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1. l ments pr caires et d un r cit laconique toute une mati re fantasmer un v nement qui ne s est jamais produit Les puissances du faux forment un axe qui traverse toute l uvre de Farocki et trouvent dans Serious Games II un point d orgue particuli rement tonnant en op rant au sein du m me r gime d image la synth se entre r el et virtuel Dans ce village afghan o soldats et habitants semblent se c toyer toutes les strates pr c demment cit es se m langent Le r el des soldats qui participent un exercice sur le terrain afghan Les images d actualit l attaque soudaine au sein de la bourgade rappelle les reportages tourn s par des professionnels ou amateurs dans le vif de l action Le blockbuster hollywoodien tout 131 PARTI PRIS le village n est qu un d cor construit au milieu du d sert les habitants sont des figurants et l attaque est sc nari see Le virtuel les b timents sont constitu s de blocs des conteneurs ce qui donne l impression comme le dit Farocki lui m me que la r alit a t model e par tir d une simulation par ordinateur De multiples emboi tements qui amorcent un possible changement de para digme ou r el fiction et virtuel se confondent en un seul et m me agencement construction sans territoire d fini o l image ne renvoie plus qu sa propre immat rialit son immortalit son immanence L image elle m me et pour elle m me une forme d2. el Le primat de la vision Y s y trouvait alors mis en crise car les images relev es ici s av rent insituables et le reflet d une vision globalisante qui fait fi de tout attachement Le concept m me de reel tait lui aussi mis amp rude preuve engageant une r flexion passionnante sur la nature des images ainsi que la fa on dont elles s impriment vir tuelles ou non dans la psych des individus soldats spectateurs Serious Games installation expos e de f vrier 2014 janvier 2015 au Hamburger Bahnhof de Berlin venait poursuivre ce travail de questionnement sur les rapports entre images de guerre et virtualit en les poussant jusqu un point de friction d routant qui r v le toute l ambigu t des liens que nous entretenons avec le r el Serious Games se d cline en quatre vid os install es dans un espace sombre et minimaliste projet es sur des crans suspendus au milieu d une pi ce IMGI Dans l ordre de progression de l installation Serious Games Watson is Down met en sc ne des Marines dans une base californienne qui effectuent des manceuvres sur 1 A ce sujet lire l article de la philo sophe am ricaine post f ministe Donna Haraway Savoirs situ s La question de la science dans le f mi nisme et le privil ge de la perspec tive partielle in Manifeste cyborg et autres essais Broch 2007 httpy www staff amu edu pl ewa H araway 20Situated 20Know ledges pdf 126 le
3. d veloppeurs n ont pas pris la peine de doter les personnages et les objets d une ombre En dehors de ce que cela induit sur la hi rarchisation qui gouverne l la boration des deux logiciels l absence d ombre d voile un d faut de fabrication qui renvoie tel un domino entra nant tous les autres sa suite toutes les strates de la simulation vers leur caract re ontologiquement artificiel L ombre tant un l ment permettant d attester de la pr sence d une per sonne ou d un objet son absence met en doute la question de la corporalit qui ne repr sente plus qu une coquille vide de sens au sein de la technologie IMG2 Une interrogation tendue au champ du r el par Serious Games lll travers la figure de ce soldat traumatis par une op ration mal men e o il assistera la perte d un de ses camarades Le corps du soldat se voit prolong de lunettes de r alit virtuelle qui le projettent au sein de la simulation pendant qu une psychiatre l encourage raconter ce qu il a v cu Le corps du spectateur suit le m me mouvement de mise en abyme en un raccord regard soldat simulation mis plat sur l cran via le split screen et revit les v nements travers le r cit du jeune homme Tout ce qui appara t l cran se r v lera gr ce des applaudissements surgissant in fine en hors champ tre pur simulacre nous assistions une d mons tration de l utilisation du logiciel pour des th rapeu
