard Pourquoi le Br sil de Christine Angot par exemple montrent bien la concr tisation de cette culture de soi dans laquelle se trouve sous jacent l effort de l crivain pour se diff rencier du commun des mortels les hoi polloi Foucault 1984 16 Dans Se perdre Annie Ernaux qui tait arriv e au moment de la publication du livre un grade de notori t important crivait pleine de lassitude Toute Pimb cillit de parler de litt rature devant un public m appara t Ernaux 2001 121 Voir les effets de cette tendance en particulier dans Passion simple 1992 et Se perdre 2001 d Annie Ernaux la p 16 de Histoire de la Sexualit 3 Foucault claircit dans la note en bas de page n 4 le sens de l expression hoi polloi Cette expression signifie litt ralement les plusieurs ou les nombreux et d signe depuis Platon le grand nombre oppos l lite comp tente et savante 141 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157
283. s Il nous semble essentiel de noter que le corpus demeure tr s mince les uvres que nous avons cit es en constituent l essentiel En aucune fa on on ne peut conclure un renouveau d un sous genre particulier ni m me dans une contamination massive des codes propres cet ensemble d uvres En revanche le retentissement et la r ception de ces uvres nous para t r v lateur d un certain regard port aujourd hui sur l Afrique par le reste du monde et pas seulement l Occident le producteur du jeu Resident Evil 5 Capcom tant japonais ainsi que par l industrie cin matographique et vid o ludique Ce regard nous informe sur l ennemi tel qu on le con oit dans les conditions bien d limit es du cin ma de guerre d aventure et du jeu vid o Dans ces genres ou m dia la captation de l attention du spectateur ou du joueur est indispensable et doit s effectuer avec efficacit et rapidit Les lieux communs que nous avons d crits et mis en perspectives semblent fonctionner tout d abord parce qu ils sont utilis s mais aussi imit s ou utilis s de mani re r f rentielle cf la musique rappelant fortement celle de La Chute du Faucon noir comme le notait N Gai Croal L exportation de ces lieux communs au monde vid oludique ou la contamination de ce monde par les clich s cin matographiques peut tre vue comme une confirmation de la bonne sant de ces clich s ils seraient assez efficace
284. s aupr s du public pour tre copi s 26 N Gai Croal op cit 195 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 Ainsi l ennemi id al se dessine t il du moins dans le cadre africain contemporain Imagologiquement parlant la vision est loquente sit t qu il faut effrayer et r volter le public les leviers nous apparaissent vidents commun ment connus faisant partie d un imaginaire d j collectif ancien et actuel la fois s appuyant sur des figures types aper ues dans les sources documentaires et les m dia d information Comme le souligne encore N Gai Croal cette imagerie a une histoire Elle a une histoire et on ne peut pr tendre le contraire Cette imagerie a toujours une histoire qui doit tre appr hend e et comprise DT sais ibidem 196 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 Bibliographie uvres litt raires CONRAD Joseph 1989 C ur des T n bres Heart of Darkness Bantam Classic USA uvres cin matographiques Cosmatos George Pan Rambo II La Mission 1985 Anabasis USA Costa Gavras Missing Universal 1982 USA Fuqua Antoine Les Larmes du Soleil Tears of the Sun Sony Pictures 2003 USA George Terry Hotel Rwa
285. s choix interroger De m me la p riodisation tout seuil est arbitraire et approximatif celui de 1980 tout comme un autre c est une hypoth se de travail qui pr sente l int r t de faire appara tre des lignes de force Je voudrais tenter de d caler le regard sur ce consensus le d porter sur les marges viter d en figer la lecture sans pour autant pr tendre ni l exhaustivit ni l infaillibilit et en prenant mon tour le risque de l arbitraire Apr s un rappel de ce sur quoi s accordent les meilleurs analystes et sans vouloir contester leurs th ses je proposerai quelques compl ments d information Mais auparavant dans un second point je pr ciserai certaines donn es du contexte ditorial qui p sent sur la reconnaissance litt raire On se souvient que T Todorov dans La Litt rature en p ril portait son encontre une triple accusation de formalisme de nihilisme et de solipsisme Et J Ph Domecq et E Naulleau Quelle litt rature a t on le plus mis en avant en France depuis vingt ans Les jeux autor f rentiels soit la litt rature ironique sur la litt rature et le ni me degr sur les genres l autofiction soit l autosatisfaction Narcisse qui ne prend que ses risques la nostalgie soit la litt rature de fond de terroir avec criture artiste dont on nous dit que l au moins l crit re n est ce pas La Situation des esprits La Martin
286. s de g n tique textuelle permettant de localiser les diff rentes ditions de suivre les d bats entre diteurs et auteurs de reconstituer les circonstances historiques et sociales de la lecture et de la circulation de livres Gr ce cette nouvelle discipline le domaine des auteurs et des livres s largissait visant inclure le lot des oubli s ou des refus s par l histoire litt raire mais qui taient populaires de leur temps L histoire culturelle contribuait ainsi au questionnement de la notion de valeur litt raire et la relativisation des uvres et des auteurs du canon D apr s la synth se qu en donne Jean Yves Mollier 2003 l apport de l histoire culturelle l histoire litt raire a t d terminant dans trois domaines celui de la production celui de la diffusion et celui de la r ception des livres Ces trois domaines constituaient le nouvel espace litt raire Mollier 2003 605 qui s offrait l histoire culturelle dans ses recherches sur des objets litt raires Celle ci interrogeait diff remment les uvres et leurs auteurs dont elle voulait faire l histoire au pr sent largissant le cadre des questions auxquelles s int ressait l histoire litt raire qui privil giait le pass Pourtant et nonobstant les cloisonnements disciplinaires et corpus l gitimes m thodes p dagogiques d hier et universalisme cognitif que constate Cusset dans l universit fran
287. s entendre un son mais travers mes jumelles je vis le mince bras tendu autoritairement la m choire inf rieure bouger les yeux de cette apparition briller loin dans le cr ne osseux qui hochait avec de grotesques secousses C tait comme si une image anim e de la mort sculpt e dans du vieil ivoire avait agit les mains en guise de menaces l endroit d une foule d hommes faits de bronze sombre et tincelant Je le vis ouvrir grand la bouche cela lui donnait l air trangement vorace comme s il avait voulu avaler tout l air toute la terre tous les hommes devant lui Une voix profonde me parvint faiblement Il hurlait probablement CONRAD Joseph op cit p 101 Conrad usait de ces l ments narratifs parcellaires pour jouer sur la fascination r elle du lecteur pour le myst re africain tout en raillant cette m me fascination et l exotisme dont il fut toujours un critique Plus d un si cle plus tard nous pouvons observer une actualisation de cet exotisme sombre usant non seulement de lieux communs presque identiques mais aussi de la m me conomie narrative dans presque tous les films et jeux que nous avons cit s un Blanc est plac face l tranget de l Afrique et nombre de ressorts de l intrigue sont directement li s ce qu il croit comprendre des m urs du continent notamment sur le plan politique Pour autant il ne se d fait gu re de ce qui le caract rise a priori sa sup r
288. s filiations Ezine 2010 Harang 2010 Lamberterie 2010 Lan on 2010 Lebrun 2010 Payot 2010 L article de L Humanit Lebrun 2010 sugg re m me que d autres crivains se sont inscrits dans son sillage Echenoz est con u dans ces articles comme un auteur consacr dont le style le ton et la perspective sur le monde sont uniques et reconnaissables parmi tous les autres Pour ce qui est d Eric Chevillard et de Christian Gailly le premier a publi Dino Egger en 2011 Aucun des sept articles consult s portant sur la parution de ce roman Aubron 2011 Beigberder 2011 Ezine 2011 Hechichian 2011 Kantcheff 2011 Lan on 2011 Nicolas 2011 ne reprend des tiquette ni ne fait de renvois vers d autres auteurs de la m me g n ration Seul l article paru dans Le Magazine Litt raire Aubron 2011 voque l influence qu aurait eu L OuLiPo Borges Henri Michaux et Lautr amont sur son travail l inverse tous les articles mentionnent le long parcours litt raire de Chevillard et mettent en relief les caract ristiques de son travail qu ils jugent les plus saillantes son humour son style et le plaisir qui se d gage de la lecture de ses textes Quant Gailly il publie La roue et autre nouvelles en 2012 Les trois articles auxquels l on peut avoir acc s sur internet mentionnent le style musical po tique de l auteur sa capacit raconter des histoires cr er des atmosph res mais
