L`historien en robe de procureur : la notion de
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1. 6 Alles St ndische und Stehende verdampft alles Heilige wird entweiht und die Menschen sind endlich gezwungen ihre Lebensstellung ihre gegenseitigen Beziehungen mit n chternen Augen anzusehen Manifest der komm Partei 1848 162. et c est cette chose moderne inconnue du dramaturge anglais et impensable en son si cle que l crivain russe d signe sous le nom d id ologie La question pos e est celle du changement d chelle de l inhumain au 20 si cle changement issu de la rencontre de moyens techniques et de d lires eschatologiques d guis s en doctrines scientifiques Toutes les id ologies totales du si cle de gauche et de droite ont abouti cr er des vies inutiles elles ont l gitim le meurtre de mis rables par milliers et millions elles ont con u et justifi la terreur de masse elles ont pratiqu avec conviction les d cimations de populations enti res La question pineuse qui s ensuit dans ce paradigme de la mutation du bien en mal et sur laquelle il y a une biblioth que toujours grossissante de reconstitutions divergentes des donn es des encha nements et d argumentations contradictoires est celle de la responsabilit des id es r volutionnaires celle des utopies socialistes et galitaires issues des Lumi res celle de Marx ou des marxismes qui auraient trahi sa pens e ou de L nine et des seuls Bolcheviks dans la Trag die sovi tique L id ologie raciste des nazis conduit Auschwitz ceci est atroce mais logique mais 17 Pav dans l histoire 13 14 18 Critique de la raison 361 1 1 132 20 Malia Martin The Soviet Tragedy History of Socialism in Russia New York Free Press Toronto
3. tablir Telle est sa t che Le r quisitoire en forme ni le plaidoyer ni le prononc du verdict ne sont son affaire ni son r le Peut tre n est ce pas tellement l historien drap dans la robe du procureur ou du juge pronon ant verdict qui agace et indispose que la tendance inh rente quiconque accuse ou d fend de ne retenir que ce qui plaide pour sa cause et de mentir pour la bonne cause de droite ou de gauche ne serait ce que mentir par omission ou sous estimation de donn es qui affaibliraient son plaidoyer ou son r quisitoire Deux sophistiques compl mentaires se rencontrent somme toute qui d bouche sur une histoire con ue comme r quisitoire 1 La sophistique du soup on report l origine Dans son The Origins of Totalitarian Democracy 1952 livre qui a t de profonde influence sur les historiens des id es de langue anglaise du temps de la Guerre froide Jacob L Talmon remonte de Staline Rousseau via les socialistes romantiques op ration d encha nement r trospectif odieuse pour les progressistes comme pour les rousseau stes Pour Talmon il y a d j les ingr dients essentiels du bolchevisme et du stalinisme dans la doctrine d un Saint Simon qu il a dans le collimateur non moins que chez Rousseau Les historiens de l cole de Talmon qui font remonter le totalitarisme certaines id es de Rousseau certains projets tatistes et autoritaires de Saint Simon et l
4. Torquemada Bossuet Marat Robespierre se consid raient comme de doux philanthropes ne r vant que le bonheur de l humanit Redoutez les gens qui veulent votre bonheur ils sont capables de tout Pendant tout le 19 si cle le dialogue de sourds entre novateur et conservateur quant la beaut des Id es d mocratiques se scelle sur la preuve suppos e de leur nocivit par les crimes de la R volution Ainsi dans un dialogue saint simonien disputent en effet le Novateur et le Conservateur Le novateur Connaissez vous les Droits de l homme et du citoyen proclam s par les d mocrates de 89 36 Le conservateur Je connais les exc s de 93 et cela me suffit Les publicistes lib raux et anti socialistes du 19 si cle ont tout de suite per u et d nonc faisant ainsi la preuve aux yeux des esprits humanitaires de leur sc l ratesse inn e le paralogisme qui tire le rem de du constat du mal et de l attribution des maux multiples d une pr tendue Cause unique facile liminer il y a de la mis re et de l in galit avec la propri t individuelle donc il faut la supprimer et la remplacer par son contraire il y a des gens qui manquent de travail donc l tat peut et doit fournir du travail tout le monde La soci t est imparfaite elle est donc r formable elle est mauvaise de bout en bout elle doit subir donc une r forme totale d duite de principes contraires ceux qui la r gissent Si di
5. naturel n est plus per u comme un v ritable mal d sormais dans le sens qu il n indigne plus et n occupe plus les esprits Tout a chang depuis Voltaire le tremblement de terre de Lisbonne ne donne plus m diter mais l exploitation et le paup risme indignent Non seulement le mal est il social mais il n est finalement de mal que social La propri t la famille la cit crit express ment Pierre Leroux en dehors des maux qui nous arrivent par ces trois sources il n y a pas de mal pour nous car il n y a pas de mal r ellement humain hors de ces trois sources 9 un jour compl tement du monde Le mal ne vient pas de la nature de Dieu crit on cette poque il vient de la soci t et la soci t pourrait tre organis e tout autrement Si scandaleux que soit le mal social la conception qu on en procure lib re l esprit d un scandale plus d solant irr m diable que le mal serait au c ur de l homme et indissociable de ce monde terraqu Le mal social est au contraire doublement mal parce qu il existe d sormais un rem de global d couvert par un homme de g nie Il convient crit le fouri riste Victor Considerant de conna tre le mal pour d terminer le rem de mais il convient surtout de conna tre le rem de pour d montrer que le mal est d autant plus criminel qu il ne tient qu une mauvaise organisation de la soci t une organisation qui ne rend heureux que de
6. s crime d instigation et d incitation criminelles ce qui diront certains caract res atrabilaires pourrait tendre les foudres de la loi sur peu pr s toutes les id ologies extr mes de droite comme de gauche des deux si cles modernes En termes de morale courante on rencontre une aporie Y a t il une thique concevable des croyances des convictions et des argumentations Est il mal de croire la Conspiration des Sages de Sion la Sup riorit de la race aryenne ou aux Lois de l histoire et aux Lendemains qui chantent Y a t il des convictions criminelles et des formes de raisonnement moralement coupables La question n est gu re pos e et elle est souvent cart e du revers de la main Elle ouvre sur trop de difficult s Si elle est pos e elle ne l est que face aux id ologies que j ai des raisons avec tout le monde de d tester d avance Des raisonnements stupides cela se con oit mais des convictions sc l rates ce serait comme des id es vertes une impossibilit s mantique Seulement ce rejet conduit droit une aporie comment des raisonnements et des conceptions qui seraient innocents par essence ou par essence en dehors du bien et du mal serviraient ils justifier tout coup des actes inhumains Comment des croyances qui rendent innocents et m me recommandables des actes inhumains ne seraient elles pas coupables en elles m mes Massacrer les Arm niens les Juifs les Gitans
7. Maxwell Macmillan 1994 qu est ce qui en termes d id es conduisait la terreur bolchevique au Goulag aux exterminations staliniennes aux massacres r p t s et grande chelle de pauvres h res mu s en opposants M tamorphose inopin e Le philosophe catholique Waldemar Gurian dans les ann es 1930 anti communiste il va sans dire parlait encore de la m tamorphose d une id e intrins quement bonne celle du socialisme en un r gime atroce la doctrine s est transform e en devenant au lieu d utopie d avenir justification du terrorisme et de la privation de tout droit de l individu en face de l tat de parti Mais cette m tamorphose inopin e restait comme telle inexplicable La question peut para tre na ve mais elle est revenue de nos jours Pourquoi le communisme moderne apparu en 1917 s est il presque imm diatement rig en dictature sanglante puis en r gime criminel cette bonne question sans r ponse il est videmment possible pour des penseurs de droite d mettre au contraire l hypoth se d une cons cution logique ou d un potentiel malfaisant bien d tectable dans les projets initiaux et les id es et peut tre en largissant dans toue la modernit politique s culi re la t te de l tat sovi tique se trouvait un groupe d id ocrates anim s par une doctrine sp cifique et un projet qui a caus d immenses malheurs il semble de bonne m thode de sonder cette
