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l`explication de texte

1. et combien qui sont seules et quels Fran ais les s ries anaphoriques ceux qui ceux qui tous ceux qui de toute ma raison de tout c ur les tournures emphatiques Eh bien moi je consid re Fran ois Mitterrand 253 les fins de paragraphes rythm es comme des alexandrins ont appris rudement la lutte pour la vie mais c est un h ritage qui n a pas d h ritier supportent la rigueur d une vie difficile et plus g n ralement le soin apport au nombre oratoire Ce texte est manifestement con u pour tre dit voire l g rement d clam bien que ce soit une grosse erreur de clamer la t l vision comme dans un meeting E LA RELATION LOCUTEUR AUDITEUR Nous disons l auditeur en sachant bien que celui ci est aussi d abord un spectateur C est qu ici la part du discours l emporte sur le jeu de l image Certes l image compte d j cette poque et l on rapporte qu en 1974 la fixit hypnotique du regard de Val ry Giscard d Estaing n a pas t pour rien dans la s duction de sa campagne lui sugg rant m me cette d claration calcul e Je voudrais regarder la France au fond des yeux Cependant c est travers ses paroles que le candidat construit cette image et tente de tisser une relation avec le public qui le regarde Le premier pronom D s louverture l orateur dit nous et m
2. Campagne pr sidentielle 1974 premi re allocution du candidat Mitterrand Apr s la disparition du Pr sident Georges Pompidou nous avons tous compris qu une p riode de notre histoire venait de s achever Les v nements qui l ont marqu e les hommes qui lont illustr e les r ussites les checs le pour et le contre rel vent d sormais du jugement de la post rit Pour reprendre une expression fameuse qui s appliquait une autre poque je dirai mon tour Le gaullisme est un bloc comme tout bilan il pr sente un passif il pr sente un actif mais c est un h ritage qui n a pas d h ritier Voil pourquoi je voudrais r fl chir avec vous la situation de la France en un moment o tout peut tre d cid et puisqu il s agit de cela r fl chir au r le dans notre pays du Pr sident de la R publique Hier il tait tout demain il sera et restera le premier Mais il ne faut plus qu il soit seul Notre peuple est majeur il a grandi au long des si cles chacun de nous exerce ou a exerc une profession un m tier Les plus anciens ont beaucoup d exp rience les plus jeunes ont beaucoup d ardeur les m res de famille sont un gouvernement qui doit tout faire la maison tout pr voir et tout apaiser et combien qui sont seules ont appris rudement la lutte pour la vie Les nouvelles du monde entier entrent sous votre toit l cole l universit ouvrent l esprit la plupart d
3. Jacques PR VERT in Paroles 1945 ditions GALLIMARD E PO ME OU CHANSON Pour beaucoup d admirateurs de Jacques Pr vert ce texte est ins parable de la musique de Joseph Kosma et de la voix d Yves Montand qui le fit couter un large public Po sie donc ou chanson Po sie et chanson Ind pendamment de la m lodie qui en pouse les paroles c est le titre du recueil de Pr vert ce po me est en effet un chant dont le caract re formel et le lyrisme sont ceux d une chanson refrain et reprises absence voulue de ponctuation pr dominance de l motion sur la narration Mais il ne faudrait pas pour autant comme certains critiques estimer que c est l de la po sie facile La simplicit apparente l allure libre de la parole qui s exclame les tournures savamment famili res t moignent en r alit d une parfaite ma trise Avant m me de composer le commentaire il sera utile de relever en vrac de multiples aspects dans ce po me 336 Textes po tiques L entrecroisement des th mes lamour la guerre le souvenir la pr sence originale du je po tique L histoire ses l ments constituants son volution le mode narratif ses surprises le jeu des temps je tu il la pr sence des acteurs et leurs r les respectifs e Le ton l incantation les reprises et anaphores le d ploiement de la phrase sur le vers les ruptures les effets de sym
4. au cours de ce simple vers pour acc der au tr ne La cadence de l alexandrin est en effet croissante et les accents se pr cipitent au cours du second h mistiche 288 Textes po tiques L homme humble passager qui dut vous tre un roi T T II 1 syllabe 5 syll II 6 syll II Les deux vers qui suivent clefs de la pens e de Vigny r tablissent la hi rarchie authentique avec une force tranquille la beaut inutile de la puissante Nature on doit pr f rer la souffrance digne de Phomme vuln rable Cette opposition se d ploie en effet avec lenteur et fermet lamplitude issue de enjambement la mise en relief de l affirmation au c ur de la phrase Paime la reprise quatre fois de la m me sonorit accentu e on entend r gne vaines jaime humaines l allit ration en m qui ponctue le vers central tous ces l ments convergent pour donner la formule un caract re achev et solennel Naturellement le sens de ce dernier vers m rite un commentaire Vigny a dit lui m me qu il exprimait l Pesprit de l humanit l amour entier de l humanit et de l am lioration de ses destin es Cela nous pargne l erreur d y voir une exaltation masochiste de la douleur car pourquoi les souffrances auraient elles une majest Ce qui nous est affirm ici c est que l homme est grand dans la souffrance mais malgr elle Sa dignit consiste justement surmonter p
5. la place et l un spectacle trange m attendait je vis plusieurs lunes je contemplai ce d sordre Bien entendu nous retrouvons ici l ambigu t du double je des textes crits la premi re personne qui est au c ur de la focalisation interne et qui nous oblige distinguer le je du narrateur et le je du personnage distinction essentielle dans toute vocation d apparence autobio graphique C est le je du narrateur apr s coup qui peut dire je croyais voir L acteur lui voyait avec certitude ce qu il contemplait G rard de Nerval qui est la fois ce narrateur et cet homme qui a v cu ces hallucinations et qui s en souvient si bien si l on en juge par la pr cision de son compte rendu veut nous entra ner ainsi dans cette vision qui le touche encore pour nous faire partager son intensit douloureuse et nous faire sentir qu elles n taient peut tre pas totalement d lirantes E L AVENTURE FANTASTIQUE UNE NUIT SPIRITUELLE Si le contenu de ce qui arrive para t en effet inexplicable terme employ par l auteur dans la page qui pr c de cet extrait d nu de sens apparent et donc justifiant le mot d lire on n y d c le pas moins un certain nombre de coh rences C est d abord le caract re tragique de cette errance le h ros semble errer d sesp r sans savoir o il va Hant par sa faute il n a qu un
6. la voix lui arrive toujours le bruit confus Mais dans l un et Pautre cas les perceptions sont toujours partielles incompl tes ou confuses L enfant ne voit que ce qui est sa hauteur la hauteur des mains ou des jambes d o le caract re inqui tant de cette vision morcel e o vont ces jambes qu est ce qui fait agir ces pieds Sa perception tronqu e l emp che de bien interpr ter ce qui arrive il a l impression que il se demande si c est cette grosse main qui est responsable M me trouble en ce qui concerne les sensations auditives il ne comprend pas les paroles per ues il croit entendre l appel la voix lui arrive d chiquet e il est noy dans le bruit confus de la rue Le contenu de cette perception confirme l inf riorit l impuissance de l enfant Alors qu il est seul et petit le monde de la ville est grand et pluriel des jambes des jupes des centaines de roues des milliers de pieds des passants des visages des milliers d aspirations diff rentes etc Lorsqu il per oit un l ment isol une soutane ou un norme pied l aspect fragmentaire de la chose son absence de sens les buts inconnus suffit l effrayer Enfin plusieurs comparaisons ou m taphores accentuent son sentiment d tre jet dans un monde sauvage un agent pre comme un rocher entra n dans un remous de pas
7. pacte de lecture que nous propose ainsi l auteur Clef n 11 Le sch ma de la narration dit sch ma actanciel la suite des lravaux du critique russe V Propp Morphologie du conte 1928 compl t s par Greimas et Genette on analyse les composantes et les intervenants de toute narration comme suit 1 Au d part une situation d quilibre nous est pr sent e il tait une fois c est l tat initial avec ses multiples caract ristiques de lieu et de temps le contexte au sein duquel se trouve un sujet privil gi le personnage appel devenir le h ros d une histoire 2 Un v nement se produit alors qui introduil un d s quilibre projetani le ou les h ros dans une aventure peut s agir d un mince incident mais aux cons quences inattendues du projet personnel d un sujet soudain d cid partir en qu te de quelque chose r soudre une nigme clairer un secret de famille etc de l intervention du Destin qui fait basculer sa vie lequel destin peut appara tre comme une force naturelle ou sociale ou prendre la figure d un tre vivant qui le pousse vers l aventure personnage qu on nomme justement destinateur 3 Cette aveniure a un objet C est la mission l objectif que poursuit le h ros jusqu ce qu il retrouve une nouvelle situation d quilibre il s agit de la qu te du h ros Dans les contes et l gendes par exemple le h ros doit alle
8. C est de ce point de vue que nous pouvons tenter une troisi me lecture du po me Paul Verlaine 321 Pour commencer le po te choisit donc le spectacle naturel dans lequel il veut inscrire sa promenade sentimentale Il prend l heure du couchant classiquement li e pour lui pour ses contemporains pour nous la contemplation amoureuse et la m lancolie cela fait partie d un code sentimental la m lancolie des soleils couchants crit il ailleurs Il choisit aussi la couleur du tableau non pas le rouge flamboyant du soleil encore au dessus de l horizon mais l ultime miroitement du couchant au ras de l eau le verbe dardait au d but du po me peut d ailleurs d j sugg rer l id e de blessure Il choisit ce moment pr cis o l atmosph re s assombrit et o ce qui luit encore est bl me adjectif typiquement verlainien Une sorte de bl mitude hante les po mes saturniens de Verlaine qui exprime la p leur interne de son me nostalgique il la recherche donc dans le paysage pour mieux en faire le reflet de son c ur L horizontalit des n nuphars et des calmes eaux les derni res lueurs qui luisent triste ment tout pr pare ainsi le paysage tre le r ceptacle de l tat d me Ces choix op r s le lien entre le paysage et l tat d me se cr e dans le grand mouvement verbal qui d crit la promenade du vers 5 au vers 11 on peut
9. Le second axe de lecture centr sur les personnages analysera leur volution et la fa on dont se dresse nos yeux leur stature de protagonistes inoubliables E LE MOUVEMENT DRAMATIQUE L enjeu Un ath e rencontre un homme de foi Personnage au c ur sec le grand seigneur trouve sur son chemin un pauvre qui mendie Don Juan va t il soumettre cette homme ses vues Le Mal va t il l emporter sur le Bien Tel est le ressort de cette confrontation le match auquel va participer le spectateur dans un suspense croissant Les trois phases de l action Au d part un change relativement calme la demande de renseigne ment de Sganarelle r pond la demande d aum ne du Pauvre suivie de la riposte de Don Juan Ton avis est int ress et des r pliques qui forment si l on veut les premi res escarmouches On notera que c est la demande du Pauvre qui provoque en quelque sorte l incroyant Don Juan Une pause semble intervenir apr s l explication de Sganarelle Vous ne connaissez pas Monsieur bon homme Une seconde phase commence avec les questions plus pr cises de Don Juan Celui ci ne fait pas que s enqu rir des conditions de vie du Pauvre il veut le convaincre de l ingratitude du Ciel par des arguments charg s d ironie il veut lui faire entendre raison contre Dieu bref il veut d j le soumettre Le d s quilibre entre l aisance verbale du grand seigneur et l emba
10. Tchen est entr dans un lieu de mort un sanctuaire en principe inviolable et il paye cette effraction par son angoisse Les jeux de la lumi re La nature oppose Tchen un pied Un pied ironique que souligne l ombre de l un des barreaux de la fen tre comme pour en accentuer le volume et la vie les choses d fient le meurtrier le mettant en face de la barbarie de son acte C est cette m me ironie du sort qui fait du corps de l homme une ombre et justement peut on tuer une ombre e La mousseline blanche Mat riellement une moustiquaire pour un tueur ce n est rien Et cependant comme notre h ros est fascin interdit participe pass devenu adjectif devant cette toffe Cette disproportion entre la minceur de la r alit et l angoisse de Tchen signifie que la mousseline est plus que de la mousseline elle a un r le symbolique celui d un voile virginal qui interdit litt ralement l approche du meurtrier Sa blancheur s oppose la nuit du crime La nuit Elle est la fois protectrice elle cache les gestes et troublante pour Tchen Elle le cache certes mais elle lui cache tout Elle est dit le texte cras e d angoisse sans que l on sache si cette angoisse est l effet de celle de Tchen ou sa cause Car cette nuit qui cache les gestes en m me temps n est que clart en comparaison du monde obscur des profondeurs qui grouillent au c ur du h ros de sorte qu
11. blouir par une loquence trop brillante trop soign e celle ci pourrait mettre distance un public avec lequel il s agit au contraire de cr er un lien Il faut parler aussi simplement et concr tement que possible au risque de prof rer des banalit s pour avoir lair repr sentatif aux yeux de l lecteur moyen dont on veut obtenir l adh sion Bref il s agit de faire agir de faire voter ce qui n est pas toujours grandiose davantage que d mouvoir ou de faire penser En termes de fonctions du langage la fonction po tique est ici assujettie la fonction impressive cf Clef n 29 C est donc l aune de cette efficacit imm diate limit e son objet qui n est pas extraordinaire qu il nous faudra juger cette prestation mesurer l habilet du locuteur et simultan ment exercer notre perspicacit citoyenne Car l explication de texte a aussi pour objectif de former des citoyens clair s aptes d celer les proc d s quelquefois douteux par lesquels les hommes de pouvoir tentent de circonvenir sa conscience critique E SITUATION HISTORIQUE En avril 1974 le pr sident Georges Pompidou est mort d un cancer Il tait le successeur et l h ritier politique du g n ral de Gaulle Un grand vide se cr e de nouvelles lections sont organis es Trois candidats la pr si dence ont de r elles chances d tre lus s ils r ussissent leur campagne Val ry Giscard d Es
12. en dehors bien entendu de ce qu ils disent les uns des autres notre regard reste pour ainsi dire en situation de focalisation externe d autre part nous ne sommes pas seuls face au x h ros qui suscite nt notre adh sion ce qu ils vivent chaque spectateur fait partie d un public qui ressent et r agit en m me temps que lui m me Nous sommes ainsi conduits jeter un regard social el non pas intime sur les personnages Bref struciurellement nous sommes conduits ne nous identifier qu distance Cela n emp che pas le ph nom ne d identification de jouer plein mais selon des modalit s en effet diff rentes de celles du roman D une part en effet les conventions que sont l apart et le monologue vont permettre au public de p n trer en quelque sorte dans le for int rieur des personnages de se metlre l coute de leurs arri re pens es un peu comme dans le cas de la focalisation interne L apart cr e une connivence soudaine entre le spectateur et le personnage qui se confie lui l insu des interlocuteurs avec lesquels il dialogue haute voix Le monologue int rieur permet au h ros seul en sc ne d emplir toute la salle qui l coute de la voix de son moi c est dire de ses tats d me de ses m ditations de ses analyses nous sommes en lui il est en nous quoi l on peut ajouter les sc nes de faux dialogue o le h ros ou l h ro ne se livrent des confidents
13. mim tique de sorle qu il suffit de quelques traits pour nous faire vivre par procuration ce qui constitue l existence du personnage L identification li e au dispositif romanesque M me si nous nous sentons tr s distincts d un personnage en effet le cadre roma nesque qui le place au centre de l action nous oblige nous int resser lui voir les choses par lui sympathiser avec ses motions Par exemple si le h ros est un jeune homme et que la lectrice est une jeune fille celle ci est conduite prendre fait et cause pour ce personnage masculin se mettre sa place y compris dans une sc ne de s duction C est ce qui arrive dans le Rouge et le Noir lorsque Julien saisit la main moite de Madame de R nal que l on soit fille ou gar on c est par Julien que l on ressent l motion de Mme de R nal c est Julien que l on est ainsi conduit s identifier et non au bonheur de l h ro ne Deux aspects du code romanesque conduisent cela D une part en tout lecteur l esp ce d attente narrative qui fait partie de tout conte ou r cit I suffil d entendre il lait er A se mette croire pour que l on se projette sur un personnage a priori digne d int r t en laissant de c t notre r alit pr sente pour vivre en imagination ses aventures fictives Bref d s que le h ros est nomm on le prend pour une personne on plonge en lui on d cide que je sera cet autre le temps
14. point de vue immobile sur un plan fixe on change au moins six fois de point de vue par touches successives Mais nouveau la troisi me strophe nous oblige relever les yeux vers l air noir o se per oit s entend 2 le battement sans bruit des ailes des chats huants Poursuivant son mouvement ascendant le regard du spectateur doil encore se tendre vers le z nith o des lueurs paraissent pour alors redescendre l g rement vers l horizon o soudain merge V nus plan te appel e aussi l toile du berger Le point de vue s est donc encore modifi trois fois Cetie errance du regard tout au long du texte contribue videmment fondre le lecteur dans l atmosph re de ce nocturne sous la conduite du po te S il est vrai que l auteur ne raconte rien d autre ici que la fin du jour et la tomb e de la nuit on peut tout de m me estimer qu il nous rapporte une histoire v cue avec son d but et sa fin et qu en assistant ou feignant d assister ce spectacle au pr sent il s est plac en position de focalisation interne Or dans le cadre de cette focalisation unique il est surprenant de constater quel point le point de vue a pu varier l insu m me du lecteur qui a t amen le partager Cette tude de la variation du point de vue descriptif nous semble concluante il faut acqu rir le r flexe de l examiner l int rie
15. sautent en position centrale septi me syllabe an du second vers lancent ciel avec P hiatus eux hur qui oblige rejoint le sens le po te pratique syst matiquement l eee cf Clef n 13 S Charies Baudelaire 301 Ce long cri d chirant fait place aux vers 15 16 une comparaison peu vidente le hurlement des cloches tant alors assimil ainsi que la plainte sourde et obstin e des esprits errants Geindre et hurler ce n est tout de m me pas la m me chose En r alit malgr ce glissement peu coh rent c est un autre tableau de la m me d chirure que nous assistons Baudelaire peint sous un autre angle l impuissance douloureuse de l me meurtrie les geignements sourds manifestant l autre face d un m me d sespoir d un ultime appel avant la r signation prochaine Le caract re lancinant de ce g missement sans r pit est marqu par l enjambement une fois encore par l allit ration les dentales et surtout par la di r se sur l adverbe opini trement qui occupe un h mistiche lui tout seul et donne l impression que le vers n en finit pas de finir ne pas oublier la liaison mettent t Qui se mettent geindre opini trement Quels sont les esprits errants et sans patrie Traditionnellement ce sont ces fant mes ces revenants morts sans s pulture ou en tat de p ch et condamn s errer ind finiment ils ne s
16. tral que le public va chercher dans des spectacles produits pour le distraire D une part parce que la vie sociale la moins concert e fertile en sujets d amusement est toujours une sorte de th tre naturel o les uns en position de public rient propos de ce que disent ou font les autres en position de conteurs amuseurs ou d acteurs involontaires D autre part parce que tr s t t nous consommons des divertissements amusants lesquels nous apprennent regarder le monde comme spectacle et ainsi reconna tre dans certaires siuations de la r alit un comique pr alablement int rioris comme cat gorie litt raire Alors qu il s agit l d un attitude culturelle raison pour laquelle on rit diff remment selon les cultures nous lt gloussons spontan ment comme si les choses s ing niaient d ellesm mes nous divertir en oubliant que notre sens comique est le fruit de r flexes pr construits Aussi pourrat on illustrer celte notice aussi bien par des exemples emprunt s aux spectacles sketches th tre que par des situations couramment observ es 3 l ternelle interrogation pourquoi rit on peut donner lieu deux recherches compl mentaires qu est ce qui produit l hilarit des publics niveaux de comique et proc d s qui font rire en quoi consiste le plaisir ainsi d clench nature de celte euphorie besoins plus ou moins conscients qu elle sati
17. travailler E CONCLUSION Que dire encore de l efficacit de ce discours reconnue par la plupart des commentateurs y compris les adversaires politiques du chef de l tat Ceci il y a la voix de l orateur Non pas la simple technique d une diction prouv e Mais une voix de longue date entr e dans l Histoire dont le timbre tait charg de connotations plus ou moins l gendaires Une voix avantag e d ailleurs par le fait qu il n y avait pas d image et qu elle pouvait alors r gner seule sur le message du g n ral de Gaulle Les deux fonctions expressive et impressive du langage chappaient ainsi l analyse purement textuelle de cette communication Cette voix porteuse d un rappel l ordre avait par elle m me un poids consid rable dont la raison est aussi qu elle touchait l inconscient Charles de Gaulle 263 turbulent d un peuple qui s tait plu braver pendant quelques semaines l autorit du P re Le peuple enfant n attendait plus que d tre grond pour rentrer dans le rang et se soumettre nouveau ce que les psychanalystes nomment le Surmoi collectif Il va de soi que cet aspect du discours chappe aux outils d analyse usuels de l tude du texte argumentatif Clef n 31 Les performatifs Les linguistes appellent performatifs des verbes dont le simple nonc au pr sent sufit op rer l action qu ils exprime
18. Cantique Elsa Les yeux d Elsa Elsa Le Fou d Elsa L h ro ne du po me que nous allons commenter c est elle dans la vie d Aragon qui cherchait d sesp r ment un sens elle est apparue comme le salut l horizon la renaissance Ceci permet de comprendre ce qui se trouve l origine du bouleversement chant dans ce po me mais l encore est ce suffisant En effet si ce texte semble crit sous le coup de l motion sa publication dans Le Roman inachev date de 1956 soit pr s de trente ans apr s la rencontre d Elsa Aragon chante une fois de plus sa renaissance par lamour il revient sur l histoire de sa vie ce roman inachev marqu e par l apparition d Elsa Cet pisode est donc devenu un th me d inspiration th me classique sur lequel le po te va broder consciemment avec toutes les ressources de son talent L originalit que nous avons faire ressortir n a donc nullement besoin de l explication biographique Oublions donc Elsa en tant que telle Oublions la personne d Aragon Il nous suffit de savoir par le contexte du recueil que le po me est crit par un homme qui c l bre une femme elle n est nulle part nomm e et d examiner comment l expression lyrique de cet amour peut nous mouvoir E TH ME ET MOUVEMENT DU PO ME La rencontre d une femme exceptionnelle vient sauver un homme pr t au suicide elle le fait rena tre Culte de la femme m tamorphose de
19. Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien ton aise Don Juan m ne l enqu te il pose les questions il a la parole parce qu il a le pouvoir Il ma trise l ironie parmi ces arbres il ne se peut donc pas fait ressortir l illogisme du Ciel qui ne r compense pas ses fid les en feignant de croire que le Pauvre devrait logiquement tre l aise On sent bien ici que Don Juan a raison mais aussi qu il en abuse pour tablir sa domination D o le malaise du public qui se sent la fois d intelligence avec Don Juan dominant et de c ur avec le Pauvre domin 156 Textes dramatiques 5 Tu te moques un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d tre bien dans ses affaires L ironie est ici son comble c est celui qui dit tu te moques qui se moque et fait semblant de croire aux bienfaits d un Ciel dont il doute Don Juan crase de son brio le pauvre homme qui d ailleurs ne comprend pas bien cette ironie il r pond au premier degr noter qu au del du Pauvre Moli re vise probablement les faux d vots qui avaient r cemment fait interdire sa pi ce Tartuffe Ceux ci cachaient en effet sous le masque de la pi t leurs bonnes affaires mat rielles leurs pri res taient rentables Cette phrase cinglante un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d tre bien dans ses affaires travers le personnage qui expr
20. M tonymie Il n est pas question d imaginer un ventre qui se prom ne tout seul avec ou sans des oreilles Le ventre symbolise la personne la partie d signe le tout et les oreilles repr sentent la capacit d coute cf Clef n 37 Quelqu un qui a tr s faim est sourd toute autre parole par exemple un lyc en en cours 12 h 30 5 Dans Marieke Brel chante la Venise du Nord P riphrase La Venise du Nord c est Bruges Au lieu d appeler la ville par son nom on lui substitue une tournure d ensemble l expression fait le tour de la r alit sans la nommer directement d o le terme p riphrase De la m me fa on les Pr cieuses ridicules de Moli re d signent les fauteuils par la p riphrase les commodit s de la conversation p riphrase m tonymique elle substitue au fauteuil une expression qui d signe sa fonction 6 Pas g nial ce cours Litote Comme l indique le point d exclamation l tudiant veut dire que le cours est franchement nul Il att nue apparemment sa formulation par la n gation du contraire de ce qu il pense mais le ton nous renseigne suffisamment Il pourrait dire semblablement d un prof dont il pense le plus grand bien Pas con ce prof Notons que la litote ressemble l euph misme en ce qu elle att nue formellement la r alit mais c est pour signifier le contraire Alors que l euph misme lui att nue le si
21. Victor HUGO Les Contemplations IV 16 1856 M TEXTE ET CONTEXTE Ce po me tient la promesse de son titre il voque la toute puissance de la Mort Victor Hugo reprend l all gorie classique de la Faucheuse la Mort est personnifi e sous les traits d une faucheuse l aspect squelettique Ce qu elle fauche ce sont les tres humains Cette repr sentation est fr quente dans les dessins ou les vitraux du Moyen ge dans une civilisation rurale l image de la moisson faite la faux ou la faucille venait naturellement l esprit des gens pour symboliser le travail de la Mort r coltant chaque jour son lot de tr pass s L image de cette moisson d hommes se trouve d ailleurs d j dans les textes bibliques comme l Apocalypse de Jean L Ange qui tait assis sur la nu e jeta sa faucille sur la terre et la terre fut moissonn e 1 La Mort en latin 274 Textes po tiques Apocalypse XIV 16 C est ici un ange qui moissonne et cet exemple a probablement inspir Hugo la fin de son po me La question est de savoir comment le po te va faire sien ce th me traditionnel D abord par la place du texte dans les Contemplations On sait qu une grande partie de son recueil est centr sur le souvenir de sa fille L opoldine morte tragiquement une dizaine d ann es plus t t La mort n est donc pas simplement un th me pour lui c est un v nement fondamental marqu par
22. antith se L antith se est cette figure de style qui traduit l opposition entre deux id es ou deux r alit s contraires par une disposition sym trique des termes qui les expriment C est le cas de ce simple slogan Un petit clic vaut mieux qu un grand choc Sont oppos s clic et choc petit et grand le tout formant deux groupements antith tiques petit clic grand choc Cette opposition s mantique caract ristique de l antith se peut parfois prendre la forme d un rapprochement des expressions d signant les r alit s contraires comme dans cet exemple Chez lui la laideur du corps s alliait la beaut de l me Et lorsque les termes oppos s sont r unis au point de former une sorte d alliage expressif on d bouche sur la figure tr s particuli re appel e oxymore ou alliance de termes figure visant produire un effet dissonant qui saisit le lecieur ou l auditeur Clart obscure Soleil noir Neige en deuil se h ter lentement e Mais en g n ral l antith se est rendue frappante par la disposition en parall le des groupes de mots lesquels s opposent terme terme par exemple Si notre vue s arr te l que l imagination passe outre elle se lassera plut t de concevoir que la nature de fournir Pascal Pens es Dans cette phrase Pascal oppose d abord la vue qui s arr te l imagination qui passe outre devinant l invisible puis il oppose celte m me imagination qui con oif
23. cela s ajoute une d licieuse nuance quand on exag re on en fait toujours trop il faudrait donc viter le pl onasme exag rent trop comme s il tait mod r d exag rer un peu L ironie est que disant cela le locuteur reconna t qu il y a injustice m me si les petits esprits la grossissent et qu elle est acceptable si on ne l exag re pas trop Qu est ce qui permet alors de croire que ce trop n est pas atteint La confiance aveugle dans les princes d Europe Certes ceux l commettent quelques b vues des conventions inutiles mais fondamentalement ils ne songent qu la mis ricorde et la piti Or ils n ont pens rien La critique devient f roce ne serait il pas venu dans la t te des princes d Europe On entend bien qu ils sont en r alit totalement d nu s de piti comme le souligne l antith se mordante entre ce qu ils font et ce qu il Montesquieu 223 pratique ce sera beaucoup plus tard en ne font pas tant de conventions 1848 Ce dernier argument notons le inutiles repose lui aussi sur un syllogisme lt gt implicite 1 si les Africains taient mal une g n rale en faveur de la mis ricorde trait s nos princes auraient agi 2 or etde la piti nos princes n ont rien fait 3 donc il n y Cette interrogation finale prend soudain a pas eu de mauvais traitement un accent oratoire L app
24. cras s de r unions d informations de d cisions prendre de coll gues contrer nous qu on poussait de toutes parts culpabiliser notre autorit nous qui devions lutter sans cesse coups de campagnes publicitaires contre les id ologies subversives qui gagnaient parfois des gens de notre propre bord nous qui supportions hiver comme t le dirigisme prolif rant de l tat entrave permanente notre libert d entreprendre ou de licencier nous qui tions trahis par ceux l m mes que nos capitaux avaient fait lire et qui croyaient habiles de r aliser titre exceptionnel leurs promesses sociales nous qui d sesp rions de voir nos marges b n ficiaires de tout temps insuffisantes se r duire d ann e en ann e comme des peaux de chagrin sans qu il nous f t donn d lever nos prix ou de bloquer nos charges sociales nous qui en cons quence tions conduits malgr nous recourir des jeux d critures ou des subterfuges paral gaux pour tout la fois sauver l emploi maintenir le principe de l autofinancement et assurer la saine r alit du profit sans lequel nos actionnaires dont nous faisions partie ne nous eussent plus soutenus dans notre mission nous les patrons les battants pris entre l enclume de la technostructure le marteau des multinationales et la faucille des syndicats nous les patrons victimes expiatoires d un v ritable racisme anti patronal et d un
25. d une r ponse personnelle l oppression du groupe Oppression qui peut prendre la forme d une mode passag re cf Les Pr cieuses ridicules d un ordre hypocrite la caste des faux d vots dans Tartuffe d un pouvoir socio conomique les hommes d affaires dans le Topaze de Pagnol Oppression que fustige l uvre litt raire pour nous lib rer et qu illustre la formule c l bre Castigat ridendo mores lt l auteur ch tie les m urs par le rire Ainsi autant on peul s alarmer des ambigu t s du rire sadique il peut en elfet nourrir toutes les formes d ostracisme tous les pr jug s de classes dans une soci t donn e autant on peut comprendre et participer au rire satirique en ce qu il d nonce la b tise ou l oppression ou l injustice comme c est le cas dans les meilleures com dies Mais il demeure vrai que les limites sont parfois diffieiles_ econd distinguer notamment lorsque les auteurs pratiquent ce qu on appelle le con degr gt par exemple un skelch met en sc ne un raciste caricatural l auteur lui pr t videmment des propos hyper racistes mais voici que le public lui m me p tri de pr jug s se met applaudir ces propos qu il prend au premier degr Comment s y retrouver 4 Un plaisir mim tique Plus on est de fous dit le proverbe plus on rit Effectivement le Le rire esl contagieux plus la foule est nombreuse plus les clats de rire s enflent Ce ph n fi n
26. dont l il tente de palper la substance et l apparence gr ce la profusion des quali ficatifs tendres juteux rouges d aurore verts et gr ce la place de ces adjectifs toujours mis en valeur Suivant l exemple des abeilles le regard du descripteur semble vouloir ne rien laisser perdre nous suivons de pr s le destin des raides baguettes d abricotier nous voyons leur petite flamme de fleur s teindre et mourir nous observons l action des abeilles en gros plan Classiquement le substantif d signe l adjectif qualifie L abondance des adjectifs traduit ainsi la vision d un auteur beaucoup plus sensible aux qualit s concr tes des choses leur saveur qu leur nature propre On ne s tonne donc pas de voir le second paragraphe privil gier nouveau les adjectifs de couleurs Apr s le rouge d aurore Vaurore dans cette expression est ramen e une qualit sensorielle puis le vers juteux nous observons le blanc des pruniers le bleu du bl jeune le rouge ferrugineux de la terre le rose de cuivre des pruniers blancs et enfin la pivoine sanguine le substantif pivoine suffit en g n ral voquer la couleur rouge mais l auteur qui collecte les saveurs ne peut r sister l envie de dire sanguine Uniquement des couleurs vives contrast es Cette acuit des perceptions visuelles ne d note pas seulement le go t propre de la personne de Col
27. effet Esth tique de la retenue M 11 Le sch ma de la narration ss 103 12 La focalisation 5285245 nie Tasai ii sh 13 L Bypoty pose sinisini oriei i ie eian 114 14 L identification romanesque nee 122 15 La port e symbolique de Pacte EAE TESE 124 16 La distanciation flaubertienne s 131 17 Fonctions du portrait romanesque sesseseerreeeseeresseresseresesseseeseseessesresreseeseess 139 18 Quatre dimensions d une r plique ss ss 19 L identification au th tre sn 20 Le morceau de bravoure ses registres sa rh torique s sseseesesessssseesssserross 21 Les didascalies de l explication de texte l explication de gestes s01s0 22 Pourquoi rit On la itstitr mes iee ian sasea ni iniii a denim nine nine L d 23 Les niveaux de comique italie y 24 Les proc d s qui font rire sistema ay 25 Fonctions de lapostrophe s ssesssessssssssssssesssterestesressrenssresererurisrneesressseesereseesss d 26 Une figure fondamentale l antith se s Re 27 Le moi et le IYrISME serres vrac Niasa ei s er 28 Drone Sn ne nn A TT es etes es 223 29 Sch ma de la communication et fonctions du langage T 30 L analyse du discours en pratique M 31 Les performatifs esse soisissa iasa iaieiiea siidine ue 32 Oxymores et tautologies de l usage aux abus ss ssssrssssnessoserrssesssrresssresereessee m 3
28. elle une r ciprocit Il est digne S il aime c est dignement Car il aime il part pour le front de l Est o il pense mourir il d sire un mot de celle qui ne lui a jamais parl il ne dit pas ce d sir mais toute son attitude le manifeste comme malgr lui Ce qu il ne dit pas c est en non ant autre chose qu il le laisse entendre lorsqu il prononce la phrase rituelle Je vous souhaite une bonne nuit avec une voix volontairement d nu e d expression Comme si cette absence volontaire d expression trahissait paradoxalement tout ce qu il se retient d exprimer Mais il y a enfin l adieu un adieu qui est seulement murmur et dont la retenue sugg re l intensit La relation entre elle et lui Aussi intense que retenue elle passe d abord par le regard puis par la parole LE REGARD L change entre les deux personnages commence bien avant que la jeune fille parle D s le second paragraphe nous voyons en gros plan les pupilles de l officier amarr es celle de la jeune fille on ne conna t pas le contenu de ce qu ils se disent par les yeux chacun semble contempler et scruter l motion de l autre et l oncle narrateur s interroge Ebrennac a t il vu les perles d angoisse de la ni ce chacun attend et sans doute veut prolonger ce regard qui diff re la s paration d finitive il y a en effet d j une forme d union dans ce regard comme le confirme l
29. est lui que l auteur Vercors confie la t che de nous faire croire ce qui se passe et de nous mouvoir Ce choix a une premi re cons quence en adoptant la focalisation interne tout est vu de l int rieur du personnage de l oncle qui dit je plusieurs reprises Vercors donne au r cit la force l authenticit d un t moignage v cu m me si c est l un proc d d criture l auteur Vercors ne doit surtout pas tre confondu avec le personnage narrateur En tant que narrateur l oncle de la jeune fille prend donc en charge les divers aspects r alistes et expressifs d un r cit qui doit s imposer au lecteur Vercors 109 Il informe par lui nous sont donn es toutes les indications spatiales et temporelles les pr cisions sur la position des personnages qu il d crit la dur e de l change les traits objectifs de leurs visages etc Il fait croire l emploi du pass nous prouve que cela a bien eu lieu l emploi du pronom personnel de la premi re personne prouve qu il en a t le t moin les moindres d tails qu il per oit et rapporte Et je vis non pas na tre mais jaillir oui jaillir Je ne sais si Je crus qu il allait Mais non Cela dura dura combien de temps mais enfin je entendis rendent irr cusable son t moignage Toutes ces pr cisions objectives sont autant d effets de r
30. est la r actualiser c est la faire exister sans cesse et y croire de plus en plus L expression du bonheur renforce la conviction d tre heureux Il y a de la m thode Cou dans ce lyrisme Ce premier coup d il qui nous fait saisir la coh rence du po me doit tre approfondi pour nous permettre de comprendre l esp ce de relation magique qui se cr e entre le h ros qui raconte sa mutation et l h ro ne dont l amour transforme son objet Il nous faut examiner la fa on dont chacune des deux personnes nous est pr sent e en suivant le plus simple des plans 1 La vision de la femme son id alisation ventuelle 2 La m tamorphose du po te son caract re absolu Louis Aragon 327 M LA VISION DE LA FEMME Il y a un certain paradoxe dans ce chant cette femme n est pas nomm e Le texte n emploie pas m me le mot femme Le pronom elle est absent Le po te ne prononce pas davantage la mot amour Quel myst re C est qu en v rit nous devons tout deviner travers les seules manifestations de la personne voqu e Cela ne veut pas dire que l expression du po me et l image de son h ro ne soient froides bien au contraire mais que leur retenue leur d licatesse ne font que rendre plus mouvante la pr sence miraculeuse qui a transform la vie du po te Si donc nous explorons le texte la recherche des indices qui composent l image de cette femme nous trouvons successiv
31. il faille omettre de commenter les id es en tant que telles On a parfois lu ou entendu des commentaires expliquant en quoi un texte argumentatif tait convaincant sans dire un mot de la justesse de ses arguments Il faut savoir appr cier les id es ou d noncer les sophismes d un auteur pointer les pr suppos s discutables d un texte son id ologie quel que soit par ailleurs le prestige de l crivain qui le signe Reste que ce sont avant tout les artifices de l loquence les proc d s rh to riques qui servent par exemple diaboliser l adversaire pour se blanchir soi m me les diverses ficelles verbales des discours de propagande politique ou publicitaire les jeux de l nonciation ou le lyrisme de certaines envol es que le commentateur devra reconna tre Notons enfin que s il existe des textes argumentatifs bien identi fiables comme la plaidoirie d un avocat l loge d une vertu ou une allocution politique on rencontre souvent aussi des passages mixtes o soudain fait irruption un discours argumentatif que l on n attendait pas dans un r cit une autobiographie par exemple un po me un texte de th tre etc On parlera alors de amp registre argumentatif provisoirement utilis dans un genre o il n est pas dominant Le cas le plus fr quent est celui du th tre o le dialogue conduit souvent les protagonistes devoir se convaincre m
32. image de la barque attach e Panneau de la rive les yeux des jeunes gens sont bien riv s l un l autre au point qu on ne pourrait passer un doigt entre leurs yeux ni donc entre leurs c urs Or cet change dure Ebrennac ne bouge pas son regard d une ligne le narrateur insiste Il regardait ma ni ce Il la regardait apr s l adieu prononc par l Allemand l oncle pr cise que sa ni ce re oit ce regard avec ses yeux trop ouverts trop p les c est dire trop parlants Si on relit de pr s ce passage on peut souligner les marques de la dur e notamment dans la phrase Cela dura dura combien de temps dura jusqu ce qu enfin la jeune fille remu t les l vres Non seulement l impression nous est donn e par la r p tition des mots immobile immobile et tendu dura mais aussi par la syntaxe reprises anaphoriques incise entre tirets qui mime un change qui n en finit pas de 112 Textes romanesques finir Nous saisissons l un proc d stylistique appel l hypotypose terme sans doute tr s sophistiqu mais dont la pratique est fort r pandue voir Clef n 13 Cette motion qui s exprime par les yeux d autant plus forte qu elle demeure refoul e au niveau de la parole va tout de m me d boucher sur des mots qui la porteront son comble LA PAROLE Il n y a que trois r pliques La premi re Je vous souhaite une bo
33. jamais peut tre tonnant vers 12 Pour d plorer l irr m diable il n est pratiquement constitu que de mots outils des adverbes Cependant leur disposition fait ressortir le caract re cruel de l espoir qui s effiloche Le premier h mistiche d crit l loignement dans l espace le second l loignement dans le temps dans chacun la cadence croissante accentue l effet de fuite dans l espace ailleurs bien loin d ici comme dans le temps trop tard jamais peut tre Enfin le vers progresse vers l impossible jamais est soulign par le choix de l italique dont les raisons suivent imm diatement Car j ignore o tu fuis tu ne sais o je vais Parall lisme des destins parall lisme de la syntaxe Et l on sait que les parall les ne se rencontrent jamais Cette sym trie est tudi e disposition en chiasme des pronoms je tu tu je similitude des verbes j ignore tu ne sais tu fuis je vais Des nuances sont cependant signaler Elle fuit elle sait o elle va elle ne le fuit pas n cessairement moins qu elle craigne le pi ge d une passion orageuse c est plut t lui qui dans sa douleur interpr te ce rapide loignement de la femme aim e comme une fuite Quant lui po te extravagant il va je vais sans doute au hasard sans but dans la vie Autre nuance j ignore ignorer c est souffrir d un manque de savoir a pour sym trique
34. l on ne dort jamais Les personnages en principe morts mais qui par 172 Textes dramatiques convention agissent et parlent comme des vivants ont d ailleurs les pau pi res atrophi es ils ne peuvent nullement fermer les yeux La cons quence est terrible chacun se trouve sans fin sous le regard des autres sans jamais pouvoir se rassurer sur soi en se regardant dans une glace ou en se retirant dans une m ditation int rieure ce dispositif s ajoutent des donn es biographiques qui rendent quasi impossible une cohabitation sereine des trois personnages Garcin militant pacifiste mais dont le pacifisme n est peut tre que l chet ne s int resse qu son pass aux actes d h ro sme qu il n a pas su accomplir le bavardage des femmes lui est insupportable In s possessive implacable ne s int resse aux autres que pour les asservir homosexuelle elle voudrait s duire la jolie Estelle mais la pr sence de Garcin l en emp che elle a donc besoin de d truire celui ci aux yeux d Estelle Estelle coquette et narcissique ne se sent exister que dans le regard d sirant des hommes chose qui rend furieuse In s et la pousse intervenir pour briser le couple potentiel Garcin Estelle Pour fuir cette situation ce man ge infernal In s s int resse Estelle gt qui s int resse Garcin gt qui ne s int resse qu lui m me l homme propose aux deux femmes de d samorc
35. la nature qui fournit mat riellement la premi re se lasse mais la seconde n a pas de fin On voit qu en une seule phrase remarquablement tiss e le syst me antith tique se saisit des l ments de l nonc pour les ordonner en r alit s contraires Cela nous permet d aller plus loin dans la compr hension de cette figure de rh torique Si en effet dans un premier temps l antith se ne fait que traduire des oppositions suppos es existantes blanc noir petit grand maladie sant 212 Textes argumentatifs vie mott esprit corps richesse pauvret chaud froid dans un second temps l antith se va servir construire voire cr er des oppositions entre des r alit s simplement distinctes Soit l on constate Mieux vaut tre riche et bien portant que pauvre et malade Soit l on construit La joie vaut mieux que le plaisir Dans ce second exemple la joie et le plaisir qui sont des r alit s simplement diff rentes parce qu elles sont mises en opposition par le proc d antith tique deviennent des notions contraires D s lors on peut renforcer l antith se d l ments suppl mentaires qui vont rendre de plus en plus radicale l opposition que l on cr e verbalement comme suit Ma joie vaut mieux que ton plaisir Mes joies spirituelles valent cent fois tes plaisirs mat riels La moindre de mes joies spirituelles vaut mille fais mieux que l ensemble de tes plaisirs mat
36. maintenant d un pas d cid c est une action la derni re et elle va durer En m me temps la main ch re est mise au rang des souvenirs Est ce dire que l enfant a pris son parti de cette s paration et qu il affronte Jules Supervielle 101 volontairement l aventure Vous le saurez lecteur en tournant la page mais tout le laisse penser De cette observation se tire une conclusion vidente le rythme narratif ne souffre pas de rel chement On voit progresser en m me temps les faits la bonne s loigne peu peu de l enfant il tient sa main est s par se sent amput re oit un appel confus n a plus d elle qu un souvenir et les sentiments du h ros d abord passif s par malgr lui puis se prenant en charge et enfin allant vers son ind pendance Mais bien entendu notre adh sion tient aussi ce que nous percevons tout ou presque par les yeux du h ros E LE REGARD DE L ENFANT SUR LE MONDE Nous avons de nombreuses indications sur ce que per oit l enfant On doit distinguer ce propos le mode de perception de son contenu Le mode de perception Dans la premi re moiti du r cit il y a plusieurs allusions ce que voit Penfant ne voit devant lui que remarque c est tout ce qu il voit il l ve la t te et dans la seconde principalement des impressions auditives paroles entendues au milieu du bruit croit entendre
37. o l id e de se raconter pour dire la v rit sur lui m me de publier ses confessions pour faire taire les critiques en disant le bien comme le mal Il faut savoir aussi que ce pr ambule a t ajout au r cit apr s la r daction des premiers Livres une poque de grande agitation o Rousseau tait en proie la hantise d un v ritable complot tram contre sa personne Ceci explique la vigueur et le caract re dramatique de ce d but et le paradoxe surprenant d un discours dont l auteur ne s accuse que pour s innocenter E MOUVEMENT DU PASSAGE Plusieurs questions se posent au lecteur qui ayant pris connaissance du titre Confessions se plonge dans ces premiers paragraphes quel est cet homme quel visage nous montre t il d s cette entr e en mati re quel rapport entretient il avec sa vie avec son moi qu a t il fait pour avoir un tel besoin de se raconter quel est cet crivain pourquoi et pour qui crit il L criture est elle simplement le moyen de traduire ce qu il est ou de le construire Cette distinction entre l homme et l crivain est d autant plus l gitime que celui ci la pratiquera lui m me en intitulant les Dialogues Rousseau juge de Jean Jacques Dans ce pr ambule la strat gie constante de Jean Jacques est de recourir pour se justifier au talent de Rousseau M me si videmment il s agit de la m me identit globale Ainsi
38. qu un premier aspect de l argumentation voltairienne L image du Cr ateur ins parable de la conception que Voltaire se fait de l homme va fonder maintenant son plaidoyer en faveur de la tol rance E LA CONCEPTION DE DIEU ET DE LA NATURE HUMAINE D embl e Voltaire oppose linfinit de Dieu la petitesse de l homme selon une antith se classique mais radicale L image de Dieu Il s agit d un tre supr me assez loign planant au dessus de tous les tres de tous les mondes et de tous les temps au r gne peut tre trop universel pour pr ter une r elle attention aux faibles cr atures contemporaines de l crivain Voltaire Ce Dieu certes a tout donn et le texte conclut en b nissant sa bont Mais il a surtout dict des d crets immuables comme ternels et quant la nature de ses dons si l on en juge d apr s cette pri re elle n est gu re enthousiasmante un c ur des mains l instant de notre existence et le fardeau d une vie p nible et passag re Ce Dieu froid Voltaire parle ailleurs d un grand horloger sans rapport avec les hommes peut il et veut il vraiment intervenir en faveur de la fraternit humaine M rite t il d tre b ni en mille langages divers En v rit la puissance si crasante et quasi indiff rente que Voltaire lui pr te fait douter a priori de l utilit de la pri re 230
39. soient qualifi s de longs Mais il faut aussi couter simultan ment le d roulement lent de la phrase sur les six vers de la strophe par exemple en la disant haute voix Nous y retrou vons justement dans les chos sonores dans la modulation rythmique des vers cette vibration du violon qu ils sont charg s d voquer Sans cette double perception pr alable on ne pourra pas expliquer un texte dont on n a pas cout la po sie musicale Viendra ensuite l tude des effets objectifs du texte di r se assonances accents rythmiques allit rations Mais l un ne peut aller sans l autre Le lecteur qui veut bien nous suivre fera sans doute une objection de taille et si l on ne ressent rien Si l on est sec devant une page qui semble archa que ou crite dans une autre langue que celle qu on a l habitude 30 Principes et m thodes d entendre Si l on n a pas du tout d impression Que faire Faudra t il faire semblant On pourrait tre tent de r pondre pourquoi pas En r alit il est rare qu on soit totalement d nu d impression surtout si l on veut bien relire le texte une ou deux fois en suivant la m thode que je viens d indiquer Quoi qu il en soit le fait que certains lecteurs ne ressentent rien au premier abord montre bien qu il faut apprendre ressentir surtout la lecture des textes classiques Mais il y a tout de m me quelques recour
40. tant t aigus et comme impatient s tant t touff s et comme importants se croisaient Un son de trompe courut se r percuta s affaiblit et de nouveau brama d intervalles en intervalles Les gardiens fermaient les barri res du passage niveau un train de grande ligne s avan ait au loin Un ren clement farouche un cri strident trois fois r p t d chira la nuit puis deux fanaux semblables d normes yeux coururent sur le rail qui miroita mesure que le train roulait La terre trembla et dans une bu e blanche tisonn e d clairs dans une rafale de poussi re et de cendre dans un claboussement d tincelles le convoi jaillit avec un pouvantable fracas de ferrailles secou es de chaudi res hurlantes de pistons en branle il fila sous la fen tre son grondement de tonnerre s teignit l on n aper ut 58 Textes descriptifs bient t plus que les trois lanternes rouges du dernier wagon et alors retentit le bruit saccad des voitures sautant sur les plaques tournantes J K Huysmans Les S urs Vatard 1879 Une premi re recherche sur le r alisme de cette page pr cisions techniques jeux et contrastes des couleurs usage des verbes d action effets de sonorit s puis une tude des indices de personnification des locomotives vocabulaire animal m taphores et comparaisons autonomie pr t e aux machines permettront de montrer assez facilement comment un texte au d par
41. telle qu elle est telle que la constitue le texte cela s ajoute la force du moi l affirmation du je solitaire face au vous collectif Non seulement l auteur se montre seul contre tous mais il apostrophe les j suites sur un ton condescendant Je vous plains mes P res C est celui qui est en position de faiblesse qui se permet de plaindre ceux qui sont en position de force Comment pourrait il manifester cette piti ironique s il ne disposait pas d une arme secr te d une sup riorit invisible Eh bien cette sup riorit cette arme secr te qu il poss de c est tout simplement la v rit Avant m me que Pascal dresse le tableau de l ternel combat entre la force et la v rit il en pr suppose l existence dans la position qu il se donne Et r ciproquement le tableau qui va suivre aura pour effet de prouver que l crivain est dans le bon camp En somme d s les premi res phrases du texte Pascal se met du 206 Textes argumentatifs c t de la V rit pour mettre la V rit de son c t C est d elle qu il va maintenant parler comme s il tait d j vident qu elle parle par sa voix E L TERNEL D BAT LE PARALL LE VIOLENCE ET V RIT C est une trange et longue guerre que celle o la violence essaie d opprimer la v rit La chose est claire c est bien la violence qui ouvre les hostilit s et Pascal en
42. thique Premier argument racial Ceux dont il s agit sont noirs depuis les pieds jusqu la t te et ils ont le nez si cras qu il est presque impossible de les plaindre Une grave question se pose les N gres appartiennent ils l esp ce humaine Si oui c est tr s g nant il va falloir les plaindre et cesser de les exploiter Si non il est l gitime de les employer comme des animaux domestiques Or ils sont noirs et ont le nez cras deux traits qui s opposent au physique normal celui des Blancs Il est donc n cessaire de s interroger sur cette diff rence est elle essentielle ou secondaire Pour l Europ en moyen pas de doute cette diff rence est signe d inf riorit Donc on peut rendre esclaves les Noirs et s en servir Montesquieu met ici l accent sur le fond m me de tout racisme prendre la diff rence d autrui pour une anormalit une inf riorit ou une d naturation ce compte l les Noirs seraient fond s trouver suspecte et antinaturelle la blancheur des hommes du Nord et ridicule leur appendice nasal excessivement pinc L argument racial est videmment un argument raciste Mais comment l auteur nous en fait il prendre conscience Par l exag ration Pour un lecteur raciste ou la part de racisme qui se trouve en chacun le fait d tre noir est une monstruosit et donc une inf riorit Montesquieu grossit alor
43. un r cit nous sont fournies le lieu un magasin boulevard Haussmann le personnage principal Antoine 7 8 ans accompagn de sa bonne le moment en milieu de journ e semble t il Les pr cisions spatiales relatives l aventure de l enfant suivront au fur et mesure de ce qui lui arrive Le temps employ le pr sent est la seconde caract ristique beau coup plus originale de cette narration Il nous permet d assister en direct ce qui se passe le narrateur et le lecteur sont associ s par ce pr sent au v cu imm diat du h ros instant par instant comme dans un reportage Les questions pos es en cours de r cit elliptiques cf col re d avoir reconna tre son impuissance accentuent cet effet Il y a simultan it entre l histoire qui se d roule et le r cit qui en est fait pour l instant pendant que maintenant ce pr sent dominant il y a toutefois deux exceptions la fin du troisi me paragraphe nous sommes surpris par un pass simple temps de l action pass e r volue Cette grosse main qui lui fr la l oreille Puis la fin du texte un imparfait renvoie soudain dans le pass la r alit voqu e une main ch re et rugueuse dont les asp rit s semblaient faites pour mieux tenir les doigts l gers d un enfant Ces deux exceptions sont notables elles soulignent l v nement central du r cit la s paration et sa
44. une uvre autobiographique comme L Enfant de Jules Vall s dans ce livre par exemple o l auteur fait dire je son narrateur nomm Jacques Vingtras on pourrait croire que tout est t moignage et cependant alors que Vall s avait une s ur son personnage qui raconte son enfance n en a pas Inversement un crivain peut choisir de raconter son histoire personnelle la troisi me personne pour ne pas se sentir confondu avec un personnage qui ne le repr sente que partiellement Ainsi ce n est pas le je de la biographie qui doit servir expliquer un texte c est le je du texte qui doit permettre de comprendre comment l auteur construit sa personnalit par l criture qu il s agisse de Chateaubriand ou de Vall s de Baudelaire ou de Brel Ce n est pas r duire le texte aux impressions du lecteur Certes chacun doit apprendre capter en lui m me ses impressions profondes c est par elles que nous reconnaissons souvent les effets d un texte on en reparlera Mais on voit trop de candidats num rer des on a le sentiment que on prouve une impression de sans jamais analyser ce qui dans le texte est l origine de ces r actions ou motions Ou pire en attribuant au seul th me du texte l impression prouv e Or r p tons le ce n est pas parce qu un texte raconte par exemple les malheurs d un personnage qu il cherche n cessairement apitoyer
45. uvre elle m me montre parfois de grands carts Par exemple Zola qui pr tend faire de ses romans une tude r aliste et m me naturaliste se montre souvent beaucoup plus visionnaire qu objectif et c est tant mieux pour son uvre D autre part l auteur n est pas toujours conscient de tout ce qui traverse lacte d crire Les mots qu il emploie les vidences qu il diffuse ses choix esth tiques m mes d pendent souvent de son poque des courants litt raires de la vision des choses du groupe social auquel il appartient De tout cela il n est pas totalement ma tre Sans parler des ruses de son inconscient que la critique psychanalytique a su mettre au jour Ainsi l tude du texte nous en apprend plus sur l auteur que la connaissance de Pauteur ne nous en apprend sur le texte C est donc apr s l explication qu il est pr f rable d voquer les intentions de l auteur et plut t que de ses intentions c est de sa vision du monde ou de son univers personnel qu il faut parler Qu est ce qu expliquer un texte 15 N oublions pas enfin qu un auteur joue souvent avec son texte il n est pas l o nous croyons le trouver Sa personne r elle ne co ncide pas n ces sairement avec sa fonction d auteur et sa fonction d auteur dans le roman par exemple se distingue souvent du r le du narrateur qui est cens raconter Et ceci m me lorsqu il s agit d
46. 171 Stendhal re a aa enas erea e EE aeS E e ne unes 86 Supervielle sisien e a a ia as aa s d EE a aTi 97 EE i E E O E O E E E A a nanrendite 49 Vall s E NE AE A E E AIE AE A dan E NOTA 78 Veros niteni i e ai AE EEEN a eee Ni 107 AETI nT E OEE EEA TEER E TEE 76 316 AANA s EE EA nr an un sere ie dat at ren AE EEE EEEE 285 Achev d imprimer chez Gibert Clarey 05060135 Chambray les Tours France D p t l gal JUIN 2005
47. 26 Spleen 78 Les Fleurs du Mal Baudelaire 295 Clef n 35 L accentuation en po sie 304 EXPLICATION n 27 une Passante Les Fleurs du Mal Baudelaire 307 EXPLICATION n 28 Promenade sentimentale Po mes saturniens Verlaine inde ans ele dise eeie sance 316 Clef n 36 Le paysage et l tat d me 322 EXPLICATION n 29 Il n aurait fallu Le Roman inachev Aragon 324 Clef n 37 M taphore et m tonymie nn 331 EXPLICATION n 30 Barbara Paroles Pr vert 334 Clef n 38 L horizon d attente inner 342 Clef n 39 D notation connotations sn 343 BOUQUET FINAL sis ieresnionemeinesnesetesiieencense nette osesenee tien niet abo eo ee ace tee 8e 345 Clef n 40 Petit test sur les figures de style esessssssseseserssserssesrsnsrrrorrrosrnsesses 345 Index des notions a sn NE etes 349 Index des aufeurs 2 4140rtt aa lan a EAOa ERE 351 K 1 Le r alisme sa fonction et ses limites s see ssssesereseesrrssseereroruesserrseooreeosreessereserene SE 2 La personnification sa nature et son r le sssessessssesresessessssesesersesseseesessesersses 3 L anthropomorphisme ren 4 Le je et nonciation S 5 Le r le des sensations 2 44unsetianeninnsnninantntt 6 La question du point de vue P E E 7 L identification sens g n ral ss 83 8 La distinction Homme Auteur Narrateur ns 84 9 Le contraste A TE T 10 Esth tique de l
48. Ainsi pourrons nous rire du caract re pouvantablement go ste et ent t d Orgon lorsque celui ci affirme Et je verrais mourir fr re enfants m re et femme Que je m en soucierais autant que de cela Les r p titions Comme les anaphores en po sie les r p titions produisent un effet d amplification du jeu du motif comique de la raideur d un personnage de la logique gt de l absurde et donc provoquent un rire croissant du public qui n en peut plus C est le cas de r pliques comme le Sans dot l gt de L Avare ou le Y a pas de doutes il s en sert du sketch J ai des doutes de Raymond Devos e Le contraste l opposition D une part la mise en contradiction d un personnage avec luim me ou avec un ER autre produit des effets de sym trie se d autre port dans une m me sc ne ou d une sc ne l autre nous pouvons avoir des Tupiures brutales O d s inversions inattendues Par exempl dons tes femmes savantes Vadius t Trissotin ne cessent de s entre flatter excessivement puis l un d eux ayant critiqu le po me de l autre ils se livrent une s rie d injures de plus en plus grossi res Le th me de l arroseur arros un personnage est victime du Srotag me m me qu i a a mis au point pour pi ger les autres les contradictions entre ce qu un personnage dit et ce qu il fait les d fis grandiloquents et les l chet s r elles de Matamore dans L lllusion comiqu
49. Anaphores Dieu de tous les tres de tous les mondes et de tous les temps c est toi Dieu toi qui as toi dont les que les petites diff rences entre entre entre que toutes ces petites nuances que ceux qui que ceux qui que ceux dont etc Antith ses amour haine petitesse des cr a tures immensit de l univers faiblesse de l homme grandeur de Dieu Redoublement de termes qui donnent de l ampleur au discours immuables comme ternels vie p nible et passag re de haine et de pers cution fruit du travail et de l industrie On remarque que le premier paragraphe trois quarts du texte ne comporte que deux phrases exigeant ainsi de l orateur un souffle soutenu et solennel selon un phras typique de l loquence sacr e La ferveur du ton L accent de supplication se traduit par les imp ratifs et subjonctifs Fais que nous nous aidions que ces erreurs ne fassent point que toutes ces petites nuances ne soient pas Puissent tous les hommes employons l instant de notre existence Une mention particuli re doit tre accord e au tutoiement qui n est nullement ici un indice de familiarit Adress Dieu il a classiquement une valeur solennelle soulign e par l anaphore toi toi qui toi dont La cr ature Voltaire 229 tutoie son Dieu dans un face face direct mais
50. Esth tique de la retenue Quand un texte multiplie les m taphores les hyperboles un rythme soutenu des effets de narration dramatiques on a le sentiment qu il est plus facile expliquer parce qu il y a vraiment quelque chose dire Et pour le commenter il est souvent commode d imaginer ce texte retranscrit de fa on plate prosa que simple mod r e Cela permet de mesurer l ampleur des effets stylistiques cf nos remarques sur la phrase de Pascal Le silence ternel de ces espaces infinis m efraie p 12 Mais l inverse quand une page a l air si sobre si banale qu on ne sait comment la prendre il faut se demander ce qu elle serait devenue si l auteur avait voulu charger son style et amplifier ses effets Car c est alors une volont esth tique uvre dont le but est de retenir l motion la sensation et leurs facilit s Ce qui ne veut pas dire que le proc d soit moins efficace on se demandera donc qui est en quoi la simplicit est un choix on parle de simplicit savante pour certains po mes de Verlaine ou certaines fables de La Fontaine pourquoi certains crivains recherchent un style pauvre qui semble ant lit raire comme Camus au d but de L tranger on a parl ce propos de degr z ro de l criture et finalement quel est l effet de ce refus de faire des effets l examen de l nonciation et des indices en particulier par lesquels l auteur ou le narrateur s
51. Et la porte se ferma et ses pas s vanouirent au fond de la maison Pour mesurer toute la port e de cette sc ne comme du r cit lui m me lorsque le livre fut publi il est utile de revenir maintenant la fois sur le contexte du passage tudi ci dessus et sur la situation historique qui a conduit Vercors crire cette histoire Le Silence de la mer met en sc ne un parfait Allemand h berg par de parfaits Fran ais sous l occupation nazie Werner von Ebrennac qui fait la guerre presque malgr lui s excuse de devoir tre log chez l habitant Il aime sa patrie et il appr cie le fait que l oncle et la ni ce par sentiment patriotique refusent de lui adresser la parole Chaque soir il leur parle n anmoins avec conviction Il se r v le sensible il est musicien et id a liste Il admire la culture fran aise et ne r ve que d une union entre la France et l Allemagne dont les cultures lui apparaissent comme compl mentaires Il reconna t et d plore ce qu il y a encore de brutal dans les m urs allemandes mais citant le conte de la Belle et la B te il souhaite vivement que l amiti de la France pour l Allemagne transforme d finitive ment celle ci ses yeux la ni ce de son h te incarne la France leur amour pourrait contribuer les unir l une l autre De leur c t l oncle et la ni ce estiment devoir conserver leur dignit de Fran ais Avec cet Allemand dont la
52. Il est difficile de mesurer l efficacit de ce texte en termes purement politiques tant ont jou de multiples autres facteurs dans l ensemble de la campagne pr sidentielle de ce candidat comme dans celle de son principal rival qui emportera sur lui On peut plus ais ment se demander si ce texte discours est suffisamment adapt au moyen de communication qu est la t l vision pour tre convain cant Des commentateurs ont estim que le candidat Mitterrand tait alors rest prisonnier d une loquence traditionnelle par opposition Giscard d Estaing qui avait su donner au t l spectateur le sentiment qu il tait en relation individuelle avec lui En ce qui nous concerne nous en resterons l examen de cette allocution comme discours Et ce qui appara t alors de fa on flagrante c est que l originalit de ce texte argumentatif se trouve en dehors de l argument proprement dit Il s est agi partir d une th matique banale de rendre cr dible sa candidature et de se donner la dimension d un repr sentant possible de ceux qui il s adresse C est d ailleurs ce que le candidat a r ussi Simplement son rival de cette ann e l fut meilleur que lui 256 Textes argumentatifs Clef n 30 L analyse du discours en pratique Lorsque l on tente d analyser les diverses communications qui se produisent dans la cit qu il vaudrait mieux nommer lextes discours que textes
53. Jules Supervielle 99 cause et par contraste avec le pr sent continu de la narration en font un fait irr versible r volu aussit t qu arriv Ces remarques initiales nous conduisent approfondir le rythme du r cit et la fa on dont il saisit l attention du lecteur Le sch ma d une intrigue voir Clef n 11 comporte classiquement les donn es suivantes tat initial v nement qui d stabilise action ou r action du h ros forces qui interviennent en sa faveur adjuvants ou contre lui opposants et qui peuvent tre aussi bien des personnages que des entit s diverses actants poursuite de l intrigue jusqu ce que le h ros trouve ou manque l objet de sa qu te qui est parfois le retour l tat initial tat d quilibre final heureux ou non qui peut n tre que provisoire Ce sch ma global valable en principe pour tout conte roman ou narration doit permettre de juger si un mini r cit est bien men m me si Pon n y retrouve pas tous les l ments th oriques Appliquons le cette premi re page du roman de Supervielle en alternant les segments de narration et leurs analyses 1 Antoine a sept ans peut tre huit Il sort d un grand magasin enti rement habill de neuf comme pour affronter une vie nouvelle Mais pour l instant il est encore un enfant qui donne la main sa bonne boulevard Haussmann Stabilit de la situation de d part Sortie en ville ordinaire Ma
54. Les effets de d cor la manipulation d objets voir l usage qu en font les clowns les didascalies parfois tr s d taill es qui font de l auteur le premier metteur en sc ne de son th tre tout est rep rer et commenter l invention de gags se retrouve naturellement dans de nombreux films comiques de Jacques Tati ou de Louis de Fun s par exemple 2 Le comique de mots Il comprend bien entendu les jeux de mots et tout ce qui est de l ordre de l inflation verbale cf l histoire du rhume dans La Cantatrice chauve de lonesco mais aussi les mots d auteur et les r pliques cisel es que l on peut souvent d tacher de leur contexte cf le docteur Knock d clarant Les gens bien portants sont des malades qui s ignorent Cependant le plus souvent les meilleures r pliques firent leur saveur de la situation o elles sont prononc es par des personnages souvent inconscients dur iiique de leurs phrases comme G ronte s criani dans Les Fourberies de Scapin Mais que diable allaitil faire dans cette gal re 3 Le comique de situation Ce dernier d coule des p rip ties de l intrigue l auteur s ing nie placer ses personnages dans des circonstances impr vues g n ralement embarrassantes en vases i Carr r sulte des malentendus des quiproquos des rencontres f cheuses situation PAR 0 DONNE pan en Re remit 198 Textes dramatiques classique des com dies de boulevard
55. adopt e par la collectivit Plus un texte est travaill litt raire plus il joue en effet sur les connotations Le talent de l crivain se reconna t souvent cet art d en jouer il cr e des images il associe des termes inattendus qui se colorent mutuellement il projette sur les mots ses motions personnelles il enrichit les expressions dont il use des retentissements particuliers qu elles peuvent avoir dans son imaginaire bref il est un cr ateur de connotations qui ne cesse de charger les mots de toutes les r sonances de son univers int rieur Il s ensuit qu expliquer un po me ou une expression po tique c est d abord souvent en explorer les connotations Le mot divertissement apr s Pascal le mot spleen apr s Baudelaire le plat pays apr s Jacques Brel sont autant d expressions dont le sens ou le potentiel po tique n ont plus rien de commun avec ce qu ils taient avant que ces auteurs s en soient saisis Et le nom Barbara de m me n est plus ce qu il tait depuis que Pr vert a crit Barbara Les connotations li es aux pr noms sont d ailleurs d autant plus arbitraires qu aucun pr nom n a en soi de d nolation particuli re Le pr nom est toujours plaqu sur un tre encore inconnu la relation qui s tablit entre celte personne et la sonorit de ce vocable est arbitraire et cependant les parents ne le choisissent qu en fonction du r seau imaginaire c est dire connol
56. ce premier regard tourn vers notre impression doit succ der un second centr sur l expression L habitude d expliquer les textes nous permet de recenser les quelques l ments suivants 26 Principes et m thodes la mise en valeur du mot jour en d but de vers il sert de point de comparaison il inscrit d embl e le th me de la clart dans Pesprit de l auditeur le terme tant saisi dans toute sa force symbolique Pordre dans lequel est tablie la comparaison il ne s agit pas de poser la simple quation mon c ur est pur comme le jour mais nuance essentielle d op rer le mouvement inverse c est le jour qui ne par vient pas tre plus pur que le c ur En inversant le comparant et le compar l auteur tablit que le jour est d une puret inalt rable premi re si essentielle que le plus pur des jours ne saurait l galer Vous me suivez la succession des mots est d ailleurs remarquable elle nous conduit du monde ext rieur puret du jour vers le monde int rieur fond du c ur Habituellement ce qui est apparent est clair ce qui est profond l est beaucoup moins Ici c est le fond m me du c ur qui a plus de clart que Pair du jour Le personnage est donc bien d une parfaite transparence la simplicit m me du vers contribue cette limpidit de son sens d une part tous les mots sont des monosyllabes d autre part leur
57. el destin s nous faire adh rer la sc ne Le plus subtil d entre eux est sans doute le Je ne sais si donn au pr sent qui traduit un effort de rem moration confirmant l vidence la sinc rit du t moin Il interpr te ce qui se passe il d code les divers signes traduisant les motions des personnages perles de sueur voix d nu e d expression yeux qui brillent ou du moins nous les laisse deviner Il est int ressant de constater ici que si Vercors en tant qu auteur a choisi la focalisation interne pour faire raconter la sc ne travers le regard de l oncle ce dernier en tant que narrateur se trouve dans une situation de focalisation externe l gard des deux jeunes gens qu il d crit il ne sait pas et n a pas droit de savoir ce qui se passe en eux autrement qu travers leurs manifestations ext rieures visuelles ou auditives D o l extr me acuit dont il fait preuve pour la fois percevoir et nous faire percevoir Ilretentit ce qu il pressent t moin objectif le narrateur est aussi un personnage part enti re puisque cette jeune fille est sa ni ce dont le visage lui fait peine Comme personnage de l histoire l oncle est fascin par l intensit des motions v cues par les jeunes gens il est en attente lui m me devant ce qui va avoir lieu je crus que il est frapp par le jaillissement des perles de sueur s
58. es de tout ce non dit clatant en trois mots elles prendront tout coup une importance consid rable Les personnages C est partir de cette mise en sc ne et de l motion qu elle d livre que nous pouvons maintenant examiner chacun des personnages puis la relation qui se tisse entre eux La jeune fille Elle n est qu un visage dont la p leur exprime la douleur interne Ses perles de sueur traduisent le jaillissement soudain de son angoisse Ses l vres l image du vase d opaline sont d une beaut pr cieuse mais d vitalis e Ses yeux sont galement trop p les Tout signifie la d tresse en elle elle a la mort dans l me et ne peut le dire Les m taphores renforcent les simples signes conventionnels de cette d tresse au Vercors 111 masque tragique l hyperbole des perles qui jaillissent illustre son intensit l image remplace l analyse Le jeune officier Il appara t plus globalement il tient le chambranle il tire la porte mais son regard et ses yeux sont eux aussi film s en gros plan C est sa lenteur son attente sa tension tr s visible qui manifestent la profondeur de son motion De m me qu on ne pourrait imaginer la jeune Fran aise dire cet ennemi officiel je vous aime sachez le de m me en d pit du drame de la s paration l officier allemand ne saurait envisager de se laisser aller une telle d claration encore moins implorer d
59. es par G rard de Nerval qui leur donne le sens d une initiation aux myst res du monde invisible Le R ve est une seconde vie Hant par le mythe d Aur lia qu il perd et qu il retrouve l auteur narrateur fait donc le r cit d un d lire qu il a v cu P panchement du songe dans la vie r elle avec ses d sarroi s et ses consolations Ainsi se dessine un second axe de lecture centr sur la nature fantastique et po tique de cet trange r cit E LA FORME ROMANESQUE L EFFET DE R EL Comme dans tout r cit on peut recenser ici de nombreux effets de r el qui nous font croire ce qui se passe Ce sont d abord les indications spatio temporelles On peut remarquer la pr cision des lieux on suit ais ment la marche du h ros dans Paris je me dirigeai je sortis je revins me dirigeant vers il se d place dans un univers connu dont il a une m moire bien pr cise Notre Dame de Lorette Champs lys es place de la Concorde les Tuileries rue Saint Honor le Louvre les Halles la pr cision des temps les faits se d roulent le soir puis la nuit les toiles brillaient dans le firmament puis l aube des paysans apportent aux halles leurs denr es les cogs chantent apr s un spectacle qui dure deux ou trois heures l abondance des verbes au pass simple temps du r cit objectif qui pr sentent les faits comme se d roulant effectivement l emploi
60. es sym triquement ajoutent leur bruit au sens des mots La rue assourdissante autour de moi hurlait Ce d cor hostile cerne de toutes parts le narrateur ce qui se traduit dans l expression par la place du mot moi encadr dans le vers par les termes et les sonorit s qui d signent la rue Le renvoi du verbe hurlait en fin de phrase lui donne toute son intensit comme si le hurlement se prolongeait Le moi est b illonn 2 L apparition Le vacarme de la rue fait ressortir par contraste l apparition de la passante La vision s oppose au bruit L hostilit de la rue et de la ville auxquelles le narrateur est tranger pr pare sans doute celui ci trouver en cette femme une issue la figure d un autre monde peut tre l espoir d une autre vie l Id al contre le R el On peut en effet se demander s il la voit ou s il projette sur elle une image id ale tant les caract res apparents de cette passante renvoient le lecteur des Fleurs du Mal aux traits significatifs de la beaut dans l univers baudelairien Au d part l vocation est cependant r aliste La mince apparence de la personne qui s avance le mouvement et l harmonie de sa d marche le deuil qui la marque et le faste de sa toilette sont autant de traits objectifs Mieux Baudelaire adopte une criture quasi cin matographique pour d crire l approche de la passante Longue mince en grand deuil douleur majestueuse Un
61. ex cution naura point d imitateur Je veux montrer mes semblables un homme dans toute la v rit de la nature et cet homme ce sera moi Moi seul Je sens mon c ur et je connais les hommes Je ne suis fait comme aucun de ceux que j ai vus j ose croire n tre fait comme aucun de ceux qui existent Si je ne vaux pas mieux au moins je suis autre Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m a jet c est ce dont on ne peut juger qu apr s m avoir lu Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra je viendrai ce livre la main me pr senter devant le souverain juge Je dirai hautement voil ce que j ai fait ce que j ai pens ce que je fus J ai dit le bien et le mal avec la m me franchise Je mai rien tu de mauvais rien ajout de bon et s il m est arriv d employer quelque ornement indiff rent ce n a jamais t que pour remplir un vide occasionn par mon d faut de m moire j ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l tre jamais ce que je savais tre faux Je me suis montr tel que je fus m prisable et vil quand je lai t bon g n reux sublime quand je Fai t j ai d voil mon int rieur tel que tu l as vu toi m me tre ternel rassemble autour de moi l innombrable foule de mes semblables qu ils coutent mes confessions qu ils g missent de mes indignit s qu ils rougissent de mes mis res Que chacun d eux d couvre
62. fait du silence qui continuait l entourer comme si son geste e t d d clencher quelque chute Mais non il ne se passait rien c tait toujours lui d agir Andr Malraux La Condition humaine 1933 ditions GALLIMARD 116 Textes romanesques M SUJET ET CENTRES D INT R T Expliquer une premi re page de roman pr sente toujours un notable avantage on n a pas pr ciser les donn es n cessaires la compr hension de l extrait puisque le d but du livre a justement pour objet de nous plonger dans ce contexte C est le cas ici Le lecteur ne conna t donc que le titre du livre La Condition humaine on admettra qu il n est pas d j averti par les critiques du contenu du livre Sa premi re surprise c est de voir d s l abord ce titre illustr par le r cit d un meurtre Surprise voulue par l auteur pour l entra ner dans un certain suspense le meurtre va t il avoir lieu C est sans doute une technique prouv e du genre narratif pour plonger le public dans l action d un livre ou d un film Mais ce n est pas ici un simple artifice On comprendra au fil du roman que la condition humaine c est d abord le destin de l homme confront aux diverses formes de la mort la mort naturelle la mort donn e aux autres le meurtre la mort qu on se donne soi m me le suicide et pour finir l ex cution capitale Ainsi d s louverture du r cit ce face f
63. il doit le moduler Et m me lorsqu une jolie tournure une expression heureuse lui vient l esprit par hasard ce n est jamais par hasard qu il la conserve il faut que cela ob isse ses choix esth tiques que cela entre dans la coh rence de son livre que cela corresponde ce qu il veut vraiment dire Naturellement dans tout ceci je parle des bons crivains Mais alors si je comprends bien tout est affaire de calcul et non de sinc rit L motion est une chose son expression en est une autre m me si parfois les deux jaillissent en m me temps Souvent le premier mot le cri spontan sonnent faux Et c est au contraire en cherchant en soi ce qu on prouve pr cis ment qu on affine sa sinc rit La po sie est un cri mais c est un cri habill dit Max Jacob Prenez l exemple d un peintre Il ne veut pas mentir il veut repr senter aussi exactement que possible le sujet qu il a en face de lui Regardez le faire il est bien oblig de calculer Il est d autant plus oblig de calculer qu il doit donner l illusion sur la surface plane du tableau d un monde r el en trois dimensions Il lui faut jouer avec les lois de la perspective les contrastes de tons les m langes de couleurs pour produire aux yeux du spectateur une impression de r alit Et m me pour retrouver sa propre impression devant cette r alit Aussi profond que soit son sentiment de la nature ou sa fasc
64. insistance avec laquelle ils sont rassembl s devient un effet expressif on est pass du simple mot au champ lexical du simple constat de l accident une peinture de la destruction On peut m me d celer ici ou l des effets sonores dans l criture effet allit ratif de cette fin de phrase dress sans force vers le ciel qui souligne l lan bris de l aile r duite un moignon extension syllabique de cette autre expression deux larges trous b ants qui largit encore l id e exprim e ou encore rythme ternaire dont l accumulation mime le chaos de la vision entrailles de t les disloqu es de cuirs lac r s et de fers tordus La personnification de l avion Le r alisme expressif servait le premier objectif du texte faire croire la r alit d crite partir de l seulement peuvent tre produits les autres effets dont le principal est naturellement la personnification de l appareil En lui pr tant un corps en en parlant comme d un animal qui vient de 52 Textes descriptifs mourir l auteur nous rend sensibles au drame de l avion Voici la liste des expressions qui contribuent cette personnification ilgisait comme celle d un poisson surle ventre des entrailles telle une b te bless e mort les flancs nus lenez des traces d h morragie Pune des ailes la carcasse un moignon lapeau la queue
65. l e de peur et de culpabilit dont le jeune homme gardera longtemps lc la trace dans son inconscient Dans la pi ce de Moli re L cole des femmes c est l inverse le jeune homme Horace qui d poss de le Barbon Arnolphe de l objet aim que celui ci pr tendait se r server Agn s D s lors le rire que suscite l attitude d Arnolphe ne s explique pas seulement par l normil de ses col res o de ses ridicules de vieillard bern ce rire s accompagne d une sensation n de re revanche inconsciente sur une situation que nous avons ant rieurement tQus plus ou moins v cue Le succ s d Horace et l all gresse qui en r sulte correspondent au renversement triomphal d une situation angoissante lravers lui c est notre tour de ravir l objet aim et d en frustrer le Vieux qui nous l interdisait Nous revivons donc notre complexe d dipe mais en vainqueurs celte fois et ce d lire est un triomphe Notre rire se nourrit d une vengeance fantasmatique Plaisir tonnant inattendu mais d autant plus vif que nous en ignorons le r el motif On peut g n raliser cette composante du rire Nous jubilons chaque fois qu il nous est possible de nier fictivement le fameux principe de r alit dont nous avons d cruellement subir la loi dans notre pass d enfants au fil de toutes les frustrations qu implique l apprentissage de la vie Dans d innombrables sc nes comiques nous rions ainsi d une
66. le Le point de d part de la personnification est l anthropomorphisme c est dire cette tendance de notre esprit projeter des formes humaines ou des sentiments humains sur les choses sur la nature ext rieure sur les animaux cf Clef n 3 L enfant ou le po te va ainsi pr ter un visage au nuage de la tristesse un lac une volont hostile un vieil difice une me une flamme de l orgueil une machine une pens e un arbre etc Le plus souvent la personnification s op re par des m taphores et des comparaisons Elle se manifeste aussi dans le proc d de l all gorie voir le po me Mors explication n 24 chaque fois qu il est question de conf rer une id e le statut d un tre vivant Marianne symbolisant par exemple la R publique fran aise Que l on se trouve en pr sence de m taphores humaines ou animales on dira qu il y a personnification lorsqu une r alit naturelle v g tale min rale ou un objet mat riel sont ind ment trait s comme des tres vivants I suffira parfois d une seule figure de style Mais souvent la m taphore sera fil e c est dire d velopp e selon sa logique d image tout au long d une page ou d un livre m me comme la B te humaine de Zola qui est une locomotive C est alors un vaste r seau lexical qui sert personnifier la r alit voqu e par l auteur Quel est l effet de la personnification D abord d hominiser le monde de rendre la nat
67. le premier paragraphe annonce et pr cise le projet du livre Rousseau va d voiler le moi de Jean Jacques Le second paragraphe qui affirme la valeur de cet homme interdit au lecteur de le juger sans avoir lu le livre Le troisi me paragraphe travers la mise en sc ne dramatique du jugement dernier appara t comme le d voilement oral par Jean Jacques du livre que Rousseau tient la main Pour commenter ce pr ambule nous suivrons pas pas ce mouvement LE PROJET UNIQUE D UN HOMME UNIQUE Premier paragraphe 1 Je forme une entreprise qui n eut jamais dexemple et dont l ex cution n aura point d imitateur D s l abord c est l crivain Rousseau qui parle il se pose en s opposant Double opposition au pass meut jamais et Pavenir n aura 240 Textes argumentatifs point Parall lisme frappant avec des termes qui se font cho deux deux une entreprise qui neut jamais d exemple dont l ex cution raura point d imitateur Absolu des deux n gations sym triques ne jamais ne point Ainsi struc tur e avec une intonation p remptoire la phrase de Rousseau intimide et s impose Le caract re unique du projet de l crivain ne peut tre mis en doute Le lecteur n a pas le loisir de s interroger sur le fait que Rousseau a pourtant eu des pr d cesseurs saint Augustin Montaigne il est saisi et ne demande qu entendre la suite de l exploit anno