289. s horribles atrocit s qui se commettent sur la plan te j ai demand ce qui tait la d monstration d atrocit la plus sous relat e la plus choquante dont personne n entend parler et ils ont r pondu la Birmanie Interview du 16 janvier 2008 accord e au site http www wwe com inside superstartosuperstar exclusives s2smvpstallone L quation pos e par Rambo est simple mais pas aussi simpliste qu elle peut para tre de prime abord Stallone cherche toucher le public l mouvoir a priori faire appel sa capacit d indignation Qu il s agisse d un pr texte pour d ployer les talents barbares de son h ros est presque secondaire dans la mesure o la franchise est ancr e dans le r el dans l actualit imm diate retour des v t rans du Vietnam d couverte des activit s du Triangle d Or invasion sovi tique de l Afghanistan massacre des Karens en Birmanie La sauvagerie de Rambo nous l avons dit est justifi e par l horreur des exactions commises au pr alable l instar du Justicier dans la Ville exprimant sur grand cran les frustrations devant l impunit dont b n ficieraient les criminels Rambo ch tie dans une juste col re les coupables impunis de crimes contre la collectivit voire contre l Humanit Nous nuan ons ici l accusation de simplisme dans la mesure o l effort est fait par les sc naristes pour concerner le public l indigner et ne jouir de la
290. s m canismes et des ouvertures identiques et r v lent le besoin de prendre de la hauteur au sens propre et au sens figur Dans l avant dernier chapitre se met en place par l interm diaire du personnage une interrogation de la perception de l espace une fois encore mise en abyme du roman voire de la vie Le personnage Abel attend dans un hall d mesur D s le d part la vision est marqu e par l effacement des limites Le sol de cette vaste entr e tait couvert d un tapis si vieux et qui s appliquait si remarquablement sa surface que l on pouvait l gitimement se demander lequel du tapis ou du hall avait t fait pour l autre Echenoz 1979 237 En raison de cette attente forc e Abel se concentre sur le tapis non sans perplexit Il s interroge sur l endroit qu il faudrait trouver pour parvenir r ellement le saisir car comme le roman le tapis implique que le personnage se perd en conjonctures De ce tapis saillaient des d tails h t roclites sans lien ni suite entre 104 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 eux sans logique apparente et sans qu il f t possible d o se trouvait Abel de reconstituer l unit de son motif ni m me d extrapoler l existence d un motif Echenoz 1979 238 Abel met donc une hypoth se pour pallier ces d failla
291. s manifeste si l on prolongeait l observation et plus longtemps on regardait le d placement de la lumi re plus vite elle semblait aller idem 117 Les finalit s diff rent dans chaque contexte romanesque pour le personnage de J Echenoz il semble que ce soit un passe temps un moyen comme un autre de combattre l ennui de meubler l attente C tait une de ces journ es o l on ne peut s int resser qu des choses comme celle l et encore ibidem Chez l auteur d Orion aveugle il s agit d une interrogation fondamentale Mais les deux veulent mettre de l ordre dans les id es pour Paul dans la configuration du r cit chez CI Simon combler les d ficiences l image des horloges qui n indiquent plus l heure Simon 1971 92 et 100 de la montre de Th o Selmer dans le dernier chapitre du roman Le M ridien de Greenwich Le verre tait cass les aiguilles tordues le ressort mutique Il ne lui reste plus qu la jeter la mer vers d autres imaginaires Echenoz 1979 253 Publier aux ditions de Minuit n est pas anodin pour J Echenoz il s agit d un choix litt raire Son premier roman porte les traces d une conception scripturale son 101 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 corps d fendant mais il apporte aussi une voix nouvelle qui s
292. s pr c dentes avaient illustr s Barthes Sartre mais aussi John Lennon suivis par Lacan en 1981 et par Foucault trois ans plus tard Mais la d cennie s ouvre galement par la publication du livre L invention du quotidien dans lequel Michel de Certeau fin lecteur du Foucault de Surveiller et punir et de Bourdieu s int ressait aux aspects strat giques et tactiques des pratiques culturelles au quotidien un univers qui devenait cher aux cultural studies qui se d veloppaient depuis les ann es 1970 Alain Badiou s tait d j interrog sur la possibilit de penser la politique en 1985 cf Badiou 1985 M de Certeau ne porte pas tant son regard sur les produits de consommation qui avaient mythiquement inspir Barthes ou sociologiquement Bourdieu que sur les comportements actifs des consommateurs au quotidien 77 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 76 96 aux Etats Unis et en Grande Bretagne depuis la d cennie pr c dente Mouvements que le ph nom ne de la mondialisation devrait rendre plus aigus et qui t moignaient d j de la perte de pouvoir symbolique de l Europe et de son centre litt raire Paris Une d cennie que Jean Baudrillard a galement suivie de pr s dans ses Cool Memories 1980 1990 1987 Une d cennie que l on pourrait clore sur
293. s romans dit s chez Minuit ne rend pas enti rement compte de toute la contemporan it litt raire fond e sur l id e d un tournant esth tique de la modernit suite son tat critique L empressement taxinomique chez Demoulin produit m me de f cheuses redondances Chevillard est cit deux fois sur une liste de minimalistes c t d Echenoz Oster Carr re Deville Targowla et des Belges Toussaint et Outers Par ailleurs les crit res d inclusion d auteurs dans les deux listes minimalistes et postmodernes ne sont gu re lucid s Il faut supposer n anmoins que le rapport du postmoderne au minimalisme est inclusif tout roman minimaliste tant postmoderne et que l inverse n est pas av r D s lors Deville Echenoz Targowla Oster ou Carr re sont donn s comme minimalistes et postmodernes Mais que penser de Toussaint consid r minimaliste mais cart du groupe postmoderne En tous cas pour Demoulin il devient clair que la Belgique a fourni autant d auteurs de proue de la modernit litt raire qu elle n en fournit de postmodernes depuis le tournant des ann es quatre vingt Contrairement leurs a n s notamment ceux des ditions de Minuit ces jeunes auteurs ne constituent aucune cole ne militent sous aucune conception avant gardiste th orique ou pamphl taire de la litt rature n entretiennent aucun esprit de groupe cf Salgas 1989 27 ALMEIDA Jos Domingues
294. s sans plus rien prouver pour les victimes indiff rent au monde son regard vide son apparente incompr hension absolue lorsqu il tue ou fait face au canon vengeur du h ros le rapproche d un autre mythe dont la lecture post coloniale est lourde de sens voire de double sens le zombie Le zombie dans le folklore cr ole principalement ha tien n est pas n cessairement un mort vivant il peut tre un tre humain priv de ses facult s intellectuelles par un sortil ge Capable de suivre des ordres simples il s agit d une force brute dispos e accomplir tous les m faits d un sorcier La drogue et l alcoo l de m me que les discours de propagande et l endoctrinement f roce ou encore certains rites propres aux factions paramilitaires et ou tribales permettent d assimiler la figure du soldat irr gulier cette figure du fantastique ou du cin ma d horreur A l instar des morts vivants devenus populaires dans les ann es 70 et souvent qualifi s de zombies ces soldats ne sont plus que des corps sans esprit dont la mise hors de combat est une condition de survie pour les h ros Leur limination ne n cessite plus m me une justification morale f t elle celle du Talion l appartenance l humanit leur est d ni e Il est vident que les films dont nous avons fait mention jusqu ici ne manipulent pas l analogie avec le zombie de mani re aussi explicite En revanche les traits caract ris
295. second Puis le r cit glisse de la contemplation r ciproque l acte lorsque Djanlouka demande p n trer le narrateur S ensuit une lutte des corps dans laquelle l in galit transpara t Herv Guibert appara t passif et fragile face aux d cha nements de violence et de pulsion de son partenaire le tout exprim dans un langage cru Ca me faisait mal aucune jouissance j tais trop boulevers Djanlouka fut rapide dans sa besogne et n gligea la mienne comme un Arabe dans l ivresse de sa chevauch e il me crachait dessus idem 184 La sc ne de copulation symbolise la rencontre de deux r bellions oxymore et m tissage des corps combattants r unis dans une m me tentation risquer la mort La figure de Djanlouka renvoie dans ce duel un autre soi m me sorte de double projectif devant lequel le narrateur ne peut qu avouer ze e 11 sa d faite ll TI conviendrait de mettre en lien cet pisode avec celui plus conqu rant de la transsubstantiation d ordre cannibale op r e fantasmatiquement par Guibert la vue du corps app tissant d un ouvrier au travail Je manque tellement de chair sur mes propres os dans mon ventre puisque je ne mange plus ni viande ni poisson depuis des mois sur ma langue et sous mes doigts dans mon cul et dans ma bouche ce vide que je n ai plus envie de combler que je deviendrais volontiers cannibale Quand je vois le beau corps d nud d un ouvrier sur un