4. film met jour des questions auxquelles se sont affront s d autres r alisateurs avant lui et nous avons eu envie de revenir sur quelques films plus anciens le c l bre C zanne de Jean Marie Straub et Daniele Huillet les films d Alain Cavalier sur Georges de La Tour et Bonnard Tableau avec chutes de Claudio Pazienza La Grotte des r ves perdus de Werner Herzog Marianne Alphant et Pascale Bouh nic quant elles dans un entretien amp propos de leur collection sur les his toriens de l art abordent tr s pratiquement la question de la reproduction Dix huit documentaires r cents sont analys s dans la rubrique Films dont plusieurs ont t d couverts lors du dernier festival Cin ma du r el Dans la rubrique Parti pris nous rendons hommage au cin aste allemand r cemment disparu Harun Farocki travers une analyse de son installation Serious Games 2009 2010 EDITORIAL Enfin deux ouvrages d auteurs de la revue sont pr sent s dans la rubrique A lire de Jean Louis Comolli et Vincent Sorrel Cin ma mode d emploi De l argentique au num rique 2015 et d Antony Fiant Pour un cin ma contemporain soustractif 2014 Catherine Blangonnet Auer Sommaire FILMER LA PEINTURE Introduction par Catherine BlangonnetAuer page 9 National Gallery Wiseman au del du cadre par Charlotte Garson page 13 Sur le motif Dani le Huillet Jean Marie Straub Peter Nestler par Benoit Turquety page 19 L
5. les mouvements de d territorialisa tion reterritorialisation op r s sur les objets qu ils soient absents de l installation les images d actualit auxquelles les quatre vid os renvoient inexorablement ou presents la simulation anim e par ordinateur Ce logiciel se r f re une r alit la guerre en Afghanistan que nous connais sons sans y avoir jamais mis les pieds travers les images fournies par les reporters de guerre Ces derni res s impri ment au sein de la psych de tout spectateur que nous sommes pour acqu rir une certaine autonomie comme un r el d tach de son territoire d origine A premi re vue on pourrait postuler que la simulation anim e par ordinateur d r alise quelque chose qui rel ve d j du virtuel du fantasme ceci pr s qu elle est bas e sur des donn es g ographiques pr cises chaque rue cha ne de montagnes ou arbre se veut l exacte r plique d un point v rifiable la surface de l Afghanistan La simulation resitue alors la g ographie du pays sur un point de neu tralit qui permet au spectateur et au soldat d en faire une exp rience nouvelle d tach e semble il des a priori D s lors l il s av re incapable de d tecter ce qui dans le logiciel rel ve de la construction ou du v ri fiable de la projection ou des faits Au sein de Serious Games il se trouve par exemple dans l impossibilit de d terminer entre l image de ces soldats s entrainant
6. sol de l Afghanistan tra vers une simulation anim e par ordinateur servant pour l entra nement Mont e en split screen la partie gauche de l cran nous montre les actions effec tu es par les avatars vir D JOUER LES FORMES DE DOMINATION tuels l int rieur de la simulation et la partie droite est consacr e au r el avec les soldats qui dirigent leurs personnages devant des ordinateurs Serious Games III et IV reprennent le m me dispositif o l image est scind e en deux Serious Games II Three Dead nous confronte en plein cran l irruption soudaine de la violence d une attaque au sein d une petite bourgade afghane o soldats et habitants du coin semblent tenter de cohabiter pacifi quement Serious Games Ill Immersion met en sc ne un soldat portant des lunettes de r alit virtuelle amp travers lesquelles il percoit et peut se d placer amp l int rieur d une autre simu lation anim e par ordinateur amp but th rapeutique Cette derni re reproduit les lieux d une operation amp laquelle il a particip sur le terrain et qui a mal tourn A ses c t s se trouve une psychiatre qui lui demande de reproduire le r cit de ce qui s est pass ce jour l et le pousse dans ses derniers retranchements dans le but de traiter ses troubles de stress posttraumatique Serious Games IV A Sun without Shadow met en balance la simulation r alis e pour les entrainements et celle but th rapeuti