68. lex mar chal Marmont qui a trahi l Empereur et justifie la d fection des officiers de Napol on par leur fatigue Mais il y a aussi pr s de l Aiglon un laquais qui n est autre qu un ancien grognard Flambeau venu exhorter le fils de l Empereur fuir l Autriche pour tenter de r gner en France Entendant parler de fatigue le laquais Flambeau ne peut retenir son indignation Il se d voile alors et appara t dans sa grandeur d humble soldat LE LAQUAIS descendant peu peu vers Marmont Et nous les petits les obscurs les sans grades Nous qui marchions fourbus bless s crott s malades Sans espoir de duch s ni de dotations Nous qui marchions toujours et jamais n avancions Trop simples et trop gueux pour que l espoir nous berne De ce fameux b ton qu on a dans sa giberne Nous qui par tous les temps n avons cess d aller Suant sans avoir peur grelottant sans trembler Ne nous soutenant plus qu force de trompette De fi vre et de chansons qu en marchant on r p te Nous sur lesquels pendant dix sept ans songez y Sac sabre tourne vis pierres feu fusil Ne parlons pas du poids toujours absent des vivres Ont fait le doux total de cinquante huit livres Nous qui coiff s d oursons sous les ciels tropicaux Sous les neiges n avions m me plus de shakos Qui d Espagne en Autriche ex cutions des trottes Nous qui pour arracher ainsi que
69. lire un texte ou avant de tourner une page en cours de lecture on s allend quelque chose un v nement un lieu une motion un d veloppement plus ou moins banal du sujet toutes choses qui vont nous para tre aller de soi ou nous surprendre selon le code que nous avons Jacques Pr vert 343 d j en t te et selon l inspiration de l auteur Ce qu on appelle horizon d attente d un lecteur se constitue ainsi des divers l ments signifiants que lui apporte le contexte de l uvre o quand qui quoi comment mais aussi de tout ce qui dans son for int rieur exp riences souvenirs culture r seau de mols et d images va lui permettre de retentir au texte qu il saisit Nous venons de voir en lisant le d but de Barbara comment Pr vert se joue de notre attente Nous avions imagin que le narrateur qui marche en souriant vers Barbara qui sourit allait la rencontrer et l aborder avec tout ce qui peut s ensuivre Mais au moment o il la croise elle se jette dans les bras d un autre el nous voici pr cis ment intrigu s par l histoire de celte femme Nous avons d j parl de l horizon d attente propos de l intertextualit ces deux notions tant troitement li es Nos motions sont en effet souvent pr construites en nous par nos exp riences et par nos lectures ant rieures sachant cela c est sur elles que l auteur joue pour rendre son texte cr dible original et captivant Nous avons
70. m le la tristesse la majest il inspire gravit et respect autour de lui En m me temps il semble habit encore de pr sences pouvant se r v ler hostiles deux g ants de pierre gardent la Tour Carr e il y a un frissonnement inexpliqu des arbres et des ronces au fond des corridors dans les profondeurs noires le narrateur voit des blancheurs se mouvoir lentement Bref dans le grand silence de la nuit je n entendais aucun pas aucune voix aucun souffle cela aurait donc pu se produire travers la luminosit vague de la lune des tres fantomatiques hantent peut tre encore le grandiose ch teau en ruines Ainsi le visage de ces ruines annonce d autres visages moins apparents puisqu ils sont morts mais dont la r alit semble attest e par le t moignage du narrateur Du moins nous le sugg re t il Le fait qu il se pr sente en voyageur de passage dans ces lieux cette heure authentifie le caract re myst rieux de l difice visit lui conf rant une dimension de r alisme fantastique E LA PR SENCE DU MOI UNE DOUBLE MISE EN VALEUR Il est notable en effet que l auteur de cette lettre fictivement adress e un ami se mette ce point en sc ne au fil de son vocation Il emploie explicitement le pronom personnel une quinzaine de fois j y arrivais trente pas de moi dont je voyais m apparaissait comme je distinguais
71. mais la r ponse s y trouve pr cis ment dans le tableau d sol de ce qu est devenue la pluie sur Brest Ce n est m me plus l orage De fer d acier de sang C est le n ant Faut il le regretter Sans doute car l orage tait encore de la vie Or tout s est dissip La pluie n est m me plus de la pluie elle a perdu son nom de pluie son 342 Textes po tiques identit de pluie Barbara ne l irradie plus Barbara s effiloche et se d t riore l image de cette atmosph re d compos e Il ne s agit pas m me d une vocation r aliste de Barbara ou du cadavre suppos de son compagnon c est tout simplement la mort du mythe de Barbara la pluie de lamour partag qu elle incarnait de la paix de Brest avant guerre La d composition de la pluie en nuages qui cr vent l image des chiens qui disparaissent en pourrissant au fil de l eau les chos sonores en decrescendo disparaissent Brest reste chiens loin tr s loin rien forment un spectacle d an antissement et de ruine impressionnant l image froide et crue d un univers d moralis Le monde transfigur par Barbara a t d figur par la guerre E CONCLUSION S il est vrai que le spectacle d un amour bris est la plus efficace condamnation de la folie guerri re il ne faut pas en conclure que Barbara est un po me th se On peut aussi bien dire que le th me de la guerre ne sert ici qu
72. marqu s sont faits pour tre entendus il faut d clamer ces vers pour mieux se rendre compte de l aspect irr futable que leur donne leur rythme soutenu et leur accentuation cf Clef n 35 Baudelaire puise dans les ressources de la versification dans le jeu sur les sonorit s en multipliant les assonances ou les allit rations comme dans ces exemples Sans rire s adorant et s aimant sans d go t sons an et r Le poison du pouvoir nervant le despote sons p et v Et les moins sots hardis amants de la D mence d m an On peut en conclure que rien n est laiss au hasard dans une telle prosodie le sens des mots et leurs sonorit s s entrem lent de telle sorte qu ils impr gnent peu peu l auditoire Cela fait passer l argument dans la conscience du public M me dans l absolu du d sespoir le po te veut encore tre communicatif et blouir par la pl nitude formelle de son discours CHANTER CR ER R V LER Explication n 24 Mors Contemplations Hugo Explication n 25 La Maison du Berger Les Destin es Vigny Explication n 26 Spleen Les Fleurs du Mal Baudelaire Explication n 27 une Passante Les Fleurs du Mal Baudelaire Explication n 28 Promenade sentimentale Po mes saturniens Verlaine Explication n 29 Il n aurait fallu Le Roman inachev Aragon Explication n 30 Barbara Paroles Pr vert CL
73. me nous tous Par ce simple emploi du nous il constitue le public en une communaut dont il fait partie et dont il se veut l expression L lectorat est regroup devant l vidence de la situation la fin du gaullisme et le candidat se pr sente comme quelqu un qui vient r fl chir aupr s du peuple et avec lui Ce m me pronom revient dans l appel final l encore en bonne place nous rejoindre car c est la place qui compte ici Entre ces deux emplois on trouvera quelques reprises notre histoire notre pays notre peuple trois fois nos c t s Il s y ajoute naturellement les autres moyens par lesquels l orateur semble se placer au milieu de ses nombreux interlocuteurs je voudrais r fl chir avec vous tre le candidat de la gauche au nom de tous ceux qui La relation ainsi nou e avec l ensemble des auditeurs est certainement beaucoup plus efficace pour obtenir leur sympathie sinon leurs suffrages que l argumentation analys e pr c demment En ce qui concerne l emploi du premier pronom voici les deux premi res phrases prononc es par les rivaux de notre candidat Chaban Delmas le plus maladroit car ici l emploi du vous met d embl e son public distance l heure o commence habituellement le spectacle que vous attendez ou le film vous allez entendre des candidats et des programmes et cela pendant quinze jours Le grand
74. ne 1 Il faut dire aussi que Sganarelle croyant et m me superstitieux ne go te gu re la sc ne de la Tentation qu il doit trouver insupportable tout comme le public On comprend qu il veuille la faire cesser Mais il y a une autre explication sensible ceux qui connaissent l int gralit de la pi ce c est que Sganarelle est plusieurs reprises la fois complice et rival de Don Juan Dans la discussion de la sc ne pr c dente qui portait sur l existence de Dieu et du Ciel il a eu le dessous Il prend donc sa revanche en essayant de faire comprendre au Pauvre que tout cela n est pas tr s s rieux Il d joue le jeu de son ma tre en le banalisant allez jure un peu tu auras la pi ce mon ma tre n est qu un frivole il sera content et puis voil Ce n est qu un jeu e Don Juan Don Juan veut toujours s duire au sens tymologique du mot c est dire garer En ce sens sa conduite vis vis du Pauvre n est pas Moli re 155 fondamentalement diff rente de celle qu il a vis vis des femmes Il a t d fini comme grand Seigneur m chant homme il est sans humanit il veut soumettre les autres sa volont de puissance il se pla t les torturer pour passer le temps Cet change va donc confirmer ce que l on sait d j de lui Cela dit au fil de cette sc ne se r v le une certaine complexit de son personnage Son portrait n est pas aussi simp
75. ne 2 Don Juan Sganarelle un pauvre SGANARELLE Enseignez nous un peu le chemin qui m ne la ville LE PAUVRE Vous n avez qu suivre cette route Messieurs et d tourner main droite quand vous serez au bout de la for t mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur vos garde et que depuis quelque temps il y a des voleurs ici autour DON JUAN Je te suis bien oblig mon ami et je te rends gr ce de tout mon c ur LE PAUVRE Si vous vouliez Monsieur me secourir de quelque aum ne DON JUAN Ah Ah ton avis est int ress ce que je vois LE PAUVRE Je suis un pauvre homme Monsieur retir tout seul dans ce bois depuis dix ans et je ne manquerai pas de prier le Ciel qu il vous donne toute sorte de biens DON JUAN Eh prie le qu il te donne un habit sans te mettre en peine des affaires des autres SGANARELLE Vous ne connaissez pas Monsieur bon homme il ne croit qu en deux et deux sont quatre et en quatre et quatre sont huit DON JUAN Quelle est ton occupation parmi ces arbres LE PAUVRE De prier le Ciel tout le jour pour la prosp rit des gens de bien qui me donnent quelque chose DON JUAN Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien ton aise LE PAUVRE H las Monsieur je suis dans la plus grande n cessit du monde DON JUAN Tu te moques un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d tre bien dans ses
76. o ils peuvent embrasser du regard les destin es humaines depuis le commencement 290 Textes po tiques jusqu la fin des temps n oublions pas que Vigny est l auteur de la fresque des Po mes antiques et modernes C est en somme le lieu de l Esprit l Esprit pur qui voit tout le visible et l invisible le pass et le futur et peut donc d celer une marche ascendante dans l histoire de l Humanit Ainsi c est le point de vue o se place le contemplateur qui nous r v le le sens de sa contemplation Tous les tableaux humains qu un Esprit pur m apporte S animeront pour toi quand devant notre porte Les grands pays muets longuement s tendront La pr sence d va est n cessaire C est la communion du couple qui permet d chapper aux menaces du Temps C est par cette femme elle stimule l Esprit et pour elle son r ve a besoin d objet que les tableaux humains vont s animer rena tre la vie retrouver une me Si ces tableaux humains sont videmment les po mes de Vigny de m me que l Esprit pur d signe son inspiration la collaboration du regard animant et aimant d va est indispensable cette inspiration Elle a d ailleurs t dans les strophes pr c dentes c l br e comme m diatrice de cette contemplation va j aimerai tout dans les choses cr es Je les contemplerai dans ton regard r veur Ou encore C est toi qu il convient d ou
77. o l exacerbation de sa haine 8 Et elle elle vous me l avez vol e si nous tions seules croyez vous qu elle oserait me traiter comme elle me traite In s dit bien vol e Estelle donc lui appartiendrait de droit son langage trahit sa possessivit fonci re Elle affirme qu en l absence de Garcin Estelle ne saurait lui chapper De fait au cours de la sc ne pr c dente elle n a pu s duire Estelle cause de Garcin l homme l tre qui par sa seule condition masculine a annihil ses tentatives C est donc vers ce rival qu elle retourne maintenant son d pit qui justifiera sa volont de vengeance 9 Non non tez ces mains de votre figure je ne vous laisserai pas ce serait trop commode Cet nonc est int ressant plusieurs niveaux D une part on y observe une indication importante pour l acteur qui joue Garcin il doit s tre plong le visage dans les mains comme pour fuir la virulence des propos d In s c est une didascalie indirecte D autre part on peut saisir ici la diff rence qui existe entre le monologue et la tirade Le monologue est un discours pour soi le personnage reste centr sur lui m me il n est pas cens s adresser consciemment au public La tirade en revanche si longue soit elle s adresse toujours aux autres personnages qui interf rent donc sur le contenu de ce qui est dit celui qui parle demeure en relation avec eux
78. on per oive bien l normit des arguments que Montesquieu pulv rise mais aussi l explicitation des arguments tait indispensable pour qu on mesure bien le fonctionnement parfaitement ma tris de l ironie de l auteur Clef n 28 L ironie l ironie consiste dire le contraire de ce que l on pense tout en signifiant qu on pense le contraire de ce que l on dit Relisez pour bien comprendre Cette d finition correspond aussi ce qu on nomme l antiphrase laquelle est pr cis ment la figure de style la plus employ e lorsqu on pratique l ironie Ainsi tout le texte de Montesquieu qu on vient de commenter se fonde sur l ironie puisque l auteur feint de justifier avec des arguments caricaturaux la th se qu il combat Mais pourquoi utiliser ce d tour pour dire les choses 224 Textes argumentatifs C est que l ironie en surprenant l interlocuteur a un effet r v lateur Il peut savoir peu pr s en quoi la r alit dont on lui parle est critiquable mais il ne le sait pas assez Or voici qu un nonc fait l loge de cette r alit le voici sid r il se demande si le locuteur parle s rieusement puis il saisit que la phrase ne doil pas tre prise au premier degr et il sourit Ou se sent vex lorsque cette ironie le vise Alors qu une formulation directe n tonnerait gu re et semblerait monotone l ironie induit momentan ment en erreur celui qui coute jusqu ce qu il s
79. opposition de gauche propose d tablir un gouvernement de transition et voici que le pr sident s absente Que va t il se passer De nombreux commentateurs s accordent penser aujourd hui qu il a lui m me mis en sc ne cette absence pour cr er un vide du pouvoir de fa on revenir en surprenant tout le monde pour r tablir alors son autorit compromise C est son retour l apr s midi du 30 mai 1968 qu il prononce donc son allocution la radio la t l vision tait en gr ve Ces pr cisions clairent le caract re dramatique de la situation sur laquelle rench rira l orateur en sur dramatisant les enjeux Elles nous font surtout comprendre qu il n y a pas vraiment ici de diff rence entre la situation de communication proprement dite le moment et le lieu du discours et la situation historique laquelle renvoie ce texte Car comme l indique l emploi du pr sent cf Je dissous aujourd hui l Assembl e nationale ce discours fait lui m me partie du contexte dans lequel il surgit et qu il va modifier Il est donc action il est globalement perfor matif comme le fut en son temps l Appel du 18 juin cf Clef n 31 Du c t du public le peuple les acteurs de mai 68 aussi bien que ceux qui s y opposent la classe politique enfin il y a une attente Plus qu tout autre texte on peut appliquer celui ci la notion d horizon d attente car la paro
80. partir d un th me commun il a bien produit un maximum d effets et de significations Eh bien ce chemin que l auteur a suivi nous devons le prendre en sens inverse tant donn le produit fini qu est la phrase que nous avons sous les yeux notre travail d explication consistera analyser ses divers proc d s d laboration pour mieux la comprendre et en mesurer la port e La m thode consistera en un examen syst matique des moyens d expression et des effets qu ils produisent choix des termes voquant un espace temps doublement infini verbe au pr sent pronom personnel r duit m place des mots rejet de l effroi en fin de phrase agencement d un bloc de termes voquant l univers en extension r le des sonorit s etc Le commentaire ne se limitera d ailleurs pas la phrase elle m me La connaissance du contexte permettra d en pr ciser encore la signification il ne s agit pas en effet d un cri autobiographique de la part de Pascal Si celui ci a pu un jour prouver ce vertige sa foi en Dieu l a d finitivement rassur Mais il s agit pour lui dans ses Pens es de faire prouver par le lecteur incroyant la solitude de l homme dans l univers pour l branler et l amener s interroger sur l existence de Dieu On comprend mieux d s lors pour quoi Pascal a travaill ce point sa formule Il veut tre efficace et d ailleurs on lui a reproch l aspe
81. personnages n a la connaissance de sa figure Chacun devra passer par le regard d autrui pour obtenir une image de soi ce dont Estelle la Jean Paul Sartre 175 narcissique souffrira le plus mais qui n pargne par les deux autres puisque Garcin dira un peu plus tard Je donnerais n importe quoi pour me voir dans une glace Mais cet esclavage est un peu aussi celui de tout le monde Dans un miroir nous ne nous voyons que sous un seul angle la photo nous fige et surtout dans 99 de nos manifestations nous sommes vus par les autres sans savoir comment ils nous voient La d possession d In s dans un contexte hors du commun symbolise le fait que nous appartenons au regard d autrui bien plus que nous ne le voudrions c est en d pit de ce regard qu il faudra affirmer notre tre dira Sartre par des actes incontestables dont personne ne pourra nier la valeur en tant que tels In s d poss d e d Estelle In s est fondamentalement possessive l enfer pour elle sera d tre d poss d e Sa simple homosexualit se traduit par la volont de poss der autrui comme le montrera plus loin le r cit de sa vie Pour avoir prise sur autrui elle a besoin de faire souffrir Je suis m chante dira t elle a veut dire que j ai besoin de la souffrance d autrui pour exister Or elle n a se mettre sous la dent si l on ose dire que le personnage d Estelle qui n a d yeux que pour Garcin D
82. que l auteur explore de quatrain en quatrain en allant du particulier au g n ral en globalisant de plus en plus Premi re strophe La fatalit du monde la chose capitale nous est annonc e d embl e c est le p ch Un p ch sans Dieu toutes les religions sont r cus es un p ch en soi une propension fatale de l tre humain faire le Mal quelle que soit sa classe sociale cf le vers 87 Et ce p ch n est pas m me savoureux il est monotone r p titif ennuyeux Aucun plaisir ne semble valoir ce que l homme renie pour l obtenir 268 Textes argumentatifs Deuxi me strophe Baudelaire toujours par la voix des voyageurs pr cise son attaque en condamnant la nature humaine dans ses deux versions la f minine et la masculine La femme est narcissique elle saime sans d go t orgueilleuse elle veut tre ador e et vile elle consent tre esclave L homme est go ste et cruel il pousse plus loin encore lambivalence de la nature humaine puisque son d sir de pouvoir le porte la tyrannie tandis que son besoin de servitude le rend plus docile encore que la femme il consent tre esclave de l esclave Les relations de l homme et de la femme ne peuvent tre que tumultueuses l un est un ruisseau l autre est son gout Troisi me strophe Le r quisitoire s largit aux rapports sociaux Partout r gnent l injustice et la cruaut L ordre social n est fait
83. que le peuples d Asie qui font les eunuques privent toujours les noirs du rapport qu ils ont avec nous d une fa on plus marqu e On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux qui chez les gyptiens les meilleurs philosophes du monde tait d une si grande cons quence qu ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains Une preuve que les n gres n ont pas le sens commun c est qu ils font plus de cas d un collier de verre que de Por qui chez les nations polic es est d une si grande cons quence Il est impossible que nous supposions que ces gens l soient des hommes parce que si nous les supposions des hommes on commencerait croire que nous ne sommes pas nous m mes chr tiens De petits esprits exag rent trop l injustice que l on fait aux Africains Car si elle tait telle qu ils le disent ne serait il pas venu dans la t te des princes d Europe qui font entre eux tant de conventions inutiles d en faire une g n rale en faveur de la mis ricorde et de la piti Montesquieu De l esprit des lois XV 5 1748 1 Rapport ressemblance 2 Cons quence importance Montesquieu 215 E CONTEXTE Il faut pr ciser le triple contexte dans lequel s inscrit ce texte c l bre Le contexte de l uvre d abord L Esprit des Lois est publi en 1748 L auteur y tudie l organisation des soci t s les diverses formes de
84. quenter les textes affine ainsi la vie int rieure d veloppe notre sensibilit aux langages et leurs nuances et nous m ne en fin de compte mieux nous conna tre en saisissant la nature de nos motions MIEUX JUGER Mieux appr cier les textes c est la fois savoir critiquer Ne pas gober nimporte quoi Conna tre les feintes du langage d jouer les pi ges de la rh torique Reconna tre les ficelles de l illusion r aliste D tecter les id ologies suspectes qui se camouflent dans l argumentation ou les sophismes de certains discours ou textes dits argumentatifs Savoir comment et en quels endroits certains auteurs peuvent nous tromper ou se tromper En un mot ne pas se laisser convaincre par n importe quel texte si entra nant soit il savoir admirer Oser admirer Mesurer les difficult s que l crivain a su vaincre pour composer une uvre une page une phrase S tonner devant la puissance d un imaginaire l all gresse d un style la hardiesse d une d nonciation Ne pas s extasier devant des ouvrages trop faciles et apprendre reconna tre les chefs d uvre m me s ils ne nous semblent pas tels au premier abord 24 Principes et m thodes MIEUX CRIRE travers les textes jusque dans leurs moindres d tails nous recevons une perp tuelle le on d criture Cela ne vous tente t il pas Admirer un chef d uvre c est souvent ipso facto avoir envie de l
85. r les grandes plaintes Que l humanit triste exalte sourdement Il n y a pas de vision po tique de l humain ni de salut de l humanit sans la tendre communion de l homme et de la femme L ampleur panoramique de cette premi re vocation est souligner Elle est d abord due au choix du vocabulaire o revient l id e de grandeur et de mouvement au pluriel tous les tableaux grands pays s animeront s tendront L amplitude des vers provient aussi de l extension de la phrase qui se poursuit l aide d un double enjambement Tous les tableaux humains qu un Esprit pur m apporte S animeront pour toi e quand devant notre porte Les grands pays muets longuement s tendront Le seul dernier vers m rite une mention part son rythme voque la fois la grandeur verticale du tableau dans le premier h mistiche en obligeant une diction lente Les grands pays muets et l extension horizontale dans le second longuement s tendront la place finale du verbe au futur donnant l impression d une extension perte de vue c est l un bon exemple d hypotypose cf Clef n 13 Alfred de Vigny 291 Il n est sans doute pas inutile de remarquer que dans cette strophe contrairement la pr c dente r gne le silence L absence d indication sonore renforce naturellement le caract re visuel de la perception en m me temps qu elle favorise la m ditation contemplat
86. rard de Nerval publie la m me ann e un recueil d Odelettes dont l une intitul e Une all e du Luxembourg traite le m me sujet dans une tonalit assez diff rente mais avec des expressions fort proches la voici Elle a pass la jeune fille Vive et preste comme un oiseau la main une fleur qui brille la bouche un refrain nouveau C est peut tre la seule au monde Dont le c ur au mien r pondrait Qui venant dans ma nuit profonde D un seul regard l claircirait Mais non ma jeunesse est finie Adieu doux rayon qui m a lui Parfum jeune fille harmonie Le bonheur passait il a fui S il est peu pr s s r que Baudelaire connaissait ces deux textes n allons pas crier au plagiat Il s agit avant tout d une m me source d inspiration romantique et humaine Ce que permet le recours l intertextualit c est en rapprochant ces textes de montrer l originalit de chacun Sur un m me th me une page ou une po sie r ussie n influence pas seulement en suscitant l envie de l imiter mais aussi en donnant le d sir de s en diff rencier 46 Principes et m thodes e Apr s avoir examin ces sources le commentateur peut naturellement passer la lecture intertextuelle au sens large et comparer les sc nes de rencontres les r cits d illuminations ou de coups de foudre aussi bien dans la litt rature post rieure romantique ou non par exem
87. res animaux physiques que l opinion commune associe tel ou tel trait moral Ces associations n tant jamais gratuites il faut les rep rer et les commenter Pour illustrer cette clef voici un texte descriptif o l on peut ais ment recenser six ou sept indices d anthropomorphisme Sous un petit soleil d hiver qui tait p le et tondu comme un moine nous retrouv mes le chemin des vacances l tait grandement largi D cembre cantonnier nocturne avait br l les herbes folles et d gag le pied des murs La molle poussi re de l t cette farine min rale dont un seul coup de pied bien plac pouvait soulever de si beaux nuages tait maintenant p ltrifi e et le haut relief des orni res durcies se brisait en mottes sous nos pas la cr te des murs les figuiers amaigris dressaient les branches de leurs squelettes et les 66 Textes descriptifs cl matites pendaient comme de noirs bouts de ficelle Ni cigales ni sauterelles Pas un son pas un mouvement Seuls les oliviers des vacances avaient gard toutes leurs feuilles mais je vis bien qu ils frissonnaient et qu ils n avaient pas envie de parler Marcel Pagnol Le Ch teau de ma m re ditions B de Fallois Clef n 4 Le je et l nonciation Au sens strict l nonc c est ce qui est dit L nonciation c est l acte de produire cet nonc Pourquoi cette dislinction Parce que les conditions dans lesquelles un nonc est
88. s est manifest e et voici ce que je suis devenu Quatre fois ce sch ma est r it r de fa on plus ou moins explicite au fil des deux premi res strophes II n aurait fallu une main alors est venue qui donc a rendu le pass l v nement les cons quences donc dans les strophes 3 4 Moi qui fr missais Deux bras ont suffi pour transformer ma vie le pass la cause d taill e dans la strophe 4 le r sultat la strophe 5 Un front deux grands yeux ll Et tout ma sembl le pass est devenu implicite la cause et la cons quence seules sont reprises la derni re strophe Un tendre jardin soudain 1 et mon c ur rena t cette fois la cause et la cons quence sont unies dans le m me pr sent la bien aim e est jamais l avec la renaissance qu elle suscite le pass r duit la simple allusion de l adjectif d funt est exp di dans oubli Ce mouvement est donc un perp tuel refrain La logique du po me est celle du leitmotiv le chant d amour ne peut s exprimer totalement qu en se r p tant sans cesse La composition du po me ob it ainsi la dynamique du lyrisme Mais on a pu noter au cours de cette pulsation un l ger progr s des temps verbaux vers le pr sent comme si force de r p ter l v nement qui s est produit celui ci devenait lui m me de plus en plus actuel R p ter la joie d aimer c
89. sarcelles rappelaient des ailes enjambement ininterrompus des vers 7 8 9 qui traduisent le caract re ind fini et mou vant de la brume fantomatique Cette mobilit des choses est cependant une animation derni re de fin du jour comme d ailleurs les ultimes lueurs not es dans les quatre premiers vers Les vers 11 16 reprennent les l ments du tableau initial vers 1 4 Mais un v nement se produit marqu par un pass simple la fin du jour et l av nement de la nuit vint noyer Les rayons du soleil couchant qui miroitaient la surface de l tang disparaissent comme absorb s par les eaux le soleil a bascul de l autre c t de l horizon Cette rupture entra ne une s rie de cons quences introduites par le et du vers 12 et qui sont en r alit mineures tant la nature se pr parait cette disparition Simplement les t n bres paisses envahissent l atmosph re o seules les ondes sont encore peine luisantes bl mes Deux enjambements hardis P pais linceul Des t n bres les supr mes Rayons obligent pronon cer sans pause les vers 11 14 comme pour marquer l irr sistible enfouissement des r alit s du jour sous l paisseur de la nuit qui vient Naturellement on remarque la m taphore du linceul qui signifie la mort du jour dont les rayons se noient la fois dans l eau et dans la nuit On a le droit d y voir un ph nom ne naturel chaque soir l
90. tant montr e travers le h ros qui est aussi le narrateur Un premier v nement vient rompre l quilibre initial le passage d une femme rapport au pass simple temps de l action Que va t il donc arriver Il se produit comme une suspension de l intrigue le temps de faire le portrait de l h ro ne et d exprimer l motion du h ros cependant aux vers 7 8 une action virtuelle semble voqu e une suite possible qui maintiennent le lecteur en attente Charles Baudelaire 309 Vient alors le deuxi me acte de l pisode bref mais essentiel l clair d un regard que la passante jette avant de dispara tre L vocation lyrique qui suit malgr son caract re de long pilogue demeure partie int grante de l action puisqu elle l ach ve en an antissant l espoir d une nouvelle rencontre Et la chute finale toi qui le savais redonne soudain l histoire r trospectivement une dimension inattendue Certes ce po me est bien autre chose que ce court roman mais on ne n gligera pas l efficacit avec laquelle Baudelaire m ne le r cit W TUDE SUIVIE 1 Le d cor Un seul vers suffit planter le d cor Le vacarme de la ville est traduit par des mots choisis signification forte assourdissante hurlait Ce dernier verbe animalise la rue c est dire par m tonymie la foule vocif rante Des sonorit s tudi es ru our our ur dispos
91. tendu les yeux taient plus encore immobiles et tendus attach s aux yeux trop ouverts trop p les de ma ni ce Cela dura dura combien de temps dura jusqu ce qu enfin la jeune fille remu t les l vres Les yeux de Werner brill rent J entendis Adieu Il fallait avoir guett ce mot pour l entendre mais enfin je l entendis VERCORS Le Silence de la mer 1942 ALBIN MICHEL 1 C est la formule par laquelle il cl t chaque soir le monologue qu il tient devant ses h tes 108 Textes romanesques E LE SUJET ORIGINALIT ET M THODE D APPROCHE Un adieu d chirant entre deux tres qui s aiment est en principe une sc ne mouvante Mais en principe seulement Car un sujet classique est aussi un sujet banal L motion des acteurs ne suffit pas bouleverser le spectateur L auteur doit renouveler le th me par un traitement original L explication ne devra donc pas s garer dans un commentaire excessif sur ce que ressentent les personnages c est moins leur motion qui est analyser que la mani re dont le r cit rend la sc ne mouvante D autre part si le contexte dans lequel s ins re cet Adieu nous est pr cis en quelques lignes celles ci ne nous donnent qu une p le id e de l atmosph re du r cit du caract re des personnages et de la port e politique du Silence de la mer Les lecteurs qui voudraient en savoir plus peuvent d s maintenant
92. torique traditionnelle Il fait des phrases pr cis ment Il valorise l objet dont il parle objet frappant qui suscite l admiration la plus vive Il s exclame On se demande quelle force Il pr cise que c est le premier monument romain qu il ait vu est ce bien s r il est all d j en Italie Il manie le contraste et l antith se plusieurs reprises opposant le pont du Gard au d sert qui l entoure puis les bras de tant de milliers d hommes un lieu o il n en habite aucun puis sa propre personne comme un insecte immensit de l difice et enfin sa petitesse au je ne sais quoi qui lui l ve l me Mais c est surtout dans la dramatisation de son r cit que Rousseau se donne sans retenue n h sitant pas se mettre en sc ne au fil d une amplification tudi e il parcourt les trois tages bien que le respect l emp che presque de les fouler aux pieds il se sent troubl jusqu l hallucination Le retentissement de mes pas sous ses vo tes me faisait croire entendre la forte voix de ceux qui les avaient b ties il monologue enfin au comble de l motion Que ne suis je n Romain Jean Jacques tout impr gn du mythe de Rome Il n appartenait qu aux Romains de produire cet effet a sans doute prouv de semblables sentiments mais l auteur Rousseau en rajoute visiblement en orchestrant son r
93. Brest Et je t ai crois e rue de Siam Tu souriais Et moi je souriais de m me Rappelle toi Barbara Toi que je ne connaissais pas Toi qui ne me connaissais pas Rappelle toi Rappelle toi quand m me ce jour l N oublie pas Un homme sous un porche s abritait Et il a cri ton nom Barbara Et tu as couru vers lui sous la pluie Ruisselante ravie panouie Et tu t es jet e dans ses bras Rappelle toi cela Barbara Et ne men veux pas si je te tutoie Je dis tu tous ceux que j aime M me si je ne Les ai vus qu une seule fois Je dis tu tous ceux qui s aiment M me si je ne les connais pas Rappelle toi Barbara N oublie pas Cette pluie sage et heureuse Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Cette pluie sur la mer Jacques Pr vert 335 35 Sur l arsenal Sur le bateau d Ouessant Oh Barbara Quelle connerie la guerre Qu es tu devenue maintenant 40 Sous cette pluie de fer De feu d acier de sang Et celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement Est il mort disparu ou bien encore vivant 45 Oh Barbara Il pleut sans cesse sur Brest Comme il pleuvait avant Mais ce n est plus pareil et tout est abim C est une pluie de deuil terrible et d sol e 50 Ce n est m me plus l orage De fer d acier de sang Tout simplement des nuages Qui cr vent comme des chiens Des chiens qui disparaissent 55 Au fil de l eau sur Brest Et vont pourrir au loin Au loin tr s loin de Brest Dont il ne reste rien
94. Ce droit d avoir des esclaves est il suspect D s ce d but le fait de rendre les n gres esclaves et le droit de le faire sont distingu s et donc implicitement oppos s Dite voix haute cette annonce doit recevoir une intonation ironique qui va impr gner toute la suite de la lecture Premier argument conomique et historique Les peuples d Europe ayant extermin ceux de l Am rique ils ont d mettre en esclavage ceux de l Afrique pour s en servir d fricher tant de terres Montesquieu Nous avons l une vision plan taire et historique Les prestigieux peuples d Europe n ont qu un seul but mettre en valeur le monde cultiver toutes les terres C est la mission civilisatrice de l Occident appel e parfois colonisation qui aujourd hui encore est all gu e propos des pays dits en voie de d veloppement Seulement voil pour d fricher et coloniser il faut des bras Les Europ ens n y suffisant pas ils ont d faire appel une main d uvre trang re celle d Afrique hier comme aujourd hui Il faut croire que leur sup riorit historique leur interdit en effet de d fricher les terres eux m mes ce sont l de bas travaux Ils doivent donc se servir d hommes suppos s n s pour cela S en servir comme s il s agissait effectivement d objets d instruments 217 Qu est ce qui interdit au lecteur de prendre au s ri
95. Cette phrase forme une gradation son rythme ternaire sa nettet marquent une progression vers le c ur de l tre de celui qui nous parle Les actions j ai fait et les pens es j ai pens sont p riph riques ce qui compte c est l tre m me dans sa totalit je fus J ai dit le bien et le mal avec la m me franchise Notre homme ne se pr tend pas totalement innocent En m me temps en soulignant sa franchise il corrige le mal qu il avouera Faute avou e est moiti pardonn e dit on Je n ai rien tu de mauvais rien ajout de bon peut on ne pas admirer il mest arriv d employer quelque ornement indiff rent Cet aveu justifi par le d faut de m moire nous intrigue pourquoi orner ces confessions qui va b n ficier cet ornement au m rite de l auteur ou au m rite de l homme sachant qu ils ne font qu un Il n y a pas d ornement indiff rent Sans doute le narrateur ne ment il pas n ayant jamais dit ce qu il savait tre faux mais en supposant vrai ce qu il pense avoir pu l tre il ajoute du vraisemblable au r el et cela peut modifier compl te ment le climat ou la perspective de son autoportrait Il est techniquement impossible de reconstituer dans un livre un moi pr existant celui ci l crit le modifie le r invente ou le constitue l insu m me du scripteur qu est aussi cet homme Dans le meilleur des ca
96. Estelle tourn e vers Garcin qui la regarde sans parler r pond uniquement celui ci comme si c tait lui qui l interrogeait L explication de texte passe n cessairement alors par l explication de gestes J ai des doutes Raymond Devos joue dans ce sketch le r le d un guitariste qui vient donner un r cital de guitare mais ne peut s emp cher de raconter au public ses probl mes personnels Nous reproduisons le texte tel qu il fut interpr t en direct au th tre des Trois Baudets en 1958 enregistrement Philips et qui est publi dans le recueil Mati re rire avec d infimes variantes O Orban 1991 Nous indiquons en italiques le jeu de l acteur et l importance des rires auxquels nous donnons un deux ou trois ast risques selon leur intensit J tais dans une col re rires Pai des doutes Hier soir en rentrant dans mes foyers plus t t que d habitude il y avait quelqu un dans mes pantoufles rires Mon meilleur copain Si bien que je me demande si quand je ne suis pas l il ne se sert pas de mes affaires rires Je vais vous jouer une tude de Sor rires Sor tait espagnol de 1778 1830 J ai des doutes rires C est pas sa pointure alors il la force vous comprenez rires Alors moi apr s il n a qu s en payer une paire quoi rires J ai horreur que Sor tait espagnol de 1778 jusqu sa mort rires et apr
97. Il le donne simplement comme une possibilit du h ros L ambigu t de Vautrin atteint ici son sommet et le lecteur a de quoi tre intrigu vrai dire il n y a plus d ambigu t et l on peut s attendre ce que le personnage r alise par la suite le programme qu annon ait son portrait 138 Textes romanesques la fin de ce passage on saisit sur le vif le jeu de la narration balzacienne Quand nous lisons la mani re dont il lan ait un jet de salive il annon ait nous voyons Balzac jouer au narrateur t moin qui d couvre ce qu annonce le geste de Vautrin Mais qui annonce cela L auteur narrateur sait pertinemment la suite de l histoire qu il raconte il s amuse sciemment la faire annoncer par le portrait du personnage On voit ainsi que cette description est compos e en fonction de la suite du r cit par un artiste qui comme narrateur affecte d adopter la focalisation externe Il nous dit juste ce qu il faut mais pas trop cependant pour la fois impressionner le lecteur et lui faire d sirer la suite Aussi le commentateur a t il le droit en expliquant le texte d utiliser sans trop le dire sa connaissance de la suite du r cit savoir que Vautrin est un criminel vad du bagne et qu il s appelle en r alit Jacques Collin dit Trompe la mort connu aussi sous le nom de Carlos Herrera E CONCLUSION Balzac en dit il trop La suite de ce portr
98. Les Provinciales Pascal 0 203 Clef n 25 Fonctions de lapostrophe ses 210 Clef n 26 Une figure fondamentale l antith se s ess nsesoensseosrseosresorsereseessse 211 Clef n 27 Le moi et le lyrisme 213 EXPLICATION n 18 De l esclavage des N gres De l esprit des lois Montesquieu nono ane 214 Clef n 28 L IToNie reertetnme mn nn tie 223 EXPLICATION n 19 Pri re Dieu Trait sur la tol rance Voltaire 226 Clef n 29 Sch ma de la communication et fonctions du langage 0 0 s 234 EXPLICATION n 20 Une trange entreprise Les Confessions Rousseau 525 nine tri ne Mt er dr E 238 EXPLICATION n 21 Allocution t l vis e Campagne pr sidentielle 1974 Mitterrand nent a a tentait 248 Clef n 30 L analyse du discours en pratique 256 K Table des mati res 7 EXPLICATION n 22 Discours radiodiffus 30 mai 1968 De Gaulle 257 Clef n 31 Les perfofmatifes ss nn css 263 Clef n 32 Oxymores et tautologies de l usage aux abus ssesssesssossecssssesee 264 Explication n 23 La folle humanit Les Fleurs du Mal Baudelaire 266 6 TEXTES PO TIQUES CHANTER CR ER R V LER slim 272 EXPLICATION n 24 Mors Contemplations Hugo esta 273 Clef n 33 Rejet et enjambement sn 283 EXPLICATION n 25 La Maison du Berger Les Destin es Vigny 285 Clef n 34 La di r ses session tient nn 294 EXPLICATION n
99. Pamour ce double th me est effectivement classique Il s agit par ailleurs d un po me d amour heureux ce qui n est pas fr quent la femme id ale on l a vu avec Baudelaire par exemple est le plus souvent voqu e de fa on nostalgique ou douloureuse sur le mode du r ve ou du souvenir Ici Pamour est rencontr la femme est absolument pr sente mais non moins id ale et c est le chant de ce miracle continu qui d j donne sa tonalit particuli re ce po me Le texte comporte six strophes de six vers eux m mes de cinq syllabes Le d roulement simple des phrases enjambant ces vers courts la ponctuation all g e des virgules sont omises comme pour faciliter la fluidit du chant nous laissent d abord perplexes sur le mouvement qui anime ce po me a t il une progression Suit il une logique N est il qu une simple suite musicale d inflexions lyriques 326 Textes po tiques Un regard plus pr cis nous permet de d celer une sorte de plan cyclique Le texte principalement crit au pass compos et au pr sent raconte l v nement comme venant de se produire sa cause l irruption de cette pr sence dans la vie du po te et les cons quences qui ne cessent de s en suivre le bonheur de la renaissance Un v nement incroyable et si heureux que le narrateur ne cesse de se le r p ter D o une reprise continuelle de la pulsation Avant Apr s voil ce que j tais elle
100. Pour ne pas passer c t de cette derni re dimension il faut donc se poser une quatri me question 4 Qu estce que la formule de tel ou tel personnage nous livre de la pens e de l auteur de ses intentions pr cises ou de son message global Ainsi lorsque dans Huis clos cf l Explication n 14 In s d clare Garcin Tu n es rien d autre que ta vie ou d autres r pliques de ce type il va de soi que celles ci au del des personnages traduisent au moins en partie la philosophie de Sartre Premiers sentiments Cette sc ne est extraite du Jeu de l amour et du hasard Marivaux Orgon aimerait marier sa fille Silvia Dorante fils d un de ses amis Il d sire donc que les deux jeunes gens se rencontrent Or Silvia a l id e de se d guiser en servante pour mieux observer son pr tendant elle sera donc Lisette Mais voici que Dorante a la m me id e il se d guise en valet il s appellera Bourguignon changeant lui aussi son r le avec son serviteur Aucun des deux pr tendants ne sait que l autre l a imit Orgon lui sait tout ainsi que Mario et bien entendu les spectateurs Voici donc la Sc 6 du Premier Acte qui met en pr sence pour la premi re fois Dorante en valet et Silvia en servante Orgon et Mario vont alors s amuser pousser les deux jeunes gens l un vers l autre sachant qu ils vont se prendre mutuellement pour des domestiques ACTE I Sc ne 6 Doran
101. Tout ce qu on vient de recenser qui explique l extase de nos jeunes gens se fonde sur le contenu descriptif de ce passage et correspond un premier niveau de lecture Cette lecture n est pas erron e mais c est une lecture incompl te Flaubert conna t son public il sait qu il suffit de livrer des l ments conventionnels d une r alit pour faire croire cette r alit En l occurrence il s agit du traditionnel bonheur des amants tel qu il est ou a pu tre cod t te t te amoureux d ner dans une auberge rustique for t de Fontainebleau promenade sur les berges harmonie du soir lune de miel en Italie etc Chacun de ces traits conduit le lecteur croire la r alit idyllique du moment mis en sc ne sous ses yeux Fr d ric et Rosanette ne sont ils pas les premiers y croire Comment ne pas partager leur illusion Or si le lecteur peut na vement projeter des images mythiques sur une vocation ambigu le commentateur ne doit pas en tre dupe Au del d un premier constat sur les l ments objectifs du bonheur suppos il doit affiner son regard et voir comment on lui fait voir D o une premi re question quelle est donc la focalisation choisie par l auteur Se contente t il d adopter sans r serve le point de vue de Fr d ric ou glisse t il dans son r cit des jugements sur les personnages C est alors le regard de Flaubert qui tendrait se ma
102. actions de mortels dont l effroi confirme la puissance malfaisante de la Faucheuse vers 11 18 apparition de l ange qui sauve les mes et convertit en bien tout le mal r pandu par la Mort deux derniers vers e Le second principe d organisation tient l usage de l all gorie qui d velopp e du d but la fin du po me lui donne une coh rence au seul plan de l image L all gorie consiste pr cis ment figurer une id e ou une r alit g n rale sous la forme d un tre vivant une fois donc la Mort personnifi e en faucheuse le po te n a plus qu filer la m taphore de la moisson La Faucheuse fait ainsi l unit du tableau apr s lavoir d crite Victor Hugo 275 moissonnant et fauchant le po te focalise notre attention sur sa faux puis elle devient le personnage principal qui fait trembler le monde on s adresse elle Rends nous ce petit tre on revoit sa faux en action vers 16 puis ses pieds vers 18 Enfin derri re elle achevant son travail de faucheuse lange souriant porte la gerbe d mes Alors qu au niveau du sens les deux derniers vers s opposent l action de la Mort au plan de l image ils la compl tent sans le savoir la faucheuse travaillait pour lange c est dire pour le vrai ma tre du champ Dieu e Un troisi me principe d organisation se trouve dans la mise en sc ne de cette vocation d un point de vue
103. aire E L VOCATION DE LA LOIRE BLEUE Le lien de la premi re la seconde phrase est tout fait caract ristique peine Jacques Vingtras a t il pr cis que son train longe la Loire de Saint tienne au Puy qu il s exclame J ai toujours aim les rivi res avant m me de d crire ce qu il voit L motion du narrateur pr c de l vocation Cette pr cipitation est r v latrice en disant j ai toujours aim il trahit d j son d sir profond qui est moins de retrouver cette rivi re que de se retrouver tel qu il a toujours t en face d elle La suite confirme cette remarque Au lieu de d crire la Loire qu il a sous les yeux il voque celle de ses souvenirs un souvenir choisi parmi d autres De mes souvenirs de jadis j ai gard par dessus tout le souvenir de la Loire bleue On assiste une surimpression du spectacle pass sur la r alit pr sente Et une nouvelle exclamation le narrateur recherche bien son moi ancien Ce qu il voit n est qu un pr texte se rappeler ce qu il a vu Je regardais l dedans etc C est un souvenir d enfance constitutif de son tre de toujours qu il se pla t contempler Le paysage de la Loire bleue est alors d crit id alement tel que le percevait l enfant color riche humain en parfait contraste avec celui qui suivra quelque lignes plus loin Les couleurs sont lumineuses le bleu le flot cla
104. alisme n tant qu un effet parmi d autres plus ou moins conventionnel Ce qui faisait dire Maupassant Les R alistes de talent devraient plut t s appeler des lllusionnistes Pr face de Pierre et Jean 56 Textes descriptifs Que devons nous en conclure Essentiellement qu il ne faut pas tre dupe d un auteur lorsque nous tudions le r alisme de son texte chaque fois ce qu il faudra recenser ce sont des effets de r el soit qu ils correspondent une r alit pr existante dans un reportage journalistique par exemple ou un livre documentaire soit qu ils tentent de faire croire la r alit de choses qui n existent pas en tant que telles cas d un roman dont l auteur aide le lecteur se repr senter une sc ne comme si elle avait lieu pour de vrai ou d un faux document destin tromper le public Et dans cette analyse on n oubliera jamais que les effets de r el d un texte sont en g n ral au service de ses autres effets On montrera donc comment la page entra ne le lecteur progressivement voir puis croire puis ressentir r ver ou penser C est pour cela que dans l analyse d uvres litt raires ou cin mato graphiques on entend souvent parler selon les buts que se fixent les artistes de r alisme expressif de r alisme po tique ou encore de r alisme fantastique Clef n 2 La personnification sa nature et son r
105. amusante jujube Danube etc Ainsi au crescendo d ensemble fond sur l anaphore s allient une invention de d tails une volont d expressivit constante qui donnent la d clamation la substance concr te dont elle doit se nourrir pour obtenir l adh sion des spectateurs Le souffle doit se faire image pour que le public ait le sentiment de voir les choses Oui tel tait le sort des sans grades Oui Flambeau les repr sente bien travers lui le public se sent peuple se reconstitue comme tel L motion th trale devient expression collective Clef n 20 Le morceau de bravoure ses registres sa rh torique Sa fr quence Romantique ou classique toujours plus ou moins blouissant le morceau de bravoure fait partie du genre th tral m me si on le retrouve ailleurs dans la litt rature romanesque ou pol mique par exemple Gardons nous de n y voir qu une excroissance facile Les grands dramaturges ont toujours soign ces tirades ou ces monologues destin s frapper le public qui les a vite m moris s qu il s agisse de Shakespeare m ditation d Hamlet sur l existence Corneille les impr cations de Camille dans Horace Racine l aveu de Ph dre Moli re tirade de Don Juan sur l hypocrisie Beaumarchais monologue de Figaro sur l inconstance f minine Hugo admonestation de Ruy Blas aux ministres corrompus et bien d autres Dans chacune des uvres voqu e ci dessus nous pourrions d aille
106. argumentatifs il est pratique de recourir aux distinctions que les Grecs et Latins op raient dans la rh torique traditionnelle savoir l inventio ou rh torique du contenu qui est l art de trouver des arguments th mes et id es d velopper ce sont pr cis ment les lieux communs du discours dans lesquels puisent les tribuns avocats conf renciers etc tous ces gens qu on appelle maintenant des communicants La dispositio ou rh torique de la composition qui est dans l art d ordonner les th mes pr c dents d organiser les diverses parties d un discours avec les transitions les progressions etc Car la structure d un texte est au moins aussi signifiante que la somme de ses nonc s ce qui rend d terminante la place donn e aux arguments et aux exemples Qu on ne dise pas que je n ai rien dit de nouveau crit ainsi Pascal la disposition des mati res est nouvelle quand on joue la paume c est d une m me balle dont joue l un et l autre mais l un la place mieux Pens es 22 L elocutio o rh torique de l expression qui correspond peu ou prou ce que nous appelons l nonciation travail du style choix des pronoms jeu sur les connotations des termes employ s nature et fr quence des proc d s verbaux cf Clef n 31 sur les performatifs et naturellement utilisation des figures de style dites aussi figures de rh torique Les Anciens ajoutaient d ailleur
107. autorit ou d un pouvoir tabli par la gr ce d un renversement triomphal mais provisoire de_situations_ o nous avons d nous soumettre ju jusqu l humiliation chaque fois la revanche que nous prenons semble proporionnelle l importance sociale de ce pouvoir Supposons par exemple qu un ami bien aim se casse la figure en glissant sur une peau de banane malgr le caract re m canique de sa chute nous rirons mod r ment Mais s il s agit d un chef de service ou de notre prof de fran ais figures d autorit nous aurons du mal r fr ner notre clat de rire Et s il s agit d un ministre ou d un pr sident alors nous nous muserons tr s fort Dans chaque cas le personnage dont noys rions incarne le surmoi la Loi laquelle nous avons d ob ir au cours de notre ducation et son idee soudain nous permet de prendre notre revanche le temps d un d lire peine conscient Mais notre inconscient n est pas simplement constitu de frustrations appelant des revanches Il est aussi travers de pulsions carr ment sadiques C est dire qu il y a un certain plaisir inavou faire mal S faire souffrir r duire autrui l tat de girouette que l on manie La formule de Bergson va donc av del de la simple perception par l intelligence d automatismes ou de gonduites inadapt es elle implique on l a vu une forme de jouissance r duire autrui l tat de chose ou d instrument Plai
108. avec ou non l emploi du vocatif Sois sage ma Douleur crit Baudelaire l apostrophe a d abord une fonction expressive le locuteur laisse jaillir de lui son sentiment profond d admiration ou d irritation d amour ou de m pris l gard de la personne ou de la r alit qu il prouve le besoin d interpeller d apitoyer ou de supplier Mais elle a surlout une fonction dramatique La force du ton la vigueur de l exclamation conf rent une valeur une autorit ou une aura hors du commun la Blaise Pascal 211 personne interpell e qu elle soit vouvoy e ou tutoy e Elle th tralise en quelque sorte le discours Mieux si l on emploie normalement le tu ou le vous pour s adresser quelqu un qui est d j pr sent l intensit de l apostrophe peut aussi servir r ciproquement faire comme si la personne laquelle on s adresse tait l alors m me qu elle est absente Elle fait exister solennellement des entit s purement abstraites Qu il s agisse de la Mort suppli e par Hugo de l tre ternel invoqu par Rousseau ou Voltaire de la Douleur tutoy e par Baudelaire de Barbara chant e par Pr vert l apostrophe forme solennelle de la seconde personne rend tout coup immens ment pr sents dans les textes les lres que l on convoque ou les choses que l on personnifie Il ne s agit donc pas d un banal proc d d expression Clef n 26 Une figure fondamentale l
109. aventure qui ne saurait manquer de nous divertir Je veux me trouver au d but et les agacer tous deux I 4 Deux centres d int r t se dessinent l int r t psychologique comment lamour na t il chez les jeunes gens comment vont ils se d battre dans les contradictions issues de leur na ve machination et attis es par Mario l int r t proprement th tral comment le spectateur est il amen se prendre au jeu en percevoir les degr s s en amuser pleinement au risque de prendre distance l gard de ses propres pr jug s Ces deux aspects sont troitement li s Il serait artificiel d en faire deux axes de lecture autonomes ce qui obligerait de nombreuses redites Notre choix sera donc en menant l tude au fil du texte de nous centrer surtout sur l int r t th tral et le plaisir du public en ne disant que l essentiel sur les sentiments des jeunes gens E TUDE SUIVIE DE LA SC NE La convention de d part Insistons d abord sur le r le du public il joue croire la donn e majeure de la pi ce c est dire au double stratag me des enfants Dans la r alit il ne serait gu re vraisemblable que deux jeunes gens de bonne famille se d guisant en valets ne se reconnaissent pas tr s vite les pr jug s sociaux sont une seconde nature et le langage suffit souvent trahir la condition sociale Mario n h site justement pas porter l accent sur
110. c t j dis Tu peux pas l emp cher de fumer non rires Il va br ler mes draps Oh il s en sert quoi y a pas de doutes rires reprise musicale Alors mon pyjama mes pantoufles ma radio mes cigarettes pourquoi pas ma femme pendant qu il y est rires la musique reprend tr s tristement l interpr te pleure sur sa guitare Ce west plus qu un pauvre homme qui ach ve la cinqui me et derni re phrase de l tude de Sor Applaudissements du public Raymond DEVOS J ai des doutes Th tre des Trois Baudets 1958 d Orban ditions PLON E SUJET ET CENTRE D INT R T Un sketch est une courte histoire comique jou e parfois par deux ou trois acteurs mais le plus souvent par un auteur acteur qui incarne lui m me les ou le personnage mis en sc ne dans son sketch Nous sommes donc bien au th tre et la nature du plaisir prouv par le public doit nous permettre d approfondir la notion de comique ou du moins quelques uns de ses aspects Le sketch J ai des doutes repose sur un th me traditionnel du th tre occidental Moli re l a lui m me trait dans L cole des femmes la hantise du cocuage et corr lativement la joie moqueuse des publics devant le spectacle des maris tromp s Il s agira naturellement de voir comment Raymond Devos renouvelle le th me et parvient l originalit dans cette histoire Une autre information pr alable doit tre donn e p
111. candidat justification de sa pr sence critique de ses rivaux engagement solennel tre le pr sident de tous appel aux citoyens lecteurs Ce mouvement du texte n est pas d terminant En premi re lecture il ne nous oriente que sur le contenu du discours apparemment banal et que la rh torique seule de sa mise en forme pourrait rendre convaincant Mais si nous relisons ce texte en tenant compte des conditions d mission propres une allocution t l vis e des l ments nouveaux vont nous appara tre concernant la relation entre le candidat et son public qui seront d terminants pour juger de l effet produit par son message D o une analyse de cette prestation en deux approches successives 1 La nature de l argumentation et la rh torique employ e 2 La relation locuteur auditeur et son efficacit Cette tude synth tique des deux centres d int r t du morceau s impose d autant plus que le texte est long et qu une explication lin aire se perdrait fatalement dans des sables mouvants E ARGUMENTATION ET RH TORIQUE Un contenu st r otyp Tous les candidats disent la m me chose nous rappelle l orateur pour s en excuser d avance Pourquoi cette in vitable banalit des th mes Parce qu il s agit d une premi re allocution prisonni re des g n ralit s Parce que chaque candidat s adresse tous les Fran ais et non simplement ceux de son parti il ne faut
112. cauchemardesque le nombre des insectes qui forme un peuple leur effrayant silence ils travaillent imperceptiblement sans rien dire leur intentionnalit ces b tes savent ce qu elles font elles ne sont pas seulement horribles ce que Baudelaire avait crit dans une premi re version elles sont inf mes moralement ignobles elles incarnent parfaitement les id es noires du mal et de la m lancolie qui minent l me du po te La progression irr sistible de cette arm e est marqu e par l enjambement et la r gularit du rythme sans parler des allit rations du dernier vers vient cerveaux filets fond Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux 300 Textes po tiques Baudelaire pr cise bien nos cerveaux Cette premi re personne du pluriel signifie sans ambigu t que cet tat d me ne lui est pas particulier L enlisement intellectuel et moral nous menace tous et le spleen baudelairien se veut l expression d un Mal collectif branl au plus profond de son tre il plonge en plein d lire 2 L branlement Des cloches tout coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement Ainsi que des esprits errants et sans patrie Qui se mettent geindre opini trement Il est difficile de donner une explication rationnelle un d lire qui ne l est pas On a compris bien s r que l angoisse est son comble mais la r action de po te se traduit par une nouv
113. ce qui d ailleurs la rend si attirante Or cette beaut porte en elle la vie et la mort Bien que le plaisir tue elle fait rena tre d un seul regard c est l sa puissance magique mais on ne peut vraiment l treindre que dans l ternit c est dire dans l au del qui suit la mort la longue interrogation douloureuse que le po te jette cette femme se m le une certaine esp rance bien s r il l a d finitivement manqu e pour cette vie mais demeure l espoir de contempler cette ternelle Beaut dans la future ternit Qui donc est elle Il y a une piste On sait en effet que dans la premi re publication de ce sonnet le vers 10 pr sentait la variante suivante Dont le regard m a fait souvenir et rena tre Cette indication est peut tre essentielle C est presque un lapsus Elle fait de la passante la r incarnation d une femme d j connue d j rencontr e d j aim e C est un mod le ancien remontant l enfance celle qui fait na tre et dont on se souvient La m re ador e la m re qui fut pr cis ment une jeune veuve et qui porta une ann e durant le deuil de son premier mari ternel dipe d un crivain excessivement attach la figure maternelle Cette jeune femme est quoi qu il en soit d sormais inaccessible en ce monde et peut tre aussi dans l autre 314 Textes po tiques SECOND TERCET Ailleurs bien loin d ici Trop tard
114. cet aspect au risque de d voiler la machination Mais le public consent au jeu il est le premier accepter la convention l artifice th tral pour s amuser du spectacle Si le public ne jouait pas croire il n y aurait pas de pi ce Ce qui est vrai pour toute forme de th tre l est plus particuli rement pour une com die qui se joue de la r alit sociale l espace d une soir e Jouer croire cela veut dire que par moments on y croit et qu d autres on prend distance Identification et distance vont donc alterner pour le plus grand plaisir du spectateur La progression dramatique Trois phases se succ dent dans cette courte sc ne Au cours des premiers changes Orgon et Mario forcent le c ur de Silvia se prononcer imm diatement sur le valet Dorante selon la convention classique qui veut que les domestiques s aiment parall lement leurs ma tres 164 Textes dramatiques Dans la dizaine de r pliques suivantes Mario devient le ma tre du dialogue il oblige les deux jeunes gens parler le langage qui convient leur rang suppos les amenant malgr eux se tutoyer Puis d sireux de pousser les choses plus loin encore Mario feint d aimer Lisette sans tre pay de retour cela renforce la complicit entre Dorante et Silvia obligeant celle ci en dire plus qu elle ne voudrait Au cours de ces trois tapes qui s encha nent Orgon et Mario jouent
115. ceux ci sont eux m mes voqu s avec le plus de retenue possible La main est une simple main nue l absence de possessif ici comme dans la suite all ge l expression le texte s abstiendra de dire sa main ses bras son souffle son front ses yeux L expression deux bras suffit aucune insistance sur leur qualit concr te force chaleur tendresse Le geste est un geste l ger qui fr le il n est rien qu un mouvement le souffle pos s att nue en quelque chose qui est peine une ros e Seul le front s appuie Cest peu Et les autres indications y compris le tendre jardin restent d pouill es discr tes 328 Textes po tiques La phrase elle m me tente de flotter en l air comme le montre l exemple de la strophe 4 au lieu d articuler la syntaxe logiquement le po te semble proc der par simples appositions de termes qui se succ dent Rien qu un mouvement Le geste L ger Un souffle pos Moins Une ros e De subtils d placements de l ordre normal des mots en reportant et faisant attendre la fin des propositions donne l impression que la phrase n en finit pas de se poser reste en suspension Prenons l exemple de cet nonc Le geste en dormant L ger qui me fr le On attendrait normalement le geste l ger qui me fr le en dormant de plus le sujet de en dormant est subtilement impr cis s agit
116. cf le po me Mors est par essence m taphorique comme la plupart des personnifications Et c est par association que le tr ne peut d signer le pouvoir royal comme la couronne gt parce qu elfectivement le roi s l ve en s asseyant dessus Beaucoup de symboles de ce type sont l origine des m tonymies l autel pour la religion ou l glise la faucille et le marteau pour le peuple paysan ou ouvrier Un titre comme Le Rouge et le Noir de Stendhal d signe par deux m ton ymies les deux carri res possibles entre lesquelles le h ros h site la voie militaire l habit rouge et la voie eccl siastique l habit noir Ces pr cisions nous permettent de classer dans la m tonymie la figure plus pr cis ment d nomm e synecdoque qui consiste d signer le tout par la partie ou Louis Aragon 333 la partie pour le tout le singulier pour le pluriel ou l inverse le moins pour le plus ou le plus pour le moins La relation qui est la base de ce proc d est toujours l association el non pas l analogie C est ainsi qu on d signera le navire par la voile l quipe sportive d une ville par le nom de celle ci Saint tienne a battu Metz ou simplement par la couleur de son maillot es Verts se sont inclin s devant les Jaunes La main nue qui vient sauver Aragon dans le po me que nous venons de commenter est une m tonymie de la femme et l on a vu les effets tonnants que tire ce texte du contraste entre
117. choses nous conduisant approfondir le myst re de notre pr sence en ce monde Il faut bien s r tudier des recueils entiers pour faire appara tre Pima ginaire du po te dans toute sa coh rence Ce n est pas le cas ici o l on ne peut commenter que des po mes isol s aussi recommandons nous vive ment aux lecteurs de ne pas s en contenter et de plonger dans les uvres Mors Je vis cette faucheuse Elle tait dans son champ Elle allait grands pas moissonnant et fauchant Noir squelette laissant passer le cr puscule Dans l ombre o l on dirait que tout tremble et recule 5 L homme suivait des yeux les lueurs de la faux Et les triomphateurs sous leurs arcs triomphaux Tombaient elle changeait en d sert Babylone Le tr ne en chafaud et l chafaud en tr ne Les roses en fumier les enfants en oiseaux 10 L or en cendre et les yeux des m res en ruisseaux Et les femmes criaient Rends nous ce petit tre Pour le faire mourir pourquoi l avoir fait na tre Ce n tait qu un sanglot sur terre en haut en bas Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats 15 Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre Les peuples perdus semblaient sous la faux sombre Un troupeau frissonnant qui dans l ombre s enfuit Tout tait sous ses pieds deuil pouvante et nuit Derri re elle le front baign de douces flammes 20 Un ange souriant portait la gerbe d mes
118. cit autobiographique La tentation est donc grande lorsqu on commente ces romans de parler de Vall s comme s il en tait le h ros et de confondre ainsi auteur et narrateur on tombe alors dans le pi ge autobiographique qui consiste vouloir expliquer le texte par la seule biographie de l auteur Il faut bien s en garder D abord par respect de l auteur s il a choisi de ne pas crire directement son autobiographie c est qu il a le d sir d exprimer autre chose que le simple r cit de sa vie Il puise en elle bien s r mais il choisit il ne veut pas raconter son histoire mais par exemple l histoire lype de nombreux jeunes gens de sa g n ration Ce n est pas le roman qui est au service de son moi ce sont des l ments de ce moi qu il met au service d une uvre qui le d passe lui m me Ensuite par souci d exactitude M me dans un livre autobiographique l auteur transforme la m moire le trahit modifie d place les faits transpose les motions synth iise plusieurs personnages en un arrange la r alit pour en faire des tableaux esth tiques ou du moins expressifs en fonction de son go t ou du go t de l poque Par exemple dans L Enfant Jules Vall s raconte la vie d un fils unique qui lui ressemble Jacques Vingtras cette diff rence pr s qu il avait lui une s ur Une telle omission est loquente il faut vraiment se m fier du pi ge de l explication autobiographique Le n
119. confirme Car le th me des ruines la po sie des ruines sont bien ant rieurs Hugo D j en 1767 commentant un tableau de ma tre Diderot s exclamait les belles les sublimes ruines Quelle fermet et en m me temps quelle l g ret s ret facilit de pinceau Quel effet quelle grandeur quelle noblesse Les id es que les ruines veillent en moi sont grandes Tout s an antit tout p rit tout passe Ainsi les ruines font ressentir la fragilit de toute chose corollaire ment le spectacle de ce qui est tomb renvoie l imagination la grandeur pass e d un difice C est bien l effet recherch par l auteur De l dire rien n est plus grand que ce qui est tomb il y a cependant un glissement significatif une vidente volont d exag rer Hugo d sire faire revivre ce qui est mort comme il veut redonner de la majest ce qui est d truit Pour nous rendre sensible au drame si humain d un ch teau difi par les hommes il lui pr te donc le visage d une personne la clart lugubre de la lune voil e s av re alors essentielle pour nous pr senter une vision aussi subjective de ce qui n est qu un amas de pierres E LA GRANDE M TAPHORE DU VISAGE Victor Hugo a donc choisi son heure celle o pr cis ment les fa ades ressemblent des visages comme il l indique en fin de texte Ce qui frappe d s le premier paragraphe c e
120. cr ne j entrai Herv Bazin La Mort du petit cheval La comparaison maintient s par s les deux termes que l on compare la m taphore elle remplace directement le compar par le comparant l toile de mon c ur il s agit de celle que j ai lue des couleurs criardes les figuiers dressaient les membres de leurs squelettes les branches etc 332 Textes po tiques Mais le proc d qui est l uvre aussi bien dans la m taphore que dans la comparaison est l analogie On applique une r alit d un ce maine des termes emprunt s un autre en raison d une analogie que l on Fr qui cr e la relation d analogie Par exemple si au lieu du mot causes j cris le mot racines es racines de la r bellion c est parce que j estime que les deux termes ont l id e d origine comme point commun mais c est moi qui op re celte substitution car en v rit seuls les arbres ont des racines On cr era de m me de multiples m taphores entre le r gne humain et le r gne animal le registre de la vue et le registre de l ouie les choses du monde ext rieur et celles de la vie spirituelle ou psychique ou encore entre les activit s diverses du g nie humain l amour la guerre la vie rurale la vie urbaine la navigation la politique etc Si beaucoup semblent convaincantes on n oubliera pas le proverbe comparaison n est pas raison Le processus de la m tonymie semble moins facile compr
121. d un homme sans scrupule rapace avide et sensuel cf Clef n 39 sur l opposition d notation connotations Quarante ans C est la force de l ge 136 Textes romanesques Les favoris peints Il est pr cis avant cet extrait que monsieur Vautrin porte une perruque noire Ce personnage soigne donc son apparence Effet d intrigue aurait il quelque chose cacher Un fameux gaillard Cette expression d note la puissance physique mais une puissance pouvant se r v ler aussi bien mauvaise que bonne R put le fameux gaillard est craindre autant qu admirer Les paules les muscles les mains les phalanges Le r alisme physique confirme cette impression de force en action Les adjectifs abondent larges d velopp paisses carr es touffus ardent Cette abondance va au del du simple effet de vigueur il y a du bestial dans cet individu Le gros plan sur les phalanges qui cl t la phrase a quelque chose de monstrueux c est intentionnellement que le narrateur insiste sur ces poils touffus et leur couleur rousse Les mains du fameux gaillard occupent d ailleurs dans ce passage plus de place que l vocation du buste C est que les mains sont signes d action de manipulation et non pas de simples objets anatomiques Elles nous disent que cet homme saisira toute chose brutalement de fa on paisse et carr e et qu il ne l che
122. d sir se faire pardonner Juste avant notre pisode un pr tre a refus de le confesser D s qu il arrive Notre Dame de Lorette il s agenouille au pied de l autel de la Vierge essaie de faire jouer une bague d argent d origine orientale qui semble dot e d un pouvoir magique tente difficilement de s unir en esprit l office jusqu ce que tout s teigne Mais le destin fait chouer toutes ces tentatives quelque chose lui dit que ses pri res sont inutiles la Vierge ne le prot ge plus le c l brant se trouble au milieu de l oraison sept fois chiffre magique lui m me ne sait plus les paroles de G rard de Nerval 145 l Ave Maria comme s il tait coup de la Vierge Marie le discours du pr tre sans doute mena ant lui semble ne faire allusion qu lui Sa faute doit tre inexpiable de sorte qu il ne pense plus qu se d truire Mais l encore quelque chose Pen emp che Il poursuit donc sa marche une marche qui le m ne au c ur de la capitale Champs lys es place de la Concorde place du Louvre Tout se passe comme s il devait gagner le centre de Paris symbole du centre du monde pour y contempler des faits extraordinaires un spectacle trange m attendait je contemplai ce d sordre mais sinistres cf le soleil noir et le globe rouge de sang L unit de ces faits est aussi dans leur dimension apocalyptique au sens
123. d sordre plan taire Cette vari t des points de vue bouscule notre vision de sorte que nous mettons ce bouleversement d au montage filmique de l auteur au compte des ravages provoqu s par la Mort Dans ce cadre chaque segment de cette longue phrase mobilise des ressources expressives qui m ritent d tre soulign es Vers 13 Ce n tait qu un sanglot sur terre en haut en bas Vers d sarticul volontairement chaotique qui exprime la distribu tion hasardeuse mais uniforme des malheurs qui frappent l Humanit quelles que soient les conditions sociales des victimes en haut en bas La Mort frappe aveugl ment et le sanglot humain ne cesse de rouler dans cette vall e de larmes e Vers 14 Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats Vision macabre en gros plan Les doigts squelettiques blanch tres contrastent avec les noirs grabats lits mis rables clair obscur digne de Rembrandt Au r alisme de la vision se joint l implacabilit du rythme en quatre temps groupes r guliers de syllabes 2 4 2 4 Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats Il ne faut pas n gliger ici les allit rations volontairement d sagr ables qui contribuent l horreur du tableau comme celles du premier h mistiche Victor Hugo 281 des mains z aux doigts z osseux Notons aussi l ambigu t du verbe sortaient sont elles d j sorties inanim es
124. danger seroit de devenir fou De se prendre r ellement pour le personnage Quand l autre p n tre en soi cela s appelle justement l ali nation identification comme nous l avons sugg r il y a l autre processus celui de la distanciation par lequel on reprend conscience de soi apr s lecture ou apr s vision d un film el parfois pendant C est le moment o l on se dislingue nouveau du personnage on le juge on fait le bilan des dif rences et des similitudes on cerne cette part irr ductible I faut noter que certains romanciers eux m mes proc dent souvent ainsi l int rieur de leur r cit ils se diff rencient de leurs propres personnages comme s ils avaient besoin de circonscrire et de mettre distance celte part d eux m mes ou d aulrui qu ils ont projet e dans leurs h ros C est le cas de Flaubert par exemple cf Clef n 16 On peut en conclusion tablir plusieurs degr s d identification qui permettent de mieux comprendre ce ph nom ne central de la leciure et sont valables aussi pour l exp rience du cin phile S identifier cela peut tre Voir travers le personnage Se reconna tre partiellement prouver une motion commune Se retrouver dans un semblable c est tout fait moi Se projeter se r ver dans un autre AUN Vouloir devenir comme Clef n 15 La port e symbolique de l acte Parmi les diff rentes p rip lies qui font la trame d un roman qu est ce
125. dans la Nature elle suit un chemin puis s appuie aux branches basses d un arbre et r ve Bient t elle se penche pour pleurer comme au bord d une fontaine Cette immobilisation progressive qui fait penser ce qu on appelle de nos jours un arr t sur image s accompagne d une intensification de l motion moins la personne agit plus elle ressent Ses gestes traduisent cette int riorisation va semble poursuivre une qu te int rieure une insaisissable v rit dans ce monde incertain sinon hostile le chemin qu elle suit est en effet effac les branches auxquelles elle s appuie sont incertaines la Diane laquelle elle est compar e est d autant plus impr cise que Vigny y fond deux visages distincts celui de Diane chasseresse d esse qui r gne sur les bois et celui de la Diane de Montemayor h ro ne en pleurs d une pastorale du XVIe si cle Ces trois visions qui s encha nent pr cises par elles m mes donnent toutefois un caract re ind cis au dessin chaque trait nouveau estompant celui qui pr c de mais l ensemble d bouche sur la silhouette pench e d va pleurant de compassion comme si toute sa qu te aboutissait l dans cette attitude d amour fragile et imp rissable qui devient comme l essence d va Le mouvement musical de la phrase pouse cette modulation de l image Le rythme est ralenti par les rejets et appositions de sorte que retentissent les seuls mots c
126. dans sa version fran aise J aime lke Eisenhower se pr sente dans sa langue originelle comme une quation parfaitement rythm e et rim e qui prouve chacun qu il doit ralifier ce candidat en effet le verbe like aimer englobe ke le pr nom de l lu qui englobe le je de l lecteur Jeu de mots dirat on Eh bien oui Au plan verbal la fonction po tique est un jeu formel On pourrait commenter de la m me fa on la formule de C sar Veni vidi vici a je suis venu j ai vu j ai vaincu La fonction po tique s immisce parlout 6 Du c t du canal la fonction phatique Les sons ont besoin d un canal de transmission Je dois tre en phase mat riellement avec celui qui m entend Dans une salle o je dispose d un micro je puis souffler dessus pour v rifier s il fonctionne Si je parle dans un meeting je puis avoir besoin d un m gaphone Aupr s d un malentendant sourd je vais ari cu ler mon nonc En t te t te on vite de d clamer comme au th tre De m me lorsqu on crit si je pr sente un manuscrit je soignerai sa clart si j imprime un po me je vais fignoler sa mise en page Ainsi tout locuteur consciemment ou non prend soin de se faire entendre au double sens du mot ce qui se manifeste dans l intonation ou dans certaines locutions Allo Voltaire 237 Allo 2 Tu me re ois Oui cinq sur cinq Et r ciproqueme
127. de l imparfait marquant leur dur e Ces verbes au pass simple voquent tant t des actions pr cises et bien r elles du h ros j allai me jeter j allai me mettre je fis glisser de mon doigt je me levai et je sortis je me dirigeai je marchai je finis par me diriger tant t ses visions ou tats d me je tentai de munir en esprit il me sembla je crus que je me dis je vis plusieurs lunes je pensai que la terre je contemplai ce d sordre tant t des v nements qui se produisent autour de 144 Textes romanesques lui plusieurs bougies s allum rent le pr tre s interrompit et recommen a on termina ensuite le pr tre fit un discours quand tout fut teint de sorte que dans cette s rie tout semble se passer r ellement et tout coup comme les toiles qui semblent s teindre Certes le narrateur fait la distinction entre des faits donn s comme objectifs l itin raire de sa marche sa pri re les d tails qu il observe le pr tre pendant la c r monie les paysans qui passent et des l ments pr sent s comme subjectifs un discours qui me semblait faire allusion moi seul je crus je croyais voir je me dis je pensai que la terre etc Mais cette pr caution en nous garantissant son objectivit ne fait que le rendre plus cr dible Au fil du texte tout se passe bien comme si ce qu il croit voir avait bien lieu ce que confirment d autres expressions je marchai jusqu
128. de Gaulle 265 Fabius se diff renciant de Mitterrand lui c est lui moi c est moi Chirac Un chef c est fait pour cheffer b tisier Internet Raffarin Les jeunes sont destin s devenir des adultes b tisier Internet ll en est bien d autres dans l univers politico m diatique par exemple cet argument con u par des publicitaires pour faire ratifier l Euro Je suis en Europe donc je pense en Euro en 1999 ou cette d claration d un Premier ministre n erlandais propos de la guerre d Afghanistan Personne ne souhaite que les op rations militaires se prolongent au del de ce qui est n cessaire 5 1 1 2001 La folle humanit Dans Le Voyage Baudelaire m dite sur le d sir d vasion de l tre humain mais c est en vain que les voyageurs cherchent un monde id al partout la condition humaine est d solante comme ils tentent d en convaincre les esprits enfantins qui se bercent encore d illusions en brossant ce terrible tableau cerveaux enfantins Pour ne pas oublier la chose capitale Nous avons vu partout et sans l avoir cherch Du haut jusques en bas de l chelle fatale 88 Le spectacle ennuyeux de l immortel p ch La femme esclave vile orgueilleuse et stupide Sans rire s adorant et s aimant sans d go t L homme tyran goulu paillard dur et cupide 92 Esclave de l esclave et ruisseau dans l gout Le bourre
129. de la force est de courte dur e Il y a une hi rarchie au del du parall lisme il y a une diff rence qualitative et celle ci est extr me c est Dieu qui tranche en d finitive qui privil gie absolument l ordre de la v rit Il est d abord certain que la violence chouera l homme de foi l homme qui a choisi de vivre de la v rit et de la lumi re doit savoir qu la fin la violence verra son cours d tourn par la volont de Dieu Loin d affaiblir la v rit par une sorte de courbure que le Cr ateur donne l univers la violence finit par faire ressortir et rejaillir la gloire de la v rit Ses victoires provisoires ne font que pr parer son chec d finitif la violence en fin de compte par la gr ce du Dieu Tout puissant sert la v rit l inverse la v rit triomphe parce que d s le d part elle chappe au cours naturel du monde elle subsiste ternellement La violence est un flot mat riel elle a un cours la v rit est une lumi re immobile S il y a guerre on l a vu c est parce que la violence essaie d opprimer la v rit celle ci n a pas vraiment se d fendre il lui suffit de subsister par sa lumi re propre Pascal assimile ici la v rit la nature de Dieu lui m me Les mots concernant l une et l autre sont intentionnellement repris la v rit subsiste ternellement et triomphe parce qu elle est ternelle et puiss
130. de qui fait attendre la seconde L intervention du po te narrateur en proc dant cette halte descriptive et lyrique pr pare l irruption d un nouvel v nement qui va surprendre par sa brutalit c est le troisi me acte Il clate brusquement dans la seule exclamation du vers 38 Quelle connerie la guerre La grossi ret du terme est volontaire elle d tonne intentionnellement dans l harmonie po tique qui pr c dait exactement comme a pu d toner l explosion de la guerre dans la vie heureuse des amants Alors se pr cipitent les effets de la guerre la mort la brisure du couple le deuil La fin du texte est au pr sent C est un nouvel et dernier pilogue qui suit le second grand coup de th tre du r cit Si elle existe encore Barbara n a plus se rappeler elle vit ce nouvel tat d quilibre romanesque celui de tout pilogue avec l encore les indications qui fixent pour toujours la situation des protagonistes et les pr cisions sur le lieu et le temps qui servent clore le r cit en l occurrence la d solation des vivants et le n ant de Brest Cette histoire d amour bris e par la guerre est le substrat du po me mais ne s y r duit videmment pas En ce qui concerne le mode narratif un remarque essentielle doit ici tre faite c est que dans toutes ces phases du r cit l motion pr c de l action mettant le lecteur en parfaite condition pour retentir ce q
131. de r alit s ext rieures Les animaux bien s r mais la plupart des objets de l industrie humaine peuvent tre l objet de m taphores anthro pomorphiques cf l usage qu en fait le dessin anim ou la publicit une voiture un balai une tartine beurr e un cran de t l vision un flacon un parfum une locomotive le proc d est sans limite Pour tre complet sur le sujet il faut ajouter que ces m taphores sont r versibles Si tous les paysages peuvent tre d crits comme des tats d me comme cela a t dit inversement tous les aspects de la vie humaine le corps comme le c ur peuvent tre l objet de comparaisons emprunt es au monde ext rieur un c ur de glace un esprit tordu un visage crevass une face de terre cuite On peut alors parler de cosmomorphisme qu on trouvera dans des locutions fig es ou r invent es par le style d un crivain De loin une montagne peut avoir un visage de pr s en tr s gros plan un visage peut para tre rid comme une cha ne montagneuse Dans ce jeu de m taphores r versibles on peut faire une place part aux comparaisons animales appliqu es l tre humain puisqu elles sont innombrables il faudrait presque parler cette fois de zoomorphisme Dans les portraits de personnages de roman on ne compte plus les nez recourb s en bec d oiseau les m choires carnassi res les visages placides de b ufs et plus g n ralement tous les caract
132. de son texte il remplace l difice r el par une estampe pour mieux appeler le lecteur 92 Textes descriptifs comprendre avant de ressentir Pour Stendhal qui craint avant tout l emphase le plaisir esth tique compte plus que l motion Ce parall le nous confirme le r le essentiel de ce qu on appelle l non ciation Celle ci est toujours r v latrice de l attitude qu un auteur prend par rapport au sujet de son nonc qu il s agisse pour lui d effacer sa personne ou de la mettre en avant L affaire de Rousseau c est de cr er sa personne par l criture l affaire de Stendhal c est de la contr ler Du moins est ce ce que sugg rent ces deux petits textes bien qu il faille se garder tout de m me de g n raliser Clef n 9 Le contraste Le principe du contraste est g n ral dans la description Troyat Hugo Vall s Rousseau la plupart l ont employ dans les textes jusqu pr sent tudi s et cet usage est si fr quent qu on omet parfois de le signaler Le contraste permet de mettre en relief l une par l autre les choses que l on oppose On peut tout opposer un objet son cadre deux parties d un tableau clair obscur rouge et noir duret des angles formes arrondies etc diverses impressions senso rielles silence contre animation sensation de vie contre immobilit mille et une cat gories de la r alit animal contre v g tal profondeur conire surface pays
133. des carottes Nos jambes la boue norme des chemins Devions les empoigner quelquefois deux mains Nous qui pour notre toux n ayant pas de jujube Prenions des bains de pied d un jour dans le Danube Nous qui n avions le temps quand un bel officier 1 N ologisme cr par E Rostand avec trait d union et pluriel au mot grades Bien 8 8 que sans grade soit maintenant invariable nous conserverons ici la graphie originelle 2 Un bon soldat a potentiellement dans sa giberne un b ton de mar chal qu il ne manquera pas d obtenir lorsque sa bravoure sera r compens e Edmond Rostand 179 Arrivait au galop de chasse nous crier L ennemi nous attaque il faut qu on le repousse Que de manger un blanc de corbeau sur le pouce Ou vivement avec un peu de neige encor De nous faire un sorbet au sang de cheval mort Nous LE DUC les mains crisp es aux bras de son fauteuil pench en avant les yeux ardents Enfin LE LAQUAIS qui la nuit n avions pas peur des balles Mais de nous r veiller le matin cannibales Nous LE DUC de plus en plus pench s accoudant sur la table et d vorant cet homme du regard Enfin LE LAQUAIS qui marchant et nous battant jeun Ne cessions de marcher LE DUC transfigur de joie Enfin j en vois donc un LE LAQUAIS que pour nous battre et de nous battre un contre quatre Que de marcher
134. des exigences fort simples dire quoi il ressemble fournir quelques donn es essentielles sur son tat civil ou son caract re sans cependant tout dire pour donner au lecteur l envie d en savoir davantage Bref trois fonctions valables en quelque sorte pour toute exposition de roman informer faire croire intriguer L art du portrait d passe sans doute en complexit ces trois aspects Honor de Balzac 135 cf Clef n 17 mais cela doit nous suffire au premier abord pour d cortiquer ce portrait de Vautrin Il serait artificiel de faire de chacune de ces fonctions un axe de lecture De m me les quelques remarques que nous pourrons faire sur la focalisation adopt e ne m ritent pas une tude part Balzac choisit ici le ton du narrateur r aliste dont les capacit s d observation et d interpr tation lui permettent d aller droit aux faits C est l efficacit de cette pr sentation de Vautrin dans la s lection des traits retenus et leur port e qui doit surtout faire l objet de notre attention pr cise Nous ferons donc l explication au fil du texte en suivant les deux parties qui se distinguent assez ais ment 1 La nature de Vautrin son physique r v lateur 2 Le comportement de Vautrin son ambigu t E LA NATURE DE VAUTRIN UN PHYSIQUE R V LATEUR Dans la premi re moiti du texte le peintre nous d crit le personnage en en faisant le tour allure g n rale qua