296. si de suite La cha ne de personnages amis ou amants du narrateur voqu s longuement au cours de cet extrait comme les acteurs plus ou moins directs du fl au sont ainsi tous li s par un sort thanatographique commun inaugurant une re active de malheur idem 147 L uvre triptyque de notre auteur se laisse donc approcher comme une litt rature m lant obsession de la sexualit et angoisse de la mort sympt me de cette vague de libert sexuelle des ann es 1970 tr s vite m l e aux reflux provoqu s par le sida les ann es 80 marquant le tournant d une nouvelle conomie des forces politiques et sexuelles celle d un monde basculant de la libre consommation la surveillance des Francis Bacon L Art de impossible Entretiens avec David Sylvestre Skira Gen ve 1976 p 52 Il s agit de A Ami qui ne m a pas sauv la vie Le Protocole compassionnel et L Homme au chapeau rouge volumes publi s aux Editions Gallimard Paris 1990 1991 1992 35 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 34 50 app tits Depuis toujours l crivain des Editions de Minuit passant chez Gallimard partir de la trilogie affirme donc avoir mis son criture sous le signe de la chair en quoi il n est certainement pas le seul Mais si le corps la maladie ou encore le couple d ros et thanatos co
297. site Inventaire Invention le 21 novembre 2006 http www eric chevillard net e inventaireinvention php 9 Qu est ce crire Comment crire entretien avec Christian Gailly propos recueillis par Christiane J rusalem et Elisa Bricco dans Christian Gailly l criture qui sauve sous la direction 160 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 Pexprime lui m me L ironie permet de s chapper quand l motion est un peu trop envahissante L ironie est constitutive des uvres des quatre crivains tudi s N anmoins chacun a une tonalit particuli re Chez Toussaint l ironie est l g re insouciante d tach e troitement li e au monde du quotidien o le trivial l insignifiant et l oisif pr dominent Cette ironie est oppos e dans son uvre deux autres tonalit s l une est grave angoissante passionn e et l autre est fluide calme m ditative La gravit insouciante r sume avec justesse l ironie de Toussaint Chez Echenoz l ironie rel ve plus d une strat gie narrative que d un panchement motionnel La tonalit de son ironie est plut t ludique h doniste et sympathique elle est rarement moqueuse Cette ironie comme nous l avons montr plus haut ne r sulte pas de la distance critique que prend l auteur vis vis de ses personnages elle p
298. soulignent les tudes sur la r ception Herv Guibert publiera en 1977 son premier live La Mort propagande Ed R gine Desformes 1991 1977 dont le sujet central l homosexualit en tant qu exp rience de vie se retrouvera dans toute son uvre Par ailleurs son approche du SIDA lui fera conna tre un grand succ s aux tats Unis Dans l ami qui ne m a pas sauv la vie Gallimard 1990 il exposera les horreurs de cette maladie dont il souffrait lui m me et s anticipera sa propre mort Voir http www herveguibert net 7 Patrick Besson chroniqueur dans plusieurs journaux dont Le Figaro et VSD remporte le Grand Prix de l Acad mie Fran aise en 1985 pour son roman Dara Albin Michel 1985 et le Prix Renaudot en 1995 pour Les Braban Albin Michel 1995 deux biographies imaginaires 8 Michel Braudeau est d abord conseiller litt raire chez Seuil et ensuite chez Gallimard Il est aussi chroniqueur dans Le Monde des Livres critique de cin ma et r dacteur en chef de la Nouvelle Revue Fran aise depuis1999 Bien qu il publie son premier roman Amazone Seuil en 1966 il devient connu partir de Naissance d une passion Seuil 1985 Gallimard 2000 Prix M dicis 1985 Dans le courant de l autofiction il publie une autobiographie L Objet perdu de l amour Seuil 1988 et la biographie de son p re Mon ami Pierrot d du Seuil 1993 L uvre de Patrick Modiano 1945 Boulogne Billancourt a t
299. st en effet engag e dans une course l audience et tous les moyens sont bons depuis quelque temps les reality shows sont de vrais succ s Buot 1999 255 Le film passe la t l vision sur la premi re cha ne en 1992 montrant Herv Guibert aux toilettes chez le masseur dans sa baignoire nu et mourant offert en p ture aux t l spectateurs L crivain use donc de la m me strat gie du m me mode d tre au monde que le corps sain des ann es 80 savoir se montrer Les deux versions du corps le corps id al de la d cennie et le corps sid en s affrontent sans se r concilier dans un r gime commun l image projet e sur cran r pondant une irr pressible pulsion scopique selon l expression de Laura Mulvey Mulvey 1975 Contrairement Fran ois Cusset qui d crivait ainsi Le sida n optimise pas les corps il les saccage il ne les montre pas mais les rend invisibles Cusset 2006 282 Herv Guibert entreprend de montrer les affres de cette souffrance physique cette fois en dehors du livre Le jeune auteur n aura certes pas t le premier crivain traiter du sida dans les m dias loin s en faut puisque avant lui Rock Hudson ou Jean Paul Aron ouvrent la voie mais 1l est le pionnier de son incarnation rendant la maladie lisible autant que visible via une criture et une posture autobiographique au plus pr s de son corps au plus pr s de sa vie Il aura pouss son ext
300. t formelle et th matique dans laquelle cependant ressortent certaines constantes Tout d abord la mise en sc ne d un sujet narratif ou personnage dans certains cas en situation de crise d crit travers sa relation un monde r el difficilement supportable et avec lequel il entretient des connexions rares et probl matiques ensuite la d construction de la vie particuli re du sujet pr sent e en pisodes discontinus finalement la passion compulsive pour l autoportrait biographique Dans une certaine branche pour ainsi dire de l autofiction l un des th mes les plus r currents est le d ploiement de la vie suppos e intime du sujet concentr e principalement autour d exp riences rotiques amoureuses ou sexuelles Dans ce courant Renaud Camus semblerait tre l initiateur de cette litt rature de mise nu ou de streep tease Dans son roman le plus connu et le plus traduit Tricks 1979 18 Camus Renaud Tricks Paris d Mazarine 1979 Premi re dition d Persona 1982 Deuxi me dition P O L 1988 dition d finitive r unissant quarante cinq r cits Dans La Salle de pierres Journal 1995 Fayard 2000 Renaud Camus raconte son t 1995 au Br sil et sa rencontr avec Robbe Grillet Rio de Janeiro o s inaugurait une grande exposition de l uvre plastique de Roland Barthes Robbe Grillet et Camus sont les auteurs du texte du catalogue de l exposition
301. t P Mertens l ann e suivante A M La F re soulignera d ailleurs cet aveu public r p t de l aspect parodique voire satirique de son uvre de la part de J Muno En apparence la narration de J Muno correspond la d finition de l autobiographie consid r e comme canonique l poque de la publication d Histoire ex crable d un h ros braban on Il s agit de celle propos e en 1971 par Ph Lejeune th oricien fondamental pour l tude de l autobiographie partir de cette date nous appelons autobiographie le r cit r trospectif en prose que quelqu un fait de sa propre existence quand il met l accent principal sur sa vie individuelle en particulier sur l histoire de sa personnalit Lejeune 1971 10 Le narrateur raconte effectivement son pass personnel en s int ressant surtout l volution de son individualit tant au niveau affectif que physique et intellectuel Il d taille galement sa trajectoire professionnelle aspect dont Ph Lejeune soulignera aussi l importance lorsqu il largira sa perception de l autobiographie dans la d cennie suivant ses premiers travaux ce sujet je n exigerai pas que les autobiographes mettent l accent sur l histoire de leur personnalit je ne privil gierai pas la vari t psychologique et intime et litt raire qui domine le genre depuis Rousseau Car pour beaucoup de gens l histoire de leur personnalit c est d
302. t de qui elle s est sentie toujours tr s proche par le fait d avoir comme lui conquis le savoir intellectuel par effraction Ernaux 2003 34 de s tre appropri la langue de l ennemi celle des gens cultiv s pour crire sur le monde dont elle est issue celui du prol tariat En 1982 j ai men une r flexion difficile qui a dur six mois environ sur ma situation de narratrice issue du monde populaire et qui crit comme disait Genet dans la langue de lennemi qui utilise le savoir crire vol aux dominants idem 33 En m me temps Annie Ernaux a tenu souligner tout au long de son parcours la dimension sociale de son travail soutenant que sa vie personnelle en tant que th me central de son criture l int resse uniquement dans la mesure o elle est connect e celle des autres o elle est un reflet de celle des autres Je me consid re tr s peu comme un tre unique au sens d absolument singulier mais comme une somme d exp riences de d terminations aussi sociales historiques sexuelles de langages et continuellement en dialogue avec le monde pass et pr sent le tout formant oui forc ment une subjectivit unique Mais je me sers de ma subjectivit pour retrouver d voiler des m canismes ou des ph nom nes plus g n raux collectifs Ernaux 2003 44s Cependant bien que fid le ces convictions que l on retrouve aussi bien dans son u