7. sur des ordinateurs et celle de l op ration virtuelle qu ils DEJOUER LES FORMES DE DOMINATION m nent si l une des deux se trouve concr tement situ e li e amp des attachements reterritorialis e ph nom ne qui produit une prise de recul une remise en question spontan e instinctive des repr sentations habituelles de la guerre Se joue t elle devant l ordinateur l int rieur de la simulation ou sur un territoire lointain fantasm par le soldat et le spectateur De plus la multiplicit des regards face aux ordinateurs ceux des soldats est associ e un contrechamp unique et omniscient celui de la simulation o la camera peut tre orient e dans tous les sens ce qui ouvre en terme de point de vue situer un espace b ant qu aucune des deux images ne permet de combler Mais la reproduction virtuelle de ce territoire si elle permet de complexifier un agencement qui tiendrait du rapport h g monique au primat de la vision ne lib re pas pour autant de tout systeme de domination Elle reste un instrument de catalogage et de contr le du territoire r le assum traditionnellement par l arm e De plus sa fonction militaire est supplant e par la marchandisation de l espace au sein de la production du logiciel et par l acquisition de donn es g ographiques laquelle elle renvoie et implique toute une s rie de processus de stan dardisation que l installation de Farocki met jour p
8. Doc Images documentaires n 82 83 juillet 2015 National Gallery Wiseman au del du cadre par Sur le motif Daniele Huillet Jean Marie Straub Peter Nestler par Les plumes du paon Alain Cavalier filme Georges de La Tour et Pierre Bonnard par Le monde en peinture ou l hypoth se du tableau cadre cache propos de Tableau avec chutes de Claudio Pazienza par De l uvre au document entretien avec et propos de la collection Un il une histoire Danse avec les ombres La Grotte des r ves perdus de Werner Herzog par Films Parti pris Dejouer les formes de domination 4 propos de Serious Games de Harun Farocki par A lire Images documentaires n 82 83 juillet 2015 Avec le soutien du Images documentaires Revue trimestrielle publi e par l association Images documentaires Photo de couverture National Gallery de Frederick Wiseman EDITORIAL Sous CE TITRE filmer la peinture il est question des dif f rentes mani res invent es par le cin ma documentaire pour filmer les tableaux et non de l acte de cr ation lui m me Comment les r alisateurs arrivent ils non pas seu lement montrer les tableaux mais faire voir la peinture 2 Comment abordent ils cette operation esth ti quement contre nature selon la formule d Andr Bazin 2 Avec National Gallery 2014 Frederick Wiseman r ussit une magistrale d monstration des pouvoirs du cin ma L analyse de son
9. e domination d jouer d un geste pourtant simple que Farocki nous l gue ici en y jetant non pas un il mais un regard incarn et attentif Julien Marsa Serious Games I Il et IV Realisation Harun Farocki Image Ingo Kratisch Son Matthias Rajmann Montage Harun Farocki Max Reimann Jan Ralske Scenario Harun Farocki Matthias Rajmann Production Harun Farocki Filmproduktion Berlin avec le support de Medien board Berlin Brandenburg GmbH Bienal de Sao Paulo and KUB Kunsthaus Bregenz 2010 Video double pro jection 8 min x 3 Serious Games Ill Immersion Ernste Spiele IIl Immer sion Realisation Harun Farocki Recherche Matthias Rajmann Montage Harun Farocki Max Reimann Image Ingo Kratisch Son Matthias Rajmann Production Harun Farocki Filmproduction Berlin avec le support de Medien board Berlin Brandenburg GmbH Co production Jeu de Paume Paris Stuk Leuven 2009 Video double pro jection 20 min 132 Images documentaires www imagesdocumentaires fr DIRECTRICE DE LA PUBLICATION Marie Claire Amblard DIRECTION DE LA R DACTION ET ADMINISTRATION Catherine Blangonnet Auer Comit DE REDACTION Gerald Collas Charlotte Garson C dric Mal Annick Peign Giuly CONCEPTION GRAPHIQUE J r me Oudin Libermann ONT CONTRIBUE EGALEMENT A CE NUMERO Marianne Alphant Pascale Bouh nic Arnaud H e Julien Marsa Herv Nisic Rapha lle Pireyre Benoit Turquety Caroline Z au La revue est pub