135. donc choquer personne et gommer de son discours ce qui pourrait para tre trop politiquement hardi Enfin comme le montrent les divers points du texte num r s ci dessus il faut r pondre aux m mes questions incontournables quel est l enjeu il faut un nouveau pr sident quels sont les probl mes du pays il faut des hommes comp tents quel r le doit jouer un bon pr sident quel programme mettre en place sachant que les buts poursuivis se ressemblent personne ne se dira contre le progr s social contre une France fraternelle ou contre la vocation internationale de notre nation Fran ois Mitterrand 251 Si l on y regarde de plus pr s on observe cependant que ces lieux communs permettent surtout au candidat en r alit de donner une image cr dible de lui m me Ainsi pr senter la situation historique comme gran diose c est se vouloir l homme de la situation peindre une France probl mes c est se montrer lucide et d j capable de donner des solutions d finir le r le pr sidentiel c est dessiner une image ambitieuse de soi m me la hauteur de ce r le proposer un vaste dessein politique c est se donner l allure d un homme d action qui s engage de fa on d sint ress e au service du pays En somme tous les arguments jouent au second degr Et le premier d entre eux au c ur de la candidature consistera faire sentir le d sint ressement de celle ci Car on n ima
136. donn ce propos l exemple du po me Les Aveugles si je veux bien lire ce sonnet de Baudelaire je dois faire le point la fois sur ce que je connais de l auteur des Fleurs du Mal et sur ce que je sais des aveugles ou ai d j ressenti leur propos cf p 28 C est partir de ces donn es d j install es en moi que le texte va m mouvoir et que je mesurerai son originalit par rapport d autres textes ou aux st r otypes de la vie courante Avant tout examen d une page il est donc essenliel d explorer notre horizon d attente et de prendre ainsi conscience des hypoth ses de lecture plus ou moins spontan es qui en nous m mes sont sousjacentes tout acte de lire Clef n 39 D notation connotations On appelle d notation le sens premier d un mot la d signation exacte de la r alit ou de l id e laquelle il renvoie ainsi l arbre est un grand v g tal ligneux dont la tige ne porte de branches qu partir d une certaine hauteur au dessus du sol d finition du Petit Robert le blanc d signe une couleur pr cise le mot libert s emploie pour d signer l absence de contrainte et le pouvoir d agir etc On appelle connotations les sens seconds annexes d riv s du m me mot Ce soni justement des notations que l usage du terme lui a associ es au cours de son histoire dans la langue Ainsi l arbre peut voquer la croissance ou l ascendance le blanc signifier la puret la libert
137. dont nous sommes partis dans la Clef n 28 Ce chiasme mobilise trois termes inversement ordonn s A B C C B A Index des notions Accentuation 304 Acte symbolique de l 124 All gorie 274 347 Anacoluthe 347 Anaphore 35 181 Anthropomorphisme 65 Antiphrase 223 Antith se 53 211 278 Apostrophe 210 338 Auteur narrateur 84 105 Autobiographie 84 246 Catharsis 170 Chant et po sie 272 Chiasme 212 348 Comique 192 200 Communication sch ma de la 234 Connotation 28 343 Contraste 53 92 182 D notation 343 Description 48 Didascalies 185 Di r se 294 Discours 202 Distanciation flaubertienne 131 Distanciation au th tre 133 170 Effet de magie 331 Effet de r el 56 109 Ellipse 119 346 Empathie po tique 339 Enjambement 283 nonciation 38 50 66 Esth tique de l effet de la retenue 93 tat d me 322 Euph misme 347 Focalisation 102 105 108 Fonctions du langage 234 272 Horizon d attente 28 342 Hypallage 341 Hyperbole 94 300 347 Hypotypose 35 114 304 Identification en g n ral 83 Identification romanesque 122 Identification au th tre 169 Intertextualit 37 46 Ironie 223 Litote 94 328 346 Lyrisme 213 272 M taphore 61 65 331 M tonymie 328 331 348 Morceau de bravoure 182 Narrateur 84 105 108 Oxymore 264 Paysage et tat d me 82 322 Performatifs 263 Personnification 56 65 Po sie
138. elle r v le Tchen lui m me en lui donnant le sentiment d tre manipul ou observ par des puissances invisibles partout pr sentes en lui comme hors de lui e Le silence et la dur e L impression produite par le ralenti de la sc ne c est que tout s arr te pour mettre Tchen en face de son acte et le dissuader de le commettre Le temps n existait plus Rien n existait que ce pied cet homme L univers est centr sur Tchen comme Tchen est centr sur son meurtre Les klaxons avaient d j ce sens ils semblaient crier attention un homme va en assassiner un autre D o l motion de Tchen qui les interpr te comme signifiant qu il est d couvert Il en est de m me du silence final levant le bras Tchen est stup fait du silence qui continuait l entourer il se sent trop entour par les choses qui l attendent Se voyant en train de braver un interdit universel Tchen imagine que son geste devrait d clencher quelque chute Mais non c est son trouble qui pr te ces signes aux choses 122 Textes romanesques Tous ces indices donnent l acte de Tchen une dimension qui d passe la simple limination d un ennemi au service d une cause r volutionnaire Le mot r volution dans ce texte voque d ailleurs moins une action proprement politique qu une noble mission comme le confirment les termes religieux qui viennent sous la plume du narrateur sacrificate
139. en quelque sorte implacable la tyrannie du spleen Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits T T On remarque videmment l emploi du nous Baudelaire ne parle pas seulement de lui m me et des moments d h b tude qui suivent l abus des paradis artificiels il d crit un tat d me qu il estime commun tous les mortels crivant plus loin nos cerveaux il a le sentiment d exprimer la pesanteur et l obscurit dans lesquelles se d battent tous ceux qui sont enferm s dans la m me condition terrestre DEUXI ME STROPHE Quand la terre est chang e en un cachot humide TN O l Esp rance comme une chauve souris S en va battant les murs de son aile timide Et se cognant la t te des plafonds pourris Nous atteignons un nouveau degr dans l oppression Le ciel est oubli nous ne sommes plus d couvert mais entre quatre murs dans une atmosph re pourrie sous une vo te basse et gluante S agit il d un paysage r el Le premier vers peut donner le penser en d crivant un r tr cisse ment de l espace vital Mais la suite imm diate en invoquant l Esp rance nous laisse entendre qu il s agit plut t d un paysage symbolique d un tat int rieur Cette Esp rance appel profond de l me se trouve tout coup sans issue aveugle comme on pensait que tait la chauve souris l poque o crit l auteur L me sur terre est comme dans un cachot le splee
140. envol e verbale Jean Jacques Rousseau et Stendhal 91 E DEUX TEMP RAMENTS OPPOS S Si Pon veut bri vement caract riser la nature de ces textes on peut estimer que le premier est subjectif et le second objectif Rousseau fait du monument le pr texte de son motion il veut admirer il veut rejoindre la Rome antique qu il a dans Pesprit il veut ne se sentir petit que pour s lever l me bref il se contemple dans le miroir de l difice romain l inverse Stendhal ne d sire parler du pont du Gard que comme d un objet en soi avec ses traits sp cifiques parmi lesquels il y a les r actions diverses que le monument est cens produire Mais cette derni re attitude se veut trop objective pour tre objective Il y a du voulu dans cette retenue du c ur dans cette distance impersonnelle et c est encore une fa on de trahir sa personnalit que d affecter de la faire taire sa mani re Stendhal aussi fait de l difice le pr texte la manifestation d une image de soi Ainsi les deux textes que nous avons lus font du pont du Gard une sorte de test projectif ils d crivent un objet moins int ressant par lui m me que comme r v lateur du temp rament des personnes qui l interpr tent Dans cette diff rence certes le facteur historique entre en ligne de compte D une part les deux ouvrages ont des perspectives tr s distinctes dans Les Confessions Rousseau se raconte et se justifi
141. es par l auteur ses interpr tes mettant luim me en sc ne son texte sont essentielles Certains passages comiques se tirent d ailleurs des seuls jeux de sc ne les paroles se r duisant des exclamations Au del de la simple explication des textes c est leur caract re potentiellement th tral qu il faut analyser Les didascalies terme issu du grec d signent pr cis ment les instructions du po te dramatique ses interpr tes I est recommand de les commenter au cours d une explication Dans le cas d un texte th tral y compris les didascalies on n oubliera pas que le th tre n est pas seulement un genre litt raire il est un art du spectacle et une pratique sc nique estil pr cis dans les instructions officielles Ces remarques largissent netlement le champ des didascalies qui ne se limitent pas aux seuls conseils d interpr tation donn s aux acteurs mais couvrent toutes les indications de l auteur concernant la repr sentation de sa pi ce indications inscrites dans le manuscrit lesquelles aident pr cis ment un lecteur se repr senter la pi ce qu il lit Le titre le sous titre le genre drame trag die tragi com die com die la liste des personnages et de leurs fonctions le d coupage en sc nes et en actes les suggestions de costumes les indications de lieux et de temps les l ments du d cor les jeux de sc ne les attitudes les d placements les mimiques ou
142. et de marcher que pour nous battre Marchant et nous battant maigres nus noirs et gais Nous nous ne l tions pas peut tre fatigu s Edmond ROSTAND L Aiglon Acte II Sc 9 1900 E SUJET CONTEXTE CENTRES D INT R T Edmond Rostand a retrouv une certaine actualit gr ce au film tir de sa pi ce Cyrano de Bergerac Dans son th tre lyrique il y a certes de la facilit mais aussi beaucoup de verve et de tirades flamboyantes comme la fameuse tirade du nez dans Cyrano Nous ne devons pas oublier que si l art dramatique qui est action repose sur la mise en sc ne et sur les jeux du corps il est aussi un art de la d clamation et de la virtuosit verbale Les grands dramaturges aiment le souffle et de Corneille Hugo ne d daignent pas ces textes inspir s qui soul vent le public populaire et qu on appelle morceaux de bravoure cf Clef n 20 ce sujet Tel est le cas avec ce discours de Flambeau voquant l pop e quoti dienne des soldats de l Empereur qui grognaient mais qui marchaient quand m me les fameux grognards Double morceau de bravoure en quelque sorte puisque l auteur d une part va faire la preuve de son talent oratoire et que d autre part l objectif m me de son texte est d exalter la bravoure m connue des petits des sans grades Deux centres d int r t se d gagent de ce passage sa valeur sc nique sa progression dram
143. et paroissiens qui sont pauvres L ironiste se pla t ici ne d signer le statut des dignitaires que par la couleur de leurs habits et il r duit ce qui compte tant pour eux la propri t fonci re et l or Voltaire 233 respectivement une petite parcelle d un petit tas de boue de ce monde et quelques fragments arrondis d un certain m tal Voil pour les biens de l glise Cette r duction du pouvoir social et financier des mots grandeur et richesse d consid re toutes les luttes de pouvoir et vide de sens aussi bien l intol rance par orgueil que l intol rance par envie Reste savoir si cet appel convaincra vraiment les victimes bien r elles de l in galit sociale invit es supporter leur sort injuste sans mot dire Ce n est que du point de vue de Sirius adopt par Voltaire que toutes les conditions sont gales L appel aux valeurs fondamentales Ce beau tableau critique avec ses antith ses sans doute trop soign es ne doit pas cacher pour autant la positivit du texte de Voltaire qui r side dans la pr sence d abord implicite puis explicite de principes thiques fondamentaux L ironie n est souvent qu une forme d expression indirecte stylis e de lindignation morale De ce point de vue la satire de l intol rance repose clairement sur des valeurs humaines et m me chr tiennes C est d abord l humilit Phomme doit reconna tre les limite
144. et r sonnent entre eux de sorte qu il serait risqu de les isoler pour en faire des centres d int r t autonomes Ils forment une sorte de po me symphonique dont chaque accent est la fois dominant en certains endroits et mineur en d autres comme le montre une tude suivie Alfred de Vigny 287 E LA NATURE ET L HOMME D embl e la Nature est rejet e malgr sa vie et sa beaut pour mieux c l brer l homme en d pit de sa fragilit C est au quatri me vers que s op re le renversement de la grandeur froide de la Nature la majest souffrante de l homme Vigny y oppose le d dain au d dain d o les imp ratifs ironiques qu il adresse une Nature immuable faut il commander de vivre celle dont c est la loi Vivez froide Nature et revivez sans cesse Sous nos pieds sur nos fronts puisque c est votre loi Vivez et d daignez si vous tes d esse L homme humble passager La Nature est personnifi e Dans les strophes qui pr c dent elle vient de clamer sa majest insensible et son m pris de la com die humaine C est ici la r ponse du po te qui consiste l enfermer dans ce qu elle a pr tendu tre D esse certes mais elle m me prisonni re du Destin qui Pa faite telle Elle est moins vie que loi elle figure simplement le cadre spatio temporel dans lequel l humble passager vit et meurt Elle est immense spatialement son r gne nous domin
145. expressions des vers 5 6 j errais tout seul promenant ma plaie parmi la saulaie 320 Textes po tiques parmi la saulaie o j errais tout seul promenant ma plaie La phrase se recourbe ainsi sur elle m me l image de l homme centr sur son mal poignant comme si le monde ext rieur ne pouvait que ly renvoyer la relative consolation d un paysage cho on sent au fil de cette promenade au sein de la nature l heure du couchant que l homme bless prouve une sorte d att nuation ou de soulagement marcher l heure o le jour devient la nuit Ce n est pas un plaisir de diversion il ne se prom ne pas pour oublier sa souffrance dans la contemplation des choses puisqu il exhibe intentionnellement sa plaie Ce n est pas non plus la joie d une consolation il ne se r fugie pas dans une retraite protectrice comme d autres po tes le font aupr s d une nature maternelle C est plut t le plaisir de retrouver dans le paysage comme un cho de lui m me un miroir de sa tristesse et c est l que l adverbe employ au vers 4 tristement luisaient prend tout son sens Contemplation narcissique de son propre tat d me dans lunivers environnant ou lib ration de la douleur interne parce qu elle se trouve comme projet e dans le paysage ext rieur Les deux sans doute l essentiel est qu il y ait harmonie entre le paysage et l tat d me et pour en arriver
146. font entre eux tant de conventions inutiles d en faire une g n rale en faveur de la mis ricorde et de la piti Cette fois l indignation va l emporter Le premier argument illustre une attitude fr quente de Europ en moyen favorable l exploitation d autrui sans jamais avoir voulu regarder en face la condition r elle des exploit s Vous croyez vraiment Ne s agit il pas d exag rations de nos intellectuels patent s Car enfin si tel tait le cas nos gouvernants auraient fait le n cessaire N entendons nous pas encore de tels propos dans la bouche de ceux qui refusent de voir l horreur pour n tre pas troubl s dans leur confort en se sentant soudain responsables Dans la seconde partie du paragraphe sous couvert de faire parler l esclavagiste Montesquieu attaque directement les princes d Europe bien que chr tiens ils font des conventions et des guerres inutiles au lieu d dicter des lois interdisant toute forme d exploitation de l homme par l homme Au del de la critique l auteur formule une suggestion de mis ricorde universelle On sait qu la suite de ce texte et de bien d autres protestations l esclavage sera aboli la R volution du moins en principe en Encore un peu d ironie d abord Montesquieu crivant ce texte nous signifie qu il fait videmment partie des petits esprits qui d plorent l injustice faite aux Africains
147. form au code de la rencontre s attend naturelle ment un coup de foudre entre les deux tres qui ne se connaissent pas mais vont sans doute se reconna tre comme Baudelaire et la Passante C est en quelque sorte le premier acte du r cit qui occupe le premier quart du texte et dont les mini s quences sont ponctu es par le refrain Rappelle toi Un deuxi me acte se produit alors v ritable petit coup de th tre non pas la rencontre attendue entre Barbara et notre po te il ne fait que la croiser mais entre Barbara et un homme qui l aime Cette rencontre se d roule en trois petites s quences pr cipit es soulign es par le et emphatique Un homme s abritait Et il a cri ton nom Jacques Pr vert 337 Et tu as couru Et tu t es jet e dans ses bras Cet acte n est pas seulement important par la surprise qu il suscite mais aussi par un v nement marquant sans lequel le po me ne serait pas ce qu il est nous apprenons le nom de Barbara Plac en position de rejet le pr nom clate de fa on impr vue occupant tout un vers et le narrateur insiste Rappelle toi cela Barbara La phrase qui suit vers 24 35 36 n est pas v ritablement un acte c est une pause n cessaire le r cit s arr te pour c der la place l vocation du bonheur du couple C est la fois l pilogue de la premi re partie de l histoire et l interm
148. fusill e ou meurtrie bref le paysage a tout d un tre humain bless par l agression humaine Ce tableau d un sombre carnage s oppose alors trait pour trait l vocation du bonheur pr s de la Loire bleue D autre part il pr pare et appelle une nouvelle identification du narrateur dont les blessures int rieures pourront d autant plus facilement se reconna tre dans cette nature qu elle est d j peinte l image de l homme Jules Vall s 81 Aussi ne s tonnera t on pas d entendre le narrateur d clarer cette po sie sombre sait elle aussi me remuer et m mouvoir il ne fait que tirer du spectacle l motion profonde qu il avait projet e sur lui Cette motion vient de si loin qu elle est imm diatement reli e au souvenir aux sentiments de l enfant qu il fut se promenant dans les bois et les champs Le significatif Je me rappelle que en cet endroit fait cho au j ai gard le souvenir du d but du texte Dans l un et l autre cas la r verie du narrateur part d un l ment r aliste pr texte objectif passe l motion subite plonge avec elle dans le souvenir et de l retrouve la part de son identit li e au paysage ancien Or chose remarquable cette couleur violente du spectacle ne l meuve que par r f rence son exp rience pass e c est dire plus pr cis ment l exp rience pass e d une premi re identification l
149. id alement travers un Jules Vall s 85 personnage de fiction un processus parfait d identification Mais quant nous simples commentateurs du texte nous ne pouvons pas entrer dans le for int rieur de Jules Vall s Nous ne pouvons qu analyser Jacques Vingtras personnage et narrateur et par del ce personnage commenter l art de Vall s en tant qu auteur en nous abstenanl surtout dans le cadre d un simple extrait de juger de sa personne Il faut donc conserver l esprit les distinctions suivantes Il y a la personne r ellement existante qui se trouve par ailleurs tre l auteur d un livre auquel on ne peut la r duire cette personne est ce qu elle est dans sa vie elle a ses exp riences ses motions ses r ves son ambition litt raire ses secrets qu elle veut garder ou non etc Il y a la fonction d auteur l artiste qui est une part de cette personne avec son m tier son talent son art L auteur est le ma tre d uvre de son uvre el en lont que tel il peut puiser ou non dans le mat riau de sa personne et de sa vie il peut galement la juger cf Rousseau juge de Jean Jacques ou l embellir se servir du je de l criture pour mettre en valeur le je de l existence comme se distinguer radicalement d elle c est pour cette raison qu il existe des pseudonymes ou noms d auleur qui maintiennent cette distinction avec la personne priv e Souvent on dit l auteur ou le po
150. imiter beaucoup de vocations d crivains sont n es ainsi Sans aller jusque l on peut au moins enrichir sa langue adopter des tournures plus ais es tendre ses moyens d expression personnels La langue courante que nous employons a t forg e par tous ceux qui la parlent ma s aussi par tous ceux qui l crivent dans un va et vient continuel auquel vous participez sans le savoir MIEUX VIVRE Cela vous tonne Mais quoi bon s int resserait on aux uvres en dernier ressort si celles ci n avaient rien dire notre vie Avec leurs motions leurs drames leurs r ves leurs doutes leurs intuitions et toute la force de leur g nie les crivains composent le Grand Livre de l Humanit Mais nous de notre c t avec nos motions nos r ves nos questions nos exp riences nous vivons le grand livre de notre vie Eh bien ces deux grands livres ne sont pas sans rapport l un avec l autre La parole des auteurs est souvent la n tre Ils nous expriment en s exprimant eux m mes Ils nous aident noncer nos angoisses r ver nos r ves porter nos interrogations Ainsi mieux comprendre les textes c est mieux comprendre notre propre existence Mais alors monsieur pour bien comprendre et ressentir un texte il faudrait y entrer avec tout soi m me Sans doute Id alement oui C est ce que fait un vrai lecteur M me si en cours un professeur ne livre pas trop sa r action
151. je fusse seul me rappeler Permets moi donc de me rappeler toi comme je te rappelle mon souvenir j ai trop besoin de me rappeler tout cela dans la tonalit fictive d une communion d sint ress e Sois le miroir de mon souvenir en m me temps que tu en es le sujet et que ce rappel conjure ton absence conjure le temps en faisant revivre notre souvenir 2 La modalit du souvenir L invocation de Barbara ainsi r it r e impr gne tout le po me d un climat dramatique directement issu de la modalit du souvenir Tout Jacques Pr vert 339 souvenir d une poque heureuse est en effet ambivalent positif et n gatif la fois positif parce qu on y revit le charme du pass qu on regrette n gatif parce que le pr sent en est jamais d pouill C est ce qui fait dire par exemple au po te du Pont Mirabeau propos de ses amours pass es Faut il qu il m en souvienne Apollinaire Se souvenir ce n est pas simplement faire le bilan d un pass c est en m me temps consid rer que ce pass n est plus c est r p ter en soi l incompr hensible le on de l exp rience humaine dire que ce pass ne peut pas tre encore dans le pr sent Le Rappelle toi implique le Jamais plus et ceci dans toutes les langues Never more Cette douloureuse r alit est ici rendue encore plus tragique du fait que ce n est pas la simple usure du temps qui aurait affaibli
152. jour pr cis qui nous est peint au fil des heures C est le printemps en soi tel qu il se reproduit toujours dont l lan ternel nous est reconstitu l aide de perceptions diverses prises de diff rents lieux en diff rents moments Le titre d s lors s claire Si l auteur a intitul printemps pass un texte dont toutes les donn es sont crites au pr sent c est qu il proc de une actuali sation de ses souvenirs Il est notable que le titre soit sans article ce n est 72 Textes descriptifs pas un printemps particulier ce n est pas un matin bien d fini qui nous est cont partir d une sensation auditive peut tre actuelle le claquement des s cateurs Colette reconstitue le printemps intemporel inscrit dans sa m moire Dans cette vocation le savoir l emporte sur le voir C est du pass que viennent des l ments descriptifs aussi pr cis que la vision des abeilles butinant les fleurs d abricotier dont elle sait qu ils vont se produire c est par le souvenir qu elle conna t le futur puisque chaque printemps se reproduit tel qu en lui m me et tel qu elle d sire qu il se reproduise Que la description passe par la grille du souvenir offre un autre avantage c est de permettre au narrateur de c l brer travers des vocations choisies le printemps ternel dont a besoin son motion Au del des traits concrets le tableau du printemps peut devenir
153. l la port e symbolique de ce passage M L ATMOSPH RE ET LE SYMBOLISME DE L ACTE Tchen ne s oppose donc pas seulement un individu d sarm il brave une sorte de loi de la Nature Lever un bras arm se donner sur autrui le droit de vie et de mort c est vraiment s riger en ma tre du destin l univers peut il laisser faire cela L interdit qui p se sur cet acte transpara t dans les divers l ments hostiles qui impr gnent l atmosph re Tout semble signe et ce qui appara t en premi re lecture comme une s rie d obstacles purement techniques l ex cution du meurtre se r v le au second degr comme la manifestation d un monde magique o les choses se liguent contre celui qui veut braver l interdit naturel ancestral C est du moins ce que ressent Tchen et ce que montre le narrateur par diverses comparaisons comme pour en accentuer cette nuit o le temps n existait plus comme si la nuit n e t pas suffi comme si son geste e t d d clencher Andr Malraux 121 Voici donc ces signes hostiles qui conf rent l atmosph re de la sc ne sa port e symbolique Le lieu du meurtre Il s agit d un lieu inhumain Chambre close silencieuse o la lumi re est emprisonn e par les barreaux de la fen tre En totale opposition avec l espace ext rieur de la ville illumin bruyant le vacarme des klaxons et qui est qualifi de monde des hommes
154. l produire une figure de style E TEXTE D ENTRA NEMENT Voici un texte descriptif qui montre assez bien de quelle utilit peuvent tre les deux clefs que nous venons d isoler Il s agit d une vocation de la gare Montparnasse un soir d t 1879 d crite depuis la fen tre d un appartement Deux locomotives man uvraient mugissant sifflant demandant leur route L une se promenait lentement ructant par son tuyau des gerbes de flamm ches pissant petits coups laissant tomber de son bas ventre ouvert des braises gouttes gouttes Puis une vapeur rouge l enveloppa du fa te aux roues sa bouche b ante flambait et se redressant et se recourbant une ombre noire passait devant l blouissement de la fournaise bourrant la gueule de la b te de pellet es de tourbe Elle rugissait et grondait soufflant plus fort la panse arrondie et suante et dans le grommellement de ses flancs le cliquetis de la pelle sur le fer de sa bouche sonnait plus clair L autre machine courait dans un tourbillon de fum e et de flammes appelant l aiguilleur pour qu il la dirige t sur une voie de garage signal e au loin par le feu jaune d un disque et elle ralentissait sa marche dardant des jets de vapeur blanche faisant onduler sur le zigzag d un rail qui reliait deux voies la jupe de son tender piqu e d un rubis saignant Sur le c t une luciole verte scintillait indiquant une bifurcation et des sifflets
155. l vient qu un crivain qui durant toute sa vie s est oppos son poque un si cle apr s sera consid r comme repr sentatif de cette poque Flaubert par exemple Il serait bien tonn s il pouvait lire par anticipation les futurs manuels de Litt rature ou d Histoire Ces remarques ne dispensent naturellement pas d tudier ce que dit et ce que fait consciemment l auteur en crivant son texte Elles compl tent simplement les objectifs de l explication Ainsi expliquer un texte ce n est pas seulement expliquer ce qu a voulu dire l auteur c est aussi montrer ce qu il a pu dire sans le vouloir Dans ce cas on peut faire dire n importe quoi n importe quel crivain Erreur Car le texte est l dans sa mat rialit Il faut tre tr s prudent Examiner tout le texte rien que le texte et ne rien projeter sur le texte qui soit en contradiction objective avec des l ments du texte Concr tement on peut distinguer ce qui est absolument s r de ce qui reste du domaine de l interpr tation de hypoth se Et quelles que soient nos intuitions tout contr ler par un regard rigoureux sur le texte soit l chelon de l uvre enti re en mettant en rapport de multiples passages en tudiant les coh rences internes de l uvre Pourquoi expliquer un texte 23 soit l chelon des extraits limit s qu on tudie en cours ou l examen en appuyant la moindre hypo
156. l ments auditifs sont peu de chose ce qui ne veut pas dire que leur raret m me ne soit pas significative une r plique d nu e d expression un adieu murmur un autre adieu peine audible Il fallait avoir guett le mot pour l entendre Nous en commenterons plus loin le sens pour l instant il nous suffit de constater que ce quasi silence fait ressortir consid rablement la visualit de la sc ne Le regard qui conduit le n tre est celui de l oncle narrateur du d but la fin du texte il joue le r le d une cam ra fictive qui scrute les personnages et leurs visages traquant les sentiments qu ils manifestent L image r gne et elle r gne d autant plus que les m taphores employ es pour d coder les visages sont elles m mes visuelles p leur lunaire l vres bords d un vase d opaline pupilles amarr es comme la barque l anneau de la rive Ce r gne est en outre constitu de gros plans qui nous jettent litt ralement la face des protagonistes et nous obligent adh rer ce qu ils r v lent cf le zoom sur les perles de sueur que l oncle croit voir jaillir Ce que l on voit est ainsi charg de traduire ce qui ne peut pas tre dit Les signes visuels en trahissant la retenue de l motion que nos h ros refoulent l intensifient et accentuent notre participation Et lorsque les paroles finiront par tre prononc es charg
157. la cupidit des marchands Leur culte de l or trahit leur id al de principe D autre part c est au cours d changes commerciaux o ils ont troqu des colliers de verre contre de lor que les Europ ens ont profit de l absence de sens commun des indig nes Ils les ont donc tromp sur la valeur des choses Ce sont eux les barbares et les N gres qui sont vraiment polic s Premier argument moral Il est impossible que nous supposions que ces gens l soient des hommes parce que si nous les supposions des hommes on commencerait croire que nous ne sommes pas nous m mes chr tiens Apr s tout ce qui a t dit on peut d sormais l affirmer il est impossible que les Noirs soient des hommes D autant qu une raison imparable s ajoute aux pr c dentes si les N gres taient des hommes on aboutirait une conclusion absurde et insupportable savoir que nous ne serions pas nous m mes chr tiens On peut reformuler ainsi ce pseudo syllogisme Tous les chr tiens traitent les hommes humainement Or nous autres chr tiens nous ne traitons pas les Noirs humainement Donc les Noirs ne sont pas des hommes Le discours global de l esclavagiste met ici en avant son pr jug central le refus de l humanit des N gres Tout racisme implique la n gation de l humanit de l autre de l tranger la formule de T rence Je suis homme et rien
158. la port e parce que cet extrait s ins re dans un grand po me m ditatif o Baudelaire jette son dernier cri avant d en appeler la Mort parce que nous allons sciemment m conna tre son esth tique sa po sie m me en ne les regardant que comme les instruments d une efficacit rh torique nous sommes conduits en effet r duire ici la fonction po tique la fonction impressive cf Clef n 29 sur les fonctions du langage Sachant cela nous limiterons tr s modestement cette explication au seul objectif que nous nous sommes donn comment impressionner pour convaincre Il s agira d op rer comme on le demande aux candidats dans ce type d exercice l examen un double balayage du texte d abord en proc dant l analyse d taill e de l argumentation puis au recensement des moyens d expression le travail du verbe par lesquels l auteur rend implacable son discours E L ANALYSE DE L ARGUMENTATION En six strophes Baudelaire r capitule l ensemble des critiques qu il adresse au genre humain par la voix de voyageurs partis pleins d esp rance et qui sont pr cis ment revenus de leur voyage Leur verdict est sans appel partout domine le Mal aux deux sens du mot Mal que l homme r pand par son p ch Mal dont l homme souffre cons quence du premier D o un tableau syst matique des diverses formes de ce Mal qui marquent l Humanit
159. le malheur comme cet ourlet de terre griff e et saignante Que des termes qui traduisent la souffrance dans la seconde partie de ce texte plaie d chirer tu es fusill es meurtrie cicatrices labour e m ch e griff e saignante Assur ment si l enfant fut heureux pr s de la Loire bleue la suite de la vie fut un martyre Cependant cette impression n est qu approximative puisque d j nous dit le narrateur son enfance souffrait de toutes ces blessures et qu il aimait en retrouver 82 Textes descriptifs l image dans les cicatrices de la nature Ainsi les deux l ments la Loire bleue comme la terre saignante semblent de tout temps avoir t pr sents en lui L outil de comparaison comme a beau maintenir le parall le entre la vie et la terre l assimilation est presque d j faite puisque l auteur choisit d appliquer les mots labour e et m ch e la vie et griff e et saignante la terre Dans la derni re phrase l quivalence devient totale Non seulement le narrateur projette sa personne sur cette terre mais il s en pr sente humble ment comme un simple morceau De m me qu il appartenait la Loire elle roule mon c ur de m me il appartient cette terre Cette reconnaissance de soi en l autre est si profonde que le style devient lyrique Ah je sens que je suis en particulier le tutoiement fait vraiment du pays une perso
160. le terme d actants d o l expression sch ma actanciel m me s il ne s agit pas de personnes Ainsi au cours de l pisode dit du meurtre de l Arabe dans L tranger le Soleil est un actant dont le r le est d cisif il pr cipite le meurtre 6 l action s ach ve lorsque le h ros a r ussi ou manqu sa mission et qu il retrouve un nouvel tat d quilibre heureux ou malheureux Que penser de ce sch ma Beaucoup de bien et certaines r serves Il a l avantage de mettre en relief des structures assez g n rales et de montrer comment elles fonctionnent ou dysfonctionnent dans le cas d un r cit ennuyeux clairant ainsi la dynamique d une narration Il vite aussi de tout r duire la psychologie du h ros puisque l volution de celui ci est command e par la logique fonctionnelle du r cit Il permet enfin de pr ciser ce que peut attendre un lecteur plus ou moins form au code du r cit depuis sa tendre enfance l ge o l on a commenc lui raconter des histoires cf Clef n 38 sur l horizon d attente Certes lorsqu il s agit d expliquer un texte d une vingtaine de lignes il est difficile d y retrouver tous les composants th oriques du sch ma actanciel On a vu n anmoins dans un micro r cit comme celui que constilue celte premi re page de Supervielle comment s ordonne cette alternance de faits qui surgissent et de pauses qui les orchestrent produisant ce ryth
161. les invective commente ventuellement leurs attitudes etc Quelle que soit donc la port e philosophique des paroles d In s celles ci sont d abord tudier dans leur rapport Garcin elles alimentent une sorte de dialogue implicite 176 Textes dramatiques 10 Vous resteriez l insensible plong en vous m me comme un bouddha Judicieuse comparaison ce que refuse justement In s Garcin c est la s r nit du sage Elle ne veut pas le laisser tranquille Ce ne serait plus l enfer Elle refuse explicitement la proposition faite par Garcin de se retirer chacun en son for int rieur Elle se venge d abord en faisant sentir son existence elle ensuite en d truisant par son m pris l image de Garcin aux yeux d Estelle cf les termes enfantillage rencoigner souill s bouddha 11 J aurais les yeux clos je sentirais qu elle vous d die tous les bruits de sa vie m me les froissements de sa robe et qu elle vous envoie des sourires que vous ne voyez pas Voil ce qu In s ne peut pas supporter que Garcin re oive gratuitement le cadeau d Estelle s offrant lui Elle se sent d autant plus d poss d e d Estelle qu un autre peut la poss der sans effort L se situe la jalousie dans sa plus grande douleur Or ce qui est remarquable c est qu en r alit In s imagine tout cela Elle a comme un besoin n vrotique de fantasmer
162. m lancolique et langoureux vertige Harmonie du soir Sans rire s adorant et s aimant sans d go t Le Voyage Voir aussi p 278 ce vers de V Hugo Le tr ne en chafaud et l chafaud en tr ne Blaise Pascal 213 Clef n 27 Le moi et le lyrisme En conclusion du texte violence et v rit nous avons soulign le lyrisme de Pascal Il nous a sembl que la vibration indign e la certitude exaltante qui sous tendent son discours la pr sence passionn e de sa personne y compris lorsqu il ne dit plus je m ritaient ce mot Qu est ce en effet que le lyrisme l origine dans l Antiquit la lyre tait un instrument de musique destin accompagner la po sie le plus souvent chant e les odes en particulier Et ce qu on chantait naturellement c taient les sentiments les grandes motions des hommes personnelles ou collectives Cette forme d expression demeure d ailleurs dans le domaine proprement musical o ce qu on appelle l art lyrique concerne pr cis ment l ensemble des textes des po mes ou des drames mis en musique et destin s tre chant s op ra oratorio op reite cantate lied En litt rature on qualifie de lyriques des textes qui expriment selon le Petit Robert des sentiments intimes au moyen de rythmes et d images propres communiquer au lecteur l motion du po te Si l on pr cise que ces sentiments lt intimes peuvent tre de n
163. m taphore et m tonymie Dans un ouvrage c l bre le linguiste roman Jakobson estime que ces deux processus sont des m canismes fondamentaux du langage Chaque fois qu un tre humain nomme cr e une d signation nouvelle il a recours au proc d de l analogie ou au proc d de l association La plupart des sens figur s des mots par exemple sont l origine des m taphores que veut on dire quand on estime d un tre qu il est profond ou qu il a des pens es lev es Analogies Et que dire du mot bureau qui partir d un tapis de toile grossi re la bure mise sur une table a fini par d signer cette table m me puis la pi ce o elle se trouve puis le lieu o travaillent des employ s puis leur ensemble puis une partie d entre eux lue pour les repr senter ou les membres directoriaux d un Parti Associations Selon Jakobson ces deux processus de nomination le p le m taphorique et le p le m tonymique pourraient permettre aussi de classer les crivains selon le type de figures de style les plus fr quentes qu ils utilisent Et de m me pour les genres voire les courants litt raires 1 Jakobson Essais de linguistique g n rale Minuit 1963 10 15 20 25 30 Barbara Rappelle toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour l Et tu marchais souriante panouie ravie ruisselante Sous la pluie Rappelle toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur
164. mars 1927 Minuit et demi Fixer avec pr cision la date et l heure d un fait ou d un acte c est d j lui donner la dimension d un v nement c est lui conf rer une importance capitale Le minutage accompagne et pr pare l angoisse devant ce qui est imminent Le lecteur est plong dans l attente d un moment d cisif On dit couramment d ailleurs Minuit l heure du crime L criture l imparfait et au pass simple est traditionnelle Cependant la longueur du texte est r v latrice il y a une diff rence sensible entre la dur e du r cit le temps de lire cette page et le bref moment que dure l action moins d une minute le temps d entendre des coups de klaxons de saisir le poignard et de le lever Il s ensuit une impression de ralenti qui intensifie l attente ce que confirment les notations explicites le temps n existait plus c tait toujours lui d agir Le lieu nous est signifi indirectement Le pr nom du h ros nous renvoie l Asie la mousseline une moustiquaire nous indique un pays chaud le building et les voitures signalent une ville europ anis e ces indications g n rales sur l endroit o se situe l histoire s ajoutent des notations plus pr cises concernant le lieu o se d roule l action ce lieu romanesque qui s oppose au monde des hommes c est la chambre de la future victime le rectangle de lumi re sur le tas de mousseline o dor
165. mettre en valeur l inoubliable visage de Barbara irradiant la pluie le mythe prime le message Et de fait en d pit de la d sesp rance du tableau final et par contraste avec lui de nombreux lecteurs ont retenu essentiellement de ce texte la figure mythique de Barbara au point d avoir pour certains donn ce pr nom leur propre enfant cf Clef n 39 sur les connotations Dans cette cr ation r side sans nul doute l originalit de ce texte po tique Ne n gligeons pas pour autant les autres qualit s qui contribuent l atmosph re singuli re dont ce po me impr gne le lecteur la modalit du souvenir sa nostalgie et le r le sp cifique de empathie po tique qui rend le lyrisme de l auteur d autant plus communicatif qu il est d nu de narcissisme Il ne nous reste plus qu couter ce po me chant sur la musique de J Kosma Notre motion po tique d passera assur ment de tr s loin toutes les explications que nous venons d en donner Pour une simple raison la po sie c est ce qui reste quand on a tout expliqu Clef n 38 L horizon d attente Lorsque l on gravit une dune balay e par le vent on s attend toujours plus ou moins d couvrir au sommet un certain horizon Pour les uns c est la mer qui est pressentie Pour d autres c est le d sert sans fin surtout s ils viennent de lire Le Petit Prince de Saint Exup ry En litt rature de m me chaque fois que l on s appr te
166. moyen utilis entre les d cideurs el la nature de leur d cision l ironie tragique enfin est un cas particulier que cultivent ou que cr ent les auteurs Au th tre elle se manifeste par exemple dans le rapport du h ros un Destin qui se moque cruellement de lui c est le cas d dipe qui promet son peuple de ch tier de fa on exemplaire le meurtrier de La os en ignorant que La os est son p re et qu il est lui m me le coupable Cela n est pas tr s loign de ce qu on appelle couramment l ironie du sort mais on ne doit pas oublier que dans le cas des uvres litt raires c est l auteur dramaturge ou romancier qui est ma tre du Sort qu il fait subir ses personnages et qui produit des effets d ironie tragique Pri re Dieu Ce n est plus aux hommes que je m adresse c est toi Dieu de tous les tres de tous les mondes et de tous les temps s il est permis de faibles cr atures perdues dans l immensit et imperceptibles au reste de l univers d oser te demander quelque chose toi qui as tout donn toi dont les d crets sont immuables comme ternels daigne regarder en piti les erreurs attach es notre nature que ces erreurs ne fassent point nos calamit s Tu ne nous as point donn un c ur pour nous ha r et des mains pour nous gorger fais que nous nous aidions mutuellement supporter le fardeau d une vie p nible et passag re que les peti
167. nombre de candidats risque de vous irriter 254 Textes argumentatifs Giscard le plus habile car le je qu il emploie met en relief ses fonc tions officielles et cr e une relation interindividuelle je vous Je vous parle pour la premi re fois comme candidat la pr sidence de la R publique Je me suis d j adress vous vous vous en souvenez pour vous commenter la situation conomique de la France lorsque j avais la responsabilit de l conomie et que je travaillais aux c t s du pr sident Georges Pompidou La pr sence des interlocuteurs Mitterrand ne se contente pas de rassembler le public autour de lui S il dit je une quinzaine de fois il vite d craser de sa pr sence ceux qui son discours s adresse en s effa ant devant tous ceux qu il d sire repr senter Les noms ou pronoms au pluriel renvoyant telle ou telle cat gorie de citoyens ne se comptent pas Fran ais majorit de Fran ais tous les Fran ais deux fois les anciens les jeunes les m res de famille citoyens travailleurs ceux qui six fois tous ceux qui cinq fois peuple trois fois L adjectif tous vient maintes reprises renforcer ce nombre nous avons tous compris engagements pris envers vous tous Cette foule d lecteurs r els ou potentiels l orateur semble les d multi plier a
168. nonciateur ne cesse de s affirmer m me lorsqu il ne dit plus je la conception pascalienne du monde est d j l d s les premi res lignes lorsque Pascal se manifeste comme h ros comme h raut de la v rit la force de l loquence enfin avec ses antith ses ses sym tries sa pl nitude sonore est galement omnipr sente dans le morceau Autant dire qu il serait artificiel de proc der synth tiquement par balayages successifs de chacun de ces aspects Nous choisirons donc de faire l tude au fil du texte en liant le contenu des arguments la puissance de l expression selon un plan qui est celui l m me suivi par Pascal la fixation des positions respectives l l vation du d bat le parall le violence v rit l ordre de Dieu E FIXATION DES POSITIONS RESPECTIVES Le d but du texte d crit sym triquement attitude des deux camps en pr sence C est un r sum qui renvoie les lecteurs la r alit concr te Blaise Pascal 205 historique si l on veut dans laquelle se situent les interlocuteurs D un c t ceux qui attaquent par la force et la calomnie de l autre celui qui se d fend par la v rit qu il croit poss der cette sym trie des positions correspond celle des pronoms Je vous vous me Vous croyez avoir ma s je crois avoir et celle des membres de phrases c t j suites c t Pascal les injures que vous me dites n clairci
169. nuement On note surtout l impression de lenteur infinie qui outre le sens des mots et les effets de l allit ration longs d filent lentement est 302 Textes po tiques produite par l extension de la phrase sur deux vers avec une accentuation se Et de longs corbillards sans tambours ni musique G G G D filent lentement dans mon me G Insistons bien sur le fait que ce spectacle est irr el on a vu trop de candi dats r duire ce po me au r cit d un jour mortel vers 1 2 et s achevant par le tableau objectif d un enterrement en bonne et due forme Tout ici reste int rieur spirituel Sur ce fond de d solation fun bre Baudelaire d crit toujours en lui m me la chute de l Espoir et l irr sistible ascension de P Angoisse PEspoir Vaincu pleure L essentiel n est plus ici l id e on l a comprise mais la valeur expressive de cette chute Marqu par Pacc nt en fin de vers te mot Espoir se dit lentement avec une intonation l g rement ascendante qui exprime une attente mais c est l adjectif Vaincu jet en d but de vers suivant isol par les virgules qui vient briser l lan de la voix le verbe pleure accentu lui aussi ach ve cette chute o s choue toute chose pourquoi le commentateur n aurait il pas droit aux allit rations lui aussi Nous avons ainsi une parfaite cadence d croissante en trois temps plus ou moins longs PEspoir
170. otyp l poque romantique Le but de l explication sera donc de montrer comment l auteur parvient tre original dans cet exercice En nous souvenant des le ons de l tude pr c dente nous pouvons faire plusieurs remarques pr liminaires s il y a n cessairement dans cette description des indications r alistes traits classiques d un ch teau effets d atmosph re nocturne on ne peut pas vraiment parler d un texte r aliste Ce tableau vise impressionner plut t qu informer Pour bien en sentir la mise en sc ne nous pouvons m me faire comme si tout tait invent par l auteur la visite du vieux monu ment l heure choisie pour l voquer le reportage pr texte la lettre est fictivement adress e Louis B d s le premier paragraphe l effet de personnification saute aux yeux le ch teau en ruines est compar une grande t te de mort et cela m ritera toute notre attention jusqu la fin du texte puisque l auteur assimile alors explicitement les fa ades des visages cela nous conduira d velop per le th me de l anthropomorphisme clef essentielle de l imaginaire po tique cf Clef n 3 par rapport au texte de Troyat pr c demment tudi on note une diff rence de taille c est la pr sence du narrateur qui se manifeste la fois comme acteur et t moin dans l vocation du ch teau qu il d crit Hugo ne se contente p
171. ou d att nuation m taphore hyperbole m tonymie litote euph misme mais les unes et les autres sont li es dans le tissu du texte La versification Les aspects propres aux po mes versification effets sonores allit ration accents toniques assonances rimes ph nom nes d enjambement et de rejet doivent tre reconnus et ma tris s dans l tude de la po sie ce sujet deux cueils sont viter e Faire des remarques formelles inutiles dire qu un sonnet a quatorze vers ou qu un alexandrin a douze syllabes n explique rien puisque c est la norme Inversement expliquer un texte po tique sans tenir compte de son expressivit rythmique et musicale comme s il ne s agissait que d un texte en prose conduit en manquer la vraie dimension Dans tout ce travail de recensement il faut s attacher aux effets volontaires manifestes ceux qui traduisent un effort d expression notable de la part de l auteur Comment les isoler les uns des autres C est justement en op rant un va et vient continuel entre les deux approches du texte qu on y parviendra M JE RELIE le va et vient entre l impression et l expression Il s agit maintenant de mettre en relation les deux relev s D un c t nous avons observ des pressions ressenties au dedans de nous m mes ce sont les im pressions De l autre nous avons rep r les pressions que la forme du texte essaie d op rer l ext rieu
172. ou en train de sortir illustrant l ternelle agonie des hommes toujours et partout e Vers 15 Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre Vue sur cimeti re Les tombes sont entrouvertes les linceuls s tendent partout La Mort a pour alli s les l ments naturels le vent agite les draps fait du bruit s me le froid La di r se sur le verbe central bru i ssait ajoute son d sagr ment cette agitation L alternance du singulier et du pluriel un sanglot des mains un vent les linceuls confirme la vari t des aper us sur les d g ts de la Mort e Vers 16 17 Les peuples perdus semblaient sous la faux sombre Un troupeau frissonnant qui dans l ombre s enfuit l oppos d un bon Pasteur ce sera lange souriant la Mort disperse et fait fuir le troupeau Cette vision de la grande peur des hommes qui s tend sur deux vers est un tableau de la fin des temps o l on rel ve de multiples effets le champ lexical de l affolement perdus frissonnant s enfuit ce dernier verbe rejet en fin de phrase donne l impression que la fuite se prolonge jamais dans l ombre la multiplication des figurants apr s les m res puis les linceuls sans nombre voici les peuples entiers qui succombent sous la faux la vision cosmique de m me que les pleurs vus de loin ne formaient qu un sanglot de m me les peuples se fondent en un seul et vaste troupeau
173. par le passage du pass compos au pr sent cette mutation vient de se produire Elle a en m me temps un caract re hyperbolique absolu sur lequel nous reviendrons propos de l emploi des m taphores Cette mutation est une renaissance C est dit explicitement mon c ur d funt rena t mais aussi indirectement ainsi dans la seconde strophe Pamour n est pas donn comme un tat qui embellirait le monde mais qui avant tout lui redonne sa couleur originelle L homme ne voyait plus les choses comme elles sont la pr sence de la femme lui restitue une vision r aliste sur le monde des hommes Elle est la fois m diatrice et maternelle non pas maternelle par sa nature ou par son attitude physique mais par l effet de sa pr sence Elle relie au monde en faisant retrouver celui qu elle aime les sensations l mentaires tactiles visuelles olfactives elle recr e le monde ses yeux avec ses couleurs d antan elle devient le monde la fin du po me lorsqu elle prend le trait m taphorique d un tendre jardin lui m me symbolisant lunivers retrouv En un mot elle le re met au monde Et ce monde est avant tout le monde de la nature dont le champ lexical abonde dans tout le texte couleurs des jours immense t collier Rair ros e nuit champ de bl jardin herbe douce verveine qui pousse parfum ombre Mais dans toute cette vocation du monde retrouv le trait le plus frappa
174. passer que des rayons d ombre Atmosph re fun bre s il en est Du point de vue rythmique ce vers se prononce comme un trim tre en trois segments de quatre syllabes chacun Cela brise la r gularit du rythme pr c dent sans doute pour mimer en d sarticulant le vers la mobilit disgracieuse du squelette Noir squelette laissant passer le cr puscule Victor Hugo 277 Dans l ambiance cr pusculaire o s agite la Faucheuse les lueurs de la faux forment un nouveau contraste le clair de la lame reluit sur obscur du champ Dans l ombre o l on dirait que tout tremble et recule L homme suivait des yeux les lueurs de la faux La mise en sc ne se pr cise au personnage du po te qui voit tout et qui nous invite le rejoindre en disant on l on dirait au personnage de la faucheuse qui tue tout s ajoute alors une troisi me personne qui symbolise l ensemble des victimes l homme Il repr sente l humanit qui voit planer au dessus d elle l ombre ou la lueur de la faux qui passe et repasse noter que Victor Hugo retrouve ici le sens tymologique du pronom ind fini on pour d signer l individu en g n ral l ancien fran ais disait l homme du latin homo orthographi l hom et dont la pronon ciation en se nasalisant est devenue l on puis on L homme c est bien l on c est dire nous tous Dans leur encha nement
175. peut para tre trange de voir cet homme s adresser Dieu et se mettre le prier en quelque sorte devant tout le monde puisque son texte est publi Sa pri re est elle authentique Quelle image se fait il donc de Dieu Fallait il adopter ce ton et cette forme pour exhorter les hommes la tol rance O est donc l originalit de cet appel Pour saisir la complexit de ce texte et cerner peu peu sa sp cificit nous proposons de l tudier en suivant les trois axes de lecture que voici 1 Une pri re formelle 2 La conception de Dieu et de la nature humaine 3 Un discours aux hommes M UNE PRI RE FORMELLE Ce texte surprenant a en effet toute les apparences d une pri re La th matique Que demande l homme Dieu La tol rance l entraide la fraternit et le sens de l action de gr ces L objet de cette demande est donc parfaitement d sint ress Celui qui parle ici Voltaire ne prie en rien pour lui m me il ne demande que des biens spirituels Il interc de aupr s du grand tre comme un pr tre Le contenu de cette oraison est donc inattaquable notamment d un point de vue religieux e Le mouvement Cette invocation pouse les trois phases de toute pri re 228 Textes argumentatifs L exorde En quelques lignes l auteur se d tourne de l horizon terrestre l ve le d bat c l bre la grandeur de Dieu Il cr e le climat propice la m ditation la
176. po tiques de sa propre fille il e t crit pour la faire mourir pourquoi l avoir fait na tre La phrase qui suit six vers peint le tableau universel de la d solation humaine L vocation prend une dimension cosmique une allure de fin des temps c est le monde lui m me qui semble frapp et non pas seulement les vivants Pour nous donner cette impression la fois chaotique et universelle le po te multiplie les points de vue Au vers 11 nous tions distance pour contempler les femmes puis une vision fugace nous a montr en gros plan ce petit tre que chacune r clame Au vers 13 pour saisir la globalit du sanglot unique qui roule sur terre il nous a fallu prendre un recul extraordinaire en termes cin matographiques cela quivaut un rapide zoom arri re qui seul permet la cam ra d embrasser la plan te Au vers 14 gros plan soudain sur les mains aux doigts osseux le cin aste Hugo nous ram ne proximit des noirs grabats Au vers 15 nous reprenons de la hauteur pour dominer du regard les linceuls sans nombre puis aux vers 16 17 nouveau bond en arri re pour assister la fuite des peuples perdus qui sillonnent en tous sens le globe nous sommes dans l espace si bien qu au vers 18 pour contempler la Faucheuse immense dominant de ses pieds l univers il nous faut pour ainsi dire acc der au point de vue m me de Dieu sur le
177. pr sence leur est impos e ils demeurent humains mais sa position d occupant dans le cadre d une arm e ennemie anim e par une id ologie d testable les oblige un devoir de r serve absolu Quelle que soit l estime qu ils prouvent pour l humanit de cet homme ils doivent marquer ainsi leur r probation envers le syst me dont cet homme cet officier est l instrument L amour de la jeune fille est donc impossible et d abord indicible l image de la France elle ne saurait ouvrir les bras aux s ductions d une Allemagne qui s est impos e par la violence quand bien m me cette derni re contre toute vidence e t d sir de bonne foi unir les deux pays pour leur bien commun Tel est le message de r sistance du Silence de la mer Or au cours d un voyage Paris Werner von Ebrennac vient de perdre brutalement ses r ves de fusion culturelle et spirituelle entre les deux nations en Voyant ses camarades allemands se comporter comme des conqu rants avides primaires mat rialistes Il tombe de haut Il vient 114 Textes romanesques s expliquer devant ses h tes il leur avoue sa grande d sillusion et annonce son d part pour le front de l Est c est dire pour l enfer dont peu de combattants reviennent Sa douleur est immense sa r solution suicidaire il renonce la France son Id al la jeune fille Et bien entendu l oncle et sa ni ce sont infiniment sensibles cette dou
178. pr sente tout de m me une exception les enfants ne sont pas transform s en cadavres mais en oiseaux Il y a encore mutation mais non plus opposition Cette d licatesse du po te n est pas trang re la pudeur de l homme propos du d c s de sa fille Hugo emploiera le verbe s envoler Par ailleurs l enfant est si proche encore du ciel dont il semble provenir qu il n a pas besoin semble t il de p rir charnellement pour rejoindre l au del Cette exception annonce sans doute la fin du po me son atmosph re consolatrice et immat rielle La pudeur dans l expression de la r alit tragique n att nue pas pour autant le d sespoir des m res La coupe du vers 10 est tudi e pour mettre en relief leur douleur intarissable en neuf syllabes et les yeux des m res en ruisseaux on peut bien dire tudi e car l auteur a mis ce segment en parall le avec le pr c dent les enfants en oiseaux au vers 9 Le lecteur s arr te sur cette image la fois hyperbolique elle reprend l expression us e torrent de larmes et justifi e par la dimension intemporelle que Victor Hugo donne son tableau c est l ensemble des m res frapp es au c ur qui pleurent de tout temps la perte de leurs enfants 3 La d solation des mortels Aux pleurs des m res r pondent les cris des femmes Rends nous ce petit tre Le Et au d but du vers 11 a la m me valeur emphat
179. pratique que s acquiert l intelligence de l explication qui ouvre la lumi re des textes eux m mes Et cela ne s improvise pas L tudiant de bonne volont est souvent ballott entre deux cueils tre appel exprimer sinc rement ce qu il doit ressentir devant des pages qui ne lui parlent pas ou se voir cras d outils d analyse dont on lui impose l usage sans lui en expliquer l esprit Pour fuir ces cueils cet ouvrage propose un va et vient continu entre l art de sentir et l art de comprendre tous deux indispensables lamour de la litt rature en g n ral et en particulier la r ussite des preuves de fran ais aux examens et concours La conception et le mode d emploi de ce livre en d coulent Pour couvrir la vari t des extraits auxquels les candidats peuvent tre confront s nous avons regroup nos tudes en cinq domaines Textes descriptifs Textes romanesques Textes dramatiques Textes dits argumentatifs Textes po tiques De chaque explication tant t lin aire tant t de forme synth tique nous d gageons des outils d analyse susceptibles d tre r employ s par le lecteur sur d autres textes qui a priori ne lui disaient rien Ce sont des Clefs Elles sont bien s r faites pour entrer pour saisir le c ur et l originalit des passages tudi s non pour enfermer l interpr tation dans des grilles pr tablies 4 Avant
180. profit des in galit s Comment celui l pourrait il accomplir les r formes qu il a refus d accomplir depuis pr s de dix ans Ce dont j ai le plus souffert c est de constater que la majorit des Fran ais comptait bien peu pour le gouvernement et quels Fran ais ceux qui produisent ceux qui travaillent ceux qui supportent la rigueur d une vie difficile lu Pr sident de la R publique je respecterai et ferai respecter les engagements pris envers vous tous dont je viens de parler Ce faisant jai conscience de servir l int r t sup rieur du pays Un Pr sident de la R publique il est le Pr sident des Fran ais le Pr sident de tous les Fran ais Il y a la France et sa place dans le monde il y a notre peuple et l unit de la nation J appelle tous ceux qui ont fait ce choix tous ceux qui veulent nous rejoindre le comprendre J appelle celles et ceux qui se sentent et qui se savent nos c t s mais aussi tous ceux qui n y sont pas encore mais dont le c ur a d j parl Fran ois MITTERRAND Allocution t l vis e 30 avril 1974 Fran ois Mitterrand 249 M SP CIFICIT DU TEXTE Voil un texte bien m diocre il faut l avouer du point de vue litt raire L auteur a fait mieux dans ses livres ou m me dans d autres discours Mais c est aussi que la situation l impose Il ne s agit pas lorsque l on se pr sente Ja t l vision comme candidat la pr sidence de la R publique d
181. qu une simple description statique cas d un portrait du h ros pr c dant ses aventures Le personnage du d but la fin de la sc ne volue progresse ce n est pas un h ros tout fait c est un h ros en train de se faire Enfin condition de ne pas la limiter elle m me cette page vaut par son caract re symbolique qui s amplifiera dans les lignes suivantes La suite d crira en effet l acte de mort auquel se livre Tchen comme une sorte de bapt me du meurtre Ce bapt me commence d j ici nous l avons vu l assassinat se pr sentant comme un sacrifice rituel mais il serait dommage que le commentateur ne tienne pas compte pour tayer l interpr tation de ce qu il sait de la suite du roman Clef n 14 L identification romanesque La Clef n 7 a fait le point sur le ph nom ne g n ral de l identification Il s agit maintenant de pr ciser la nature propre de l identification romanesque Dans le texte que l on vient d analyser on a pu constater que le lecteur s identifie Tchen qui est le Andr Malraux 123 tueur alors qu il serait tout de m me plus humain de s int resser la victime Comme c est trange Nous osons prouver l angoisse de l assassin nous sommes pris de compassion pour lui Les techniques romanesques sont elles vraiment immorales 2 Deux voies compl mentaires nous conduisent cette identification L identification li e au contenu du persannage n personnage d
182. qu un acte On peut se le demander dans la mesure o un m me fait peul passer pour une action banale sans plus ou devenir un v nement selon l importance que le r cit lui donne Ainsi lorsqu un mousquetaire limine plusieurs spadassins qui l assaillent au fil d une course chevel e on ne voit que l aventure dans son ensemble et aucun des cadavres que s me le h ros sur sa route ne nous semble r sulter d un meurtre capital ayant en lui m me la port e d un acte romanesque Contrairement l assassinat auquel doit se livrer Tchen De m me les mille aventures d un s ducteur de grand chemin qui suborne de jeunes villageoises ont chacune moins d importance prises isol ment que le geste de Andr Malraux 125 Julien Sorel d cidant de saisir sous la table la main de Mme de R nal acte d terminant aux cons quences capitales le Rouge et le Noir Livre 1 chap 9 La dimension etla port e d un acte vont ainsi d pendre de son contexte de sa place dans le sc nario de l atmosph re dans lequel il baigne de son caract re plus ou moins d cisif dans l volution psychologique du h ros etc On peut ce propos transposer la notion d acte romanesque la distinction que l on op re g n ralement concernant les mots entre d notalion et connotations cf Clef n 39 En dehors de son utilit dans le r cit et du r alisme de son vocation niveau de la d notation un acte se charge souvent d un halo de significations
183. ques comme le r cit par le Cid de sa victoire sur les Mores ou par Th ram ne dans Ph dre de la mort d Hippolyte ou par Flambeau comme on vient de le voir de l ternelle marche des grognards de l Empire Bien entendu le th tre mobilise le plus fr quemment les registres comiques ou path tiques puisqu il vit par essence de l motion qu il produit Dans ce cadre les morceaux de bravoure sont souvent marqu s par leur lyrisme l expression des sentiments des personnages pouvant donner lieu aussi bien au rire Harpagon d plorant le vol de sa ch re cassette qu la compassion les stances du Cid Sa rh torique Ce recours aux divers registres ne doil pas faire oublier que les tirades ou monologues sont toujours plus ou moins d clam s aussi naturelle que tente d tre cette d clamation Leur caract re oratoire explique la fr quence d un certain nombre de proc d s rh toriques parmi lesquels les figures de style que l on dit d insistance ou d amplification comme l anaphore avec ses gradations ou l hyperbole S y ajoutent les exclamations les imp ratifs les antith ses plus ou moins flamboyantes les questions oratoires et l ironie l ironie souvent tragique cf Clef n 28 prenant parfois aussi la forme de l antiphrase cf Ruy Blas Bon app tit Messieurs ministres int gres Une mention part doit tre faite l apostrophe cf Clef n 25 c est par elle que souvent le protagoniste atta
184. qui arrive Jacques Vingtras au cours de ce voyage est trop providentiel pour que l auteur du texte ne lait pas sciemment concert M SUITE ET COMPL MENTS Le contexte de cet extrait dans Le Bachelier en confirme la port e Le h ros du r cit rappel en province par sa m re d s la sortie de Paris se sent remonter vers son enfance au fur et mesure que le train s enfonce dans la campagne la suite de ce passage voyant des villageois dans leur champ Jacques Vingtras a l impression de reconna tre des fr res p tris de la m me Jules Vall s 83 argile que lui il les compare avec nostalgie sa propre image dans la vitre du train p le comme celle d un mort Retourner la terre c est retourner l enfance c est retourner la vraie vie Clef n 7 L identification sens g n ral Nous parlerons plus loin Clef n 14 de l identification dite romanesque celle des lecteurs leurs h ros Nous traitons ici du processus g n ral de l identification dont le texte de Jules Vall s vient de donner une illustration exemplaire Si l on prend l expression dans sa pleine acception l identification consiste projeter son identit sur une r alit autre que soi m me au point que les deux se confondent Cette projection suppose d abord qu on se reconnaisse au moins partiellement dans la r alit ou la personne en question Mais une fois l identification op r e ce qui arrive l autre m
185. qui consiste voquer les sentiments d un c ur bless il prom ne sa plaie D embl e on sait ou on sent donc que l art de Verlaine sera d associer ce paysage et cet tat d me pour en faire un tissu de mots de suggestions d images et de sonorit s susceptibles de nous entra ner dans sa propre r verie Paul Verlaine 317 Pour varier la m thode nous avons tudi les po sies pr c dentes au fil des vers nous proposons de proc der un commentaire synth tique en trois points 1 Le paysage ext rieur et son volution 2 Les sentiments du po te 3 La fusion entre le paysage et l tat d me Bien entendu chacune de ces explorations tiendra compte de la connaissance que nous avons de l ensemble des aspects du texte M LE PAYSAGE Ce paysage nous est pr sent dans une sorte d immobilit la fois spatiale la surface des eaux et temporelle l imparfait temps de la dur e darda it ber ait luisaient Le couchant dardait ses rayons supr mes Et le vent ber ait les n nuphars bl mes Les grands n nuphars entre les roseaux Tristement luisaient sur les calmes eaux Visuellement nous avons deux plans successifs l vocation de l horizon o le soleil couchant darde ses ultimes rayons mais l expression globale le couchant laisse entendre que le soleil se m le indistinctement aux brumes de l horizon et de l tang puis un plan plus r
186. qui me donnent quelque chose Le mendiant r it re ici le march que nous venons de mettre en relief Or sa formule maladroite ou trop adroite est r v latrice il prie pour ceux qui lui donnent quelque chose et pour ceux l exclusivement Ce serait d j diff rent s il nuan ait sa formulation par une prudente virgule comme suit des gens de bien qui me donnent En r alit notre ermite ne prie pas pour ceux qui ne donnent pas Nous sommes bien en plein marchandage Et c est parce que le Pauvre vend sa pri re que Don Juan voudra acheter son blasph me Dans les r pliques qui suivent je suis dans la plus grande n cessit du monde je nai pas un morceau de pain mettre sous les dents cet 158 Textes dramatiques homme qui est pauvre en paroles comme en argent abandonne son boniment tout pr t Il dit simplement ce qu il est un mendiant qui a faim il ne faut pas oublier qu on peut r ellement mourir de faim l poque Il gagne alors en authenticit Il devient un personnage qui attire la sympathie du public l inverse de Don Juan qui abuse de son ironie condescendante Vient la tentation proprement dite Ne croyons pas que le Pauvre repousse l or promptement avec d dain comme un saint qui depuis longtemps a pris le parti de Dieu Il importe au contraire de noter que le Pauvre est terriblement tent Il a faim il a envie de ce louis d or une somme consid r
187. qui ne se surmonte par le m pris Vigny crit d ailleurs dans La Mort du Loup Seul le silence est grand Alfred de Vigny 289 Ce rejet de la nature r appara tra explicitement dans la derni re strophe propos de cette terre ingrate qui voit passer dans l indiff rence les vivants et les morts Mais on peut dire qu il demeure pr sent comme toile de fond dans les vers qui suivent c est sur cette toile de fond que se d roulent les tableaux humains c est contre elle que se pose la fragile intimit du couple dont le regard tente d chapper au Temps E L INVITATION AU VOYAGE CONTEMPLATIF Mais toi ne veux tu pas Total changement de ton Le vous de distance c de la place au toi si proche l interrogation n gative ne veux tu pas par son d tour discret moins directe que veux tu rend l invitation d autant plus tendre qu elle est retenue L intonation intime chasse de notre pens e la r alit brutale sonore de la Nature dominatrice va voyageuse indolente appara t en gros plan On ne doute pas de son acquiescement comme le pr figure le vers en m lant les mots concernant l un et l autre des partenaires du couple r ver ton front poser mon paule C est un appel au voyage voyageuse viens maison roulante pass s passeront mais c est en m me temps une invitation au repos m ditatif ne veux tu pas r ver viens voir L
188. qui vivait selon une r gle vieille de cent mille ans Henri TROYAT La Neige en deuil 1952 ditions FLAMMARION M LE SUJET Voici un texte qui appara t comme purement descriptif Le sujet est tr s simple l vocation d un avion qui s est cras au sommet d une montagne Un auteur press pourrait faire l conomie de cette description qui risque d tre banale et narrer tout de suite les actions des personnages Mais deux raisons s y opposent d une part l avion est l objet recherch par les h ros il a donc une importance qui exige un traitement privil gi d autre part pour entrer dans l atmosph re du r cit et croire sa r alit le lecteur a besoin d une description en bonne et due forme cf Clef n 1 sur le r alisme 1 Nous titrons nos extraits pour la commodit des r f rences en mettant ce titre entre crochets sauf quand il a t donn par l auteur lui m me au texte que nous expliquons 50 Textes descriptifs E PREMI RE APPROCHE IMPRESSIONS DOMINANTES Ce qu prouve d abord le lecteur qui se laisse conduire par cette description est bien s r l impression de r alit C est ce qu il attend et s il s interroge h tivement en cours de lecture il aura le sentiment de bien voir la sc ne et pourra m me dire On a l impression d y tre La premi re recherche de notre explication portera donc sur les effets de r alisme dans ce te
189. quoi qui m levait l me et je me disais en soupirant Que ne suis je n Romain Je restai l plusieurs heures dans une contemplation ravissante Jean Jacques ROUSSEAU Les Confessions Livre VI 1781 1788 Je ne tenterai pas de faire des phrases sur un monument sublime dont il faut voir une estampe non pour en sentir la beaut mais pour en comprendre la forme d ailleurs fort simple et exactement calcul e pour l utilit Par bonheur pour le plaisir du voyageur n pour les arts de quelque c t que sa vue s tende elle ne rencontre aucune trace d habitation aucune apparence de culture le thym la lavande sauvage le gen vrier seules productions de ce d sert y exhalent leurs parfums solitaires sous un ciel d une s r nit blouissante L me est laiss e tout enti re elle m me et l attention est ramen e forc ment cet ouvrage du peuple roi qu on a sous les yeux Ce monument doit agir ce me semble comme une musique sublime c est un v nement pour quelques c urs d lite les autres r vent avec admiration l argent qu il a d co ter Comme la plupart des grands monuments des Romains le pont du Gard est construit en pierres de taille pos es sec sans mortier ni ciment STENDHAL M moires d un touriste 1838 1 I s agit d une personne non d un d pliant touristique Jean Jacques Rousseau et Stendhal 87 SUJET ET M THODE D APPROCHE Chacun de ces texte
190. r alisme outrancier Fr quemment on lrouve un m lange des deux Car un personnage de roman demeure un personnage romanesque il peut lre id alis dans le pire comme dans le bien Il n est souvent qu un sch ma une sorte de mod le stylis de personnes r elles comme c est aussi le cas au th tre Le P re Goriot ancien n gociant pre au gain devient la fin de sa vie un martyr de la paternit Aussi r aliste qu il paraisse un porirait se mue assez vite en figure symbolique e Les proc d s qui reviennent le plus souvent la relation entre le physique et le moral est une constante du portrait Rien n est jamais purement physique l allure tel ou tel trait de la physionomie annoncent toujours quelque chose de moral f tce le contraire de ce quoi l on s attendait L alternance du g n ral et du particulier est aussi un proc d in vitable Le portrait ne peut pas tout dire l appui de v rit s g n rales les iraits choisis par l auteur se veulent r v lateurs cf la connaissance des serrures chez Vautrin D s lors le moindre d tail d passe souvent sa fonction d effet de r el il est un signe donl la suile de l histoire donnera le sens profond la port e g n rale Le proc d du contraste sert la plupart du temps signaler la complexil du r el les ambivalences de la nature humaine Il fournit au personnage cet lan dynamique qu est la contradiction interne tou
191. r glement du monde d o ses pens es de suicide Les toiles qui s teignent pour laisser place au soleil noir nous renvoient intertextualit oblige aux vers fameux du po me El Desdichado Ma seule toile est morte et mon luth constell Porte le soleil noir de la m lancolie Il y a une profonde corr lation une projection vidente entre l univers int rieur du po te et lunivers ext rieur qu il croit voir Ce d sordre qu il contemple fait cho son d sordre interne Le caract re fantastique du tableau est la traduction po tique de son tat d me d sol et l art du narrateur consiste nous transmettre son vertige par la pr cision visuelle de ses vocations les lunes qui passent avec rapidit l image de la terre errant comme un vaisseau d m t D o l impression de lucidit supra r elle de 146 Textes romanesques surr alit osera t on dire que ce d lire nous donne ce qui n emp che pas la tonalit du texte de friser l ironie tragique quand le h ros se met plaindre les paysans qui ignorent encore que la nuit va devenir ternelle E CONCLUSION Ce texte narratif la fois romanesque et fantastique n est donc pas r ductible ces cat gories puisqu il nous conduit bien au del dans l univers mystique propre de Nerval Nous l avons choisi justement pour montrer que chaque texte a sa sp cificit et qu il faut se garder
192. rappeler son public que tout ceci n est qu une com die un grand jeu et qu il ne faut pas s offusquer de ce genre de plaisanterie Il n emp che en d pit des interventions de Sganarelle qui font effet de pauses provisoires Moli re s ing nie faire durer le plaisir la torture par la mise en sc ne qu impliquent les paroles de Don Juan Dans l examen d un dialogue dramatique en effet l explication de texte doit souvent devenir une explication de gestes Ici l attention du spectateur est focalis e sur le louis d or que tend Don Juan sur le va et vient de sa main qui ne cesse d offrir et retenir le louis sous les yeux du Pauvre bloui qui sym triquement avance la main sans oser jurer pour prendre la pi ce Voici un d coupage possible du jeu de sc ne qui ressort de ce texte Don Juan offre la pi ce Don Juan retire la pi ce Je m en vais te donner un louis d or tout l heurel pourvu que tu veuilles jurer e En voici un que je te donne si tu jures e Tiens il faut jurer e Prends le voil prends te dis je mais jure donc 1 l poque tout l heure signifiait tout de suite 154 Textes dramatiques Le d nouement Le refus final du Pauvre soulage le public dont l angoisse se mue en admiration On verra ce que signifie par ailleurs le don de la pi ce aux yeux de Don Juan pour l instant il nous suf
193. sans laquelle il ne pourrait pas signifier ce qu il signifie Faut il traiter s par ment ces deux centres d int r t la nature de l argu mentation et le fonctionnement de l ironie Non ce serait m conna tre le lien troit qui se tisse entre l nonc et nonciation Nous tudierons donc le texte dans sa progression argument par argument mais en pr sentant notre double commentaire sur deux colonnes qui se font face d un c t l analyse de l argument son r alisme apparent la position masqu e de Montesquieu de l autre l analyse de sa formulation son ironie auto destructrice Ainsi les deux centres d int r t appara tront aussi clairement que leur fusion E TUDE SIMULTAN E DES DEUX ASPECTS INDISSOCIABLES ANALYSE FONCTIONNEMENT DE L ARGUMENTATION DE L IRONIE Pr ambule Si j avais soutenir le droit que nous avons eu de rendre les n gres esclaves voici ce que je dirais Annonce d un plaidoyer On y parle d un droit qui m rite d tre soutenu Le je de l auteur vient renforcer le nous des citoyens fran ais voire europ ens Cela semble tr s s rieux En r alit ce pr ambule n introduit qu un plaidoyer hypoth tique l auteur n annonce pas qu il va vraiment soutenir cette cause mais seulement noncer ce qu il dirait s il avait le faire Une telle circonspection tonne cette cause ne se soutient donc pas d elle m me
194. se demande le lecteur Le plaidoyer Une premi re remarque s impose ce plaidoyer m le cette fois de fa on frappante les deux moi que nous avions dissoci s l auteur du livre et l homme dont la vie y est retrac e Jean Jacques vient le livre la main redire hautement ce que Rousseau a crit dans son cabinet de travail La nature de l un et la sinc rit de l autre fusionnent tout en alternant de sorte qu on peut encore distinguer dans ce plaidoyer les indices de chacun comme suit 244 Textes argumentatifs C t Jean Jacques C t Rousseau l homme l crivain j ai fait j ai pens J ai dit je fus Je n ai rien tu tel que je fus employer quelque ornement quand je lai t j ai pu supposer mon int rieur ce que je savais autour de moi j ai d voil cet homme l la m me sinc rit Cette r p tition d un je qui est tant t celui qui a v cu dans le pass tant t celui qui vient d crire dans le pr sent donne le sentiment d un moi vraiment unique dans ses divers aspects et intemporel dans sa permanence Je me suis montr tel que je fus Reste examiner en d tail la liste des objectifs poursuivis dans le livre Voil ce que j ai fait ce que j ai pens ce que je fus Jean Jacques dit Voil son livre la main Le livre se pr sente comme transparent sa vie c est dire parfaitement lucide et parfaitement sinc re
195. se reporter aux compl ments que nous apportons en conclu sion Toutefois nous nous proposons ici de jouer le jeu c est dire d tudier cet extrait tel qu il a pu tre propos l examen en laissant de c t autant que possible notre connaissance du livre dans son ensemble La m thode qui consiste bien ressentir les effets de cette sc ne est utile condition de toujours rapporter ces effets aux moyens d expression qui les produisent Et donc de ne pas remplacer l tude du texte par le commentaire de l motion en soi bien ressentir en lisant ce passage c est observer en nous m mes les images pr cises que les phrases inscrivent dans notre esprit notamment en raison de leur pr cision visuelle L autre voie d explication dont nous disposons c est d utiliser les clefs que nous avons mises en vidence dans les tudes qui pr c dent la distinction narrateur auteur le type de focalisation choisi les variations du point de vue la nature des perceptions et les m taphores significatives Bien entendu ces remarques devront concourir la mise en valeur de l originalit dont nous parlions ci dessus en montrant non pas seulement comment la sc ne traduit l motion des personnages mais comment elle la rend sensible aux lecteurs M LE R LE DU NARRATEUR Celui qui raconte ici c est l oncle de la jeune fille Il est suppos avoir t t moin de la sc ne C
196. son tour son c ur aux pieds de ton tr ne avec la m me sinc rit et puis qu un seul te dise s il Pose je fus meilleur que cet homme l Jean Jacques ROUSSEAU Les Confessions D but du Livre I 1781 1788 E SITUATION ET NATURE DU TEXTE Ces trois paragraphes constituent le d but des Confessions de Jean Jacques Rousseau ils pr c dent imm diatement dans le Livre I le r cit de sa naissance Ce pr ambule pr sente comme on s y attend le projet et les intentions de l auteur Mais sur un ton passionn dont la vivacit tonne C est qu il s agit d un plaidoyer Plaidoyer pour convaincre le lecteur du bien fond de son entreprise crire des confessions plaidoyer pour justifier la personne qui en est la fois l auteur et l objet ce moi 1 Int rieurement et sous la peau Citation du po te latin Perse 2 Certaines ditions mettent ici des virgules je viendrai ce livre la main me pr senter Nous pr f rons conserver la graphie originelle de l auteur ces virgules font du texte un objet s par de sa personne or le livre lui est consubstantiel Jean Jacques Rousseau 239 probl matique qu il entend nous r v ler Bref un texte vraiment argumentatif On sait que Rousseau souffrait de l image de m chant homme que ses ennemis dont Voltaire avaient r pandue lui reprochant notamment d avoir abandonn ses enfants l hospice public D
197. souci de l tat on retrouve chez le candidat Mitterrand un certain nombre de grands mots du vocabulaire r publicain Vote urne suffrages lu au nom de int r t sup rieur pays nation peuple post rit poque histoire si cles c ur raison conscience honneur conviction engagement responsabilit respecter L emploi de ces 252 Textes argumentatifs termes au fil du discours p n tre l auditeur sans qu il s en rende trop compte et le persuade de la vertu r publicaine et de la foi d mocratique du locuteur cela s ajoutent le globalisme de l expression monde entier la plupart des grands probl mes un ensemble de forces bien au del de le candidat brasse de vastes r alit s le go t du superlatif les plus anciens les plus jeunes ma plus profonde conviction ce dont j ai le plus souffert le candidat n a t il pas de souffrances plus graves l expression du d finitif et les futurs d insistance il ne faut plus que d sormais sans renoncer jamais il sera et restera vous devrez et vous pourrez je respecterai et ferai respecter l expression fr quente de la totalit tout peut tre d cid il tait tout tout faire tout pr voir tout apaiser tout le monde de toute ma raison de tout mon c ur nous tous vous tous tous l
198. symboliser la valeur r publicaine n 1 La d nolation d un mot pr domine dans tous les textes renvoyant la r alit l usage concret du terme chaque fois qu il s agit de la fonction r f rentielle de la langue cf Clef n 291 Les connotations d un mot m me si elle sont secondes n en sont pas pour autant secondaires elles deviennent d terminantes chaque fois que l on veut faire ressentir une image ou une coloration particuli re li e ce terme ind pendamment de son sens propre sa d notation Il peut s agir de connotations individuelles subjectives qui viennent de l exp rience que nous avons des r alit s que couvrent ces mois chacun a son 344 Textes po tiques image positive ou n gative du mot pierre du mot femme du mot prof du mot argent ou des divers pr noms qui existent Mais les connotations des mots sont aussi tr s souvent collectives li es tel ou tel groupe social ou culturelles elles se trouvent cod es le dictionnaire les souligne en recensant les usages multiples des mots Si je veux parler d un v hicule quatre roues qui me sert d automobile par exemple j ai le choix entre divers mots qui ont tous la m me d notation mais des connotations bien diff rentes famili res argoliques relev es bagnole lire caisse voiture berline etc Souvent le sens figur d un mot n a t que l une de ses premi res connotations consacr e par les crivains
199. tard permet d y lire d y projeter d y comprendre ind pendamment bien s r de ce qu a voulu faire l auteur Cela va nous permettre de compl ter notre d finition de linter textualit En nous pla ant ce second point de vue nous pourrons donc ajouter cette pr cision de taille l intertextualit c est aussi l ensemble des relations et leur tude ventuelle que peut entretenir un texte donn avec toutes sortes d autres textes y compris post rieurs dont on le rapproche pour mieux le comprendre le ressentir ou l interpr ter ce qui suppose bien s r que l on justifie les rapprochements que l on op re Notons que si l on voulait distinguer les deux significations du mot on pourrait choisir de nommer la premi re contextualit et pr f rer pour la seconde l expression lecture intertextuelle Mais globalement il s agit bien d un seul et m me concept Et c est le lieu ici de citer l excellente d finition qu en donne le Petit Larousse d 2001 qui couvre justement les deux aspects que nous venons d explorer Intertextualit Ensemble des relations qu un texte et notamment un texte litt raire entretient avec un autre ou avec d autres tant au plan de sa cr ation par la citation le plagiat l allusion le pastiche etc qu au plan de sa lecture et de sa compr hension par les rapprochements qu op re le lecteur Ainsi l intertextuali
200. te en assimilant la personne et sa fonction artistique parce que les deux s unissent dans l acte d crire textes autobiographiques po sie lyrique etc mais il faut tre conscient que cette assimilation a quelque chose d abusif Il y a enfin le narrateur qui n est lui m me qu une fonclion seconde de la fonction g n rale d auteur fonction lant t confi e fictivemeni un personnage du roman et dans ce cas il faut absolument faire la distinction narrateur auteur tant t assum e par l auteur lui m me Exceptionnellement dans les biographies confessions po mes la premi re personne etc il y a union entre le sujet du texte la personne qui s y exprime l auteur qui ordonne le mat riau et polit le style et le narrateur qui assume le r cit proprement dit Dans la pratique de l explication une fois ces distinctions clairement tablies dans notre esprit on adaptera l emploi des termes la nature des textes Le mot auteur peut g n ralement tre employ chaque fois qu il n y a pas risque de confusion dans le cas des textes la troisi me personne roman classique ou dans le cas de r cits explicitement autobiographiques car on sait bien qu travers son uvre prise globalement l auteur exprime toujours une part plus ou moins grande de ce qu est ou veut le sa personne Il est proscrit en revanche quand on parlera d un narrateur volontairement mis en sc ne par l auteur si artificielle que soit