8. all the reasons for the collapse of communism the most basic was that it was an intrinsically nonviable indeed impossible project from the beginning Syst me qui a cherch par la terreur et dans la p nurie perp tuelle dans la mis re mat rielle et morale de trois g n rations faire fonctionner une impossibilit pratique jusqu la ruine inclusivement Autrement dit la responsabilit all gu e de l id e serait ins parable du caract re irr aliste chim rique et livresque d une bonne part de la modernit issue des Lumi res Formulation plus moralement paradoxale encore D livrez nous du mal Le paradoxe accablant de la modernit tout enti re reviendrait trouver la source premi re du malheur du 20 si cle non seulement dans des id es cens es rationnelles bienveillantes et mancipatrices mais dans le projet m me de d livrer le monde du Mal Car c est ceci cette volont que tout remonte et qui au d but du 19 si cle tait une id e neuve en Europe Le socialisme s est d fini d embl e vers 1830 comme le Rem de enfin d couvert qui allait d livrer d finitivement et d un seul coup les hommes du mal social Q Qu entendez vous par socialisme R La doctrine qui veut par la mise en pratique de la loi humanitaire faire dispara tre de la soci t les maux qui la d chirent Une religion de la R volution est n e dans l apr s coup de 1789 non com
9. dans la plupart des cas une intention pol mique jointe un engagement personnel une pr sence d un sujet qui juge et interpelle ses contemporains par pass interpos L historien des id es avoue m me parfois partir de ce qui dans l actualit et dans son v cu stimule et oriente son travail de r interpr tation du pass Nul n a exprim ceci plus clairement que Fran ois Furet au d part de son tude de l historiographie de la R volution fran aise au 19 si cle tude qu il avouait indissociable de sa r pudiation du totalitarisme sovi tique Aujourd hui le Goulag conduit repenser la Terreur de 1793 en vertu d une identit dans le projet L imputation de responsabilit quasi p nale de certaines id es tir e de leur application Les grands historiens des id es au 20 si cle partent tous de l horreur d un fait historique horrible priori inexplicable dans son horreur et son inhumanit m mes les Guerres mondiales la Terreur stalinienne le Goulag la Shoah pour se demander quelles id es les portaient en germe quelles id es et quels propagateurs d id es ont jou un r le d incitateur et d instigateur de justificateur d approbateur des grands crimes du 20 si cle Ils se mettent en devoir de pourchasser en amont la gen se de l Id e avec les risques de moralisation anachronique ex post facto et d imputation abusive de complicit s avant le fait que cette d ma
10. des id es modernes n est pas quelqu un install dans une proverbiale tour d ivoire un clerc au dessus de la m l e d o le caract re hybride d entreprises parmi les plus appr ciables les plus perspicaces et novatrices dans le secteur entreprises toutefois o l effort d objectivation rudite le dispute la position subjective et engag e dans un combat intellectuel difficile qui est celle du pamphl taire position de discours que j ai d crite comme celle de la v rit solitaire et courageuse face l imposture triomphante 37 Cit par Boilley Paul Les trois socialismes 52 38 Les anti Lumi res Paris Fayard 2006 495 3 L illusion populiste Essai sur les d magogies de l ge d mocratique Berg 2002 R d Flammarion 2007 40 z a Voir par ex Les contre r actionnaires Le progressisme entre illusion et imposture Paris Deno l 2007 11 Une d marche carter comme absurde et de mauvaise m thode Je crois en fin de compte qu il faut r solument rejeter la tendance irr sistible chez certains historiens et non des moindres discuter des penseurs et des id es de jadis en termes de complicit avant le fait Il faut contrer la tendance compl mentaire muer les encha nements tortueux des g n alogies intellectuelles en un d terminisme de pente fatale aper ue posteriori et la propension r primander des imprudences et des complicit s by hindsight c est
11. doctrine et de questionner son caract re ostentatoire mais peut tre trompeur d utopie d avenir vou e au bonheur de l humanit La capacit et la volont de contr le total de la soci t par l tat parti bolchevik l intensit de la terreur et de la r pression ont beaucoup vari de L nine Staline Brejnev Gorbatchev et c est ce qui rend l application sur toute la dur e 1917 1991 du concept controvers de totalitarisme discutable Mais le fait que la raison d tre de l tat sovi tique tait de r aliser tout prix un projet d termin de transformation de la soci t un projet fond sur des id es est inh rent son histoire de 1917 1991 Le terme d id ocratie avanc par Martin Malia prend son sens ici Partout o s est tabli un r gime communiste les m mes th ories ont d bouch sur les m mes sortes de liquidations d portations massacres oppression polici re et terreur Quelle responsabilit demandent certains historiens de droite porte Karl Marx dans le caract re sanglant et r pressif de tous ces r gimes sur tous les continents qui se sont r clam s de lui Jusqu quel point les r sultats impr vus d un projet suppos mancipateur ne sont ils pas sans quelque rapport avec certains l ments de cette pens e ls original Marxism to any degree accountable for the despotic character of the Marxist Leninist party regimes in the various parts of today s
12. en subsistent les s quelles et des cendres encore chaudes qui pourraient se raviver D autres historiens des id es au premier chef les fameux et rudits adversaires de l historicisme des temps de la Guerre froide Karl Popper 1 Berlin J Talmon Karl L with Eric Voegelin dont les travaux restent toute critique due de grands mod les heuristiques avaient compris leur t che comme un combat acad mique certes mais combat souvent brutal et susceptible de leur faire d irr conciliables ennemis contre des id es totalitaires mena antes dont l historicisation tait susceptible leurs yeux de saper l autorit et les pr tentions Pour Isaiah Berlin par exemple L nine et Staline taient les h ritiers directs de Rousseau t lescopage historique dont le bl me Sternhell dans son r cent Anti Lumi res Sternhell parle dans ce contexte de la Guerre froide de campagne contre le communisme par Lumi res fran aises interpos es Non moins convaincu de poursuivre la fois un travail intellectuel rigoureux et une t che civique d hygi ne intellectuelle de d nonciation de certaines impostures qui tiennent le haut du pav t che o il y a des coups prendre un Pierre Andr Taguieff face la fois l llusion populiste et une perversion son sentiment de la gauche fran aise en des anti racismes et anti fascismes qu il veut montrer instrumentalis s et fallacieux L historien
13. est encore en bonne partie l tape de la confusion des probl mes Le topos de Marx se retournant dans sa tombe est un lieu commun des chercheurs lib raux qui tout en condamnant les applications veulent pargner l auteur du Capital Karl Marx would have found very little in the political culture and political institutions of Cuba China or Russia that he could identify as Marxist etc etc Sans nul doute Seul Leszek Ko akowski le grand historien polonais du marxisme s efforce de poser la question dans des termes susceptible d une r ponse qui ne soit pas de pure confusion sophistique de la chronologie de la dur e et des niveaux Le syst me stalinien a t il sa source chez Marx ou dans quelque aspect de sa pens e ou bien trouve t on au contraire chez Marx et on le trouve ais ment la r pudiation anticip e du stalinisme du totalitarisme Marx se serait il retourn dans sa tombe etc Autant de formulations qui sont sans int r t parce que sans r ponse possible Pour Leszek Ko akowski la seule question bien form e est la suivante qui porte sur l applicabilit et il avance sa propre r ponse Was every attempt to implement all basic values of Marxian socialism likely to generate a political organization that would bear marks unmistakably analogous to Stalinism I will argue for the affirmative answer Le proc s des utopies Le 1er janvier de l an 1800 Robert Owen ouvrait New Lanark en cosse une manufa