303. t rature dite intime le journal intime d une part et l autobiographie d autre part nous pourrions dire que J Muno passe du premier type un texte absolument chaotique et d cousu ibidem au deuxi me un r cit achev et clos sur lui m me ibidem Mais de la m me mani re qu avec Ripple Marks l crivain pr sentait une sorte bien particuli re de journal intime avec Histoire ex crable d un h ros braban on il proposera une version tr s personnelle de l autobiographie Dans son livre de 1982 J Muno souhaite remettre en question le genre m me de l autobiographie classique parce qu il n appr cie pas cette modalit d criture m me si sa d marche semble s inscrire dans son cadre Le romancier avoue la raison principale de son rejet du genre en ces termes dans l autobiographie je n aime pas l autosatisfaction et la complaisance reconnaissant avec beaucoup de lucidit depuis que j cris depuis Le Bapt me de la ligne qui est mon premier roman J ai toujours t hant par l autobiographie et finalement tout ce que j ai crit ce sont des autobiographies plus ou moins indirectes et en m me temps paradoxalement je n ai aucune sympathie pour le genre Je d teste l autobiographie et j y suis amen je ne peux pas faire autrement Mais je d teste l autobiographie dans ce qu elle peut avoir de complaisant au dee hos o i 11 d autojustification plus ou mo
304. t l que d un artifice En effet il constate au fil des pages la constante remise en question ironique des principes de l autobiographie traditionnelle sous forme de d calages parodiques et ce au moment o le concept d autofiction fait couler beaucoup d encre Or ce refus de J Muno d inscrire sagement sa narration dans la lign e d un genre va de pair avec la nouvelle empreinte belge de son texte au moment o ses compatriotes francophones revendiquent travers le concept de belgitude lanc en novembre 1976 dans le dossier des Nouvelles litt raires intitul Une autre Belgique une expression identitaire marqu e en marge de l Hexagone Un petit homme seul 1950 est le titre de l oeuvre radiophonique fondatrice de l oeuvre munolienne malheureusement non publi e 3 C est la couleur que J Muno attribue aux protagonistes de ses narrations dans un article consacr au r le du h ros dans le roman Muno 1967 J Muno utilise cette expression dans une d dicace autographe du roman dat e de mars 1982 adress e au grammairien Joseph Hanse un de ses anciens professeurs de fran ais du lyc e devenu confr re depuis que J Muno a t re u l Acad mie Royale de Langue et de Litt rature Fran aises de Belgique le 17 octobre 1981 exemplaire conserv aux Archives et Mus e de la Litt rature de la Biblioth que Albert I Bruxelles 112 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens e
305. t la France ne saurait ne pas avoir contribu une connotation politique sinon conomique et culturelle sp cifique tout ce qui avait trait la francophonie en limitant son champ Cette circonstance a sans doute aid par ailleurs l association implicite entre tudes francophones et tudes postcoloniales affaire pas encore assez creus e mon opinion dans le contexte des tudes francophones C est partir des ann es 1990 que l orientation des Sommets change en faveur d une ouverture de la Francophonie au monde un monde dont le centre n est plus la langue ni la culture fran aise La promotion de la diversit culturelle et du fran ais l int rieur d un projet simultan ment multiculturel et plurilingue constituent d sormais l objectif majeur de la Francophonie d o la sp cificit du concept d universel qui s oppose ainsi celui d origine am ricaine global Celle ci n tait pourtant pas encore la situation pendant la d cennie o tout se mettait en marche o les institutions de la Francophonie se formaient o elles cherchaient leur espace leur identit et leur projet politique La situation contemporaine en est l h riti re qui a d velopp certaines tendances qui n taient qu en germe l poque 89 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc m
306. tant pas trait En 2004 dans Le roman fran ais aujourd hui c est Christine J rusalem qui s arr te plus longuement sur le travail de ces auteurs mettant en question les interpr tations et les tiquettes attribu es au travail de ces crivains refusant l id e que ce qui les d finit est l impassibilit le minimalisme ou le fait d tre une nouvelle version du Nouveau Roman Selon J rusalem 2004 58 ce qui les distingue est plut t leur persistance faire des portraits du pr sent On s aper oit ainsi qu mesure que le temps passe que l on gagne une certaine distance par rapport au ph nom ne et que le nombre de romans de chaque auteur augmente la tentation de simplifier diminue et les appellations initiales sont de moins en moins reprises Selon Bourdieu 1998 262 ces noms d coles ou de groupes sont de faux concepts instruments pratiques de classement qui font les ressemblances et les diff rences en les nommant cr ant de ce fait des groupes qui autrement n existeraient pas et dont les auteurs pourraient passer inaper us Produire un effet de groupe et trouver des d signations pour nommer cette g n ration d auteurs a donc t une fa on de garantir qu ils seraient rep r s et qu on leur accorderait une place dans l histoire litt raire du si cle Lorsque cet objectif a t atteint on a tendance avoir de moins en moins recours des tiquettes simplistes Nous sommes
307. te l auteur vis vis de ses personnages ainsi que son criture a chang L auteur s abstient d mettre des jugements sur les personnages qu il se contente de d crire avec une distance l g rement moqueuse Cette absence de jugement tient sans doute sa propre position dans le monde A la fois distanci et participant l auteur n est pas si diff rent de cette foule d individus qu il d crit Lui m me tant un individu incertain devant un monde incertain l auteur se garde bien d mettre des jugements cat goriques sur ses contemporains Dans la lign e des romans de l apr s Seconde Guerre mondiale les crivains impassibles poursuivent cette recherche d un r cit neutre qui d crirait le monde comme si l homme menac 162 ZHAO Jia L ironie dans le roman fran ais depuis 1980 Echenoz Chevillard Toussaint Gailly Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 158 175 n en laborait plus de supports intellectuels le percevait en amont de toute impression culturelle par un acte de conscience vierge et s prouvait alors comme pure pr sence dessaisi de ses pouvoirs d articulation mentale Blanckeman 2002 66s Cette g n ration d crivains commence crire au moment o le trauma de la guerre laisse peu peu place l euphorie et au d sarroi de la mont e de l individualisme La position de d sillusion voire de d nonciation chez leurs pr d cesseurs est substitu e p
308. teur de la narration ou du r f rent ne sont pas pour les auteurs cit s de l ordre de la reprise de pratiques jadis d cri es mais plut t des d placements d objet en m me temps qu un renouvellement des formes pour dire ces objets comme ils n avaient pas t dits Les nouvelles g n rations ont toutes comme dit Dominique Viart re u le soup on en h ritage un h ritage qu ils se sont appropri Et la force de la litt rature de ces ann es 80 sa richesse et son intranquillit tiennent au 12 AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 moins autant qu l mergence de nouveaux auteurs la pr sence toujours vivante et innovante des g n rations pr c dentes celle des anciens S Beckett N Sarraute M Butor C Simon et M Duras dont les uvres changent alors radicalement de statut deux sont reconnus internationalement par le prix Nobel une autre devient populaire mais aussi celle des a n s P Modiano JMG Le Cl zio G Perec qui meurt en 1982 mais dont l uvre prend de plus en plus d importance P Quignard et puis celle des nouveaux venus comme J Echenoz F Bon E Chevillard H Guibert P Michon P Bergounioux ou A Volodine etc Cette coexistence d uvres des stades d laboration divers produit un feuillet d esth tiques d une diversit remarquable tout en s
309. teurs le monologue int rieur visuel genre d licat qui vient la fois de Joyce de Beckett de Claude Simon mais plus haut d un certain Marcel Proust ibidem L impassibilit et le ludisme s affirment comme taxinomies consensuelles dans la critique litt raire pour rendre compte de ce nouveau style narratif Fieke Schoots en fera tout un filon critique et le Viart Vercier le reprendra pour son chapitre minuitard D ceptive dans ce qu elle raconte ou renonce raconter l criture se fait jouissive dans l nonciation elle d place les mots de leur contexte et fonde sur tel d entre eux un bref pisode narratif C est dire que la pulsion narrative se nourrit en grande partie d elle m me Viart amp Vercier 2005 389 nouveau on souligne les accointances cin matographiques de ces textes et rappelle que certains d entre eux firent m me l objet d une adaptation au cin ma comme La salle de bain notamment r alis par John Lvoff en 1988 cf idem 293 Pour Laurent Demoulin nous aurions plut t affaire chez ces auteurs une criture du pi tinement 1991 16 pi tinement du r cit autour d un personnage h sitant et irr solu Une description que d aucuns feront co ncider avec l criture pur e dite minimaliste ou blanche et dont rend bien compte La salle de bain de Toussaint ainsi que celle l uvre dans certains romans de Gailly Costa ou Oster Pour ce