201. th tre Bien entendu cette pr tention na ve tre le meilleur des hommes se retourne contre son auteur il faut se sentir bien coupable pour se livrer une telle provocation Mais on ne doit pas n gliger pour autant l efficacit de la formule en appelant chacun chaque lecteur au m me effort de sinc rit il fait taire tout le monde Rousseau se souvient peut tre ici de l pisode vang lique de La femme adult re Que celui d entre vous qui n a jamais p ch lui jette 246 Textes argumentatifs la premi re pierre vangile de Jean VIII Dans l ordre du discours l une des formes de la supr matie est de r duire au silence l adversaire tort ou raison Qui donc sous le regard de Dieu osera jeter la pierre Jean Jacques E CONCLUSION Ce texte nous a t il convaincus Sans doute pas de l innocence de son auteur mais bien de sa singularit C est un texte de grand prosateur qui nous blouit par sa ma trise stylistique et sa vibration lyrique Et l image que Rousseau y donne de lui m me correspond assez bien celle qu il donnera dans le r cit autobiographique qui va suivre il ne cesse d j de former cette entreprise au moment o il l annonce de s exposer au moment o il dit qu il veut s exposer de s offrir notre jugement critique et admiratif au moment o il appelle notre jugement En somme il persuade le lecteur qu il est bien lui m me avec s
202. tique permet seule de saisir et de conserver dans le diamant des mots le meilleur de ce que cr ent les hommes inspir s par l Esprit L invisible est r el Les mes ont leur monde Dans cette d marche contemplative la pr sence d va est fondamentale son enthousiasme sa tendresse r veuse stimulent l ardeur de l homme en m me temps qu ils consolent l humanit La Nature refuge provisoire d o l on peut saisir tous les tableaux humains s av re pourtant absolument indiff rente On me dit une m re et je suis une tombe Se d tournant alors d elle le po te s unit la compagne id ale toujours fragile toujours aimante pour contempler avec elle en esprit la majest des souffrances humaines Ce voyage symbolique est donc une qu te celle de la grandeur de l humanit en m me temps qu une c l bration du miracle et de la fragilit de lamour humain E TH MATIQUE ET CENTRES D INT R T Le mouvement des trois derni re strophes retrace les diff rentes phases de la pens e de Vigny que l on vient d voquer rejet de la Nature splendide mais insensible amour de l Humanit souffrante mais digne invitation au r ve et au voyage adress e va contemplation po tique du monde des hommes communion du couple m ditant sur la destin e humaine vocation d va jamais fix e dans son attitude aimante Ces th mes s entrecroisent
203. tre vivant et comme symbole du monde moderne l appareil est de trop dans ce cadre grandiose Pour souligner cette impression Troyat use de deux antith ses Premi re antith se Au lieu d avancer dans l espace il avait recul dans le temps Opposition double terme terme avancer reculer espace temps L avion s est d plac rebours contre sa mission m me il se retrouve ainsi projet hors de son espace temps naturel C est bien l une erreur dans la succession habituelle des si cles qui est de progresser du pass vers l avenir Deuxi me antith se renfor ant la premi re le monde d aujourd hui Calcutta Londres contraste absolument avec ce coin de plan te qui vit selon une r gle vieille de cent mille ans cette opposition entre les temps l auteur en ajoute une autre entre les dur es celle de l avion tre mortel symbolisant notre aujourd hui et celle de la montagne dot e d une existence immuable elle vivait Le paradoxe de ce contraste c est que l avion pr sent comme un tre anim est mort alors que la montagne solitaire en principe lieu de l inanim est d crite comme ternellement vivante 54 Textes descriptifs Le tableau est achev Le peintre a bien mis en contraste l un par l autre l appareil personnifi qui meurt et la montagne impersonnelle qui vit Po tiquement c est m me la montagne intemporelle symbo
204. trie l alternance entre les crescendos et les decrescendos la figure dominante de l invocation Le style l emploi des images et le jeu des sonorit s leur r le dans la fusion de l atmosph re brestoise et de la personne de Barbara Ce recensement op r nous proposons pour faire ressortir progressivement son originalit de d velopper les trois points suivants e Premier axe de lecture l aspect narratif l histoire d une rencontre dont le sch ma structure le mouvement d ensemble de la chanson Deuxi me axe de lecture l invocation po tique le mode du souvenir sa tonalit particuli re et la pr sence continue du po te narrateur Troisi me axe de lecture l laboration de la figure de Barbara en liaison avec l atmosph re pluvieuse de Brest qui justifie pleinement le titre du texte M UNE HISTOIRE D AMOUR BRIS E PAR LA GUERRE Apparemment l invocation de d part Rappelle toi Barbara sur laquelle nous reviendrons semble annoncer le r cit d un souvenir commun la premi re rencontre amoureuse c est l notre horizon d attente cf Clef 38 Nous avons comme dans toute narration des indications relatives au lieu Brest rue de Siam au temps ce jour l il pleuvait aux protagonistes toi Barbara l h ro ne moi je acteur narrateur et leurs actions successives tu marcha s je tai crois e tu souriais je souriais Le lecteur
205. une me bonne c est dire blanche se demande na vement le raciste bon teint de l poque Ne rions pas trop vite Montesquieu met l accent sur des pr jug s profond ment enfouis dans notre imaginaire Il suffit de consulter le dictionnaire pour observer que notre langue maternelle valorise tout ce qui est blanc et charge la couleur noire de connotations n gatives Pour notre culture ce qui est blanc serait pur innocent cf les publicit s de lessives ce qui est noir serait sale inqui tant comme la nuit criminel cf les romans noirs ou fun bre le deuil est noir Ce symbolisme des couleurs joue encore Voici par exemple comment un titre de journal pr sente un Africain inculp d un crime avant m me que le proc s ait eu lieu Kaddour Meyaoui un petit homme d un teint aussi noir que le crime qu on lui impute Le Figaro 21 6 1966 Comme s il y avait un rapport n cessaire entre la noirceur du crime et le teint noir de l accus La formulation de cette phrase insiste d embl e sur la petitesse d esprit du locuteur qui croit exprimer une opinion g n rale On ne peut se mettre dans Pesprit que Pour l gitimer ce qu il croit tre une vidence universelle le locuteur mobilise Dieu Dieu qui est tr s sage c est le moins qu on puisse dire voit sa Sagesse alors ramen e au pr jug dominant Ce r tr cissement de l Esprit de Dieu un pr jug rac
206. une vaste prison imite les barreaux Nouveau spectacle atmosph rique Il semble qu on revienne une simple peinture r aliste de l univers externe Cependant il n est pas naturel de percevoir spontan ment les tra n es de la pluie comme des barreaux le sentiment d tre en prison pr existe et c est de lui que provient la comparaison comme si la pluie tait d abord symbole avant d tre ph nom ne objectif cf les premiers vers des autres Spleen Pluvi se irrit contre la ville enti re Je suis comme le roi d un pays pluvieux Le r seau de la pluie s tend partout pour confirmer la vision claustrophobique du po te d j pr sente dans le couvercle et le cachot ce que traduisent les termes talant immense tra n es et enjambement de la phrase sur les deux vers Mais ce d luge ext rieur n est rien c t de l envahissement interne ce tableau soudain d un esprit parasit par des insectes en marche Et qu un peuple muet d inf mes araign es Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux Cette fois le spectacle est enti rement m taphorique il n y a pas r ellement d araign es dans le cerveau du p te Baudelaire visualise sa souffrance c r brale en une v ritable hallucination Mais l int rieur de cette vocation symbolique le r alisme expressif reprend ses droits Apparaissent alors tous les traits qui en font une vision
207. vaincu pleure et c est sans peine qu on appr ciera la sup riorit de cette version sur la premi re formulation de Baudelaire dans l dition de 1857 et l Espoir Pleurant comme un vaincu Sym triquement on assiste la mont e de l Angoisse op r e par une cadence croissante et le glissement de l allit ration et l Angoisse atroce despotique L intonation qui redevient ascendante va permettr de faire triompher le dernier vers L encore on peut citer en entier la premi re version de ce quatrain dans l dition 1857 pour voir combien la po sie a se travaille Et d anciens corbillards sans tambours ni musique Passent en foule au fond de mon me et l Espoir Fuyant sous d autres cieux l Angoi sse despotique Sur mon cr ne inclin plante son drapeau noir Arr tons nous sur le dernier vers qu il e t t dommage de modifier Il reprend le th me du cerveau tortur mais il s agit d un retour au mal propre Baudelaire mon cr ne s oppose nos cerveaux lequel accepte la d faite et s incline devant le drapeau noir ce que souligne Charles Baudelaire 303 l allit ration cr ne inclin noir En m me temps le despotisme de l Angoisse est comme c l br son embl me le drapeau noir est celui du royaume du Mal et des t n bres celui qu adoptent les pirates qui ravagent les mers L Angoisse ali ne litt ralement la forc
208. vet de lamour Dire de son bonheur qu il lui paraissait inh rent la personne de cette femme c est encore une nuance qui met distance la subjectivit de Fr d ric Quant la personne de cette femme si l on en juge par la contemplation de Fr d ric on n en conna t gu re la nature profonde Clef n 16 La distanciation flaubertienne Dans l extrait de l ducation sentimentale que nous venons de commenter Flaubert d crit le bonheur d un couple en faisant sentir les illusions inh rentes ce bonheur s il y a bonheur c est dans la mesure o il y a un instant illusion de bonheur mais cette illusion se dissipera fatalement l instant d apr s l impression de bonheur ternel ne peut tre qu un illusion inh rente l instant pr sent Telle est la r flexion qu il tente subtilement de nous sugg rer Tout l art du narrateur a donc consist ici nous faire c adh rer ce bonheur passager c est l illusion romanesque fruit de V identificatf n pour aussit t nous en faire prendre distance c est en somme la g d sillusion romanesaue gt qu op re la 132 Textes romanesques distanciation flaubertienne Et le plaisir du lecteur r sulte de ce va etvient entre l identification et la distanciation Il importe toutefois de remarquer que dans L ducation sentimentale l idylle entre Fr d ric et Rosanelte n est qu un moment pendant lequel le h ros semble oublier sa grande passio
209. visuel L adverbe tristement n a pas tre comment maintenant il 318 Textes po tiques soul ve pourtant la question un paysage peut il tre objectivement triste Poser la question c est esquisser la r ponse et nous renvoyons sur ce point la Clef n 3 sur l anthropomorphisme Des vers 5 12 le paysage voqu par Verlaine s anime d un peu de mouvement et de bruits Le fait que le descripteur se prom ne donne aux visions successives le caract re d un petit montage filmique d animation lente sans doute l image de l errance du narrateur mais d animation tout de m me la vue de l tang succ de la perception ind cise de la saulaie il s agit d un lieu plant de saules probablement de saules pleureurs puisque nous sommes au bord de l eau le saule est dit pleureur parce que ses branches sont inclin es vers l eau o elles semblent se fondre mais cette indication ne se limite pas sa simple explication concr te La brume fantomatique nous est montr e ensuite s effilochant sous l effet de la brise du soir Puis c est la voix des sarcelles ces cris des poules d eau qui se rassemblent avant la nuit et donc se rappellent avec des bruissements de battements d ailes Cette animation est soulign e par le rythme et les sonorit s l g re allit ration marquant le vers 6 Au long de l tang parmi la saulaie chos des vers 9 10
210. 272 Point de vue 75 Portrait romanesque 139 R alisme 54 109 Registre 183 Rejet 283 R plique 4 dimensions 159 R seau lexical 31 Rire proc d s 199 Roman 96 103 143 Sch ma de la narration 103 Sensations 74 Signifiant Signifi 93 Souvenir 75 338 Symbolisme 120 124 328 Synecdoque 332 Tautologie 262 264 Th tre 148 Tutoiement 210 228 312 338 Visualit 51 110 317 Index des auteurs ATABON nn sn entra en E n dre teens d era 324 Balzac ss ne E cn rar en Rss sn its and 134 139 Barjaveliissisnen te nn ele te Aire ae dei tire trs isa 34 B udelaire isist nt a A a aaaeeeaa 44 266 295 307 I A AAEE E ARA R T EAT 68 DRENE I rs en AEAEE AIEEE EEES 257 253 IDo PEER EE A AE A EEEE AE E EEEE E EE 186 Fladberts sssas ie ee e a n te tn dent 126 131 HUpO sn RS ne nn D ER er O 59 273 HUYSMANS N PE E AE AOE er el isa see tastacintaiqeai eue 57 Leblanc sisi T a i A AE anne 16 MalFau nenna AA E E on EAEE 115 Marivaux EEE E AE E E E EET 161 Mitterrand E I I AEAEE M AERE A E seetr tee 248 LEI U t AERES IE AAAA DORE S ET ES EAT 149 195 Montesquieu ss rh aoei Erroi VaN EASE e e Ri aa Ere a oE 214 G a EEE E S AET O T E O 142 Paghol ia ne ann EE non nr NEENA OR 66 Pascal RM nn N E NT a ne AE A nl etes 13 203 PT VEST ressentent EEE EEE dre der D en EE E dede renra rte E E dede d et ide 334 Rostand POEET denim TEE S NE 178 ROUSSEAU nisen ara a aE ras a a 86 238 SATIT E E E E EE EEA EREE EE
211. 3 Rejet et enjambement sn e 34 La di r se serein nn AA oa eiaa aaae g 35 L accentuation en po sie nn LL if 36 Le paysage et l tat d me sessessssssesreseeereerresserecosreseesreeses ion tses mp 37 M taphore et m tonymie ss ea 38 L horizon d attente MN 39 D notation connotations ss 343 40 Petit test sur les figures de style 345 Liste des clefs 1 Qu est ce qu expliquer un texte 2 Pourquoi expliquer un texte Questions d une bonne l ve un honorable professeur 3 Comment expliquer un texte 4 De l intertextualit et de son bon usage CHAPITRE 1 Qu est ce qu expliquer un texte q pq Expliquer un texte c est expliquer ce qu il dit et montrer comment il le dit L un ne va pas sans l autre Ce qu il dit Un texte n est jamais aussi vident qu il en a Pair Il ne suffit pas de d gager son sens global ou d isoler ses th mes principaux ou ses champs lexicaux Il faut pr ciser ses diverses significations analyser les effets successifs qu il produit saisir les nuances qui le diff rencient des autres textes de m me type Comment il le dit Un texte ne se r duit pas ses significations son contenu son message Pour faire passer ce message il a t compos Pour produire tel ou tel effet sur le lecteur il a t travaill Il faut donc tudier comment le texte fonctionne par quels moyens il agit par quels traits de s
212. Ali Aussit t plusieurs bougies s allum rent dans le ch ur et l on commen a un office auquel je tentai de munir en esprit Quand on en fut l Ave Maria le pr tre s interrompit au milieu de l oraison et recommen a sept fois sans que je pusse retrouver dans ma m moire les paroles suivantes On termina ensuite la pri re et le pr tre fit un discours qui me semblait faire allusion moi seul Quand tout fut teint je me levai et je sortis me dirigeant vers les Champs lys es Arriv sur la place de la Concorde ma pens e tait de me d truire plusieurs reprises je me dirigeai vers la Seine mais quelque chose m emp chait d accomplir mon dessein Les toiles brillaient dans le firmament Tout coup il me sembla qu elles venaient de s teindre la fois comme les bougies que j avais vues l glise Je crus que les temps taient accomplis et que nous touchions la fin du monde annonc e dans l Apocalypse de saint Jean Je croyais voir un soleil noir dans le ciel d sert et un globe rouge de sang au dessus des Tuileries Je me dis La nuit ternelle commence et elle va tre terrible Que va t il arriver quand les hommes s apercevront qu il n y a plus de soleil Je revins par la rue Saint Honor et je plaignais les paysans attard s que je rencontrais Arriv vers le Louvre je marchai jusqu la place et l un spectacle trange m attendait travers des nuages rapidement cha
213. Au long de l tang parmi la saulaie O la brume vague voquait un grand 8 Fant me laiteux se d sesp rant Et pleurant avec la voix des sarcelles Qui se rappelaient en battant des ailes Parmi la saulaie o j errais tout seul 12 Promenant ma plaie et l pais linceul Des t n bres vint noyer les supr mes Rayons du couchant dans ces ondes bl mes Et les n nuphars parmi les roseaux 16 Les grands n nuphars sur les calmes eaux Paul VERLAINE Po mes saturniens 1866 E SUJET Extrait des Po mes saturniens et plus pr cis ment de la section Paysages tristes ce po me en d casyllabes n offre apparemment pas un sujet tr s original le po te triste se prom ne dans un paysage triste l heure m lancolique conventionnelle chez les po tes romantiques du coucher du soleil Il faut croire que l originalit sera dans la mani re Et cette mani re ne se r duira videmment pas une simple technique verbale toute la difficult de l explication de texte sera de cerner la sp cificit de Verlaine sa fa on inimitable de sentir et de chanter Les deux titres que nous lisons avant m me d aborder la lecture du po me Paysages tristes et Promenade sentimentale sont une premi re indication sur le sujet Nous y d celons deux aspects qui vont se fondre dans le texte une ligne objective qui consiste dessiner un paysage choisi pour sa m lancolie et la ligne subjective
214. D o la contradiction du personnage entre deux Tchen celui du pouvoir de d cision et celui de l impuissance Tchen d termin Il conna t sa fermet il veut combattre il sait qu il tuera il est pr t tre ex cut Il a choisi d tre un sacrificateur s il le faut Il y parviendra quoi qu il arrive Mais en attendant l angoisse P treint Tchen incapable L angoisse le poss de inexplicablement Il prouve une v ritable naus e il songe avec h b tude il reste interdit devant le tas de mousseline blanche ne comprenant pas ce monde de profondeurs qui grouille au fond de lui il enfonce ses mains dans ses poches pour cacher ses gestes mais se r v le incapable de se servir du rasoir Le silence soudain qui suit l l vation de son bras le paralyse Comment un combattant r volutionnaire qui a fait ses preuves peut il tre ainsi frein dans son ardente r solution 120 Textes romanesques Un premier l ment d explication nous est fourni Tchen pr f rerait lutter visage d couvert contre un adversaire veill Or cet homme qui dort sous la moustiquaire Tchen ne le voit pas Il est un corps moins visible qu une ombre on n en aper oit que le pied dont la lumi re fait ressortir le volume si bien que Tchen est oblig de se convaincre qu il y a l du vivant de la chair d homme Ce n est donc pas simplement un homme passif que Tchen do
215. D s lors la verve voltairienne peut se donner libre cours Toutes les oppositions religieuses sont r duites des d tails du rite ou du v tement pr sent s sym triquement pour mieux nous amuser que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te c l brer supportent ceux qui se contentent de la lumi re de ton soleil R action du lecteur quoi ils font la m me chose ils ne se diff rencient que dans le choix de la source lumineuse et ils se d testent Et encore que ceux qui couvrent leur robe d une toile blanche pour dire qu il faut t aimer ne d testent pas ceux qui disent la m me chose sous un manteau de laine noire Double antith se d un membre de phrase l autre entre ceux qui choisissent le blanc et ceux qui choisissent le noir l int rieur de chaque groupe de croyants entre les paroles ils disent qu il faut aimer et les comportements ils d testent le groupe d en face M me distance ironique puisque tous nos langages sont insuffisants l gard des disputes concernant l emploi du latin ou du fran ais dans les c l brations liturgiques querelles redevenues d actualit dans les ann es 1960 en France Le dernier argument fait subtilement allusion la hi rarchie des pouvoirs l int rieur m me de l glise catholique entre les puissants les cardinaux et les v ques dont l habit est teint en rouge ou en violet et le reste des croyants pr tres
216. Dans tel chapitre de Madame Bovary donn expliquer un examen certaines candidates qui projetaient leur compas sion sur Emma Bovary n ont pas su d celer l attitude ironique de Flaubert l gard de son h ro ne Ainsi on peut se tromper d impression sur un texte voir des effets qui n y sont pas ne pas voir des effets qui y sont ou encore se limiter un seul niveau d interpr tation lorsqu il y en a plusieurs Le rem de ce d faut ce sera le regard objectif sur le texte sur sa nature et sur ses moyens d expression lesquels devront tre ensuite articul s avec ce que nous croyons ressentir Ce n est pas r duire le texte une s rie de remarques formelles m me si elles sont exactes Il s agit l du d faut inverse de celui que nous venons d incriminer L tudiant cette fois manque d impressions sur la page qu on lui demande de commenter il ne voit pas son int r t il ne sent pas son originalit Alors pour meubler son explication pour faire plaisir son examinateur il cherche quelque chose dire en glanant au fil du texte une figure de style ici une remarque de syntaxe l un effet de rythme ou de sonorit plus loin etc Et comme il fait ce recensement sans rapport avec les significations dominantes du texte au petit bonheur il n explique rien et 16 Principes et m thodes passe c t de l essentiel Aucune remarque formelle ne doit tre faite sans tre mi
217. EFS 33 Rejet et enjambement 34 La di r se 35 L accentuation en po sie 36 Le paysage et l tat d me 37 M taphore et m tonymie 38 l horizon d attente 39 D notation connotations 40 Petit test sur les figures de style CHANTER CR ER R V LER Le premier acte du po te c est de chanter La po sie est lyrisme Plainte l giaque ou hymne guerrier il s agit d exprimer par le chant les grandes motions de la vie humaine personnelles ou collectives heureuses ou malheureuses La nature la vie amour le r ve l id al la justice la paix La souffrance la mort le mal la solitude le d sespoir la guerre les fl aux naturels la mal diction Il ny a pas de po sie s il n y a pas motion transport int rieur expression qui enchante ou horrifie tat d me communicatif Le po te est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspir dit Eluard Mais la fonction expressive centrale dans la po sie ne suffit pas Celle ci repose sur l art de manier les mots que le linguiste Jakobson parmi les six fonctions du langage nomme pr cis ment la fonction po tique Car il ne suffit pas d tre mu pour transmettre son motion L lan de l me la joie printani re aussi bien que le sombre plaisir d un c ur m lancolique La Fontaine ont besoin d tre traduits en rythmes contagieux Le simple nonc de l id e saisi par l intellect ne nous fait pas rete
218. En formulant cet nonc l nonciateur cherche toujours plus ou moins influer sur le r cepteur veut lui transmettre une simple information lui faire comprendre une id e le faire rire ou r ver l impressionner pour lui faire partager une impression le faire opiner le convaincre le faire agir lui intimer un ordre lui prescrire une conduite Plus un message oral ou crit est centr sur le r cepteur plus la fonction impressive y est dominante qu il s agisse de simples paroles la seconde personne l apostrophe l imp ratif ou de discours entiers allocutions politiques propagande et publicit Bien entendu m me dominante la fonction impressive n est jamais seule nous avons pr cis ment d fini p 32 l explication de texte comme l tude du rapport entre l expression et l im pression et l on a vu que le lyrisme par exemple associe troitement les deux fonctions cf Clef n 27 3 Du c t du contexte ou r f rent la fonction r f rentielle On ne parle pas vide l nonc renvoie n cessairement quelque chose peut s agir de la situation o l on se trouve un lieu un contexte historique les nouvelles lections ou un sujet d j mentionn dans le discours une vocation un trait par exemple sur Dieu Ce r f rent que suppose tout nonc qu il soit situationnel ou textuel est aussi nomm contexte car sans lui il n y aurait pas de texte et
219. France en effet est menac e de dictature On veut la contraindre se r signer un pouvoir qui s imposerait dans le d sespoir national lequel pouvoir serait videmment et essentiellement celui du vainqueur c est dire celui du communisme totalitaire Naturellement on le colorerait pour commencer d une apparence trompeuse en utilisant l ambition et la haine de politiciens au rancart Apr s quoi ces personnages ne p seraient plus que leur poids qui ne serait pas lourd Eh bien Non La R publique n abdiquera pas Le peuple se ressaisira Le progr s l ind pendance et la paix l emporteront avec la libert Vive la R publique Vive la France Charles DE GAULLE Discours radiodiffus 30 mai 1968 258 Textes argumentatifs E CONTEXTE HISTORIQUE SITUATION DE COMMUNICATION Sans faire l historique de mai 1968 on peut rappeler qu apr s trois semaines de d sordre le 24 mai de Gaulle annonce la nation un r f rendum sur la participation croyant r pondre ainsi au d sir collectif Ce message qui sous estime l ampleur des v nements ne passe pas Bien au contraire les troubles s accentuent Le Premier ministre G Pompidou ouvre alors les n gociations de Grenelle avec les principaux syndicats de fa on dissocier la r volte tudiante des revendications des travailleurs en gr ve Mais les accords de Grenelle sont galement rejet s La majorit s interroge l
220. L intelligence de l explication de texte 30 mod les de commentaires 40 clefs pour aller au c ur du texte Bruno Hongre Du m me auteur L Univers po tique de Jacques Brel L Harmattan 1998 en collaboration avec Paul Lidsky Le Dictionnaire portatif du bachelier Hatier 2002 pour la nouvelle dition revue et augment e R visez vos R f rences culturelles Ellipses 2003 m mento pour tudiants s rieux et journalistes press s et sous la signature de Fran ois Brune Le Bonheur conforme essai sur la normalisation publicitaire Gallimard 1985 r imprim en 1996 Les M dias pensent comme moi essai sur le discours anonyme L Harmattan 1997 Sous le Soleil de Big Brother pr cis sur 1984 l usage des ann es 2000 L Harmattan 2000 De l Id ologie aujourd hui Parangon 2004 M diatiquement correct 465 notes et maximes au d go t du jour Parangon 2004 L Arbre migrateur et autres fables contretemps Parangon 2005 ISBN 2 7298 2404 9 Ellipses dition Marketing S A 2005 32 rue Bargue 75740 Paris cedex 15 Le Code de la propri t intellectuelle n autorisant aux termes de l article L 122 5 2 et 3 a d une part que les copies ou reproductions strictement r serv es l usage priv du copiste et non destin es une utilisation collective et d autre part que les analyses et les courtes citations dans un but d exemple et d illustrat
221. Les effets proprement musicaux du po me sont aussi essentiels cette harmonie Nous avons observ le caract re liant des enjambements il faut y ajouter le retour des sonorit s qui impr gnent d une m me musique les termes concernant le moi et les termes concernant la nature Les sons an et ai reviennent tr s souvent et l on peut en faire des s ries j errais 322 Textes po tiques plaie saulaie voquait laiteux rappelaient saulaie errais plaie pais ou encore promenant tang grand d sesp rant Pleurant battant promenant couchant Les rimes y compris les rimes int rieures sont plusieurs reprises signifiantes seul rime avec linceul plaie rime avec saulaie qui rappelle le mot seul seul plaie saulaie rappelaient rappelle plaie etc De tels rapprochements peuvent para tre artificiels c est l coute du po me dit haute voix qu on reconna tra leur bien fond Cette fusion tablie ce qui se passe dans le paysage suffit signifier ce qui se passe dans l me Ainsi les derniers vers du po me ne sont pas seulement la description de la mort du jour mais l vocation des t n bres int rieures qui envahissent le c ur du po te De darder noyer les derni res lueurs de vie qui brillaient dans son me c dent la place la Nuit La blessure ne saigne plus dans le drap de la mort Les pleurs s assagissent en s
222. Mitterrand s exclame Eh bien moi je consid re comme un honneur d tre le candidat de la Fran ois Mitterrand 255 gauche cette mise en avant du moi peut tre ressentie comme l aveu d une g ne l inverse l emploi du je peut tre qualitativement essentiel lorsque le locuteur veut faire sentir la profondeur de son int riorit J exprime l ma plus profonde conviction Ce dont j ai le plus souffert j ai conscience de servir Encore faut il n en pas abuser le public pourrait en sourire et l on sait que V Giscard d Estaing d contenan a F Mitterrand dans leur d bat t l vis du 10 05 74 en lui d cochant la r plique Vous n avez pas le monopole du c ur Enfin le je n a pas la m me valeur selon sa place dans je voudrais r fl chir avec vous la premi re personne a un effet beaucoup moins d cisif que dans j appelle La pr sence du je tait donc n cessaire une quinzaine d emplois ce n est pas excessif ceux qui comptent le plus concernent l image d homme d action de responsable politique conscient des enjeux et qui ose affirmer ainsi sa d termination au service du bien commun Pour le reste le meilleur de l image que le candidat a donn e de lui m me se trouve dans sa rh torique dans sa fa on de se poser devant l histoire et au milieu du peuple rendant alors cr dible sa dimension pr sidentielle E CONCLUSION
223. Pamour de Barbara et de son ardent compagnon c est la guerre qui l a tu Les deux termes antagonistes de la modalit du souvenir avant et apr s se renforcent mutuellement en raison de la brutalit de v nement qui les s pare la connerie de la guerre Il pleut toujours comparez les vers 2 7 aux vers 46 47 mais ce n est plus pareil et tout est ab m L harmonie exceptionnelle du couple form par Barbara et son amoureux celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement fait ressortir l horreur stupide de la guerre et le tableau de Brest ravag par les bombes donne r trospectivement aux amours de Barbara l aura incomparable du paradis perdu et que l criture est charg e de r activer 3 La conjuration du pass Rendre pr sent le pass sans oublier qu il est pass voil en effet la mission du po te narrateur acteur Faire revivre l incomparable Barbara Et donc pour abolir le Temps fondre dans les mots le je qui a t t moin Phomme qui passa rue de Siam avant guerre et le je qui se souvient maintenant le po te narrateur apr s guerre celui qui adora le visage de Barbara sous la pluie ce jour l et celui qui marche aujourd hui sur les ruines de Brest o il pleut encore Cette fusion s op re pr cis ment par l alternance entre le moi qui crit n oublie pas et le moi qui est mis en sc ne je tai crois e je souriais pour d boucher su
224. Textes argumentatifs L image de l homme corollairement para t pitoyable et m me m pri sable Des cr atures minuscules perdues dans l immensit imper ceptibles au reste de l univers Dieu les per oit il vraiment des cr atures qui se ha ssent et s gorgent ou qui ont tendance le faire cause d erreurs attach es leur nature quel est donc le cr ateur de cette nature humaine des cr atures dont toutes les productions et manifestations sont m diocres ou n gatives d biles corps langages insuffisants usages ridicules lois imparfaites opinions insens es voil les traits de la condition humaine Ces cr atures si peu aid es par le destin qui plus est passent leur temps s entred chirer car les guerres sont in vitables Que peut on donc en attendre Sont elles vraiment des cr atures de Dieu quoi Voltaire veut il en venir en dressant un tableau si contrast de Dieu et des hommes A t il vraiment mesur les deux normes contradictions qui se d gagent de son discours contradiction entre le ferveur apparente de sa pri re et l inaccessibilit de ce Dieu crasant contradiction entre l appel final qu il adresse l humanit et l image qu il donne d une nature humaine intrins quement mauvaise Pour clairer ces paradoxes nous devons nous rappeler que ce texte est avant tout un r quisitoire contre
225. a chute de l espoir dans une atmosph re fun bre c est la r signation d finitive l abandon complaisant la douleur et l angoisse Ce po me est aussi un tableau Parall lement au mouvement que nous venons de retracer on d c le une autre ligne directrice qui est dans l int riorisation progressive des facteurs d oppression D s le d but on voit que le spleen n est pas seulement de nature physique cons quence du spectacle ext rieur il est aussi spirituel c r bral Plus on avance dans le po me plus on s aper oit que le tableau de loppression partir d l ments r alistes le ciel la terre la pluie se transforme en paysage int rieur les araign es dans le cerveau le cort ge fun bre dans l me Cette remarque est essentielle dans l tude suivie du po me on doit tre soucieux de ne pas r duire l tat d me de Baudelaire de la simple tristesse m me infinie devant un univers d primant Il faudra voir au del comment l auteur choisit dans le paysage les l ments r alistes qui vont Charles Baudelaire 297 lui servir imager sa douleur interne commencer par ce ciel bas et lourd qui symbolise son accablement bien plus qu il ne le produit M TUDE SUIVIE 1 L oppression croissante PREMI RE STROPHE Tout commence par le ciel Ce ciel qui avait pour vocation d inviter le po te s lancer vers le monde de l Id al dans le
226. a jeune fille pench e sur un puits etc Le lecteur peut r ver de ce cr puscule y trouver de quoi s identifier Temps et espace de l immobilit l immuabilit Si Pon recherche les indices temporels marquants dans ce texte o l imparfait domine on reste sur sa faim Seuls les trois emplois du pass simple signalent fugacement une progression d un moment un autre Tout le reste semble s tirer en un perp tuel ralenti Le texte est satur d indications spatiales tous les l ments successivement d crits et qui plus est statiques La table tait pr s de la fen tre Rosanette en face de lui et il contemplait Le ciel s appuyait En face il y avait plus loin gauche faisait une tache semblait immobile deux ou trois vieilles chaloupes taient l l image de ces barques tout semble tre l pour toujours Ainsi l aspect statique de ce qui est d crit en produisant une impression d immuabilit donne le sentiment que le temps s est arr t et donc que le couple vit un moment d ternit Le temporel a t chass par le spatial D o cette illusion de bonheur ternel de Fr d ric soulign e par l auteur qui organise cette page Il ne doutait pas qu il ne f t heureux pour jusqu la fin de ses jours Le grincement de la cha ne Sur la toile de fond de ce ravissement global Fr d ric prouve une jouiss
227. a nature bless e Pour tre compl te et profonde mon motion avait besoin de retrouver ces cicatrices de la nature Eh oui d j Nous avons l une indication clef puisque le narrateur nous confesse une tendance de son enfance qu il est en train de r activer dans son pr sent d adulte le besoin de contempler dans la nature une image de lui m me Pourquoi ce besoin Pourquoi l motion devient elle alors compl te et profonde E LA RESSAISIE DE SOI M ME On peut r pondre qu il est consolant de voir la nature aussi bless e que soi mais ce n est pas un sentiment tr s profond La v rit c est que la nature est aim e comme projection de soi Elle re oit cette projection de sa douleur int rieure elle d livre celui qui souffre au dedans de lui m me Mais elle fait mieux encore en apparaissant comme projection de l tre profond du narrateur elle lui pr te toute sa substance vivante elle devient le garant de son identit travers les cicatrices de la nature qui lui rappellent les siennes le narrateur saisit sa r alit retrouve sa permanence s assure de son destin Et c est pourquoi les deux derniers paragraphes du texte qui parlent de malheur trahissent cependant un secret bonheur le bonheur de l identification exprim par une exaltation caract ristique qui est le bonheur m me de l identit trouv e ou retrouv e Ma vie a t labour e et m ch e par
228. a passion son impossible d sir de sinc rit son besoin d exhibition son humilit orgueilleuse sa lucidit na ve son motion et son talent sa folie et son courage L autre int r t de ce pr ambule que l on appr cie ou non ce morceau de bravoure est de poser le probl me de la sinc rit en litt rature Qu est ce que le moi d un crivain qui se raconte Peut il se pr senter sans utiliser son talent pour valoriser sa personne y compris lorsqu il se flagelle Mais son moi existe t il en dehors de son expression sociale corporelle verbale artistique en dehors de cette place privil gi e et sp cifique qu il trouve dans son travail d criture Et qu est ce que la sinc rit si c est l criture qui suffit constituer le moi Sans r pondre ces questions et pour illustrer le d bat voici l Avant propos que Montaigne adresse son lecteur au d but des Essais pour justifier le projet qu il a eu de se peindre l intention de ses parents et amis Au lecteur C est ici un livre de bonne foi lecteur Il t avertit d s l entr e que je ne m y suis propos aucune fin que domestique et priv e Je n y ai eu nulle consid ration de ton service ni de ma gloire mes forces ne sont pas capables d un tel dessein Je Pai vou la commodit particuli re de mes parents et amis ce que m ayant perdu ce qu ils ont faire bient t ils y puissent retrouver
229. a une peur bleue M tonymies Le jeu sur les couleurs rouge blanc bleu peut faire penser des antith ses ou des m taphores En fait l essentiel de la figuration ici est produit par trois m tonymies la peau rouge est une peau rouge mais le Peau rouge est un Indien d sign comme tel partir de la couleur dont il s enduit le Visage p le d signe l inverse du point de vue indien l homme blanc le trait partiel sert nommer le tout la peur n est pas bleue elle fait p lir l individu au point qu il semble bleuir Il n y a donc pas ici de relation d analogie mais une relation d association entre la nature de motion et la couleur de celui qui l prouve il s agit bien d une m tonymie et plus pr cis ment d un hypallage transfert de la qualit d une r alit sur un autre r alit qui lui est li e transfert du bleu du peureux sur la peur 19 Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague Et des vagues de dunes pour arr ter les vagues Comparaison M taphore Le premier vers tablit une comparaison explicite avec pour entre la mer et le terrain vague Le second qualifie directement l ondulation des dunes de vagues l analogie est implicite c est une m taphore 20 L ironie consiste dire le contraire de ce qu on pense tout en signifiant qu on pense le contraire de ce qu on dit Chiasme C est la d finition
230. a voyageuse est indolente et le couple va demeurer sur le seuil de la maison En fait c est un d sir double qui s exprime de mouvement et de repos d intimit et de voyage que permet pr cis ment la symbolique d une maison de berger Le couple se fond id alement dans une m me contemplation et ce sont les tableaux qui vont se d rouler s animer Nous n allons voyager que par le regard Mais toi ne veux tu pas voyageuse indolente R ver sur mon paule en y posant ton front Viens du paisible seuil de la maison roulante Voir ceux qui sont pass s et ceux qui passeront Voir quoi au juste L objet du voyage contemplatif n appara t qu au quatri me vers et ne manque pas de nous tonner Ce qui captive Vigny est ce seulement le grand passage de la vie la mort Mais simultan ment se pose une autre question d o peut on voir ceux qui passeront D un lieu intemporel doit on supposer un lieu situ hors du temps et de l espace terrestre Il est significatif que le po te parle du pass et du futur ceux qui sont pass s et ceux qui passeront mais non pas du pr sent comme s il devait s absenter du pr sent pour bien se mettre avec va hors du Temps Son but est moins de d plorer la fuite du temps et le glissement acc l r des g n rations que de m diter sur le sens de ce passage sans fin La maison roulante o se rejoignent les amants est bien le lieu id al d
231. able pour lui Il avance la main il tente presque de happer la pi ce sans cependant oser jurer Mais il vacille Il aurait toutes les raisons vu son tat de succomber la Tentation et c est de sentir cela qui rend sa situation insoutenable aux yeux du public Cependant le p ch est inimaginable pour l homme de foi qu est le Pauvre comme l indique l emploi du conditionnel Voudriez vous que je commisse un tel p ch Il ne doute pas de Dieu sa foi est aussi intense que sa faim il est int rieurement d chir entre ces deux postulations et cela clate dans la douleur de ses exclamations Ah Monsieur Monsieur Son refus final est donc le fruit d un combat men contre lui m me et c est alors seulement qu il rejoint la figure du saint Il ne l est pas au d but il ne le devient que lorsqu il prononce les mots J aime mieux mourir de faim ces paroles qui dans la situation quivalent un acte E CONCLUSION Sur cette sc ne Ce qui n tait qu un jeu pour le grand Seigneur m chant homme se r v le une v ritable preuve pour la foi du Pauvre Le g nie de Moli re est ici de nous offrir non pas un saint parfait mais un homme vuln rable qui devient un homme de Dieu 1l suffit d une dizaine de r pliques l auteur pour donner vie coh rence et complexit la figure du Pauvre qui a bloui les commentateurs Et ceci au cours d un change dramatiquem
232. ace que la personne de la femme perd pour autant sa pr sence Au contraire c est elle qui occupe principalement le champ de notre imaginaire Ce moi qu tale le po te est lui m me le produit le lieu d action et le t moin de la pr sence f minine Plus il montre ce qui se passe en lui plus il montre son influence elle 330 Textes po tiques La premi re strophe est d terminante ce sujet Quand le po te parle de sa propre situation il commence par le faire de fa on impersonnelle I n aurait fallu Qu un moment de plus Pour que la mort vienne Son d sespoir sa d vitalisation sont tels qu il n est plus m me capable de dire je il n est plus qu un th tre impuissant o la mort peut venir mais au lieu de celle ci c est la vie c est la simple main nue qui advient et d s lors en le faisant revenir l existence elle le fait revenir lui m me et le voici qui retrouve son moi comme le signifie soudain l emploi du pronom possessif la mienne et plus loin du sujet Moi qui La rapidit de la mutation est le second trait de cette m tamorphose d un tre nouveau capable de dire je Elle est indiqu e d s la seconde strophe Qui donc a rendu puis la troisi me deux bras ont suffi la cinqui me Et tout m a sembl et la sixi me soudain Et mon c ur d funt Elle est marqu e aussi comme on l a vu
233. ace d un homme avec le meurtre politique qu il va commettre nous fait entrer dans la th matique centrale de l uvre Ce d but en pleine action est aussi n cessairement une sc ne d exposition L auteur doit nous situer dans l espace et dans le temps nous pr ciser les enjeux baucher le portrait d un personnage cr dible etc La technique de la narration r aliste l art de nous intriguer de nous informer et de nous faire croire m ritera donc une tude indispen sable comme nous avons d le faire en tudiant la premi re page du roman de Supervielle Ces aspects dominants le style de cette narration et la psychologie du personnage en train d agir pourraient faire l objet d une explication lin aire au fil du texte Mais le passage est long il est plus commode de proc der au balayage successif de ces deux centres d int r t Par ailleurs on peut se demander si ces deux tudes en saisissant bien le r alisme apparent du texte suffisent rendre compte de son trange atmosph re atmosph re charg e d angoisse d un acte meurtrier dont la dimension symbolique d passe la simple ex cution d un assassinat banal D o ces trois axes de lecture 1 La narration une premi re page en action 2 Le personnage de Tchen 3 L atmosph re et le symbolisme de l acte Andr Malraux 117 M UNE PREMI RE PAGE EN ACTION Les indications de temps et de lieu 21
234. affaires LE PAUVRE Je vous assure Monsieur que le plus souvent je mai pas un morceau de pain mettre sous les dents DON JUAN Voil qui est trange et tu es bien mal reconnu de tes soins Ah Ah je men vais te donner un louis d or tout l heure pourvu que tu veuilles jurer LE PAUVRE Ah Monsieur voudriez vous que je commisse un tel p ch DON JUAN Tu mas qu voir si tu veux gagner un louis d or ou non En voici un que je te donne si tu jures tiens il faut jurer LE PAUVRE Monsieur DON JUAN moins de cela tu ne lauras pas SGANARELLE Va va jure un peu il n y a pas de mal DON JUAN Prends le voil prends te dis je mais jure donc 150 Textes dramatiques LE PAUVRE Non Monsieur jaime mieux mourir de faim DON JUAN Va va je te le donne pour l amour de l humanit Mais que vois je l Un homme attaqu par trois autres La partie est trop in gale et je ne dois pas souffrir cette l chet Moli re Dom Juan Acte III Sc 2 1665 E SUJET CONTEXTE AXES DE LECTURE Voil une sc ne c l bre courte dramatique psychologiquement riche stylistiquement brillante cause de sa bri vet m me elle pr sente l avantage de cadrer parfaitement avec l exercice de l explication de texte Elle se pr te ais ment comme on va le voir une tude par axes de lecture Mais il importe d abord de la situer dans le co
235. age Antith se et hyperbole opposition entre le coin dans lequel Garcin essaie de se faire tout petit et l expansion involontaire de son tre omnipr sent exag ration forcen e de la sensation d In s vous tes partout Garcin se d multiplie sous nos yeux In s est en pleine hallucination cette fois ce qui justifiera le caract re galement hyperbolique de sa contre attaque je veux vous regarder de tous mes yeux Cependant pour rendre palpable voire objective cette hallucination le langage de Sartre lui conf re une densit concr te par une sorte de viscosit spatiale de champ magn tique inconscient la pr sence de Garcin filtre et souille les sons que per oit In s Est ce totalement irr el On peut se le demander en songeant par exemple la sensation instinctive d empi tement que nous prouvons lorsqu un inconnu dans le train ou ailleurs jette en diagonale les yeux sur le journal que nous sommes en train de lire 7 Vous m avez vol jusqu mon visage vous le connaissez et je ne le connais pas Il s agit cette fois de la d possession supr me celle du visage qui nous semble repr senter tout notre tre L loquence d In s mobilise les ressources du rythme allit ration vous vol visage et de la rh torique antith se vous le connaissez je ne le connais pas Elle renvoie la situa tion fondamentale de la pi ce dans cette chambre sans miroir aucun des
236. age humain contre nature sauvage Pour peu que l on y songe les contrastes ne sont pas tr s difficiles d pister ils se traduisent par des antith ses cf Clef n 26 des champs lexicaux antinomiques des changements de rythme des sym tries tudi es l int rieur d un poragraphe ou d un paragraphe l autre Certes il n y a pas que le contraste qui joue dans les descriptions Celles ci mettent aussi en avant des convergences soulignant l unit des choses elles visent produire des effets d harmonie ce qui m rite galement un examen attentif On peut d ailleurs affirmer que le contraste ne signifie pas toujours l opposition il existe des contrastes harmonieux comme celui que chante Brel dans Ne me quitte pas Et quand vient le soir Pour qu un ciel flamboie Le rouge et le noir Ne s pousent ils pas On a de m me observ dans le texte de Stendhal que nous venons de commenter que l environnement semble davantage mettre en valeur le pont du Gard qu il ne s y oppose il en est l crin Notons enfin que le proc d du contraste ne sert pas les seuls lextes descriptifs Dans les lextes romanesques ou dans les pi ces de th tre l opposition entre les personnages el leurs milieux entre les personnages eux m mes entre les tals d me et les atmosph res est un moyen fr quent de les valoriser les uns par les autres Jean Jacques Rousseau et Stendhal 93 Clef n 10 Esth tique de l effet
237. aire etc Ainsi progressera l analyse vers la sp cificit de la page et de son art E APPLICATION SUR UN EXEMPLE Prenons l exemple d une longue phrase extraite du roman de Barjavel La Nuit des temps 1968 Il y est question d un personnage et d un groupe d hommes qui se trouvent pr s du p le sud aux prises avec les l ments hostiles de l Antarctique le vent et la glace Voici l vocation de leur lutte Il n en pouvait plus de toute cette glace et de ce vent et de ce vent et de ce vent qui ne cessait jamais de s appuyer sur lui sur eux sur tous les hommes de l Antarctique toujours du m me c t avec ses mains tremp es dans le froid de l enfer de les pousser tous sans arr t eux et leurs baraques et leurs antennes et leurs camions pour qu il s en aillent qu ils d barrassent le continent qu ils les laissent seuls lui et la glace mortelle consommer ternellement dans la solitude leurs monstrueuses noces surglac es Ren Barjavel La Nuit des temps Presses Pocket Commen ons par ressentir Il n est pas inutile d abord de nous rem morer nos souvenirs de saisons froides nos premi res exp riences de la neige du vent et de la glace mais aussi les images que divers documentaires sur les p les ont archiv es dans notre esprit Nous voici dans l ambiance la lecture du texte notre premi re sensation peut tre une sensation d exc s d impuissance et de satura
238. ait voque les relations qu entretient Vautrin avec la veuve Vauquer qu il f licite de s int resser aux affaires d autrui pour que flatt e elle se taise sur les siennes L auteur nous redit qu en d pit de sa complaisance et de sa gaiet le personnage laisse percer l pouvantable profondeur de son caract re Le seul l ment nouveau qu on y apprenne est la rancune de Vautrin contre la haute soci t et contre ses lois ce qui donne un clairage suppl mentaire son ambition Face ce portrait qui est plus qu une bauche un lecteur perspicace peut penser que le narrateur livre trop vite les clefs du h ros Cette suite d infor mations sur Vautrin fait de plus en plus douter de son ambigu t le mot crime vient peut tre trop t t et nous sommes sans doute trop vite avertis Mais cette remarque tient aussi l attention pr cise que nous avons port e au texte La lecture cursive ne tire de cette pr sentation que quelques impressions dominantes que Balzac fait ressortir tr s efficacement la puissance du personnage d abord son caract re nigmatique ensuite et pour finir les ravages qu il pourrait entra ner dans son sillage Ce portrait n est pas un tableau cisel pour fasciner en tant que tel il est le portrait anim en action d un personnage d crit non pas statiquement mais en puissance Avant m me que Vautrin agisse il est porteur d action romanesque La suite t
239. al as de la concr tisation ce qui est trop beau pour tre vrai a int r t rester irr el pour demeurer id al Ainsi la profonde nostalgie qu exprime Baudelaire trouve un certain apaisement dans la contemplation m me de ce qu elle manque Mais surtout c est le dernier h mistiche qui donne sa saveur ambigu la chute du po me et gratifie le h ros d un accomplissement inattendu toi qui le savais En recevant le coup d il qu elle lui a adress le po te a eu la certitude qu elle aussi a mesur l ampleur de son sentiment et per u tout ce que donnerait leur union Emport e dans sa course effray e peut tre de ce qu elle a entrevu d sireuse de ne pas ab mer en tentant de la vivre une sublime passion potentielle elle a poursuivi son chemin D o le d pit de notre h ros Tu le savais et tu Pas refus D o aussi la consolation du po te nous avons t sur la m me longueur d onde et cela ne pourra jamais ne pas avoir t prouver ensemble ce qu aurait pu tre leur communion ce fut d j une communion Et cette communion s inscrit dans le vers lui m me dans son lan dans la r ciprocit de sa structure toi que toi qui dans ce d voilement soudain de ce que contenait l me de cette Passante depuis si longtemps disparue E CONCLUSION Ce po me comme le pr c dent nous renvoie l univers personnel de Baudelaire Il l enrichit de sa substa
240. amment pr sent Aux yeux de son ma tre qui parfois l autorise d battre Sganarelle joue le r le de t moin de public de miroir Don Juan a besoin de lui pour se sentir en repr sentation pour se jouer du monde pour transgresser les r gles morales Et voici qu en pr sence de son valet le ma tre est sur le point d chouer de perdre la face d o sa col re 8 Va va je te le donne pour lamour de l humanit Don Juan donne la pi ce Le Pauvre a dit non Don Juan a perdu Pour para tre dominer la situation il ne lui reste plus qu se montrer beau joueur Ce n est pas de la charit c est seulement le moyen de reprendre Moli re 157 l avantage de celui qui donne sur celui qui qu mande car ce don ne co te rien un riche seigneur Il n est d ailleurs pas interdit de penser que Don Juan d s le d but ait envisag de c der la pi ce il voulait simplement jouer avec le d sir du Pauvre cela lui suffit Mais au second degr celui du d fi qu il a lanc au Ciel Don Juan ne veut pas non plus avoir Pair de plier devant Dieu C est ce qui explique la seconde partie de sa r plique la formule pour Pamour de l humanit qui s oppose litt ralement la formule consacr e pour Pamour de Dieu justification classique de la charit chr tienne Que l on interpr te ici le mot humanit comme qualit d tre humain qui appelle la compassion ou comme ensem
241. an du fantasme Pourquoi ce besoin de dramatiser ainsi la situation Sans doute par d sir d exalter le moi en lui pr tant un proc s plan taire eschatologique Mais il y a aussi une raison en quelque sorte technique Jean Jacques ne veut pas seulement tre innocent aux yeux d un lecteur priv dans un t te t te intime Puisqu il a t d cri sur la place publique par des jugements sociaux qu il s imagine universels il a besoin d un proc s public devant le monde entier Il lui faut donc reconstituer la foule en face de son livre Comme d autre part il a t jug par des hommes dont l on sait la partialit il en appelle un Juge impartial supr me l tre ternel Le jugement dernier repr sente donc parfaitement cette Cour d Appel d finitive qui discr ditera les accusations des hommes et l innocentera pour toujours Cette sc ne imaginaire r pond donc une n cessit profonde m me si sa th tralisation peut pr ter sourire Elle a aussi une autre justification concernant le lecteur cette fois L crivain Rousseau sait qu il faut impressionner l homme de bonne foi pour l inviter lire jusqu au bout Un appel purement verbal pourrait para tre abstrait d crire un proc s th tral m me excessif va le saisir plus vivement l intriguer l entra ner Le code du proc s implique toujours l attente d une sentence L accus sera t il disculp
242. ance inexprimable entendre grincer la cha ne qui tire les seaux du puits Que signifie cette notation d une jouissance si intense simplement couter le frottement r p titif d une cha ne Parmi plusieurs interpr tations possibles on peut en retenir une qui s accorde au th me de l immuabilit ce bruit qui revient comme un rite bruit rappelant sans doute des souvenirs d une autre poque quelle est la cha ne d un puits qui ne grincerait pas contribue ponctuer le temps rendre chaque moment semblable celui qui pr c de donc immobiliser le pr sent Le temps qui tourne sur lui m me est aboli la joie de Fr d ric tant alors de se sentir branch sur limmuable sur l ternel recommencement des choses Il est vrai que pour Fr d ric amoureux et d sirant le rester tout devient pr texte merveillement On est cependant surpris de voir cette jouissance intense mais parcellaire l emporter sur le ravissement profond que devrait Gustave Flaubert 129 lui procurer la pr sence de Rosanette La sensation partielle en m me temps qu elle prouve que le h ros ne r ve pas semble annuler ce que devrait tre la joie globale de la communion Le bonheur de Fr d ric est il authentique La nature de sa perception qui semble morceler toute r alit ne rend elle pas illusoire le sentiment qu il croit prouver E LE JEU DES REGARDS LE BONHEUR EN QUESTION Le regard du lecteur
243. ands mots bruyants Le v ritable amour est tenace profond ment enracin dans l me silencieux mais d termin toujours pr sent contre toutes les menaces Et cet amour r p tons le n est pas seulement celui des amants l un pour Pautre ce serait r duire la mission d va Ses pleurs sont bien des pleurs de compassion envers l humanit souffrante Ce ne sont pas des larmes de d solation mais de consolation Compatir c est aimer aimer c est compatir va pleurant le couple humain m ditant sur l humanit la po sie exprimant l Esprit pur dont est capable tout tre humain voici ce qui chaque jour sauve silencieusement notre esp ce de ses mortelles destin es Est il n cessaire de souligner ici les effets phoniques qui traduisent la fois l opini tret et la tendresse exprim es dans ce dernier vers On note videmment l allit ration en t et les chos vocaliques our ur our d un vers r gulier o les accents toniques reviennent toutes les trois syllabes Ton amour taciturne et toujours menac E CONCLUSION Si poignant que soit ici le message de Vigny il faut rappeler qu il ne nous toucherait pas s il ne s agissait pas d un po me Le lecteur peut maintenant relire l ensemble de La Maison du Berger il y trouvera sans aucun doute quelques morceaux trop oratoires mais il observera aussi que la po sie est atteinte chaque fois que l id e devient symbole cha
244. ans fin soutenu par le champ lexical qui lui correspond marchions fourbus marchions avancions aller marchant trottes jambes boue chemin pied marchant marcher marcher marcher marchant Les cinq derniers vers o alternent et se 182 Textes dramatiques fondent les verbes marcher et se battre produisent un effet de complainte de refrain ternel c l brant l interminable et h ro que destin de la grande Arm e pour culminer sur le mot fatigu s auquel toute la tirade pr pare e Les oppositions contrastes globaux ou antith ses particuli res forment la troisi me s rie d effets Nous avons soulign plus haut que tout le tableau th matiquement repose sur le contraste Mais on peut remarquer aussi de multiples oppositions de d tail Nous qui marchions toujours et jamais n avancions Suant sans avoir peur grelottant sans trembler Nous qui coiff s d oursons sous les ciels tropicaux Sous les neiges n avions m me plus de shakos Enfin ici ou l en un tour de phrase surgissent des vocations r alistes vari es pittoresques destin es faire sentir la diversit physique des situa tions v cues par les soldats r alisme des objets du tournevis au shako vari t des lieux Espagne Autriche neiges et tropiques pittoresque des images les jambes devenues des carottes le blanc de corbeau ou le sorbet au sang de cheval mort la rime
245. ante comme Dieu m me Cette r p tition des mots quasi tautologique a pour effet de persuader le lecteur de la commune identit des deux r alit s comme s il s agissait d une vidence Mais l argumentation de Pascal op re ici un glissement discutable en assimilant la v rit humaine celle qu avec l aide de la raison on tente d tablir par des discours la V rit divine le Verbe de Dieu lui m me Il l ve certes le d bat il hausse la v rit de son combat en la rendant consubstantielle Dieu mais la hauteur de sa conclusion ne doit 210 Textes argumentatifs pas nous masquer l artifice rh torique par lequel l auteur tente de mettre Dieu dans son camp en se pla ant dans le camp de Dieu Il est vrai que Les Provinciales tant centr es sur les certitudes de la croyance chr tienne Pascal tait fond associer son combat personnel pour la v rit la V rit m me incarn e par Dieu Il nous faut n anmoins r sister son loquence passionn e si admirable qu en soit la hauteur de vue et le souffle musical E CONCLUSION En d pit de notre ultime r serve et sans qu il soit n cessaire pour cela de partager les id es de l auteur nous avons droit d admirer avec quelle vigueur et quelle pr cision Pascal expose sa conception du monde esquissant d j ici la distinction entre les trois ordres qu il d veloppera magnifiquement dans les Pens es Pens e 793 N
246. aper oive de sa confusion el en revienne brutalement e L art c est d amener l auditeur se rendre compte certains indices que l on fait de l ironie son gard l gard de la chose dont on parle C est aussi la difficult Apr s tout si Montesquieu se livrait trop mod r ment une d fense ironique de l esclavage son contemporain pourrait le lire au premier degr et ne pas voir qu il d nonce un scandale il faut que l ironie soit marqu e mordante suffisamment reconnaissable pour produire son effet de sid ration D o un certain nombre de moyens qui doivent permettre l auditeur d inverser le sens apparent de la phrase et de bien comprendre le message l intonation d abord Elle est essentielle et souvent suffisante l insistance la m lodie particuli re chantante appr t e de la phrase prononc e par quelqu un que l on sait par exemple pince sansrire conduisent l interlocuteur saisir qu on ne lui parle pas au premier degr Le contexte ensuite l nonc doit appara tre en contradiction avec la r alit observ e L antiphrase pour tre per ue comme telle suppose qu on connaisse la situation r elle qu elle commente Situation tant t vidente c est le cas de la maman qui devant son enfant qui a fait pipi dans sa culotte s crie C est du propre ou tant t explicit e par exemple dans un texte qui d crit ce qui se passe En voyant la voiture dans
247. approch sur la surface des eaux o s tendent de grands n nuphars Ces deux plans se caract risent par leur horizontalit la rectitude des roseaux fait ressortir nous semble t il l extension des n nuphars dont l omnipr sence est soulign e les n nuphars bl mes les grands n nuphars La coloration d ensemble est sourde les rayons supr mes sont de faible intensit les n nuphars sont bl mes c est dire d une p leur extr me et s ils luisent sur les eaux ce n est qu la fa on d un clair obscur Tout est d j sombre Ce paysage est un paysage tranquille quasi immobile sa seule agitation est un bercement et ce l ger fr missement ne fait pas m me bouger les calmes eaux noter la place de l adjectif avant le nom le calme semble inh rent la nature des eaux et c est d autant plus remarquable que les eaux sont au pluriel quoique nombreuses elles sont paisibles Cette paix du paysage est naturellement traduite par la r gularit du rythme l accent tonique revient toutes les cinq syllabes des assonances les terminaisons des verbes l imparfait et les rimes ponctuent ce flux tranquille de la phrase enfin les vers 3 et 4 o l on observe l enjambement et une l g re allit ration roseaux luisaient calmes eaux ne pas oublier ici la liaison produisent un effet d extension qui souligne l horizontalit du plan
248. aptation de celui ci telle ou telle situation Le plaisir comique se nourrit d une sensation de sup rioril sur celui dont on rit celui que l on juge ridicule comme on le verra ci dessous dans l vocation du plaisir critique Or cet l ment n est pas non plus sans lien avec ce qui se meut au fond de notre inconscient Car celte fr quente inadaptation au monde g n ratrice d angoisses nous l avons tous v cue lors de nos premiers apprentissages voir un personnage inadapt peut ainsi l espace d une seconde mobiliser notre apitoiement et la seconde qui suit d clencher notre rire par lib ration de cetie nergie d angoisse bri vement r veill e Dans ce cas jouir d un sentiment de sup riorit c est prendre sa revanche contre des affects anciens rappels semi conscients de situations archa ques o nous tions en douloureuse position d inf riorit On voit que j Euphorie du rieur peut avoir de Multiples racines 3 Un plaisir critique ou revanchard ou sadique ou satirique Dans sa Psychocritique du genre comique Charles Mauron analyse le plaisir du spectateur Raymond Devos 195 qui rit aux malheurs d Arnolphe dans cole des femmes en l interpr tant comme une compensation aux Freins penses det toul enfant ue dire d poss d de l objet aim la jeune Hemme sa m re par le vieux le p re qui affirme son droit sur son pouse C est une terrible frustration m
249. ar l esprit les douleurs que lui inflige la nature Nous retrouvons comme un cho de Pascal c l brant le roseau pensant Quand lunivers l craserait l homme serait encore plus noble que ce qui le tue parce qu il sait qu il meurt et l avantage que l univers a sur lui l univers n en sait rien Pens e 347 d Brunschvicg Ainsi parce que l homme souffre il appelle la piti et parce qu il est digne dans la souffrance il m rite l admiration Le po te doit par sa po sie t moigner en sa faveur Il est le chantre de la grandeur spirituelle de l homme Pas de la nature Vous ne recevrez pas un cri damour de moi Simplicit s che de ce vers L amour de l homme est trop essentiel l humanit pour tre d voy sur la Nature Certes il s agit moins ici de la nature vivante et profonde qui environne l tre humain que de cet univers abstrait et immuable dont parle Pascal il n emp che que Vigny nous appelle lever notre pens e et oublier les charmes de la nature devenus une source d inspiration cul e du romantisme Cette d claration d indiff rence donne lieu une litote non plus un cri de haine trop sonore je vous hais mais la n gation du contraire vous n aurez pas un cri damour c est l exemple sym trique de la d claration de Chim ne Rodrigue Va je ne te hais point On songe la formule de Camus Il n est pas de destin
250. arrateur rappelonsle c est celui par qui l auteur d cide de faire raconter une histoire Il peut s agir de l auteur lui m me lorsqu il parle de sa propre vie avto biographie romanc e ou non ou lorsqu il crit un roman la troisi me personne en ce cas il faut distinguer la personne de l auteur notamment si on retrouve des l ments de sa vie dans l histoire et sa fonction d auteur narrateur assumant le r cit du livre Il peut s agir aussi d un narrateur explicitement donn comme distinct de l auteur du texte qui peut alors tre un personnage t moin comme dans Le Silence de la mer cf p 107 ou un personnage h ros de l histoire racont e comme dans l extrait du Bachelier que nous venons de commenter Si par exemple dans la vie de Jules Vall s il y a eu des voyages en train des contemplations de paysages et des processus d identification probables rien ne nous dit que tout ceci s esi produit en une seule fois entre Saint tienne et Le Puy Rien ne nous dit que deux paysages oppos s se sont succ d si vite en un coniraste correspondant si bien aux deux aspects de lo vie de Jules Vall s C est Irop beau pour tre vrai Vraisemblablement la personne de Vall s a v cu ces exp riences mais c est l auteur en lui qui les a s lectionn es regroup es et organis es pour constituer ou refl ter son personnage Jacques Vingtras Ce faisant il a pu avoir la satisfaction d crire une page saisissanle retra ant
251. as de voir il se montre en train de voir Pourquoi Ces remarques nous conduisent op rer sur cette page un triple recense ment pour saisir o se situe son originalit c est dire pour montrer en quoi ce texte descriptif va bien au del de la description E LES L MENTS DESCRIPTIFS LE CH TEAU ET SON CADRE Relevons d abord les aspects les plus objectifs de cet amas de ruines Ce ch teau n est pas une invention il existe il a un nom Ch teau des Palatins il se situe sur les hauteurs de Heidelberg il est compos notamment d une Tour Fendue et d une Tour Carr e Ce qu il en reste est identifiable le porche la herse des g ants de pierre des vo tes des corridors une cour int rieure etc Le cadre aussi nous est donn comme le fruit d une observation r aliste Cet difice en ruines est entour d une vaste broussaille de part et d autre d un foss Il y a ici et l des arbres et des ronces Comme on peut s y attendre s agissant d un ch teau abandonn tout se m le ravin croulements broussailles enchev trement de br ches et de crevasses L heure l atmosph re nocturne renvoient aussi au monde de la r alit la lune existe son halo les nuages diffus qui la voilent et ne laissent passer Victor Hugo 61 par moments qu une clart bl me les clairs obscurs qui en r sultent tout cela appartient l observation courante des spec
252. assante La rue assourdissante autour de moi hurlait Longue mince en grand deuil douleur majestueuse Une femme passa d une main fastueuse 4 Soulevant balan ant le feston et l ourlet Agile et noble avec sa jambe de statue Moi je buvais crisp comme un extravagant Dans son il ciel livide o germe l ouragan 8 La douceur qui fascine et le plaisir qui tue Un clair puis la nuit Fugitive beaut Dont le regard m a fait soudainement rena tre 11 Nete verrai je plus que dans l ternit Ailleurs bien loin d ici trop tard jamais peut tre Car j ignore o tu fuis tu ne sais o je vais 14 toi que j eusse aim e toi qui le savais Charles BAUDELAIRE Les Fleurs du Mal 1857 1861 M LE TH ME Un homme croise une femme Leurs regards se rencontrent furtivement Il a l intuition soudaine de tout ce qui pourrait se passer entre eux Elle poursuit son chemin emport e par sa course Ils ne se rencontreront jamais plus L pisode est banal il a lieu des millions de fois chaque jour L motion est commune chacun prouve un jour ou l autre la nostalgie d une rencontre possible qui une fois manqu e ne se reproduira plus Le th me est d j trait l poque de Baudelaire le lecteur peut se reporter d s maintenant aux remarques que nous avons faites sur le contexte de ce po me pr cis pour illustrer la notion d intertextualit pages 44 45 L originalit de B
253. asse de th le bouleverse soudain d une d licieuse impression cela lui rappelle en effet une sensation analogue v cue dans son pass d enfant et tout coup tout ce monde enfoui lui revient en m moire et il conclut Quand d un pass ancien rien ne subsiste apr s la mort des tres apr s la destruction des choses seules plus fr les mais plus vivaces plus immat rielles plus persistantes plus fid les l odeur et la saveur restent encore longtemps comme des mes se rappeler attendre esp rer sur la ruine de tout le reste porter sans fl chir sur leur gouttelette presque impalpable l difice immense du souvenir On voit l importance que rev t l examen m thodique des sensations que leur effet soit celui du r alisme expressif de la po sie surr aliste ou de la transfiguration du r el par le souvenir Clef n 6 La question du point de vue diff rence avec la focalisation D s qu il y a description mais on le verra aussi pour la narration il faut se fixer un angle sous lequel sera d crit ce que l on observe un point de vue II faut choisir aussi une heure un moment d o d pendroni l clairage l animation du paysage les impressions que peut prouver l observateur c tait d ailleurs l une des probl matiques centrales des peintres dits impressionnisles Ce fut le cas dans les trois textes que nous venons d expliquer avec l vocation de Troyat avec la
254. atif D autres d cisions suivent dont la valeur performative faiblit si l on ose dire Je devrai il faut que s organise Cela doit se faire pour Mais la fin du discours revigore soudain ces mots d ordre clate en effet le Non gaullien typique dont nous avons parl Il n est pas seulement exclamatif il serait alors la simple expression d une motion il est performatif en ce sens qu il pose un acte de refus la dictature mena ante dans la lign e des d cisions nonc es pr c demment Les trois verbes qui suivent n abdiquera pas se ressaisira l emporteront sans tre proprement parler performatifs puisqu ils renvoient au souhait ou la certitude plut t qu une quelconque d cision sont pourtant davantage que des v ux pieux Leur auteur en effet ayant acquis dans l Histoire cette stature et cette l gitimit qui font de lui jusqu un certain point une incarnation de la nation s identifie ici la R publique au peuple et la libert qui font l identit de la France Lui aussi sans doute durant ses trois jours d absence du pouvoir a d faire effort sur lui m me pour ne pas abdiquer mais se ressaisir Aussi y a t il une quasi quivalence entre les deux annonces je ne me retirerai pas et Non La R publique n abdiquera pas ce sont deux variantes d une m me d cision Comme il parle au nom du peup
255. atif qui est li dans leur esprit tel ou tel pr nom personnage c l bre star saint patron etc Chacun lt s investit alors dans son pr nom Les amoureux projettent tout un difice id aliste sur le simple pr nom ses lettres sa musique de la personne aim e Nous sommes l au royaume de la pure connotation de la r alit de l imaginaire et s il est loisible chacun de cultiver sa r verie il est prudent de ne pas ignorer son aspect quelque peu d lirant Qui ne rira la pens e que le pr nom Gertrude d signe dans Hamlet la femme sensuelle irr sistible qui pousse le d sir de son beau fr re tuer son mari pour occuper la fois le tr ne et la couche royale Rien ne varie autant que les connotations avec les temps et les lieux Clef n 40 Petit test sur les figures de style gt Voici vingt phrases dans le d sordre Vous tes cordialement invit y reconna tre la ou les figures dominantes en justifiant votre choix Corrig page suivante l 2 ones 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 Coup de fil toilette taxi me voici dans ses bras Honte ceux qui font de la politique une distraction et de la distraction une politique ao Avec 70 fautes elle est sublime votre copie A Do Ventre affam n a point d oreilles x i pi PRAT A Dans Marieke Brel chante la Venise du No
256. ation pour rendre le plus tragique possible le geste de l enfant De ces quelques remarques on peut conclure que si le fait brut est cruel c est surtout sa mise en sc ne qui r ussit nous bouleverser provoquant notre douleur et notre col re Le romancier a t la hauteur de son sujet Mais il fallait commenter les proc d s d expression pour bien le montrer Bien s r ce modeste examen fait na tre la question L auteur a t il pens tout cela Nous y r pondons dans le chapitre qui suit en reprenant les objections d une excellente l ve CHAPITRE 2 Pourquoi expliquer un texte E QUESTIONS D UNE BONNE L VE UN HONORABLE PROFESSEUR Mais Monsieur franchement l auteur at il pens tout cela On peut dire que oui En tout cas beaucoup plus qu on ne l imagine Il faut bien se rendre compte de tout le travail que suppose une uvre Ce qu on appelle l inspiration n est qu une premi re tape Elle se r duit souvent l id e d un sujet c est encore une n buleuse l lan vers un th me tout coup ressenti comme personnel ou parfois m me la n cessit de faire une uvre de circonstance Une fois saisi par cette id e de d part l crivain passe beaucoup de temps concevoir l uvre ordonner les th mes agencer une intrigue quilibrer les parties d couper en chapitres en paragraphes en faisant des sauts en ava
257. atique qui appelle les suffrages d un public unanime la rh torique de la tirade elle m me ce tableau pique qu elle parvient dresser aux yeux du spectateur 180 Textes dramatiques E LA VALEUR DRAMATIQUE Cette tirade n est pas un monologue elle s ins re dans une sc ne trois personnages Le premier l ex mar chal de Marmont tra tre l Empereur vient d invoquer pour justifier son abandon la plus mauvaise des excuses la fatigue Le second le jeune Aiglon duc de Reichstadt bless par ceux qui salissent la m moire de son p re est tendu admiratif vers ce laquais qui surprend tout le monde Celui ci en effet grognard authentique du nom de Flambeau produit par ce qu il dit un effet de r v lation sur ceux qui l coutent Il est le Bon fantassin face au M chant Tra tre le mar chal qui se tait Les didascalies indications sc niques cf Clef n 21 confirment ce dispositif le laquais parle en descendant peu peu vers Marmont il marche donc physiquement vers le tra tre Le duc quant lui est peu peu transport par le langage du grognard dont il apprendra bient t l identit r elle Flambeau il a les mains crisp es les yeux ardents il d vore du regard et il parle transfigur de joie Quant Marmont il se tait mais cela ne veut pas dire qu il ne joue pas il doit para tre stup fait sans voix face la parole flamboyante
258. ature collective et que l motion de l crivain est loin de se limiter aux po mes proprement dits on peut donc dire du lyrisme qu il se caract rise par l union des deux traits suivants Un mode d expression personnel dans lequel l motion demeure toujours plus ou moins chant e mise en rythmes et en images traduite par tous les moyens de l expressivit orale sonore vocale m me lorsqu il s agit d crits plainte ou cri exclamation ou chant on y per oit avanl tout la voix du po te comme nous avons per u le souffle de Pascal c l brant la V rit La pr sence de th mes justement dits lyriques c est dire dont la nature suscite de profonds retentissements chez tout individu l amour la mort l enfance la souffrance ou la joie le sentiment de la nature le pays natal sa nostalgie le temps qui fuit les maux collectifs la guerre l injustice ou les valeurs sublimes qui exaltent l me libert v rit id al Dieu etc La fonction du langage que l on nomme motive ou expressive centr e sur le moi je de l crivain est donc au c ur du registre lyrique cf Clef n 29 Il ne suffit videmment pas que l auteur dise je il peut le dire dans des crits didac tiques ou qu il traite d un th me sensible on peut analyser froidement le sentiment amoureux il faut qu il y ait un lien entre l motion profonde et l expression du moi On n en d duira pas pour autant que l e
259. au de Heidelberg Le Rhin Hugo 59 Clef n 3 L anthropomorphisme s 65 Clef n 4 Le je et l nonciation ss 66 EXPLICATION n 3 Printemps pass La Maison de Claudine Colette SR RL SUR SA ane a ets etes 68 Clef n 5 Le r le des sensations 74 Clef n 6 La question du point de vue gt ne rennes 75 EXPLICATION n 4 Retour au pays Le Bachelier Vall s sossososennno00000s 78 Clef n 7 L identification sens g n ral 83 Clef n 8 La distinction Homme Auteur Narrateur ssssssssssssssessesssosssssesesesse 84 EXPLICATION n 5 Le pont du Gard vu par Rousseau puis par Stendhal 86 Clef n 9 Le contrast es nnenemeneameinfnimentnnenis 92 X Clef n 10 Esth tique de l effet Esth tique de la retenue 93 X 3 TEXTES ROMANESQUES RACONTER ERE S E AE diet 96 EXPLICATION n 6 Antoine a sept ans Le Voleur d enfants Supervielle 97 Clef n 11 Le sch ma de la narration 103 Clef n 12 La focalisationnnue 105 EXPLICATION n 7 L adieu Le Silence de la mer Vercors sesssnosessososes00 107 Clef n 13L hypotyp senina innn nua as 114 EXPLICATION n 8 Le meurtre de Tchen La Condition humaine Malra x ecnin nan a a a a iaat a S Eesi 115 Clef n 14 L identification romanesque 122 Clef n 15 La port e symbolique de l acte 124 6 Table des mati res EXPLICATION n 9 Fr d ric et Rosanette L ducation sentimenta
260. au qui jouit le martyr qui sanglote La f te qu assaisonne et parfume le sang Le poison du pouvoir nervant le despote 96 Et le peuple amoureux du fouet abrutissant Plusieurs religions semblables la n tre Toutes escaladant le ciel la Saintet Comme en un lit de plume un d licat se vautre 100 Dans les clous et le crin cherchant la volupt L Humanit bavarde ivre de son g nie Et folle maintenant comme elle tait jadis Criant Dieu dans sa furibonde agonie 104 mon semblable mon ma tre je te maudis Fuyant le grand troupeau parqu par le destin Et se r fugiant dans l opium immense 108 Telest du globe entier l ternel bulletin Charles BAUDELAIRE Le Voyage vers 84 108 Les Fleurs du Mal Charles Baudelaire 267 E NATURE DU TEXTE S agit il d un po me ou d un texte argumentatif De l un et l autre D une part en effet la po sie a droit aux id es aux arguments m me s il s agit davantage d une th matique renvoyant un univers particulier que d une philosophie pens e en tant que telle D autre part elle a l avantage sur la prose de les couler dans un langage plus que tout autre travaill avec ses ressources propres pour en faire un discours entra nant et dans le cas pr sent implacable Il est vrai que l tude de ce passage comme simple texte argumentatif comporte le risque d en trahir
261. aucuns traits de mes conditions et humeurs et que par ce moyen ils nourrissent plus enti re et plus vive la connaissance qu ils ont eue de moi Si c e t t pour rechercher la faveur du monde je me fusse mieux par et me pr senterais en une marche tudi e Je veux qu on m y voie en ma fa on simple naturelle et ordinaire sans contention et artifice car c est moi que je peins Mes d fauts s y liront au vif et ma forme na ve autant que la r v rence publique me l a permis Que si j eusse t entre ces nations qu on dit vivre encore sous la douce libert des premi res lois de nature je t assure Jean Jacques Rousseau 247 que je m y fusse tr s volontiers peint tout entier et tout nu Ainsi lecteur je suis moi m me la mati re de mon livre ce n est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain Adieu donc De Montaigne ce premier mars mille cinq cent quatre vingt Et voici pour conclure comment Rousseau r agit la tentative de Montaigne J avais toujours ri de la fausse na vet de Montaigne qui faisant semblant d avouer ses d fauts a grand soin de ne s en donner que d aimables tandis que je sentais moi qui me suis cru toujours et qui me crois encore tout prendre le meilleur des hommes qu il n y a point d int rieur humain si pur qu il puisse tre qui ne rec le quelque vice odieux Les Confessions Livre X vous de juger et de pardonner
262. audelaire sera donc dans le traitement de ce th me Or la place donn e ce po me dans Les Fleurs du Mal est d j une indication il ne figure pas dans l dition de 1857 mais dans celle de 1861 Baudelaire l a introduit dans la seconde partie du recueil intitul e Tableaux parisiens ce qui est d j une piste suivre ce sonnet comme croquis parisien Mais surtout la premi re partie des Fleurs du Mal Spleen et Id al aboutit au d sespoir comme on l a vu dans l explication pr c dente si bien que dans l architecture g n rale du recueil les Tableaux parisiens sont dispos s comme une halte un moment de r pit 308 Textes po tiques o le po te va tenter d chapper la d sesp rance en s ouvrant la ville en s int ressant au sort des autres Les Petites Vieilles Les Aveugles etc La ville les autres les rencontres vont elles permettre au po te d oublier ses fantasmes ou ses fant mes La Passante par exemple va t elle se r v ler une simple parisienne qui passe pareille tant d autres ou va t elle rappeler au po te une figure id ale l incarnation de la beaut un r ve inaccessible On devine bien s r la r ponse en juger par la profondeur de son trouble et ceci nous sugg re le double niveau la fois r aliste et symbolique auquel nous devons nous placer pour analyser ce po me E LE MOUVEMENT DU TEXTE UN PETIT ROMAN I
263. auver du pass l inoubliable couple que forment Barbara et l inconnu qu elle aime Cela dit c est surtout le visage de Barbara qui merge et domine l vocation Il faut donc examiner comment son nom et sa personne prennent corps dans ce tissu d images et de sons qu est toujours un po me de Pr vert Le pr nom de l h ro ne nous est donn d s le premier vers c est aussi le titre du po me et il fonctionne comme un v ritable leitmotiv de la chanson Quelles peuvent donc tre ses connotations a priori La d sinence a indice de f minit l euphonie des syllabes qui lui donne une sorte de densit essentielle le rapprochement avec le mot barbare qui peut sugg rer l image d une jeune fille assez sauvage trang re enti re spontan e le pr nom rimera avec bras Le d cor nous semble contraster avec la vive d marche de l h ro ne c est l interminable pluie monotone de Brest soulign e par la r gularit du rythme et de l allit ration sans cesse Brest Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour l Mais l entrain et le bonheur de Barbara vont tout de suite impr gner cette pluie de son sourire radieux le tout aboutissant une fusion inatten due entre un tat d me et un paysage qui lui est contraire Entre le vers 2 Il pleuvait et le vers 5 sous la pluie la marche all gre de Barbara a comme modifi le climat L eau de la pluie devient sur elle ruis
264. auxquelles conduit la notion d intertextualit peuvent donner le vertige sur ce qu est profond ment la litt rature vivante On comprend qu il serait hasardeux dans les exercices d explication scolaire de pratiquer la lecture intertextuelle sans une grande ma trise de l histoire litt raire et des savoirs critiques Quelques conseils sur la m thode suivre s av rent donc n cessaires 1 Avant tout notamment l examen il faut se p n trer du texte Tout le texte rien que le texte dans tout ce qu il a d objectif et d explicite concernant ce qu il dit et la fa on dont il le dit voil le premier travail conduire m thodiquement l aide des outils traditionnels d explication que nous avons rappel s dans les articles pr c dents en sugg rant de mettre en relation le je ressens et le je recense composition nature du vocabulaire champs lexicaux figures de style prosodie effets visuels ou rythmiques etc Il est vrai que dans cette premi re op ration des l ments intertextuels accompagnent immanquablement notre approche ce que l on recense nous renvoie forc ment des textes de m me nature ou d un m me genre ce que l on ressent nous rappelle des impressions similaires examiner notre horizon d attente c est recenser des motions que l on croit spontan es alors qu elles sont d j pr construites en nous par l exp rience de lectures ant
265. avec lui Ce dernier r ussit en m me temps interdire Lisette Dorante je ne veux pas que Bourguignon aille sur mes bris es et lui laisser le champ libre puisque le c ur de Lisette ne r pond pas au sien Silvia quant elle se voit mise en situation d objet aim d autant plus d sirable qu un autre d sire cet objet En face d elle Mario et Dorante se trouvent en position de rivalit mim tique Or l tre humain ne d sire jamais tant une chose que lorsqu il la sait intens ment voulue par un autre Cette situation que Silvia n avait pas pr vue l indispose et la pousse contredire son fr re Comment Eh bien en r agissant dans le sens qu il ne faudrait pas puisqu elle d clare Et moi je veux que Bourguignon m aime Conduite dire ces mots elle s engage bien plus loin qu elle ne l imaginait Elle ouvre la voie la premi re galanterie de Dorante Tu te fais tort de dire je veux belle Lisette tu n as pas besoin d ordonner pour tre servie C est d j une d claration damour C est aussi du bel esprit pr cieux souhait par lequel une fois encore Dorante chappe son d guisement de valet 168 Textes dramatiques On peut souligner le triple plaisir qu prouve ici le public plaisir esprit plaisir de c ur plaisir aussi de voir la rivalit mim tique qui va gagner prendre corps entre les deux jeunes hommes La fa
266. avissement en l exhibant aux yeux du lecteur la confusion affirm e entre le bruit de ses pas et les fortes voix fantasm es des b tisseurs laisse tout de m me perplexe On comprend d s lors la circonspection de Stendhal qui refuse de faire des phrases Sans doute parce que dans le genre il est difficile de faire mieux que Rousseau mais aussi parce que le transport qu il faut prouver devant l difice est devenu une motion romantique convenue Stendhal conc de que le pont du Gard a une beaut qu on peut sentir mais c est pour mieux orienter le lecteur vers la forme utilitaire du monument qu il faut comprendre L intelligence doit primer le c ur En disant que cet ouvrage doit agir comme une musique sublime que c est un v nement pour quelques c urs d lite il laisse entendre qu il pressent cette motion car on n imagine pas qu il se place dans la cat gorie des c urs vulgaires mais qu il la retient en la pr tant d autres et peut tre pr cis ment Rousseau Bref Stendhal ressent mais ne veut pas exhiber ce qu il ressent D o le refus de la narration au pass narrer c est d j dramatiser mettre en sc ne D o le refus du crescendo lyrique peine a t il voqu ce qu une me peut prouver qu il revient la r alit technique d une construction faite de pierres de taille pos es sec Le souci du concret pr munit contre l
267. ble L animation l l vation la pouss e omnipr sente de la vie ont donc quelque chose de religieux m me s il s agit d un myst re naturel On ne voit certes pas Dieu l uvre mais tout se meut avec une h te divine Colette parle non de plante mais de cr ature v g tale et cela implique l id e d une cr ation qui ne cesse d ob ir un appel secret Le mouvement ascensionnel de la pivoine de ce point de vue prend un sens nouveau l oppos d un enterrement c est un surgissement de la vie qui s inscrit dans une vaste pouss e de la terre vers le ciel Ainsi l occasion d un printemps particulier l auteur c l bre le printemps ternel celui de son souvenir celui de ses meilleurs souvenirs comme manifestation rituelle d une Nature anim e qui rena t volontairement chaque ann e C est une c l bration pa enne de la Vie E CONCLUSION LA SUITE DU TEXTE Ce passage n est qu un extrait la premi re page d un texte qui en compte quatre Lorsqu un texte est convenablement analys il arrive qu on y d c le des virtualit s ou des intentions secr tes qui par la suite seront explicit es et para tront ind niables C est le cas de ce chapitre de La Maison de Claudine dont voici quelques extraits qui confirment les aspects que nous venons de mettre en valeur qualit sensorielle des vocations r alit intemporelle du souvenir irr sistible pouss e de la