14. et Marx Mat rialisme dialectique et mat rialisme historique de Joseph Staline en passant par l indigent corpus du marxisme l ninisme issu lui m me du rab chage doctrinaire et pinailleur de Vladimir Ilitch C est une r gle sceptique qu nonce R gis Debray toute transmission est trahison toute pens e qui d bouche sur la sph re publique qui est absorb e dans les luttes politiques qui s empare des masses devient rapidement un contresens g n ralis C est comme a et il est vain de vouloir venger la pens e trahie on conna t les vains retours Marx retour Freud et il s en moque il ny a pas lieu de se lamenter devant l in vitable Platon platonisme et n o platonismes Rousseau rousseau sme et jacobinisme Marx marxismes de tous genres ce sont des histoires de malentendus de d perditions de contresens de t l phones cass s de sorte que les id es certes jouent un r le dans l histoire comme on le r p te mais les id es qui y jouent un r le ne sont jamais l id e de d part Avatars D perdition plus pr cis ment tout commence en mystique et finit en politique tout commence en pens e subtile et finit en simplismes et en slogans quoi s ajoute pour accro tre la confusion un fameux paradoxe venu justement de Karl Marx les hommes qui font l histoire ne savent pas l histoire qu ils font et cependant l id e qu ils se font de ce qu il faut faire et de qu
15. idolisation romantique de l Histoire au messianisme r volutionnaire ne disent bien entendu jamais en une pol mique sommaire Rousseau Goulag mais l id altype transhistorique de totalitarisme pr tend retracer de proche en proche une origine et il transf re le soup on l origine La topique de l encha nement sert en effet construire un concept dans l histoire c est dire toujours jusqu un certain point d shistoriciser Les historiens doivent se refuser ces r quisitoires r sultant d encha nements grandes enjamb es qui imputent moralement de complicit avant le fait des pens es origin es de plusieurs g n rations en amont Philippe Lacoue Labarthe et Jean Luc Nancy le disent aussi bien et mieux que je pourrais le dire Le nazisme n est pas plus dans Kant dans Fichte dans H lderlin ou dans Nietzsche tous penseurs sollicit s par le nazisme il nest m me la limite pas plus dans le musicien Wagner que le Goulag n est dans Hegel ou dans Marx ou la Terreur tout uniment dans Rousseau Le r gime de Mussolini et celui de Hitler ne sont pas dans Maurice Barr s chantre de la Terre et des morts Si on peut s amuser un instant un raisonnement par fiction il n y a aucun doute que le nazisme aurait fait horreur cet esprit d licat et minemment germanophobe ici n est pas la question et ceci devrait tre vident Sans doute ce constat n interdit il pas du to
16. les Koulaks est mal mais les raisonnements qui ont conduit montrer ces massacres comme n cessaires h ro ques et vertueux seraient eux hors du bien et du mal Ils seraient tout au plus bien ou mal fond s et encore ils ne pourraient tre jug s mal fond s que d une logique diff rente de celle qui les recommande comme excellents Si pour un individu et pour sa famille id ologique ses actes sont pleinement justifi s par ses convictions et que je juge ces actes monstrueux comment ne pas le juger coupable d entretenir de telles convictions Car nous bl mons l ultra nationaliste serbe l antis mite le stalinien le Khmer rouge et l islamo fasciste pour des actes qui de leur point de vue ne furent et ne seront nullement bl mables puisque leur logique et leur conscience les conseillent et les approuvent les exaltent m me Origines du fascisme et du nazisme dans des Id es On constate une tendance marqu e de l historiographie contemporaine celle de mettre de l avant beaucoup plus que jadis le r le des id es et leur responsabilit dans les crimes totalitaires du si cle pass et notamment l encontre de la tradition historienne en ce domaine dans les mouvements et les r gimes fascistes L tude du fascisme italien a t longtemps retard e par le pr jug des historiens antifascistes pour qui le fascisme n avait pas d id ologie ou trop sommaire et absurde pour m riter d tre tudi e le fas
17. les cat gories du droit permettant une rigueur technique dans le jugement et une comparaison jurisprudentielle D autres historiens au contraire sans surprise ce sont dans le pr sent contexte des adversaires politiques de cette histoire lib rale des crimes du communisme soutiennent que des cat gories juridiques ne sauraient s appliquer des v nements historiques que l historien en robe de procureur abuse en quelque sorte de sa position La question de cet essai est de savoir s il revient l historien de faire comprendre ou bien de condamner si en rev tant la robe de procureur il ne se trompe pas de r le C est cette controverse complexe portant sur un enjeu probl matologique et m thodologique fondamental que je consacrerai ces quelques pages Peeters Paul Les aphorismes du droit dans la critique historique Acad mie royale de Belgique Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences Morales et Politiques 5e s rie tome 1946 81 116 Les aphorismes du droit dans la critique historique 5e s rie tome 1946 erratum 279 Comment par Carlo Ginzburg Un seul t moin Paris Bayard 2007 29 Du pass faisons table rase St phanie Courtois et al 238 Une motivation r pandue le travail de l historien inspir par un compte r gler Les historiens des id es ce sont ceux auxquels je vais me rapporter principalement dans les pages qui suivent sont des chercheurs dont les
18. r el Le communisme est il criminel La question peut sembler oiseuse un rien provocatrice Et les millions de morts cons cutifs la r volution sovi tique Et le massacre des marins de Cronstadt par Trotski en 1921 Et la famine organis e pour r duire la r sistance d une grande partie des Ukrainiens la sovi tisation en 1932 1933 etc etc Comment donc oser mettre en doute cette criminalit vrai dire qu une effroyable h catombe humaine soit li e l histoire du communisme n est plus en cause mais la nature du lien entre le communisme et cette h catombe le communisme en est il responsable Reste savoir quelle place assigner ces crimes horribles massifs et syst matiques Dans l optique du Livre noir le communisme en est comptable Dans celle de ses d tracteurs le communisme est certes souill de sang mais son corps d fendant L enjeu du d bat est bien r sum Est ce qu un r gime fond sur une id ologie d termin e doit tre jug ses uvres et son id ologie avec lui ipso facto est ce que les r sultats toujours affreusement semblables des r gimes id ocratiques jugent les convictions des acteurs et mettent en cause l id al des partisans Le probl me de l interface ambigu historico thico juridique n est pas celui de certaines id es de jadis qui appelaient litt ralement et sans effort herm neutique la r pression la haine de l Autre la pers cution il
19. world Comme telle ce genre de question directe bipolaire et simpliste et la r ponse virtuelle qu elle comporte sont videmment sophistiques Plusieurs objections du moins viennent l esprit L id ologie dite marxiste tait h g monique et officielle en URSS mais les institutions les valeurs sociales taient elles cependant inspir es par quoi que ce soit venu de Marx sinon au sens le plus superficiel La source principale du despotisme sovi tique est elle au reste russe ou marxiste ou issue de la convergence fatale des deux version d Alain Besan on Le pr tendu marxisme sovi tique est il quelque chose comme la rencontre inattendue entre une doctrine rationnelle occidentale et une mentalit irrationnelle russe C est ce que semble dire un historien russe Michel Heller dans La machine et les rouages la formation de l Homme sovi tique en faisant tat de lincroyable r ceptivit des Sovi tiques l irrationnel d s lors qu il rev t une apparence scientifique Par ailleurs comment affirmer la fois la toute puissance n faste de l id e marxiste l niniste en URSS et la th se qui est celle de Leszek Kolakowski et de tous autres historiens aujourd hui selon laquelle Gurian Waldemar Der Bolschewismus Einf hrung in Geschichte und Lehre Freiburg iB Herder 1931 e Bolshevism An Introduction to Soviet Communism Notre Dame IN Notre Dame UP 1952 Le bolchevisme Introd