310. tion du film souhaitait trouver un autre ennemi sans prendre de risque politique Le personnage id al serait un ennemi universel susceptible d tre ha par tous les spectateurs inspirant le d go t autant que la crainte De plus la fois parce que Rambo ne saurait se contenter d un seul individu affronter et parce que l essentiel du film se doit de comporter des fusillades et des combats de forte intensit dramatique il convenait de fournir au h ros un ennemi multiple une faction une petite arm e pas moins Cet ennemi ne devrait pas avoir de visage ni d individualit non plus afin d tre une partie volontaire d une masse criminelle ind fendable barbare L ennemi ainsi r duit des silhouettes mena antes pourrait donc tre tu sans tat d me superflu Sylvester Stallone pour ancrer son intrigue dans le r el et provoquer quelque cho dans l esprit du public se mit donc en qu te d un tel ennemi Quand je cherchais une histoire je ne voulais pas simplement faire un simple film d action ou quelqu un poursuivant des narco trafiquants choses que nous avions faites 177 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 auparavant J ai appel les Nations Unies et Soldier of Fortune Magazine qui sont vraiment inform s sur toutes les diff rentes guerres civiles et ce
311. tionnel le r le attribu au ludique et l ironie omnipr sente Selon Gamarra ce roman n aurait en commun avec le Nouveau Roman que l attention port e aux objets le d tail dans leur description et bien s r la maison d dition L expression Nouveaux Nouveaux Romanciers a n anmoins t cr e et elle servira d sormais classer Echenoz aussi bien que les autres romanciers de sa g n ration Sept ans plus tard en 1989 il est devenu clair que cette d signation ne sert pas caract riser le travail de ces auteurs car elle met en vidence ce qu ils pourraient avoir en commun avec la g n ration pr c dente plut t que ce qui les distingue C est alors la maison d dition qui intervient lorsque son directeur fait para tre une annonce publicitaire dans laquelle quelques romans de ces auteurs paraissent sous le titre de romans impassibles Cette tentative de promouvoir ses crivains en cr ant une nouvelle tiquette n a cependant pas le r sultat pr vu par J r me Lindon La pol mique clate tout de suite apr s lorsque l on associe l id e d impassibilit celle La Quinzaine Litt raire n 532 du 16 au 31 mai 1989 p 9 67 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 de manque de sentiments Malgr intervention de Lindon qui explique qu impassibilit renvoie plut t d
312. tiques de certains de ces soldats et paramilitaires leur h b tude leur cruaut m canique y renvoie en filigrane En revanche la mutation la zombification la perte partielle ou totale d humanit constituent l argument principal de l intrigue d un jeu Def les uvres de Romero George La Nuit des morts vivants Night of the Living Dead Independant 1968 USA Zombie Dawn of the Dead Laurel Group 1978 USA Le Jour des morts vivants Day of the Dead UFDC Laurel 1985 USA et bien d autres 190 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 vid o qui suscita sa part de pol mique Resident Evil 5 Pour l essentiel l argument pr te pourtant peu le flanc la critique le sc nario du jeu voit deux h ros un Blanc et une Noire batailler au milieu d une population africaine zombifi e par le r sultat de tests de substances chimiques destin es l industrie de l armement Les responsables de ces tests et les propri taires des entreprises d armement tant bien entendu des Blancs la m taphore sc naristique est claire et entre en r sonance avec d autres uvres traitant de l exploitation de l Afrique tel The Constant Gardener Toutefois si l argument de fond est clair le support pose un autre probl me En effet le joueur doit pour avancer dans le jeu abattre
313. tis de plus en plus friand de la vie de l autre et de plus en plus impliqu dans la vie culturelle gr ce sa participation dans les sondages d opinion les tables rondes sur des plateaux la t l vision ou des rencontres avec les auteurs dans des Foires du Livre Cet engouement pour le souci de soi tourn vers soi mais aussi vers le spectateur lecteur consommateur est comme signale Gilles Lipovetsky l une des caract ristiques fondamentale de ce qu il appelle la culture la mode m dia Lipovetsky 1987 242 L crivain va apprendre tirer profit de la capitalisation de sa propre exp rience pour s assurer une place favorable face au public milieu Goffman 1971 195 et aupr s du public interlocuteur en m me temps qu il devient de plus en plus et parfois son insu objet de consommation Grand nombre d crivains des ann es 80 notamment Annie Ernaux sont le reflet d une soci t en lutte contre ses propres archa smes Exemple l dition d Apostrophes la fameuse mission de Bernard Pivot qui allait avoir lieu 6 avril 1984 21h30 sous le titre de Jeunesses et au cours de laquelle Annie Ernaux allait intervenir pour voquer sa propre jeunesse s annon ait sp cialement en gros titres dans le num ro de T l rama du 28 mars 1984 et dans celui de T l 7 Jours du 31 avril 1984 140 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autof
314. tis le 3 f vrier lt URL http www politis fr Dino Egger d Eric Chevillard L 12907 html gt consult le 08 V 2012 KANTCHEFF Christophe 2012 La Roue recueil de nouvelles dr les et m lancoliques de Christina Gailly Politis 12 janvier lt URL http www leseditionsdeminuit fr f index php sp liv amp livre_id 2708 gt consult le 12 V 2012 KECHICHIAN Patrick 2011 Pourquoi y a t il de l tre plut t que rien La Croix lt URL http www leseditionsdeminuit com f index php sp liv amp livre_id 2661 gt consult le 03 V 2012 LAMBERTERIE Olivia 2010 Echenoz le courant passe Elle le 23 septembre lt URL http leseditionsdeminuit com f index php sp liv amp livre id 2647 gt consult le 03 V 2012 LAN ON Philippe 2011 Chevillard beurre oeufs nuages Ode un h ros qui ne s est pas donn la peine de na tre Lib ration le 3 f vrier lt URL http www liberation fr livres 01012317589 chevillard beurre ufs nuages gt consult le 03 V 2012 LAN ON Philippe 2010 Dans la brume lectrique Lib ration le 30 septembre lt URL http www liberation fr livres 01012293247 dans la brume electrique gt consult le 03 V 2012 LEBRUN Claude 2012 Christian Gailly ternelles histoires L Humanit 12 janvier lt URL http www humanite fr culture christian gailly eternelles histoires 487562 gt consult le 12 V 2012 74 FARIA Dominique La r cept
315. tivement notre auteur envisage de retracer son destin depuis le moment de sa conception jusqu celui de son d c s en mentionnant le cadre de la Belgique en train de vivre alors de profonds remaniements constitutionnels au niveau communautaire Sans doute peut on voir dans cette entreprise le reflet de cette remarque de Joanna Pychowska Les crivains belges sont presque tous contamin s par une qu te identitaire incessante les Belges peut tre plus que d autres citoyens sont pr dispos s se poser cette question existentielle qui sommes nous Pychowska 2007 9 Il faut signaler que le projet de livre de J Muno annonce une tape qui s inscrit harmonieusement dans sa carri re litt raire apr s la publication en 1976 de Ripple Marks livre virage dans l uvre munolienne par la f rocit de son texte Car cet autoportrait non d guis Andriat 1980 11 que constituait Ripple Marks significativement sous titr r cit et non pas roman repr sentait un r cit proche du journal intime Merlin 1987 32 l une des nombreuses voies du vaste domaine des crits caract re autobiographique En effet le narrateur avait l intention initiale de raconter au jour le jour ce qu il voyait sur la plage qui lui faisait face Cependant tr s vite cette r solution tait d vi e l observateur projetant sur l cran de sable la transposition de ses doulour
316. tivit elle accueille bras ouverts l clatement en le poussant l extr me Nous sommes face une nouvelle ironie qui se pr sente la fois comme h riti re et r novatrice de l ironie beckettienne Alan Wilde lui donne la qualifie d ironie suspensive qui accepte le 211 chaos sans se pr occuper vraiment de la question de l unit L autor flexion du texte L ironie dans le champ de la po tique contemporaine englobe par voie d extension presque tous les proc d s litt raires dits autor flexifs Le discours id al pour la postmodernit est le jeu du langage qui retarde l av nement du sens L ind cidabilit Pambigiit la polys mie le paradoxe sont autant de qualit s recherch es On a tendance avoir recours au mot ironie pour d crire le questionnement du langage sur le langage et cela pour plusieurs raisons Premi rement l ironie caract ris e par le rapport contradictoire entre les mots et les choses attire l attention sur l ad quation de l expression par rapport la r alit Deuxi mement l ironie en tant que cas de figure pr te facilement aux diverses interpr tations La double entente de l ironie peut tre saisie ou ne pas tre saisie ou encore tre mal saisie L instabilit du d codage de l ironie fait de celle ci une communication haut risque C est sans doute l ambig it du discours ironique qui rapproche l ironie de l ind cidab
