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1. Les vivants ne peuvent rien apprendre aux morts Les morts au contraire instruisent les vivants Francois Ren de Chateaubriand M moires d outre tombe c tait une maladie paliers un tr s long escalier qui menait assur ment a la mort mais dont chaque marche repr sentait un apprentissage sans pareil Herv Guibert Pami qui ne m a pas sauv la vie La Transaction Mais demain je s rai loin Alors dis moi dis moi vite Que tes mains ce sont mes mains Que mes yeux ce sont les tiens Tes mots les miens J m en vais tu pars Mais je sais qu un jour quelque part Une rue une gare On se retrouv ra comme hier Ensemble on vieillira j esp re Oh oh je voudrais que tu m enterres Oh je voudrais que tu m enterres Que tu m enterres Francoise Hardy Les dalles gris anthracite du port formaient leur puzzle immuable Elles luisaient parfois au d tour d un voilier dont les mats jouaient avec un soleil qui peinait a d chirer un ciel pluvieux Cette g om trie al atoire demeurait a la fois rassurante et source d angoisses elle montrait une fois de plus combien la m moire inscrivait dans le marbre des d tails insignifiants mais comme autant de rep res rassurants et elle confirmait le caract re fig de certaines choses Arthur connaissait ces dalles par coeur depuis son enfance Il les avait arpentees bien souvent au bras de son grand pe2. orfevre qu il s appliquait d abord lui m me cherchant obstin ment a savoir ce qu il avait dans le ventre Il tait pour cela capable de s infliger les pires tortures mentales de foncer t te baiss e dans le mur pour v rifier si cela faisait vraiment mal Il esp rait simplement tre pr sent apais oui c tait toujours le mur qui gagnait en d finitive il le savait Il fallait donc ruser le contourner l escalader le dynamiter qu importe Mais avancer Produire et non d truire Il se sentait pr sent l me d un b tisseur et se retrouvait devant les plans d une cath drale qu il imaginait majestueuse et immense Il se vidait de ce sable qui l alourdissait pour se donner la chance d entreprendre quelque chose de durable en apprenant du pass pour affronter son avenir
3. et qu il n avait pas revu depuis quelques mois Il respirait a pleins poumons cet air iod si particulier et que son odorat identifiait imm diatement Il avan a lentement vers l eau qui caressait doucement la berge Il la fixa son tour fascin qu il tait par ce spectacle perp tuel du flux et du reflux Le bruit des vagues achevait de I hypnotiser il tait arriv et le voyage en valait la peine L arc en ciel restait suspendu dans l air Arthur avait l impression qu en avan ant dans l eau il pouvait presque en saisir une jambe La nature semblait se d cha ner pour lui offrir cette carte postale unique Il marcha un peu en direction de l Est Sa main s empara du petit sac qu il avait gliss dans sa poche ext rieure droite et le serra fortement Arthur sortit l emballage et prouva le besoin de le presser contre son c ur en respirant tr s fort de sorte qu une l g re chaleur emplit sa paume Il tait apais heureux des larmes de joie au bord des yeux Il regarda la mer nouveau ouvrit le petit sac et prit une poign e de son pr cieux contenu dans la main droite Il la referma aussit t pour ne rien perdre et s avanca avec c r monie La mer tait calme sans agressivit comme si elle tait pr te recevoir l offrande qui allait lui tre faite Arthur s accroupit et tendit la main dans ce morceau de M diterran e Il prononca quelques mots et rel cha ses doigts de sorte que ce qu ils contenaient se
4. e bonheur des plongeurs amateurs Une crique se d roulait comme un croissant de lune d limit e par des rochers aux contours prenant des airs de monstres l gendaires Arthur y avait pour sa part discern la t te d un dragon repos e sur la mer les naseaux pr ts a cracher un feu d enfer le reste de la falaise pouvant aisement repr senter son corps en train de garder un crin pr cieux Arthur surplombait la b te et s appr tait marcher sur son pine dorsale Il s interrogeait depuis un moment sur le bien fond de sa venue avait il raison de choisir cet endroit plut t qu un autre Et ce voyage quasi clandestin sa nature tait elle propice a r parer tant d ann es d aveuglement d immobilisme Ces questions l angoissaient profond ment car il ressentait l instant comme grave important du moins Il pensait qu il ne devait plus se tromper au regard de ces onze ans pass s a tourner autour du pot La m t o continuait de jouer les apprentis sorciers Des nuages bas et pais se laissaient parfois d chirer par le soleil et la magie s installa soudain au dessus du dragon endormi un arc en ciel surgit avec une vigueur rare Le ph nom ne tait saisissant de beaut les couleurs avaient une intensit presque irr elle et les deux pieds s ancraient dans l eau calme de la crique Arthur fut d abord merveill par cette magie ainsi d voil e sous ses yeux puis il songea aux interrogations qui taient les