10. er Revolution 1992 en passant par la photographie et le dessin Images du monde et inscription de la guerre 1988 la vid osurveillance Eye Machine 2001 2003 jusqu au domaine du virtuel Il est toujours surprenant de constater quel point l uvre d Harun Farocki qui reste relativement m connue en France malgr deux r trospectives au Jeu de Paume en 1995 et 2009 ainsi qu la Cin math que fran aise en 2002 claire de mani re fulgurante le regard que nous spectateurs pouvons poser sur le contemporain et sa profusion d images sans jamais que le cin aste ne vienne adopter une posture surplombante Avec War at a Distance 2003 et Serious Games 2009 2010 Farocki poursuivait une r flexion critique entam e par Feu inextinguible 1969 sur la guerre ses effets ses images et les technologies d velopp es par le complexe militaro industriel Mais il ne travaillait plus uni quement sur de l archive il tait entr de plain pied dans l re du virtuel trouvant dans ce nouveau territoire mati re 125 PARTI PRIS interroger l image et sa perception Ainsi dans War at a Distance en partant des images t l visuelles de la Guerre du Golfe 1990 1991 Farocki questionnait leur valeur de t moignage ainsi que leur potentiel propa gandiste tout en les mettant en balance avec celles de simulations g n r es par ordinateur virtuellement impos sibles amp distinguer de ce qui tait advenu dans le r
11. es plumes du paon Alain Cavalier filme Georges de La Tour et Pierre Bonnard par Charlotte Garson page 31 Le monde en peinture ou l hypoth se du tableau cadre cache propos de Tableau avec chutes de Claudio Pazienza par Arnaud H e page 39 De l uvre au document entretien avec Marianne Alphant et Pascale Bouhenic propos de la collection Un ceil une histoire page 45 Danse avec les ombres La Grotte des r ves perdus de Werner Herzog par Annick Peign Giuly page 57 F Lms page 61 PARTI PRIS D jouer les formes de domination propos de Serious Games de Harun Farocki par Julien Marsa page 123 A LIRE page 133 Introduction par Catherine Blangonnet Auer DANS CE NUMERO consacr la peinture nous n abordons pas le vaste continent des films sur l art qui la suite de Ceux de chez nous de Sacha Guitry 1915 ou du Myst re Picasso de Clouzot 1956 pour ne citer que deux clas siques du genre nous montrent le geste du peintre le peintre au travail dans son atelier En filmant la naissance d une uvre le cin aste esp retil saisir le myst re de la cr ation Ce qui est certain comme l crit ici Benoit Tur quety c est que le c ur de l affaire est dans ce que l on ne peut pas voir ce qui se joue entre l il et la main L autre mani re pour le cin ma documentaire d abor der la peinture est d affronter directement les tableaux Mais de quel droit s interr
12. int peut elle faire ressentir ce frisson devant l uvre ori ginale qu voque Marianne Alphant peut elle remplacer l exp rience de la rencontre r elle avec la peinture Alors que dans National Gallery c est la parole d une guide qui anime la peinture elle voque l exp rience sensorielle des contemporains d une peinture du XIV si cle expos e dans une glise la lumi re vacillante des cierges le scin tillement du reflet des ors dans le film d Herzog c est la cam ra qui anime les peintures la lueur des flambeaux une cam ra prise de vertige dans cette travers e du temps Pour Annick Peign Giuly Werner Herzog trans cende la d couverte arch ologique pour l inscrire dans une r flexion puissante sur la repr sentation humaine du monde et donc sur l art sur le cin ma Catherine Blangonnet Auer Serious Games DR D jouer les formes de domination propos de Serious Games de Harun Farocki par Julien Marsa L T DERNIER le documentariste allemand Harun Farocki nous a quitt laissant derri re lui une ceuvre imposante compos e de films et d installations l image c tait le nerf de la guerre pour Farocki qui n aura eu de cesse de la diss quer de la faire surgir pour mieux montrer ce qu elle renferme ce qu elle cache en l articulant sous diff rents r gimes de repr sentation de la parole Ein neues Produkt 2012 amp la vid o amateur ou profession nelle Videogramme ein
13. li e par l association Images documentaires Siege social 9 rue Monte Cristo 75020 Paris Administration et r daction 26 rue du Cdt Mouchotte K110 75014 Paris imagesdocumentaires gmail com Ventes en librairie et abonnements Dif Pop Pollen Diffusion T l 0140242131 mariechristine difpop com www difpop com Imprimeur Expressions II 10 bis rue Bisson 75020 Paris Dep t legal juillet 2015 ISBN 978 2 9549689 2 6 ISSN 1146 1756 Association Images documentaires Tous droits r serv s Reproduction interdite sans autorisation crite de l administration de la revue Bulletin d abonnement Images documentaires raison sociale adresse code postal ville pays t l phone Q S abonne pour 4 num ros partir du n en France 39 Etudiants 30 l tranger 48 Q Commande num ro s Prix au num ro 12 num ro double 18 Ci joint un reglement par cheque bancaire ou postal ou bon de commande administratif l ordre d Images documentaires envoyer Dif Pop 81 rue Romain Rolland 93260 Les Lilas