20. Books 2005 Tholfsen Ideology 105 7 P Milza in 20 si cle 100 2008 8 Voir notam Zunino Pier Giorgio L ideologia del fascismo Mito credenze e valori nella stabilizzazione del regime Bologna Il Mulino 1985 Gentile Qu est ce que le fascisme Histoire et interpr tation Paris Gallimard 2004 10 La d finition du fascisme g n rique autour de laquelle est cens s tre tabli de nos jours un certain consensus dans le monde anglo saxon est celle de l historien britannique Roger Griffin leader de la Fascist Studies School Elle pr tend extraire un noyau mythique constant en scotomisant des fins heuristiques les variables revendications nationales et variables rationalisations scientistes et historicistes qui l enrobent Fascism is a genus of political ideology whose mythic core is a palingenetic form of populist ultra nationalism Griffin Roger et Matthew Feldman dir Fascism Critical Concepts in Political Science London Routledge 2004 I 272 D finition compl te dans The Nature of Fascism London Routledge 1993 44 4 Il en va de m me pour les historiens du nazisme avec l importance grandissante qu ils accordent l id ologie et la singularit sc l rate de celle ci James Rhodes tudie The Hitler Movement comme Modern Millenarian Revolution In the tradition of Eric Voegelin and Norman Cohn crit il I think that the National Socialist ideology should be seen as a mor
21. Marc Angenot Chaire James McGill d tude du discours social McGill University Chaire Perelman de philosophie du droit th orie de l argumentation et histoire des id es l Universit Libre de Bruxelles 2011 12 L historien en robe de procureur la notion de responsabilit morale juridique chez les historiens Pour les M langes Guy Haarscher Qu est ce que la philosophie du droit Liber amicorum Guy Haarscher Bruxelles 2011 Le droit et l historiographie partagent des paradigmes fondamentaux celui de la recherche de la v rit sur des faits du pass celui de l enqu te de la pr sentation de pi ces conviction du t moignage et de son valuation selon la sorte de jurisprudence qu on nomme critique historique celui des preuves enfin mais il est aussi g n ralement admis que les principes juridiques ne peuvent pas tre transf r s tels quels dans la recherche historique que les exigences en mati re de preuve notamment n y sont pas de m me nature et que l historien n est pas cens au bout de sa reconstitution des faits si incriminants soient ils passer jugement ni formuler un r quisitoire ou un plaidoyer d acquittement contre les hommes du pass leurs convictions et leurs agissements Rappelons expose St phane Courtois historien connu pour la part qu il a prise au d bat sur les crimes du communisme que les deux premi res phases de l op ration historiographique e
22. cisme c tait des bandes de voyous au service du Grand capital bandes dont les discours d magogiques taient sans int r t Emilio Gentile fut le premier prendre cette id ologie au s rieux et chercher en retracer les origines en publiant en 1975 Le origini dell ideologia fascista Tous les historiens r cents du et des fascismes soulignent la pr minence des id es dans la gen se et l attrait exerc par les mouvements totalitaires Ideas and beliefs were primary ingredients in the process that brought fascism into being Si le fascisme ses d buts n a pas la complexit du marxisme l ninisme le mat riau o il va puiser critique contre r volutionnaire social darwinisme nationalisme int gral corporatisme est abondant et divers et remonte haut dans le 19e si cle Le fascisme bricolage syncr tique mu en syst me totalitaire a con u une authentique id ologie et un projet coh rent de formatage des individus et de la soci t une id ologie qui se pr sentait comme une troisi me voie entre le lib ralisme d mocratique impuissant et d consid r et le socialisme antipatriotique M me si en pratique dans son d veloppement concret le fascisme italien fut un totalitarisme imparfait au c ur de l id ologie s non ait un id al totalitaire une rationalisation de l tat total auquel devait tre subordonn e toute la vie publique et priv e Le fascisme est une id ologie ins parable
23. cture humanitaire o le vil argent allait tre remplac par des Labour Notes des bons du travail Le 25 d cembre 1991 Mikha l Gorbatchev ent rinait la dissolution de l URSS Entre ces deux dates entre cette nouvelle ann e et ce jour de No l deux si cles de Grandes esp rances ont mobilis des foules immenses sur les cinq continents Elles ont anim un foisonnement de r flexions philosophiques et d id ologies de masse autour d id es apparues au Si cle des Lumi res au premier chef celle de progr s et celle de r volution et autour d un projet ou d une promesse utopiques Une vaste question d coule du t l scopage narratif que je viens d esquisser Cette question son tour ne cesse de venir hanter la r flexion contemporaine Ces Grandes esp rances demande t on par leur caract re utopique justement par leur promesse de changement vue et de rem de global port e de main tous les maux sociaux par le d terminisme historique qui les tayait depuis les temps lointains des Saint Simon Fourier Leroux Colins et autres socialistes romantiques par l esprit de croyance aveugle et d n gatrice qu elles ont inspir n ont elles pas l vidence jou un r le un r le d cisif et n faste Roberts David D The Totalitarian Experiment in 20th Century Europe Understanding The Poverty of Great Politics New York London Routledge 2006 268 p Gregor Anthony James The Fascist Persuasion i
24. d une mise en place de cultes et de liturgies le Culto del Littorio dont un des th mes r currents du reste tait qu elle n tait surtout pas un dogme fig mais une foi active qu elle devait toujours aller de l avant s adapter la Vie etc Le fascisme lequel inclut le nazisme dans la d finition g n rique qu en donne Roger Griffin et autres historiens anglophones pr sente une id ologie propre qui le d finit et celle ci a jou un grand r le dans son succ s trans classes C est de cette id ologie et de son noyau mythique mythical core que d coulent les traits bien connus des fascismes culte du chef corporatisme tatisme et statol trie surench re expansionniste esth tisation du politique militarisation de la vie sociale en temps de paix enr lement de la jeunesse climat de bouleversement permanent et impulsion de vastes projets successifs On peut supposer que s en d duit aussi la fuite en avant militariste et belliciste la guerre tant une recette infaillible de r g n rescence nationale Ce qui distingue les fascismes de dictatures ordinaires c est pr cis ment ce r le d terminant de l id ologie et cet attrait exerc L analyse en termes de politique ou d conomie seuls ne suffit pas en r v ler la nature Gentile Emilio Le origini dell ideologia fascista 1918 1925 Roma Bari Laterza 1975 The Origins of Fascist Ideology 1918 1925 New York Enigma
25. dire qui ne paraissent telles que r trospectivement D s lors passer subrepticement de la description d une g n alogie historique d mergence et d agr gation d id es parses en un syst me et la catastrophe que celui ci a engendr e un jugement politico moral r trodictif articul divers paralogisme ex post facto C est dire en somme combiner en des nonc s constamment quivoques et sournois anachronisme finalisme et moralisme Tout se ram ne au grand caveat de m thode il revient rappeler l historien des id es que les entit s dont il fait la synth se se construisent et d construisent dans la dur e par tapes impr visibles en fonction de changements non moins impr vus dans le monde r el avec des seuils qualitatifs des m tamorphoses ou mutations rep rer et en engendrant souvent des variantes polaris es qui deviendront antagonistes pour tout dire qu elles ne sont pas des ent l chies qui poss deraient ab ovo le potentiel de leur d ploiement Les d marches qui vont l encontre de ce principe sont la fois moralement pharisa ques arrogantes et m thodologiquement fallacieuses car n cessairement anachroniques Il semblerait que pour beaucoup de bons esprits l analyse des id es et de leur r le dans l histoire d bouche sur une t l ologie qu il leur est videmment impossible d assumer th oriquement sur l id e que les id es doivent attendre leu