268. ble du genre humain sens peu probable l poque il va de soi que Don Juan cherche beaucoup moins justifier son acte qu r cuser toute all geance l id e d un Dieu Apr s tout Don Juan offre au Pauvre ce que le Ciel lui refuse moins que Don Juan soit lui m me man uvr e Le Pauvre On est tent de l id aliser d embl e en raison de sa condition mis reuse Ce personnage est pourtant au d part beaucoup moins saint qu il n en a Pair Il qu mande il fait son m tier de mendiant ni plus ni moins il propose m me ses pri res sous la forme d un marchandage qui justifie en partie la r action de Don Juan Si l on en juge par ses premi res r pliques son boniment n est il pas la fois ambigu et st r otyp Premier nonc Je suis un pauvre homme Monsieur appel la piti retir tout seul dans ce bois depuis dix ans recherche d estime je ne manquerai pas de prier le Ciel mise en avant d une activit sainte et d sint ress e qu il vous donne toute sorte de biens Toute sorte C est dire des biens mat riels autant que spirituels Il s agit donc d un change d un donnant donnant votre aum ne ne sera pas seulement un don ce sera un investissement qui peut vous rapporter gros cf notre sch ma triangulaire ci dessus Deuxi me nonc ambigu Prier le Ciel tout le jour pour la prosp rit des gens de bien
269. c Moreau le h ros de L ducation sentimentale et sa ma tresse Rosanette font un s jour Fontainebleau Ce soir l ils d n rent dans une auberge au bord de la Seine La table tait pr s de la fen tre Rosanette en face de lui et il contemplait son petit nez fin et blanc ses l vres retrouss es ses yeux clairs ses bandeaux ch tains qui bouffaient sa jolie figure ovale Sa robe de foulard cru collait ses paules un peu tombantes et sortant de leurs manchettes tout unies ses deux mains d coupaient versaient boire s avan aient sur la nappe On leur servit du poulet avec quatre membres tendus une matelote d anguilles dans un compotier en terre de pipe du vin r peux du pain trop dur des couteaux br ch s Tout cela augmentait le plaisir l illusion Ils se croyaient presque au milieu d un voyage en Italie dans leur lune de miel Avant de repartir ils all rent se promener le long de la berge Le ciel d un bleu tendre arrondi comme un d me s appuyait l horizon sur la dentelure des bois En face au bout de la prairie il y avait un clocher dans un village et plus loin gauche le toit d une maison faisait une tache rouge sur la rivi re qui semblait immobile dans toute la longueur de sa sinuosit Des joncs se penchaient pourtant et l eau secouait l g rement des perches plant es au bord pour tenir des filets une nasse d osier deux ou trois vieilles chaloupes tai
270. caces crits pour tre lus chez soi ou prononc s en public dont l objet est de communiquer des convictions de d noncer des r alit s scandaleuses de d fendre de justes causes d entra ner les foules bref de faire penser faire croire ou faire agir N tant ni descriptifs ni romanesques ni dramatiques ni po tiques ils chappent aux genres litt raires consacr s en d pit de leurs qualit s On les nommait autrefois textes d id es ce qui n tait pas satisfaisant On les nomme maintenant textes argumentatifs et cette d nomination n est gu re plus heureuse puisqu elle laisse entendre que le seul contenu de ces pages d cide de leur caract re et de leur r ussite Car la volont de convaincre que l auteur use de la froide logique du raisonnement ou manifeste les lans d une conviction passionn e ne peut se contenter de la pertinence de l argumentation Pascal souligne juste titre cette loquence qui persuade par douceur non par empire L ordre du discours l art de la rh torique et les subtilit s de l nonciation sont beau coup plus persuasifs que la force brute des arguments souvent banals voire cul s Les discours qui entendent agir sur leurs destinataires cherchent le plus souvent les toucher jouer de la corde sensible en usant de ce que les linguistes appellent la fonction impressive cf Clef n 29 Cela ne signifie pas qu
271. ce que langue ancienne le latin cristallise l exp rience imm moriale de l humanit La Mort est intemporelle Je vis cette faucheuse Le d monstratif cette renvoie la fois au titre et aux r f rences culturelles du lecteur cens savoir que la faucheuse c est la mort Avis aux candidats qui ignorant cette r f rence classique croiraient voir l l vocation d une tr s actuelle moissonneuse batteuse c est arriv Il s agit bien ici d une personne qui fauche avec une faux Je vis en nous invitant voir avec lui le po te se pr sente d s ce d but comme visionnaire A t il eu cette hallucination A t il r v qu il tait transport en un lieu d o l on peut assister au travail cosmique de la Mort 276 Textes po tiques Non sans doute il s agit l d un mode de vision proph tique qui nous renvoie consciemment aux mises en sc ne du genre apocalyptique L nonciateur joue au t moin le pass simple servant authentifier son t moignage Elle tait dans son champ Pourquoi cette vidence Pour insister sur le fait qu elle est bien dans son l ment dans son domaine la nature le veut ainsi La suite va nous indiquer que le champ de la Mort est la plan te Terre confirmant ce qu il y a de redoutable dans cette pr sence que personne ne peut viter Cette place naturelle de la mort sa s r nit dans son travail nous sont galement s
272. ces Notons qu ici ce n est pas forc ment le caract re lui m me des personnages qui nous amuse on rira plut t des inadapiations quyi en d coulent des effets de contraste qui peuvent en r sulter etc Ainsi le Misanthrope de Moli re ne devient risible que parce que tout en d clarant ha r le genre humain ce qui n est gu re dr le il pr tend malgr tout se faire aimer d une jeune coquette dont il est amoureux De m me Don Juan ne fait pos rire par lui m me il est trop d moniaque pour cela mais l opposition de son personnage au valet bavard qu est Sganarelle la paire pittoresque qu ils forment tous deux font de leurs changes et de leur relation un duo comique 6 Le comique de l irr el ces cinq traditionnels niveaux de comique qui souvent se m lent dans une m me sc ne nous serions tent d en ajouter un autre qu on pourrait d finir comme le comique de l absurde ou de l irr el Une pi ce de lonesco comme la Cantatrice eo mes ol chauve par exemple o se trouve naturellement du comique de mois ou de situation nous fait rire en d veloppani des sc nes anormales aberrantes d li uine sont d ailleurs souvent qu un grossissement caricatural des incoh ences dy monde social l auteur parodie ou inverse les st r otypes du langage et des conventions quotidiennes il d stabilise les habitudes de_ pens e D que nous croyons les plus naturelles et nous fait alors prendre
273. ces deux vers visualisent l effroi de l homme La profondeur de champ soudain cr e par le recul du vers 4 emporte notre regard dans cette ombre ind cise o l invisible et l inconnu peuvent surgir nous faisant tout craindre cf les profondeurs noires du ch teau de Heidelberg dans notre Explication n 2 Car qu y a t il au fond de l ombre Du tremblement du recul tout semble signe d angoisse aussi loin qu aille notre regard la dynamique du vers invite poursuivre sans fin ce qui recule Le vers 5 accentue le climat de peur sa construction met en relief le mouvement mutuel des yeux et des lueurs Au d but il y a l homme la fin il y a la faux entre les deux les yeux fascin s par l clat mena ant de la faux Le rythme et les sonorit s parach vent l vocation Mise en valeur des mots essentiels par l accent tonique allit rations ou assonances dont la r p tition favorise l effet d entra nement de ces vers implacables Dans l ombre o l on dirait que tout tremble et irti L homme suivait des yeux les lueurs de la faux 2 La toute puissance de la Mort Changeant soudain de dimension tout en poursuivant son r cit au pass Hugo nous fait survoler les temps et les lieux comme si toute l Histoire des hommes se contractait en un tableau hallucinant Il suffit d un Et voici que s tablit la relation de cause effet entre l action de la Faucheuse et les i
274. cette parole intime qui n est en rien gocentr e continue d tre habit e par le souci de l humanit victime de la terre ingrate ce qui prolonge ici la th matique des strophes pr c dentes En contemplant ainsi la majest des souffrances humaines le couple fait de la compassion le c ur de son amour et simultan ment s ternise dans cette attitude Se projeter dans le futur pour y parler des autres au pass c est exorciser pour soi la menace du Temps la lecture les accents de ces vers doivent peine tre marqu s pour faire sentir l harmonie et la m lancolie sereine de ce dialogue ininterrompu voix basse On peut noter ici le r le des assonances en ou eu on qui contribuent notamment dans le troisi me vers la douceur m lodieuse de l nonc Nous nous parlerons d eux l heure o tout est sombre C est alors que le po te se tourne d lib r ment vers va dont la personne la Figure va occuper tout le champ du tableau et s y fixer comme pour l ternit 292 Textes po tiques Nous nous parlerons d eux l heure o tout est sombre O tu te plais suivre un chemin effac r ver appuy e aux branches incertaines Pleurant comme Diane au bord de ses fontaines Ton amour taciturne et toujours menac Indolente r veuse m lancolique amoureuse menac e silencieuse va se fige peu peu sous nos yeux Elle volue encore semble t il
275. compte deux nonc s Je vis cette faucheuse Elle tait dans son champ Le second vers n en compte qu un Elle allait grand pas moissonnant et fauchant de sorte qu on n a pas besoin d une suite pour comprendre Dans le vers 6 en revanche la pause normale qui se trouve en fin d alexandrin laisse la signification du vers en suspens lt Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux nous avons besoin du d but du vers suivant pour savoir ce que font ces triomphateurs ils tombaient 1 Ce petit membre de phrase le verbe n cessaire notre compr hension a t rejet au vers suivant On l appelle ce processus un rejet Cependant certains auteurs nomment aussi parfois rejet l l ment court ainsi rejet Un peu plus loin aux vers 16 17 c est tout un ensemble n cessaire la compr hension de la phrase qui d borde sur le vers suivant Les peuples perdus semblaient sous la faux sombre Un troupeau frissonnant qui dans l ombre s enluit La phrase semble ainsi enjamber les vers pour se d rouler compl tement on parle donc d enjambement Le processus est le m me que celui du rejet mais c est l ampleur du chevauchement qui a chang Les effets du rejet ou de l enjambement proviennent toujours du d calage tudi entre la syntaxe de la phrase et le rythme normal du vers ce sont des effets de surprise de mise en valeur d amplitude inattendue ou de cl ture brisant le flux Dans Les Aveug
276. conscience de l absurdit des normes qui gouvernent nos vies De nombreux sketches modernes dont ceux de Raymond Devos s inscrivent dans celte veine ils nous r v lent l irr alit du r el en faisant ressortir par un certain nombre de proc d s fort classiques les logiques d lirantes qui sous tendent la r alit la plus banale nies _ qui ne Raymond Devos 199 Clef n 24 Les proc d s qui font rire Une chose est de diff rencier les niveaux de comique une autre est de rep rer comment dans quelque type de rire que ce soit l auteur s y prend pour faire rire Les contenus des situations ou des r alit s qui nous amusent sont souvent graves on l a les motivalions profondes qui se manifestent dans le rire s alimentent nos angoisses ou de troubles pulsions comment donc d clencher le rire propos de ce qui pourrait tout aussi bien engendrer g de la tristesse ou de la col re Voici donc quelques proc d s classiques parmi les plus fr quents e Le grossissement du trait C est le Principe premier de toute caricature Le trait doit la fois tre ressemblant et exag r Notre plaisir est de reconna tre l exachi de du croquis dans ce qui est pourtant une incroyable d formation ef Vice Versa Plaisir de reconna tre plaisir aussi de mesurer l cart entre le portrait efTe mod le il ne faut pas que cela soit trop gros OU alors il faut q que ce soit pris au second degr etc
277. ct trop calcul de sa phrase Mais c est l sa libert d auteur Celle du lecteur sera corollairement de savoir d jouer les pi ges de l auteur Telle est l intelligence du texte D o l utilit de son explication Mais il ne faut pas se tromper dans les objectifs et les m thodes suivre pour bien expliquer E CE QUE N EST PAS EXPLIQUER UN TEXTE Rappelons que la langue avec son vocabulaire sa morphologie sa syntaxe constitue un code premier fondamental La litt rature avec ses grands genres po sie th tre roman discours ajoute ce code de base une s rie de codes seconds qui sont pr cis ment les codes litt raires L art d crire consiste bien manier ces codes L art d expliquer une page consiste bien analyser ce maniement Ce que l auteur a encod avec les mots de la langue et les r gles d un genre notre t che va tre de le d coder Cela 14 Principes et m thodes suppose une tude aussi compl te que possible des effets du texte mais aussi des proc d s qui ont permis de les produire Pour bien pr ciser ce qu il faut faire nous allons passer en revue les quatre principaux cueils viter Expliquer un texte donc Ce n est pas le r duire son sens Et encore moins au th me g n ral qu il illustre Qu un po me chante la joie d aimer la beaut de la nature ou la douleur d un deuil cela ne suffit pas le rendre mouvant Il faut sans do
278. cts dans le monde des choses ou dans la vie des hommes Le but du r alisme est en principe l objectivit parfois m me l objectivit scientifique L auteur veut tre transparent ne rien ajouler au r el ne pas mentir en particulier il vite le mensonge de l art qui cherche toujours plus ou moins id aliser la r alit Mais ce louable objectif ne peut pas tre totalement innocent Un crivain en effet s adresse un public qui ne d sire pas n cessairement assister une froide observation du monde Si l auteur veut lui d crire la r alit telle qu elle est et m me parfois comme Maupassant lui donner de la vie une vision plus compl te plus saisissante plus probante que la r alit m me Pr face de Pierre et Jean 1888 c est sans doute pour l informer pour l instruire mais surtout pour le faire r agir Car le r alisme n est que tr s rarement le seu but d un texte Si l auteur veut donner une impression de r alit pour faire croire ce qu il d crit c est aussi partir de l pour mieux communiquer d autres effets motions vocation symbolique messages pr cis elc En v ril le r alisme pur est impossible Voici pourquoi Vouloir tre objectif ce serait vouloir tre exhaustif Or l auteur ne peut jamais tout dire sur une r alit aussi simple soitelle Ne serait ce que pour le d cor d une chambre il risquerait d assommer son lecteur par une description minutieuse
279. cture Il faut donc apprendre observer m thodiquement tout ce qui se passe dans notre conscience face au texte Nous avons parl dans le chapitre pr c dent du grand livre de la vie que nous avons tous dans notre esprit Ce dictionnaire vivant nous habite avec son immense r servoir de mots et d images d exp riences et de r ves de significations et d interrogations Il est structur dans notre m moire par le biais du langage C est gr ce lui que nous pouvons lire c est dire trouver un sens et une r alit ce que nous lisons Avant toute lecture il nous faut donc savoir reconna tre ce r seau int rieur qui va entrer en r sonance avec le texte en fonction de la nature de celui ci Dans un premier temps nous allons fouiller dans notre m moire et nous interroger sur les impressions pr liminaires d j install es en nous par nos exp riences ou nos lectures qui sont r activ es l occasion du th me ou des r alit s dont traite une page litt raire Cela s appelle reconna tre en soi 28 Principes et m thodes lhorizon d attente cf Clef n 38 Par exemple si jai commenter le po me Les Aveugles de Baudelaire je puis d abord me demander Qu est ce qu un aveugle pour moi Comment ai je r agi enfant quand j ai pris conscience que des gens ne voient pas Ai je eu peur Ai je eu piti Ai je eu le sentiment que ces gens l ont un myst re Qu ils ont la visio
280. d enfermer son interpr tation dans les lois du genre auquel il semble appartenir Le commentaire d une telle page risque toujours de manquer l essentiel si on la limite elle m me Pour en saisir toutes les dimensions il faut la r ins rer dans l uvre c est dire ici dans l ensemble d Aur lia r cit par lequel Nerval interpr te sa folie comme la douloureuse perte d une femme mythique suivie des preuves mentales qu il lui faut subir pour m riter de la retrouver Ce dont t moignent ces quelques extraits propos de la culpabilit Selon ma pens e les v nements terrestres taient li s ceux du monde invisible Qu avais je fait J avais troubl l harmonie de l univers magique o mon me puisait la certitude d une existence immortelle propos de la place de la Vierge m re dans son imaginaire Je reportai ma pens e l ternelle Isis la m re et l pouse sacr e toutes mes aspirations toutes mes pri res se confondaient dans ce nom magique je me sentais revivre en elle et parfois elle m apparaissait sous la figure de la V nus antique parfois aussi sous les traits de la Vierge des chr tiens propos de sa relation l univers Comment me disais je ai je pu exister si longtemps hors de la nature et sans m identifier elle Tout vit tout agit tout se correspond les rayons magn tiques man s de moi m me ou des autres trav
281. d un bonheur conventionnel en m me temps que sa r alit subjective et nous en faire prendre distance Mais elle s accomplit sans son intervention directe En crivant Tout cela augmentait le plaisir l illusion apr s avoir d crit le menu le vin r peux les couteaux br ch s il nous force l ironie il nous emp che de lire la sc ne au premier degr La phrase suivante enfonce le clou Ils se croyaient presque au milieu d un voyage en Italie dans leur lune de miel L auteur narrateur n h site donc pas p n trer dans le for int rieur des h ros pour dissiper nos yeux leur illusion de bonheur Insistons sur le presque il signifie que nos personnage savent sans doute qu ils ne sont pas dans cette lune de miel mais qu ils se jouent la com die de croire eux m mes ce bonheur conventionnel Un doute plane d s lors sur tout ce qui pr c de et sur tout ce qui suit La phrase finale confirme que quand bien m me les personnages ne douteraient pas nous autres lecteurs nous ne pouvons plus tre dupes I ne doutait pas qu il ne f t heureux jusqu la fin de ses jours tant son bonheur lui paraissait naturel inh rent sa vie et la personne de cette femme Dire il ne doutait pas c est d j mettre distance suspecter ce que croit Fr d ric Dire d un amoureux qu il croit tre heureux jusqu la fin de ses jours c est ironiser sur la na
282. d roulement r gulier est marqu par quatre accents toniques soulign s ci dessous qui mettent en valeur les mots essentiels Le jour n est pas plus pur que le fond de mon c ur enfin l cho des voyelles longues que prolongent les r our ur ur semble tudi pour mieux fondre ensemble les sens des trois mots clefs jour pur c ur Le personnage qui Racine pr te ce vers est donc toute transparence dans ce qu il dit comme dans la fa on dont il le dit Si Pon conna t cette trag die on sait que le personnage d Hippolyte est l antith se vivante de Ph dre qui elle se d bat dans une passion sombre et coupable Ce vers prend ainsi une dimension nouvelle par le contraste qu il op re entre la puret de l innocence du jeune homme et la noirceur du crime de l h ro ne L explication s ach ve sur cette remarque L essentiel est dit Au cours de ce bref commentaire nous venons d explorer m thodique ment deux voies une recherche sur nos impressions en principe subjectives pour mieux saisir Ce que nous prouvons une recherche sur les moyens d expression employ s dans ce vers pour mieux comprendre ses effets Mais dans chacune de ces voies nous ne pouvions oublier compl tement Pautre C est qu il fallait bien en analysant notre impression avoir Pesprit les mots clefs du vers et une certaine connaissance de leurs connotations corollairement en recensan
283. d une lecture D autre patt la focalisation romanesque qui la plupart du temps est interne nous situe malgr nous au c ur de la subjectivit du h ros nous ne pouvons pas faire autrement que de percevoir les choses travers ses r actions lesquelles par transposition appellent les n tres Ainsi notre exp rience personnelle de l angoisse 124 Textes romanesques nous a permis d adh rer l angoisse de Tchen la focalisation interne nous oblige voir le monde par ses yeux le r sultat est que nous nous identifions un assassin Processus identique celui dit de cam ra subjective au cin ma qui filme tout partir du regard du personnage nous faisant co ncider totalement avec sa perception des choses Ces deux voies de l identification sont videmment compl mentaires par l une nous nous reconnaissons dans le h ros f tce partiellement Par l autre nous sommes projet s en lui Cette alternance en cours de lecture aboutit ce que peu peu la nature du personnage d teint sur la n tre Son identit fictive enrichit la n tre ou nous la fait mieux conna tre on va d couvrir en soi par exemple en s identifiant Tchen une trange pulsion sadique 1 L identification n est donc pas seulement un _ processus neutre permettant de mieux entrer dans un r cit elle laisse des traces et c est aussi pour cela qu on peut aimer lire ou tre spectateur de fictions ka le
284. dans la mesure o au del des individus que sont le Pauvre et le Seigneur ce sont deux figures arch typiques qui se rencontrent celle du Tentateur qui veut s duire et celle du Saint qui r siste Don Juan d fie le Ciel travers 1 Dom vient du latin dominus le ma tre L orthographe ancienne a fait place peu peu en raison de la prononciation l orthographe actuelle Don L usage est donc de conserver pour le titre de l uvre l orthographe originelle Dom Juan tandis qu on crit Don Juan lorsqu on d signe le personnage Moli re 151 le Pauvre exactement comme Satan d fie Dieu d o la question qui lemportera Deux m thodes sont possibles pour rendre compte de ces divers centres d int r t L explication lin aire qui consiste tout tudier pas pas de r plique en r plique comme le font de nombreux commentateurs Mais aussi l approche m thodique qui balaye le texte pour en analyser chaque aspect dominant c est cette derni re que nous choisirons ici en nous limitant deux axes de lecture pour ne pas multiplier les balayages Le premier axe d tude centr sur le mouvement de la sc ne et sa tension dramatique analysera sa r ussite th trale sa progression ses effets sur le public tout en nous permettant de jeter un regard d ensemble sur l pisode le fameux plan du texte qui claire chacune des parties qui le constituent
285. dans ses yeux que je l ai prise MARIO Tais toi c est encore pis je te d fends d avoir tant d esprit SILVIA Il ne l a pas vos d pens et s il en trouve dans mes yeux il n a qu prendre MONSIEUR ORGON Mon fils vous perdrez votre proc s retirons nous Dorante va venir allons le dire ma fille et vous Lisette montrez ce gar on l appartement de son ma tre Adieu Bourguignon DORANTE Monsieur vous me faites trop d honneur Marivaux Le Jeu de l amour et du hasard Acte I Sc 6 1730 E JEU ET ENJEUX CENTRES D INT R T La situation de cette sc ne a t pr cis e dans les quelques lignes qui la pr c dent Il importe de rappeler que les spectateurs sont au courant du double quiproquo dans lequel se sont plac s Dorante et Silvia conduits se prendre respectivement pour Lisette et Bourguignon et sans doute int rieurement f ch s de se sentir chacun une certaine attirance pour l autre 1 En vouloir un c ur d sirer s en faire aimer I mest cruel il ne r pond pas mon amour 2 Aille sur mes bris es chasse sur mon terrain on dirait aujourd hui marche sur mes plates bandes 3 Mons terme p joratif pour Monsieur Marivaux 163 qu ils croient d un rang inf rieur Le public va donc assister avec gourmandise une sorte de th tre dans le th tre l image de Mario qui a d clar dans une sc ne pr c dente C est une
286. dans son d roulement et sa po sie Mais bien entendu on peut pr senter l explication sous la forme devenue plus courante du commentaire compos Dans ce cas les divers l ments de cette explication pourraient tre regroup s en trois points Phistoire d une crise analyse du mouvement du texte et de sa signification ce que nous avons fait au pr alable r alisme et fantastique de l vocation tude des diff rents tableaux qu ils soient donn s comme r els ou purement m taphoriques avec quelques commentaires sur les connotations inh rentes certaines images la chauve souris les araign es les esprits errants ma s aussi l tude des effets produits par la versification la nature profonde du spleen depuis l oppression mat rielle et physique jusqu l analyse du paysage int rieur avec son angoisse m ta physique expression la plus profonde du mal du si cle et qui annonce aussi bien la naus e sartrienne que le sentiment de l absurde de Camus cf la fin du chapitre sur l intertextualit p 44 304 Textes po tiques Clef n 35 L accentuation en po sie Dans nos explications pr c dentes Hugo Vigny Baudelaire nous avons vu comment la place des accents toniques tait essentielle au rythme et au sens de certains vers particuli rement r ussis est temps d en approfondir le fonctionnement II faut savoir en effet que la langue fran aise est une langu
287. de sentimentale que sur le ton d une ironie am re Le paysage tranquille d crit dans les quatre premiers vers sert donc de d cor une mise en sc ne celle du Moi je de l acteur qui vient y promener sa souffrance cf le d but du vers 5 et dont la pr sence tranche rait sur la paix des calmes eaux si l on n tait averti que le spectacle est triste L expression de la tristesse du po te comporte plusieurs l ments la plaie probable blessure d amour le choix du mot plaie indique que la blessure n est pas referm e elle est encore vive la solitude elle est li e au souvenir d une communion ant rieure elle est rendue plus vive par le contraste op r avec le rassemblement des sarcelles qui s appellent en battant des ailes l errance celui qui erre ne sait pas o il va il n a pas il n a plus de but pr cis sa douleur le pousse aller mais n ayant plus de sens il marche au hasard parmi la saulaie le besoin d exhiber la souffrance si notable dans le vers 5 dont la cadence croissante moi j errais tout seul promenant ma plaie traduit cette expansion qui se poursuit longuement ensuite en se m lant au paysage triste le caract re lancinant de la douleur en d pit de son ouverture aux r alit s du cr puscule aux l ments du d cor le po te ne peut se d gager de sa douleur comme l exprime la reprise aux vers 10 11 des
288. de ce qui est humain ne mest tranger le raciste semble r pondre Rien de ce qui est tranger ne me para t humain D s lors toutes les formes d exploitation sont possibles l gard de ces gens l Et cette d signation du racisme ordinaire ces gens l qui pointe l index avec m pris sur le groupe des autres n a pas L ironie une fois encore consiste faire comprendre l inverse de ce qu nonce la formule les Noirs sont bien des hommes et les esclavagistes ne sont pas chr tiens Elle clate dans la d n gation p remptoire par laquelle le locuteur repousse l hypoth se de l humanit de ces gens l en les appelant malgr tout des gens donc des tres humains Notons une nuance de taille le locuteur ne dit pas il est impossible que ces gens l soient des hommes mais bien il est impossible que nous supposions que ces gens l soient des hommes C est bien de les consid rer humainement qui lui est insupportable m me s ils font partie de l esp ce humaine Le deuxi me l ment qui d consid re l esclavagiste c est qu il veut en d pit de tout continuer d tre chr tien o plut t d en avoir lair Ce qu il craint c est qu on commencerait croire que La fausset du syllogisme que lui pr te Montesquieu r v le son hypocrisie Le bon raisonnement 1 poserait la question Sont ils des hommes 2 v rifi
289. de leur retirer peu peu leur efficacit Il faut vraiment qu un homme d tat soit porteur d un message attendu par la situation historique pour les justifier Il sufit d entendre certaines allocutions politiques notamment pr sidentielles pour voir combien nos orateurs familiers obs d s de communication ennuient l auditeur avec leurs appels qui sonnent faux et leurs perlormatifs essoutfl s Abuser des performatifs pour se conf rer une image de d cideur finit par d grader le discours en langue de bois alors d nu e de toute valeur d acte de parole Clef n 32 Oxymores et tautologies de l usage aux abus L oxymore est cette figure de style qui allie deux mots de sens contraires pour frapper le lecteur d une sorte de dissonance expressive tant t po tique le soleil noir de la m lancolie tant t ironique une sublime horreur Cette contradiclion apparente a un sens quand Nerval voque le soleil noir de la m lancolie il sugg re l id e que la m lancolie jette dans son me comme des rayons d ombres mal fiques la sublime horreur attribu e par Hugo au visage de Quasimodo signifie que dans son genre elle atteint une forme d infini etc Mais l emploi du proc d n ob it pas toujours des intentions lit raires Dans les discours de propagande l objectif est trop souvent de tromper les bonnes mes en affectant de concilier l inconciliable il suffit par exemple pour absoudre un s
290. de lignes l intol rance para t absurde immorale ridicule l homme sinc re est touch et le croyant tent par le dogmatisme se tait Sur l homme Voltaire Ce texte replacer dans son uvre permet de mieux comprendre le lien entre son d isme et son humanisme On y reconna t la patte de son auteur ce m lange d ironie inimitable et de sensibilit humanitaire d attitude rebelle et de ferveur malgr tout d indignation sans fin et d esp rance dans le bonheur humain Voltaire contradictoire et vivant lanc de toute son nergie dans l aventure de son si cle le si cle des Lumi res la plume la main Clef n 29 Sch ma de la communication et fonctions du langage Pour saisir la sp cificit de la po sie dans le langage le linguiste Roman Jokobson a tabli un sch ma de la communication qui fait autorit Ce sch ma qui est une m thode d approche plut t qu une th orie de la communication d crit les divers facteurs qui sont mis en uvre chaque fois qu il y a transmission verbale d une personne une autre Tout acte de communication linguistique comporle un metteur qui adresse un Message un R cepteur un Contexte ou R f rent ce sur quoi porte le message selon un Code commun tous deux et au moyen d un Canal de transmission qui leur permet d tre en contact Nous avons donc six composantes de la communication d o ressortent six fonctions du langage Voici ce sch ma suivi
291. de son interpr tation Voltaire 235 CONTEXTE ou R F RENT METTEUR 1 CODE 4 R CEPTEUR 2 TUTO MESSAGE 5 1 Du c t de l metteur la fonction expressive du langage Pour qu il y ait message il faut que quelqu un l exprime l nonc a n cessairement un nonciateur m me s il est sign d un organisme une soci t un service etc pour lequel des responsables ont formul le texte Cette composante toujours pr sente transpara t plus ou moins dans l nonc selon le degr d expression de soi que l auteur manifeste travers son message il peut dire je ou au contraire affecter l impersonnalit tre centr avant tout sur son motion ou s effacer de son discours selon la relation qu il entretient avec ce dont il parle cf les Clefs n 4 et n 27 La fonction expressive se manifeste dans les textes lyriques ou po tiques et dans les r cits autobiographiques centr s sur le moi de l crivain Mais l nonciateur tant toujours l m me lorsqu il masque sa pr sence la fonction expressive joue dans tous les discours f tce implicitement 2 Du c t du r cepteur la fonction impressive ou conative du langage On s exprime toujours l intention de quelqu un qu il s agisse d une personne r elle dialogue lettre ou potentielle journal intime manuscrit d une entit personnifi e pri re Dieu ode la Libert ou d un public anonyme lecteur auditeur
292. donne t elle de lui m me Dans quelle fonction l enferme telle 3 Qu estce que la r plique me dit sur les r actions ventuelles du public sur les motions qu elle va vraisemblablement susciter Quel est son effet dramatique par del son sens psychologique Nous avons pu voir ces trois aspects jouer dans cette autre phrase de Don Juan Tu te moques un homme qui prie le ciel tout le jour ne peut pas manquer d tre bien dans ses affaires Mais nous en avons trouv un quatri me en remarquant qu travers la personne de Don Juan Moli re adresse ici une critique acerbe aux d vots hypocrites qui font leurs petites affaires et accusent autrui d impi t Cela devait sauter aux yeux du public de l poque qui s en amusait d autant plus que Moli re tait pr sent sur sc ne dans le r le de Sganarelle Cette quatri me dimension n est videmment pas toujours pr sente Les auteurs ne la n gligent cependant pas qu elle prenne la forme de mots d auteurs qu on peut 160 Textes dramatiques d tacher de la pi ce ou de traits satiriques tr s intentionnels cf Beaumarchais faisant dire Figaro Un Grand fait assez de bien quand il ne fait pas de mal Elle peut aussi appara tre l insu de l auteur en fonction de ce que recherche le commentateur qui sait tout de l intertextualit et cherchera dans telle ou telle r plique un aspect caract ristique de l auteur ou de son univers th tral
293. dresse frontalement quoique implicitement tous ceux qui ont pu tabler sur une d mission du chef de l tat lequel pr cise qu il n a jamais envisag que de maintenir son pouvoir l gitime Vient aussit t une premi re s rie d annonces br ves et combatives j ai pris mes r solutions je ne me retirerai pas je remplirai le mandat du peuple je ne changera pas le Premier ministre lesquelles culminent sur la d cision fondamentale Je dissous aujourd hui l Assembl e nationale Le ton est donn tout est en bonne place Sur cette lanc e l orateur nonce en s expliquant une s rie de mesures moins spectaculaires s il le faut je devrai il faut que s organise etc Puis la fin du discours il r it re le Non gaullien qu ach vent des exhorta tions qui sont en m me temps des certitudes au futur La R publique n abdiquera pas Le peuple se ressaisira L elocutio Cette ligne directrice est port e par le poids des mots en particulier par les fameux performatifs ces verbes dont l nonc accomplit l action m me qu ils expriment cf Clef n 31 En effet les d cisions qu annonce ici le chef de l tat parce qu il est l gitimement le chef de l tat il a pris soin de le rappeler sont des actes imm diatement op ratoires Si l on se reporte au sch ma de Jakobson Clef n 29 on comprend que les performatifs qui d cuplent la puissa
294. e il faut d abord un minimum de r alisme Pour soi comme pour les autres le descripteur veut saisir l image pr cise de ce qu il a vu ou entendu la plus fid le la r alit qu il veut sauver de l oubli il faut faire le choix d un point de vue op rer une s lection des l ments les plus significatifs si bien que d crire ce sera d j interpr ter il est impossible qu une vocation ne trahisse pas un certain retentisse ment que ce paysage cet objet ce moment ont pu produire sur celui qui les a contempl s Directement ou indirectement la pr sence de l crivain se traduit dans son tableau y compris quand il veut affecter la plus grande impassibilit enfin une page descriptive n existe pas toute seule dans son rapport avec la r alit d crite elle fait partie de la litt rature elle entre en r sonance avec la sensibilit d une poque elle peut r v ler des tendances projectives profondes de l tre humain et d boucher sur un symbolisme qui la d passe cf la notion d intertextualit Naturellement ces dimensions demeurent et sont m me plus que jamais pr sentes lorsque la description est invent e pour faire croire la r alit suppos e d un lieu romanesque ou pour cr er une atmosph re vocatrice capable d entra ner l imagination du lecteur comme nous le verrons en abordant les textes plus sp cifiquement romanesques ou po tiques L avion ble
295. e ouvrage du peuple roi Les deux pages soulignent galement les r actions et les motions que suscite n cessairement la contemplation du monument Rousseau en d crivant son admiration devant l objet l effet qu il produit Stendhal en affectant d imaginer les effets que l ouvrage doit produire sur les gens Nos auteurs ont en effet avant m me leur visite la conviction que le pont du Gard symbole de la grandeur romaine ne peut laisser personne indiff rent d o une certaine id e a priori de l effet que produit ou doit produire le monument C est l le fruit de leur culture l avantage de Stendhal tant sans nul doute de conna tre le texte de Rousseau dont il se souvient peut tre tr s consciemment au moment o il crit Dans le premier texte sont donc all gu s l admiration la contemplation ravissante le superbe difice le je ne sais quoi qui m levait l me comparer dans le second texte l admiration le plaisir du voyageur n pour les arts la beaut la musique sublime qui touchent les c urs d lite dont l me s bahit devant l ouvrage du peuple roi Bien qu il parle avec une distance sur laquelle nous reviendrons Stendhal semble int grer dans son texte les effets dont Rousseau t moigne en quelque sorte au premier degr La derni re ressemblance apparente entre ces deux pages r side dans la nature litt raire de l nonc Il
296. e galement le paysage au cr puscule M me style num ratif m me poids des choses qui se trouvent tre l sans rien d autre Pas de personnification pas d tats d me dans ce tableau que n anime aucun lyrisme amoureux vrai dire le seul l ment de vie dans ce paysage la seule r alit qui chappe au regard p trifiant de Fr d ric c est le bruit r p t de la cha ne du puits o la fille au chapeau de paille tire des seaux d eau Et c est ce grincement trangement qui produit la seule vraie sensation de toute la sc ne annulant sans doute par son intensit m me le bonheur idyllique que Fr d ric croit prouver Le regard de Flaubert On sait qu un auteur extr mement soucieux des effets de son r cit se trouve derri re ce texte Flaubert Celui ci voque le ravissement des amants et simultan ment nous en fait sentir les limites Il nous fait Gustave Flaubert 131 croire leur bonheur et nous fait prendre distance l gard de ce que nous croyons selon le niveau de lecture o nous nous situons Cette distanciation flaubertienne s op re d abord indirectement le travail de l auteur en dehors de toute intervention explicite est d j l dans l agencement de cet pisode dans le choix des moments convenus dans le regard pr t son h ros dans les v tements dont il habille l h ro ne etc Tout a t tudi au pr alable pour illustrer la limite
297. e il ne manque aucune occasion de montrer l excellence de sa nature et l on comprend qu il mette ainsi en sc ne sa premi re extase devant un monument romain dans les M moires d un touriste comme le titre l indique l objectif est de passer en revue un certain nombre de r alit s dignes d tre vues en tant que telles si l auteur peut laisser deviner son go t personnel il fait pr valoir avant tout son jugement critique D autre part l poque ne manque pas de jouer au moment o crit Rousseau le c ur la sensibilit pr romantique s expriment sans honte et sans retenue il est flatteur d prouver de grandes motions l poque o Stendhal publie son texte 1838 les r actions contre le romantisme et les facilit s de la sentimentalit ont d j fait leur uvre il devient contestable d taler son c ur moins d un grand talent Et Stendhal n aime pas le ridicule Cependant c est la divergence des temp raments qui nous para t la plus r v latrice La sensibilit les aspirations morales de Rousseau se manifestent avec fougue l inverse Stendhal contr le troitement le Rousseau qui est en lui Car Stendhal n est pas insensible il ressent avec plus de nuances l environnement m me du pont du Gard que Rousseau annulait pour mettre en valeur le monument mais il privil gie l intelligibilit comme protection de la sensibilit C est ainsi que d s le d but
298. e joignant aux calmes eaux Le souvenir lancinant cesse de faire souffrir en s ensevelissant lui m me dans la nuit de l oubli E CONCLUSION Ab me de d sespoir ou consolation d sol e Reprenons notre distinction La peine de l homme Verlaine est sans doute authentique mais on se sent peut tre davantage touch par son expression que par l motion elle m me Car cette expression trouve juste ment dans sa r ussite une sorte de consolation Le paysage tat d me forg par le po te qui n est plus une r alit ext rieure ni une pure motion est devenu un objet esth tique symbolique dont nous savourons la couleur et la musique pour elles m mes Ainsi l expression verlainienne de la peine en m me temps nous d sole et nous console comme ces complaintes que l on prend plaisir chanter parce qu elles ont pr cis ment r ussi transformer la plainte en chanson Clef n 36 Le paysage et l tat d me Le po me de Verlaine que nous venons de commenter l tude du passage o nous avons vu Jules Vall s s identifier la terre natale Explication n 4 les remarques que nous avons faites sur ce qu on appelle l anthropomorphisme Clef n 3 nous permettent de faire le point sur la relation qu tablit un auteur entre les sentiments qu il prouve et la nature ext rieure qu il d crit Il pev y avoir opposition c est la cas le plus rare On peut m me avoir tr s exceptionnelle
299. e a donn lieu une Ace pratique des m dias les rires pr enregisir s qui connent au COUP Y l entra nent rire sans s qu il Hl comprenne pourquoi ile qui peut faie du rire le triomphe de l ab tissement autant qu il peut tre par ailleurs l expression de l intelligence Et de fait dans un groupe il est mal vu de ne pas s associer l euphorie collective celui qui s isole ou ne trouve pas cela dr le est tax de rabat joie cependant apr s coup c esi soi m me que chacun peut trouver ridicule lorsqu il consid re les motifs de son hilarit Rire permet de se squder aux autres se sentir soud aux autres permet de rire Telle est la satistaction mim lique Elle explique le caract re contagieux du rire La port d inconscient qui alimente le rire suppose en effet qu o on oublie sa raison et les censures qui lui sont li es il est plus facile de faire en groupe ce qu on ne ferait pas seul lorsqu on conserve sa conscience critique La phrase plus on est de fous Raymond Devos 197 plus on rit peut ainsi tre lue l envers plus on rit plus on peut se permettre d tre fous ensemble c est dire plus on peut se permettre de r gresser collectivement dans des motions infantiles Et ce plaisir mim tique n est pas sans rappeler la notion de saturnales lorsque le public en vient rire de ce m me ordre social qu il respecte par ailleurs Il y a donc quelq
300. e accentu e m me si ceux qui l emploient couramment ne s en rendent plus compte Le mot La r gle est que chaque mot porte un accent tonique sur sa derni re syllabe sauf s il s agit d un e muet videmment Cet accent consiste donner la derni re syllabe prononc e une intensit et une dur e sonore sup rieures celles qui pr c dent On dira ainsi parfum ph m re h ros h ro ne libert merveilleuse Vend e oc an GN GN GN A A Bien entendu l accent tonique est plus ou moins intense selon l insistance ou la volont d expressivit du locuteur Des erreurs dans le placement de l accent peuvent produire des confusions C est ainsi que le nom de la course le Vend e Globe prononc par erreur la radio Vend e Globe et non Vend e Globe a pu faire croire certains auditeurs qu il s agissait du Vent des globes La phrase Lorsque les mots sont regroup s en unit s syntaxiques groupe nominal groupe verbal courte proposilion le dernier accent tonique prend une importance d terminante On parle alors d accent de groupe Un espoir s un admiroble pal ainsi qu un eenia Ne te verraHe pus o tu fus ma tre pne Cet accent de groupe ne supprime pas les accents des mots pris isol ment il sert moduler la m lodie de la phrase en mettant en relief les segments dont elle se constitue Selon son d bit propre le lecteur peut ralentir sa diction en accentuant davantage l
301. e cas ici le vent est un tre bizarre qui se pla t dans l enfer du froid qui vit des noces glaciales ce qui est effectivement monstrueux aux antipodes de l exp rience normale des hommes qui associent l amour la chaleur La personnification les oxymores froid de l enfer noces surglac es ont ainsi tir le texte du c t du fantastique en accord d ailleurs avec le th me g n ral du roman l o un lecteur press n aurait re u qu une fugace impression r aliste Ce va et vient entre la saisie des impressions et le regard sur le texte nous permet ainsi la fois de mieux le comprendre et de mieux le ressentir Nous cernons mieux le texte comme syst me produire des effets Cela suppose bien s r une bonne connaissance de la plupart des moyens d expression dont use un crivain Mais cela suppose aussi une habitude de lire les textes et de les confronter avec le grand livre int rieur d exp riences et de lectures qui peu peu s difie en nous m mes Car une page ne prend son sens sa port e son originalit que par comparaison avec tous les autres textes qui constituent une culture Aussi parle t on d ailleurs de plus en plus d intertextualit notion qui m rite elle seule un dernier chapitre de m thode CHAPITRE 4 De l intertextualit Constat complexit de la notion du bon usage de la lecture intertextuelle E LE CONSTAT Un texte n existe jamais tout
302. e certaines branches que pour favoriser la croissance des autres Les abeilles r cup rent tout ce qui peut l tre La nature est un syst me conome Tout y a sa finalit L harmonie r gne La lumi re Au fil du second paragraphe on a le sentiment que la lumi re transcende la mati re La colline fumante de blancheur semble appartenir au ciel nuage parmi les nuages en raison de sa blancheur m me chaque prunier est devenu immat riel Puis le rayon horizontal du soleil levant d clenche une tonnante m tamorphose en faisant des r alit s mat rielles la terre le bl les arbres un f erique mensonge de lumi re Chaque Colette 73 plante qui s l ve est assimil e un jet lumineux elle darde son effort vertical Cette magie du matin est accentu e par sa rapidit on l a vu la premi re heure passe vite tout cro t avec h te la pivoine est d crite en acc l r De m me que le printemps est tymologiquement la premi re saison le prime temps de m me Colette choisit de n y montrer que des premiers lans Elle cherche faire sentir le miracle de la croissance tout surgit de presque rien de presque rien tout peut surgir Cette mutation donne lieu une belle antith se La moindre cr ature v g tale darde son plus grand effort vertical Le passage du plus petit au plus grand rendu harmonieux par la sym trie des mots et des sons appara t comme irr versi
303. e compte des syllabes l int rieur du vers la r gle du e muet lorsqu un mot se termine par un e muet celui ci se prononce lorsqu il est suivi d un mot commen ant par une consonne et s efface lorsqu il est suivi d un mot commen ant par une voyelle Voici par exemple le d coupage en 12 syllabes d un vers pr c demment cit nous mettons entre parenth ses le e qui s efface Sur mon cr ne in cli n plan te son dra peau noir l 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Notons aussi que l accentuation n est pas seule d terminer le rythme de l alexandrin ou d autres types de vers La ponctuation tirets virgules points de suspension ou d exclamation ou encore les rejets et enjambements jouent un r le d cisif cf Clef n 33 Enfin il faut souligner que le lecteur garde une certaine libert dans la diction des vers peut d tacher certains mots ou r tablir des accents secondaires en fonction de son expressivit propre et sans trahir la pens e de l auteur Ainsi le vers qui cl t une passante cit plus haut peut tre dit en faisant porter l intonation sur le vocatif ainsi qu en soulignant j eusse pour faire sentir toute l irr alil de ce conditionnel ce qui oblige prononcer l ensemble du vers avec une certaine lenteur comme suit toi que j eusse aim e toi qui le savais TT T TT On vitera de verser dans l emphase videmment une P
304. e concerne ce qui enrichit l autre enrichit mon propre lre ce qui menace l autre me menace On peut s identifier un groupe quipe sportive une nation une ethnie une culture un lieu originel aussi bien qu une personne proprement dite r ellement existante ou imaginaire Pourquoi s identifier Pour assurer son identit pour croire au r ve de soi pour augmenter son lre pour exalter son sentiment d exister Car si le mouvement de l identification dans une premi re phase semble me faire perdre ma personnalit en m assimilant ce qui est autre dans une seconde phase je tire une identit nouvelle de la r alit laquelle je m identifie y a aller retour dans le processus identitaire Sans que nous en soyons bien conscients nous nourrissons une bonne part de notre impression de vivre de multiples identifications aussi passag res et partielles soient lles dans toutes les directions de la collectivit ou du milieu auquel nous apparlenons Il en est de m me pour les crivains ceci pr s que pour tablir leur identit ils jouissent d un moyen privil gi qui s appelle l criture C est par elle que l auteur lt r alise l identification la terre natale dont il sort heureux et fortifi qu il s agisse de Jules Vall s travers son personnage de Lamartine voquant la maison m re dans La Vigne et la Maison ou de Jacques Brel chantant le Plat Pays pour le faire s
305. e dans le temps Cela semble bien tre le cas ici puisque le retour au pays la terre natale aux sources conduit naturellement le narrateur s interroger sur sa destin e Avant m me de relire le texte nous r fl chissons ce que peuvent tre ces Jules Vall s 79 interrogations de toute personne qui revient sur les lieux de son pass qui suis je suis je rest le m me mon avenir tait il d j contenu dans mon pass etc Une fois formul es ces questions il nous sera plus facile de voir si le texte y r pond et de quelle fa on Observons alors attentivement le mouvement du passage l vidence les deux derniers paragraphes font cho aux questions que nous venons de nous poser le narrateur y ressaisit son identit La conclu sion du texte nous indique par l m me son id e directrice la recherche travers les paysages vari s que traverse le train des l ments qui ont constitu l enfance du narrateur et son destin venir Reste examiner plus en d tail les paysages en question qui sont au nombre de deux la Loire bleue la face heureuse puis les rives meurtries du fleuve la face sombre Ce regard sur le mouvement du texte nous sugg re ainsi notre axe de lecture voir comment le narrateur s identifie aux paysages en tudiant au fil du texte les divers pisodes qui se succ dent la Loire bleue les rives sombres la ressaisie de soi Cette explication sera donc lin
306. e dans son sens le plus litt ral l extravagant est tymologiquement celui qui s carte du chemin habituel qui ne sait o il va emport par son d lire Le rythme hach du vers sa cadence croissante soulignent l tat de suffocation de l homme qui n en peut plus et peut tre l Baudelaire ironise t il sur lui m me Dans son il ciel livide o germe l ouragan La crispation fait place aussit t la contemplation L il devient ciel l apposition am ne l image comme en une sorte de fondu encha n La m taphore de l il ciel est d ailleurs fr quente chez Baudelaire qui crit dans l Hymne la Beaut Tu contiens dans ton il le couchant et l aurore Mais ici la m taphore n est pas simplement une belle image ce que le po te lit dans l il de la passante dans ce ciel bleu tre et plomb sens premier du mot livide c est l annonce de ce que serait leur rencontre l histoire d une passion pr cis ment orageuse Car la beaut est ambivalente comme cette passante qui l incarne elle transporte mais elle foudroie L emploi du pr sent intemporel dans ce r cit au pass indique bien qu il s agit d effets toujours actuels de la beaut du programme ternel et fatal de Pamour La femme promet toujours La douceur qui fascine et le plaisir qui tue 312 Textes po tiques La sym trie de ce vers traduit parfaitement cette ambivalence D el
307. e de Corneille les r renversements de situation sont une source in puisable de rires fond s sur l opposition La parodie la satire le pastiche Ces proc d s le plus souvent li s au comique de m urs ont ceci d original qu on ne peut les comprendre que si l on conna t les r alit s originelles situations sc nes historiques uvres phrases etc qui sont imit es d cal es d form es contrairement aux trois proc d s qu nous venons d exposer oom la saisie se fait exag ration de st r otypes inversions du r el tronsposiions o ou d formations plus o ou 200 Textes dramatiques moins subtiles qui font prendre une distance ironique vis vis des mod les imit s et naturellement recours aux figures de style les plus efficaces l antith se le chiasme par exemple Comme exemple de pastiche on peut citer cette formule propos du tiers monde L homme est une louve pour l homme formule qui en parodiant le fameux Homo homini lupus laisse entendre que l Occident continue d exploiter f rocement les pays pauvres qu il afecte d aider e Le monde renvers Au del des m canismes que nous venons de rappeler ce proc d op re l inversion syst matique de lout ce qui semble ordinaire et normal produisant ce comique de l ir el voqu ci dessus qui peut d clencher tant t la joie infantile d chapper aux rigueurs du monde tel qu il est tant t le rire satirique face une
308. e de tous c t s sous nos pieds sur nos fronts Elle est infinie temporellement son cycle celui des saisons et des si cles est sans limite Vivez revivez sans cesse vivez Mais si elle est d esse elle n a aucun m rite cela c est ainsi les imp ratifs paradoxaux de Vigny repr sentent d j un effort pour surmonter le d dain apparent de la Nature il y a un profond m pris dans le fait d ordonner la r alit d tre ce qu elle est alors qu elle ne saurait tre autrement Dans ces premiers vers dont l imp ratif et l accentuation marquent fortement l aspect oratoire on remarque videmment l opposition entre le vous et le nous le po te parle au nom de l homme du sein de l humanit dont il fait partie avec la distance qu implique ce vous six fois r p t et auquel r pondra plus loin le tutoiement intime adress va L homme humble passager qui dut vous tre un Roi Plus que tout votre r gne et que ses splendeurs vaines J aime la majest des souffrances humaines Vous ne recevrez pas un cri d amour de moi L homme D daign un simple objet au regard de la Nature l homme devient par sa place en d but de vers le v ritable sujet du texte sujet de la relative qui suit qui dut vous tre un Roi sujet de la cr ation dont il m ritait la royaut Fragile voyageur de passage en ce monde l tre humain semble gravir tous les chelons
309. e donn la lecture intertextuelle peut consister en une lecture inform e par la psychanalyse la sociologie etc L exemple du mythe d dipe est loquent ce sujet On sait que Freud en a tir le concept n 1 de sa th orie le complexe d dipe Si on conna t un peu la psychanalyse on va donc pouvoir lire la pi ce de Sophocle dipe roi de fa on totalement nouvelle par rapport la lecture qui a pu en tre faite jusqu au XX si cle Idem pour lectre idem pour le Hamlet de Shakespeare idem pour bien d autres uvres dont la coh rence interne se trouve consid rablement enrichie par une lecture dipienne si l on parvient bien s r trouver dans les textes suffisamment d indices autorisant cette lecture Ces perspectives ne signifient pas qu on puisse lire et faire dire un livre ou un extrait n importe quoi Quels que soient notre abord du texte notre horizon d attente et nos hypoth ses de lecture il faut bien s r que ce que nous croyons y reconna tre y soit pr sent c est dire lisible m me si l auteur n en a pas eu conscience et puisse tre tay par des faits ou par des rep rages pr cis il faut surtout qu aucun l ment factuel du texte structures langue th mes etc ne vienne contredire l interpr tation propos e En r gle g n rale on constate que les grands textes de la litt rature sont particuli rement concern s par la notion d intertextual
310. e femme passa Elle n est d abord qu une silhouette puis une veuve puis l incarnation m me de la douleur l accentuation du vers cf les gras les coupes 310 Textes po tiques donnant la phrase une cadence progressive cf les virgules traduisent par le rythme l approche visuelle de cette beaut une femme qui passe Le pass simple exprime ici l action centrale du r cit il traduit aussi par sa valeur ponctuelle la bri vet de ce passage La d marche de la passante n est pas seulement vive elle est harmonieuse d une main fastueuse Soulevant balan ant le feston et Pourlet Visiblement cette femme est soucieuse de son allure elle sait passer sa main gouvernant adroitement le mouvement de sa robe Le rythme de ses pas est marqu par les accents toniques qui tombent r guli rement toutes les trois syllabes la virgule qui oppose et appose les deux verbes au participe pr sent soulevant balan ant produit un effet de va et vient et renforce l impression d amplitude produite par l enjambement du vers 3 sur le vers 4 Le premier quatrain s ach ve sur un point virgule C est l indice d une l g re pause mais le portrait de la passante n est pas achev Baudelaire va poursuivre en un dernier trait l vocation physique et morale de cette beaut en soulignant sa rapidit sa plasticit sa majest Agile et noble avec sa jambe de statue Ic
311. e jour meurt et la nature en porte le deuil en se rev tant de Nuit Mais en v rit cette image ancienne est une projection anthropomorphique dont nous reparlerons plus loin Les deux derniers vers en reprenant avec quelques variantes les vers 3 et 4 immobilisent d finitivement le tableau dans toute son horizontalit Plus Paul Verlaine 319 rien ne luit cette fois L v nement est pass le jour a t enseveli Les n nuphars le recouvrent La description est achev e mais le po me ne s y limite pas M LES SENTIMENTS DU PO TE Voil donc le cadre de cette promenade son lieu et son heure d finis et objectivement pr cis s C est ici que le po te vient prouver et exhiber ses sentiments promenant ma plaie Un premi re remarque doit tre faite propos du titre ambigu Promenade sentimentale Cette expression d signe en effet couramment une promenade d amoureux Or Verlaine l emploie visiblement dans un sens litt ral ce qu il prom ne au soleil couchant ce sont de tristes sentiments Ce jeu de mots laisse penser que la blessure dont son c ur souffre est une blessure sentimentale ou qu une m me promenade a t faite ant rieurement mais en douce compagnie ce qui rend si douloureux de faire celle ci en pleine solitude ce soir l Moi j errais tout seul La plaie quoi qu il en soit est r cente le souvenir en est encore vif et cette promenade ne peut tre qualifi e
312. e l Arabe dans l tranger de Camus le h ros abasourdi par les cymbales du soleil et le glaive de lumi re qui lui rongent les yeux commet son acte dans un tat second en pleine hallucination Intensit sensorielle que l on trouve galement associ e des id es ou des entit s abstraites comme Rimbaud nous le montre dans le sonnet des Voyelles o m taphores et sensations ne font plus qu un noir corset velu des mouches clatantes l pourpres sang crach rire des l vres belles O supr me Clairon plein des strideurs tranges Notons enfin que les sensations ne m nent pas seulement la po sie par la voie de la m taphore de l analogie Elles y conduisent tout aussi bien par la voie de la m tonymie cf Clef n 37 par l association de souvenirs qui n ont en commun que le fait d avoir t v cus au m me moment C est ainsi qu une seule sensation pr cise et limit e en soi peut faire ressurgir tout un monde aux yeux de l crivain comme Colette 75 de toul tre humain d ailleurs On vient de voir chez Colette le claquement d un s cateur faire rena tre tout un monde printanier Il en est de m me chez de nombreux artistes Le plus c l bre d entre eux est Marcel Proust qui a pour ainsi dire labor la th orie de ce processus Dans un pisode de son roman Du c t de chez Swann le Narrateur raconte comment un jour le go t d une petite madeleine tremp e dans une t
313. e paisible Si les guerres sont in vitables ne nous ha ssons pas ne nous d chirons pas les uns les autres dans le sein de la paix et employons l instant de notre existence b nir galement en mille langages divers depuis Siam jusqu la Californie ta bont qui nous a donn cet instant Voltaire Trait sur la tol rance 1763 Voltaire 227 SITUATION DU TEXTE AXES DE LECTURE Cette Pri re Dieu se situe la fin du Trait sur la tol rance publi par Voltaire l occasion de l affaire Calas en 1763 Dans cette affaire exemple flagrant des cruaut s engendr es par le fanatisme religieux Voltaire m ne un combat exemplaire dont ce livre fait partie il s agit donc bien d un texte argumentatif qui doit convaincre et mouvoir un maximum de lecteurs de sorte que le public fasse pression sur les juges pour que soit prononc e la r habilitation posthume de Jean Calas Au cours de ce Trait Voltaire a fait le tableau du fanatisme travers les ges plaid pour les protestants rassembl les arguments et les t moignages des penseurs chr tiens en faveur de la tol rance universelle Au moment de conclure il se tourne alors vers Dieu lui m me l tre supr me n est il pas le mieux plac pour ordonner la tol rance mutuelle tous ceux qui invoquent son nom Pour le lecteur familier de Voltaire dont on conna t l ironie et les sarcasmes l gard des autorit s religieuses il
314. e peindre des tableaux o le pr cis l ind cis se joint Art po tique Les traits descriptifs qu ils soient visuels ou auditifs produisent un effet global d atmosph re vague et brumeuse et cependant chacun d entre eux est d une parfaite nettet Examinons de plus pr s les points de vue du narrateur les lieux o se place son regard gt c est dire par l m me les positions o il nous place pour nous faire voir le sujet qu il d crit sachant que l vocation des sonorit s nous installe ou nous entra ne elle aussi dans les lieux divers d o l auteur les per oit ou feint de les percevoir Nous observons que le regard du descripieur d abord fix l horizon vers 1 descend peu peu vers la prairie puis op re une sorte de zoom sur les joncs verts on y entend la grenouille sans la voir mais on per oit tout de m me le frisson qui circule La seconde strophe s ouvre alors sur les leurs des eaux dont on croit voir en gros plan les corolles qui se referment malgr la faible luminosit Sans transition le regard se rel ve el nous emporle dans les lointains o se profilent des peupliers vers 6 et 7 Et toujours sans transition apparente nos yeux sont ramen s au ras du sol vers les buissons ombreux o errent les lueurs des lucioles Ainsi en deux strophes alors qu une lecture rapide pourrait laisser penser que tout est per u d un Colette 77
315. e place Pascal qui est celui de la parole et de l criture Cet ordre est le sien Et cet ordre est bien sup rieur au pr c dent Cela clate dans l ampleur que prend soudain la phrase pascalienne quand elle voque cette lutte de la v rit dans l ordre du discours Par le jeu des redoublements de termes Pascal amplifie justement la dimension du second ordre ce qui donne Quand la force combat la force Quand on oppose les discours aux discours la plus puissante ceux qui sont v ritables et convaincants d truit confondent et dissipent la moindre ceux qui n ont que la vanit et le mensonge Cette observation nous conduit souligner plus g n ralement l importance du nombre dans la phrase pascalienne Dans l art oratoire on 208 Textes argumentatifs appelle nombre au fil de la phrase la disposition rythmique des mots ou des groupements de termes Cette disposition sert mettre en valeur les termes importants souligner les oppositions d id es ou leur parall lisme nous l avons vu en commentant plus haut les sym tries parfaites de certaines antith ses Mais cette disposition rythmique va au del d une seule mise en valeur du sens elle a un effet musical propre elle tend entra ner l auditeur par les jeux de l harmonie les balancements de l architecture sonore des mots C est ainsi que nous sommes pris par le rythme ternaire du premier parall le Tous les efforts de la vio
316. e que la personnification ob it aussi un effet esth tique nous offrir un beau contraste qui va valoriser l un par l autre l appareil d chu et la contr e insensible o celui ci vient d chouer Un contraste calcul D s le d but l avion est situ dans la montagne dans la neige butoir rocheux le long de la pente Mais au lieu d tre d crit en harmonie avec les choses la montagne pourrait l avoir assimil en l enneigeant il d tonne dans son environnement C est l un choix volontaire de l auteur Ce contraste est explicitement signifi par Troyat lorsqu il oppose les flancs gris et sales de l appareil la housse de neige qui le coiffe Par contraste La couche neigeuse blanche caract rise la solitude vierge de la montagne l avion d truit sanglant vient maculer ce tableau avec ses mat riels disloqu s et ses tra n es d huile Ce spectacle illustre d j le titre du livre m me si ce dernier a une plus ample signification La Neige en deuil qui est un oxymore alliance de deux mots s opposant fortement ici le blanc immacul de la neige est uni son contraire le noir du deuil La nature a sans doute tent d effacer cette tache la neige a bu l essence et le gel a p trifi la peau des flaques noires mais l assimilation s est av r e impossible M me mort l avion n tait pas chez lui dans la montagne la fois comme
317. e quelle sc ne il s agit du Jugement dernier face l tre ternel Avant d examiner le discours de l accus qui se confesse et se justifie la fois commentons cette mise en sc ne La mise en sc ne et sa n cessit Sans transition la trompette du jugement dernier nous projette dans le futur Le rideau se l ve il y a l autour de Jean Jacques d un c t le souverain juge de l autre l innombrable foule des hommes ses semblables Premier acte l inculp se pr sente devant l tre ternel il l apostrophe en le tutoyant solennellement comme Voltaire dans Pri re Jean Jacques Rousseau 243 Dieu Nous avons m me quelques indications sc niques il est venu son livre la main et il va parler hautement Comme dans tout proc s il plaide Son discours d autojustification consiste redire le contenu de son livre qui lui est consubstantiel Cette premi re sc ne accomplie devant le ch ur des hommes cens s couter g mir rougir un deuxi me acte est esquiss chacun est invit d couvrir son c ur au pied du tr ne de Dieu nouveau d tail sc nique avec la m me sinc rit c est presque une didascalie Puis un troisi me acte est imagin au cours duquel un homme oserait se dire meilleur que Jean Jacques en l apostrophant devant tous je fus meilleur que cet homme l Quel th tre m me si l on demeure au pl
318. e roman peut avoir un certain nombre de traits communs avec le lecteur Il est jeune par exemple il a de l ambition des yeux bleus et une me sensible si vous avez vous m me vingt ans le c ur romantique et le d sir de r ussir vous allez vous reconna tre en lui Ces similitudes peuvent porter sur toutes sortes d aspects le corps du h ros son ge sa situation sociale ou familiale son caract re les v nements qui lui arrivent certaines circonstances ses motions ou sa fa on de r agir au monde etc Il suffit souvent de quelques traits communs pour que nous acceptions de naus int resser lui comme nousm mes en n gligeant ce qui nous diff rencie d adh rer son histoire d int rioriser ses tats d me comme s ils devenaient une p rt de notre propre identit ce qui n est pas sans plaisir Bref nous nous identifions cet autre est un je Quelques similitudes partielles nous touchent et voici que le temps de la lecture nous nous projetons globalement Certes nous pouvons aussi nous distinguer de ce personnage lorsqu il devient par trop diff rent de notre image et que nous ne le suivons plus dans telle d cision ou telle r action ce quoi le narrateur nous invite aussi parfois par des effets de distanciation cf nos remarques finales Mais la dynamique romanesque produil le plus souvent un effet d entra nement sans doute li au fait qu un h ros sollicite toujours notre d sir
319. e second niveau consiste classiquement rep rer dans un texte les influences dont il est en partie le produit qu il s agisse d emprunts conscients imitations allusions parodies ou inconscients r miniscences reprises de motifs ou de formes etc Recherche qui s largit tr s vite au contexte historique et culturel dans lequel l uvre a t crite ou repr sent e conditions d laboration mouvement esth tique avec ses ruptures et ses fid lit s etc c est ce contexte que les ditions universitaires retracent souvent de fa on tout fait satisfaisante 3 La lecture intertextuelle au sens large peut alors tre tent e en se donnant tr s clairement quelques hypoth ses de recherche rapproche ments th matiques d ouvrages ou de passages d poques tr s diverses Pamour la mort la cit lexil etc analyse des grands arch types de l humanit notamment des sc nes fondamentales comme la sc ne de la Tentation des mythes qui se r p tent sous diverses formes comme le mythe de Prom th e ou le mythe de Faust sch mas d interpr tation emprunt s aux sciences humaines psychanalyse histoire ethnologie structuralisme pist mologie Le texte peut alors tre mis en correspondance avec d innombrables autres textes qui semblaient sans rapport apparent avec lui laissant soudain appara tre en lui des logiques impr vues des r sonances nouvelles des significations surprenantes La r gle d
320. e sorte de harc lement m diatique qui faisaient de nous des trangers dans la patrie aux yeux m mes de nos immigr s clandestins qui prenaient piti de notre sort nous les patrons les grad s les stress s les maudits qui chaque week end partions crisp s le long d autoroutes meurtri res vers de pauvres r sidences secondaires p niblement relev es de leurs ruines o il nous fallait encore abattre un travail noir sur des dossiers ingrats nous les patrons les obscurs nous les seuls vrais travailleurs du dimanche parfois la truelle la main nous enfin les incompris du monde moderne menac s tant t par la d pression nerveuse tant t par la crise cardiaque tant t par des maladies de longue dur e qui nous plongeaient de longs mois en plein ch mage technique nous ne l tions pas peut tre exploit s tait il de tout repos notre calvaire de d vots du profit notre chemin de croix d adorateurs de la Croissance Et pour tout dire n tions nous pas nous aussi ali n s bien plus qu ils ne l taient eux m mes Fran ois BRUNE M moires d un futur Pr sident Olivier Orban 1975 Edmond Rostand 185 Clef n 21 Les didascalies de l explication de texte l explication de gestes En d clamant son texte Flambeau marche vers Marmont Ce mouvement sc nique souligne le sens profond de sa tirade puisqu il d crit la grande marche des soldats de Napol on Ainsi les indications donn
321. e til la plupart du temps sur le physique du personnage silhouette d ensemble traits du visage etc Balzac se vantait en multipliant les personnages qui reparaissaient de roman en roman de faire concurrence l tat civil C est aussi qu un h ros romanesque n a pas seulement une r alit physique un temp rament il a une existence sociale Pour 140 Textes romanesques le rendre bien cr dible l auteur soigne donc la coh rence qu il peut y avoir entre le physique le moral_et le comportement social de son h ros m me s il s agit de correspondances parfaitement discutables voire racistes lorsque l auteur tablit des liens entre tel aspect physiologique et tel trait moral Le second objectif du portrait est de faire comprendre Les indications sur le pr sent sur le pass sur la situation du personnage dans son milieu physique ou social sur ses manies ou habitudes sur ses passions ou ses pens es vont clairer ou d terminer sa conduite venir Le probl me que l auteur doit r soudre ce sujet c est de n en dire ni trop ni trop peu trop peu et l on trouverait le h ros incons quent trop et l on saurait d avance comment il va agir ou r agir L art consiste ici savoir s lectionner les traits d terminants du personnage mais en les disposant progressivement au fur et mesure que l intrigue se d roule plut t que de tout dire d un seul coup d s le d but Pour que le lecteur ne devine pas trop l
322. e vive l nergie spirituelle du po te Sa puistance clate dans l ultime verbe du po me accentu et dominant le vers gr ce sa position centrale septi me syllabe Sur mon cr ne inclin plante son drapeau noi ay Mais si la charge des accents toniques et des allit rations renforce encore dans cette fin l effet r aliste de la m taphore c est aussi que le po te n est pas seulement un vaincu il est aussi celui qui sait peindre avec le plus un van u grand art la puissance du vainqueur L st sa revanche E CONCLUSION L Id al a sombr dans le Spleen C est dire l intensit pathologique de ce dernier On peut voir dans l h b tement final dans la soumission du cerveau au mal qui opprime une annonce du drame final de Baudelaire frapp d h mipl gie et mourant aphasique Mais ce serait d naturer le po me que de le r duire sa dimension biographique Tout l effort de l auteur est au contraire de faire de sa vie rat e une peinture r ussie en d passant son cas personnel et en exprimant des aspirations ou des maux prouv s par chacun Celui qui d crit l ternel mal du si cle mal que tout tre humain semble destin vivre esp re peut tre soulager ses lecteurs en leur donnant le sentiment de n tre pas seuls dans cet accablement Sur le plan de la m thode l tude suivie laquelle nous avons proc d est sans doute le moyen le plus s r de saisir le texte
323. ectif en renfor ant le camp d en face Pour illustrer cette impuissance sym trique Pascal fait de son texte un jeu implacable d antith ses Antith se entre violence et v rit tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la v rit antith se entre l objectif de la violence et ce quoi elle aboutit relever davantage la v rit M me jeu d antith se dans la phrase sym trique qui suit toutes les lumi res de la v rit ne peuvent arr ter la violence qui plus est elles aboutissent au contraire de ce qu elles poursuivent et ne font que l irriter encore plus Ces deux ordres celui de la violence et celui de la v rit sont bien s r sans rapport l un avec l autre Des nuances de vocabulaire s ajoutent cependant aux parall lismes pour tablir la sup riorit de la v rit Alors que le premier ordre est naturellement exprim en termes de force brute efforts arr ter violence irriter le second se manifeste comme clart la Blaise Pascal 207 v rit est un champ de lumi res elle dissipera le mensonge alors que les injures des j suites n clairciront pas le d bat Chaque ordre a donc sa loi mais chacune de ces lois dans l ordre qui n est pas le sien est totalement inefficace la force ne peut affaiblir la v rit qui est lumi re la v rit ne peut clairer la violence qui est aveugle La forte structure logique de ces formules rend le discours pascalien qua
324. el humanitaire r sonne nos oreilles plus fort que l ironie E CONCLUSION Sur le contenu du texte D une part l analyse de Montesquieu d mystifie des arguments plus ou moins employ s plus ou moins avou s qui justifient encore de nos jours des pratiques injustifiables la psychologie et m me la sociologie du racisme ordinaire sont en partie lucid es dans ce discours que l auteur pr te l esclavagiste D autre part Montesquieu nonce d j ici les fondements de l attitude anti raciste la raison l humanisme les droits de l homme le christianisme authentique Sur l efficacit de l criture On ne peut que saluer la force incisive de l ironie Ces petits paragraphes martel s qui d noncent les absurdit s du racisme les sophismes des exploiteurs ou les l chet s des amateurs de bonne conscience sont videmment bien plus efficaces qu un sermon grandi loquente sur la mis re des N gres C est une le on magistrale illustrant les techniques de l ironie et son effet de d voilement cf Clef n 28 Sur la m thode d explication Les deux axes de lecture que nous avons dispos s en vis vis sont tout fait compl mentaires En tentant de dissocier les deux centres d int r t du texte non sans quelques petits chevauchements difficiles viter nous avons pu observer combien ils sont la fois distincts et indissociables Le fonctionnement de l ironie doit tre analys pour que l
325. elle hallucination aussi maladive que la pr c dente tant le cerveau atteint semble incapable de ma triser en le rationalisant le d lire qui s empare de lui Expliquer ce ne peut tre ici qu expliciter la comparaison de Baudelaire De m me que les cloches branlent l air de m me les ennuis et le spleen font exploser l me La logique de l hyperbole veut que l esprit en crise soit devenu le tableau d un ciel d chir o des cloches furieuses s entrechoquant dans le ciel hurlent affreusement Comme le sugg re un autre po me La Cloche f l e la cloche symbolise la voix de l me Les esp rances du po te bris es comme on l a vu tentent d sesp r ment de s lancer vers le ciel d en percer le couvercle ce dernier appel au monde de l Id al rendu affreux par la souffrance ne sera pas entendu malgr sa violence Il est notable que l hallucination des cloches contrairement celle des araign es pr sente un aspect plus sonore que visuel Le cri de la victime r pond au travail muet des agresseurs Cela nous est signifi par le sens des mots bien s r mais aussi par les accents toniques et les allit rations Des cloches tout coup sautent avec furie T TT T Et lancent vers le ciel un affreux hurlement T M A A Brutalit du premier vers dont chaque segment clate comme s par des autres Des cloches tout c coup TI sautent avec furie double accent de e e a a sur
326. elle position il se place par rapport ce qui est racont par qui il fait voir ce qui est montr Car l auteur d un livre a cette trange possibilit de faire prendre en charge la narration de l histoire par un narrateur distinct de sa propre personne Cette focalisation c est dire le foyer oculaire la grille travers laquelle l auteur nous fait percevoir les v nements les paysages ou les personnages donne lieu aux trois possibilit s que voici La focalisation interne la narration est op r e de l int rieur du personnage que le r cit met en sc ne On voit tout par lui rien ne nous est communiqu en dehors de sa perception ou de sa conscience on est l coute de ce qu il ressent et pense Le narrateur ne nous livre aucune indication qui ne soit pass e par la vision du personnage en tout cas tani que dure le choix de cette focalisation un paragraphe un chapitre un roman entier Cette focalisation est parfaite dans le cas d un r cit la premi re personne cf le texte de Jules Vall s p 78 il y a m me dans le cas d une autobiographie fusion totale entre l auteur cet crivain qui d cide de traiter son propre cas le narrateur l auteur en tant qu artiste qui raconte choisit met en sc ne et le personnage l histoire personnelle et priv e de cet auteur aux diff rents ges de sa vie mais cette fusion est l exception qui confirme la r gle l emploi de la premi re personne n e
327. ement une main deux bras le geste un souffle un front deux grands yeux et un tendre jardin si l on interpr te cette expression comme symbolique Ces manifestations corporelles ne signifient pas pour autant que la femme soit r duite ici un corps lourdement physique si l on observe chacun de ces l ments incomplet par lui m me on s aper oit qu il nous faut imaginer la pr sence globale dont il est l indice en m me temps qu il traduit une discr tion essentielle de cette pr sence La partie renvoie au tout mais le tout ne se manifeste chaque fois que par une approche partielle s lective retenue En un mot l vocation est parfaitement m tonymique cf Clef n 37 Cette pr sence est enveloppante La s rie des aspects voqu s semble faire le tour de la figure aim e mais c est pour montrer quel point celle ci entoure celui qui la per oit chaque fois c est elle qui agit par un l ger contact prendre la main entourer de ses bras fr ler d un geste poser son souffle sa joue contre l paule appuyer le front communier du regard deux grands yeux ouverts Et chacun de ces contacts aura un effet extraordinaire En outre on d c le une progression du lien global vers une communion de plus en plus pr cise qui ne se limite pas au sens du toucher la vue le parfum suivent Non seulement la manifestation de cette pr sence se limite cette s rie de contacts partiels mais
328. ement l tat de la pluie va symboliser la destin e de l h ro ne La pluie de Brest d abord color e par la joie de Barbara devient bient t la m taphore de ce qui arrive Barbara pluie de fer de feu c est la guerre pluie de deuil c est la mort de l aim pluie pourrie c est la d composi tion de l existence d sesp r e de Barbara qui n a plus de sens qui s en va vau l eau comme on dit si bien Revenons sur ces tapes Apr s l vocation de la ville heureuse la musique de Joseph Kosma marque ici un crescendo clate soudain la guerre et le po te pose aussit t la question fondamentale de la destin e de la jeune fille Qu es tu devenue maintenant Or il ne r pond pas directement et c est l tat nouveau de la pluie qui nous informe cette pluie de fer de feu de sang signifie que Barbara est meurtrie l image de la ville qu elle incarne Seconde question qu est devenu l homme qu elle aimait alexandrin ici pouse l ampleur du cri lyrique Est il mort disparu ou bien encore vivant La r ponse nous est nouveau fournie par l tat de la pluie C est une pluie de deuil terrible et d sol e nouvel alexandrin soulignant la solennit fun bre de la trag die Barbara a perdu celui qu elle aimait elle est en deuil l image de Brest de toutes les femmes de la ville veuves de guerre La question de lavenir n est pas pos e
329. ement des ordres et malgr leur impuissance l un sur l autre dire explicitement pourquoi la v rit qui est sup rieure va finir par l emporter C est l objet de la derni re phrase du texte E L ORDRE DE DIEU Qu on ne pr tende pas de l n anmoins que les choses soient gales car il y a cette extr me diff rence que la violence n a qu un cours born par l ordre de Blaise Pascal 209 Dieu qui en conduit les effets la gloire de la v rit qu elle attaque au lieu que la v rit subsiste ternellement et triomphe enfin de ses ennemis parce qu elle est ternelle et puissante comme Dieu m me Cette phrase la plus longue du texte permet l auteur de c l brer l ordre de Dieu qui transcende les r alit s du monde par del la longue guerre que se livrent l chelon humain la violence et la v rit D o trois niveaux celui de la violence dont Dieu va inverser les effets celui de la v rit dont Dieu tablit le triomphe celui de Dieu lui m me qui en hi rarchisant les deux ordres pr c dents l ve le second jusqu Lui Reprenons la d marche pascalienne Le parall le entre violence et v rit pouvait laisser croire un partage indiff rent du monde aux uns la force aux autres la lumi re chacun son domaine selon une distribution quitable Pascal ne l entend pas ainsi les j suites doivent savoir que leur succ s dans l ordre
330. en quelque sorte le r le de metteurs en sc ne ils tirent les ficelles du stratag me ils organisent ce th tre dans le th tre qui fait la fois leur plaisir et celui du public un public trop heureux de jeter comme eux sur les jeunes gens un regard la fois paternel et ironique Premi re tape premiers sentiments Parlons de Dorante d abord D s les premi res r pliques il pr sente bien trop bien Qu il est poli et bien au dessus de son rang ce valet qui dit avoir l honneur de faire la r v rence Orgon le souligne en s en amusant Tu fais ta commission de fort bonne gr ce Aupr s de Silvia il marque un point aupr s du public il ne manque pas d intriguer va t il trahir sa condition par son langage Peut il vraiment faire le valet au risque de d plaire Silvia il est vrai que Silvia n est ici que Lisette Et Silvia C est son tour d tre au centre de notre attention Orgon l attaquant tout de suite par la question Que dis tu de ce gar on l C est exactement la question que se pose le public bien s r comme si l int r t essentiel des ma tres tait de savoir comment se plaisent ou se d plaisent mutuellement les valets nous sommes en pleine convention th trale Comment donc Lisette Silvia va t elle r agir Va t elle entrer dans son r le et supporter l ironie de son p re qui la touche l o elle est sensible c est dire
331. en 1844 La Maison du Berger fut int gr e au recueil posthume de Vigny qui a pour titre Les Destin es Les Destin es rassemblent les interrogations de Vigny sur le mal la souffrance la fatalit le d sespoir de l homme face son destin le silence de la divinit Y a t il une grandeur possible pour l humanit Le culte de l Esprit peut il donner sens la condition humaine Peu peu l esp rance du po te va en effet se fixer sur deux valeurs essentielles la piti que peuvent prouver l homme et la femme l un pour l autre et tous deux 1 Dut pour aurait d est une forme ancienne h rit e du XVII si cle 286 Textes po tiques pour le tragique humain et la po sie perle de la pens e qui peut lever l tre au pur enthousiasme Pour appr cier la fin de La Maison du Berger o apparaissent tous les th mes que l on vient d voquer voici un bref condens de l argument du po me Le po te s adresse va compagne id ale qu il invite partager son r ve et son intimit Si comme lui elle est lasse du bruit de la ville et de la fr n sie des hommes esclaves du progr s mat riel qu elle le rejoigne donc au sein de la Nature dans la hutte roulante d un berger Au c ur de cette maison du Berger ils parcourront le monde mais c est un voyage spirituel guid par la r verie amoureuse qu ils vont se livrer La m ditation po
332. en divertissant Pour ce qui est de la distanciation th trale non plus psychologique mais en quelque sorte politique celle que d veloppe le dramaturge Bertolt Brecht nous nous permettons de renvoyer la fin de la Clef n 16 Tirade d In s Dans Huis clos pi ce de Jean Paul Sartre trois personnages sont enferm s dans une chambre cens e repr senter l Enfer Garcin In s et Estelle Bien qu on ignore pourquoi ils ont t damn s on sait que leur souffrance consiste en ce qu ils ne peuvent pas s entendre trois Ils viennent de le comprendre Le bourreau c est chacun de nous pour les deux autres Contre ce pi ge Garcin propose ses partenaires de se retirer chacun dans son coin Nous fermerons les yeux et chacun t chera d oublier la pr sence des autres In s se retourne alors brusquement vers Garcin IN S Ah oublier Quel enfantillage Je vous sens jusque dans mes os Votre silence me crie dans les oreilles Vous pouvez vous clouer la bouche vous pouvez vous couper la langue est ce que vous vous emp cherez d exister Arr terez vous votre pens e Je entends elle fait tic tac comme un r veil et je sais que vous entendez la mienne Vous avez beau vous rencoigner sur votre canap vous tes partout les sons m arrivent souill s parce que vous les avez entendus au passage Vous m avez vol jusqu mon visage vous le connaissez et je ne le connais pas Et elle el
333. en retrait sur ce que prouvent les faits Autre exemple le pyjama Depuis qu il a achet le m me je ne retrouve plus le mien Nous comprenons que cet argument a t donn par l pouse son mari celui ci le reprend tel quel parce que cela l arrange et lui permet de ne pas voir l vidence son copain couche chez lui avec son pyjama et bien entendu dans son lit Idem pour le soutien gorge pour la radio pour la cigarette chaque fois la preuve irr futable est d tourn e de sa finalit et le mari tromp conclut bien quelque chose mais toujours une demi v rit qui l emp che de voir la vraie v rit Notre plaisir ici est dans l inattendu de l explication Le coup de la radio nous ravit nous ne l aurions pas imagin De m me pour la col re du mari qui voit son ami dans son lit pr s de sa femme c est sur le risque de voir br ler ses draps qu il centre son m contentement pour ne pas voir l vidence de son infortune conjugale Bien entendu nous sommes dans une logique de l absurde Il est de plus en plus invraisemblable que le personnage ne se rende pas compte de la r alit chaque nouvel indice nous attendons sa prise de conscience notre rire est peut tre m me l pour l avertir et chaque fois nous sommes positivement stup faits par l ing niosit de l explication qui lui Raymond Devos 189 permet de ne pas se rendre l vidence Cette progression du