14. mer le tableau de Pieter Brue ghel Paysage avec chute d Icare Arnaud H e faisant direc tement r f rence Bazin pour qui le fait de cacher produit INTRODUCTION du visible d veloppe le postulat que Paysage avec chute d Icare est comme un lt cadre cache gt dont Tableau avec chutes d ploie un ample hors champ Il s agit en effet moins d un film sur l art que d une meditation sur la Bel gique contemporaine qui peut tre vue comme un hors champ s animant autour du tableau de Brueghel Dans son film sur Georges de La Tour Alain Cavalier travaillait sur des reproductions C est aussi le parti pris transgressif de Marianne Alphant et Pascale Bouh nic dans leur collection sur les historiens de l art R pondant la question comment devient on historien de l art leurs invit s ont choisi une douzaine d oeuvres leur permettant de jalonner un itin raire intellectuel Les tableaux appa raissent sous forme d images au format carte postale Deta ch e de l exp rience du mus e un rapport plus intime s ta blit avec l uvre Devant le tableau nous dit Pascale Bouh nic il y a une forme d intimidation alors que devant des reproductions la parole se lib re Annick Peign Giuly a choisi de revenir sur La Grotte des r ves perdus 2010 de Werner Herzog filmage en 3D des peintures rupestres de la grotte Chauvet La 3D dans ce cas particulier o l acc s direct aux peintures est res tre
15. n ma loin de d sacraliser la peinture peut tre aussi le seul lieu possible de la r union de tous les arts Cette interrogation sur les pouvoirs du cin ma face la peinture est au coeur du film dont le parti pris est sans doute le plus radical celui de Jean Marie Straub et Daniele Huillet C zanne Conversation avec Joachim Gasquet 1989 En le rapprochant ici du film de Peter Nestler Flucht 2000 Benoit Turquety d veloppe autour des th mes du portrait et du paysage une pens e sur les deux questions fonda mentales qui r unissent cin ma et peinture celle des tem poralit s et celle du regard Et il souligne aussi que ce que partagent Dani le Huillet Jean Marie Straub et Peter Nest ler c est peut tre avant tout un principe de modestie C est la m me modestie la modestie de C zanne devant les pommes 2 qui caract rise l attitude d Alain Cavalier lorsqu il refuse de se parer des plumes du paon en filmant les tableaux de Georges de La Tour ou de Bon nard Charlotte Garson montre que chez lui tout l arti fice du cin ma et m me du cin ma de studio est convoqu comme pour conjurer la naivet de reproduire en vid o ce qui fut un jour cr sur une toile Mani re peut tre de se d fendre avec ses moyens de cin aste de la jalousie fr n tique qu il confie ressentir quand il filme la peinture Dans Tableau avec chutes Claudio Pazienza invente mille et une mani res de fil
16. oge Andr Bazin dans son article fondateur Peinture et cin ma De quel droit d truire l unit d une uvre synth tique par essence pour op rer une synth se nouvelle qui n est pas celle voulue par le peintre forcer la percevoir selon un systeme qui la d na ture profond ment Mais apr s avoir reconnu que le cin ma ne vient pas servir ou trahir la peinture mais lui ajouter une mani re d tre il conclut c est peut tre dans la mesure m me o le film est pleinement une uvre et donc o il para t le plus trahir la peinture qu il sert en d finitive le mieux celle ci National Gallery 2014 uvre magistrale o Wise man convoque toutes les ressources de son art ach ve de nous convaincre des pouvoirs du cin ma documentaire Charlotte Garson l analyse ici non sous l angle du fonc FILMER LA PEINTURE tionnement de l institution londonienne mais pour la plon g e saisissante que ce documentaire propose dans les oeuvres En filmant la parole produite autour des tableaux Wiseman critelle trouble nos certitudes sur l vidence documentaire pourquoi aurionsnous besoin de mots alors que la cam ra filme de pr s les uvres Le parcours que nous fait vivre Wiseman dans ce film va des aspects les plus mat riels de la peinture aux plus abstraits dans la r ception des uvres II met sur un pied d galit l artiste et celui qui regarde l uvre Il nous d montre enfin que le ci