317. tre de Recherches sur la Po sie Contemporaine Billi re Ed de Vallongues SACR James 1996 Viens dit quelqu un Marseille Andr Dimanche diteur VIART Dominique amp VERCIER Bruno 2005 La Litt rature Fran aise au Pr sent Paris Bordas 64 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 LA RECEPTION DES NOUVEAUX AUTEURS DE MINUIT 1980 2012 DOMINIQUE FARIA Un desA ores dominiquefaria O hotmail com R sum Jean Echenoz Jean Philippe Toussaint Eric Chevillard et Christian Gailly sont de jeunes romanciers que Jer me Lindon a d cid de faire publier dans les ann es quatre vingt l poque on a cherch des d signations pour les nommer cr ant ainsi un effet de groupe la fin du si cle plusieurs tudes sont publi es qui font le bilan sur le roman en France au vingti me si cle faisant un effort de s lection des auteurs m ritant d tre retenus et sugg rant des fa ons de les classer Cet article essaie de saisir comment le travail de ces auteurs a t con u des ann es quatre vingt au d but du vingti me si cle et propose une r flexion sur ce qui en est de la r ception de ces romanciers de nos jours Mots cl s Ecrivains de Minuit roman contemporain r ception ann es quatre vingt Abstract Jean Echenoz Jean Philippe Toussaint Eric Chevillard and Christian Gailly are yo
318. u d impuissance celle d tre acteur de son temps Or c est par cette d sertion m me qu il en devient l un des plus s rs repr sentants son corps atrophi faisant office d un loge de la faiblesse stigmate d un autre corps glorieux et ressuscit produit par l image De m me alors que beaut et performance sexuelle sont rig es en valeurs supr mes de la d cennie l auteur confesse dans Le Protocole compassionnel Veffroi dans le miroir et la perte du d sir Peinant se retourner dans son lit il avoue ainsi J ai impression que mes jambes sont des trompes j ai l impression d tre un l phant ligot Guibert 1991 11 La m taphore animale lourde de sens induit Pannihilation du symbole phallique Le retournement est d autant plus int ressant qu il s op re au sein de l uvre elle m me En effet nombre de r cits d Herv Guibert ant rieurs la maladie tels Des Chiens Les aveugles o Vous m avez fait former des fant mes c l brent travers une liste de protagonistes bien membr s les bats ma tris s homosexuels ou h t rosexuels La jouissance du jeune loup y est tel point centrale que certains critiques ne manquent pas de lire derri re cette obsession du m le une certaine misogynie normalisante La r daction de la trilogie signe donc galement un 2 tu 2 E 2 ER 10 tournant dans la repr sentation de la masculinit v ritable cr puscule du p
319. u t du texte nous est donc signal e d entr e de jeu par ce premier d calage parodique marqu dans son titre il s agit d un r cit de vie mais peu enviable la diff rence de la majorit des autobiographies qui pr tendent 1 Muno J in Moi je moi je moi je entretien d bat au sujet de l autobiographie anim par Anne Marie La F re avec J Muno et Pierre Mertens Rencontre des litt ratures belges Louvain la Neuve 26 02 1983 transcription personnelle d une bande enregistr e disponible aux A M L Voir la premi re partie du R pertoire pour servir l histoire de l autobiographie en France qui concerne les Auteurs n s avant 1885 class s selon l ordre chronologique par Philippe Lejeune Lejeune 1971 2003 75 93 Les titres des uvres y commencent le plus fr quemment par Vie de M moires de ou dans une moindre mesure certes Histoire de 118 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 offrir un exemple suivre ou du moins le t moignage d une personne digne d tre cout e Remarquons que pouvant se comprendre par hypallage le titre renvoie aussi une identit collective par l usage du gentil braban on qui de plus voque indirectement l hymne national belge la Braban onne Or il faut souligner
320. ue de recul qu implique le regard sur le contemporain Voir aussi sur ce m me sujet le colloque Fins de la litt rature Esth tique et discours de la fin organis par D Viart et D Rabat en 2010 Un premier volume dirig par D Viart et L Demanze est paru en juin 2012 Armand Colin AGLEIZE Jo lle Ann es 80 enjeux esth tiques et ditoriaux d une p riodisation Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 7 23 Sans doute les trente ans qui nous en s parent donnent ils plus d assurance certaines ceuvres contest es ou ignor es alors sont d sormais reconnues La pol mique des ann es 90 et les accusations longtemps port es aux romans fran ais qui seraient inaptes prendre en compte le monde ext rieur Todorov 2007 peuvent tre consid r es comme une querelle r currente et d su te Viart 2009 On a pu y voir juste titre l effet d une crise non de cr ation mais d appr hension Bessard Banquy 2009 due en partie l effacement des rep res dans le processus de l gitimation des textes C est avec le confort d un certain recul que le renouvellement litt raire de cette p riode peut donc tre envisag en essayant d viter les pi ges du sch matisme ou du dogmatisme qui menacent toute tentative pour raconter une histoire partir de ce qui est en cours Un certain consensus s est tabli un processus de l gitimation est en cours l un et l autre op rant de
321. ueur face des ennemis impressionnants dans des cadres toujours plus inqui tants font donc appel une imagerie la fois contemporaine celle des conflits civils d Afrique noire ses populations embrigad es par des pr dicateurs et des orateurs fanatiques pr tes basculer dans la sauvagerie et tr s ancienne d j peinte par Joseph Conrad de mani re aussi fascinante que probl matique Les clich s auraient la peau dure en quelque sorte et l arriv e de Redfield au village rappellerait vaguement celle de Marlow au camp de Kurtz l horreur s y devine plus qu elle ne se voit notamment de par le fait que le narrateur observe l essentiel des sc nes travers une longue vue t tes coup es ornant des poteaux troupes d tres humains des tres humains nus avec des lances dans les mains avec des arcs avec des boucliers avec des regards sauvages et des gestes barbares On peut galement noter le pouvoir d une parole quasi magique et incompr hensible forc ment barbare 22 Black Hawk Down Scott Ridley Universal 2001 A CONRAD Joseph Heart of Darkness 1899 p 100 Bantam Classic USA 192 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 176 198 pr sent s il ne leur dit pas ce qu il faut nous sommes perdus dit le Russe pr s de mon coude Je ne pouvais pa
322. une femme disparue de Roubaud Alix photographe Autre poete prosateur Emmanuel Hocquard diteur et traducteur de po sie pratique l hybridation des critures dans Aerea dans les for ts de Manhattan sous titr roman qui m le l ments autobiographiques et fictionnels Plac sous l ombre tut laire d un auteur de romans noirs Chandler d un po te objectiviste Reznikoff et d un philosophe Wittgenstein Un priv Tanger est aussi un livre de fragments de proses qui forment de courts chapitres dont certaines sont mises en page comme des textes po tiques d autres rel vent de l essai ou du r cit Dernier exemple de prosateur po te Marcel Cohen juxtapose des r cits plus ou moins courts ind pendants les uns des autres entre po mes en prose et nouvelles de Miroirs au Grand Paon de nuit ne ce sont des suites al atoires de textes brefs qui vitent toute subjectivit ou pathos et comme une proposition ouverte tendent pr server la libert du lecteur libert de circuler dans le livre et de construire un roman entre les textes Ainsi troitement li ce refus de s parer critures en prose et po tique l usage du fragmentaire l assemblage de textes courts et leur montage selon diverses logiques r unit un certain nombre d auteurs de la d cennie et cette pratique d criture se poursuit au del Il n est pas certain pourtant que dans les institutions l tanch it
323. une typologie du mal Au sommet de la pyramide sociale se trouve g n ralement le dictateur souvent ancien opposant au dictateur pr c dent ou des pr sidents refusant de quitter le pouvoir malgr leurs d faites aux lections Charles Taylor en Sierra Leone en est un exemple son ent tement conserver le pouvoir pris par la force menant directement nombre de massacres De m me Omar Hasan El B chir a fait r gner la terreur au Soudan 179 VILLATTE Rapha l Images de l ennemi Nouvelles et moins nouvelles figures du barbare et de la barbarie Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 176 198 Alternativement une vacance du pouvoir a pu mener aux m mes r sultats La Somalie a notamment t fr quemment repr sent e comme un no man s land politique abandonn des factions des clans et des chefs de guerre La r alit peut tre nuancer dans des r gions o le syst me clanique constitue le squelette plus ou moins visible du syst me social Les g n raux ont galement occup des postes particuli rement en vue comme toujours lors de tels v nements qu il s agisse de g n raux d arm e r guli re ou de g n raux auto proclam s de factions plus ou moins organis es Fait relativement nouveau certains m dia se sont trouv s en accusation lors des conflits notamment au Rwanda la Radio Mille Collines se rendant sinistrement fameuse en appelant au meurtre g n ralis des Tutsis Dans l ordre hi
