Rapports au travail et pratiques militantes
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1. Rapports au travail et pratiques militantes Par Michel Vakaloulis Il ne s agit pas dans le cadre de cette br ve intervention de r sumer les principaux r sultats interm diaires d une enqu te sociologique en cours sur les ressorts de l engagement des jeunes militant e s de l UGICT Je me contenterai d insister sur quatre points liminaires qui sont au c ur de la r flexivit sur les nouvelles pratiques militantes et les significations subjectives qu elles comportent le rapport au travail l image de l entreprise la conception de l engagement la projection g n rationnelle dans l avenir 1 Comment d crire le rapport au travail Ce qui frappe dans les t moignages recueillis c est l attachement au travail Cet attachement la valeur travail n est pas une simple subordination une activit contraignante Il ne renvoie pas simplement au registre conomique o il s agit pour le salari de subvenir ses besoins Il ne s identifie pas uniquement au registre du poste de travail c est dire l occupation d une place d termin e dans la distribution sociale des activit s et des groupes Une troisi me dimension est mentionn e et revendiqu e celle du registre symbolique c est dire du travail comme forme expressive et force cr atrice Cette dimension symbolique est constitutive de l identit des jeunes ing nieurs cadres techniciens La contradiction aujourd hui c est que les capacit s cr atrice2. ables entre eux En m me temps il s agit d une vision d senchant e Ce qui ressort des t moignages c est une sorte de distanciation r flexive par rapport l volution actuelle de l entreprise L appartenance l entreprise ne fonctionne pas comme une sorte de communaut destin e combler le vide spirituel dans une soci t en perte de rep res Cette distanciation signifie que l entreprise est prise au pi ge de ses propres exigences et fait face aux aspirations l gitimes li es l acquisition de titres scolaires de dipl mes L incapacit de l entreprise de r pondre concr tement ses aspirations et de reconna tre les formations et les comp tences peut conduire une faible identification voire la d ception du jeune dipl m 3 L engagement syndical pr suppose cette prise de distance critique avec l volution actuelle de l entreprise Il est souvent v cu selon une triple mani re D abord un acte intellectuel de contestation des formes de rationalisation manag riale qui appauvrissent les cr ateurs de richesses et sous utilisent ou gaspillent leurs talents et leurs savoir faire Ensuite une posture morale qui s appuie sur des cadres collectifs le syndicat pour mettre en avant certaines valeurs comme la solidarit l int grit et la responsabilit professionnelles ni es par le capitalisme d entreprise Enfin l engagement est v cu comme un acte d estime de soi qui vise rompre la solitude et d fai
3. e droit de s auto d finir de d cider d influer sur le cours des choses Le syndicalisme d exp rimentation consiste favoriser la concertation et la participation directe des adh rents et plus largement des salari s la prise en charge de leurs probl mes et la d finition des objectifs et du mode d emploi des luttes Cela permet de r inventer le r pertoire d action militante en privil giant souvent les formes de mobilisation fort contenu symbolique Intervention au congr s de l UGICT CGT Marseille 28 mars 2007
4. e qui peut renouer avec un syndicalisme de conqu tes Mais il y a ici un point aveugle de la r flexivit syndicale c est la difficult de d finir des priorit s et de se donner dans la dur e des axes de lutte permettant de recr er des contacts entre les travailleurs de recomposer les solidarit s salariales de reconqu rir des espaces publics autonomes dans l entreprise contre la dissolution capitaliste du lien social De ce point de vue la conception de ce qui est prioritaire ne doit tre r duit aux aspects imm diats l urgence aux aspects constitutifs du syndicalisme ordinaire Le prioritaire doit tre tendu aux aspects extra ordinaires susceptibles de d placer les lignes de d marcation entre le souhaitable et le possible et surtout de combattre le d coupage du monde du travail par les politiques patronales Pour terminer sans conclure ce qui serait une b vue je tiens attirer votre attention sur le fait que les processus d individuation travaillent la culture et la socialit du militantisme Une nouvelle rationalit de l engagement collectif voit le jour Elle pr suppose la red finition des rapports entre vie priv e et vie militante le rejet de la langue de bois des appareils la valorisation et l utilisation des comp tences individuelles comme l ment central d efficacit de l action Le militant ne peut plus tre consid r comme une entit vierge mais comme une singularit ayant l
5. re le sentiment d impuissance face aux directions patronales De ce point de vue le syndicat dans l entreprise repr sente une sorte d espace public d ouverture et de mise en commun contre la tentative patronale d aligner les changes sociaux dans le travail sur les crit res de rentabilit imm diate Un des grands obstacles de la syndicalisation des ing nieurs cadres techniciens aujourd hui au del des absences ou des carences de fonctionnement des structures de l UGICT c est la difficult de nourrir intellectuellement politiquement et culturellement une vision alternative de l entreprise Le syndicalisme sp cifique est tr s attendu sur cette question D une certaine mani re il y joue son h g monie l autonomie du projet syndical qui reste construire dans une confrontation durable et prolong e avec les salari s Comme le disait un jeune congressiste technicien que j ai rencontr hier ce qui est r voltant c est le fait de s occuper en permanence de d fendre les acquis ce qui ne devrait pas tre le cas On passe ainsi c t d une dimension essentielle du syndicalisme sa dimension de projection d anticipation de l avenir de porteur d utopie 4 L utopie aujourd hui c est la question de l mancipation du salariat Malgr leur pragmatisme je dirais gr ce leur pragmatisme les jeunes militants sans les id aliser sans tomber dans le jeunisme sont porteurs d une d marche d exp rimentation syndical
6. s mobilis es dans l entreprise ne sont pas reconnues par les politiques patronales voire sont instrumentalis es d tourn es subordonn es la logique de la rentabilit financi re Le registre symbolique du travail se trouve ainsi d valoris d grad ni Cette op ration de d n gation n est pas une simple repr sentation dans les esprits Elle se traduit concr tement dans l organisation quotidienne du travail et peut aboutir une souffrance latente diffuse li e une activit contrari e qui emp che de s panouir dans le travail et de se projeter dans l avenir professionnel La rencontre avec le syndicalisme offre une chance pour r soudre cette contradiction ou au moins pour essayer de la combattre collectivement C est pourquoi de nombreux jeunes militants vivent la syndicalisation comme un d fi vis vis de l activit entrav e du travail 2 L image de l entreprise appara t la fois pragmatique et d senchant e Pragmatique en ce sens que l entreprise n est pas simplement envisag e comme un lieu de subordination mais aussi comme un lieu de coop ration de socialisation d changes multilat raux Plusieurs enqu t s se distancient d une d nonciation sommaire de l entreprise assimil e une grande machine destin e d vorer ses enfants Ils d fendent une certaine id e de l entreprise l envers et contre les politiques patronales de d gradation du travail qui rend les salari s interchange
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