334. en totale soumission le tu accentue la Pr sence absolue de la personne divine Compl mentaire ment le je s efface Voltaire ne l emploie qu au d but encore tourn vers les hommes je m adresse apr s quoi il dira nous ou tu pour assurer la permanence face lui du Cr ateur qu il supplie formellement de rendre l homme tol rant Cet examen nous conduit la question pourquoi Voltaire a t il choisi la forme d une pri re Dieu pour exhorter les lecteurs la tol rance Trois r ponses au moins peuvent tre sugg r es D une part il n y a pas de raison de refuser l homme Voltaire un fond de ferveur ou d motion qui s exprime ici sinc rement m me s il est difficile de savoir s il s adresse Dieu lui m me ou aux hommes de bonne volont D autre part la forme religieuse de son discours a l avantage de le rendre difficile contester en coulant son proc s du fanatisme dans la rh torique d une pri re l auteur peut entra ner plus ais ment l adh sion des croyants Enfin puisque Voltaire combat l intol rance religieuse Dieu tant au centre du d bat il est l gitime de s adresser lui pour lui faire condamner les exactions des fanatiques et le supplier plus particuli rement de faire cesser les luttes fratricides entre chr tiens catholiques et protestants qui se r clament les uns et les autres de son Amour Mais ce n est l
335. encore un peu terne Le mot espace demeure un peu abstrait il faut sans doute pr ciser que c est sa dimension concr te qui nous effraie et tant qu faire multiplier l espace en le mettant au pluriel Ce qui donne Les espaces infinis nous effraient A L auteur peut alors penser que l tre humain est souvent seul lorsqu il contemple l espace en tout cas il ressent davantage sa solitude D o cette nuance Les espaces infinis m effraient La disproportion entre l infinit du ciel et la solitude du moi r duit dans la phrase un seul m rend l effroi plus cr dible De tout temps le sujet humain a pu l prouver De tout temps Voil l id e d ternit qui vient Pesprit de notre auteur et lui permet d enrichir encore sa formule L ternit des espaces infinis m effraie Le lecteur ressent d j mieux la condition de l tre humain perdu dans une double infinit celle de l espace et celle du temps L homme interroge cet univers mais rien jamais ne lui r pond C est peut tre l occasion d introduire dans la phrase l id e du silence de cet univers L auteur rature alors et crit Le silence ternel des espaces infinis m effraie On voit bien la sup riorit de cette formule sur celles qui pr c dent le silence en effet ce n est pas seulement l absence de bruit c est l absence de parole c est absence de r ponse Le silence
336. endre La m tonymie consiste d signer_ yne_ chose non pas en la nommant directement mais en employant un terme qui d signe une autre chose mais li e la premi re par une r lation de cause effet bire To mo au lieu de dire Re par une relation de mati re objet la toile pour le paysage peint sur celte toile ou le fer pour l p e par une relation de contenant contenu cf boire un verre par une relation d origine un Bordeaux pour un vin de la r gion de Bordeaux ou d instrument dire le premier violon d un orchestre pour d signer le violoniste n 1 ou enfin par la substitution de la partie au tou ou inversement il s agit alors de la synecdoque voir plus loin Si l on compare cette seconde fa on de nommer les r alit s objets choses l ments id es au proc d de la m taphore on voit que les deux figures de style s opposent nettement la m taphore est fond e sur l analogie sur une similitude partielle que l on trouve ou que l on pose entre des r alit s sans rapport objectif l une avec l autre c est le locuteur qui cr e la relation la m tonymie est fond e sur l association entre des r alit s qui entretiennent des liens n cessaires entre elles ind pendamment du locuteur Ainsi c est par analogie que la Mort est compar e une faucheuse ce m tier n a pas de rapport avec le d c s des tres humains pas plus qu un autre en tout cas l l all gorie de la Faucheuse
337. ent Elle domine dans le dictionnaire la grammaire un cours de langue l analyse d un texte Elle surgit aussi en direct lorsque l metteur insiste sur un mot Oui bancale j ai bien dit bancale Elle joue enfin dans le choix des registres de langue dont usent les orateurs pour s duire ou humilier leurs cibles 5 Du c t du message la fonction po tique y a toujours un message Celui qui parle pour ne rien dire cherche d j communiquer ce rien Tout auteur tout locuteur travaille le message qu il d sire faire passer en soignant plus ou moins son expression son efficacit sa beaut afin de mieux capter le r cepteur l auditeur le lecteur Lorsque l metteur se centre ainsi sur la forme m me du message en maniant les outils stylistiques d une langue figures de rh torique rythme sonorit s elc domine alors la fonction po tique Ce travail cet art au sens traditionnel ressort en effet de l tymologie m me du mot grec poi sis cr ation fabrication L int r t du sch ma de Jakobson appara t ici s il y a dans toute langue des formes po tiques classiques avec leurs genres et leurs formes notamment la versification la fonction po tique d passe largement le cadre des po mes en tant que tels Jakobson donne l exemple du slogan lectoral des partisans d Ike Eisenhower lors des pr sidentielles am ricaines de 1952 I like Ike Ce slogan fort peu entra nant
338. ent absentes dans d autres types de discours d claration minist rielle mais cela est encore r v lateur celui qui n crit que sous une forme impersonnelle comme dans les proverbes ou maximes manifeste par son type d nonciation une volont d objectivit ou d universalit qui finit par caract riser sa personne Un simple adverbe un adjectif l emploi d un temps manifestent la fa on dont un locuteur glisse son point de vue personnel dans un nonc apparemment neutre e Sans doute peut on affirmer que les Fran ais appel s faire les efforts n cessaires des sondages pronostiqueraient une victoire du non on appelle cela la modalisation Quoi qu il crive un crivain se trahit autant par l usage de l implicite que par l abus de l explicite On se r v le toujours y compris par la fa on dont on se cache Ainsi dire je ou ne pas dire je dans un texte est souvent un choix significatif Il s agit l de l usage de la fonction expressive du langage propos de laquelle nous reviendrons dans la Clef n 29 Le recensement des pronoms personnels dans un discours un po me un r cit est toujours instructif Mais il ne suffit pas d op rer un simple bilan quantitatif il faut observer comment le je se situe par rapport son propre nonc quelle distance il cr e entre sa personne et son propos Victor Hugo 67 le je qui existe et le je qui parle ou encore entre sa p
339. ent intense comme l a montr l tude de sa puissance sc nique Sur la pi ce Alors que la sc ne du Pauvre semblait pouvoir tre d tach e de l uvre on comprend apr s lavoir tudi e qu elle entre profond ment dans sa logique ce qui confirme nos remarques sur l intertextualit l int rieur d un m me ouvrage cf pp 37 46 D une part les personnages s y r v lent D autre part dans la cha ne des aventures du h ros mythique Don Juan cette sc ne est un maillon essentiel pour la premi re fois celui ci choue dans une tentative de s duction et c est une sorte d avertisse ment du Ciel dont il ne tiendra d ailleurs pas compte Le Pauvre l ignore comme il ignore que la Statue du Commandeur viendra peu apr s Moli re 159 adresser un second avertissement Don Juan qui pers v re dans un mauvais chemin Ainsi la connaissance de l uvre donne toute sa port e cette sc ne comme l tude de cette sc ne permet de montrer son apport la symbolique de l uvre Et c est ce lien tr s fort tr s n cessaire entre le tout et la partie qui fait souvent la puissance des pi ces classiques Clef n 18 Quatre dimensions d une r plique Quand un dialogue ne semble pas manifester d effets de style particuliers le risque est grand pour le commentateur de tomber dans la paraphrase en se contentant de r p ter ce que disent les personnages Le lecteur qui se t
340. ent l Pr s de l auberge une fille en chapeau de paille tirait des seaux d un puits chaque fois qu ils remontaient Fr d ric coutait avec une jouissance inexprimable le grincement de la cha ne Il ne doutait pas qu il ne f t heureux pour jusqu la fin de ses jours tant son bonheur lui paraissait naturel inh rent sa vie et la personne de cette femme Gustave Flaubert L ducation sentimentale 3 partie chap 1 1869 E SUJET ET CENTRES D INT R T DU TEXTE Ce passage voque le bonheur de Fr d ric et Rosanette qui d nent dans une auberge un beau soir de juin du c t de Fontainebleau Que se passe t il Rien d autre que le contentement mutuel de deux amoureux dans un cadre propice ce qui nous conduit en premi re analyse recenser les divers l ments que choisit le narrateur pour expliquer le ravissement des amants et faciliter l identification du lecteur Cependant si l on veut bien n tre pas dupes de l vidence d un r cit on pourra tre surpris par la mise en sc ne de ce d ner le jeu des regards sur ce qui est d crit ou certaines expressions du narrateur Ils se croyaient Il Gustave Flaubert 127 ne doutait pas que Une seconde lecture du texte moins na ve que la premi re conduit se poser la question de ce qwa voulu d crire Flaubert un moment vraiment idyllique ou un bonheur st r otyp D o un examen m thodique en deux
341. ent lentement dans mon me l Espoir Vaincu pleure et l Angoisse atroce despotique 20 Sur mon cr ne inclin plante son drapeau noir Charles BAUDELAIRE Les Fleurs du Mal 1857 1861 E SITUATION DU PO ME QU EST CE QUE LE SPLEEN Nous avons d j dit quelques mots de ce po me pour illustrer la notion d intertextualit page 46 Rappelons que le recueil des Fleurs du Mal est structur Dans la premi re partie intitul e Spleen et Id al Baudelaire a ordonn ses po mes de telle sorte que le Spleen triomphe L Id al artistique et amoureux vient en premier mais il semble tellement inaccessible que la D sillusion suit Et parmi les po mes qui chantent la d tresse du po te il en existe quatre qui portent galement le titre de Spleen les num ros 75 Pluvi se irrit contre la ville enti re 76 Pai plus de souvenirs que si j avais mille ans 77 Je suis comme le roi d un pays pluvieux et 78 Quand le ciel bas et lourd Ce dernier po me le plus c l bre est sans doute celui qui voque le plus profond ment le spleen baudelairien 296 Textes po tiques Il faut savoir que le mot spleen d origine anglaise s est r pandu au XIX si cle dans les textes litt raires au sens g n ral que lui donne le Petit Robert M lancolie passag re sans cause apparente caract ris e par le d go t de toute chose Mais la lecture qu on vien
342. ent plac sur la rime derni re syllabe du vers le muet des rimes f minines ne comptant videmment pas La c sure l h mistiche c est dire la coupe qui d limite normalement la premi re moiti du vers nous indique qu il y a un accent sur la sixi me syllabe de l alexandrin Ainsi dans ce vers r gulier de La Cloche f l e nous n avons aucune difficult reconna tre les accents plac s sur la sixi me et la douzi me syllabe Bienheureuse la Ed au gosier gouron Il reste alors trouver les deux autres accents du vers qui se trouvent dans les deux auires mois consiitulifs de ce vers bienheureuse et gosier Cela donne un alexandrin parfaitement r gulier accentu toutes les trois syllabes et compos de quatre mesures 3 3 3 3 Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux T T T Gi Cette r gularit du rythme se retrouve chaque fois que le po te voque un tableau harmonieux comme dans ces vers du Reniement de saint Pierre R vaistu de ces jours si brillants et si beaux M T T O tu vins pour remplir l ternelle promesse T T T T partir de ce sch ma r gulier quatre accents quatre mesures de trois syllabes il peut se produire de l g res variations dans le compte des groupes syllabiques on trouvera couramment les r partitions 3 3 2 4 2 4 4 2 ou 4 2 3 3 eic Puis on rencontrera des modifications plus sensibles toujours destin es quelques effets expres
343. er le pi ge se taire fermer les yeux mentalement se retirer chacun dans son coin oublier la pr sence des autres Ainsi la torture cessera la coexistence se trouvant d s lors annul e ce projet impossible In s r pond dans un lan d exasp ration et de lucidit Elle s adresse Garcin dont la pr sence l emp che de s duire Estelle puis contre attaque Cette v h mente tirade pr sente deux centres d int r t pr visibles l int r t proprement dramatique non seulement parce qu elle va relancer l action si la parade imagin e par Garcin fonctionnait la pi ce s arr terait l mais aussi parce que la vigueur de son loquence doit faire trembler ses partenaires et peut tre aussi les spectateurs l int r t psychologique dans son contenu comme dans sa formulation cette envol e haineuse nous r v le le caract re du personnage Mais ce n est pas tout il est difficile de ne pas voir dans les propos d In s des remarques g n ralisables tout tre humain En arri re plan nous sentons la pens e de l auteur de la formule L enfer c est les Autres Il y a donc un troisi me centre d int r t qui pourrait faire l objet d une analyse syst matique qui est l int r t philosophique du texte Ces centres d int r t tant intrins quement li s il semble difficile de les traiter chacun successivement Nous choisissons donc de porter l accent sur la dimension p
344. erait ou infirmerait cette hypoth se 3 en tirerait la conclusion est il chr tien ou non de les traiter comme on les traite Ici le raisonnement est invers 1 la conclusion est donn e comme principe 222 chang depuis Montesquieu L humanisme de l auteur ici se fonde sur le christianisme C est en tant que chr tiens que les Europ ens devraient reconna tre l humanit des N gres et les traiter humainement Montesquieu passant de l ironie l indignation engage maintenant sa foi il fait dire nous son locuteur paradoxal parce qu il sait qu au fond c est toute la chr tient dont il fait partie qui est en cause dans la pratique de l esclavage et sa scandaleuse justification Textes argumentatifs premier nous sommes forc ment chr tiens 2 l hypoth se est consid r e comme conclusion laquelle on doit aboutir ils ne peuvent pas tre des hommes Ce que d nonce Montesquieu derri re ces sophismes c est l attitude infantile et odieuse des partisans de l esclavage qui veulent cumuler 1 le profit financier en continuant d exploiter les N gres 2 le b n fice moral en conservant leur bonne conscience de faux chr tiens Dernier argument moral et politique De petits esprits exag rent trop Pinjustice que l on fait aux Africains Car si elle tait telle qu ils le disent ne serait il pas venu dans la t te des princes d Europe qui
345. ersent sans obstacle la cha ne infinie des choses cr es REPR SENTER Explication n 12 La sc ne du Pauvre Dom Juan Moli re Explication n 13 Premiers sentiments Le Jeu de l amour et du hasard 6 Marivaux Explication n 14 Tirade d In s Huis clos Sartre Explication n 15 La marche des grognards L Aiglon Rostand Explication n 16 J ai des doutes Sketches comiques Devos CLEFS 18 Quatre dimensions d une r plique 19 L identification au th tre 20 Le morceau de bravoure 21 Les didascalies 22 Pourquoi rit on 23 Les niveaux de comique 24 Les proc d s qui font rire 1 Dans son premier sens le mot dramatique s emploie pour d signer ce qui se rapporte au th tre et l art th tral du grec drama action qu il s agisse de spec tacles amusants aussi bien que path tiques on parle du genre dramatique d un auteur dramatique etc Le second sens d riv du premier beaucoup plus r pandu caract rise comme on sait les v nements alarmants ou des moments d motion intense Bien s r c est dans le premier sens qu on parle en litt rature de textes dramatiques REPR SENTER Comme le roman le th tre raconte Comme le discours le th tre fond sur le dialogue cherche convaincre Comme la po sie le th tre meut fait r ver ou blouit Mais ce qui caract rise avant tout le th tre cest la repr
346. ersonne et la personne qui l nonc s adresse cf l tude du texte de Hugo ou les descriptions du pont du Gard dans l Explication n 5 Il faut se souvenir qu un simple nonc comme je suis heureux implique toujours deux niveaux d expression du moi le je qui parle et le je qui est Le je qui parle porte un jugement de valeur sur le je qui est soit pour traduire cet tat soit pour le cr er cf l Explication n 20 sur le pr ambule aux Confessions de Rousseau Cela se complique si la phrase devient Je crois que je fus un enfant heureux Le contenu de l nonc bonheur de l enfant ancien devient alors beaucoup plus complexe l nonciation implique en effet trois niveaux d expression du moi le moi qui parle aujourd hui le moi qui croit aujourd hui et le moi qui fut Quel vertige soudain Je ne suis peut tre que celui qui veut croire et faire croire qu il a t un enfant heureux et que cet enfant est encore l pr sent en filigrane partie int grante de mon moi d aujourd hui cela s ajoute le fait que dans un nonc le moi est toujours plus ou moins implicitement pr sent Sans user des pronoms ou adjectifs de la premi re personne l crivain ou l orateur peut se manifester par des exclamations qui impliquent toujours des jugements de valeur subjectifs ou par le choix d adijectifs ou d adverbes dont les connotations modulent son nonc si par exemple
347. es trois fois tous ceux cinq fois travers de tels nonc s c est son image que l orateur soigne c est sa dimension il n voque l ampleur du monde que pour montrer la hauteur de sa vision Il se fait grand homme face l Histoire parlant au nom des peuples alors qu il n est rappelons le qu un candidat en t te t te avec l objectif d une cam ra 2 L loquence traditionnelle Elle s illustre d abord dans le style antith tique Celui ci comme on l a vu dans d autres textes permet au locuteur de s affirmer dans un jeu de position opposition et de para tre dominer l ambivalence des choses de ce monde Voici quelques citations il pr sente un passif il pr sente un actif mais c est un h ritage qui n a pas d h ritier Hier il tait tout demain il sera et restera le premier choisir pour le pr sent sans renoncer jamais vos responsabilit s d avenir ma s la question n est pas seulement de le dire c est aussi de le pouvoir On recense d autre part un certain nombre de proc d s oratoires la contre objection certes on m objectera mais on r fute d avance l argument adverse Pappel solennel en fin de discours cf Clef n 31 sur les performatifs les questions oratoires qui contiennent leurs propres r ponses ou les exclamations qui amplifient l nonc comment celui ci comment celui l
348. es choses venir le romancier peut aussi agr menter son portrait de d tails qui sont autant de fausses pistes ou jouer sur les contradictions du personnage La troisi me fonction du portrait est chose ne pas oublier d mouvoir le lecteur L auteur ne s adresse pas notre seule intelligence Il veut nous rendre sensible la personne qu il met en sc ne il veut int resser notre affectivit Cela veut dire faire aimer faire r ver faire admirer ou faire craindre d tester m priser Ce n est pas parce que Vautrin horrifie le lecteur qu il ne le fascine pas Dans les portraits l artiste grossit souvent les traits du personnage de fa on saisir le lecteur lui procurer le plaisir de la caricature ou de l horreur aussi bien que la joie de l id alisation Ces trois fonctions ont pour effet de nous attacher aux h ros et nous donner envie de suivre leur histoire elles sont indispensables notre participation romanesque en existe une quatri me qui d passe les n cessit s du r cit lui m me c est de nous faire conna tre ou reconna tre des exemplaires d humanit captivants en tant que tels Bien entendu cet objectif de l auteur est valable pour l ensemble du livre et du devenir des personnages Mais il est d j pr sent dans le soin qu il met ciseler des portraits tincelants ou expressifs spectaculaires o profond ment psychologiques Le lecteur peut devant ces tableaux prouver le senti
349. es opposant chacun la nature de Jean Jacques celle de ses semblables Deux affirmations radicales ceux que j ai vus ceux qui existent partir du constat j ai vu il proc de par extrapolation Le caract re oratoire des deux formules qui s encha nent nous les fait accepter toutes deux alors que la seconde est une g n ralisation fort discutable L auteur le sait d ailleurs puisqu en disant j ose croire il att nue l absolu de son propos aucun de ceux aucun de ceux Nous ne pouvons rien redire tout cela Jean Jacques doit vraiment tre diff rent 242 Textes argumentatifs 5 Si je ne vaux pas mieux au moins je suis autre Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m a jet c est ce dont on ne peut juger qu apr s m avoir lu Le je qui s exprime ici je suis autre rejoint le je de l crivain apr s m avoir lu Le ton de l crivain et le sentiment de l homme sont indissociables et c est bien pour montrer leur unit qu il fallait montrer leur dualit En l occurrence ils se fondent dans la revendication de l unicit de la diff rence originelle qui fait de Jean Jacques Rousseau un tre part Mais comment peut on se pr tendre la fois un exemple un mod le d humanit cf paragraphe pr c dent et un homme singulier fait comme aucun de ceux qui existent La r ponse n est que sugg r e ici si la nature a mo
350. es et auditives bien s r mais aussi olfaclives tactiles voire gustatives Plus nos sens sont pr cis ment touch s mieux nous ressentons le texte Que le sujet voqu soit agr able ou non le r alisme sensoriel est donc un moyen imparable pour nous faire croire ce qu voque la page pour nous impr gner de son atmosph re D o l importance pour l explication d un texte d op rer et de classer selon chaque sens les sensations caract ristiques dont il est parsem recherche li e l tude des champs lexicaux Mais les sensations ne doivent pas donner lieu de simples constats r alistes D s qu elles deviennent aigu s ou tranges l crivain ne manque pas pour les traduire d avoir recours des images expressives s agit souvent d analogies entre les divers ordres de sensations musicales visuelles on fait chanter les couleurs en parlant par exemple de tons criards olfactives tactiles musicales visuelles comme Baudelaire dans le sonnet Correspondances Il est des parfums frais comme des chairs d enfants Doux comme les hautbois vers comme les prairies Ou encore musical tactile gustatif comme J Brel dans Amsterdam Dans le son d chir D un accord on rance Et ainsi de suite La surintensit des sensations peut aussi se traduire par des m taphores des hyperboles qui tout coup nous font faire basculer dans l irr el dans le d lire On en a un bon exemple avec l pisode du meurtre d
351. es grands probl mes qui se posent l intelligence Bref vous allez dire votre mot et bien au del du bulletin de vote que vous mettrez dans l urne le 5 mai vous devrez et vous pourrez choisir pour le pr sent sans renoncer jamais vos responsabilit s d avenir J exprime l ma plus profonde conviction Un vrai candidat la Pr sidence de la R publique repr sente un ensemble de forces politiques conomiques sociales culturelles Il propose des id es il nonce des choix il montre une direction et il s adresse tous les Fran ais pour obtenir les suffrages de ceux qui se reconnaissent en lui et s il ne le fait pas c est qu il cherche tromper son monde Eh bien moi je consid re comme un honneur d tre le candidat de la gauche au nom de tous ceux qui se sont engag s sur le programme commun et de tous ceux qui se placent dans la perspective d un choix de soci t o citoyens travailleurs seront de plus en plus appel s d cider eux m mes de leur sort Je le fais comme je le peux de toute ma raison et croyez le de tout mon c ur et j essaie de d terminer des moyens qui permettront notre peuple de vivre mieux Certes on m objectera Mais tous les candidats disent la m me chose mais la question ce n est pas seulement de le dire c est aussi de le pouvoir Comment celui ci pourrait il susciter le progr s alors qu il s appuie sur des privil gi s c est dire ceux qui tirent
352. es mots voire ajouter des accents mineurs un aadmiraable exploi ou acc l rer le mouvement de la phrase en ne marquant que les accents de groupe Voici un nonc dont les deux segments sont nettement marqu s par les accents de groupe Sur l onde calme et noire o dorment les toiles celte prononciation le lecteur peut pr f rer une diction qui souligne tous les accents toniques faisant ainsi davantage ressortir le mouvement de l eau Sur l onde calme el noire o dorment les toiles Il s agit en effet d un vers de Rimbaud Oph lie Cette seconde accentuation lui donne semble t il un rythme beaucoup plus conforme aux intentions de l auteur qui use ici d hypotypose C est que l diction po tique est un langage dans le langage Charles Baudelaire 305 Le vers En ce qui concerne la versification et plus particuli rement l alexandrin chez Baudelaire la r partition des accents toniques est essentielle plus ou moins r guli re c est elle qui d termine le rythme Entre deux accents toniques en effet il existe un certain nombre de syllabes qui forment une sorte de mesure de base et l agencement de ces mesures comme dans une partition musicale est la base de la m lodie des vers qui elle m me orchestre leur signification Il est donc n cessaire d apprendre rep rer ces accents Prenons le cas d un alexandrin r gulier Un premier accent facile trouver est forc m
353. es r gles que l intertextualit soit envisag e au sens strict ou au sens large c est d viter de ne voir dans un texte que la r p tition de ce qu on a trouv dans d autres Que la structure dipienne souvent pr sente dans une uvre ajoute une coh rence un r cit ou une sc ne est 44 Principes et m thodes une chose int ressante mais le risque demeure de r duire l uvre ce sch ma au lieu de montrer quelle forme originale il prend dans celle ci par rapport telle ou telle autre Il faut viter de banaliser en faisant d un extrait un doublet d autres textes dont on le rapproche Il y a toujours danger de remplacer une explication par une num ration de r f rences qui montrent la culture du commentateur mais ne rendent pas compte de la valeur sp cifique du texte commenter S il est bon de reconna tre ce qui est r p titif d un texte l autre dans les id es ou dans la forme il faut tr s vite liminer le banal pour mettre en relief l original Ne rep rer des traits communs que pour faire ressortir des combinaisons sp cifiques En un mot ne re conna tre que pour conna tre du nouveau De cette probl matique de l intertextualit on trouvera un magnifique exemple un vrai cas d cole dans l tude compar e des descriptions du Pont du Gard faites respectivement par Rousseau et Stendhal pp 86 92 Mais auparavant voici deux exemples pris chez Baudela
354. escription devait peu peu montrer l avion en contraste avec un environnement qui lui est totalement tranger Ce troisi me effet qui culmine la fin tait ainsi vis d s le d but du texte L explication m thodique devra naturellement s en souvenir M SECONDE APPROCHE L EXAMEN M THODIQUE Si l vocation de Troyat n a qu un seul v ritable centre d int r t l avion nous voyons donc qu elle produit ses effets trois niveaux diff rents Explorons les minutieusement en recensant tous les l ments textuels qui convergent pour mettre en valeur chacun d eux La description r aliste Le premier effet r aliste consiste pour l auteur donner l impression qu il proc de une observation compl te de l appareil Le texte semble faire le tour du tableau vue global sur l avion examen de ses diff rentes Henri Troyat 51 parties le nez les ailes la queue le fuselage le corps Puis notations sur l environnement imm diat les tra n es d huile les flaques la neige Enfin prise de distance zoom arri re dirait on en langage cin matogra phique pour situer l appareil en opposition avec le coin de plan te dans lequel il vient de s chouer Le lecteur tire de cette description le sentiment que rien ne lui a t cach il a tout vu le r el lui est donn tout entier Second effet r aliste l emploi de termes techniques M me s ils sont peu nombreux leu
355. ession qui donne tout son souffle toute sa respiration la tirade l anaphore L anaphore est ce proc d qui consiste commencer une s rie de phrases ou de membres de phrases par un m me mot une m me expression Ici Nous nous qui nous sur lesquels nous qui qui etc Cette tirade comporte ainsi une seule phrase dont les subordonn es alimentent une vaste anaphore et qui culmine dans l nonc de la principale au dernier vers Nous ne l tions pas peut tre fatigu s L anaphore a deux effets elle permet 1 d organiser le discours en mettant en s rie une vari t d l ments verbaux de tous ordres 2 de conf rer une progression une gradation cette s rie Dans une tirade comme celle ci elle exige un souffle puissant de la part de l acteur mais elle lui permet aussi de baliser sa respiration de la poser par paliers successifs l int rieur de ce grand trait stylistique les accumulations et les reprises de mots clefs donnent au tableau toute sa densit Accumulations au fil des vers petits obscurs sans grades fourbus bless s crott s malades sac sabre tournevis pierres feu fusil force de trompette de fi vre et de chansons maigres nus noirs et gais R p titions sur l ensemble de la fresque c est le motif de la maladie le motif de la faim et bien entendu le motif de la marche s
356. est elle m me en relation avec l ensemble des th mes plus ou moins proches ou m me parfaitement oppos s qui ont d j t trait s dans la litt rature qui pr c de Par exemple si j cris un texte pacifiste je puis tre influenc par tel article de l Encyclop die sur la guerre si je mai pas lu cet article je peux tre influenc par d autres auteurs qui l ont lu plus g n ralement je peux tre impr gn de la culture diffuse que les crivains des Lumi res ont r pandue sur ce sujet et mon discours s en ressentira que je le veuille ou non Il ne sera donc pas ill gitime pour un lecteur qui veut commenter ce texte de faire r f rence aux id es qu il a trouv es dans l Encyclop die et qui ne sont pas sans rapport avec ce que j ai crit moi m me quoique n ayant jamais lu le fameux article On voit donc que la notion d intertextualit va permettre un lecteur ou un critique de mettre en rapport des textes qui n ont jamais t objectivement en relation directe Et m me pour clairer ou commenter une page produite un date pr cise de proc der des comparaisons avec des textes crits ult rieurement 40 Principes et m thodes Mais au cours de ces quelques remarques nous sommes pass s insensiblement de la gen se du texte ses rapports avec les textes pr c dents ou contemporains qui l ont nourri la question de sa lecture ce que la connaissance d autres textes publi s plus
357. et partag par tous une r alit ou un principe contestables e Il est clair que la France chacun le sait Le distinguo qui sert souvent luder un probl me en jouant sur les mots I importe avant tout de distinguer les ch meurs des demandeurs d emplois l euph misme les cat gories de Fran ais les moins favoris es et quelques autres Discours radiodiffus Fin 1968 face la r volte tudiante et la gr ve massive des ouvriers le pouvoir gaulliste est branl Le chef de l tat s absente alors de Paris du 28 au 30 mai comme s il abandonnait la partie mais de retour il prononce la radio cette allocution qui selon les commentateurs a renvers la situation en sa faveur Fran aises Fran ais tant le d tenteur de la l gitimit nationale et r publicaine j ai envisag depuis vingt quatre heures toutes les ventualit s sans exception qui me permettraient de la maintenir J ai pris mes r solutions Dans les circonstances pr sentes je ne me retirerai pas J ai un mandat du peuple je le remplirai Je ne changerai pas le Premier ministre dont la valeur la solidit la capacit m ritent l hommage de tous Il me proposera les changements qui lui para tront utiles dans la composition du Gouvernement Je dissous aujourd hui l Assembl e nationale J ai propos au pays un r f rendum qui donnait aux citoyens l occasion de prescrire une r f
358. et sans fin cf les reproches faits certaines pages descriptives de Balzac Il doit donc s lectionner des traits parmi d autres Vouloir tre objectif ce serait devoir montrer les choses sous tous les points de vue possibles Or une phrase un texte ne peuvent pas multiplier les points de vue il faut privil gier un ou deux points de vue dominants rarement davantage La r alit la plus concr te n existe que dans le regard qu on jette sur elle l auteur doit l encore faire des choix mettre en valeur certains aspects en att nuer d autres faire jouer la subjectivit des personnages ou la sienne propre dans la perception de ce qu il d crit Pour ne pas id aliser la r alit les auteurs dits r alistes sont souvent tent s de montrer le quotidien le banal le prosa que Insensiblement ils en viennent privil gier la mat rialit des choses la vulgarit ou l animalit des gens la salet du monde ce qui devient une sorte d id alisme l envers qu on a souvent reproch aux crivains naturalistes Pour bien faire croire au r el et en impr gner le lecteur l crivain r aliste travaille son style il accumule les termes concrets adjectifs saisissants crus ou pittoresques il use de figures de rh torique m taphores appuy es jeu de contrastes harmonie imitative hypotyposel etc Il se situe d s lors beaucoup plus du c t de l expressivit que de l objectivit son r
359. ette l crivain en elle choisit de les mettre en valeur pour mieux frapper son lecteur la position initiale des adjectifs traduit justement la surprise de l il dans les membres de phrase et rouge la terre ferrugineuse et rose de cuivre les pruniers blanc Si l on peut en effet rester indiff rent aux 70 Textes descriptifs impressions vagues d un auteur on n chappe pas la pr cision de sensations vivres qui appellent nos souvenirs notre m moire corporelle Un second niveau de r alisme tient au mouvement incessant qui agite ce printemps Aux activit s du premier paragraphe taille des plantes et ce qui s ensuit fait place l animation du second Tout se meut la colline fume le premier moment de l aube passe tr s vite chaque l ment naturel pousse son effort vers le haut Tout cro t avec une h te divine L exemple de la pivoine est le plus significatif D une part les termes exprimant son ascension s accumulent pousse un tel jet d pli es traversent emportent suspendent dans l air supr me toit D autre part ce r sum en une seule phrase d une croissance qui dure plus d un mois donne une impression d acc l ration La coupe de la phrase elle m me traduit l lan de la pivoine par paliers successifs La pivoine en son premier mois palier pousse d un tel jet ascension que ses hampes ses feuilles peine d pli es palier traversent emportent et
360. euple seule voie acceptable celle de la d mocratie d lais pr vus par la Constitution je devrai pour maintenir la R publique scrutin du peuple etc L vocation des menaces qui p sent sur la France la fois dans les circonstances pr sentes situation qui emp che mat riellement le r f ren dum groupes b illonnant le peuple fran ais par l intimidation et l intoxica tion et dans le futur subversion en marche dictature du communisme totalitaire qui risque de s imposer dans le d sespoir national Dans l expos de cette th matique l orateur se sert de tous les moyens de sa rh torique personnelle comme on le verra plus loin mais ce qu il importe de souligner d s maintenant c est que cette th matique est beaucoup moins originale dans son invention que dans son traitement d une part parce que l homme politique de Gaulle a souvent d velopp l argument manich en moi ou le chaos et ne s est jamais aussi senti laise dans un discours que lorsqu il avait dire non une situation dramatique cf l Appel du 18 juin Le dernier mot est il dit L esp rance doit elle dispara tre La d faite est elle d finitive Non d autre part parce que l orateur ne manque pas de dramatiser encore la situation pour y faire jouer cette th matique Il faut savoir en l occurrence que le Parti communiste fran ais au fil du mo
361. eurs classiques s tant eux m mes inspir s des po tes de l antiquit les latins avaient l expression t dium vitae pour d signer le d go t de vivre nous voici renvoy s la po sie du chagrin dans la litt rature occidentale qui comprend aussi des textes religieux comme la parole du Christ Mon me est triste en mourir Tout cela n est pas indispensable pour comprendre le po me de Baudelaire bien s r mais permet de lui donner un clairage compl mentaire de circonscrire son originalit propre et aussi de cerner les constantes du mal de vivre chez les hommes Rien ne nous emp che alors de parcourir les si cles dans l autre sens vers Paval et de chercher dans notre modernit des chos du spleen baudelairien en le mettant par exemple en rapport avec la naus e sartrienne ou le sentiment de l absurde chez Camus sans parler des multiples expressions du d sespoir dans la litt rature du XX si cle Ces consid rations sont sans limites C est la richesse de l intertextualit Cette richesse cependant ne doit pas faire oublier les d rives possibles que nous avons signal es plus haut le principal danger tant de remplacer l tude du texte qui doit demeurer premi re par l exploration de tout ce qui peut s en rapprocher autour avant ou apr s D CRIRE Explication n 1 L avion bless La Neige en deuil Troyat Explication n 2 Le ch
362. eut agir par cette pri re l aspect satirique de la description des intol rances religieuses l appel aux valeurs morales et humanistes qui au fond n ont gu re besoin de la caution d un Dieu aussi indiff rent que celui qu il nous peint Le tableau satirique de l intol rance Un croyant qui m dite ne s amuse pas en g n ral exposer Dieu les inepties religieuses de l esp ce humaine L ironie de Voltaire au contraire ne peut s emp cher de montrer l absurdit des rites et des attitudes fanatiques l aide d antith ses soigneusement travaill es Sa critique commence par une allusion in directe aux guerres de religion Tu ne nous as point donn un c ur pour ha r et des mains pour nous gorger En voil une vidence Cependant les fanatiques ont ha gorg et br l leurs fr res pour servir Dieu Les deux formulations antith tiques donn un c ur amp pour ha r et des mains amp pour nous gorger font ressortir la perversion des croyants qui ont d tourn l usage naturel de leurs c urs et de leurs mains pour faire au nom de Dieu le contraire de la volont divine Suit un tableau o toutes les manifestations du g nie humain sont assorties d un adjectif qui les ruine entre tous nos langages amp insuffi sants entre tous nos usages amp ridicules entre toutes nos opinions insens es etc Cet effet de chute l g rement c
363. eux cet argument Le simple fait de le d velopper comme on vient de le faire suffit le ruiner car il fait clater la contradiction entre la fin nonc e la mission civilisatrice cultiver tant de terres et les moyens employ s mettre en esclavage les Noirs Les Europ ens ont exterminer les Indiens vraiment des pratiques sanglantes au service d intentions nobles Ce qui dans cette phrase appara t douloureusement comique c est l encha nement des causes et des effets Infantiles et inconscients les peuples d Europe n ont pas r fl chi au fait qu en massacrant les Indiens ils se privaient d une main d uvre indis pensable Ils ont d alors par vertu conomique ajouter un nouveau crime l esclavage international pour r parer les cons quence du premier Deuxi me argument conomique Le sucre serait trop cher si l on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves R alisme indiscutable de cet argument cette poque il tait d j vident que la main d uvre est un facteur d terminant du prix de revient d un produit Les bas salaires notamment ailleurs qu en Europe permettent de rendre les produits comp titifs c est encore plus vrai quand ce salaire se r duit rien ce qui est le cas de l esclavage Du point de vue de la rationalit conomique on ne peut rien opposer cette n cessit de l esclavage Il est vrai pourrions nous a
364. ffit de le prononcer Qu ajouter puisque a coule de source Pourquoi analyser Comment faire Par quel bout prendre le texte Comment entrer dans son tissu Ce sentiment d vidence nous bloque souvent la premi re lecture Les choses paraissent tellement aller de soi que le candidat se demande ce qu il doit expliquer Il est conduit alors r p ter l id e du texte en d layer la formulation il fait ce qu on appelle de la paraphrase Pour sortir de ce blocage il nous faut reprendre et approfondir la distinction faite au Chapitre 1 entre ce que dit le texte et la fa on dont il le dit Prenons l exemple d un vers de Racine qui plus qu aucun autre donne ce sentiment d vidence Le jour n est pas plus pur que le fond de mon c ur Ph dre IV 2 C est son p re Th s e qui l accuse d un amour coupable que le jeune Hippolyte affirme par ces mots son innocence Ce que nous dit cette phrase est facile saisir elle exprime bien la clart d un c ur Les termes employ s jour pur c ur retentissent en nous pour nous donner cette impression de puret de transparence Le jour surtout est riche de connotations il renvoie une exp rience fondamentale de l homme celle de la lumi re naturelle des grandes belles journ es qui effacent les ombres et clarifient toute chose Bien pr ter attention ce qu voque en nous le vers nous permet de mieux mesurer sa port e Mais
365. fit de constater du point de vue de motion th trale que ce don produit un effet global de soulagement pour le public qui a compati pour le Pauvre qui pourra manger On peut remarquer ce sujet que ce n est pas un hasard si Moli re encha ne imm diatement sur une sc ne d action le public a besoin d air et de mouvement apr s les motions intenses qu il vient de vivre M LES PERSONNAGES L efficacit dramatique de cette sc ne tient naturellement la densit des personnages la coh rence de leurs propos si limit s soient il Voyons comment se dessinent au fil du texte leurs caract res Sganarelle Le valet de Don Juan ne s exprime vraiment que deux fois sa premi re r plique est uniquement fonctionnelle Ses interventions s expliquent par sa relation avec le Pauvre d une part et avec Don Juan d autre part Spectateur du dialogue entre son ma tre et ce pauvre homme qui ne sait pas qui il a faire Sganarelle est sans doute le premier prouver un mouvement de piti en quoi il est un peu le relais le porte parole du public Cette piti peut avoir pour racine une certaine solidarit sociale par rapport au grand Seigneur le valet et le mendiant sont l un et l autre du peuple mais il ne faut rien exag rer car Sganarelle a un certain rang aux yeux des paysans ceux qui servent Don Juan ont eux m mes droit au titre de Monsieur voir l Acte II Sc
366. formul sont au moins aussi significatives que le contenu de l nonc lui m me est essentiel de savoir qui parle qui o quand sur quel ton Quand on lit une lettre par exemple c est le cas dans les romans pistolaires il est indispensable de conna tre les conditions dans lesquelles elle est suppos e avoir t crite pour en mesurer la teneur et justement une lettre abonde le plus souvent en marques explicites de cete nonciation le lieu et la date de la r daction l heure m me parfois la signature y compris lorsqu elle se dit Anonyme l l emploi des pronoms de la premi re et de la seconde personne qui donnent tout son poids l nonc en nous signifiant quelle relation se tisse entre l metteur et son destinataire La phrase la plus banale qui soit il fait beau n a pas le m me effet ni la m me significalion selon la personne qui la prononce un enfant un peintre un paysan selon la personne qui elle est destin e un ami un public selon le contexte dans lequel elle est prof r e l hiver l t sous le soleil ou en pleine temp te selon le ton de l nonciateur objectif distrait volontariste ironique Les marques de l nonciation se lisent ou se devinent dans l nonc Il imporie de les d crypter car elles sont parfois implicites Souvent nombreuses dans un texte circonstanci et tr s personnel journal intime confession elles peuvent aussi tre rares apparemm
367. formulations indirectes Par exemple lorsqu il affirme il faut voir une estampe il laisse entendre qu il l a vue quand il parle du plaisir du voyageur n pour les arts il fait deviner qu il a prouv ce plaisir et qu il a bien observ ce que voit ce voyageur comme le montre d ailleurs sa description tr s pr cise de l environnement du pont quand il nonce la situation de l me tout enti re laiss e elle m me et emploie l impersonnel on pour d crire le spectacle on a sous les yeux il trahit probablement le souvenir d une exp rience Simplement le moi n a pas toujours besoin d un je explicite pour transpara tre dans un texte Pourquoi alors proc der ainsi Par volont de distance Face l objet qu il d crit Stendhal met de c t sa personne il ne parle que comme auteur il s emp che de laisser para tre quelque motion que ce soit Il fuit autant l emphase du romantique qui s extasie que l admiration b ate du bourgeois qui se demande ce que cela a co t D o la pr sence d autres indices textuels de la distanciation les impersonnels il faut avoir on a sous les yeux les ind finis un monument sublime un ciel d une s r nit ou les d monstratifs cet ouvrage ce monument 90 Textes descriptifs Rh torique ou retenue Dans son d sir de c l brer le pont du Gard Rousseau use de la rh
368. g in fine de voir triompher l homme de Bien ce n est pas sans avoir t s duit par le brio de l ath e cynique C est ainsi qu en profondeur la plupart des motions th trales veillent au m me instant dans le c ur du public des pulsions de toute sorte souvent contradictoires plus ou moins inconscientes ce qui est d ailleurs aussi le cas au cin ma l identification des spectateurs aux personnages peut alors s op rer leur insu de multiples niveaux C est partir de ce ph nom ne qu Aristote a fond sa th orie de la catharsis ou purgation des passions en repr senlant sur sc ne de n fastes passions incarn es par des personnages fascinants qui subissent les cons quences d sastreuses de leur d sordre moral le spectacle d livre les spectateurs des passions potentielles qu il leur fait vivre momentan ment par identification La catharsis associe en effet troitement un mouvement d identification et une prise de distance on vit par procuration les pulsions du h ros mais on prend conscience au fil de l intrigue de leur nocivit et des malheurs qu elles engendrent Ce qui se passe sur sc ne repr sente le conflit interne entre les vertiges du d sir et les imp ratifs de l thique Gr ce la catharsis le th tre fortifie la conscience morale du public et c tait la principale justification que les auteurs classiques donnaient au plaisir de la repr sentation elle instruisait tout
369. gement sans appel sur la nature humaine vile orgueilleuse stupide goulu paillard dur cupide M me accablement d injures l gard de l Humanit suppos e avoir t explor e dans sa totalit par les voyageurs elle est bavarde ivre folle furibonde D autre part dans ce tableau g n ral la g n ralisation est reine Baudelaire amplifie toutes ses qualifica tions par le recours l absolu il d crit tous les hommes de tous les temps dans tous les lieux Il parle de la chose capitale condamne l immortel p ch conna t l ternel bulletin du monde L Humanit est folle maintenant comme elle l tait jadis tout ce que le po te voque est cens se produire partout sur le globe entier du haut jusques en bas de l chelle dans une sorte d ternel pr sent Au niveau rh torique Ce sont d abord les m taphores qui tentent d emporter l adh sion du lecteur par leur force expressive par leur couleur La relation homme femme est r duite l image du ruisseau dans l gout Le sang humain est assimil un assaisonnement destin parfumer les plaisirs humains Les religions d peintes comme escaladant le ciel sont ridiculis es L analogie entre le jouisseur dans son lit de plume et le saint cherchant la volupt dans les clous et le crin d consid re l orgueil puritain des asc tes La personnifica
370. gine pas qu un politicien puisse se pr senter en disant je suis l parce que je d sire le pouvoir et que cela fait des ann es que j attendais cette occasion Si l on consid re l ensemble des allocutions de ce type on observe qu un candidat dispose de quatre arguments pour justifier sa candidature au dessous e La confiance des Fran ais la pouss e des cat gories populaires dont le candidat se veut manation au dessus e Le devoir la mission la vocation l appel de la France en arri re e La garantie qu offre le pass politique la trajectoire d j commenc e d un destin national en avant La volont d agir les projets d avenir le projet proprement politique Parmi ces justifications F Mitterrand privil gie la premi re et la derni re Il les d veloppe notamment dans son sixi me paragraphe Il faut dire que Chaban Delmas avait surtout utilis le second argument Giscard se r servant le troisi me La rh torique Elle est essentielle pour sauver les arguments pr c dents de la banalit Curieusement chez Mitterrand qui d clare que le gaullisme n a pas d h ritier c est par un style en quelque sorte gaullien qu il soigne sa cr dibilit de futur Pr sident non sans recourir aussi une loquence plus traditionnelle 1 Le style gaullien Conform ment au souvenir que l on peut avoir du g n ral de Gaulle la solennit de ses d clarations et son
371. gnifiant pour att nuer le signifi cf maladie de longue dur e pour cancer Petit test sur les figures de style 347 7 Penser que mes l ves n aiment pas les figures de style franchement a me tue Hyperbole Ce professeur survit videmment Et a me tue tant d lib r ment excessif il ose ajouter franchement pour tre cr dible Au contraire de la litote il y a dans l hyperbole exc s du signifiant sur le signifi 8 Il gorgea son chien avec une atroce jouissance Oxymore Le mot atroce et le mot jouissance dissonent Le locuteur exprime par l la nature paradoxale du plaisir sadique 9 La France est veuve Pompidou la mort du g n ral de Gaulle All gorie L entit France est personnifi e Le locuteur pr te la France un deuil r el en faisant du g n ral de Gaulle son poux d c d On mesure la mala dresse de cette formule historique un moment cruel ou la vraie veuve du G n ral prouvait r ellement la perte de son poux Il n y avait pas de m nage trois 10 Ne sachant plus tr s bien ce qu tait une m tonymie le candidat perdit les p dales M taphore Le candidat est l examen il n est pas sur un v lo La locution perdre les p dales lui est appliqu e au sens figur par analogie il ne sait plus o il en est il a perdu la ma trise de son v hicule c r bral 11 Dans notre soci t les oub
372. gnorent qu on sait tout d eux et qui croient jouer sans savoir qu ils sont eux m mes jou s un second degr le public savoure sans doute le jeu sur les pr jug s sociaux qu il partage par ailleurs Entre gens comme vous dit Mario avec une sorte de m pris de classe qui ne saurait supporter que des serviteurs manifestent de la distinction mais en grossissant ce m pris pour en rire travers lui Marivaux ironise sur les conformismes sociaux langage v tements comportement dont Dorante et Lisette ne sont qu demi lib r s Comme valets ils n ont donc droit qu un jargon terme p joratif dont Mario va se faire le professeur Pour commencer Dorante dit Bourguignon c est une origine ce n est m me pas un nom a eu le tort d employer une formule de politesse consacr e Je n en serai pas moins votre serviteur Le public avec Mario et Orgon sourit de voir ce terme adress par un homme qu ils savent tre un homme de qualit une jeune soubrette Marivaux joue en outre 166 Textes dramatiques sur le sens premier du mot serviteur sens us dans la formule de politesse mais qui retrouve ici sa signification concr te dans la bouche d un domestique Mario s exclame c est ton serviteur qu il faut dire et Orgon rit franchement Au tour de Silvia d tre humili e tre tutoy e par un valet chose nor
373. gouver nement et les raisons qui clairent la formation des lois Montesquieu est ainsi amen s interroger sur le ph nom ne de l esclavage est il naturel a t il un rapport avec le climat a t il des justifications La partie XV de l ouvrage comprend 19 chapitres sur la question Mais voici que l auteur ne pouvant s en tenir l attitude neutre du savant qui analyse les causes et les effets s engage dans un r quisitoire vigoureux contre l esclavage des N gres largement pratiqu au XVIIIe si cle et qu il juge humainement injustifiable Le contexte historique ensuite La traite des Noirs fit en effet la richesse du commerce maritime de l poque et notamment de la Compagnie des Indes Bordeaux Le nouveau monde avait besoin de main d uvre les tats europ ens la pr levait en Afrique occidentale Le sucre le caf le coton cultiv s en Am rique par des esclaves noirs r jouissaient les consommateurs europ ens et les marchands qui s enrichissaient On se reportera sur ce point aux manuels d histoire qui d crivent le fameux commerce triangulaire favoris par les princes d Europe Le contexte id ologique enfin La population l poque trouvait la traite des Noirs et leur mise en esclavage l gitimes C est bien l ce qui pouvait para tre le plus scandaleux de la part de pays qui se proclamaient chr tiens M me des autorit s religieuses comme Bossuet avaient justif
374. he Les reparties de Don Juan sont s ches et brillantes en m me temps qu il nous choque il nous fascine L attitude du Pauvre d muni de biens et de brio suscite notre piti on prend parti pour lui on souffre d assister un combat in gal On peut ici distinguer trois formes d int r t du public pour ce duel L int r t traditionnel pour l issue du combat qui aura le dernier mot l int r t esth tique pour les passes d armes auxquelles se livre Don Juan son aisance dans l ironie son brio satanique l int r t affectif pour la personne du Pauvre la compassion pour l homme qui souffre et l admiration simultan e pour l homme de bien qu il repr sente Au cours de la troisi me phase la Tentation ces trois int r ts culminent Pr cisons l importance que rev t pour le public de l poque ce que Don Juan veut obtenir du Pauvre en change du louis d or jurer ce n est pas simplement douter de Dieu ou prononcer des mots injurieux qui n engageraient pas son me Jurer c est ici renier Dieu au plus profond de soi la parole quivaut un acte elle est performative cf Clef n 31 Dans la perspective chr tienne on ne peut choisir Dieu et l argent Le march que propose Don Juan est parfaitement anti chr tien il s agirait pour le Pauvre de troquer le spirituel contre le mat riel de vendre son me pour de l or ses yeux comme ceu
375. hode peindre un homme dans sa totalit unique par son objet Phomme qui va tre d voil c est l homme foncier l homme nature l homme premier que seul Jean Jacques a su demeurer au fin fond de lui m me et que seul Rousseau par un effort inou de sinc rit et d introspection est capable de retrouver Et cet homme ce sera moi La mise en valeur du moi en fin de phrase est volontairement provocante A t on le droit de s int resser ce point soi Oui puisque l objectif est d sint ress peindre un homme dans toute la v rit de la nature Jean Jacques Rousseau 241 Au passage nous reconnaissons bien la dualit Rousseau Jean Jacques le je qui commence ce paragraphe je forme une entreprise se distingue absolument du moi qui le conclut l objet de la peinture Pun est le moi crivain l autre est le moi homme Bien qu ils ne fassent qu un le premier est au service du second Soulignons ici l emploi r v lateur du futur et cet homme ce sera moi l o l auteur aurait pu crire et cet homme c est moi cet homme que l on va peindre ne sera vraiment visible exprim constitu qu une fois men son terme l effort de sinc rit et d criture qui s engage Le moi de Rousseau en train d crire doit d boucher sur cet homme le vrai Jean Jacques obtenu d fini d voil travers l entreprise des Confessions Le moi n est
376. hrases ligne apr s ligne vers apr s vers on va pr ciser la repr sentation que les mots tissent en nous m mes Leur d roulement est comme un petit film projet sur l cran de notre conscience Significations perceptions visuelles sonores connotations inflexions rythmiques tout cela forme une cha ne un flux qui conduit notre imaginaire Suivez bien votre film int rieur le moindre d tail d un texte impressionne Votre cerveau comme une pellicule Il faut alors aussi lentement que possible Retentir aux mots aux groupes de mots Pour l crivain ceux ci ne sont pas des signes abstraits ils renvoient toujours des r alit s sensibles ses souvenirs ses exp riences ses r ves Les espaces pour Pascal la douleur pour Baudelaire l absurde pour Camus ne sont pas de vains mots Ils sont charg s de connotations Pour bien recevoir le texte il faut examiner le halo particulier le petit clat int rieur que chaque mot lentement prononc peut faire na tre en nous Il faut chercher quelle exp rience quel souvenir personnel nous font entrer en sympathie avec les images de l auteur Il faut tenter de rejoindre la sensibilit de l crivain Comment expliquer un texte 29 partir de nos motions personnelles qu il soit question du vent de l automne d un deuil de la joie d aimer ou de l indignation devant l horreur Voir en soi Que percevons nous exactemen
377. i l esclavage Cela explique non seulement la teneur des arguments de Montesquieu mais la forme incisive qu il leur donne pour d ranger les mentalit s dominantes de son temps M MOUVEMENT DU TEXTE CENTRES D INT RET Ce texte nous offre une argumentation serr e qui se pr sente comme une justification de l esclavage Nous avons donc sous les yeux en appa rence un plaidoyer cf ce qu annonce la premi re phrase mais dont le but est d tre lu comme un r quisitoire si l on regarde bien la nature insoute nable ou absurde des arguments Montesquieu nous oblige donc une double lecture qui correspond aux deux degr s du texte Au premier degr nous croyons lire des raisons objectives destin es autoriser l esclavage n cessit s conomico historiques deux paragraphes raisons ethniques cinq paragraphes tablissant l inf riorit des Noirs raisons morales deux derniers paragraphes Bien entendu ces raisons ne sauraient tre re ues comme telles il faut qu elles se d truisent d elles m mes on montrera comment faute de quoi le lecteur adh rerait candidement l inverse du message que lui adresse l auteur 216 Textes argumentatifs Au second degr nous devons lire le contraire de ce que semble dire l nonc Des indices pr cis nous signifient que toutes ces phrases sont des antiphrases L analyse portera n cessairement sur le fonctionnement de l ironie dans ce texte
378. i la nuit qui signifie la fin totale de tous et de chacun L absence d article d fini dans le texte conf re ces trois termes une valeur absolue Ils sont les trois r alit s supr mes martel es par les accents qui suivent la Mort Tout tait sous ses pieds deuil pouvante et nuit T T T T T 4 L apparition de l ange Au moment o tout semble fini dans la nuit para t un ange qui clipse la mal fique Faucheuse Le climat et le sens du po me s inversent absolument Derri re elle le front baign de douces flammes Un ange souriant portait la gerbe d mes L erreur serait de ne voir ici qu une simple note consolatrice venant att nuer le tragique de la vision pr c dente On passe en effet du n ant de la Mort l absolu de la Vie apr s la Mort Ce contraste est total la Faucheuse qui fauchait aveugl ment se substitue lange qui r colte avec soin les gerbes La logique de la moisson n emp che pas l opposition des fonctions De l une on ne voyait que des pieds de l autre on admire le front la nuit succ de soudain la lumi re au froid la chaleur des flammes la brutale destruction la douceur qui aur ole la t te de Pange aux sanglots des humains le sourire de l ange aux corps cadav riques le bl des mes au niveau rythmique m me changement les vers martel s qui pr c dent font place une phrase au d roulement lent peine accentu tou
379. i e la pesanteur du monde est elle aussi soulign e par le rythme et les sonorit s l enjambement du premier au second vers le quasi effacement de la c sure l h mistiche obligent prononcer ces deux vers sans pause v ritable en outre les voyelles longues o nasales an en oie on en ui contribuent l effet d essoufflement soulign ci dessus L art de Baudelaire consiste nous faire entrer physiquement dans l oppression morale du spleen en liant les sens et les sons Les deux vers qui suivent parach vent notre accablement Et que de l horizon embrassant tout le cercle Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits Paradoxalement notre vue ne se tend vers l horizon que pour s y trouver encercl e Nous voici concr tement dans la marmite Dans une 298 Textes po tiques marmite qui d borde d humeur noire cette expression ancienne d signe un liquide corporel et elle est la traduction litt rale du mot spleen On a droit de savoir ici que Baudelaire avait d abord crit il nous fait un jour noir la m taphore qu il introduit avec le verbe verser renforce consid rable ment l expression Voici le jour assimil un liquide noir c est dire transform en son contraire au point d tre plus triste plus noir moralement que la nuit elle m me La fermet de l accentuation soulign e par l allit ration nous noir nuits rend
380. i s allient deux caract res apparemment contradictoires l agilit et la noblesse la beaut id ale doit tre compl te et l on note qu en avan ant la c sure de ce vers la quatri me syllabe l auteur met en relief le bloc de mots avec sa jambe de statue Le d but du vers est court vivacit la suite est lente immobilisation huit syllabes Une sorte d arr t sur image le regard se focalise sur la jambe la femme devient statue Elle joint l intensit du mouvement la densit du marbre En m me temps la m taphore de la statue conf re la passante laura d un tre venu de l au del Elle confirme la vision du deuxi me vers douleur majestueuse Cette femme n est d cid ment pas une passante quelconque elle est sans le savoir le reflet ou l incarnation de la Douleur la douleur dont Baudelaire dira qu elle est une qualit essentielle de la Beaut et que seul le deuil donne supr mement Le po te est en effet hant par cette figure id ale comme le confirme son po me en prose intitul Les Veuves dont cet extrait est presque d j une explication de texte de la Passante Mais ce jour l travers ce peuple v tu de blouses et d indiennes j aper us un tre dont la noblesse faisait un clatant contraste avec toute la trivialit environnante C tait une femme grande majestueuse et si noble dans tout son air que je mai pas souvenir d avoir
381. ial doit pour le moins para tre ironique aux yeux des chr tiens de l poque qui connaissent leur Bible Dieu a cr les hommes aussi bien Blancs que Noirs Mais c est surtout l antith se entre l me bonne suppos e blanche et le corps noir qui nous fait sourire du locuteur raciste D autant que les deux membres de l antith se sont renforc s une me surtout une me bonne dans un corps tout noir Retour l id e que les N gres exag rent d tre noirs ce point Mais cette na vet n est pas innocente elle autorise les Blancs maltraiter les Noirs en croyant tous leurs actes blanchis par leur seule couleur d origine Troisi me argument racial et raciste Il est si naturel de penser que c est la couleur qui constitue l essence de l humanit que les peuples d Asie qui font les eunuques privent toujours les noirs du rapport qu ils ont avec nous d une fa on plus marqu e Cet argument se fonde sur l exemple d autrui tout le monde ou presque fait comme nous Les peuples d Asie en effet consid rent les N gres comme inf rieurs puisque lorsqu ils leur appliquent la castration ils le font de mani re visible et manifeste alors que le m me proc d soul ve quelques scrupules lorsqu on l applique aux Blancs Ce que font les Asiatiques nous conforte donc dans notre Impr gn s de l ironie des phrases pr c dentes nous recevons tout de suite comme s
382. ien et se constituer lui m me du climat de son enfance Ajoutons cela que le processus d identification ne se limite pas au cas d un auteur qui se projette lui m me Celui ci peut d placer le processus sur ses personnages et par exemple op rer l identification entre son h ros et un paysage ou toute autre r alit C est ainsi que F lix de Vandenesse personnage et narrateur du roman de Balzac le lys dans la vall e fait un portrait de Mme de Mortsauf dans lequel il identifie la femme qu il aime la vall e o elle vit et dont elle est le lys Nerval de m me dans un passage d Aur lia identifie l h ro ne dont il r ve la Nature dont elle prend la forme lt Oh ne huis pas m criaije car la Nature meurt avec toi l Ces formes d identification n ont d ailleurs rien de sp cifiquement litt raires nous identifions couramment telle poque tel personnage qui nous en para t typiquement repr sentatif un roi une reine ou qui veut para tre tel P tain et la France de Vichy 84 Textes descriptifs Clef n 8 D jouer le pi ge autobiographique la distinction Homme Auteur Narrateur Le texte que nous venons d tudier est crit la premi re personne Chose curieuse le narrateur Jacques Vingtras et l auteur Jules Vall s portent les m mes initiales Les dictionnaires et manuels nous apprennent tous que la trilogie de J Vall s L Enfant le Bachelier l Insurg est un r
383. iendra ses promesses Honor de Balzac 139 Pour compl ter cette analyse de l art balzacien titre de comparaison et de confirmation on pourra utilement tudier cette pr sentation du Colonel Chabert autre portrait m morable de notre romancier Le Colonel Chabert laiss pour mort la bataille d Eylau et donc officiellement d c d a en r alit surv cu Dix ans plus tard il revient en France et se rend chez un avou pour tenter de r gulariser sa situation civile Le jeune avou demeura pendant un moment stup fait en entrevoyant dans le clair obscur le singulier client qui l attendait Le Colonel Chabert tait aussi parfaitement immobile que peut l tre une figure en cire Cette immobilit n aurait peut tre pas t un sujet d tonnement si elle n e t compl t le spectacle surnaturel que pr sentait l ensemble du personnage Le vieux soldat tait sec et maigre Son front volontairement cach sous les cheveux de sa perruque lisse lui donnait quelque choses de myst rieux Ses yeux paraissaient couverts d une taie transparente vous eussiez dit de la nacre sale dont les reflets bleu tres chatoyaient la lueur des bougies Le visage p le livide et en lame de couteau s il est permis d emprunter cette expression vulgaire semblait mort Le cou tait serr par une mauvaise cravate de soie noire L ombre cachait si bien le corps partir de la ligne brune que d crivait ce haill
384. il a vu il a senti il a franchi le porche cela n allait pas de soi il a per u l me de ces pierres sans conteste possible Sa vision est donc celle d un t moin Enlevons tous les je du texte il y perdra le ton de l authenticit Que cette promenade ait t invent e que l auteur ait seulement imagin cet pisode nocturne devant une simple gravure cela n importe pas la pr sence du moi suffit nous faire croire la sc ne en adh rant l motion du narrateur Ensuite pour valoriser l auteur Si la pr sence du moi sert l voca tion du ch teau en ruines la grandeur et la majest de celui ci ne manquent pas de rejaillir sur l acteur qui les contemple en pleine nuit dans un face face audacieux Plusieurs indices du texte soulignent en effet son courage malgr la clart lugubre la vaste broussaille l impressionnante t te de mort au centre d une ruine d serte cette heure l id e d entrer le saisit les g ants de pierre ne l arr tent pas il ose et ceux ci le laissent passer L atmosph re fantomatique clart bl me silence trange dans laquelle il cro t sentir des choses l enchev trement dangereux de br ches et de crevasses qui conduisent aux recoins les plus obscurs l ampleur des vo tes et des corridors inaccessibles et pour finir les blancheurs qui se meuvent lentement dans les profondeur
385. il du h ros fr l durant son sommeil s agit il du geste fait par l h ro ne tandis qu elle dort Cela se passe entre eux c est tout De m me pour le souffle pos l apposition qui suit Moins Une ros e retarde la chute de la phrase dont la m lodie se prolonge ind finiment propos de ces deux vers soulignons que seule l intonation peut en clairer le sens Un souffle pos et m me moins une simple ros e De tels effets cf aussi le d but des strophes 5 et 6 en conduisant une sorte d apesanteur de la lecture du texte sont imm diatement mis au compte de la l g ret de la femme voqu e dont les manifestations quoique physiques paraissent immat rielles Pour conclure sur l impression globale que donne au lecteur cette image id ale de l h ro ne il nous faut revenir sur l emploi de la m tonymie et de la litote La m tonymie processus d expression g n ral comprend en particulier la synecdoque figure de style consistant voquer le tout par la partie Ainsi lorsque le po te crit Une main est venue chacun comprend que cette main n volue pas toute seule dans les airs ce serait du fantastique mais qu elle renvoie la personne qui tend cette main Pourquoi alors dire une main au lieu de d signer directement la femme En raison des trois effets essentiels du proc d m tonymique d abord il focalise l attention sur
386. il occupe une plus ou moins grande place dans le message S il s agit d une facture de gaz la fonction r f rentielle est dominante la relation entre l metteur et le r cepteur n tant pas le but de l change Inversement si je parle du temps qu il fait avec mon voisin cette r f rence peut n avoir pour objet que d intensifier notre relation La fonction r f rentielle toujours pr sente domine donc dans les textes caract re objectif ou didactique vocation informative cf les titres de journaux Raz 236 Textes argumentatifs de mar e dans le Pacifique Mais son emploi peut servir des strat gies argumentatives par exemple chez un politicien qui pr sente ses convictions partiales comme un constat objectif de la r alit auquel chacun doit se soumettre 4 Du c t du code la fonction m talinguistique Pour bien s entendre il est recommand au locuteur et l interlocuteur de parler le m me langage C est le code langagier pr tabli dictionnaire grammaire etc commun aux deux qui leur permet de communiquer l metteur encode ce qu il veut dire le r cepteur le d code Cette fonction qui est l uvre dans la n cessaire ma trise qu on doit avoir de la langue est dite m talinguistique Elle n appara t pas toujours dans l nonc parce qu elle s exerce avant sa mise au point au moment o je cherche le mot juste la tournure correcte un langage qui convi
387. ime pour son compte est un clin d il ironique de l auteur que les contemporains ont d appr cier cf Clef n 18 sur les quatre dimensions d une r plique 6 Tu es bien mal reconnu de tes soins Je men vais te donner un louis d or tout heure pourvu que tu veuilles jurer Le Pauvre n ayant pas bien compris l argument intellectuel de Don Juan Dieu paie bien mal son serviteur celui ci va lui servir un argument sensible Por Il se pr sente comme sachant beaucoup mieux r tribuer les services qu on lui rend Mais naturellement le Pauvre doit renier son premier ma tre le mauvais payeur et accomplir une t che oppos e jurer au lieu de prier La proposition de Don Juan est d abord logique en termes de march C est aussi une id e de Joueur qui aime s amuser Mais du m me coup Don Juan se fait rival de Dieu Il entre dans le r le d un Tentateur un Satan disputant Dieu son pouvoir sur les cr atures 7 moins de cela tu ne Pauras pas Prends te dis je mais jure donc Or le Pauvre r siste Dans ces derni res r pliques l impatience de Don Juan augmente au fur et mesure de cette r sistance Voici notre joueur pris son propre jeu Don Juan craint d tre battu par un mis rable mendiant premier degr ou par le Ciel second degr Et ceci devant son valet Sganarelle en effet s il n est intervenu que deux fois dans le dialogue est const
388. ination pour un visage il travaille il corrige il recule pour juger de l effet des formes il retouche sans arr t Bref il est un artiste et pas seulement un homme mu Il en est de m me pour l crivain le dramaturge ou le po te Il ne suffit pas qu il soit mu il faut qu il soit mouvant Pour crire juste comme un musicien ou un acteur qui joue juste il doit ma triser la langue et le style Il doit composer son tableau lui aussi pour rendre sensible le th me auquel il est sensible Ce n est pas l de l insinc rit m me si videmment les techniques artistiques permettent aussi de tricher la limite c est contre la spontan it que se conquiert la sinc rit Ce calcul de l artiste n est pas forc ment froid Il est souvent intuitif Apr s bien des ann es pass es ma triser son art l crivain comme le peintre avec son pinceau peut r ussir du premier coup son trait de style Il y a bien calcul car toute ma trise est le fruit d un savoir faire mais ce calcul est devenu comme instinctif Guid par son d sir expressif fid le cette forme de sinc rit que l on appelle souvent la n cessit int rieure l auteur corrige ajoute retranche modifie mais c est devenu chez lui une seconde nature et non pas une attitude froide cynique d lib r e issue d un calcul abstrait Pourquoi expliquer un texte 21 Par exemple Un bon exemple nou
389. ion toute repr sentation ou reproduction int grale ou partielle faite sans le consentement de l auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite Art L 122 4 Cene repr sentation ou reproduction par quelque proc d que ce soit constituerait une contrefa on sanctionn e par les articles L 335 2 et suivants du Code de la propri t intellectuelle www editions ellipses fr Avant propos et mode d emploi L analyse des textes demeure un exercice fondamental de l enseignement du fran ais Qu on la nomme explication lin aire ou commentaire compos tude suivie lecture m thodique ou encore analytique elle a pour objet essentiel la formation de l esprit critique c est dire la fois Pesprit d analyse l aptitude discerner les enjeux des textes percevoir la subtilit de leurs moyens d expression interpr ter le discours en sachant d jouer les pi ges du langage toutes choses fort n cessaires aux citoyens qui fondent sur la conscience l exercice de leur libert la facult d admiration l art d appr cier l art de s tonner devant la puissance d un imaginaire de jouir de l all gresse d un style de mesurer l authenticit d un message de ressaisir travers les uvres qui nous pr c dent l h ritage culturel qui nous constitue au risque de donner l envie d crire car l admiration m ne la cr ation C est naturellement travers la
390. ique qu au vers 6 Il encha ne sur la r action perdue des vivants face aux ravages inhumains de la Mort mort plus que jamais personnifi e puisque l on s adresse elle en la tutoyant cf Clef n 25 propos de lapostrophe Pour la premi re fois et la seule on entend la parole humaine Plus loin on aura droit aux clameurs aux sanglots l pouvante Mais ici c est l interrogation centrale de la condition humaine qui se fait entendre celle du sens de la vie Pour le faire mourir pourquoi l avoir fait na tre Si la premi re partie de la phrase s adresse la Faucheuse Rends nous ce petit tre le vers 12 a un destinataire beaucoup plus g n ral qui peut tre le Destin Dieu ou le cr ateur anonyme de la vie ce quelque chose ind fini qui nous fait na tre et mourir et dont on ne sait ce que c est car savoir qui la question s adresse serait d j conna tre une partie de la r ponse Ce paradoxe d une existence offerte qui doit pourtant finir Victor Hugo le fait intentionnellement exprimer par les m res pour en faire ressentir le scandale Car les m res sont porteuses de la vie et les enfants sont pr sum s innocents ce qui rend parfaitement cruelle et absurde la r alit de la mort Naturellement ces vers nous renvoient la douleur v cue par l auteur mais le po te illustre bien ici la port e g n rale du lyrisme s il ne s tait agi que 280 Textes
391. ir de la Loire le soleil qui se brise en reflets les blancheurs de l cume le sable fin o l on devine en filigrane la pr sence de cet or imaginaire que semble poss der l enfant chercheur dont cette rivi re est le luxe Ce paysage est humanis d une part par le r ve de l enfant qui en fait son royaume d autre part par la m taphore relative l cume qui avait 80 Textes descriptifs des blancheurs de dentelle qui frissonne au vent L ger anthropomorphisme un caract re humain est projet sur l cume Mais surtout l analogie voque un souvenir intemporel celui des dentelles qu on fait s cher au vent l emploi du pr sent qui frissonne montre qu il s agit moins ici d un rappel relatif un pass lointain que d une certitude valable pour tous les temps Rentrant en lui m me dans une phrase qui mime la fluidit de la Loire la pr sence des l n y est pas pour rien le narrateur conclut Elle roule mon c ur dans son flot clair La plong e dans le souvenir ayant favoris l identification celle ci fait d sormais de la Loire une partie int grante de l me de Jacques Vingtras loquente est en effet la sym trie des deux phrases qui encadrent l vocation de la Loire J ai toujours aim les rivi res La Loire est en moi Elle roule mon c ur dans son flot clair Je suis dans la Loire R ciprocit de l apparte
392. ire et concernant des po mes qui seront expliqu s int gralement dans la derni re partie de cet ouvrage E DEUX EXEMPLES PRIS DANS BAUDELAIRE 1 L intertextualit au sens strict ou contextualit Soit le po me une Passante extrait de la seconde partie des Fleurs du Mal dition de 1861 Ce texte qui fait l objet de l Explication n 27 se trouve la page 307 Nous invitons notre lecteur le lire d abord Supposons maintenant que le commentaire de ce texte qui a t donn sans autre pr cision l examen soit achev par le candidat Celui ci a rendu sa copie Il veut en savoir plus en examinant la contextualit de ce po me Comment proc der Pour commencer il va chercher en quoi Baudelaire explique Baudelaire Voici les quelques informations qu il peut trouver 1 Ce texte figure dans la partie des Fleurs du Mal intitul e Tableaux parisiens ce qui peut tre une piste de lecture le texte comme croquis parisien 2 Il y a des variantes comme celle du dixi me vers le po te avant d crire ma fait soudainement rena tre avait crit m a fait souvenir et rena tre ce qui rattache le texte au th me de la vie ant rieure 1 On peut faire la m me remarque propos du sch ma actanciel en narratologie il permet d clairer toute forme de narration mais il ne suffit pas montrer l originalit de tel ou tel r cit Il ne faut donc pas en faire u
393. is d j la comparaison comme pour affronter une vie nouvelle suivie de la pr cision Mais il est encore annonce l imminence d un v nement De m me qu on parle d effets de r el dans une description on peut parler d effets d intrigue dans une narration En m me temps nous avons l quelques indices de la psychologie d Antoine partag entre le d sir de rester li sa bonne et l envie d une vie nouvelle dans un nouvel habit 2 Il n est pas grand et ne voit devant lui que des jambes d hommes et des jupes tr s affair es Sur la chauss e des centaines de roues qui tournent ou s arr tent aux pieds d un agent pre comme un rocher Pause narrative apr s l annonce pr c dente Mais la description n est pas neutre en soulignant la disproportion entre l enfant et son environnement elle sugg re que le monde ext rieur aura une fonction narrative qui est de contrarier le h ros La pause descriptive sert donc mettre en valeur le r cit 3 Avant de traverser la rue du Havre l enfant remarque un kiosque de journaux un norme pied de footballeur qui lance un ballon dans des buts inconnus Pendant qu il regarde fixement l image de l illustr Antoine a lPimpression qu on le s pare violemment de sa bonne Cette grosse main bague noire et or qui lui fr la l oreille Circonstance d favorable l enfant se laisse capter par l illustr te
394. is de mai 1968 non seulement n a pas menac les institutions mais a contribu leur sauvegarde tant tait grande sa m fiance l gard du gauchisme et de ses d rives libertaires C est donc avec une certaine mauvaise foi que le g n ral de Gaulle dans cette allocution non seulement grossit mais dresse aux yeux du public une menace totalitaire communiste qui n existait pas inventio oblige mais on ne peut savoir cela il est vrai que par une connaissance extratextuelle La dispositio Y a t il un plan dans ce morceau Pas exactement mais un mouvement vident une ligne directrice en parfait accord avec la strat gie du G n ral qui consiste envoyer une salve de d cisions actuelles ou potentielles en r ponse aux menaces r elles ou aux virtuelles qu il num re 260 Textes argumentatifs Cette disposition des l ments et des paragraphes du texte n est pas seulement utile au d veloppement de sa th matique Elle conf re galement Phomme qui parle l image d un homme d action et d autorit image n cessaire par ailleurs donner tout leur poids aux arguments nonc s D une certaine fa on tout se passe comme si num ration des obstacles qui s opposent au r tablissement de l ordre public ne servait qu valoriser le caract re de contre offensive des d cisions et mesures hautement proclam es par l orateur Ainsi s explique l attaque du texte qui s a
395. isuel Pla ons nous du point de vue auditif coutons notre impression elle consiste en un d roulement rythmique qui appara t assez bien dans le sch ma ci dessus Les virgules y jouent un peu le r le de pauses du vent alors que les gradations miment la reprise incessante des rafales On constate qu il est quasi impossible de prononcer cette phrase avec ses r p titions anapho riques sans prouver vocalement une sensation d essoufflement Au contraire les deux derni res lignes prolong es par les points de suspension semblent couler sans difficult c est que le vent est victorieux et que rien ne s oppose plus ses monstrueuses noces avec la glace Tout n est pas dit Alors que cette vocation jusqu alors nous donnait une impression de r alisme l irruption soudaine du th me des noces en plein Antarctique ne manque pas de nous surprendre Devant nous s ouvre 36 Principes et m thodes le spectacle inhumain et paradoxal d amours glaciales entre le vent et la terre gel e Le vent a t personnifi Relisons le texte cela apparaissait d j lorsque l auteur voquait les mains du vent ses mains tremp es dans le froid de l enfer La personni fication des l ments les rend souvent plus proches de nous plus humains mais elle peut aussi l inverse les rendre d autant plus inqui tants qu ils semblent avoir des intentions ils savent ce qu ils font C est bien l
396. it d abord parce qu ils ne naissent pas de g n ration spontan e ils sont l aboutissement de sources nombreuses qui ont f cond le g nie de l auteur et ensuite parce qu ils f condent eux m mes de multiples uvres 42 Principes et m thodes qui vont s y r f rer plus ou moins explicitement si bien que les plus grands textes fondateurs sont aussi ceux qu il nous est impossible de lire tels qu ils ont t publi s car on ne peut les aborder que l esprit d j fa onn voire encombr par tout ce qu ils ont engendr comme imita tions r f rences ou commentaires Par exemple le Don Quichotte de Cervant s n lui m me d une nostalgie distanci e et d une r flexion critique sur les romans de chevalerie qu il parodie a eu une telle influence sur la litt rature post rieure on le qualifie souvent de premier roman moderne qu il se pr sente vraiment comme un carrefour d inter textualit l De m me pour un ouvrage comme les Pens es dont nous parlions ci dessus qu il est impossible d appr cier sans se r f rer aux grands auteurs dont Pascal s est inspir Montaigne saint Augustin par exemple ni aux crivains qui apr s lui ont reconnu leur dette envers lui qu ils aient subi sa marque comme Chateaubriand ou se soient oppos s sa vision des choses comme Voltaire E DU BON USAGE DE L INTERTEXTUALIT DANS UN COMMENTAIRE DE TEXTE Les consid rations
397. it et dans celui d Alfred de Vigny Diane La di r se consiste dissocier dans la prononciation d une syllabe deux voyelles composant une diphtongue et donc qu on prononce normalement en une seule fois Ainsi le son o dans violon ou dans violence sera dissoci en ses deux voyelles ce qui va d doubler la syllabe initiale on dira vi o lon ou vi olence cf Verlaine Les sanglots longs Des violons Les di r ses sont assez fr quentes et toujours volontaires de la part des po tes Elles peuvent avoir plusieurs effets Il s agit d abord d attirer l attention sur un mot important que sa prononcialion inhabituelle oblige souligner L ombre tait nupti ale auguste et solennelle Hugo Le second effet peut tre un effet musical on fait retentir la sonorit d un mot que l on met ainsi en valeur comme c est le cas dans ce vers de Vigny o se font cho les syllabes ane et aines Pleurant comme Di ane au bord de ses fantaines Cet effet musical peut renforcer l id e du vers C est le cas dans la double di r se de ce vers de Baudelaire Le Voyage cf p 266 Et se r fugi ant dans l opi um immense Le Voyage L extension donn e ainsi au d roulement du vers correspond l impression d espace int rieur que l opium est cens cr dans l imaginaire du fumeur Un troisi me effet de la di r se tient qu d sagr ment que produit parfois l hiatus qu el
398. it assassiner mais un homme imaginaire un fantasme d homme Rien n existait que ce pied cet homme ce gros plan sur le pied qui donne un r alit fantasmatique l individu qu il faut saigner a quelque chose de disproportionn qui inhibe le tueur Le second l ment d explication nous est sugg r mais non explicit par la formule d j cit e Assassiner n est pas tuer Quelle est donc la diff rence Tuer c est donner la mort de fa on nette et sans bavure dans une lutte franche et ouverte Assassiner c est donner la mort l chement clandestinement dans l ombre et par derri re en ayant pr m dit son acte cela donne au meurtre toute sa honte et tout son relief Aussi comprend on que Tchen refuse d utiliser le rasoir bien qu il soit plus s r le poignard permet en effet de tuer de fa on plus loyale en donnant la victime la chance de pouvoir se d battre C est d ailleurs ce qui arrivera la fin de cette sc ne Tchen va frapper le dormeur un moment o celui ci se met bouger l usage du poignard retransformant alors l assassinat en duel Tchen a d cid en effet de sacrifier cet homme dans le seul but de liminer politiquement Or devant ce corps sans d fense son acte se heurte l interdit imm morial du meurtre Tu ne tueras point en m me temps qu il fait grouiller au fond de lui un instinct sadique qu il ne connaissait pas Mais nous touchons
399. ive du couple E LA COMMUNION DU COUPLE ET LA COMPASSION D VA Nous marcherons ainsi ne laissant que notre ombre Sur cette terre ingrate o les morts ont pass Nous nous parlerons d eux l heure o tout est sombre Nous voici centr s sur le couple La strophe pr c dente avait altern le toi et le moi jusqu la fusion du nous notre porte qui triomphe maintenant nous marcherons notre ombre nous nous parlerons On a le sentiment que l objet de la contemplation les morts eux importe moins que la fusion dont il est l occasion Le couple semble m me avoir oubli la maison roulante et pris un r le plus actif marcher parler La tonalit demeure intemporelle le nous se projette dans le futur d o le pr sent appara t comme pass et la marche qui ne laisse du couple que son ombre semble avoir fig tr s loin derri re lui les morts anciens qui ont pass L environnement prend une teinte cr pusculaire ombre sombre le cr puscule tant classiquement l heure o le temps semble se ralentir avant de basculer dans la nuit Tout passe la marche des amants sur la terre ingrate para t mimer distance le grand passage des hommes qui tr passent mais en m me temps le couple semble demeurer en se d mat rialisant il devient ombre il se d tache de toute pesanteur il survit par la gr ce de sa parole en d pit des lois de la froide Nature Et