5. fitant du soleil et d une relative tranquillit un cocktail a la main Un v ritable clich qui l affligeait autant qu il l attirait C tait le mois d avril et la saison ne faisait que reprendre quelques terrasses de caf commengaient a germer a et la tandis que de vieux amoureux marchaient d un pas langoureux serr s l un contre l autre pour ne pas avoir trop froid De ces couples qui vous charment par leurs enlacements aussi puissants et sinceres qu aux premiers jours De ces couples qui vous font croire a l amour tout en vous questionnant sur son mode d emploi De ces couples qui semblent avoir d pass les preuves et le superflu pour ne garder que l essence m me de ce qui peut lier deux tres L t s annoncait dans quelques semaines mais pour l heure il fallait encore affronter les caprices printaniers Arthur retrouvait avec bonheur cette ambiance pr estivale qu il n avait pas connue depuis des lustres Il ressentait la vie qui reprenait lentement mais immanquablement avant l agitation fr n tique de juillet et d ao t La ville endormie sortait peu peu de son hibernation traditionnelle et tre t moin de cette renaissance lui procurait un plaisir imm diat gratuit La machinerie se remettait en route et il retrouvait l ambiance d un th tre o chacun s affaire afin de pr parer le spectacle s assurant que chaque d tail f t r gl au millim tre pres Un long spectacle de quelques mois en l occu
6. m la a l eau pour finir par disparaitre avec elle Le jeune homme sourit nouveau comme lorsque l on dit au revoir quelqu un que l on sait devoir quitter pour un long moment Il se releva et resta ainsi quelques minutes sourd tout bruit ext rieur seul avec l autre La plage demeurait d serte comme si le passage secret s tait referm derri re lui pour lui permettre de vivre ce moment dans une solitude n cessaire Il leva les yeux au ciel pour revoir les sept couleurs tincelantes sourit encore une fois et reprit le chemin de l escalier Il remonta tranquillement avec un sentiment de soulagement intense qui allait bient t c der le pas une grande fatigue Il quitta le dragon endormi chargeant la b te de veiller sur son nouveau tr sor et redescendit en direction du port La tension interne s vacuait doucement Dans un ultime r flexe il se retourna pour voir une derni re fois ce paysage enchanteur C est alors qu il vit l arc en ciel se dissoudre comme de l encre dans un verre d eau pour finir par dispara tre enti rement Ses yeux s embu rent une fois de plus il se mordit la l vre inf rieure et reprit la route Il avait tenu bon le rendez vous avait eu lieu Il souhaitait pr sent effacer ces ann es d incr dulit pass es errer dans des m andres destructeurs Il lui avait fallu du temps pour en arriver l Il s en voulait beaucoup mais quoi bon finalement Accepter que celui que vous aime
7. re ou pour aller retrouver des copains Petit il jouait avec en les imaginant fragiles comme autant de pi ges sem s l par un ennemi invisible qu il fallait viter a tout prix un jeu d equilibre incompr hensible aux yeux d adultes souvent trop prompts a oublier leurs premi res ann es mais dans lequel il risquait sa vie a chaque fois et dont il ressortait souvent vainqueur ll avait toujours besoin d inventer d imaginer de transposer le monde r el comme pour mieux appr hender la crainte incontr lable qu il lui inspirait Une raison qui pouvait expliquer la fascination qu imprimaient sur lui la science fiction les mythologies grecques et gyptiennes ou les h ros des comics am ricains Il aimait ces l gendes anciennes ou modernes qui m laient exploits chevaleresques conflits internes et qu tes initiatiques Et l enfant qu il tait se prenait souvent pour le Chevalier Noir ou un chevalier Jedi C tait en adulte qu il marchait aujourd hui sur ce sentier familier qui bordait les embarcations de saisonniers avides d embruns et d une libert achet e au prix fort Lui n avait jamais ressenti l appel du large ses rares exp riences de marin amateur s tant sold es chaque fois par des naus es atroces ll se surprenait cependant r ver parfois devant tel ou tel yacht dont la majest affichait une arrogance assum e et il s imaginait ais ment vautr sur le pont dans un transat en toile d un blanc cass pro