26. dr Taguieff ajoute que dans son dernier livre Les Anti Lumi res Sternhell donne une illustration caricaturale d une histoire pol mique des id es politiques soumises sans nuance au regard du juge id ologique supr me qu est l historien militant l histoire de la pens e politique est ainsi r duite un jeu de massacre cet gard c est toute l entreprise sternhellienne qui est parfois d clar e intenable dans son concept central T l ologique la notion de pr fascisme est en elle m me absurde tranche Pascal Ory La notion implique que les id es antilib rales et nationalistes de 1880 ne pouvaient que conduire au fascisme de 1930 Sinon elles ne sont tiquetables pr fascistes que par un paralogisme anachronique Un historien des id es qui recule devant l historicisation et la relativisation d s lors des valeurs cens es intangibles de son temps et de son milieu qui croirait quelque chose comme une v rit enfin atteinte dans les savoirs sur l homme et la soci t une normalit contemporaine qui penserait que comme par hasard le monde a adh r enfin aux vraies valeurs et d cisivement progress en v rit et en raison son poque ce qui lui permettrait de juger avec un recul condescendant des erreurs des chim res et des mythes du pass Droite r volutionnaire 23 57 Taguieff Pierre Andr Les contre r actionnaires Le progressisme entre illusion et imposture Paris Deno
27. e ce qu ils sont en train de faire leurs buts leurs mythes et leurs chim res ont des cons quences d cisives sur l histoire r elle 2 Sophistique de la pente fatale Slippery Slope Dans mon essai L immunit de la France envers le fascisme un demi si cle de pol miques historiennes j expose les arguments des historiens fran ais contre les th ses sur l origine fran aise du fascisme de Zeev Sternhell Sternhell en remontant aux ann es 1880 semble penser en termes de pente fatale la critique des m urs d mocratiques pouvait tre partiellement justifi e supposons le mais de proche en proche la r volte de ces penseurs dissemblables tait dirig e contre l ensemble des valeurs l gu es par les Lumi res et la R volution fran aise Il en r sulte que tous les penseurs qui ont soumis un examen critique la religion du progr s ou l universalisme abstrait constate en protestant Pierre Andr Taguieff sont jet s sans m nagement par l Isra lien dans le gouffre pr fasciste Je prends le risque d expliciter ici ce qui agace fondamentalement les critiques de Sternhell ils d c lent au fond une tendance aux paralogismes staliniens jugements par amalgame par anachronismes r trospectifs et par culpabilit s objectives C est installer un tribunal de la pens e reproche Taguieff tribunal destin juger r trospectivement les penseurs du pass Flagrant p ch d anachronisme Pierre An
28. e or less coherent millenarian and gnostic world view that must be taken seriously if the Nazis are to be understood the Nazis believed that their reality was dominated by fiendish powers and they experienced revelations or acquired pseudo scientific knowledge about their historical situation that made them want to fight a modern battle of Armageddon for a worldly New Jerusalem Rhodes fait du mill narisme fond sur un sentiment de catastrophe ontologique la motivation essentielle des nazis et l explication fondamentale de la criminalit croissante de ceux ci cartant les causes traditionnellement mise de l avant qu il juge contingentes et r ductrices crise conomique etc et soulignant qu il importe de consid rer centralement la conception que les nazis eux m mes avaient du sens de leur action In all its manifestations and especially in the NS case millenialism appears to begin with an experience of confusion and a strong fear of annihilation which can be called the disaster syndrome This study concludes that the millenialism hypothesis gives the best answer to the perplexing questions about this specific group of revolutionaries By stressing the primacy of apocalyptic motives in the National Socialists il does not deny the existence or significance of ideological economic psychological and other passions Le cas apparemment compl mentaire mais bien plus controvers des marxismes et des ma
29. e pour aboutir cette sorte de mise en accusation le passage de la d monstration plus ou moins convaincante de l influence plus ou moins m di e exerc e par des id es sur des actions et des agissements ult rieurs r pr hensibles qui sen sont r clam l imputation de responsabilit de ces id es et la culpabilit morale ou quasi juridique de ceux qui les ont entretenues et propag es et ce g n ralement bien avant le passage lacte et quels que soient les facteurs mat riels ult rieurs et les conjonctures qui ont rendu ledit passage possible Or en poursuivant cette d marche l historien choisit subrepticement au bout d analyses descriptives de fonctionner dans une logique juridique une logique de procureur lequel accuse par exemple un individu d imprudence criminelle en cartant les facteurs aveugles et m caniques qui ont fait de l imprudence all gu e un crime par ses cons quences concr tes Une question pr judicielle s impose la r flexion avant de poursuivre peut il y avoir une qualification juridique ou morale des id es Apparemment oui en droit que des id es du moins des id es exprim es et propag es puissent tre r pr hensible en elles m mes que de simples discours tombent sous le coup de la loi il n est que de se reporter au Code p nal qui tablit c t des d lits de diffamation et de propagande haineuse les d lits d apologie d actes qualifi
30. emple Mais ils ont certainement affirm hautement que la t che de l historien du communisme l gal de celle reconnue sans difficult l historien du nazisme ou du fascisme ce rapprochement incident seul a fait pousser les hauts cris est de ne pas se borner d crire d nombrer expliquer et situer dans le temps de l histoire mais quand il le faut mettre en accusation tout le moins dans le discours historien et non dans l ordre juridique mettre en accusation les crimes commis jadis leurs auteurs leurs instigateurs et commanditaires L enjeux central est non de mettre en doute les crimes en d pit de pol miques sur leur tendue et leur chiffrage mais de d terminer l gard de ces crimes la 11 Stanford CA Hoover Institution Press 1980 let 18 1819 14 St ph Courtois N Werth J L Pann A Paczkowski K Bartosek J L Margolin Le livre noir du communisme Crimes terreur r pression Paris Laffont 1997 13 Paris Laffont 1998 16 St Courtois dir Sous titr Histoire et m moire du communisme Paris Laffont 2002 R d Pocket 2009 5 responsabilit de l id ologie et par voie de cons quence plus ou moins clairement tir e la responsabilit de ceux qui en Occident ont confess cette id ologie et ont milit pour elle tout en tant rest s par la force des choses et le hasard de la naissance trangers l application qu en fit le Socialisme
31. es moyens de soup onner la suite des cons quences de leurs pens es La tendance muer l histoire des id es en r quisitoire implique mon sens une arrogance qui rel ve du pr sentisme Les th ories m dicales et psychiatriques du 19 si cle sur les femmes sur l hyst rie sur les p d rastes en d pit de leur aplomb positiviste et de leur appareillage exp rimental taient malveillantes et absurdes p n tr es de mythes et de fantasmes soit mais mes convictions f ministes et galitaires d aujourd hui qui m autorisent qualifier les savants pince nez du pass de machistes et d homophobes seraient elles int gralement rationnelles et irr versiblement acquises Voire Le pr sent et ses id es particuli rement ses id es re ues ne saurait tre le Tribunal du monde L historien n est pas un Arbitre ni un Time Traveler qui descendrait sur un nuage pour dire aux hommes du pass que tel discours tait fond et sagace et tel autre pas et que telle id e avec ses apparences de bonne foi et de bonne volont tait r pr hensible dangeureuse t m raire Or de plus en plus souvent en un rituel d exorcisme pseudo judiciaire la doxa contemporaine convoque le pass devant le tribunal du Pr sent d o sortent condamn s et couverts d opprobre Platon esclavagiste et bien peu d mocrate Jefferson sexiste et derechef esclavagiste Freud cens homophobe et rien moins que f ministe etc Il n