400. je Victor Hugo 63 m ai de ma vie rien vu l id e m a pris mont laiss passer j ai franchi j ai p n tr je croyais sentir je ne sais quoi je n entendais je voyais des blancheurs cette pr sence directe du narrateur t moin s ajoutent tous les passages du texte o il manifeste indirectement sa personne par les appr ciations qu il porte sur ce qu il observe depuis la clart lugubre de la nuit jusqu la tristesse et la majest inexprimables des ruines en passant par ce pan de mur qui ressemble affreusement une m choire Nous sommes l au c ur de ce qu on nomme l nonciation cf Clef n 4 La simple phrase adress e Louis lami qu il prend t moin de son motion Rien n est plus grand que ce qui est tomb est encore une fa on pour le narrateur d affirmer sa pr sence mue face son interlocuteur suppos d s qu il dit tu il manifeste sa pr sence celle d un je qui parle Bien entendu tout crivain d crivant un spectacle fait sentir plus ou moins ses r actions personnelles au vu de ce qu il d crit Parfois on le verra certains n effacent les marques de leur subjectivit que pour mieux imposer leur vision en lui donnant l apparence de l objectivit Ici Hugo se projette fond dans ce qu il rapporte comme visionnaire et comme acteur pour deux raisons compl mentaires D abord pour valoriser son tableau Il tait l
401. je me permets de renvoyer aux quelque 1 200 expressions et citations que j ai rassembl es dans le livre R visez vos R f rences culturelles Ellipses Paris 2003 Ce sont pour ainsi dire 1 200 exemples d intertextualit 2 En ce qui concerne le simple usage des mots bien entendu il ne suffit pas que deux auteurs peu pr s contemporains emploient de nombreux termes identiques pour en conclure que l un a influenc l autre Car au niveau du pur vocabulaire les crivains puisent le plus souvent dans le m me corpus qu il s agisse du langage de leur poque P ge classique d une mode provisoire le courant pr cieux ou d un genre cod par exemple la langue soutenue de la trag die C est en faisant cette confusion que de r cents chercheurs ont voulu attribuer Corneille les uvres de Moli re De l intertextualit 39 richesse originelle dont sont charg s ces mots Et tr s g n ralement chaque fois que nous lisons un texte du pass nous le transformons en pr tant ses expressions des significations ou des nuances qu ils ont acquises depuis et auxquelles l auteur ne pouvait pas songer son texte se trouve alors modifi enrichi voire trahi r troactivement par l effet des textes post rieurs qui ont fait voluer le vocabulaire Le r sultat c est qu en lisant le plus naturellement du monde nous faisons de l intertextualit sans le savoir Du c t de
402. jeu la contradiction de plus en plus norme entre les semi conclusions auxquelles parvient le personnage il s en sert quoi y a pas de doute et la v rit qu il refuse de voir intensifient au fil du sketch le plaisir spirituel du public Et pour finir au moment o nous pensons que d cid ment le personnage ne pourra pas prendre conscience de son malheur il nous surprend encore en faisant tout coup le bon raisonnement mais avec un retard qui nous amuse Alors mon pyjama mes pantoufles ma radio mes cigarettes pourquoi pas ma femme pendant qu il y est noter que dans cette r plique encore nous savourons la contradiction qui existe entre ce qui est la r alit et ce que le personnage pr sente comme une ventualit encore tout fait hypoth tique Notre intelligence domine le pauvre homme mais ce sentiment fait d j partie de l autre dimension du rire le plaisir proprement parler comique qui est de nature motionnelle plus qu intellectuelle E L AUTO AVEUGLEMENT DU PERSONNAGE Un homme est malheureux parce que sa femme le trompe et qu il le pressent Il est ridicule parce qu il refuse de voir la v rit tout en pr tendant y parvenir a pas de doutes Comment le public peut il rire de cette situation plut t tragique du moins fort douloureuse Est il incapable de piti En transposant ici certaines interpr tations de Freud Le Mot d esprit et ses rapp
403. jouter qu il faut tout de m me nourrir et v tir les esclaves c est certes regrettable mais enfin on n a rien sans rien On pourra ce propos se reporter utilement au Chapitre XIX de Candide qui rapporte les malheurs du N gre de Surinam O se trouve donc ici l indice r v lateur de l ironie de l auteur D abord dans le trop S il avait crit le sucre serait plus cher le lecteur n aurait rien redire En crivant le sucre serait trop cher Montesquieu invite le lecteur se poser la question pour qui le sucre serait il trop cher Pour les commer ants qui se veulent comp titifs sans doute mais aussi pour les consommateurs qui ne veulent pas le payer son juste prix Ingratitude de l Europ en il veut bien du sucre mais sans trop ouvrir sa bourse Or deuxi me remarque cet go sme aboutit ce que le luxe des uns engendre la souffrance des autres Ce n est pas par hasard que Montesquieu prend l exemple du sucre celui ci permet d opposer le plaisir des consommateurs europ ens la peine des esclaves africains D o le malaise probable du lecteur de bonne foi 218 Textes argumentatifs Voltaire reprendra lui m me cette contradiction dans le passage de Candide auquel nous renvoyons Exposant l horreur de sa condition le N gre de Surinam d clare C est ce prix que vous mangez du sucre en Europe L conomique prime l
404. l il ne suffit pas au narrateur de se promener il faut qu en lui le po te aide l homme qui souffre en utilisant toutes les ressources de son art Car la correspondance entre le c ur souffrant et la nature ext rieure n a rien de naturel M LE PAYSAGE TAT D ME Distinguons l homme qui souffre du po te qui exprime ses mois Au plan existentiel l homme Paul Verlaine peut avoir eu l impression de retrouver dans un d cor complice une tristesse savoureuse faisant cho la sienne il peut avoir cru voir dans la brume vague un fant me pleurant l image de son propre d sespoir il peut avoir spontan ment p n tr de culture litt raire retrouv dans la mort du jour des couleurs fun bres lui rappelant le deuil int rieur d un r cent chagrin d amour Nous sommes l face l habituelle projection anthropomorphique dont est capable tout tre humain Au plan po tique en revanche l artiste Verlaine compose un paysage susceptible d incarner un tat d me qui est sans doute le sien il choisit les l ments d un tableau id al m me si ces l ments sont emprunt s la r alit pouvant servir de symbole au paysage int rieur qu il d sire exprimer Il n est donc plus l homme na f se reconnaissant dans les images d un soir il est le po te qui cr e d lib r ment un paysage tat d me l aide d un art impressionniste parfaitement ma tris
405. l animalisation des mortels alors que la Mort est personnifi e en femme les peuples se r duisent un troupeau domin par sa peur animale l ampleur soudaine de la Faucheuse dont la faux prend un caract re gigantesque au dessus des fourmili res humaines la couleur fun bre sombre ombre succ dent aux noirs grabats le mouvement et le rythme des vers marqu par un bel enjambement sans aucune pause qui traduit l amplitude de la fuite et l immensit du troupeau les sonorit s enfin et notamment les allit rations en s et f qui accompagnent cet effet de fuite Les peuples perdus semblaient sous la faux sombre Un troupeau frissonnant qui dans l ombre s enfuit L vocation est compl te la Mort n a plus qu triompher Vers 18 Tout tait sous ses pieds deuil pouvante et nuit La Mort domine le Tout Ses pieds sont vus en gros plan crasant l univers C est la derni re manifestation de l all gorie mais bien qu elle soit 282 Textes po tiques personnifi e on note que la Mort ne montre pas son visage On ne voit d elle que la brutalit d un pouvoir il n y a aucune noblesse dans son travail forcen elle crase elle ne pense pas Le bilan de son ouvrage nous est exprim par trois termes dont la gradation est manifeste le deuil qui symbolise l affliction devant la disparition des autres l pouvante lorsqu on la voit qui s approche de so
406. l intol rance L auteur n est pas dupe de ses exag rations et s il force sa pens e c est en vertu d une double strat gie En ce qui concerne l vocation de l tre supr me il est vrai que Voltaire ne croit pas en un Dieu personnel proche de l homme mais s il loigne ce point la cr ature de son Cr ateur c est pour dissuader toute tentative des atomes appel s hommes de se saisir de Dieu pour le mobiliser dans le camp de telle ou telle religion Voltaire sait combien les hommes rabaissent la divinit et s en servent pour justifier leurs passions et leurs d saccords Si Dieu nous a faits son image nous le lui avons bien rendu crit il ailleurs Le Sottisier 1732 Ainsi en rendant Dieu inaccessible aux hommes il discr dite toutes les religions particuli res qui voudraient se l accaparer et se pr tendent r v l es pour s imposer par la force Si Dieu est hors de port e de l homme l intol rance religieuse perd tout fondement En ce qui concerne l image de la nature humaine il est galement vrai que Voltaire se montre souvent pessimiste dans d autres textes Mais s il exag re ce point les tares de la nature humaine l encore c est pour ruiner toute pr tention d un tre humain d tenir LA v rit Sans doute ne croit il pas que tous nos usages soient ridicules que toutes nos opinions soient insens es etc Mais en r duisant rien les manifesta
407. l observer deux niveaux d une part au niveau des l ments qui constituent le d cor Les saules pleureurs pench s sur l tang miment sans doute l affliction du po te la brume vague voque souhait un grand fant me ce qui appelle des connotation de souvenir de douleur posthume s agirait il du fant me d un amour d funt de la bien aim e ou simplement d une projection d un double de lui m me figurant son d sespoir ce grand fant me a pour seule activit de se d sesp rer il est pleurant et cette activit para t la fois concr te et abstraite se d sesp rant semble signifier se dispersant s effilochant l attitude pleurante se mat rialise en empruntant la voix des sarcelles dont les cris percent le soir d une tristesse trange d autre part au niveau de l organisation syntaxique Nous avons remar qu le retour lancinant de la douleur dans la sym trie op r e entre les vers 5 6 et 11 12 il faut pr ciser que si le po te ne sort pas de sa douleur c est que le paysage externe est empreint lui m me de cette tristesse qui pr existe la petite visite que lui rend le po te Le va et vient ma plaie le paysage pleurant ma plaie renforce si bien la relation entre le moi et la nature que tout ce qui advient l un adviendra l autre et r ciproquement c est en somme la logique po tique du texte
408. l n est pas inutile pour saisir la progression d un texte de regarder d embl e quoi il aboutit Ici c est le dernier vers pr par par l ensemble du sonnet qui nous surprend en raison de la certitude finale toi qui le savais Quelque chose a donc eu lieu dans ce qui n a pas eu lieu Cette histoire s ach ve dans l inachev et justifie qu on la lise d abord comme un r cit orient d s le d part vers cet trange d nouement On peut distinguer cinq tapes dans le d roulement de cet pisode vers 1 le d cor la rue e vers 2 5 l apparition de la passante vers 6 8 les r actions imm diates du po te vers 9 le coup d il et la fuite de la passante vers 9 14 les r actions secondes du po te Il s agit bien d un r cit dont le narrateur est en m me temps l acteur On assiste l approche progressive de la femme sa silhouette son air sa main sa robe sa jambe ses yeux qui culmine au vers 9 tandis que son loigne ment se devine progressif lui aussi puis irr m diable dans les derniers vers Faisant cho l v nement le po te qui se met en sc ne r agit lui aussi en deux temps Cette composition suit les lois du r cit on peut l analyser comme un petit roman en utilisant les notions du sch ma actanciel cf Clef n 11 Situation de d part un homme dans la ville Le r cit est op r en focalisation interne la r alit
409. la fois pictural et th tral on pourrait m me dire filmique Le narrateur en disant d embl e je vis nous assigne un point de vue pr cis cf Clef n 6 sur un champ au cr puscule puis dans l ombre l homme symbole de l humanit en g n ral prend le relais et nous observons avec lui les lueurs de la faux c est alors que le rideau se l ve et c est le tableau de la Mort agissant sur tous les temps dans tous les lieux cette sc ne s largit au fur et mesure que les figurants se multiplient jusqu au triomphe cosmique de la faucheuse vers 18 puis derni re m tamorphose le d cor s illumine et l ange appa ra t Ce dernier contraste au niveau pictural est aussi un coup de th tre au niveau narratif Gr ce cette mise en sc ne extr mement anim e le po te rend vivante si l on ose dire l uvre de la Mort Bien entendu ces trois lignes directrices se fondent troitement dans le d roulement du tableau dont elles structurent les effets po tiques E TUDE SUIVIE 1 La vision de la Faucheuse Le titre Mors tait imm diatement compris par les contemporains de Victor Hugo form s au latin classique ou au latin d glise Mais pourquoi d signer la mort par un mot latin D une part parce que le latin fait figure de langue sacr e dans la liturgie et le po te veut justement figurer dans ce tableau le myst re de la mort d autre part par
410. la situation qui attise le plus cruellement son d pit passionnel avec un luxe de d tails extr mement concrets et pr cis le son les bruits de sa vie les froissements de sa robe les images des sourires que vous ne voyez pas Elle semble voir ce que Garcin est cent lieues de s imaginer C est que la jalousie maladie de la possessivit est une passion qui a besoin de s auto entretenir par mille imaginations que l on songe Ph dre ou Othello C est aussi que le personnage d In s semble prendre plaisir attiser sa souffrance pour exciter sa haine Elle joue l agress e pour justifier son agression Elle entre dans le cercle obsessionnel pers cut pers cuteur de ceux qui se cultivent victimes pour se motiver bourreaux La contre attaque finale 12 Pas de a Je veux choisir mon enfer je veux vous regarder de tous mes yeux et lutter visage d couvert Dans cet univers o donc l on ne peut tre que victime ou bourreau In s choisit son enfer Sa strat gie conforme son caract re est de d truire l autre par le regard avant d tre an antie par son existence Elle d clare par cons quent la guerre Garcin dans des termes aussi hyperboliques que ceux par lesquels elle voquait l agression dont elle tait victime au vous tes partout r pond le je veux vous regarder de tous mes yeux elle n en a en principe que deux la l che prop
411. la souffrance le deuil et l interrogation que Hugo partage avec tous les tres Plus pr cis ment le po me Mors se situe dans le Livre IV du recueil dans un moment o sa douleur apais e le po te esp re en une vie ternelle Si effrayante qu elle soit la mort n est qu un passage Pange souriant la suit et ouvre les portes du paradis D o l importance des deux derniers vers du po me qui inversent radicalement l atmosph re qui pr c de Mais il va de soi que l essentiel de cette po sie se trouve dans la puissante vision de cette Faucheuse la valeur symbolique et intemporelle du tableau et la parfaite ma trise de la versification Tout l art de Victor Hugo en somme L explication exige qu on recherche d une part les diverses impressions que produisent ces vers sur notre imaginaire et d autre part les multiples moyens d expression dont use l auteur pour nous mouvoir effets visuels rythmiques figures de style versification Dans la r daction du commentaire il faut bien entendu relier ces donn es pour montrer leur parfaite ad quation ce qui nous conduit pr senter une tude suivie au fil du texte apr s quelques remarques sur son mouvement E MOUVEMENT DU TEXTE LIGNES DIRECTRICES Le premier principe d organisation de ce po me est son sens Le plan est tout fait logique pr sentation de la Faucheuse vers 1 5 action de la Mort vers 6 10 r
412. laissent Notre impression se pr cise alors il n y a pas simple exc s mais sentiment de suffocation devant ce souffle ininterrompu omnipr sent irr sistible Retournons au texte nous pouvons affiner notre observation Les r p ti tions qui nous sont apparues sont des anaphores l anaphore est un proc d classique de renforcement de gradation par la mise en s rie de m mes d buts de phrases ou de membres de phrase Ces gradations caract ristiques sur lui sur eux sur tous les hommes qu ils s en aillent qu ils d bar rassent le continent qu ils les laissent correspondent litt ralement l effet de progression du vent en mettant en valeur les seuls obstacles les seuls reliefs sur lesquels s acharne le vent les humains et leur mat riel Nous voyons de mieux en mieux l action du vent Il est le grand acteur de ce texte qui se fonde sur le proc d de l hypotypose cf Clef n 13 Et en effet la syntaxe est ici r v latrice Alors que cette phrase a pour sujet grammatical un homme il au d part du texte la longue subordonn e qui suit et qui s tage sur huit lignes fait place un autre sujet bien r el le vent omnipr sent ce vent qui ne cessait de s appuyer de les pousser tous pour qu ils pour qu ils pour qu ils les laissent seuls lui et la glace consommer Cette syntaxe n est pas observer du seul point de vue v
413. ldats de la base incarn e par Flambeau suscite l adh sion imm diate de cette autre collectivit qu est le public patriote Edmond Rostand 181 Ce discours de Flambeau n aurait videmment pas pris cette dimension s il n tait qu un simple texte crit pour tre lu voix basse par une personne seule Inversement sans ses qualit s textuelles propres il ne parviendrait pas soutenir l int r t dramatique et susciter l enthousiasme du public Il nous faut donc examiner les caract res de ce morceau de bravoure fait pour tre dit c est dire sa rh torique son invention son style et son lyrisme M LE TABLEAU ET SA RH TORIQUE Le th me dominant de la tirade est donn d s le premier vers il s agit de c l brer la grandeur des petits Contrairement aux grad s qui sont plus ou moins int ress s et prot g s les sans grades marchent sans fin dans une totale abn gation Le tableau repose enti rement sur le contraste entre les souffrances quotidiennes de leur condition mat rielle et la d termination de leur moral inalt rable D un c t la boue la maladie la faim le fardeau la marche qui n en finit pas de l autre le courage la pers v rance la chanson l ardeur au combat la fid lit aveugle en tous lieux et par tous les temps Bref le c ur au ventre malgr le ventre vide Pour exalter la marche des grognards Rostand se sert d un premier moyen d expr
414. le Flaubert anse teinte 126 Clef n 16 La distanciation flaubertienne sesnssesesssrseorosesessonsssrssesesesseserrsses 131 EXPLICATION n 10 Portrait de Vautrin Le P re Goriot Balzac 134 Clef n 17 Fonctions du portrait romanesque sn 139 EXPLICATION n 11 La fin du monde Aur lia Nerval 01s01s00s00000000 142 4 TEXTES DRAMATIQUES REPR SENTER ne te nee nn ts tete 148 EXPLICATION n 12 La sc ne du Pauvre Dom Juan Moli re 149 Clef n 18 Quatre dimensions d une r plique ssessssssssssressesrrrosssseresssssoseesenress 159 EXPLICATION n 13 Premiers sentiments Le Jeu de l amour et du hasard I 6 Marivaux ssssssssssssssssssssesessrsesess 161 Clef n 19 L identification au th tre esse 169 EXPLICATION n 14 Tirade d In s Huis clos Sartre 171 EXPLICATION n 15 La marche des grognards L Aiglon Rostand 178 Clef n 20 Le morceau de bravoure ses registres sa rh torique 182 Clef n 21 Les didascalies de l explication de texte l explication de gestes anna nina A 185 EXPLICATION n 16 J ai des doutes Sketches comiques Devos 186 Clef n 22 Pourquoi rit on earann a A A N A aR 192 Clef n 23 Les niveaux de comique ess 197 Clef n 24 Les proc d s qui font rire 199 5 TEXTES ARGUMENTATIFS CONVAINCRE PERSUADER ENTRA NER sens 202 EXPLICATION n 17 Violence et v rit
415. le mane la douceur en lui domine l attente du plaisir l une engendre l autre et c est la mort Les dix premi res syllabes du vers expriment l envo tement l ivresse de lamour cf le glissement des allit rations en c sc et les assonances en i La douceur qui fascine et le plaisir et puis brutalement deux syllabes courtes mettent un terme l enchantement qui tue La beaut tue cette mort peut m me avoir t d sir e comme l crit par ailleurs Baudelaire Il y a des femmes qui inspirent l envie de les vaincre et de jouir d elles ma s celle ci donne le d sir de mourir lentement sous son regard Le D sir de peindre po me en prose Or si l on observe bien les rimes qui ont pr c d et si l on se souvient que la rime est toujours un jeu sur le sens et sur le son on constatera que cette mort tait pr sente dans les termes qui qualifient cette femme fas tueuse majes tueuse sta tue 4 Le coup d il Un clair puis la nuit Ce d but de vers voque naturellement la rapide apparition disparition de la passante dont l il en gros plan n a pu tre saisi qu un instant Mais le sens est plus pr cis Comme le confirmera le vers 10 cet clair d signe m taphoriquement le regard furtif que l h ro ne jette sur celui qui la contemple avec fixit et qui se sent rena tre On assiste ici au second acte du roman la passante n es
416. le vous me Pavez vol e si nous tions seule croyez vous qu elle oserait me traiter comme elle me traite Non non tez ces mains de votre figure je ne vous laisserai pas ce serait trop commode Vous resteriez l insensible plong en vous m me comme un bouddha j aurais les yeux clos je sentirais qu elle vous d die tous les bruits de sa vie m me les froissements de sa robe et qu elle vous envoie des sourires que vous ne voyez pas Pas de a Je veux choisir mon enfer je veux vous regarder de tous mes yeux et lutter visage d couvert Jean Paul SARTRE Huis clos 1944 ditions GALLIMARD E CONTEXTE SUJET CENTRES D INT R T la lecture d une sc ne de th tre et plus forte raison d un extrait de sc ne on doit naturellement se poser les questions O sommes nous quel moment de l action De quoi est il question quel est l enjeu du mono logue ou du dialogue Qui parle qui En un mot il faut s interroger sur les fonctions r f rentielles et les fonctions relationnelles de cette situation de communication cf Clef n 29 sur le sch ma de la communication Dans Huis clos nous sommes en enfer Cela a t pr cis dans les sc nes pr c dentes Nous sommes en enfer on ne damne jamais les gens pour rien pr sent il faut payer Mais il s agit d un enfer tr s particulier une pi ce ferm e sans fen tre ni miroir clair e en permanence o
417. le tout se passe comme si c tait d j le peuple qui s engageait par ces mots c t de la puissance des performatifs qui triomphent vraiment dans cette allocution nous retrouverons sans peine des proc d s plus traditionnels et d j observ s dans d autres textes destin s convaincre lautorit de la nomination voir les champs lexicaux d une part de la l gitimit et des l ments positifs qui se trouvent dans le camp de la France et l oppos les termes qui qualifient les forces n gatives ou mena antes qui conspirent contre la R publique intimidation intoxication tyrannie groupes de longue main entreprise totalitaire subversion communisme totalitaire apparence trompeuse ambition et haine de politiciens au rancart 262 Textes argumentatifs l usage de l absolu qui renforce ce tableau manich en tout partout b illonner le peuple fran ais tout entier tout de suite tout moment et en tous lieux serait videmment et essentiellement l aspect purement oratoire de la phrase faite pour tre dite de fa on ample et soutenue o l on rel ve la fr quence du rythme ternaire je ne me retirerai pas je le remplirai je ne changerai pas la valeur la solidit la capacit les tudiants d tudier les enseignants d enseigner les travailleurs de travailler l intimidation l intoxication et la tyrannie n abdique
418. le concret cette main nue nous la sentons et la voyons de pr s comme nous ressentirons la valeur concr te des deux bras du souffle pos ou du front qui s appuie ensuite cet effet r aliste est imm diatement re u comme symbolique la main qui saisit est le signe cod du secours du lien qui unit jamais le souffle symbolise la vie les yeux ouverts le regard sur le monde La mise en relief de chacune de ces manifestations de la compagne aim e d passe aussit t leur r alisme provisoire nous plonge dans la magie du symbole tout est signe signe de bien plus que ce que ce geste semblait exprimer enfin en raison m me de cette disproportion entre ce qui est dit et ce qui est sugg r la m tonymie a souvent valeur de litote La litote on le sait consiste dire le moins pour exprimer le plus la restriction au niveau du Louis Aragon 329 signifiant ne sert qu faire ressortir la force du signifi lorsque Chim ne dit Rodrigue Va je ne te ha s point elle semble seulement r cuser la haine alors qu elle signifie r ellement Je suis folle de toi Ici nous n avons pas de litote formelle mais l effet produit par les m tonymies aboutit galement magnifier le signifi en restreignant le signifiant la r duction apparente de l h ro ne des aspects partiels de son tre ou des manifestation minimales de sa tendresse donne au contraire sa pr sence
419. le descripteur emploie l adverbe affreusement pour voquer une m choire d form e il nous transmet son motion et veut nous la faire partager Le narrateur le plus objectif dans un roman ne manque pas d tre toujours pr sent travers ses vocations par la fa on dont il pr sente les choses et les tres Les manifestations les plus indirectes de ses intentions c esl dire les moins apparentes sont en m me temps les plus r v latrices commencer par les simples choix qui pr sident son criture Le style est l homme m me disait Buffon Printemps pass Le bec d un s cateur claque au long des all es de rosiers Un autre lui r pond dans le verger Il y aura tout l heure sous la roseraie une jonch e de surgeons tendres rouges d aurore au sommet verts et juteux la base Dans le verger les raides baguettes d abricotier sacrifi es br leront une heure encore leur petite flamme de fleur avant de mourir et les abeilles n en laisseront rien perdre La colline fume de pruniers blancs chacun d eux immat riel et pommel comme une nue ronde cinq heures et demie du matin sous le rayon horizontal et la ros e le bl jeune est d un bleu incontestable et rouge la terre ferrugineuse et rose de cuivre les pruniers blancs Ce n est qu un moment un f erique mensonge de lumi re qui passe en m me temps que la premi re heure du jour Tout cro t avec une h te divi
420. le du Pr sident sans m me le secours de l image puisque il est priv de t l vision peut d boucher sur une d mission aussi bien que sur une reprise en mains ou encore sur d autres solutions interm diaires Sans proc der l analyse exhaustive de ce discours radiodiffus dont les tenants et aboutissants politiques m ritent des livres nous allons essayer d en cerner l efficacit en nous appuyant sur la distinction nonc e dans la Clef n 30 entre l inventio la dispositio et l elocutio ce qui permettra d en tester la pertinence L inventio La th matique r pondant la situation dramatique du pays est fort simple la France est menac e par la subversion et la dictature le chef de l tat annonce les mesures qu il doit prendre pour sauver l ordre r publicain Charles de Gaulle 259 Mais entre la r alit objective du contexte national et le texte qui l voque il y a tout un travail argumentatif qui consiste dresser le tableau de la grande menace et corollairement justifier et notifier sans ambages les d cisions qui s imposent On peut proc der au recensement rapide de cette argumentation en distinguant dans ce discours Les l ments relatifs l autorit institutionnelle du pr sident et l ordre r publicain qu il incarne qui l gitiment son analyse et l ensemble de ses r solutions d tenteur de la l gitimit nationale j ai un mandat du p
421. le du destin qui prend toute la place dans notre vision E CONCLUSION sur la m thode Nous venons d tudier en liant la forme et le fond les trois aspects dominants du texte Cet examen a permis d approfondir ce que nous avions per u au premier abord Mais dans quel ordre faut il exposer les l ments d une telle explication Faut il tout dire Faut il proc der de fa on lin aire explication au fil du texte ou de fa on synth tique analyse m thodique par balayages successifs des traits essentiels du passage C est la nature du texte qui doit guider l ordre du commentaire Ici par exemple le r alisme n est pas ce qu il y a de plus original cependant il faut en recenser les effets car c est partir du descriptif pur que la personni fication de l avion prend tout son relief On ne peut pas non plus passer sous silence l organisation des contrastes qui donne son sens final au texte Ainsi nos trois petites tudes s imposent que l on fasse un commentaire compos l crit ou une lecture m thodique l oral le commentaire crit sera certes plus d taill que l explication orale qui va forc ment l essentiel mais les trois aspects demeurent Nous aurions pu proc der une tude lin aire phrase apr s phrase selon la m thode classique de l explication litt raire en pr cisant d s le d but que toutes les remarques seraient centr es sur la mise en valeur de l avio
422. le foss le gendarme dit au conducteur Bravo je vous f licite Les ruptures de ton l oral comme l crit Voltaire fait par exemple cette description flatteuse de deux arm es bien ordonn es avant la bataille Les trompettes les fifres les hautbois les tambours les canons formaient une harmonie telle qu il n y en eut jamais en enfer Candide Notre oreille se laisse prendre au jeu de ce bel ordonnancement mais soudain l expression en enfer d truit l harmonie du tableau et nous signifie l ironie du texte L crivain peut ainsi truffer ses crits d l ments suspects de termes calcul s qui si l on y pr te attention nous r v lent tout coup sa distance ironique fcf Ils ont d mettre en esclavage le sucre serait trop cher il est presque impossible de les plaindre termes dont nous avons comment l effet dans le texle de Montesquieu Les antith ses tudi es Trop belles pour n ire pas suspectes elles r v lent ou construisent des contradiclions amusantes ou absurdes le plus souvent entre la r alit et l nonc qui y renvoie C est ainsi que Montesquieu a fait semblant d opposer une me bonne un corps tout noir On verra Voltaire ironiser sur les protestants ou les calholiques fanatiques qui s entretuent au nom de la religion de l amour en ces termes Que ceux qui couvrent leur robe d une toile blanche pour dire qu il faut Kaimer ne d testent
423. le mari surprend son pouse dans les bras de son amant d o des engrenages d lirants comme sait en composer Feydeau 4 Le comique de m urs Il s agit cette fois de faire rire les spectateurs devant le tableau caricatural d un milieu social d une prof fession des m urs dites modernes etc C est le cas notamment chez molre ave sa galeng d s pr cieuses ridicules de m decins infatu s de leur savoir de bourgeois qui se veulent gentilshommes ou de ses p danis burlesques type Vadius ou Trissotin Le comique de m urs peut tre tant t purement comique l auteur caricature les tendances de son poque les mani res de vivre de parler ou de penser la mode en grossissant le alus sOuvent les traits de ses personnages tant i ou simulian ment satirique l auteur attaque directement les vices de s si cle l hypocrisie religieuse la corruption financi re les pr jug s sociaux lerrtr franc fait alors place l ironie incisive aux mols ou aux tirades f roces qui p uverit parfois viser des conl mporains pr cis aanmer gt 5 Le comique de caract re Cette fois le rire porte sur la psychologie sur les contradictions ou les faiblesses de la nature humaine sur es grands pes humains le dramaturge peint par exemple l avarice la vanit la col re le snobisme en faisant rire du campariement g tigide ou ee des personnages atteints de ces vi
424. le oblige prononcer elle tente de traduire alors une sorte de dissonance physique ou morale cf le vent de la mort dans bru i ssait ou une d chirure qui se prolonge comme dans cet autre exemple de Baudelaire Le vi olon fr mit comme un c ur qu on afflige Les Fleurs du Mal noter qu on appelle syn r se le proc d inverse plus rare qui consiste prononcer en une seule syllabe deux voyelles habituellement disjointes Par exemple dans la conversation courante on prononce hier en deux syllabes hi er mais ce mot n en fait plus qu une dans avant hier a vanthier Spleen 78 Quand le ciel bas et lourd p se comme un couvercle Sur l esprit g missant en proie au longs ennuis Et que de l horizon embrassant tout le cercle 4 Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits Quand la terre est chang e en un cachot humide O l Esp rance comme une chauve souris Sen va battant les murs de son aile timide 8 Etse cognant la t te des plafonds pourris Quand la pluie talant ses immenses tra n es D une vaste prison imite les barreaux Et qu un peuple muet d inf mes araign es 12 Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux Des cloches tout coup sautent avec furie Et lancent vers le ciel un affreux hurlement Ainsi que des esprits errants et sans patrie 16 Qui se mettent geindre opini trement Et de longs corbillards sans tambours ni musique D fil
425. le s autodivinise mais ce n est qu un subterfuge pour se masquer le r gne de la mort pour oublier la furibonde agonie qu est en r alit son agitation Sixi me strophe Au d lire rationnel de l homme qui veut se faire Dieu Baudelaire ose pr f rer la D mence recherch e pour elle m me en connaissance de cause Il est moins d raisonnable de fuir les fatalit s de l existence dans le R ve artificiel selon lui que de s adonner la fr n sie illusoire du Progr s Naturellement on a l une conclusion volontairement provocatrice Il n est pas certain que le po te croie b n fique la D mence de la drogue il lui importe surtout de ramener l orgueil humain ivre de son g nie davantage d humilit Charles Baudelaire 269 M LE TRAVAIL DU VERBE Baudelaire sait bien que cette th matique r solument pessimiste et col reuse aussi sinc re soit elle pourrait faire sourire le lecteur mod r tout ce qui est excessif dit on est insignifiant Pour capter jusqu au bout l attention du lecteur et lui procurer un certain vertige devant ce tableau il doit rassembler ses outils stylistiques les plus prouv s au triple niveau lexical rh torique et oratoire Au niveau lexical On note sans peine l abondance et le caract re p remptoire des qualificatifs La strophe sur l homme et la femme est lo quente ce sujet sept adjectifs tous accentu s par le rythme ass nent un ju
426. lefs suivre r ver appuy e pleurant comme Diane di r se musicale sur ce dernier pr nom Di ane ton amour Par tagements successifs la phrase produit une impression de d grad qui correspond l effet d estompe de l image une sorte de decrescendo musical o les rimes incertaines fontaines semblent les derniers chos un peu aigus cristallins avant la m lodie du dernier vers l heure o tout est sombre Lon tu te plais suivre r ver appuy e picurant comme Diane ton amour L effet d immobilisation obtenu par cette fusion des impressions visuelles et auditives est bien entendu au service de la signification de ce dernier vers Il s agit de produire de l imp rissable avec du p rissable de faire sentir que lamour d va si fragile si menac soit il par la mort par la Alfred de Vigny 293 Nature par le Temps demeure tout comme reste dans notre m moire l image id ale que trace d elle ce tableau stylis Ton amour taciturne et toujours menac Vers ultime vers paradoxal Car ce qui est toujours menac n est jamais totalement d truit La vie la mort le temps les hommes menacent toujours Pamour mais celui ci rena t sans cesse du c ur de la femme Cet amour taciturne renvoie au silence intime des amants qui ont peine murmur devant les tableaux humains il exprime aussi la m lancolie d va pleurant sur le monde il signifie enfin le refus des gr
427. lement diabolique qu on pourrait le croire Examinons le d tail de ses r pliques 1 Je te suis bien oblig mon ami et je te rends gr ce de tout mon c ur Politesse de grand Seigneur hyperbolique et conventionnelle On note qu l inverse de Sganarelle Don Juan tutoie d embl e le Pauvre Ce dernier reconnaissant aussit t le ma tre son langage le nomme Monsieur 2 Ah Ah ton avis est int ress ce que je vois Exclamation amus e plut t qu ironique Mais tout fait judicieuse on a trop tendance percevoir priori Don Juan comme m prisant et sans c ur alors qu il a droit de trouver plaisant le fait que le d vouement du Pauvre ne soit pas sans arri re pens e 3 Eh prie le qu il te donne un habit sans te mettre en peine des affaires des autres Durcissement du ton de Don Juan que l on sait incroyant Celui ci est irrit par le boniment du mendiant qui veut flatter en lui l tre religieux qu il n est pas Don Juan se sent en quelque sorte provoqu par le Ciel Or que lui promet le Pauvre Toute sorte de biens La logique de Don Juan est alors imparable que Dieu exauce donc directement ses fid les Pourquoi se livrer ce commerce triangulaire que l on pourrait figurer comme suit Le Ciel ST Ta biens pri res x Gens de bien aum ne Pauvre 4 Quelle est ton occupation parmi ces arbres
428. lence Tous les lumi res de la v rit ne peuvent affaiblir la v rit ne peuvent rien pour arr ter la violence et ne servent qu la relever et ne font que l irriter encore plus davantage Ce rythme ternaire se retrouve d ailleurs l int rieur m me de plusieurs des l ments comme suit Ne peuvent affaiblir la v rit Ne peuvent rien pour arr ter la violence Et ne servent qu la relever davantage Et ne font que l irriter encore plus Cette architecture de la phrase que l on pourrait nommer archi texture s explique d abord par la volont expressive de l auteur Nul doute que Pascal ne se plaise grouper les mots faire retentir leurs harmonies pour faire correspondre leur ordre musical parfaitement scand la conception int rieure qu il se fait du monde et de ses ordres il faut dire ces phrases haute voix en marquant bien les accents pour s en rendre compte En m me temps ce travail d architecte des mots a pour fonction de s duire et d entra ner quand un discours sonne juste il semble plus convaincant Pascal construit ainsi sa vision du monde avec une pl nitude sonore qui vient la fois de sa certitude d avoir raison et de son d sir de persuader Sa conception la fois antith tique et sym trique des ordres du monde se traduit en un seul jet au triple plan intellectuel visuel et sonore Il lui reste alors une fois tabli cet tag
429. les de Baudelaire on trouve un bon exemple de rejet suivi d un enjambement Leurs yeux d o la divine tincelle est partie Comme s ils regardaient au loin restent lev s rejet Au ciel on ne les voit jamais vers les pav s enjambement Pencher r veusement leur t te appesantie Le rejet lev s Au ciel souligne l effet d ascension landis que l enjambement vers les pav s Pencher nous incline regarder vers le bas ce qu on ne voit jamais foire aux aveugles Comme on l a signal plus haut certains auteurs r servent le terme d enjambe ment au seul processus d empi tement d un vers sur l autre et nomment rejet la 284 Textes po tiques partie de la phrase rejet e dans le vers suivant quelle que soit sa longueur Selon cette logique le membre de phrase ant rieur au rejet est appel contre rejet gt e restent lev s on ne les voit jamais vers les pav s dans l exemple de Baudelaire On peut adopter cette terminologie condition de pr ciser ce dont on parle el surtout de commenter les effets recherch s par l auteur Voici un dernier et c l bre exemple emprunt Victor Hugo Il s agit de la m ditation de Ruth r vant devant un clair de lune On y admirera comment le po te en jouant des rejets et des enjambements pr pare la m taphore finale Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l ombre Brillait l occident et Ruth se demandait Immobile o
430. les intonations conseill es aux acteurs tout cela fait partie des intentions explicites de l auteur et sont donc faire figurer parmi les didascalies Ces indications sont parfois indirectes elles se d duisent de la lettre du texte Quand Don Juan d clare au Pauvre Prends te dis je prends le voil cela implique des gestes de sa part et de celle de son partenaire Si Dorante dit Ne vous f chez pas Mademoiselle cela laisse entendre que Silvia a pu manifester de l agacement Lorsque In s ordonne Garcin tez ces mains de votre figure c est pour l acteur qui elle s adresse une double indication gestuelle il doit avoir mis les mains il doit les retirer Sur le plan des didascalies d ailleurs Huis clos est une pi ce tr s riche On peut dire par exemple que toute la premi re sc ne est une sorte de commentaire du d cor que d couvre Garcin Plus g n ralement ce texte de Sartre abonde en didas calies du genre In s s agrippant Garcin Garcin la repoussant violemment Garcin revient vers Estelle et la prend aux paules Un temps Il se penche sur elle et brusquement se redresse l une de ces indications exprime m me de fa on lumineuse le man ge trois des protagonistes cf Explication n 14 la voici In s s est rapproch e elle se place tout contre Estelle par derri re sans la toucher Pendant les r pliques suivantes elle lui parlera l oreille Mais
431. lettre de Hugo dont le point de vue se d place au gr d une promenade choisie intentionnellement dans un paysage lunaire et avec l vocation printani re de Colette Certes le point de vue peut n tre pas significatif surtout s il reste fixe au cours de la description Ce sont donc surtout les variations du point de vue qui seront d terminantes d placements sans transition d une r alit photographi e une autre qui peuvent tre masqu s par la continuit de la phrase ph nom nes de rapprochements en gros plan ou d loignements panoramiques sauts dans le temps Bien souvent le narrateur nous prom ne bien plus qu il ne se prom ne Or dans un r cit on parle en g n ral de focalisation pour d finir la position qu adopte le narrateur pour raconter la personne travers laquelle il fait voir ce qu il d crit Comme on le verra de fa on plus d taill e dans la Clef n 12 on distingue ainsi classiquement la focalisation interne l histoire est rapport e par un personnage qui la vit ou exclusivement de son point de vue la focalisation externe l histoire est rapport e par un narrateur qui lui esl ext rieur et se maintient dans une posilion de t moin purement objectif et la focalisation z ro qui cumule et alterne son gr les deux pr c dentes ce qui permet l auteur de se faire 76 Textes descriptifs narrateur omniscient il voit tout de loin
432. leur Sous leur r serve habituelle ils laissent donc transpara tre leur sympathie pour l homme que cache l officier il y a aussi de la bont dans l aveu accord par la jeune fille Werner von Ebrennac Ce sont toutes ces donn es du r cit qui sous tendent et magnifient la derni re sc ne si dramatique dans sa retenue Clef n 13 L hypotypose Ce mot savant si intimidant couvre en v rit un effet li raire extr mement r pandu L hypotypose c est ce proc d slylistique qui consiste mimer tenter de reproduire dans une phrase par ses images ses sonorit s le rythme de ses segments etc la r alit m me qu elle d peint L hypotypose comprend l harmonie imitative dont nous reparlerons propos des textes po tiques mais aussi tout ce qui est mise en sc ne mouvement descriptif d coupage narratif des phases d une action L objectif est que le lecteur ait l impression d y tre Dans la sc ne d adieu du Silence de la mer la syntaxe de Vercors s attache suivre et reproduire l objet de son vocation avec ce m me souci Au lieu d un nonc se contentant de signifier l id e comme Cela dura infiniment le texle impr gne le lecteur d une attente sans fin l aide d une phrase qui elle m me n en finit pas de finir Cela dura dura combien de temps dura jusqu ce qu enfin la jeune fille remu t les l vres cf notre commentaire Autre exemple voici c
433. li s du plein emploi sont sans doute parmi les moins favoris s Euph misme La r alit du ch mage est cruelle faire du ch meur un simple oubli du plein emploi le plein emploi peut il penser tout c est att nuer la gravit de sa situation Idem pour l expression les moins favoris s elle laisse entendre que les d munis sont tout de m me encore favoris s bien qu ils le soient moins nettement que les autres 12 L clair de ses yeux m a foudroy Hyperbole Au d part il y a une m taphore l clat du regard est compar un clair image classique Mais bien entendu avec le verbe foudroy il semble que nous nagions dans l exc s On se rel ve de ces coups de foudre 13 La t l vision multiplie les images de charit pour masquer la r alit des injustices Antith se Les deux membres de la phrase sont oppos s terme terme Images R alit et Charit amp Injustices Le singulier et le pluriel renforcent l opposition Autour du verbe pivot masquer on a ainsi une parfaite sym trie des expressions antith tiques 14 Le nez de Cl op tre s il e t t plus court toute la face de la terre aurait t chang e Pascal Anacoluthe Rupture de construction le premier sujet de la phrase est le nez et l on passe sans transition un autre sujet toute la face de la terre On conna t l exemple similaire de Ba
434. listiques 2 C est ce que nous avons fait par exemple dans la Clef n 18 propos des quatre dimensions d une r plique On peut naturellement appliquer la m me analyse au simple titre de cet ouvrage L intelligence de l explication de texte Puisqu il s agit d un commentaire sur des textes donc de langage sur le langage il est r gi par la fonction m talinguistique Ce titre nous informe de ce dont il va parler l intelligence du commentaire et des textes qui en font l objet c est l sa fonction r f rentielle Mais le choix du mot intelligence implique aussi de la part de l auteur la fois le sentiment qu il ma trise celte intelligence c est la fonction expressive quel ego quelle pr tention et qu il d sire en 300 pages la transmettre un lecteur qui va en tre sinc rement touch c est la fonction impressive Comme on imagine que l metteur et le r cepteur tiennent l un et l autre l intelligence pour la valeur supr me on peut supposer que le simple recours ce mot de passe cr e une connivence instantan e entre leurs consciences c est la fonction Phatique qui transpara t alors Et pour finir le travail verbal qui a pr lud l laboration d un tel nonc de pr f rence bien d autres ne manque pas d illustrer ce que Jakobson appelle la fonction po tique Une trange entreprise Intus et in cute Je forme une entreprise qui meut jamais dexemple et dont l
435. luenc s qu ils sont par leurs lectures par le contexte culturel auquel ils appartiennent par les codes litt raires venus de leurs pr d cesseurs Bien entendu dans cette place que prennent au sein de telle ou telle page les l ments textuels ou th matiques formulations motifs mythes symboles arch types etc venus d ailleurs les grandes 1 Racine dit clairement dans la pr face de Ph dre qu il a pris son sujet chez Euripide et qu il a d lui apporter quelques modifications mais il pr cise Je n ai pas manqu d enrichir ma pi ce de tout ce qui ma paru clatant dans la sienne Ainsi nos auteurs classiques se glorifient de leurs emprunts et s excusent de leur invention 38 Principes et m thodes traditions culturelles de notre civilisation se taillent la part du lion l h ritage gr co romain et l h ritage jud o chr tien en particulier Par exemple on ne peut comprendre le titre du r cit de Camus La Chute sans se r f rer la Gen se pas plus d ailleurs qu une simple phrase comme celle de Proust Les vrais paradis sont ceux qu on a perdus D o une premi re d finition au sens strict l intertextualit recouvre l ensemble des traces laiss es dans un texte donn par un ou plusieurs textes ant rieurs parfois contemporains et l tude des relations qu on peut observer entre ce texte et ceux auxquels il fait cho citation imitation consciente r miniscence rep
436. male pour une servante ne l est plus du tout pour la jeune fille de bonne famille qu elle demeure Et c est son fr re Mario qui conna t bien les convenances qui la soumet ainsi la familiarit de Bourguignon Elle brise alors la convention mais tout bas en d clarant Vous me jouez mon fr re Vous vous moquez vraiment de moi C est l un apart suppos n tre pas entendu par les autres personnages mais qui renseigne directement le public si la chose tait n cessaire sur les sentiments de Silvia Que le public partage ou non l embarras de l h ro ne il demeure intrigu jusqu o cette com die va t elle aller C est alors l attitude digne de Dorante qui va aider Silvia accepter le tutoiement J attends les ordres de Lisette dit il Elle consent tre tutoy e par ce valet dans la mesure o il le lui a demand avec une courtoisie de ma tre Certes elle manifeste une r serve puisque cela divertit ces messieurs Mais en d finitive se trouver avec Bourguignon l objet de la ris e des autres la rapproche de lui Notons la double port e de la formule cela divertit ces messieurs il s agit au del d Orgon et de Mario de toute la salle qui s amuse C est l occasion de souligner quel point ce jeu de l amour et du hasard est un continuel jeu de mots Le plaisir du spectateur participe directement de ces jeux de langage Rapidit de
437. me narratif n cessaire capler le lecteur Cela dit ce serait une erreur de vouloir appliquer ce sch ma tous les passages de roman qu on peut avoir expliquer D une part parce qu il n est pas toujours apte fonctionner il manque des l ments ou l int r t du texte n est pas dans sa dimension narrative D autre part parce que les sch mas qui expliquent tout finissent par m conna tre la sp cificit de ce qu ils expliquent appliqu la moindre anecdote de salon un feuilleton t l vis au th tre ou l pop e ou au roman le sch ma actanciel peut si bien marcher qu il ne nous claire plus que sur lui m me ne rend alors plus compte du v ritable caract re romanesque de l extrait dont on a fait l analyse Jules Supervielle 105 Nous avons donc l une clef n cessaire mais non pas suffisante Dans le cadre d une tude m thodique une premi re approche sur le mouvement du texte comme r cit s impose le plus souvent mais il faudra chercher plus loin examiner d autres axes de lecture pour saisir l originalit du texte ce qui en fait la valeur Clef n 12 La focalisation Dans la Clef n 6 nous avons diff renci les deux notions de point de vue et de focalisation Revenons de fa on plus d taill e sur cette derni re Sachant que c est videmment l auteur du livre qui est le ma tre d uvre de tout ce qui s y passe il est important de pr ciser dans qu
438. ment de se reconna tre au moins partiellement de reconna tre des types sociaux ou humains plus ou moins intemporels comme dans les Caract res de La Bruy re Il peut aussi enrichir notre connaissance de l humain en pr sentant des personnages atypiques de toutes sortes de milieux et de pays qui t moignent de l incroyable diversit de la nature humaine cf Le Neveu de Rameau de Diderot Les personnages sont alors d crits pour eux m mes sans que le r cit rende ce portrait n cessaire L auteur veut simplement donner m diter sur un tre sur la diversit des vies ou des destins en transposant peut tre le cas de personnes rencontr es Et cette m ditation orient e vers la connaissance de l homme est en quelque sorte la fonction humaniste du portrait Faire croire faire comprendre faire sentir faire conna tre toutes ces fonctions in galement pr sentes selon les cas contribueront l originalit d un portrait romanesque l appui de ces fonctions il sera bon d examiner syst matiquement e Le mode d nonciation Par qui est vu par les yeux de qui le personnage estil d crit implicitement ou explicitement Comment se situe le narrateur par Honor de Balzac 141 rapporl lui affectetil l objectivit l admiration l ironie D o est il cens tirer ses informations Pourquoi R alisme ou id alisation Certains h ros sont id alis s tout est parfait en eux D autres sont d crits avec un
439. ment une association paradoxale entre un tat d me et un paysage qui lui est en principe contraire comme on le verra dans le po me de Pr vert Barbara la joie de l h ro ne y est projet e sur la pluie au point que celle ci s rradie Paul Verlaine 323 I peut y avoir parall le Les l ments ext rieurs refl tent la r alit humaine mais en restant distance La parent n est pas fusion C est le cas par exemple de celte m ditation classique de Chateaubriand Plus la saison tait triste plus elle tait en rapport avec moi Un caract re moral s attache aux sc nes de l automne ces feuilles qui tombent comme nos ans ces fleurs qui se fanent comme nos heures ces nuages qui fuient comme nos illusions cette lumi re qui s affaiblit comme notre intelligence ce soleil qui se refroidit comme nos amours ces fleuves qui se glacent comme notre vie ont des rapports secrets avec nos destin es M moires d outretombe I peut y avoir projection Ce fut le cas de Vall s de Verlaine et de bien d autres Dans une int ressante chanson de Jacques Brel intitul e Je ne sais pas on assiste la longue marche d un h ros d laiss par celle qui l aime travers des paysages ruraux et urbains qui sont marqu s par le froid la solitude l abandon le deuil tous ces caract res de l univers ext rieur sont en r alit des projections linconscientes de la part du h ros qui les d crit la premi re
440. mettre un auteur de th tre a le choix entre deux modes d expression qui sont le tragique et le comique On pourrait m me soutenir que le comique est plus efficace pour exprimer la douleur dans la mesure o il laisse au fond du spectateur une sorte de remords du rire qui peut le conduire m diter de fa on plus approfondie alors que les simples pleurs vers s devant un spectacle path tique soulagent si bien qu on n a plus besoin d y penser par la suite Clef n 22 Pourquoi rit on Parce que c est dr le Raymond Devos Remarques pr liminaires 1 En g n ral autant l on aime rire autant l on d teste s expliquer les raisons de son rire D une part parce que c est un sujet extr mement complexe qu aucune th orie ne parvient lucider totalement il y a foujours des rires qui chappent aux explications traditionnelles de l hilarit D autre part parce que le rieur n a peut tre pas trop envie de regarder en face les satisfactions suspectes ambigu s qui nourrissent en profondeur son rire Savoir pourquoi on rit pourrait nous rendre singuli rement graves On se contente alors de la tautologie Pourquoi riton 2 Parce que c est dr le 2 Dans l approche de cette activit rythmique des muscles zygomatiques typique ment humaine selon Rabelais il est difficile de distinguer ce qui serait un rire naturel spontan qui na t au hasard des circonstances de la vie courante du comique tudi th
441. mpressionnants d g ts de sa puissance destructrice Et les triomphateurs sous leurs arcs triomphaux Tomba ient elle changeait en d sert Babylone 278 Textes po tiques Le tr ne en chafaud et l chafaud en tr ne Les roses en fumier les enfants en oiseaux Lor en cendre et les yeux des m res en ruisseaux Successivement la Mort an antit la gloire militaire les triomphateurs les plus belles cit s Babylone le pouvoir politique le tr ne la beaut des choses les roses l innocence les enfants la richesse Por bref tout ce qui est valeur aux yeux des humains Hugo choisit chaque fois un exemple symbolique aussi pr cis qu intemporel m me s il renvoie comme l chafaud un v nement historique et il le met en relief par la structure des vers Le premier exemple montre l homme au fa te de sa gloire d filant sous Parc triomphal mais toute gloire est vaine et personne n chappe la Faucheuse L lan emphatique du vers Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux suivi d un rejet brutal Tombaient semble reproduire la chute des puissants tandis que l allit ration triomphateurs triomphaux Tombaient souligne l in luctabilit de ce destin C est la Mort qui triomphe La suite de la phrase est gouvern e par un seul verbe elle changeait La puissance magique de la Mort est en effet de m tamorphoser toute chose en son contraire L habilet de Hugo consi
442. n la description l analyse psychologique Quels sont les temps utilis s Les pronoms les plus fr quents quelles sensa tions dominantes ob it le choix des mots vue ou e toucher odorat Quels l ments de la nature ou du monde social fait il intervenir Y a t il des champs lexicaux particuli rement r v lateurs Comment se r partissent se m lent ou s opposent les divers registres du vocabulaire animal v g tal humain Le style est il globalement soutenu recherch simple familier prosa que Les termes veulent ils nous plonger dans un univers r aliste dramatique m taphysique surr aliste Les adverbes et les adjectifs la base de la modalisation r v lent ils les sentiments les pr jug s du locuteur etc 32 Principes et m thodes La phrase et son expressivit La place des mots est galement d termi nante La phrase elle m me peut tre concise hach e ample p riodique selon les r alit s voqu es ou selon le souffle de l auteur Ce rep rage sera ensuite relier aux significations pour l instant il faut le conduire sans a priori L un des l ments essentiels de l expressivit sera naturellement la pr sence de figures de style Il faut les rep rer tout de suite Il peut s agir de figures portant surtout sur la construction de la phrase apostrophe ellipse anaphore antith se chiasme ou surtout sur l expression de la pens e figures d insistance
443. n Madame Arnoux C est m me par d pit qu il s est jet dans les bras de Rosanette et il reviendra comme on peut l imaginer son premier et unique amour C est donc dans la logique du roman que cette idylle passag re soit marqu e au moins partiellement par cette illusion de bonheur auquel Fr d ric joue croire cela compl te son ducation sentimentale Mais c est aussi un trait constant du personnage Dans l ultime entrevue avec Madame Arnoux au moment o Fr d ric lui fait part avec fougue de son adoration le narrateur note simplement Fr d ric se grisant de ses paroles arrivait croire ce qu il disait Cette distanciation est en r alit un proc d constant de l auteur Elle tait d j fr quente dans la narration de Madame Bovary o Flaubert am ne le lecteur tant t s identifier son h ro ne tant t s en distancier Aux moments les plus mouvants le narrateur souligne certains d tails qui sont l comme pour se moquer de la douleur des personnages mis en sc ne et conduisent le lecteur sourire Voici un passage caract ristique Emma Bovary pouse de Charles a pris un amant Rodolphe Elle esp rait partir avec lui mais Rodolphe se d robe Elle vient de recevoir de lui une lettre de rupture Haletante perdue ivre elle se r fugie alors dans la mansarde situ e au second tage de la maison d o l on voit la campagne indiff rente et o l on entend le v
444. n Mais nous avons pr f r m ler ici la m thode lin aire suivie dans la troisi me partie et la m thode synth tique en faisant deux balayages successifs Pun pour le r alisme l autre pour la personnification notre but tant toujours de faire converger les observations partielles vers l interpr tation finale En r gle g n rale l explication lin aire convient souvent mieux aux textes classiques tr s organis s tr s denses la m thode synth tique s adaptant mieux aux sc nes romanesques ou th trales Mais on peut toujours varier les types d approche condition d en justifier le choix Clef n 1 Le r alisme sa fonction et ses limites Le r alisme en art en litt rature consiste d crire les choses telles qu elles sont Du moins enter de reproduire aux yeux des spectateurs ou des lecteurs la r alit telle qu elle est Ou telle qu elle appara t Ce r alisme peut tre visuel il d crit le monde dans ses manifestations naturelles couleurs formes Il peut tre fonctionnel il insiste sur les aspects techniques des Henri Troyat 55 objets des machines m ticuleusement observ s peut tre social il essaie de photographier les m urs de tel milieu de faire parler les personnages comme dans la vie c tail le cas de Zola qui d sirait que son roman l Assommoir ait l odeur du peuple En d finitive il y a autant de r alismes qu il y a d aspe
445. n on le voit a quelque chose d aqueux de fluide o l on se noie Le cachot implique aussi l id e de punition d exil qui sera reprise plus loin propos des esprits errants et sans patrie L Esp rance est ici personnifi e par le E majuscule Baudelaire en fait une all gorie mais c est aussit t pour la d grader en une b te maladroite quoique obstin e Pour traduire ce vol heurt et malhabile de la chauve souris l auteur d sarticule le vers 6 la c sure coupe le vers en deux parties in gales de cinq et sept syllabes ce qui brise l lan de la phrase En revanche la r gularit du rythme des vers 7 8 et emploi de la forme progressive s en va battant et se cognant soulignent la constance l effort sans tr ve de l oiseau en Charles Baudelaire 299 qu te d issues qui n existent pas Mais voil l aile de l Esp rance est timide craintive comme l Albatros tout oiseau hors de son l ment est gauche elle se d bat dans un environnement pourri Horreur de l engluement et r alisme de l expression battre des ailes se cogner partout Allit ration plafonds pourris Ironie am re de la formulation comment peut on se cogner contre quelque chose de mou L Esp rance ce r gime ne peut vraiment que d sesp rer D autant que la troisi me strophe verrouille tout espoir TROISI ME STROPHE Quand la pluie talant ses immenses tra n es D
446. n remarque qu aux obstacles opposants en termes de narratologie font pendant des aides adjuvants il s agit des armes que Tchen palpe au fond de ses poches pour s assurer et faire son choix Enfin Tchen agit il choisit le poignard l ve le bras Mais cette action est nouveau diff r e par l ambiance ext rieure qui la paralyse provisoirement Naturellement au fil de ces s quences le lecteur est lui m me en attente On progresse on ralentit on repart Le coup de poignard est suspendu comme une p e de Damocl s du d but la fin du texte si bien qu cette suspension de l acte correspond tr s troitement le suspense que vit le spectateur Le r le de l criture Le talent de Malraux porte ces divers aspects du r cit L criture est forte contrast e imag e voire hyperbolique un corps moins visible qu une ombre cette nuit o le temps n existait plus grouillait un monde de profondeurs cette nuit cras e d angoisse n tait que clart etc La Andr Malraux 119 syntaxe en particulier est volontairement heurt e traduisant le d sordre int rieur d un Tchen travers p le m le par des perceptions objectives le pied le vacarme le poignard des pens es soudaines assassiner n est pas tuer et des motions inachev es Une alternance de questions d explica tions concr tes le mode d emploi du tueur poignarder ou saigne
447. n d un autre monde etc Une telle mise au point me permettra de mieux recevoir les effets du po me de mieux situer son originalit par rapport aux st r otypes de la conversation courante ou par rapport d autres textes que je connais sur le m me sujet Puis en cours de lecture je noterai l volution de mes impressions Une page produit rarement une atmosph re unique globale et uniforme Il y a des intensifications des modifications des contrastes des convergences Il faut tre attentif tout ce qui varie dans notre impression et surtout prendre garde ce qu une impression marquante pour nous en raison de notre sensibilit n efface pas les autres tout aussi importantes On peut d ailleurs changer d impression sur tel ou tel passage en le relisant En fin de lecture videmment le bilan de nos impressions successives pourra tre compar ce que nous avons d j observ dans la vie ou dans d autres lectures La r gle est de ne jamais banaliser de ne jamais r duire l effet d un texte l effet produit par d autres textes mais au contraire de diff rencier les impressions que peuvent nous faire des pages portant sur des th mes ou des situation similaires Bien entendu cela suppose qu on affine ses r actions premi res et qu on entre dans le d tail C est ce que vont nous permettre justement les impressions particuli res L encore il va falloir observer en soi Au fil des p
448. n des affaires en voil des histoires 3 Ne men fait point accroire ne me conduit pas me faire des id es m attribuer un m rite que je n ai pas 162 Textes dramatiques SILVIA Eh bien Bourguignon soit DORANTE Va donc pour Lisette je n en serai pas moins votre serviteur MARIO Votre serviteur ce n est point encore l votre jargon c est ton serviteur qu il faut dire MONSIEUR ORGON Ah ah ah ah SILVIA bas Mario Vous me jouez mon fr re DORANTE l gard du tutoiement j attends les ordres de Lisette SILVIA Voil la glace rompue Fais comme tu voudras Bourguignon puisque cela divertit ces messieurs DORANTE Je ten remercie Lisette et je r ponds sur le champ l honneur que tu me fais MONSIEUR ORGON Courage mes enfants si vous commencez vous aimer vous voil d barrass s des c r monies MARIO Oh doucement s aimer c est une autre affaire vous ne savez peut tre pas que j en veux au c ur de Lisette moi qui vous parle Il est vrai qu il mest cruel mais je ne veux pas que Bourguignon aille sur mes bris es2 SILVIA Oui le prenez vous sur ce ton l Et moi je veux que Bourguignon m aime DORANTE Tu te fais tort de dire je veux belle Lisette tu n as pas besoin d ordonner pour tre servie MARIO Mons Bourguignon vous avez pill cette galanterie l quelque part DORANTE Vous avez raison Monsieur c est
449. n effet ne cesse de morceler les choses de les p trifier en les d taillant Un premier exemple nous en est donn par le portrait de Rosanette c est un r pertoire plut t qu un tableau Le mouvement du regard de Fr d ric recense les traits de Rosanette en spirale le nez les l vres les yeux les cheveux la figure les paules le buste les mains et puis tout coup on ne voit plus que ces mains affair es leurs t ches concr tes d coupaient versaient boire s avan aient sur la nappe comme si la personne m me de Rosanette tait oubli e Cette plong e dans le d tail est accentu e par l num ration des plats servis table faite aussit t avec la m me minutie sans transition si bien que le portrait de Rosanette et la liste des mets sont mis sur le m me plan Comment un personnage dot d un tel regard pourrait il s enthou siasmer sinon en s auto illusionnant Certes le contenu du texte semble attester la beaut de Rosanette en contraste avec le caract re prosa que du repas et cependant la vision que nous donne le narrateur de la sc ne en glissant du portrait de Rosanette la description du menu le gros plan sur les mains qui s agitent facilitant cette plong e dans le r alisme nie cette beaut et fait oublier le personnage de Rosanette qui n est plus qu une nature morte dans un tableau sans me 4 Le regard de Fr d ric un moindre degr p trifi
450. n outil passe partout cf la Clef n 11 De l intertextualit 45 3 Dans le po me en prose Les veuves on trouve une vocation proche C tait une femme grande majestueuse et si noble dans tout son air Son visage triste et amaigri tait en parfaite concordance avec le grand deuil dont elle tait rev tue M mes traces textuelles dans le po me en prose Le d sir de peindre Je br le de peindre celle qui m est apparue si rarement et qui a fui si vite En elle le noir abonde et son regard illumine comme l clair c est une explosion dans les t n bres 4 Bien entendu le th me de l id alisation de la femme dans l ensemble des po mes de Baudelaire ne manque pas d clairer ce texte particulier et d en tre enrichi son tour L observation du contexte culturel les uvres contemporaines ou ant rieures pourra tre aussi une pr cieuse source Ainsi dans l un de ses contes recueillis sous le titre Champavert 1832 Petrus Borel crit propos d une femme qui vous appara t comme une illumination Pour moi cette pens e qu on ne reverra jamais cet clair qui nous a blouis que deux existences faites l une pour l autre pour tre ador es pour tre heureuses ensemble en cette vie et dans l ternit sont jamais cart es pour moi cette pens e est profond ment douloureuse Plus trangement encore G
451. nalit ou le registre qui domine tel ou tel passage didactique r aliste pol mique ironique dramatique pique romanesque etc Nous pressentons d j par ce simple coup d il quels seront les centres d int r t que mettra en valeur le commentaire et m me deviner le message probable de l auteur e Le mouvement du texte Les d tails les parties d un passage ne prennent vraiment tout leur sens toute leur port e qu en fonction de l ensemble o l auteur les a ordonn s Il faut donc observer la page comme on observe un tableau bonne distance Comment expliquer un texte 31 Voir ainsi les grands masses qui le composent les clairages dominants les progressions ou les contrastes tudi s bref le plan ou le rythme du texte ce stade de l examen on va rep rer m me sans rien ressentir le travail de composition de l artiste Les d buts et les fins de passages m ritent une attention particuli re l auteur y laisse voir comment il veut nous prendre ou nous surprendre o il veut nous emmener dans quelle atmosph re il d sire nous entra ner Les derni res phrases d un paragraphe les chutes de certains po mes nous renseignent la plupart du temps sur l effet dominant sur ce quoi le texte voulait en venir Le texte lui m me Sans recenser les innombrables aspects d un texte car sa nature et son mouvement peuvent d j limiter nos axes de recherche
452. nance entre le paysage et le moi du narrateur E L VOCATION DES RIVES MEURTRIES Jacques Vingtras ballott par le train le long de la Loire se laissait aller ses souvenirs eux m mes flottant au fil du fleuve quand tout coup Tout coup les bords se d brident comme une plaie Ce tout coup bien narratif arrive point nomm pour pr parer le contraste entre les deux paysages et pr ter au narrateur une contemplation nouveau r v latrice celle de l autre face de son tre profond Car bien s r si Jacques Vingtras parlant la premi re personne est le narrateur suppos de ce passage l auteur en est Jules Vall s c est lui qui orchestre tout et rassemble ou assemble d lib r ment ces deux pisodes descriptifs pour mieux peindre son h ros cf Clef n 8 Ce tout coup produit donc un effet de r el que souligne l explication qui suit il a fallu largir les rives de la Loire coups de pioche Mais cette pr cision objective est l pour masquer la vraie raison de cette plaie elle doit tre l image d une d chirure int rieure nouveau l motion se m le en effet la description Les comparaisons et m taphores conf rent au paysage l apparence d une collectivit humaine meurtrie par la guerre L anthropomorphisme est cette fois caract ristique les bords forment une plaie les plantes sont tu es ou tristes la v g tation
453. nc 2 Je veux montrer mes semblables un homme dans toute la v rit de la nature et cet homme ce sera moi Cet objectif justifie l annonce pr c dente Car s il est commun de peindre des hommes il l est beaucoup moins de montrer un homme dans toute la v rit de la nature de parvenir cette v rit dans un auto portrait Si saint Augustin et Montaigne ont en effet voulu peindre leur v rit et travers cette v rit atteindre une v rit humaine ont ils peint toute la v rit D autre part qu est ce exactement que cette v rit de la nature On est oblig ici de faire une petite parenth se pour rappeler que Rousseau croit l tre humain originellement bon et que c est la soci t qui d forme et pervertit sa nature Un homme dans toute la v rit de la nature c est un homme d barrass du v tement social du conditionne ment de l ducation des apparences trompeuses dont l existence civile l a conduit se couvrir Son entreprise va donc consister se d pouiller de ce v tement d couvrir sa nature fonci re aux yeux de tous et ce faisant faire appara tre Jean Jacques tel qu en lui m me un mod le exemplaire d homme demeur dans l innocence premi re contrairement la r puta tion qu on lui fait L crivain Rousseau va nous r v ler le parfait Jean Jacques Une entreprise doublement unique unique par son ambition et sa m t
454. nce de ses notations nouvelles de ses r ves En m me temps il en re oit des clairages pr cieux comme nous Pavons vu en citant plusieurs reprises des extraits d autres textes Cette notion d univers po tique est essentielle la fois en tant que telle et pour son utilit m thodologique Mieux on conna t l ensemble d une uvre mieux on est arm pour en expliquer des passages isol s Mieux on les aime aussi En ce qui concerne le th me de la femme dans l uvre de Baudelaire ce po me est aussi un l ment central mettre en rapport avec tous les autres Le po te semble ne jamais rencontrer la femme dans le pr sent Dans Parfum exotique on ne conna t d elle que son odeur qui d clenche imm diatement un transport dans le lointain o se fait sentir le parfum des verts tamariniers Dans Harmonie du soir le po te ne rejoint la bien aim e que dans le souvenir Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir Dans L Invitation au voyage il lui d crit un pays trop id al pour exister Dans une Passante la beaut qu il croise ne fait que traverser le r el La femme pour Baudelaire est toujours hors du temps Promenade sentimentale Le couchant darda t ses rayons supr mes Et le vent ber ait les n nuphars bl mes Les grands n nuphars entre les roseaux 4 Tristement luisaient sur les calmes eaux Moi j errais tout seul promenant ma plaie
455. nce de l nonciateur la fonction expressive sont simultan ment des atouts incomparables de la fonction impressive en intimidant les r cepteurs par leur caract re p remptoire La s rie commence par trois verbes au futur je ne me retirerai pas j ai un mandat du peuple je le remplirai je ne changera pas le Premier ministre Ce ne sont pas des intentions ou des souhaits mais bien des d cisions imm diates dans les circonstances pr sentes Curieusement on peut noter qu il s agit l de d cisions de non action puisqu elles ne font que maintenir ce qui tait Elles r pondent en fait ceux qui craignaient ou esp raient son d part Charles de Gaulle 261 Je dissous aujourd hui l Assembl e nationale Non pas j envisage de ou je compte dissoudre La parole accomplit sur le champ ce qu elle annonce C est l un performatif parfait Le plus tonnant c est que dans une premi re r daction le g n ral de Gaulle n avait absolument pas pr vu cette dissolution c est Pompidou qui la lui a demand e Il n emp che la voici devenue la d cision majeure de son discours et corollairement le proc d stylistique central qui renforce sa figure d autorit Concernant le r f rendum alors qu il est oblig de reculer son projet l orateur n en continue pas moins de jouer au d cideur Pen diff re la date ce qui est encore un perform
456. nd par ses oreilles il voit par ses yeux cf ci dessus les remarques sur le mode de perception en outre il sait ce qui se passe en lui il se sent rougir il trouve humiliant de il saura bien le retrouver tout seul le narrateur se place c t de l enfant il dit Antoine signe de proximit il dit galement enfant et c est d j un signe de distance puisqu il se pose comme adulte par cet nonc et entra ne le lecteur dans cette position enfin il interpr te les apparences ext rieures de l enfant celui ci a sept ans peut tre huit il rougit par col re ou par fiert d habitude refoul e cette attitude explicative du narrateur tout en restant proche de l enfant ne nous fait plus voir par ses yeux enfin le narrateur s loigne de l enfant pour nous apprendre des choses que celui ci ignore le nom des rues par exemple dont on doute qu Antoine qui ne voit que des jambes puisse les lire Mais aussi des jugements greff s si l on ose dire sur les impressions de l enfant et qui d passent visiblement les r flexions de ce dernier C est le cas de la pr sentation de ces asp rit s faites pour mieux tenir les doigts l gers d un enfant de l interpr tation des paroles confuses des passants voil d o vient la nostalgie de la rue ou enfin du commentaire sur le bruit de la ville ce bruit qui cherche en vain s
457. ne La moindre cr ature v g tale darde son plus grand effort vertical La pivoine sanguine en son premier mois pousse d un tel jet que ses hampes ses feuilles peine d pli es traversent emportent et suspendent dans l air leur supr me cro te de terre comme un toit crev Colette La Maison de Claudine 1922 LIBRAIRIE ARTH ME FAYARD 2004 E APPROCHE DU SUJET Voici une description apparemment sans myst re quoi de plus simple et de plus banal que d voquer une matin e de printemps Pourtant une lecture attentive du texte une relecture donc ne manque pas de nous intriguer S agit il d une vocation en direct comme le ton au pr sent semble le sugg rer Ou la peinture d un printemps du souvenir comme le titre trange le laisse entendre D o de quel endroit de quelle poque nous d crit on pr cis ment ce moment printanier Question d autant plus d licate que l auteur n appara t nulle part en disant je ou en explicitant ses impressions Nous sommes devant une peinture d nu e de ces projections personnelles qu on trouve dans tant d autres tableaux o le paysage est un tat d me Il faudra donc se demander en premi re analyse si cette description proc de d un r alisme purement objectif ou s il y a davantage dans la mani re dont le texte touche nos sens et met en sc ne le spectacle du matin La seconde piste nous est donn e par le titre p
458. ne plaie C est qu il a fallu d chirer et casser coups de pioche et coups de mine les rochers qui barraient la route de la locomotive De chaque c t du fleuve on dirait que l on a livr des batailles La terre glaise est rouge les plantes qui n ont pas t tu es sont tristes la v g tation semble avoir t fusill e ou meurtrie par le canon Cette po sie sombre sait elle aussi me remuer et m mouvoir Je me rappelle que toutes mes promenades d enfant par les champs et les bois aboutissaient des spectacles de cette couleur violente Pour tre compl te et profonde mon motion avait besoin de retrouver ces cicatrices de la nature Ma vie a t labour e et m ch e par le malheur comme cet ourlet de terre griff e et saignante Ah Je sens que je suis bien un morceau de toi un clat de tes rochers pays pauvre qui embaumes les fleurs et la poudre terre de vignes et de volcans Jules VALL S Le Bachelier 1881 E SUJET ET MOUVEMENT DU TEXTE Le narrateur revient par le train au pays de son enfance Il observe le paysage et r agit Sa description est donc ins parable de l motion qu elle suscite On pourra m me se demander si dans ce texte mi descriptif mi lyrique le choix des paysages n est pas subordonn la mise en valeur des sentiments du narrateur Il arrive souvent dans les r cits comme dans la vie que le d place ment dans l espace soit en m me temps un voyag
459. nifester Le regard de Fr d ric Plusieurs remarques s imposent 1 Sur l ensemble du passage la focalisation adopt e est interne les choses sont globalement racont es par les yeux de Fr d ric Il est vrai qu plusieurs reprises le narrateur semble prendre de la hauteur et montrer le couple de loin en employant la troisi me personne du pluriel ils d n rent On leur servit ils all rent Mais le contexte indique clairement que nous sommes centr s l int rieur de Fr d ric conjugu s la premi re personne les verbes auraient pour sujet des nous nonc s par le seul Fr d ric nous din mes on nous servit nous all mes Ainsi m me lorsque les deux amants agissent ou observent c est travers le regard de Fr d ric que tout nous est montr 130 Textes romanesques 2 Il n y a aucun change entre les personnages aucune parole aucun geste de l un envers l autre Si leur communion nous est sugg r e par le fait qu ils baignent dans une m me atmosph re il semble bien que ce soit surtout Fr d ric qui contemple qui vit cette illusion de bonheur laquelle est entretenue par le caract re conventionnel de cette soir e en t te t te d ner auberge lune de miel promenade cr puscule etc Or ce que voit Fr d ric suffit il le rendre vraiment heureux On peut en douter 3 Le regard pr t par l auteur Fr d ric e
460. nne cf Clef n 25 sur l apostrophe l image de Jacques Vingtras ils sont deux en un Ce passage illustre bien le processus de l identification au sens cr ateur du mot il s agit de se donner une identit en trouvant ou en construisant l ext rieur de soi une image de soi m me mi r elle mi id ale Et m me ici mieux qu une image une substance On peut dire que le spectacle de ce pays contrast substantifie le sentiment d identit de celui qui s y retrouve Plus qu une vague parent c est une toffe concr te et intemporelle l toffe d une terre h ro que dont il est tiss qu il contemple D o sa profonde satisfaction Il s ternise en se sentant partie de cette terre La conclusion du texte ajoute une nuance qui confirme le bonheur de l identification ce pays n est pas seulement un pays malheureux Pays pauvre certes terre de vignes et de volcans il embaume les fleurs et la poudre il associe des valeurs contradictoires entre lesquelles il n y a pas choisir Cette dualit marqu e par les antith ses correspond bien videmment l ambivalence du destin du narrateur Morceau de cette terre il ne pouvait en vivre que la totalit D s lors l vocation heureuse de la Loire bleue et l vocation douloureuse de la terre meurtrie prennent tout leur sens en d identifiant l une puis l autre le narrateur a pu totaliser les deux aspects de son tre Ce
461. nne nuit rituelle est adress e comme chaque soir par l officier ses deux h tes avec une voix d nu e d expression elle ne semble pas a priori faire partie de son change avec la jeune fille Il n en est pourtant rien comme nous l avons soulign ci dessus d une part parce qu il dit cela en ne l ayant pas quitt e des yeux son regard n a pas boug d une ligne et d autre part parce que remarque le narrateur sa voix est trangement d nu e d expression paradoxalement cette retenue crie ce qu elle tente de feutrer elle ne s adresse en r alit qu la jeune fille et l on imagine quel point celle ci doit y tre sensible La seconde parole toujours prononc e par l officier allemand est l Adieu qu il murmure Un Adieu non pas dit hautement ou dramatiquement par quelqu un qui voudrait forcer la r ponse mais nonc comme sans espoir de retour un adieu d autant plus d sesp r qu il ne s agit pas d un banal au revoir puisque l Allemand confirme par ce mot Dieu tymologiquement qu il part pour toujours Cette annonce d un d part d finitif va t il faire r agir la jeune Fran aise Celle ci y met le temps Ce temps souligne le d bat qui doit se faire en elle entre le devoir le silence patriotique et le d sir amour pour cet homme qui part pour la mort Enfin elle remue les l vres et l aveu qui en sort a une tout aut
462. ns l objet que l on contemple Ici le texte donne limpression que les deux amants sont unis dans le regard commun qu ils portent sur leur environnement C est harmonie apparente du lieu qui les fondant dans une m me contemplation produit un effet d harmonie entre eux Les trois descriptions Fr d ric donc contemple Rosanette Ce n est pas un beau portrait mais c est le portrait d une femme jolie Le narrateur se contente d num rer quelques traits r alistes chacun de ces traits signifiant la beaut de Rosanette aux yeux de Fr d ric sa jolie figure ovale sa robe de foulard cru etc Les amants d nent leur repas fait donc l objet d une description vrai dire les d tails relev s par le narrateur seraient plut t de nature d griser nos h ros du vin r peux du pain trop dur des couteaux br ch s Nous y 128 Textes romanesques reviendrons Mais premi re vue la volont de bonheur du couple l emporte l harmonie de leur idylle transcende ces quelques imperfections du r el Tout cela augmentait le plaisir Le paysage du soir peint avec pr cision rassemble des motifs stylis s dans la contemplation desquels le couple op re sa bienheureuse fusion le ciel protecteur arrondi comme un d me la dentelure des bois le clocher villageois la tache rouge d une maison sur la rivi re sinueuse les joncs pench s les chaloupes berc es par l eau l
463. ns nous essayer de les isoler et de conduire l analyse en proc dant deux s ries de remarques successives La logique absurde de l histoire l amusement spirituel L auto aveuglement du personnage le plaisir comique E LA LOGIQUE ABSURDE DE L HISTOIRE Un personnage nous r v le progressivement une s rie de faits d indices relatifs sa situation conjugale Ces informations sont de plus en plus r v latrices de son malheur sa femme le trompe avec son meilleur copain Mais ce que nous avons devin d s les premi res r pliques il va mettre toute la dur e du r cit s en rendre compte Loin de comprendre ce qu il d sirerait savoir il va chercher chaque nouvel indice irr futable une explication naturelle lui permettant d chapper l vidence de rester dans le doute ce niveau celui de la participation de notre intelligence l histoire ce n est pas la na vet du personnage qui est souligner mais plut t l ing niosit que lui pr te l auteur Tout se passe comme si nous suivions une nigme l envers tant donn une conclusion vidente quelle raison plausible peut on trouver pour ne pas y aboutir Quel pr texte naturel et pourtant absurde va t on nous donner pour retarder la logique des faits Par exemple l ami sans g ne met les pantoufles du mari Celui ci conclut Je me demande s il ne se sert pas de mes affaires La conclusion est
464. nt Si je d clare ainsi je jure de dire la v rit ma parole accomplit le serment que j nonce Le faire par exemple s excuser est op r par le dire excusez moi De m me pour je vous parle j avoue mon crime je proteste de mon innocence j affirme que j y tais je vous demande de vous taire je vous autorise fumer Un imp ratif pr sent par lequel j ordonne ou interdis est performaitif l inverse si en m asseyant je dis je m assieds ce n est qu un nonc constalatif et non pas performatif car ce n est pas le fait de dire je m assieds qui m assoit De simples adverbes peuvent tre performatifs r pondre par exemple oui ou non une question peut suffire m engager cf Voulez vous prendre pour pouse Mile X La parole est alors acte elle est performance D o l int r t de rep rer les performatifs dans les discours politiques ou officiels Mais la notion de performativit d passe le simple cas des vocables d claratifs ou injonctifs l intensit de signification si l on peut dire de certains termes cod s par exemple la langue consacr e des rites religieux ou bien le respect sacro saint du nom indissociable de l honneur et de l identit chez les nobles donne l nonc de ces paroles la gravit d un acte Sous l Ancien R gime o l on pesait ses mots l insulte tait absolument performative d o les duels la d claration d am
465. nt le canal de transmission travers lequel l metteur s exprime va conditionner la forme de son discours C est essentiel pour juger de l efficacit ou de la pertinence de la communication On ne parle pas la t l vision comme la radio la t l vision on ne s exprime pas 30 millions de personnes mais 30 millions de fois une personne disait un sp cialiste Notons enfin que la fonction phatique n a parfois d autre but que de renforcer la relation affective entre deux interlocuteurs par exemple dans les changes quotidiens sur le temps qu il fait Fait beau hein 2 Ouais fait beau Ce tableau des fonctions du langage est d une grande utilit notamment lorsqu on analyse des discours qui n appartiennent pas la litt rature proprement dite Le sch ma de Jakobson s applique d ailleurs aussi avec les transpositions n cessaires aux autres lypes de langages communication visuelle langage des fleurs codes divers r gissant les changes sociaux D o sa f condit Pour ce qui concerne nos explications la recherche m thodique des fonctions du langage dominantes dans un texte permet souvent de compl ter l analyse de l nonciation y a toujours int r t s interroger sur les multiples dimensions d un simple nonc quoi renvoietil que nous dit il sur celui qui parle sur celui qui il s adresse sur la situation de communication sur la nature de ses proc d s sty
466. nt doit agir ce me semble Bien entendu l emploi du pr sent donne ici un ton d objectivit au texte qui contraste singuli rement avec le r cit subjectif de Rousseau l ambigu t de la premi re personne fusion ou distance Si Stendhal use deux reprises de la premi re personne contre une dizaine d occurrences chez Rousseau ces deux emplois n ont pas du tout la m me valeur Chez Rousseau le je du narrateur et le je de la personne qu il fut co ncident L auteur en train d crire fait corps avec le jeune homme qui s est extasi devant le pont du Gard Cette fusion l aide videmment revivre son motion et se projeter en esprit dans cette contemplation qui lui levait l me au point qu il tente de s identifier au monde romain Que ne suis je n Romain Ce spectacle le r v le lui m me l inverse le je de Stendhal reste dans cet extrait celui d un auteur Je ne tenterai pas de faire des phrases crit il ce qui montre qu il se pose uniquement comme crivain aux yeux du lecteur et cela pour affirmer paradoxalement son refus de trop bien crire L autre emploi de la premi re personne ce me semble est encore l indice d un auteur r fl chissant distance et apr s coup l effet que peut produire le monument Si l on se demande alors o peut se d celer ici la pr sence de l homme Stendhal on est oblig de dire dans des