17. our en d monter les m canismes insidieux Dans Serious Games IV l instructeur passe par une s rie de menus d roulant autant d accessoires sacs blocs de ciment cannettes de Coca Cola et m me un chien mort et de person nages autochtones v tus de costumes Y vari s qui peuvent tre diss min s partout l int rieur de la simu lation Toutes ces modulations possibles induisent des typologies on serait presque tent de dire des d lits de 2 n est videmment pas anodin de faci s st r otyp es qui constater que tous les l ments au renvoient aux actualit s et sein de la simulation peuvent tre la facon dont elles nomm s en suivant la lettre le glos a A saire de la fiction cin matogra construisent la perception phique d un v nement d un ter 129 PARTI PRIS ritoire et a fortiori l image qu elles transmettent aux sol dats de la r alit d un terrain qu ils n ont m me pas encore foul En somme ces typologies orientent le regard pr sident l appr hension du r el par les soldats et valident des repr sentations pr fabriqu es Dans la suite de la vid o Farocki r v le le fondement de cette pens e manu factur e guidant la cr ation du logiciel en d voilant un l ment d une simplicit d sarmante et pourtant d une port e inestimable A l int rieur de la simulation but th rapeutique contrairement celle servant l entra ne ment les
18. que Le splitscreen oppose ici deux r alit s virtuelles mais met galement en sc ne un ins tructeur face l ordinateur qui explique comment il peut moduler tous les l ments personnages costumes acces soires d cors moments de la journ e m t o et cr er divers sc narios possibles d embuscade pour l entraine ment des soldats Il parait n cessaire de passer par cette tape labo rieuse de description de chacune des vid os car toutes se pr sentent en apparence pour quelque chose qu elles ne sont pas Il convient donc de restituer l exp rience du spectateur de l exposition qui se trouvera pris en d faut par chacune d entre elles afin de situer la logique la p dagogie avec laquelle Farocki pense son travail pour r ussir faire d jouer ces images Pour le cin aste 127 PARTI PRIS allemand se tromper tre tromp c est apprendre Au sein nos syst mes occidentaux normalis s o les parcours homologu s visent amp une excellence froide et institution nalis e et o l chec est v cu comme une inexorable d gringolade quoi de plus engag que cette p dago gie de l erreur Faire exp rience de l chec du doute comme moyen de fabriquer de la pens e Mettre en crise les parcours majoritaires les syst mes dominants com mencer par celui m me qui pr side la perception de l image le primat de la vision La toute puissance de l il est mise en crise dans Serious Games par
19. tes de 130 DEJOUER LES FORMES DE DOMINATION U S Air Force Ici les corps du soldat et de la psychiatre mentent tout autant que dans la simulation et nous interrogent sur la facon dont images d actualit block busters hollywoodiens et jeux vid os qui cherchent 4 reterritorialiser le r el sur le terrain de l immersion et du spectaculaire travaillent amp la cr ation d un imaginaire simplificateur o quelques signes pars servent pro duire une fiction trompeuse per ue comme r alit Il faut encore une fois en passer par le doute notamment tra vers des interrogations v cues via la corporalit afin de ne pas se laisser dompter par l image Car en revoyant la sequence tout en effet a l air trangement mal fagote les graphismes et textures du logiciel sont d une part gros siers et l on s aper oit qu il fonctionne mal et produit en quelque sorte des faux raccords entre les mouvements du soldat et leur retranscription virtuelle le ton d tach et monocorde de la psychiatre qui r p te machinalement que le jeune homme se d brouille bien fait froid dans le dos ou encore la mani re th trale avec laquelle ce Marine s appuie sur son arme pour reprendre ses esprits Et pourtant la premi re vision lorsque la partie gauche de l cran s assombrissait et faisait dispara tre les images de la simulation le spectateur prenait spontan ment le relais en reconstituant partir de ces
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