32. ind fendable sur le terrain historiographique L historien doit r sister la tentation de se muer en procureur et ce particuli rement dans la conjoncture mentalitaire d aujourd hui en Occident qui invite de toutes parts au l Et les contiguit s et voisinages en complicit s 2 John W Chapman Rousseau totalitarian or liberal New York Columbia UP 1956 vii London Secker amp Warburg 1952 15 1970 Dans Political Messianism The Romantic Phase Talmon envisage en partant de Saint Simon les socialismes dits utopiques Les syst mes sociaux qui pullulent entre 1815 et 1848 sont pr sent s comme l tape d une volution d id es radicales dont sortira la R volution bolchevik L attente d une r g n ration universelle la conviction que l histoire humaine r pond un plan et a un but ultime le sentiment d imminence apocalyptique engendr par l exp rience de la R volution fran aise non moins que par les bouleversements de la r volution industrielle tout ceci contribue former pour Talmon une foi messianique tablie sur le roc de la bont naturelle de l homme 3 Fr Furet Penser la r volution 51 12 nom d une d mocratie d senchant e une judiciarisation de l histoire moderne Il doit y r sister parce que l histoire est incertaine que les encha nements d id es et d actions de passages l acte sont tortueux et obscurs et que les penseurs acteurs n ont simplement jamais l
33. l 2007 322 58 te Ho Les contre r actionnaires ibid 32 Du fascisme Paris Perrin 2003 48 15 l aune d un savoir mieux tay un tel historien devrait changer de m tier Seul un pyrrhonisme bien consid r et un certain respect du moins une observation sans arrogance de l erreur humaine de jadis sied Scepticisme n est pas nihilisme il n aboutit pas conclure que toutes les id es se valent que toutes font leur temps avant de se d valuer que toutes mystifient et conduisent des catastrophes Mais il faut faire de l histoire des id es sans tre au service de l exaltation ou approbation et l gitimation de l id e tudi e ni si on n aime d cid ment pas cette id ologie tudi e au non moins vain service de sa diabolisation et de la d monstration ex post facto de ses dangers L attitude sceptique ne se ram ne pas un doute aboulique ni un relativisme fatigu et revenu de tout elle conf re l historien des id es un r le civique honorable et salutaire celui d inciter ses contemporains regarder le cours du monde d un regard sobre mit n chternen Augen ne pas c der aux illusions et aux chim res des grands syst mes tout en r sistant la doxa du moment ce que les Fran ais nomment la pens e unique s efforcer de penser par soi m me lors m me que son travail d historien montre combien un tel effort est probl matique et jamais acquis Le Le La Le
34. me une volont de r former ou d all ger certains maux sociaux mais formule l historien isra lien Jacob L Talmon comme une insurrection contre le Mal lui m me une insurrection qui ne devait s achever que lorsque le mal aurait t radiqu la r g n ration accomplie la justice immuable tablie sur terre Cela semble de fait l l ment psychagogique fondamental qui a nourri en longue dur e la pens e militante et qui pour les esprits conservateurs a aliment impitoyablement ses perversions la volont de se d livrer int gralement et rapidement du mal social Le militant d s 1830 se dresse en une pose morale impavide devant une soci t qui est enti rement d truire qui est raser avec tous les maux qu elle porte en elle Un socialiste des temps de Louis Philippe est quelqu un qui entrevoit un avenir lumineux imbu de la certitude que le mal est condamn dispara tre 29 a r e e e x Ainsi serait on all du si cle charni re le 19 qui les a con ues au si cle charniers qui les a test es C est une formule am rement spirituelle de Philippe Muray 30 in Edwards Lee dir The Collapse of Communism Stanford CA Hoover Institution Press 2000 4 Greppo Cat chisme social ou expos succinct de la doctrine de la solidarit Paris Propagande d mocratique et socialiste 1848 5 32 C est qu en effet et ceci caract rise la pens e moderne le mal non social le mal
35. n est pas celui des doctrines express ment racistes antis mites g nocidaires et du bl me qui est unanimement port sur elles Qu on le regrette ou non on peut y voir une vaine invite m diter confus ment sur les bonnes intentions dont l enfer du 20 si cle a t pav d bouchant mollement sur une invocation du principe de pr caution au vu des entra nements irr fl chis de nagu re la question du mal politique et id ologique est au c ur de l histoire des id es modernes sous la forme sp cifique de la mutation du bien en mal des bons en sc l rats de l id e g n reuse en l gitimation de l inhumain du retournement de l humaniste en fanatique du pers cut en policier retournement qui est au c ur de la r flexion d un R gis Debray lequel n offre cependant pas une explication bien claire du caract re fatal de ce retournement ni ne propose des conclusions pratiques tirer du constat Je partirai de ce que pose Aleksandr Soljenitsyne au d but de L Archipel du Goulag C est l id ologie qui a valu au 20 si cle d exp rimenter la sc l ratesse l chelle de millions L nine et le bolchevisme sont en cause sans doute mais l accusation de Soljenitsyne est plus englobante Le romancier russe raisonne partir d un contraste les sc l rats de Shakespeare se satisfont d une demi douzaine de cadavres pour en accumuler des millions il faut une autre forme de cruaut et d inhumanit
36. n Radical Politics Princeton NJ Princeton UP 1974 395 4 Je le cite dans un essai Marxist Roots of Stalinism In Tucker Robert C amp WI Brus Stalinism Essays in Historical Interpretation New York Norton 1977 Rpt 1999 283 28 Libell s One Hour et ses multiples une heure de travail quelconque valant n importe quelle autre Voir Owen Robert Courte exposition d un syst me social rationnel Paris Marc Aurel 1848 Dialogue entre la France le monde et Robert Owen sur la n cessit d un changement total dans nos syst mes d ducation et de gouvernement Paris Chaix 1848 8 me dans le malheur des temps ne d bouchent elles pas sur les horreurs d un 20 si cle qui serait pass l acte en mettant sur pied inspir par leurs vains blueprints et leurs fallacieuses lois de l histoire des id ocraties sanguinaires De la R volution de 1917 n est pas sorti un r gime qui form t un stade sup rieur aux d mocraties bourgeoises et aux conomies de march ni m me une alternative rationnelle mais formule Martin Malia une id ocratie un r gime au d cri de la repr sentation marxiste de la base et la superstructure fond sur un programme irr aliste sur une utopie en ce sens n gatif chim rique du mot articul e une forme de croyance gnostique maquill e en un savoir pr tendu scientifique syst me vou r aliser un projet intrins quement inviable Of
37. r application ou l application par ceux qui se sont r clam d elles pour tre jug es Jean Jacques Rousseau a t sp cialement la cible de ce proc s d intention depuis un demi si cle l tude de cette mise en accusation r p t e qui est venue du monde anglo saxon m riterait d tre entreprise Jean Jacques a t on r p t de diverses parts should be given special responsibility for the emergence of totalitarianism Je pense surtout l uvre de Jacob L Talmon dont le premier livre The Origins of Totalitarian Democracy partait de Jean Jacques Rousseau pour en venir Babeuf et aux gaux et d boucher sur les Totalitarismes du 20 si cle et leurs horreurs Talmon pr tendait montrer dans les id es les concepts et les encha nements de raisonnements de l auteur du Contrat social la matrice originelle de toutes les id ologies ult rieures qu il regroupe sous le chef de d mocratie totalitaire Il y a un sophisme inh rent cet encha nement all gu Fran ois Furet au contraire exon re Jean Jacques et nuance Rousseau n est en rien responsable de la R volution fran aise mais il est vrai qu il a construit sans le savoir les mat riaux culturels de la conscience et de la pratique r volutionnaires Il me semble que si humaine trop humaine que soit cette attitude de procureur historien indign par les crimes commis au nom de certaines Id es elle rel ve du m lange des genres et elle est