324. ung authors whose novels J r me Lindon decides to publish in the eighties Back then some names were created to designate them thus creating a group effect As the end of the century approaches it s time to think over the twentieth century French novel Several studies are then published which make an effort to select the authors and suggest some ways to label them This article tries to seize how these novels were received in France from the eighties through the early twentieth century and to reflect on how they are thought of nowadays Keywords crivains de Minuit contemporary novel reception the eighties 65 FARIA Dominique La r ception des nouveaux auteurs de Minuit 1980 2012 Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 65 75 L histoire litt raire nous permet d appr hender des si cles de production litt raire de fa on intelligible et coh rente Pour ce faire elle regroupe les auteurs cr ant des coles et des mouvements litt raires qui souvent n taient pas per us en tant que tels par leurs contemporains notamment par les crivains qui les int grent Sans cet exercice de syst matisation la litt rature serait per ue comme une multiplicit d sordonn e et insaisissable de travaux individuels C est aussi l histoire litt raire qui nous permet de conna tre les tendances g n rales et cycliques sous jacentes la production litt raire comme celle qui dicte que fr quemment une g n rat
325. uparavant cet objet apparemment anodin diss min parmi d autres Il se leva et se dirigea vers le puzzle achev dont l inventeur lissait amoureusement la surface du tranchant de la main Les morceaux de cartons assembl s reconstituaient un tableau figurant une vaste galerie aux murs de laquelle taient suspendus une multitude de tableaux dont certains repr sentaient encore d autres tableaux la mise en abyme s arr tant l le peintre ne s tant pas aventur plus loin dans l embo tement des 102 MAC Marie Anne Le M ridien de Greenwich de Jean Echenoz ou l espace temps romanesque Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 97 109 repr sentations idem 140 Tristano explicite de l ext rieur ainsi l int r t pour le puzzle Mais il me semble que ce qui est important ce n est pas l image elle m me l image finie reconstitu e Une fois assembl e on ne doit plus lui trouver de l int r t Ce qui est plus s duisant c est que chaque fragment de cette image ne repr sente rien la plupart du temps Un fragment du puzzle c est informe c est abstrait c est presque identique n importe quel fragment et d ailleurs a pourrait faire partie de n importe quelle autre image idem 164 Le puzzle d voile une conception particuli re de la cr ation d ailleurs ne d clare t il pas C est un peu comme le langage ibidem Il est int ressant de rapprocher
326. ure fran aise perd progressivement la connotation nationaliste que lui apportait l histoire litt raire canonique et son ouverture d autres litt ratures en fran ais devient une r alit incontournable La reconnaissance des valeurs que ces litt ratures configurent et de leur autonomie face une pr tendue matrice fran aise poursuit leur l gitimation au long de la d cennie 17 Soulign par Vaillant 2010 travaux poursuivis actuellement par le philosophe du langage F Jacques Kristeva ann es 1960 et Todorov 1981 restent des r f rences incontournables pour la connaissance de Bakhtine 82 LAUREL Maria Herm nia A Conditions de possibilit de l histoire des francophonies dans les ann es 1980 quelques r flexions Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 76 96 Pourtant l un des premiers domaines o ce changement de paradigme semblait le plus naturellement attendu celui des tudes compar es vers lesquelles s taient d plac es depuis les ann es 1970 et 1980 les tudes francophones aux tats Unis se rapproche encore en France aux ann es 1980 de l histoire litt raire positiviste comme que le reconna t Compagnon en 1983 et ce en d pit de l largissement du corpus des auteurs trangers Pageaux 1994 10 C est en effet la perspective anthropologique euro et franco centr e dans la poursuite d un id al humaniste abstrait qui caract rise les publications comparatistes fran
327. us le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 m dicale Toute son uvre interm diatique est mise au service d un seul but s autofonder dans un fantasme de na tre soi m me Ce v u de soustraction transpara t d abord dans la relation complexe que le narrateur entretient avec ses parents affirmant Mon souci principal dans cette histoire est de mourir l abri du regard de mes parents Guibert 1990 16 Dans la logique de l anti fils prodigue qu est Herv Guibert la publication d un livre comme la diffusion d un film la t l vision permet de sortir du cercle intime pour chapper la r cup ration parentale en rompant publiquement le lien g n alogique L gotisme litt raire au sens de la trilogie s accompagne donc d une vacuation de toute instance d autorit contraignante qu elle soit parentale ou m dicale ce dernier geste trouvant de larges chos dans l histoire de l autobiographie Montaigne incarne l un des premiers partisans de l autom dication pr conisant dans ses c l bres Essais un traitement moral de la maladie physique par la ma trise des passions refusant les drogues m dicinales qu on cherche lui administrer De m me Rousseau p re pr sum de l autobiographie atteint de troubles urinaires affiche un discours anti m dical Alors que les m decins voient en lui un malade imaginaire et diagnostiquent une origin
328. uscitant chez les contemporains une certaine difficult percevoir ce qui est prometteur dans ces critures nouvelles Cela rend d autant plus remarquable le flair des diteurs capables de d celer les critures vives pour reprendre l adjectif de Nathalie Sarraute diteurs et cr ation d auteurs De cette image consensuelle de la litt rature de la d cennie merge une sorte de canon une s lection de noms d auteurs la constitution de laquelle tous les m diateurs et prescripteurs diteurs critiques et enseignants participent troitement Dans le cadre de cet article il est difficile de tous les prendre en compte et nous nous en tiendrons aux diteurs Le contexte ditorial se caract rise par la conjonction de trois ph nom nes le troisi me tentant de compenser les effets des deux premiers l acc l ration de la concentration ditoriale et de la surproduction une certaine crise de la lecture d une part et d autre part une politique volontariste d aide la culture du gouvernement de F Mitterrand 1980 est l ann e du rachat du groupe Hachette par Matra v nement symbolique du pouvoir pris par la logique industrielle pure sur l industrie du livre Les fusions d entreprises se multiplient en un mouvement de concentration qui va croissant et n a pas cess depuis Mollier 2002 Les p les ditoriaux qui appartiennent aux grands groupes Hachette Presses de la Cit sont menac s de d
329. vait voulu rester l cart de ce qui tait d j sa nature profonde la production industrielle capitaliste Debord 1988 56 Les ann es 80 voquent l apog e de la culture du moi m me si au d part l crivain n aspire plus tre reconnu comme un g nie des lettres et se contente de voir assouvi son droit et sa libert d expression et de cr ation Cet art de l existence repose sur le principe de souci de soi epimeleia heautou notion que Michel Foucault emprunta la philosophie de Platon et d veloppa dans ses cours magistraux au Coll ge de France de 1981 1982 r unis et publi s en 2001 chez Gallimard sous le titre de L Herm neutique du sujet Selon Foucault l criture autobiographique en g n ral et dans laquelle s inscrit Pautofiction est une pratique inh rente la culture de soi Foucault 1984 56 60 une culture o sont prioritaires et tr s valoris es les relations de soi soi de l individu avec lui m me il s agit proprement parler d une culture ou l individualisme tient une place pr pond rante Foucault d finit ce comportement partir de trois attitudes fondamentales 1 la premi re repose sur la consid ration de la valeur absolue attribu e l individu dans sa singularit et dans son degr d ind pendance par rapport aux institutions ou au groupe auquel il appartient 2 la seconde consiste en une valorisation 139 ROMERAL Francisca Les