8. rrence Quelques coups de peinture par ci des bruits de marteau par la le man ge des serveurs qui initiaient le rituel quotidien de l installation des terrasses Il demeurait un fid le spectateur attentif aux nouveaux d cors et nostalgique des boutiques disparues Le principal port de plaisance conduisait a une zone technique ou les navires r v laient leur entiere nudit suspendus sur des structures m talliques comme des animaux pr historiques dans un mus um Un atelier a ciel ouvert aux odeurs qui vous agressent les narines v ritable enchev trement de metal et de bois L alignement de ces carcasses offrant leurs flancs aux promeneurs et aux ouvriers lui faisait penser a un cimeti re Il avait toujours eu du mal a comprendre comment certains flaneurs pouvaient y passer des heures enti res Il fallait quitter la promenade qui longeait cette sc ne particuli re pour atteindre les bords de mer Apr s quelques minutes de marche facile on quittait le bitume et la recompense s offrait aux visiteurs La vue qui s ouvrait alors devant vous vous saisissait a chaque fois par sa beaut presque sauvage une beaut inattendue dans ce paysage de b ton la M diterran e ondulait sous les rayons paresseux depuis S te jusqu aux c tes espagnoles Au plus pr s de la terre elle se colorait de jade en laissant apparaitre sa faune timide sa flore ondulante et des blocs de roches volcaniques immerg s depuis des si cles et qui faisaient l
9. siennes et il se mit sourire Il int riorisa l instant et reprit sa marche sans l ombre d une h sitation c tait bien l il ne s tait pas trompe L autre lui confirma instantanement son impression ils parvenaient a present a atteindre une certaine unite et ils en vivaient la une parfaite illustration Au milieu de l epine dorsale se trouvait l entr amp e d un escalier qui permettait de descendre sur la plage en contrebas L difice tait troit tres abrupt et presque difficile a trouver ce qui faisait toujours penser a Arthur lorsqu il tait gamin qu il s agissait d un passage secret A l epoque il passait ses vacances a d vorer les aventures du Club des Cinq et chaque d cor devenait pour lui une aventure en soi Il en avait ainsi imagin quelques unes notamment en contemplant le fort qui se dressait au large de la c te et qui devenait dans son esprit le repaire de dangereux contrebandiers que Claude et sa bande n auraient aucun mal a d busquer Il emprunta donc le passage cach pour arriver enfin sur le sable Celui ci tait d une couleur sombre trace des activit s volcaniques de la r gion et d un aspect gros et lourd le pied s enfongant profond ment a chaque pas Son avanc e abrupte dans la mer en surprenait d ailleurs plus d un qui se retrouvait avec la cheville ensabl e et de l eau jusqu aux genoux en une seule enjamb e Arthur prit d abord le temps d admirer ce qui l entourait
10. z vous ait quitt pour toujours n tait pas chose ais e il l avait compris depuis longtemps mais ne pensait pas qu il lui faudrait payer un tel prix Qu avait il fait de toutes ces ann es Pourquoi n avait il pas accord ne serait ce que quelques secondes tous ces signes qu il avait crois s et laiss s sur le bas c t La peur peut tre mais la peur de quoi De lui m me D tre enfin heureux Et que dire de lautre Il r alisait plus que jamais combien ce grand malheur l avait enferm dans une douce prison un repli venimeux inaccessible aux autres et qu il avait entretenu malgr lui La solitude qui avait t la sienne avait des atours charmants dont il ne percevait alors pas les revers Vivre chaque jour avec l image presque vivante de cet homme le rassurait mais r duisait a n ant toute nouvelle perspective Des fondations de sable qui d truisaient irr m diablement chaque nouvelle entreprise Ses pens es alternaient de regrets amers en certitudes plus constructives Un va et vient permanent qui le minait et auquel il d cidait de mettre un terme ou du moins d essayer Et quand les jours taient au grand beau temps il se surprenait a afficher sa fiert Il n tait pas le super h ros ou le chevalier de son enfance mais il cherchait sans cesse dans les replis de l humain la moindre p pite le moindre tr sor la mani re d un arch ologue acharn et convaincu de l utilit de son uvre Une besogne d
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