38. rche comporte C est bien en effet la cat gorie floue et pas toujours explicite de complicit qui guide leurs analyses du r le des id es dans l histoire L horreur somme toute tait elle pr visible en d chiffrant seulement les id aux qui ont motiv leurs perp trateurs Can it ever be anticipated that the pursuit of attractive ideals or ends will lead to mass murder and widespread suffering demande peut tre na vement un historien am ricain C est ici n anmoins que viennent s inscrire les grandes probl matiques qui sont au c ur de l histoire des id es probl matiques toujours actuelles autant que classiques toujours contest es aussi controvers es celles des Origines intellectuelles des grands v nements de l histoire moderne Origines de la R volution fran aise de la R volution bolchevique du totalitarisme du nazisme de l antis mitisme g nocidaire du fascisme italien et ou du fascisme g n rique II y a chez beaucoup d historiens un soup on moral au d part de leurs entreprises que certaines id es de jadis pas seulement les id es express ment haineuses mais d autres id es programmes doctrines avec leur apparence fallacieuse d innocence et de bienveillance humanitaire taient intrins quement dangereuses et que leur nocivit indissociable d un certain degr d absurdit et d irr alisme aurait d tre perceptible en germe bien avant que quelqu un se soit a
39. rdu Des historiens en procureurs Je l ai rappel en commen ant l histoire des id es modernes n est que bien rarement une entreprise sereine n e du seul int r t historique L historien des id es politiques surtout r gle des comptes et il ne s en cache pas avec le pr sent par pass interpos un pass qui d cid ment ne passe pas L historien qui d crit et analyse des tendances id ologiques des ann es 1930 ou m me de 1830 r gle en fait des comptes avec leurs lointaines mais persistantes descendantes actuelles D s lors il s rige express ment en procureur il accuse et interpelle il met les id ologues du pass devant leurs responsabilit s c est un mot qui revient r guli rement chez l historien isra lien Zeev Sternhell soumettant en preuve au tribunal de l histoire les crits des pr fascistes de 1880 1914 et des ligues fascisantes des ann es 1930 dont les doctrines sont mises en accusation Il invite express ment les lecteurs pr sents et tout sp cialement ses adversaires qui refusent de reconna tre l ampleur de l impr gnation fasciste dans la France d avant 1940 un examen de conscience auquel ils se refusent Mu par de fortes convictions Sternhell analysant l impr gnation fasciste tendue d une France des ann es trente qui pr pare la honte et le d shonneur de 1940 ne remue ce pass que parce qu il lui para t en d pit des d n gations de ses adversaires qu
40. rxistes La publication en 1997 du Livre noir du communisme a r activ en France une pol mique de longue dur e sur le bilan n gatif du communisme au 20 si cle en un sursaut tardif mais exceptionnellement violent qui a mobilis toute la presse et tous les essayistes en vue et qui n est pas pr s d tre apais Un pav dans l histoire de Pierre Rigoulot et Ilios Yannakakis 1998 rend compte des premiers mois fran ais de cette pol mique autour de la m moire du communisme en se pla ant du point de vue accusateur des collaborateurs de l ouvrage tandis qu un peu plus tard l ouvrage collectif Du pass faisons table rase a fait conna tre la r ception contrast e des traductions de ce livre dans tous les pays d Europe tr s favorable l Est r ticente l Ouest la France intellectuelle faisant comme toujours exception et contraste avec la r ception favorable du livre dans les pays qui ont connu le socialisme r el en d pit de r ticences l bas aussi d une arri re garde d aparatchiki recycl s qui ne tiennent pas ce qu on remue la boue du pass Il n est pas vrai comme on le lit parfois que les collaborateurs de ce livre v nement aient r clam un Nuremberg du communisme lequel serait impraticable les r gimes communistes n ayant pas t vaincus militairement et politiquement inopportun en d pit de quelques proc s de responsables de la r pression en Tch quie par ex
41. s sc l rats et qu il faut simplement abolir Le raisonnement militant tire de l omnipr sence du mal la conclusion que la soci t est mal faite le corr lat qu elle pourrait tre enti rement refaite sur d autres bases puis la n cessit morale et tout d un tenant la fatalit historique de l av nement du bien Le syndicalisme r volutionnaire de la Belle poque met son tour ce qui est devenu un axiome rigide au c ur de sa doctrine qu il croit r volutionnaire toute r forme de la soci t bourgeoise est vaine tout esprit de r forme est l che il faut faire table rase et reconstruire z ro Il n y a pas d am lioration esp rer dans la soci t pr sente il faut la transformer Elle est d fectueuse Elle est d truire Ses bases ses principes sont mauvais et tous les essais de repl trage et de remaniement sont vou s l impuissance Que la seule volont de faire le bonheur des hommes et de venir d un seul coup bout du mal social soit la source des plus grands malheurs que rien n est plus redoutable et plus fuir qu un homme poss d par un tel mandat c est la th se r currente des esprits pessimistes de Gustave Le Bon vers 1900 mile Cioran Cioran avec sa maxime aboulique que tout ce que l homme entreprend se retourne contre lui et Gustave Le Bon dont la th se fameuse tait celle de la perp tuation dans les foules de croyances irrationnelles dangereuses Il crit
42. t de l action judiciaire sont communes la recherche de la preuve documentaire et l explication compr hension des faits Elles divergent ensuite D une part l historien est appel dans une phase de repr sentation tablir un r cit scientifique et donc modifiable au gr de l accumulation des nouvelles connaissances le juge l inverse est amen prononcer un jugement qui est juridiquement d finitif D autre part la d finition par l historien des crimes du communisme travers les cat gories juridiques d finies ici par le tribunal de Nuremberg n a pas pour fonction de formuler un jugement et un verdict mais de caract riser aussi pr cis ment que possible des actes criminels Si l historien n est ni un procureur ni un juge il entre toutefois parfaitement dans son r le et dans son devoir d tat selon St phane Courtois d appliquer des cat gories juridiques celles notamment de responsabilit criminelle et en ce qui touche l histoire des id es d incitation de complicit avant et apr s le fait aux actes du pass et de juger non dans le sens pr cis de ce verbe le sens I des dictionnaires celui de dire le droit en qualit de juge mais au del de la description factuelle au sens d mettre une opinion valuative de d cider du m rite des actes et des acteurs du pass de bl mer ou d approuver en ayant recours des cat gories emprunt es au droit non moins qu l thique
43. travaux souvent rel vent la fois de la raison de vivre et du compte r gler Ne serait ce que par leurs choix d objet Pr fascisme apparu d abord en France Illusions du progr s Pouvoir psychiatrique et id es savantes servant contr ler les corps et normer les humains Origines gnostiques russes du l ninisme il est facile au lecteur de rajouter des noms cette br ve num ration Aux intellectuels qui r glent des comptes s applique souvent la parabole de la paille et la poutre sans nul doute Mais s ils aident voir la paille dans l id ologie ou la pseudo science qu ils objectivent g n alogisent p riodisent et d testent on peut toutefois faire une certaine confiance leur hostile perspicacit D autres vocations d historien des id es ne semblent pas moins loign es dans leurs motivations premi res de la s r nit recommand e au savant C est le cas de ces historiens qui ont eu des comptes r gler avec les leurs et avec eux m mes le cas notamment des historiens allemands face au nazisme vou s une p nible volont de retracer la g n alogie du mal indissociable d une large mesure de honte collective sto que et sublim e si on veut L histoire des id es forme ainsi un genre hybride qui combine l appareil du savoir historicisation typologies conceptualisations op rant sur le produit de vastes enqu tes archivistiques mais qui comporte non moins visiblement