330. vient symptomatique de voir les critiques accorder dans le courant des ann es quatre vingt de moins en moins d importance voire de pertinence pour P criture au fait que l crivain ait choisi d crire ici au lieu d opter pour lexil parisien ou fran ais Dor navant il ne revient qu aux seuls crivains de juger des motifs qui les poussent crire ici ou Paris sans que l on puisse en d duire un quelconque malaise identitaire exprim ou enfoui D sormais cet ancien choix corn lien indiff re les se 3 auteurs et les critiques Preuve que lici est d sormais un acquis mais rappelle Quaghebeur N en d plaise d aucuns nous ne sommes pas des crivains fran ais Quaghebeur 1996 ce dont la critique fran aise rend compte quand elle affirme comme Dominique Viart que Selon que l crivain publie la premi re dition de ses livres en son pays ou en France il ne se destine pas exactement aux m mes lecteurs Lorsque Jean Philippe Toussaint Am lie Nothomb ou Eug ne Savitzkaya font para tre leurs livres en France ils crivent l int rieur de la litt rature fran aise quel que soit le sentiment qui les attache la Belgique Viart amp Vercier 2005 8 ce qui n en demeure pas moins une perspective hexagonale sur les litt ratures p riph riques C est l aune de cette nouvelle approche positive et simultan ment indicielle des lettres belges de langue fran aise que nous
331. vier 1992 Paris Collection auteurs 49 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 34 50 HEATHCOTE Owen 1997 L rotisme la violence et le jeu dans Vous m avez fait former des fant mes in SARKONAK Ralph 1997 Le corps textuel d Herv Guibert Paris Lettres Modernes pp 189 211 KAUFMANN Vincent 1997 Geminga ou qu est ce qu un v nement litt raire Furor n 28 pp 3 24 KAUFMANN Vincent 2001 Herv Guibert avatars de la t l incarnation in OCHSNER Beate amp GRIVEL Charles 2001 Intermediale kommunikative Konstellationen zwischen Medien 10 T bingen Stauffenburg Verlag pp 185 197 KAUFMANN Vincent 2007 M nage trois litt rature m decine religion Villeneuve d Ascq Presses Universitaires du Septantrion LURIA Val ry 1985 La Chute de Babylone Paris Belfond MICHAUD Yves 2006 Visualisations Le corps et les arts visuels in COURTINE Jean Jacques 2006 Histoire du corps Les mutations du regard Le XX me si cle tome III Paris Seuil pp 431 451 MOULIN Anne Marie 2006 Le corps face la m decine in COURTINE Jean Jacques 2006 Histoire du corps Les mutations du regard Le XX si cle tome III Paris Seuil pp 15 71 MULVEY Laura 1975 Visual pleasure and narrative cinema Screen vol
332. voudrais crire une sorte d autobiographie fiction o je compte m offrir le luxe rare d tre la fois le t moin de ma conception et de ma naissance et celui toujours aussi int ress de mon tr pas dans la Belgique f d rale de demain De nouveau quoique plus discr tement l ironie pointe notamment travers le syntagme hyperbolique le luxe rare Nous remarquons aussi qu en parlant d une sorte d autobiographie fiction l crivain utilise presque le n ologisme autofiction forg par S Doubrovsky pour d signer son livre Fils publi quelques mois plus t t en mai 1977 Son projet correspondra en tout cas cette caract ristique soulign e par Estrella de la Torre et Martine Renouprez que Le r cit autobiographique r v le l existence de ceux qui les r digent mais d crit aussi le pays auquel ils appartiennent de la Torre et Renouprez 2003 11 Le soldat et mercenaire d origine allemande Rolf Steiner au parcours africain mouvement avait publi sa biographie un an avant M Morgan sous le titre Carr rouge Du Biafra au Soudan le dernier condottiere 1976 7 Lettre de J Muno J G Linze dat e du 28 09 1977 conserv e aux A M L correspondance J Muno J G Linze 115 MOREELS Isabelle Jeux parodiques munoliens entre autobiographie et autofiction l heure d une autre Belgique Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 110 135 Effec
333. vre que dans le p ritexte ditorial on pourrait affirmer qu Annie Ernaux se trouve dans le groupe des crivains monstres de l go auquel l crivain irlandais 152 ROMERAL Francisca Les ann es 80 et l panouissement de l autofiction Annie Ernaux ef alii Interc mbio 2 s rie vol 6 2013 pp 136 157 John Banville avoue appartenir En effet l uvre d Annie Ernaux repose sur la repr sentation de sa vie intime Vilain 2005 35 sur la r criture que Mich le Bacholle appelle r orientation Bacholle 2000 67 70 de quelques pisodes des quatre grandes tapes de son existence enfance jeunesse maturit pr sent o est constamment actualis comme le signale Siobh n Mcllvanney an emphasis on gender and female sexuality Mcllvanney 2001 49 et tout particuli rement the stigma Buckeye 1999 175 des barri res humiliantes de sa condition Ernaux 1997 49 La fracture sociale la paradoxale appartenance deux mondes celui des domin s et celui des dominants g n re chez Ernaux un tat constant de double bind qui se traduit par un tiraillement entre deux positions des inqui tudes et des int r ts de diff rentes origines qui est en fin de compte l une des particularit s des jeunes crivains de cette d cennie prodigieuse des ann es 80 Aujourd hui plus de trente apr s qu en est il de cette force in tranquil
334. x ditons originales accentue souvent Le livre The Location of Culture qu Homi Bhabha publie en 1994 n est traduit en fran ais qu en 2007 sous le titre Les lieux de la culture Une th orie postcoloniale par l diteur Payot le livre fondateur des tudes postcoloniales Orientalism publi par Edward Said en 1978 New York est traduit en fran ais deux ann es plus tard avec une pr face sign e par Tzvetan Todorov L Orientalisme l Orient cr par l Occident aux ditions du Seuil Il est par ailleurs int ressant de constater tel que la critique anglo saxonne le reconna t que des concepts d origine francophone circulent l int rieur de la th orie postcoloniale anglophone ignor s de la th orie litt raire fran aise des ann es 1980 La critique postcoloniale anglophone d couvre ses origines chez des penseurs poststructuralistes fran ais et chez des crivains francophones dont Frantz Fanon Aim C saire Edouard Glissant ou Raphael Confiant Tel que le consid re Alain Vaillant dans son livre intitul L histoire litt raire 2011 c est dans le creux d une histoire litt raire que ses postulats pist mologiques identitaires et sa configuration positiviste ne soutiennent plus qu mergent actuellement les tudes litt raires francophones il n en tait pas exactement ainsi pendant la d cennie dont nous venons de tracer les principales lignes identitaires Bibliographie 94 LAUREL M
335. xacte transposition la premi re personne de la parole biblique post r surrectionnelle sur laquelle se fonde toute la dimension testimoniale de l apostolat les ap tres reconnaissent le caract re divin du Christ gr ce la vision des stigmates du supplice C est alors qu ils le virent L pisode de la cave l instar de la logique de l entier de la trilogie prend la forme d un chemin de croix dont l ultime chapitre signe sa d livrance Nous l aurons compris jamais d cennie n aura produit d images si nouvelles et puissantes du registre m dical au pornographique du sport au cin ma au service d un imp ratif identique le spectaculaire Le champ litt raire n chappe pas l esprit du 48 CHRISTEN No mie Qui a peur d Herv Guibert La litt rature des ann es 80 sous le r gime des images Interc mbio s rie vol 6 2013 pp 34 50 temps Herv Guibert entend assurer sa post rit gr ce au pouvoir r surrectionnel offert par les diff rents dispositifs m diatiques qui se pr sentent lui une multiplicit de moyens assum e par le narrateur de la trilogie Se comparant dans un langage pa en cette fois un pharaon dans le tombeau d une pyramide avec sa propre image d multipli e qui en d signera l acc s ou au contraire le compliquera de d tours de mensonges et de faux semblants idem 113 il s agit bien pour l crivain de laisser son le
336. z Toussaint Deville et Oster Vercier Viart 2005 391 La g n ration pr c dente des auteurs Minuit n avait pu ou voulu viter l tiquette Nouveau Roman mais chacun avait d velopp son uvre selon sa logique po tique propre Et dans les ann es 80 il tait difficile de nier la singularit de chacun d eux Pourquoi ce d sir de regroupement Est ce le d sir de voir l histoire se r p ter La critique parle docilement de jeune g n ration Minuit l effet recherch est produit Plus tard elle parlera de litt rature minimaliste et l effet de groupe version molle de l cole litt raire renforc par les attentes de la critique et l int r t croissant de l universit est attest La force de cette identit ditoriale mat rialis e dans les livres et le go t des tiquettes a induit la recherche d une parent entre les critures d auteurs d une m me maison et parler d un style Minuit gt Peut on voir l un effet de la lecture et des choix de J r me Lindon Ainsi est soulign e la fonction de cr ateur d auteur de l diteur Car si tous les auteurs ainsi d couverts ne sont pas devenus des auteurs reconnus ou prim s 1ls ont tous construit une uvre qui gr ce l diteur et avec le temps a pu trouver son public Espaces ditoriaux intranquilles Il existe cependant d autres maisons d dition ou collections novatrices et il importe de ne pas

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