44. u temps en ce d but de 21 si cle poque dont la tendance est de s instituer en un tribunal permanent d elle m me mais aussi de toutes celles qui l ont pr c d e Le pass est de plus en plus requis de faire des excuses au pr sent il faut donc trouver quelqu un qui veuille bien exprimer devant les m dias la repentance posthume en face d un pass criminel la France r publicaine de lan 2000 s est battu la poitrine au nom des crimes de Vichy L historien souligne encore Carlo Ginzburg ne doit pas s riger en juge il ne peut pas se laisser aller mettre des sentences Sa v rit r sultat de sa recherche n a pas un caract re normatif elle reste partielle et provisoire jamais d finitive L historiographie n est jamais fig e car chaque poque notre regard sur le pass interrog partir de questionnements nouveaux sond l aide 4 Enzo Traverso souligne bon droit ce point dans son dernier livre L histoire comme champ de bataille Interpr ter les violences du 20e si cle Paris La D couverte 2011 7 Voir Le pass mode d emploi 74 48 Deux intellectuels dans le si cle Sartre et Aron Fayard 1995 375 6 5 Dans le N Histoire des mentalit s de 1900 18 2000 5 13 de cat gories d analyse diff rentes se modifie L historien peut induire chez son lecteur un jugement moral mais ceci en laissant parler les faits qu il aura seulement cherch rigoureusement
45. uction historique et doctrinale Paris Beauchesne 1933 229 2 St Courtois in Livre noir du communisme 853 Fe Linden Soviet 1 Paris Calmann L vy 1985 R d en format poche Paris Gallimard 1994 73 7 plus personne du moins apr s Krouchtchev que ce soit dans les masses ou dans l Appareil n y croyait encore By the end no one believed any longer that Marxism Leninism could be used to mobilize the population Il y a une r plique ces premi res objections toutefois Une distinction s impose Les bureaucrates sovi tiques n avaient pas croire la part de verbalisme humanitaire du pr tendu marxisme la soci t sans classe ou la dictature du prol tariat mais il para t vident qu ils ont pourtant cru quelque chose de L nine Gorbatchev inclusivement ils ont persist croire en d pit de d mentis perp tuels ce qui tait au c ur id ologique de l id ocratie la sup riorit non pas morale mais productiviste du mode de production collectiviste fond sur l abolition de la propri t priv e des moyens de production et d change et sur l conomie dirig e C est quand le doute quant sa praticabilit et son efficacit s est mis saper dans les classes de l Appareil m me ce dogme raison d tre constitutif de l URSS que le syst me a vraiment vacill Le questionnement sur le r le de Marx et du marxisme ce qui fait deux
46. ut l historien des id es de remonter de proche en proche des origines et de suivre des encha nements d influences des r inscriptions et des appropriations c est ce qu on attend de lui s il ne s agit ni de porter pour solde de compte un jugement moral r troactif ni surtout d insinuer en un platonisme plus que sommaire que l aboutissement final tait dans l uf dans l Id e le nazisme chez Fichte et le goulag chez Marx La fatale d perdition alt ration en cours de route telle est la sorte d objection que l on peut opposer toute g n alogie d id es proc dant grandes enjamb es et 51 2 A Traverso Le pass modes d emploi 77 52 Sur Saint Simon p re du totalitarisme il y a aussi signaler Iggers Georg The Cult of Authority The Political Philosophy of the Saint Simonians Chapter in the Intellectual History of Totalitarianism The Hague Nijhoff 1958 3 Voir l loge de Talmon toutefois par Marcel Gauchet La condition historique Entretiens avec Fr Azouvi et Sylvain Piron Paris Stock 2003 336 7 4 Exemple de cette d marche Marejko lan Jean Jacques Rousseau et la d rive totalitaire Lausanne L ge d homme 1984 2 Philippe Lacoue Labarthe et Jean Luc Nancy Le mythe nazi La Tour d Aigues L Aube 2005 28 14 faisant remonter de proche en proche le soup on l origine qu elle pr tende aller de Herder et Nietzsche Mein Kampf ou de Saint Simon Hegel
47. vers qu ils soient des catholiques aux darwiniens sociaux et aux nietzsch ens les adversaires des Grands r cits progressistes partent d une pr misse de l irr m diable pour carter les rem des sociaux radicaux comme chim riques c est dire qu eux aussi se fondent sur un pr suppos sur une vision pessimiste de la nature humaine Herbert Spencer le 3 Tourreil Louis de Religion fusionienne ou doctrine de l universalisation r alisant le vrai catholicisme Tours Paris Juliot 1879 216 Lorulot Andr et Yvetot Le syndicalisme et la transformation sociale Paris Librairie internationaliste 1909 11 G Le Bon Psychologie du socialisme Paris Alcan 1898 104 s Terson Jean Dialogues populaires sur la politique la religion et la morale Paris Pr vot 1840 70 10 sociologue lib ral d nonciateur de l tatisme disait Ce qui est imparfait c est l homme L tat ne peut l am liorer par d cret Les penseurs lib raux ne reprochaient pas aux socialistes de vouloir une soci t bonne ou plut t si ils le leur reprochaient mais c tait en les accusant de pr parer in vitablement une soci t pire m me si elle allait tre pav e de bonnes intentions et d une certaine mani re l horreur que leur inspirait les projets collectivistes anarchistes etc les consolait de vivre dans une soci t pleine de mis res mais qui avait ses bons c t s pour eux et o tout n tait pas pe
48. vis de leur trouver une application 3 Fran ois Furet Penser la R volution fran aise Gallimard 1978 26 Hollander Paul The End of Commitment Intellectuals Revolutionaries and Political Morality Chicago Dee 2006 4 2 Contre la vieille th se ou le vieux sophisme appliqu par les historiens progressistes d abord la R volution de 1789 celle des Circonstances impr visibles qui font d raper et pervertissent regrettablement des id es qui taient en soi g n reuses et excellentes et que l on veut pr server de toute remise en question th se qui a servi tout au long du 19 si cle pour exon rer les Id es jacobines inspir es par les Lumi res des crimes r volutionnaires et de la Terreur de 1793 l historien actuel devenu suspicieux tend soumettre l examen les id es m mes qui animaient les acteurs historiques et dans la foul e les grands penseurs qui les leur ont inspir es C est la th se et la d marche de Fran ois Furet face la Terreur r volutionnaire ce n est pas le malheur des circonstances ni l agression ext rieure qui fait 1793 c est la fausset des id es des jacobins qui est la source premi re de la Terreur Il d coule toutefois de ce genre de questionnement une d marche ou une d rive m thodologiquement risqu es de la part de l historien des id es en fait elle est bien attest et il ne s en prive pas n ayant souvent entrepris son travail qu
49. y a gu re de doute que tous les crimes des grands morts contre le pr sent et ses vagues valeurs y passeront Une autre attitude passablement m galomane celle ci est celle de l historien qui apr s avoir d ment montr l historicit contingente les variations historiques des notions de libert de d mocratie etc arrive avec sa propre d finition cens e elle intemporelle et neutre Historiciser c est carter l id e que nous puissions nous sortir du cours de l histoire pour produire une d finition neutre et transcendantale d un concept C est ce que Quentin Skinner objectait la th orie politique d Isaiah Berlin laborer comme pr tend faire celui ci une d finition neutre de la Libert est une illusion Jean Fran ois Sirinelli crit en terminant son Sartre et Aron biographie compar e des deux intellectuels dans le si cle soucieux de se dissocier des ennemis posthumes d un Jean Paul Sartre qui s est toujours tromp l n est donc pas besoin ici de placer l analyse finale sur le registre de la culpabilit car l historien n instruit pas un dossier charge ou d charge Nul besoin pour tudier sa pens e ses prises de position politiques et mesurer son immense influence de br ler Sartre pour exorciser un pass d sormais honni Jacques Julliard de son c t invite l historien l instar d Enzo Traverso ne pas c der ce qui rel ve selon lui aussi de l esprit d
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