467. nt est sans doute l abondance des m taphores Pour sugg rer la pr sence f minine le po te usait de m tonymies pour d crire les effets en lui de cette pr sence il emploie des m taphores et des comparaisons ce qui revient au m me au niveau de l imaginaire du lecteur Cette sym trie n est pas l effet du hasard Autant la m tonymie on l a vu att nue et convient la discr tion de l h ro ne autant la m taphore amplifie et correspond la mutation radicale du h ros renaissant immense t des choses humaines un grand collier d air moins Une ros e comme un champ de bl dans Louis Aragon 331 cet univers Effet renforc encore par le caract re hyperbolique de ces m taphores ou par les antith ses qu elles soulignent le c ur d funt rena t les bras font un collier d air oxymore la cause minimale a toujours une cons quence maximale Enfin les enjambements fr quents s accordent avec cette extension soudaine du monde transform la deuxi me strophe manifeste bien cet essor avec ses deux s ries successives d enjambements Qui donc a rendu Leurs couleurs perdues Aux jours aux semaines Sa r alit gt l immense t gt Des choses humaines M me essor m me expansion de l espoir la fin de la troisi me strophe le grand collier d air ou de la cinqui me le champ de bl dans l univers Ainsi le sens des mots les m taphores ou h
468. nt et tableau l image d va il pourra alors se mettre r ver le myst re de l existence humaine ne se r sout pas il se contemple et il se porte Du point de vue de l histoire litt raire cette po sie annonce bien s r comme cela fut dit certains th mes baudelairiens la beaut de la souffrance ou certaines inflexions verlainiennes les pleurs consolants d va Mais au del de ces th mes ou des r ussites de la versification l originalit du po te se trouve sans doute dans son inimitable voix ou plut t dans les deux voix qui alternent et se fondent dans son uvre comme l a si bien vu Marcel Arland 294 Textes po tiques Vigny d livre et accorde deux voix qui lont toujours partag cette longue voix tragique mais sobre ferme volontiers dure celle de l affrontement de l accusation et du refus hautain et cette autre voix si oppos e celle de la gr ce du c ur avec toutes ses nuances de la plainte la suavit de l ang lisme au trouble des mes et du corps Nul n a fait des vers mieux frapp s ni plus longuement majestueux nul n en a fait de plus ineffables o se confondent ce point la m lodie le mouvement le balancement plut t et je ne sais quelle langueur s raphique et voluptueuse Tel est son chant si complexe mais singulier Clef n 34 La di r se Nous avons renconir plusieurs di r ses notamment dans le po me de Victor Hugo bru i ssa
469. nt ou en arri re puis il accumule les notes observe classe reproduit r dige rature r crit calcule l effet de ses phrases en renfor ant ou en all geant l expression et tout cela il peut le faire dans l ordre ou dans le d sordre qu il crive manuellement ou qu il saisisse sur traitement de textes Si l on ajoute ce labeur les r gles respecter les contraintes de tel ou tel genre litt raire on comprend qu crire exige au moins autant de transpiration que d inspiration L auteur doit penser tout Les pr faces les carnets d crivains les variantes ou les versions diverses d un manuscrit l tude de la versification ou des figures de style tout le prouve Pour crire le vers le plus mouvant il a bien fallu compter les syllabes et respecter les rimes N oubliez jamais que l auteur ne veut pas seulement crire pour lui m me il veut aller au public il veut que son uvre soit lue re ue comprise aim e Il craint cela vous tonne l ennui du lecteur Il recherche donc l efficacit qu il s agisse pour lui de faire r fl chir faire rire ou faire pleurer Il recherche aussi l originalit car s il avait le sentiment de ne faire que r p ter ce que tout le monde sait ou ce que d autres ont d j si bien dit il n oserait plus crire Pour manifester sa marque son style l inspiration ne 20 Principes et m thodes suffit pas Pour que son cri paraisse spontan
470. nt rougir Col re d avoir reconna tre son impuissance dans la foule fiert refoul e d habitude et qui lui saute au visage Il l ve la t te Des visages indiff rents ou tragiques De rares paroles entendues n ayant aucun rapport avec celles des passants qui suivent voil d o vient la nostalgie de la rue Au milieu du bruit l enfant croit entendre le lugubre appel de sa bonne Antoine La voix lui arrive d chiquet e comme par d invisibles ronces Elle semble venir de derri re lui Il rebrousse chemin mais ne r pond pas Et toujours le bruit confus de la rue ce bruit qui cherche en vain son unit parmi des milliers d aspirations diff rentes Antoine trouve humiliant d avoir perdu sa bonne et ne veut pas que les passants s en aper oivent Il saura bien la retrouver tout seul Il marche maintenant du c t de la rue de Provence gardant dans sa paume le souvenir de la pression d une main ch re et rugueuse dont les asp rit s semblaient faites pour mieux tenir les doigts l gers d un enfant Jules Supervielle Le Voleur d enfants 1926 ditions GALLIMARD E LE SUJET Il s agit d une premi re page de roman dont le lecteur ne conna t que le titre Le Voleur d enfants Cela le dispose comprendre ce dont il va tre question un rapt en attendre l exposition cf Clef n 38 sur l horizon d attente Comme pour r pondre son attente cette premi re page raconte en effet au pr sen
471. ntaires RACONTER Explication n 6 Antoine a sept ans Le Voleur d enfants Supervielle Explication n 7 l adieu Le Silence de la mer Vercors Explication n 8 Le meurtre de Tchen La Condition humaine Malraux Explication n 9 Fr d ric et Rosanette L ducation sentimentale Flaubert Explication n 10 Portrait de Vautrin Le P re Goriot Balzac Explication n 11 La fin du monde Aur lia Nerval CLEFS 11 Le sch ma de la narration 12 La focalisation 13 L hypotypose 14 l identification romanesque 15 La port e symbolique de l acte 16 La distanciation flaubertienne 17 Fonctions du portrait romanesque RACONTER Les textes romanesques comportent souvent des pages descriptives comme celles que nous venons d tudier elles y ont une fonction explicative r aliste vocatrice ou po tique Mais ce qui caract rise avant tout le roman c est qu il raconte Le premier centre d int r t d une page romanesque c est la narration Quelle en est l action Qu est ce qui se passe O Quand Comment se d ploie l histoire dans un r cit acc l rations pauses emploi des temps dur e des faits ma trise de la narration etc Qu il s agisse d un roman de cape et d p e d une intrigue polici re d un r cit de science fiction qui nous fait voyager dans le temps de l histoire simple d une vie avec ses temps forts et ses temp
472. nter par l inconnu Le destin va le pi ger Alors se produit l action l ment sp cifique du r cit et en l occurrence l v nement central de l histoire Notons la 100 Textes romanesques rapidit de la transition du pr sent on le s pare violemment au pass simple lui fr la le fait a eu lieu il est irr versible m me si la question laisse planer un doute 4 L enfant est entra n dans un remous de passants Une jupe violette un pantalon raies une soutane des jambes crott es de terrassier et par terre une boue d chir e par des milliers de pieds C est tout ce qu il voit Nouvelle pause descriptive qui tire les cons quences de l action et qui simultan ment en grossit l importance en insistant sur les obstacles qui s opposent une r action ventuelle du h ros 5 Amput de sa bonne il se sent rougir Col re d avoir reconna tre son impuissance dans la foule fiert refoul e d habitude et qui lui saute au visage Il l ve la t te En analysant la psychologie du h ros ce qui prolonge la pause pr c dente le narrateur pr pare sa r action Celle ci est nette II l ve la t te C est un l ment narratif sp cifique mais il ne prend toute sa valeur dans le r cit que parce qu il a t pr par 6 Des visages indiff rents ou tragiques De rares paroles entendues n ayant aucun rapport avec celles des passants qui suiven
473. ntexte de la pi ce Deux l ments sont en effet rappeler d une part tous les pisodes de Dom Juan sont destin s illustrer les diverses facettes du grand Seigneur m chant homme tel que l a d crit son valet Sganarelle au d but de la pi ce le s ducteur cynique sans doute mais aussi l ath e qui se moque des choses de la religion et de ceux qui les croient d autre part dans la sc ne qui pr c de imm diatement Don Juan a bien voulu discuter de l existence de Dieu avec son valet lui d clarant n avoir pour toute religion que l arithm tique Je crois que deux et deux sont quatre Sganarelle et que quatre et quatre sont huit formule qui sera reprise par Sganarelle la suite de ce dialogue Moli re d sire montrer l irr ligion de Don Juan en action apr s la th orie la pratique quels niveaux saisir une sc ne d une telle densit Elle a videmment une dimension psychologique comme la plupart des grands textes de th tre il s agit d examiner comment les personnages manifestent leur caract re ou leurs relations au cours du dialogue Mais elle a d abord un aspect proprement th tral la tension de l change sa progression et son d nouement sont regarder du point de vue sc nique Quels sont les effets sur le public Quelles motions supportables ou insupportables prouve t il Cette sc ne atteint aussi un niveau symbolique ou mythique
474. ntimentale de Flaubert sinon on se retrouve dans le troisi me cas La focalisation z ro C est celle du narrateur omniscient qui cumule des deux pr c dentes met le lecteur au courant de tout ce qu il se permet de conna tre au dehors comme au dedans le cadre ext rieur contexte historique vocation de paysages que le personnage ne voit pas de pr s ou de loin elc motions internes mouvements de l me dont le personnage n a pas m me conscience et que l auteur narrateur analyse fort de son savoir et de sa position divinement sup rieure Il n h site d ailleurs pas intervenir en tant qu auieur qui dit je prendre distance el juger son personnage aussi bien qu s effacer sit t apr s pour revenir une focalisation interne qui nous identifie au h ros Ce qui compte dans la focalisation z ro ce sont les variations de la place que se donne le narrateur par rapport son ou ses personnages Ce choix est une marque d nonciation qui nous renseigne sur ce que veut signifier l auteur travers la mise en sc ne de son h ros sur ce qu il entend simultan ment produire comme effet sur le lecteur identification distance projection de sentiments personnels participation palpitante ou plaisir esth tique saveur de l analyse ou r flexion morale l adieu Werner von Ebrennac jeune officier allemand h berg en 1940 chez le narrateur et sa ni ce leur a s
475. ntion certaines phrases comportent plusieurs figures 346 Bouquet final E R PONSES EXPLICATIONS 1 Coup de fil toilette taxi me voici dans ses bras Ellipse Suppression des verbes absence de coordination entre les actes Nous devons reconstituer l histoire le protagoniste a re u ou envoy un coup de t l phone fixant un rendez vous il a fait sa toilette en vue de la rencontre puis pris un taxi quand il a retrouv son partenaire amoureux il s est jet dans ses bras On pourrait faire une transcription cin matographique des s quences 2 Honte ceux qui font de la politique une distraction et de la distraction une politique Chiasme On note une double antith se entre la politique chose s rieuse et la distraction chose futile Certains m dias font du spectacle avec la politique certains politiciens d cident de distraire le peuple au lieu de l informer Mais la figure centrale est bien ici le chiasme reconnaissable sa disposition crois e A B B A Politique Distraction Distraction Politique 3 Avec 70 fautes elle est sublime votre copie Antiphrase ironie La copie est videmment tr s mauvaise le contraire du mot sublime Attention de ne pas confondre l antiphrase qui oppose les termes de l nonc la r alit voqu e et l antith se qui oppose dans un nonc des termes entre eux 4 Ventre affam n a point d oreilles
476. ntir au message Il en faut davantage Un po me est une cr ation verbale un ensemble de sens ou de sentiments architectur s dans de la mati re sonore ou picturale Plus cette mati re est travaill e plus elle gagne en richesse de signification et d motion D s lors la distinction entre la forme et le fond s efface s il y a bien des th mes des lignes g n rales du sens il y a surtout des atmosph res des climats des formes des couleurs des inflexions des voix de la musique l art fond les uns et les autres le lecteur re oit l ensemble r ve son tour admire ou pense souffre ou se sent transport se laissant ravir par la beaut m me de l expression du d sespoir Ce n est pas tout Exprimer des mois personnels dans des textes bien cisel s ne suffit pas devenir un grand po te Il faut encore que l artiste porte en lui un univers personnel une vision du monde que son art se charge de traduire Un po te est un monde enferm dans un homme dit Victor Hugo Mais l criture po tique n exprime pas seulement un monde int rieur qui lui pr existe elle emporte souvent l auteur au del de lui m me le poussant voir et sentir bien plus qu il ne serait capable de le faire sans elle L criture finit par r v ler au po te ce qu est ce monde qu il tente de communiquer Et cet univers la fois int rieur et ext rieur qu il fait sien recr e sans cesse notre regard sur les
477. oiselle Cette modestie l me pla t Cela les aide se r v ler sensibles l un l autre Certes nous l attendions le public a envie que ces tourtereaux s aiment en m me temps qu il s amuse d eux Mais ce qu il faut signaler c est que chacun aime en l autre ce qui justement chappe la condition de valet Dorante vouvoie se montre discret dit poliment Mademoiselle Silvia aime cette modestie cela lui pla t Nous nous plaisons donc voir leur nature c est dire en r alit leur ducation l emporter sur leurs d guisements sans qu ils sachent pourquoi et en quelque sorte malgr eux Le jeu de lamour ne se fait pas au hasard Deuxi me tape une le on de langage populaire Mario force alors la com die Il s agit d acc l rer le rapprochement entre les deux personnages pour rire de la contradiction entre la logique de leur d guisement et le sentiment qui na t entre eux En cinq lignes donc il leur fait la le on Il remet nos valets leur place en leur enjoignant de se traiter avec familiarit Le public qui sait tout est parfaitement en phase avec Mario Le jeu de Mario est proprement th tral puisqu il s adresse Dorante et Silvia comme des acteurs jouant mal leur r le chacun craignant de voir son stratag me r v l Le public jouit d un v ritable sentiment de sup riorit la suite de Mario sur ces deux apprentis acteurs qui i
478. oisin Binet qui s adonne sa manie de fabriquer des ronds de serviette avec un tour bois Cet extrait se situe au chapitre 13 de la Deuxi me partie de Madame Bovary En face d elle par dessus les toits la pleine campagne s talait perte de vue En bas sous elle la place du village tait vide les cailloux scintillaient les girouettes des maisons se tenaient immobiles au coin de la rue il partit d un tage inf rieur une sorte de ronflement modulations stridentes C tait Binet qui tournait Elle s tait appuy e contre l embrasure de la mansarde et elle relisait la lettre avec des ricanements de col re Mais plus elle fixait son attention plus ses id es se confondaient Elle le revoyait elle l entendait elle l entourait de ses deux bras et des battements de c ur qui la frappaient sous la poitrine comme grands coups de b lier s acc l raient l un apr s l autre intermittences in gales Elle jetait les yeux autour d elle avec l envie que la terre croul t Pourquoi n en pas finir Qui la retenait donc Elle tait libre Et elle s avan a elle regarda les pav s en se disant Allons Allons Le rayon lumineux qui montait d en bas directement tirait vers l ab me le poids de son corps Il lui semblait que le sol de la place oscillant s levait le long des murs et que le plancher s inclinait par le bout la mani re d un vaisseau qui tangue Elle se tenait tout au bord presque suspendue ent
479. oisit de laisser de c t Dans le cas du texte de Hugo par exemple on pouvait passer plus vite sur la premi re partie le n cessaire recensement des traits r alistes pour s tendre sur les deux autres aspects de l vocation Victor Hugo 65 Clef n 3 L anthropomorphisme L anthropomorphisme est cette tendance naturelle chez l tre humain voir le monde son image et donc projeler sur toute chose des formes humaines des sentiments des esprits I est la base de la pens e magique qui caract rise les civilisations primitives est spontan chez l enfant qui dessine le soleil avec deux yeux un nez et des cheveux en forme de rayons Il est fr quent chez les po tes et crivains qui y ont recours consciemment chaque fois qu ils usent de la personnification dont nous avons d j vu les effets cf Clef n 2 Ce qu il faut pr ciser ici c est que l anthropomorphisme est tr s fr quent sans qu il y ait n cessairement personnification ll suffit ainsi de dire qu un paysage est m lan colique pour faire de l anthropomorphisme en pr tant au monde ext rieur le sentiment m me qu il nous inspire De multiples m taphores ou parfois de simples locutions une eau dormante sont base d anthropomorphisme le volcan crache le feu la nature est une m re etc Bien des mots concrets issus de l exp rience humaine ont pris un sens figur qui permet de les appliquer par analogie toutes sortes
480. ole effraie souvent et il peut para tre trop facile de plaquer le terme symbolique sur toutes sortes d vocations ou de sc nes En v rit lorsqu on examine avec pr cision l environnement d une vocation ou d un acte on peut dire qu un l ment prend valeur de symbole en litt rature chaque fais qu il signifie bi bien autre chose que ce qu il donne voir et qu il d passe donc par ses r sonances esth tiques psychanalytiques mythiques etc la seule r alit laquelle il semble renvoyer Un symbole esi un signe au second degr un objet un mot une sensation peuvent tre symboliques de m me pour un personnage plus ou moins arch typal un r cit plus ou moins mythique un paysage nimb d tat d me Ainsi la rose va symboliser l amour comme les chrysanth mes symbolisent le deuil l autel signifie l glise comme la Faucheuse symbolise la Mort voir Explication n 24 une sensation intense cf Clef n 5 un mot fortement connot tel ou tel pr nom un personnage litt raire un Tartuffe un Attila peuvent avoir valeur de symbole un r cit de m me La Peste de Camus symbolise la luhe de l homme contre le mal social ou politique La dynamique de la litt rature porte toujours les crivains percevoir dans la r alit du monde des signes qui la transcendent passer du r alisme au symbolisme w Fr d ric et Rosanette Au mois de juin 1848 Fr d ri
481. omique traduit le malin plaisir qu prouve l auteur en train de prier rabattre le caquet de l homme trop orgueilleux 232 Textes argumentatifs Voltaire met alors en opposition les causes infimes qui s parent les hommes des cons quences d sastreuses qui en d coulent sa technique consiste r duire leurs diff rences devenues de petites nuances et en grossir les effets signaux de haine et de pers cution La disproportion qui en r sulte fait clater l absurdit de l intol rance La question est naturellement de savoir si dans le monde r el les conflits humains n ont pour origine que ces petites nuances car on voit bien ici la fa on dont proc de l ironiste qui sch matise les r alit s pour dresser un contraste id al au moyen de l cart du parall le et de l antith se cf Clef n 26 Il est d ailleurs notable que cette distance prise avec la r alit Voltaire l obtient en adoptant le point de vue m me de Dieu cf nos conditions si dispropor tionn es nos yeux et si gales devant toi C est en regardant les choses de tr s haut et justement Dieu est le Tr s Haut qu elles deviennent risibles D o une raison suppl mentaire au choix qu a fait Voltaire de s exprimer dans le cadre d une pri re Dieu cela lui permet de d crire toutes les choses humaines avec une infinie distance La pri re Dieu se mue en ironie de Dieu
482. omment Rousseau voque le soir o revenant Gen ve il vit les portes se refermer sur lui l obligeant un d part d finitif une demi lieve de la ville j entends sonner la retraite je double le pas j entends battre la caisse je cours toutes jambes j arrive essouffl tout en nage le c ur me bat je vois de loin les soldats leur poste j accours je crie d une voix touff e Il tait trop tard Le d coupage de cette s quence montre que l hypotypose deviendra un proc d essentiel de l art cin matographique Le meurtre de Tchen 21 MARS 1927 Minuit et demi Tchen tenterait il de lever la moustiquaire Frapperait il au travers L angoisse lui tordait l estomac il connaissait sa propre fermet mais n tait capable en cet instant que d y songer avec h b tude fascin par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu une ombre et d o sortait seulement ce pied demi inclin par le sommeil vivant quand m me de la chair d homme La seule lumi re venait du building voisin un grand rectangle d lectricit p le coup par les barreaux de la fen tre dont l un rayait le lit juste au dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie Quatre ou cinq klaxons grinc rent la fois D couvert Combattre combattre des ennemis qui se d fendent des ennemis veill s La vague de vacarme retomba quelque embarras de voi
483. ommes Il ne croit certainement pas la pri re comme technique de pression sur Dieu Mais il ne r cuse pas non plus une sorte d action de gr ce collective envers le Cr ateur en ce qu elle peut aider 234 Textes argumentatifs l humanit mieux pr server la paix en son sein C est dans cette attitude que consiste justement le d isme E CONCLUSION Sur la nature des textes dits argumentatifs Nous avons analys l loquence de Pascal s adressant sous la forme d une lettre aux j suites Puis un r quisitoire de Montesquieu affectant d adopter le ton d un plaidoyer fictif Voici maintenant Voltaire qui choisit d appeler la tol rance en choisissant le registre de la pri re Nous verrons encore Rousseau dans le genre autobiographique tenter de persuader les lecteurs de l innocence de sa personne puis Baudelaire exprimer dans un po me son tableau d sesp r de l Humanit Tous ces textes et ne parlons pas des allocutions sp cifique ment politiques tendent galement convaincre et persuader en combinant de toutes les fa ons possibles les r gles de l art oratoire ou les figures de rh torique et en jouant des diverses fonctions du langage cf Clef n 29 On voit bien qu ils ne se r duisent jamais leur argument m me si la substance de celui ci m rite d tre comment e Sur cette pri re Dieu On peut admirer sa remarquable efficacit en une vingtaine
484. on qu un homme d imagination aurait pu prendre cette vieille t te pour quelque silhouette due au hasard ou pour un portrait de Rembrandt sans cadre Les bords du chapeau qui couvrait le front du vieillard projetaient un sillon noir sur le haut du visage Cet effet bizarre quoique naturel faisait ressortir par la brusquerie du contraste les rides blanches les sinuosit s froides le sentiment d color de cette physionomie cadav reuse Enfin l absence de tout mouvement dans le corps de toute chaleur dans le regard s accordait avec une certaine expression de d mence triste avec les d gradants sympt mes par lesquels se caract rise l idiotisme pour faire de cette figure je ne sais quoi de funeste qu aucune parole humaine ne pourrait exprimer Balzac Le Colonel Chabert 1832 Parmi les divers aspects tudier dans ce tableau on ne n gligera pas lart du contraste cf Clef n 9 et l examen de la focalisation externe adopt e par le narra teur Il est int ressant d observer que ce dernier en s amusant montrer le Colonel tel qu il appara t aux yeux du jeune avou frise alors la focalisation interne proc d exactement inverse de celui qui fonctionne dans la sc ne d adieu du Silence de la mer Clef n 17 Fonctions du portrait romanesque L auteur doit avant tout faire croire son personnage Le lecteur attend l histoire d une personne et non d une abstraction Aussi le portrait insist
485. on dont Dorante r agit est aussi li e son amour propre l int r t pour Lisette d clar par Mario l oblige avouer le sien et dans des termes trahissant sa v ritable condition La preuve en est donn e par Mario qui l accuse aussit t en connaissance de cause d avoir pill cette galanterie l quelque part La suite confirme Nouvelle galanterie pr cieuse de Dorante nouvelle humeur de Mario qui interdit ce valet d avoir tant d esprit Le public continue 1 d appr cier le trait d esprit 2 de s amuser de l cart entre le d guisement de Dorante et son langage qui ne trompe pas 3 de savourer la dext rit avec laquelle Mario m ne le jeu 4 de se plaire voir Dorante embarqu dans des aveux qui ne peuvent que toucher Silvia 5 et de voir simultan ment Silvia y tre sensible s nerver l encontre de son fr re et encourager Dorante en s offrant presque lui s il en trouve dans mes yeux il n a qu prendre Voici nos deux domestiques pris dans l engrenage Orgon cl t la sc ne sentant que le divertissement a suffisamment progress pour l instant Le public est accroch la suite comment vont r agir les deux jeunes gens une fois seuls ensemble Marivaux fait d ailleurs le point sur la situation d s le d but de la sc ne suivante en pr tant Silvia et Dorante deux apart s sym triques qui confirment l int r t qu ils ont pris l un po
486. on pourra pour l examiner puiser dans la gamme des l ments suivants L nonciation Pour un crivain l nonciation c est lacte d crire Les l ments constituants de cet acte transparaissent dans l nonc ce sont les indications relatives au lieu et au temps o l nonc est produit ou encore o il affecte d tre produit la personne qui est cens e s exprimer celle qui nonc s adresse Devant un texte il est donc essentiel de se poser les questions Qui parle qui O Quand Comment L auteur choisit il d intervenir explicitement dans ce qu il nonce Pr f re t il mettre en sc ne un narrateur Pourquoi rapporte t il un r cit la premi re la troisi me ou la seconde personne De quel point de vue sans toujours l avouer d crit il un lieu une sc ne O se place t il par rapport ses personnages quelle focalisation adopte t il Comment est conduit le regard du lecteur dans une description Celui ci est il mis distance Ou plac c t du h ros voire dans le for int rieur du h ros pour faciliter l identification Autant de questions qui d passent la seule tude du style au sens strict mais sont inh rentes tout regard objectif sur un passage La nature du vocabulaire Le choix des mots est d cisif qu il s agisse de textes entiers ou de simples tournures Le vocabulaire est il concret figur Se rapporte t il l actio
487. on unit parmi des milliers d aspirations diff rentes Dans ces derni res citations ce n est m me plus le narrateur qui semble juger la narration pourrait se passer de ces jugements c est l auteur qui se glisse se pla t prolonger les impressions de l enfant Jules Supervielle 103 comme si l adulte qu il est devenu pouvait clairer enfin les sentiments confus qu a pu prouver l enfant qu il a t E EN GUISE DE CONCLUSION Sans aller plus avant dans l exploration du for int rieur de Supervielle il nous suffit d observer qu l occasion de ce r cit celui ci n voque pas seulement l histoire d un enfant en tant que telle il y m le ses pens es il y projette sa relation l enfant dans une sorte d alternance subtile entre hauteur de vue et complicit Pour lui aussi et peut tre d abord la nostalgie de la rue a un sens issu du souvenir Mais du m me coup le lecteur est conduit partager ce rapport l enfance Entra n dans l aventure d Antoine il est simultan ment impr gn de la vision que l auteur narrateur se fait de l enfance Au fil de la lecture nous voyons les choses par les yeux d un enfant mais en sachant que nous demeurons des adultes en train de voir par les yeux d un enfant dans un m lange d identification et de distance similaire celui de Supervielle D o le charme de cette page et notre empressement signer le
488. onnes ou des peuples l absolu des passions les mythes fondamentaux de l histoire aussi bien que les d mystifications de l hypocrisie sociale qui font le plus souvent la mati re des grandes uvres commencer par les trag dies grecques Instruire cela ne veut pas dire faire la le on mais donner m diter l motion th trale d bouche toujours sur des questions que pose l uvre aux spectateurs la soci t elle exprime les pens es latentes qui travaillent les tre humains sur les myst res de la relation humaine sur le destin de l homme sur les rapports entre le mensonge et la v rit entre la libert et le pouvoir etc M me si le bon auteur dramatique n crit pas pour d mon trer une th se il propose toujours une vision du monde une somme d inqui tudes ou d intuitions qui r v lent le public lui m me C est en cela que le th tre instruit Certes on ne peut dans l explication d une simple sc ne ou d un extrait embrasser toutes ces dimensions du th tre du moins faut il les avoir l esprit pour saisir la coh rence et l originalit du texte dramatique La sc ne du Pauvre Poursuivis par les fr res d Elvire que Don Juan vient d abandonner Don Juan et son valet Sganarelle se sont gar s dans une for t Ils rencontrent un homme auquel ils demandent leur chemin homme que l auteur pr sente simplement comme un pauvre ACTE III Sc
489. ont pas le sens commun c est qu ils font plus de cas d un collier de verre que de Por qui chez les nations polic es est d une si grande cons quence Enfin un argument tir de l exp rience et non des pr jug s ou de l histoire ancienne On a pu observer cette fois linf riorit des N gres Ils n ont pas notre sens commun cette raison qui caract rise si bien les nations polic es La preuve ils n ont pas le sens des vraies valeurs ls m prisent ce qui est souverain La simple formulation de cet argument en le grossissant l annule Il est aussi ridicule de f tichiser un min ral qu un autre Montesquieu amplifie justement la contradiction en opposant la s rie n gres pas le sens commun collier de verre la s rie or nations polic es si grande cons quence de sorte qu il Montesquieu Por et ils adorent ce qui est futile un collier de verre Montesquieu vise ici un autre aspect du m pris de la diff rence d autrui l aspect culturel La valorisation des choses lor le verre le marbre etc est en effet un r alit conventionnelle chaque civilisation son chelle des valeurs Mais les Europ ens ne peuvent imaginer qu on n ait pas la m me hi rarchie qu eux et jugent insens s ceux qui ne partagent pas leurs pr jug s 221 d consid re la valorisation de Plor simplement en l accentuant Or que r v le cette valorisation D abord
490. ont plus de ce monde et n ont pas droit non plus l autre monde Cet exil devient le symbole parfait de ce qu prouve le po te il se trouve hors de son l ment sur cette terre dont il ne fait pas partie sans pouvoir rejoindre le ciel vers lequel son aspiration est devenue hurlement Se sentir la fois mort vivant ici bas et interdit d au del voil en quoi consiste le spleen Il n y a plus qu se laisser abattre 3 La d faite L univers ext rieur est totalement oubli Baudelaire nous d crit le spectacle de son me comme si celle ci n avait t que le terrain passif d un combat qui le d passe entre ces grandes entit s qui dominent le monde des hommes l Espoir l Angoisse deux all gories deux abstractions pour lui fort concr tes qu il personnifie pour les faire vivre 5 sous nos ux TT Et de longs corbillards sans tambours ni musique D filent lentement dans mon me l Espoir Vaincu pleure et l Angoisse atroce despotique Sur mon cr ne inclin plante son drapeau noir Les tableaux int rieurs de Baudelaire ob issent une sorte de logique de l image Apr s le cri supr me apr s l agonie de l esprit nous assistons un cort ge fun bre Pour voquer son deuil interne le po te mobilise ainsi des images d enterrement On y remarque d abord le silence qui contraste avec les bruits pr c dents ce convoi est sans c r monie nous sommes dans le d
491. originel du terme puisqu il s agit des premiers signes de la fin du monde un monde qui semble abandonn de Dieu Le Christ n est plus s exclamera t il un peu plus loin Tout est donc d sesp r Peut tre la nature m me de cette vision claire t elle l ambigu t des termes employ s par le visionnaire je crus que je croyais voir je vis je contemplai Ce dont il t moigne ne se passe pas encore mais il le voit comme le tableau proph tique de ce qui va se passer Ainsi s explique le fait qu en pleine hallucination tout en voyant ce qu il voit il adopte l attitude distante d un t moin s tonne et se demande sur un ton tr s objectif Que va t il arriver quand les hommes s apercevront qu il n y a plus de soleil Quel sera leur tonnement en voyant que la nuit se prolonge Le troisi me l ment qui conf re sa coh rence ce r cit est le lien tr s fort qui s tablit entre la destin e personnelle du h ros et tout ce qui l entoure Ce qu il apprend avant les autres ce quelque chose qui l avertit que la Vierge est morte et que ses pri res sont inutiles vaut videmment pour tout le monde Les bougies semblent s tre allum es tout coup parce qu il a fait glisser de son doigt une bague d argent Le fait que le sermon semble s adresser lui seul sugg re que la faute dont il se sent coupable n est pas trang re au d
492. orme profonde de notre conomie et de notre Universit et en m me temps de dire s ils me gardaient leur confiance ou non par la seule voie acceptable celle de la d mocratie Je constate que la situation actuelle emp che mat riellement qu il y soit proc d C est pourquoi j en diff re la date Quant aux lections l gislatives elles auront lieu dans les d lais pr vus par la Constitution moins qu on entende b illonner le peuple fran ais tout entier en l emp chant de s exprimer en m me temps qu on l emp che de vivre par les m mes moyens qu on emp che les tudiants d tudier les enseignants d enseigner les travailleurs de travailler Ces moyens ce sont l intimidation l intoxication et la tyrannie exerc es par des groupes de longue main en cons quence et par un parti qui est une entreprise totalitaire m me s il a d j des rivaux cet gard Si donc cette situation de force se maintient je devrai pour maintenir la R publique prendre conform ment la Constitution d autres voies que le scrutin imm diat du peuple En tout cas partout et tout de suite il faut que s organise l action civique Cela doit se faire pour aider le Gouvernement d abord puis localement les pr fets devenus ou redevenus Commissaires de la R publique dans leur t che qui consiste assurer autant que possible l existence de la population et emp cher la subversion tout moment et en tous lieux La
493. ors au po tique au dramatique au m taphysique m me chaque fois qu elles s l vent aux grandes questions de la vie et de la condition humaine Lorsque l on explique certains de ces passages on doit savoir se montrer au diapason de cette grandeur en se souvenant avec Proust que l art v ritable est une question non de technique mais de vision Antoine a sept ans Antoine a sept ans peut tre huit Il sort d un grand magasin enti rement habill de neuf comme pour affronter une vie nouvelle Mais pour l instant il est encore un enfant qui donne la main sa bonne boulevard Haussmann Il n est pas grand et ne voit devant lui que des jambes d hommes et des jupes tr s affair es Sur la chauss e des centaines de roues qui tournent ou s arr tent aux pieds d un agent pre comme un rocher Avant de traverser la rue du Havre l enfant remarque un kiosque de journaux un norme pied de footballeur qui lance un ballon dans des buts inconnus Pendant qu il regarde fixement l image de l illustr Antoine a l impres sion qu on le s pare violemment de sa bonne Cette grosse main bague noire et or qui lui fr la l oreille L enfant est entra n dans un remous de passants Une jupe violette un pantalon raies une soutane des jambes crott es de terrassier et par terre une boue d chir e par des milliers de pieds C est tout ce qu il voit Amput de sa bonne il se se
494. orts avec l inconscient on pourrait sch matiquement isoler deux composantes du rire cf le d veloppement de la Clef n 22 L une est li e l angoisse la piti que suscite en nous l identification passag re un personnage malheureux et qui nous rappelle toujours plus ou moins consciemment des angoisses v cues par nous m mes dans d autres situations Devant le personnage qui s exprime douloureusement devant nous cette piti mobilise au fond de nous une sorte d nergie psychique nous souffrons avec lui Mais aussit t l atmosph re invraisem blable et absurde du sketch nous r v le que tout cela n est qu un jeu que nous ne sommes pas concern s La diff rence entre ce qui est nous ne sommes pas lui et la fiction de cette histoire absurde produit une illumina tion imm diate en nous ouf cela ne nous arrive pas L nergie d angoisse mobilis e soudain lib r e se d charge alors physiquement en rire Au cours du sketch il se produit une s rie de rapides identifications d sidentifica tions la douleur du personnage qui ajoutent ainsi au plaisir spirituel un plaisir comique de soulagement en profondeur La deuxi me composante du rire est li e elle au sadisme plus ou moins avou qui g t au fond de l tre humain Il ne s agit pas de dire ici que nous 190 Textes dramatiques savourons la souffrance m me du personnage mais plut t que nous prouvons une vive sati
495. osition de Garcin fermer les yeux elle r plique par le choix volontaire d une lutte visage d couvert Dramatiquement le contraste est spectaculaire et l on attend l issue du combat qui va se poursuivre Jean Paul Sartre 177 E CONCLUSION Dans un style vigoureux ramass imag quand il le faut Sartre atteint les trois objectifs qu il pouvait se fixer faire progresser l action les prota gonistes vont tre oblig s de se d couvrir les uns aux autres camper le personnage d In s dans toute sa puissance donner penser au spectateur sur l interd pendance des existences et la violence symbolique du regard Sur la m thode on peut constater qu il est plus ais d tudier cette tirade lorsqu on conna t l ensemble de la pi ce bien s r mais aussi la philosophie sartrienne Nous retrouvons l l apport pr cieux de l intertextualit Mais inversement pour quelqu un qui ignorerait tout de l auteur cette tirade d In s est une excellente entr e dans lunivers de Sartre et les th mes de sa philosophie Th mes que l auteur justement a voulu incarner dans son th tre pour les rendre sensibles au public La marche des grognards La sc ne se passe la cour autrichienne en 1830 Le fils de Napol on l Aiglon emmen Vienne apr s la chute de l Empire devenu duc de Reichstadt r siste son entourage qui veut salir la l gende napol onienne Il y a l
496. ou des amis qui se contentent de les entendre et de les comprendre Le confident joue alors le r le d un personnage relais tout en faisant semblant de s adresser lui c est nous public que se confient les personnages qui content leurs mois ou leur histoire e Par ailleurs notamment dans les sc nes de grande motion tragique le public communie collectivement la douleur des protagonistes C est bien plus qu une identification d individu individu c est un ph nom ne de projection de sentiments collectifs sur des h ros qui incarnent des situations humaines majeures le drame du deuil la terreur du Destin la folie de la passion etc Autant le comique accentue parfois la distance des spectateurs riant de personnages ridicules autant le tragique suscite une adh sion parfois visc rale et beaucoup plus intense que l identification romanesque Enfin dans la situation o des personnages s affrontent sur sc ne sans qu aucun d eux soit favoris par le dispositif sc nique il peut se produire dans notre int r t pour eux une double identification Par exemple dans la sc ne o Don Juan se joue du Pauvre nous l avons vu nous sommes la fois fascin s par la virtuosit du grand 170 Textes dramatiques Seigneur et mus par la d tresse du Pauvre deux aspects de notre psychisme participent ce combat entre le Bien et le Mal entre la beaut du Diable et la saintet du Croyant et si l on se trouve soula
497. ou de pr s sait tout de ses personnages de l ext rieur ou de l int rieur qu il d crive analyse juge ou interpr te Le probl me c est que cette focalisation est aussi fr quemment appel e point de vue Il y a l une ambigu t dans la mesure o l expression point de vue telle que nous l avons utilis e ci dessus d signe plus pr cis ment dans un texte descriptif la position l angle la prise de vue gt que choisit le peintre pour saisir ce qu il d crit Position qui peut tre extr mement mobile comme nous allons le voir dans un texte compl mentaire lorsque l auteur d place son regard et donc d place le n tre au fil de son vocation Voici donc comment Verlaine joue du point de vue dans son vocation de L Heure du Berger Po mes saturniens v 1 La lune est rouge au brumeux horizon Dans un brouillard qui danse la prairie S endort fumeuse el la grenouille crie 4 Par les joncs verts o circule un frisson 5 Les fleurs des eaux referment leurs corolles Des peupliers profilent aux lointains Droits et serr s leurs spectres incertains 8 Vers les buissons errent les lucioles 9 Les chats huants s veillent et sans bruit Rament l air noir avec leurs ailes lourdes Et le Z nith s emplit de lueurs sourdes 12 Blanche V nus merge et c est la nuit Remarquons d abord que ce po me de Verlaine illustre tout fait son id al artistique qui est d
498. our clairer la r action du public d s le d but du sketch les spectateurs savent qui ils ont affaire Raymond Devos est en effet d j connu mais surtout le personnage qu il incarne dans ses premiers sketches est toujours un personnage pris dans une situation qui le d passe dans laquelle il se d bat na vement avec des humeurs grossies et souvent infantiles Ainsi s explique le fait qu il lui suffit de dire J tais dans une col re ou gravement J ai des doutes pour que le public s amuse alors qu il ne sait pas encore de quoi il s agit L objectif de notre commentaire sera de tenter de r pondre la question pourquoi rit on cf Clef n 22 Mais cet unique centre d int r t doit faire l objet d une double approche En effet dans le plaisir de rire se m lent deux types d amusement L un est si l on veut d ordre intellectuel il s agit d un plaisir de l esprit d un jeu de notre intelligence qui devine peu peu les dessous de l histoire racont e dans ce sketch et en savoure l ing niosit L autre est plut t d ordre motif il s agit du vrai plaisir comique celui qui s exerce aux d pens du personnage malheureux et ridicule en raison de son aveuglement Bien s r ce plaisir spirituel et ce plaisir comique ne 188 Textes dramatiques font qu un dans le rire du public mais sans le premier il n y aurait sans doute pas le second aussi allo
499. our e d un grand espace Le bleu du ciel l envahissait l air circulait dans sa t te creuse elle n avait qu c der qu se laisser prendre et le ronflement du tour ne discontinuait pas comme une voix furieuse qui l appelait Ma femme ma femme cria Charles Elle s arr ta O estu donc Arrive L id e qu elle venait d chapper la mort faillit la faire s vanouir de terreur Gustave Flaubert 133 On peut appr cier la fa on dont ce texte fait alterner l motion ou le sourire du lecteur selon que le narrateur met en valeur ou met distance la d tresse d Emma cf la derni re phrase 1 Cette distanciation que favorise Flaubert dans ses romans n est pas tr s loign e de la distanciation th trale telle que l a th oris e Bertolt Brecht dramaturge allemand auteur en 1941 de La R sistible Ascension d Arturo Ui mise en sc ne critique de l ascension d Hitler au pouvoir Celui ci d sire en effet que le spectateur au th tre ne se laisse pas capter par sa propension l identification ce qui l emp cherait de r fl chir la port e critique du spectacle En m me temps que les acteurs jouent et repr sentent le monde tel qu il est ils doivent signifier que ce jeu a un enjeu pr cis non pas simplement distraire le public mais lui faire prendre conscience des m canismes de l exploitation sociale ou de l oppression politique D o la n cessit de maintenir les specta
500. our toul autant l aveu de Ph dre Hippolyte qui fait exister sa passion officiellement amplifie la fois son sentiment et son remords Aujourd hui encore dire je l aime transforme le sentiment en l officialisant il devient attente engagement ou honte d avoir os elc Ainsi bien des paroles qui ne semblent que traduire la r alit qu elles expriment la modifient ou la cr ent du simple fait qu elles la nomment Tout d pend du statut du mot dans une culture donn e et des conditions de l nonciation Dans l allocution radio que l on vient d tudier les performatifs employ s par le g n ral de Gaulle ne sont pas exceptionnels avait agi de m me dans le fameux Appel du 18 Juin Au moment pr cis o il d clarait Moi g n ral de Gaulle actuellement londres j invite les officiers et soldats fran ais j invite les ing nieurs et les ouvriers sp cialistes des industries d armements se mettre en rapport avec moi sa parole tait action C est en disant j invite me rejoindre qu il invitait en bravant la position prise par le gouvernement officiel Mais l ensemble de l allocution fut en quelque sorte performative puisque c est en 264 Textes argumentatifs formulant cet appel qu il appela les forces libres le suivre modifiant du m me coup la situation historique o se trouvait la nation cens e l couter Il va de soi qu un exc s de performatifs risque
501. ous pouvons galement estimer que m me pour un incroyant le contenu de ce texte a quelque chose d exaltant La certitude que l esprit de v rit peut triompher de toutes les formes de violence et de dictature ne manquera pas de fortifier le lecteur humaniste que le tableau du monde pourrait parfois d sesp rer Comme l ont crit Andr Lagarde et Laurent Michard Tant que la violence tentera d instaurer son r gne tyrannique ceux qui souffrent pers cution pour la v rit trouveront dans ces lignes une consolation sublime un r confort exaltant Notons enfin qu au del de l argumentation m me et de l organisation serr e de ce texte il y demeure une vibration lyrique un timbre personnel qui transcendent toutes ses qualit s formelles C est pour cette raison que nous pla ons dans le sillage de ce commentaire la Clef n 27 sur le Moi et le lyrisme Clef 25 Fonctions de l apostrophe l apostrophe est une figure de style par laquelle on s adresse plus ou moins solennellement une personne pr sente ou absente ou encore une entit qu on personnifie Cette inlerpellation peut tre vive ou agressive comme dans le cas de Pascal s adressant aux j suites Je vous plains mes P res ou de Musset apostrophant le d funt Voltaire Dors tu content Voltaire et ton hideux sourire Voltigetil encor sur tes os d charn s 2 Mais elle traduit le plus souvent la solennit d une invocation
502. ouvent laiss deviner l inclination qu il prouve pour la jeune fille Celle ci par patriotisme a toujours observ en sa pr sence un mutisme total D u par le comportement de ses compatriotes en territoire occup Werner a d cid de partir pour le front de l Est c est dire de partir pour l enfer Il vient d annoncer la nouvelle de son d part ses h tes Le visage de ma ni ce me fit peine Il tait d une p leur lunaire Les l vres pareilles aux bords d un vase d opaline taient disjointes elles esquissaient la moue tragique des masques grecs Et je vis la limite du front et de la chevelure non pas na tre mais jaillir oui jaillir des perles de sueur Je ne sais si Werner von Ebrennac le vit Ses pupilles celles de la jeune fille amarr es comme dans le courant la barque l anneau de la rive semblaient l tre par un fil si tendu si raide qu on n e t pas os passer un doigt entre leurs yeux Ebrennac d une main avait saisi le bouton de la porte De l autre il tenait le chambranle Sans bouger son regard d une ligne il tira lentement la porte lui Il dit sa voix tait trangement d nu e d expression Je vous souhaite une bonne nuit Je crus qu il allait fermer la porte et partir Mais non Il regardait ma ni ce Il la regardait Il dit il murmura Adieu Il ne bougea pas Il restait tout fait immobile et dans son visage immobile et
503. parfois celte convention Ce n est qu apr s avoir op r la distinction qu on pourra s interroger sur ce qu a voulu signifier l auteur en choisissant cet artifice ou rapporter sa personne des traits qu il pr te son narrateur comme il en pr te d ailleurs ses h ros mais avec une extr me prudence Le pont du gard vu par ROUSSEAU puis par S TENDHAI Je pris un guide et j allai voir le pont du Gard C tait le premier ouvrage des Romains que j eusse vu Je m attendais voir un monument digne des mains qui l avaient construit Pour le coup l objet passa mon attente et ce fut la seule fois dans ma vie Il n appartenait qu aux Romains de produire cet effet L aspect de ce simple et noble ouvrage me frappa d autant plus qu il est au milieu d un d sert o le silence et la solitude rendent l objet plus frappant et l admiration plus vive car ce pr tendu pont n tait qu un aqueduc On se demande quelle force a transport ces pierres normes si loin de toute carri re et a r uni les bras de tant de milliers d hommes dans un lieu o il n en habite aucun Je parcourus les trois tages de ce superbe difice que le respect m emp chait presque d oser fouler sous mes pieds Le retentissement de mes pas sous ses vo tes me faisait croire entendre la forte voix de ceux qui les avaient b ties Je me perdais comme un insecte dans cette immensit Je sentais tout en me faisant petit je ne sais
504. pas au d but mais au bout de l criture TRE L AUTRE DES AUTRES second paragraphe 3 Moi seul Je sens mon c ur et je connais les hommes L entreprise de Rousseau ne peut se d finir en dehors du champ des hommes Ils sont l en arri re plan puisqu en d finitive c est eux qu est destin le tableau qui va en r sulter Il a besoin de se r f rer eux pour se diff rencier De m me qu il a oppos son entreprise son autoportrait aux tentatives similaires des autres crivains de m me il oppose la nature humaine qu il va peindre la sienne la nature humaine de ses semblables L encore par le jeu des antith ses il se pose en s opposant Moi seul dit il tandis que je sens fait pendant je connais Au simple niveau de la connaissance il y a sup riorit du senti son propre c ur sur le connu les hommes Adh sion totale et imm diate la valeur du moi image ext rieure et intellectuelle concernant les autres Conscience subjective imm diate et absolue contre connaissance objective qui relativise autrui priori ce parall le entre ces deux voies d acc s ne peut que profiter au moi seul Et sans attendre Rousseau nous pr sente les conclusions que nous devrons en tirer 4 Je ne suis fait comme aucun de ceux que j ai vus j ose croire n tre fait comme aucun de ceux qui existent Deux membres de phrase nouveau parall l
505. pas ceux qui disent la m me Montesquieu 225 chose sous un manteau de laine noire lt Pri re Dieu voir l explication suivante Les exag rations L ironiste exag re pour faire ressortir l cart ou le foss entre le r el et l expression qui le d crit Ce grossissement parfois hyperbolique avertit lui seul l interlocuteur par exemple propos d une voiture poubelle a roule ton carrosse Pour d crire la prison insalubre o sont enferm s Candide el Pangloss du point de vue optimiste des h ros Voltaire crit ainsi Tous deux furent emmen s s par ment dans des appartements d une extr me fra cheur dans lesquels on n tait jamais incommod du soleil rien n est faux et cependant cette vision qui se veut positive est aux antipodes de ce que les prisonniers ressentent Tous ces indices de l ironie se retrouvent dans un autre passage c l bre de Candide lorsque Voltaire en une seule phrase raconte pourquoi apr s un terrible s isme Lisbonne on d cide de faire un bel autodaf I tait d cid par l Universit de Co mbre que le spectacle de quelques personnes br l es petit feu en grande c r monie est un secret infaillible pour emp cher la terre de trembler Antith se petite grande antiphrase infaillible vraiment disproportion entre la r alit br ler les gens et le spectacle chute finale contradiction entre l objectif et le
506. personne mais tout fait intentionnelles de la part du compositeur de la chanson La projection de l tat d me est alors d lib r e de la bari de l auteur qui organis un va etvient entre les l ments externes de la nature et les l ments internes du moi pour produire une sorte d harmonie naturelle entre le paysage et l tat d me Il peut y avoir enfin int riorisation Les motifs pris dans le paysage ext rieur ne servent alors qu imager l tat d me Ce paysage ext rieur existe ou est reconstitu il n importe le po te le r invente l aide d atmosph res de visions ou de souvenirs de ce qu il a v cu Ainsi quand Baudelaire crit dans Harmonie du soir les vers qui suivent Le soleil s est noy dans son sang qui se fige Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir il figure son tat d me par l image du soleil couchant lequel symbolise le visage de la femme id alis e De m me lorsqu il crit dans Spleen Et de longs corbillards sans tambours ni musique D filent lentement dans mon me il n est pas du tout en train d assister un enterrement il constitue son tat d me l aide d images fun bres tir es de son exp rience et qu il int riorise Quels que soient les processus projection fusion int riorisation ces formes po tiques visent toutes abalir les fronti res entre le moi et l univers entre l me humaine et la r alit des chose
507. personnelle devant les livres m me s il l att nue ou la feutre sous un commentaire savant c est tout de m me en raison de cet amour existentiel de la litt rature qu il a choisi de l enseigner On ne lit fond un texte qu en le lisant avec tout soi m me Bien entendu on n en demande pas tant dans l exercice scolaire de l explication Je connais d ailleurs plus d un adolescent qui devant certains sujets propos s l examen ricaneraient si on leur disait que ces textes ont un rapport quelconque avec leur existence pass e pr sente ou venir Mais c est peut tre parce qu ils n ont pas encore pris conscience de ce grand livre de la vie fait de mots et d exp rience qui est d j inscrit dans leur t te et qui leur permettrait s ils le connaissaient mieux d entrer au moins partiellement en r sonance avec les textes Bien entendu pour entrer ainsi dans le texte pour y retentir il y a quelques pistes suivre Des m thodes pour apprendre voir et aussi des m thodes pour apprendre sentir Apr s le pourquoi abordons le comment CHAPITRE 3 Comment expliquer un texte E L IMPRESSION D VIDENCE COMMENT Y CHAPPER Nous voici devant une page inconnue une phrase complexe un simple beau vers Notre premi re r action est souvent un sentiment d vidence eh bien quoi cette phrase dit bien ce qu elle veut dire Ce vers est magnifique il su
508. ple donn par le narrateur comme fruit de l observation ou de l exp rience des familiers de la pension a un caract re irr futable Il informe et intrigue la fois il renforce l nigme de cet homme Honor de Balzac 137 L exemple de la serrure Il est surprenant que la r paration d une serrure soit la premi re illustration du comportement serviable de Vautrin Ce d tail r aliste doit avoir une port e qui d passe le simple r alisme que nous sugg re la rapidit avec laquelle proc de notre homme cf la pr cipitation des adjectifs d mont e rafistol e huil e lim e remont e en v rit cette habilet cette intelligence dans le maniement des choses doit s illustrer dans toutes sortes de m canismes et notamment les ressorts de l me humaine Rien ne le prouve tout le laisse supposer Et la conclusion satisfaite de Vautrin a me conna t montre que s il aime rendre service c est aussi pour exercer un pouvoir Il connaissait tout d ailleurs Cette g n ralisation qui suit l exemple de la serrure confirme la port e de ce dernier Toute une s rie d aventures d exp riences nous sont tout coup signifi es Cet homme conna t les vaisseaux la mer la France l tranger il a donc une envergure inter nationale les affaires les hommes il a ou a eu une importante vie professionnelle les v nements les lois son exp rience se joint
509. ple la premi re apparition de Madame Arnoux aux yeux de Fr d ric dans L ducation sentimentale de Flaubert que dans le cin ma etc 2 L intertextualit au sens large ou lecture intertextuelle Prenons maintenant toujours dans Les Fleurs du Mal le po me Spleen n 78 qui fait l objet de l Explication n 26 p 295 Sur le premier niveau d intertextualit celui qui permet de comprendre Baudelaire par Baudelaire on notera que plusieurs po mes ont ce m me titre la notion de spleen est donc d s le d but intertextuelle que ces po mes dans la premi re partie du recueil succ dent ceux qui illustrent l Id al et donc le spleen doit s expliquer comme une d sillusion qui suit n cessairement tout mouvement vers l Id al que l auteur a intitul son recueil de po mes en prose Le Spleen de Paris ce qui autorise le commentaire savant de multiples rapprochements intertextuels Mais la lecture intertextuelle va vite nous conduire largir la question du spleen au traitement g n ral de l ennui et du mal tre chez d autres crivains du XIX si cle en particulier on peut tudier le spleen comme une sorte de nouveau mal du si cle De l op rant une recherche sur l expression du vague l me dans la litt rature ant rieure il sera fructueux de trouver des pr curseurs Baudelaire au d but du XVIIe si cle voire au XVIe Mais les aut
510. po me l vation troisi me texte des Fleurs du Mal le voici qui se rabat sur l tre humain pour l enfermer Id e servie par l image du couvercle que Baudelaire reprendra dans un sonnet ult rieur pr cis ment intitul Le Couvercle Le Ciel couvercle noir de la grande marmite O bout l imperceptible et vaste Humanit La pesanteur du ciel ici est notamment soulign e par le rythme et les sonorit s Les quatre mots centraux du vers sont pratiquement tous accentu s ce qui emp che le lecteur voix haute de reprendre son souffle Quand le ciel bas et lourd p se comme un couvercle L accent tonique qui marque la septi me syllabe en particulier p se domine de tout son poids le vers et peine veut on respirer que les guttu rales de la comparaison qui suit com cou cle encombrent la voix du lecteur Ce l ger accablement physique renforce ainsi le sens des mots Mais le corps n est pas seul touffer l me est la v ritable victime du ciel lourd puisqu il p se Sur l esprit g missant en proie aux longs ennuis Deuxi me vers deuxi me motif d accablement L ennui lancinant qui provient sans nul doute des d ceptions et des checs de la vie mais aussi de toutes les questions sans r ponse que l on se pose ne cesse de torturer le cerveau humain L homme est passif il est la proie de ces ennuis il ne peut que g mir sans r agir Cette paralysie douloureuse l
511. propos L emploi de cet ouvrage est aussi souple que possible On peut le consulter dans le d sordre lire les clefs avant les corrig s qui les illustrent ou sauter d un texte l autre le sommaire les renvois les r capitulatifs sont destin s cet usage Toutefois c est en suivant l ordre de nos commentaires qui va des textes les plus simples aux plus complexes qu on en tirera le plus grand profit C est donc l un livre de m thode con u la fois pour satisfaire aux imp ratifs de l examen et disposer au plaisir de lire Notre souhait est en effet que cette exploration m thodique en revivifiant la richesse de textes parfois oubli s am ne le lecteur se passionner pour le meilleur de la litt rature celle qui selon le mot de Ionesco emp che les hommes d tre indiff rents aux hommes B H Table des mati res 1 PRINCIPES ET M THODES 1 Qu est ce qu expliquer un texte s ssessesresessossessrsrerssssrosessesnsssoseosesssseesee 11 2 Pourquoi expliquer un texte ssmnssssmeeneusenssennne 19 3 Comment expliquer un tent Mon nt En anne 25 4 De l iIntertetaiit serein in ni ns 37 2 TEXTES DESCRIPTIFS D CRIRE NES nan le an Morse 48 EXPLICATION n 1 L avion bless La Neige en deuil Troyat 49 Clef n 1 Le r alisme sa fonction et ses limites 54 X Clef n 2 La personnification sa nature et son r le 56 X EXPLICATION n 2 Le ch te
512. que son morceau qu il s adresse des personnages pr sents comme Ruy Blas ci dessus ou absents Figaro femme femme femme cr ature faible el d cevante voire des entit s morales Plus g n ralement la premi re phrase ou les premiers mots du morceau de bravoure ce qu on appelle l incipit sont essentiels C est par cette intonation que le public est saisi accroch comme par les titres sensation des journaux c est par elle qu il se souvient du morceau et reconna tra ses pastiches ventuels Et nous les petits les obscurs les sans grades tre ou ne pas tre voil la question Rome l unique objet de mon ressentiment etc Voici donc pour conclure un texte qui pastiche pr cis ment la marche des grognards d Edmond Rostand et sur lequel on pourra s exercer retrouver les figures de rh torique emprunt es son mod le 184 Textes dramatiques Le calvaire des d vots du profit Le P D G d une entreprise en gr ve h ros du r cit est s questr par ses ouvriers Ceux ci s tant d clar s exploit s un mot qu il a du mal entendre il leur fait ce tableau path tique de l horrible condition patronale Et nous les patrons les obscurs des bureaux Nous les patrons accabl s chaque soir de probl mes techniques humains ou commerciaux qu il fallait g rer d s le lendemain nous qui tions semaines apr s semaines
513. que de victimes et de bourreaux Les puissants adorent humer le sang de leurs victimes tandis que les opprim s se complaisent dans leur oppression Sadisme et masochisme font donc partie int grante du Mal et du p ch Que les peuples aiment le fouet Baudelaire l a constat lorsque le peuple fran ais a ratifi par pl biscite le coup d tat de Napol on III on le sait par ailleurs sans doute mais il est permis de le rappeler ici Quatri me strophe C est au tour des religions d tre d nonc es comme des leurres Loin d exprimer des aspirations pures une spiritualit consolatrice laquelle le po te est sensible dans d autres po mes des Fleurs du Mal elles ne sont que le produit de l orgueil humain qui pr tend escalader le ciel Qu elles soient toutes semblables la n tre disqualifie cette derni re le catholicisme romain Baudelaire va plus loin jusqu pourfendre la Saintet en soi dont la qu te est pur masochisme c est dire recherche subtile de volupt dans la douleur m me Cinqui me strophe Apr s l homme la femme l ordre social les religions Baudelaire tend la condamnation l Humanit pr tentieuse p n tr e du mythe du Progr s ivre de son g nie L homme tente de se faire Dieu la place du Dieu qu il s tait invent son image comme semblable et comme ma tre cf le vers 104 Or l Humanit se comporte aussi follement que jadis el
514. quelque serrure allait mal il l avait bient t d mont e rafistol e huil e lim e remont e en disant a me conna t Il connaissait tout d ailleurs les vaisseaux la mer la France l tranger les affaires les hommes les v nements les lois les h tels et les prisons Si quelqu un se plaignait par trop il lui offrait aussit t ses services Il avait pr t plusieurs fois de l argent madame Vauquer et quelques pensionnaires mais ses oblig s seraient morts plut t que de ne pas le lui rendre tant malgr son air bonhomme il imprimait de crainte par un certain regard profond et plein de r solution la mani re dont il lan ait un jet de salive il annon ait un sang froid imperturbable qui ne devait pas le faire reculer devant un crime pour sortir d une position quivoque Honor de BALZAC Le P re Goriot 1835 E SUJET M THODE D APPROCHE Il s agit l du premier portrait de Vautrin personnage dominant de la Com die humaine il repara t en effet plusieurs fois dans cet ensemble romanesque des uvres de Balzac Quelques pages plus haut Vautrin a t bri vement pr sent comme un homme g d environ quarante ans qui portait une perruque noire se teignait les favoris se disait ancien n gociant et s appelait monsieur Vautrin Dans la page qui suivra d autres notations confirmeront ce portrait voir notre conclusion Dans un r cit le portrait d un personnage r pond
515. quement dans un po me on est tent de rechercher un maximum d informations biogra phiques susceptibles d clairer le texte C est utile est ce essentiel Aragon 1897 1982 est un crivain et po te du XX si cle Il a particip au mouvement surr aliste partir de 1940 il est revenu des formes po tiques plus traditionnelles ainsi qu des th mes d inspiration classiques la patrie lamour la c l bration de la femme Tout ceci permet de situer globalement le po me que nous avons sous les yeux sans rien nous apprendre de bouleversant Aragon est aussi connu pour son engagement politique au Parti commu niste fran ais Il fera partie du Comit central Son orientation id ologique doit surtout tre connue pour ceux qui tudient ses romans elle est sans int r t pour la compr hension d un po me comme Il n aurait fallu Elle est m me dangereuse n avons nous pas trouv dans une copie une Louis Aragon 325 interpr tation politique de ce texte selon laquelle d sesp r par l horreur du stalinisme le po te aurait subi la tentation du suicide mais aurait t sauv in extremis par la main de Khrouchtchev entreprenant de d staliniser l URSS Enfin il est de notori t publique que Louis Aragon a rencontr en 1928 Elsa Triolet Celle ci deviendra sa femme en 1939 et sa principale inspi ratrice On ne compte pas les po mes voire les recueils d di s explicitement Elsa
516. qui le remet sa place sa honte contraste avec la joie de l Aiglon comme sa l chet contraste avec la vigueur de Flambeau Marmont se repentira bient t d ailleurs et il rejoindra la conspiration ourdie par Flambeau Devant ce tableau le public admire il est venu pour cela Il a compati depuis le d but de la pi ce au malheur du Duc Il esp re un glorieux sursaut de l Aiglon Et voici que celui ci trouve soudain en la personne de Flambeau la chance de son destin Flambeau personnage tout d un bloc fid le l Empereur repr sente la l gende napol onienne En 1900 date o fut cr e cette pi ce le public n tait pas si loign de Napol on le second Empire n tait pas loin 30 ans et le nationalisme fran ais ne s tait sans doute pas encore consol de la fin des Empereurs Bref le sentiment patriotique des spectateurs est id alement pr t s enflammer pour le panache de Flambeau Or celui ci dit nous Dans l lan progressif de son discours c est toute une collectivit qu il incarne peu peu la grande Arm e mythique et au del de la grande Arm e la glorieuse histoire du conqu rant Napol on Au cours d une repr sentation th trale nous l avons d j not il se produit bien plus que l identification de chaque spectateur pris isol ment tel ou tel h ros il op re une projection collective du public sur les motions v cues sur sc ne La collectivit des so
517. r de certitudes d exclamations subites nourrit et rythme la narration Le lecteur assiste un rapide montage de type cin matographique en noir et blanc qui n en use pas moins des effets du ralenti et dans lequel les plans se succ dent aux plans sans que leur relation soit explicit e ce qui caract rise le style elliptique En voici trois exemples Quatre ou cinq klaxons grinc rent la foi D couvert Combattre combattre des ennemis qui se d fendent des ennemis veill s La r action pr cipit e de Tchen se traduit par une ellipse En version lente et explicite le passage donnerait Il se demanda aussit t s il tait d couvert Ah si seulement pensa t il il avait pu combattre des ennemis veill s des ennemis capables de se d fendre e Pris ou non ex cut ou non peu importait Nouveau raccourci pour Qu il f t pris ou non qu il f t ex cut ou non cela importait peu Cet homme qu il devait frapper sans qu il se d fend t car s il se d fendait il appellerait On attendrait la pr cision sans que celui ci se d fendit la confusion des deux pronoms il traduit l imbrication des deux protagonistes en pr sence et le souci de rapidit M LE PERSONNAGE DE TCHEN Le v ritable obstacle que rencontre ici Tchen c est en r alit lui m me Ce qui le paralyse c est paradoxalement que rien dans le r el ne s oppose son acte
518. r au d part non loin des all es de rosiers car il y en a plusieurs il entend le claquement d un s cateur assez pr cis ment pour le situer dans la roseraie mais trop peu pour qu il puisse l observer il dit au long des Il entend un autre s cateur dans le verger Il ne peut pas Colette 71 tre la fois dans le verger et dans la roseraie moins qu il ne coure d un lieu l autre Selon toute probabilit il est distance des deux au seuil de la maison sur une terrasse on ne sait Imm diatement la suite de ces perceptions nous assistons deux spectacles la jonch e de surgeons sous la roseraie montr e en gros plan et la flamb e des baguettes d abricotier dans le verger Or ces deux vocations nous sont donn es au futur Il y aura br leront Ainsi le narrateur ne voit pas il imagine il se d place mentalement vers le futur Ceci confirme qu il ne se trouve dans aucun des lieux qu il d crit il ne s y trouve qu en esprit Au d but du second paragraphe la position change la vision panora mique sur l ensemble de la colline suppose un point de vue lointain depuis une hauteur l tage sup rieur de la maison D s la phrase suivante la vision et le point de vue changent nouveau puisqu on voit successive ment le bl jeune la terre rouge et les pruniers blancs Une g n ralisation suit concernant la moindre cr ature v g tale qui p
519. r qu rir une r alit pr cise une p e magique une pierre pr cieuse la Toison d or le Graal etc et l offrir une personne ou une entit qu on appelle 104 Textes romanesques destinataire un roi un dieu la Dame dans un roman de chevalerie etc Plus g n ralement la qu te pourra consister en l accomplissement d un id al la r alisation d une ambition ou d un r ve personnel en ce cas le h ros est son propre deslinateur et destinataire ce qui vaut aussi bien pour don Quicholte Rastignac ou la Nouvelle H lo se ou de toute autre mission qu un protagoniste est charg d accomplir en service command de Michel Sirogoff Indiana Jones en passant par les s ries polici res 4 Au cours de sa plus o moins longue aventure le h ros traverse de nombreuses preuves qu il lui faut affronter ce sont les pisodes les incidents tant t mineurs tant t majeurs les actions en un mot qui forment le corps sp cifique de la narration 5 Pour surmonter ces preuves le h ros re oit l aide de certaines forces ou l ments auxiliaires qu on nomme adjuvants il s agit aussi bien de person nages que le destin place sur son chemin que de simples circonstances favorables Corollairement il est confront des forces hostiles personnages ou l ments qu on appelle donc opposants Quand les forces favorables ou d favorables prennent une ampleur remarquable on utilise parfois
520. r s de nous lecteurs Et plus ce tutoiement l imp ratif est r p t plus la pr sence de Barbara s intensifie au point que dans la derni re partie du r cit le po te s exclame Oh Barbara comme s il ne faisait plus de doute qu elle f t bien l Le deuxi me effet du tutoiement est bien entendu de cr er une intimit fictive entre l h ro ne et le narrateur Intimit renforc e par l ambigu t du d but du texte o l on s attendait la rencontre amoureuse de deux tres que le destin semble conduire l un vers l autre cf les sym tries Tu souriais Et moi je souriais de m me Toi que je ne connaissais pas Toi qui ne me connaissais pas Cette proximit suppos e va permettre alors au souvenir d tre d autant plus sensible d autant plus complet qu il devient un souvenir commun En r alit c est seulement sa propre m moire que le po te interroge travers le souvenir de Barbara mais ceci en lui conf rant la tonalit nostalgique et d chir e d une communion dans le souvenir Le Rappelle toi sous ses diverses variantes n oublie pas rappelle toi cela quivaut un discours global qu on pourrait paraphraser ainsi Rappelle toi ce qui s est pass rappelle toi cet tranger que tu as crois c tait moi Rappelle moi ce que je me rappelle confirme moi ce souvenir te le rappelles tu aussi bien que moi Car il serait dramatique que
521. r t e comme une revanche sur l ordre du langage ordre qui nous est impos par un s v re apprenlissage el que nous avons soudain le droil de transgresser le lemps d une histoire dr le ou d une g plique th trale Plaisir du non s ns qui chappe provisoirement la censure de la Raison et donne lieu des emballements absurdes Plaisir de constater que le code du langage a de nombreuses foilles qu on peut se jouer de celles ci que les mots peuvent tre d form s _manipul s au point de signifier la fois les choses et leur contraire Plaisir de replonger dans l univers magique de l enfant o n importe quel son peut engendrer n importe quel sens 2 Un plaisir plus sp cifiquement comique dans lequel la part motionnelle l emporte sur la part intellectuelle donnant alors lieu ces fameux clats de rire qui se d ploient en spasmes d brid s Cette dimension appara t clairement lorsqu on observe en position de spectateurs hilares des situations qui sont angoissantes pour les B rsonnes ou les personnages qui les vivent Selon Freud cela peut s expliquer parune Sortie d d charge d nergie d angoisse inutilis e dont nous pouvons saisir le m canisme en consid rant cet autre sketch parmi le plus fameux de Raymond Devos Le Plaisir des sens En voici l argument un automobiliste p n tre sur un rond point et au moment o il tente d en sortir s aper oit que toutes les rues son
522. r d elle m me sous la pouss e du vouloir dire de l auteur ce sont les ex pressions Lorsque les unes et les autres se correspondent nous pouvons alors faire tat objectivement des effets du texte Effet de r el effet de sens effet d atmosph re effet d motion etc Expliquer le texte ce sera tablir ces effets et en commenter la port e en partant tant t des impressions tant t de l expression C est leur correspondance qui sera d cisive D o ce sch ma Comment expliquer un texte 33 Du c t de l impression Du c t de l expression ce que je ressens comprends ce que je recense ce que je ce que je re ois du texte ce qui regroupe tout ce qui se passe se passe en moi dans le texte Les effets du texte se d duisent du parall le pr c dent contenu motif climat original port e imaginaire efficacit esth tique sens du texte message de l auteur etc Quelle que soit la forme de l explication crite ou orale lin aire ou m thodique la r gle sera donc de ne faire tat d aucune impression qui ne soit appuy e sur des indices textuels de ne relever aucun moyen d expression sans pr ciser son effet sur le lecteur Dans la pratique le plus simple est d op rer au brouillon par recherches successives alternant le je ressens et le je recense pour chaque aspect ou chaque partie du texte tudier Chaque aller retour que je fais en
523. r la sienne La progression est manifeste 1 Je vous sens jusque dans mes os Premier degr d oppression Sensation physique p n trante jusqu Pos de la r alit d autrui Il y a d j exacerbation du ressenti 2 Votre silence me crie dans les oreilles M me muet l homme lui est insupportable L oxymore alliance de termes contradictoires votre silence me crie traduit parfaitement le paradoxe de la situation le silence c est encore du langage et In s per oit quel point Garcin se manifeste en se for ant se taire 3 Vous pouvez vous clouer la bouche vous pouvez vous couper la langue est ce que vous vous emp cherez d exister La gradation des arguments d In s se poursuit marqu e par des phrases interrogatives dont l ampleur est croissante Le vrai crime de Garcin C est qu il existe Il n y peut rien c est l la fatalit de la condition humaine chacun est de trop pour autrui et In s ne le sait que trop en bonne porte parole de Sartre Nous touchons l la dimension philosophique de la tirade que je le veuille ou non mon existence d borde de moi et envahit celle de l autre c est une sorte de loi physique comme celle de l expansion des gaz Dans cette s rie 174 Textes dramatiques d interrogations In s multiplie le pronom vous traduisant grammaticalement cette omnipr sence involontaire de Garcin 4 Arr terez
524. r le passage extraordinaire d empathie po tique des vers 24 28 Et ne m en veux pas si je te tutoie Je dis tu tous ceux que j aime M me si je ne les ai vus qu une seule fois Je dis tu tous ceux qui s aiment M me si je ne les connais pas L empathie est la capacit de se mettre la place des autres de ressentir leurs sentiments et leurs drames comme s il s agissait des siens propres Le 340 Textes po tiques narrateur acteur ose tutoyer parce que ce bonheur de Barbara qui aime est un bonheur pour lui m me Il participe par le c ur et par l esprit la communion des amants il interroge leur devenir comme si c tait le sien L amour de tous r sonne en lui m me toute intimit ext rieure le touche intimement Or cette attitude est la fois celle du po te aujourd hui et de l homme d autrefois Dire tu en s adressant au couple d autrefois a donc pour effet de conjurer le pass Il est peu probable que le t moin des amours de Barbara e t alors sur place tutoy les deux amants Comme l empathie qu il manifeste ce tutoiement du po te crivant et se souvenant aujourd hui actualise ce qu il retrace Tout se passe comme si le couple existait encore le pass devient pr sent le souvenir ressuscite le bonheur de Barbara qui semble provisoirement immortel pourvu qu elle n oublie pas E BARBARA ET LA PLUIE L empathie po tique transcendant les poques a permis de s
525. r pr sence nous ancre dans la r alit m canique de l objet tout en pr parant l opposition finale entre cet appareil fruit du monde industriel et le lieu ancestral intemporel o il g t Fuselage t les dislo qu es cuirs lac r s fers tordus r servoirs huile essence appareil et aussi nez ailes queue Ces trois derniers termes devenus techniques taient au d part des m taphores animales le mot avion vient du latin avis oiseau et l on verra que la personnification de l appareil va en quelque sorte leur redonner cette valeur m taphorique mais pour l instant leur r le et de souligner le caract re technique de la description Un troisi me effet r aliste tient l acuit visuelle de l vocation Il d coule du choix de termes crus forts en rapport avec l intensit de la catastrophe d chiquet rompu aplati arrach e larges trous b ants t les disloqu es cuirs lac r s fers tordus nus gris labour s souill s poudre blanche flaques noires Tous ces qualificatifs accumul s en quelques lignes produisent un tableau tourment qui nous fait voir la violence du choc subi par l appareil Comme nous l avions pressenti ce r alisme n est d j plus objectif Si chacun des termes pris isol ment ne semble que traduire la r alit voqu e l
526. ra pas se ressaisira l emporteront on peut m me noter que la phrase Je dissous aujourd hui l Assembl e nationale a le rythme d un alexandrin Terminons par la tautologie figure c l bre de la rh torique gaullienne La France c est la France La tautologie consiste d finir une chose par elle m me notamment quand on ne saurait l expliquer autrement tant elle semble ind finissable dans son essence myst rieuse Une toile c est une toile Mozart c est Mozart Mais utilis e dans le discours politique et en l occurrence dans le discours d autorit elle devient ce proc d verbal qui institue l ordre des choses avec l vidence et l immuabilit d un ordre des mots La femme est femme un homme est un homme l tudiant est fait pour tudier le dirigeant pour diriger et le travailleur pour travailler qu aucun ne s avise donc de sortir de sa condition actuelle puisqu elle est ternelle Dans la pr sente allocution du pr sident de Gaulle on sent combien ses yeux les v nements de mai 68 ont d sordonn le fonctionnement natu rel de la soci t Il s agit donc avant tout de r tablir un ordre des choses qualifi ici de r publicain D o l emploi r v lateur de la tautologie qui laisse entendre que chacun est vou accomplir sa finalit sociale l tudiant doit tudier l enseignant enseigner et le travailleur en gr ve
527. ra pas ce que retiennent ses phalanges poilues La figure ray e Les rides pr matur es elles aussi ne sont pas le simple effet d une vieillesse naturelle elles signifient l exp rience et une exp rience difficile marquante Cet homme a un pass La duret inscrite sur son visage contraste nous dit on avec ses mani res souples et liantes Le narrateur n interpr te qu moiti ce qu il affecte d observer il note bien l ambigu t des apparences de Vautrin mais ne la r sout pas S agit il d un homme durci par la souffrance et qui malgr tout conserve une humeur bonhomme Ou d un individu qui fait semblant d tre sociable en dissimulant sa duret de c ur La voix de basse taille Voici un terme musical apte rassurer cette voix n est pas d plaisante elle s harmonise avec une certaine jovialit Mais en m me temps une voix agr able chez un personnage d j pr sent comme ambigu cela peut renforcer son caract re inqui tant Une fois le doute sem sur la nature de Vautrin toutes ses manifestations de bonhomie accroissent notre interrogation de lecteurs quel est vraiment cet homme D s qu on doute ce qui rassure est ressenti comme faussement rassurant M LE COMPORTEMENT SA PROFONDE AMBIGU T La fa on dont se comporte Vautrin avec autrui l ment n cessaire l ach vement du tableau confirme ce que son physique laissait pressentir Chaque exem
528. ranchi le porche noir sous lequel pend encore la vieille herse de fer et j ai p n tr dans la cour La lune avait presque disparu sous les nu es Il ne venait du ciel qu une clart bl me Louis rien n est plus grand que ce qui est tomb Cette ruine clair e de cette fa on vue cette heure avait une tristesse une douceur et une majest inexpri mables Je croyais sentir dans le frissonnement peine distinct des arbres et des ronces je ne sais quoi de grave et de respectueux Je n entendais aucun pas aucune voix aucun souffle Il n y avait dans la cour ni ombres ni lumi res une sorte de demi jour r veur modelait tout clairait tout et voilait tout L enchev trement des br ches et des crevasses laissait arriver jusqu aux recoins les plus obscurs de faibles rayons de lune et dans les profondeurs noires sous des vo tes et des corridors inaccessibles je voyais des blancheurs se mouvoir lentement C tait l heure o les fa ades des vieux difices abandonn s ne sont plus des fa ades mais des visages Victor HUGO Le Rhin lettres un ami Lettre XVIII 1842 1 Heidelberg ville allemande domin e par un ch teau en grande partie d truit 2 Louis les lettres qui composent Le Rhin sont fictivement adress es un ami Louis B Louis Boulanger 60 Textes descriptifs E CENTRES D INT R T DU TEXTE Victor Hugo d crit un ch teau en ruines C est un th me banal et m me st r
529. rante ans fameux gaillard buste impressionnant figure marqu e voix basse et rieuse Ces l ments donnent Vautrin personnage de roman le caract re de base qui permet au lecteur de croire en lui sa vie sa r alit physique son existence sociale Le narrateur le pr sente en effet comme peuvent le voir les autres locataires de la pension Vauquer avec l objectivit apparente d une focalisation externe Ce faisant il adopte en quelque sorte le point de vue du peuple disant de Vautrin Voil un fameux gaillard c est donc d j dans une perspective sociale et morale que nous appara t la nature de Vautrin Chaque l ment de cette pr sentation r v le la force de caract re et la jovialit inqui tante du personnage Le nom de Vautrin Ce nom existe dans la r alit il est sans nul doute port par des citoyens de grande qualit dont un crivain de talent Mais s agissant d un personnage de roman le choix du patronyme se fait rarement au hasard il est le plus souvent inspir par l id e antique et fort discutable que le nom est en relation directe avec l essence de la personne Il n est donc pas impossible que Balzac ait choisi ce vocable pour le halo de suggestions n gatives qu il peut voquer si l on joue sur les mots proches qu on trouve dans le dictionnaire vaurien vautour se vautrer on peut s autoriser pressentir qu il s agit
530. rd Pas g nial ce cours Penser que mes l ves n aiment pas les figures de style franchement a me tue Il gorgea son chien avec une atroce jouissance La France est veuve Pompidou la mort du g n ral de Gaulle Ne sachant plus tr s bien ce qu tait une m tonymie le candidat perdit les p dales Dans notre soci t les oubli s du plein emploi sont sans doute parmi les moins favoris s L clair de tes yeux m a foudroy La t l vision multiplie les images de charit pour masquer la r alit des injustices Le nez de Cl op tre s il e t t plus court toute la face de la terre aurait t chang e Pascal Pour un blanc il vote rouge pour un rouge il vote blanc Avec son visage v rol ce n tait pas un sp cimen de beaut Je hais la s cheresse visqueuse de ton c ur la vue du Peau rouge le Visage p le prouva une peur bleue Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague Et des vagues de dunes pour arr ter les vagues L ironie consiste dire le contraire de ce qu on pense tout en signifiant qu on pense le contraire de ce qu on dit gt Figures de style que vous pouvez identifier dans le d sordre Ellipse antiphrase p riphrase m tonymie m taphore hyperbole litote oxymore all gorie euph misme antith se anacoluthe chiasme comparaison gt Atte
531. rd m a fait soudainement rena tre Ne te verrai je plus que dans l ternit Cette phrase riche de signification et de valeur expressive est d abord un appel Elle s lance sur deux vers et demi comme pour porter son cri le plus loin possible comme pour rattraper la passante Elle est une question mais une question qui en r alit n attend pas de r ponse ce serait brusquer les choses et c est justement le propre de l interrogation n gative que de ne pas forcer l autre r pondre cf le Ne veux tu pas du po me de Vigny Le tutoiement m rite d tre soulign alors que Baudelaire parlait de la passante la troisi me personne au moment o il voquait leur change visuel voici qu il se pla t dire tu l heure o elle se trouve hors de sa port e La pr sence du pronom de la deuxi me personne tend compenser l absence de la personne r elle Nous sommes au c ur de la litt rature les mots ne servent pas seulement retracer ce qui a eu lieu ils servent tout autant faire exister ce qui n est pas ce qui n est pas encore ou ce qui n est plus et en l occurence l intimit du po te et de cette femme Ces vers confirment par ailleurs l ambivalence de la beaut La passante est qualifi e de fugitive beaut c est bien la beaut que le h ros a recherch e en elle et cette beaut si id ale qu elle ne peut pas tre de ce monde est fatalement fugitive
532. re motion vient de ce que les faits rapport s sont par eux m mes mouvants et probablement vrais aucun lecteur ne peut en effet rester indiff rent devant un vieillard h b t de douleur accompagn d un enfant aux mains coup es Et il est vrai qu un texte ne pourrait pas mouvoir si les r alit s auxquelles il renvoie n taient pas elles m mes poignantes c est une condition n cessaire mais non suffisante Pourtant aucune de ces explications n est satisfaisante Nous risque rions de banaliser le passage en le r duisant son contenu car il est tradi tionnel pour d noncer la guerre de d crire les victimes et parmi celles ci de choisir les plus vuln rables les femmes les vieillards les enfants Si l auteur manifeste de l originalit ce n est donc pas dans son invention th matique c est par la fa on dont il met en sc ne son sujet pour susciter notre motion Conduits examiner le texte la loupe nous pouvons alors faire les remarques suivantes Le premier proc d de mise en valeur est celui du contraste en oppo sition avec le d nouement heureux de l histoire le spectacle de la douleur ressort d autant plus cruellement Or l auteur a fait expr s de placer cet endroit sous les yeux de jeunes gens joyeux et d un lecteur qui lit pour se divertir cette vision saisissante C est l le choix d un artiste qui organise lucidement l effet q
533. re de l univers pour se flageller devant tous et dire ses indignit s et ses mis res manifeste en m me temps un orgueil absolu car faut il qu il soit important pour que le monde entier entende sa confession Qu ils coutent mes confessions qu ils g missent de mes indignit s qu ils rougissent de mes mis res On ne comprend plus c est Jean Jacques qui s accuse et ce sont ses semblables qui doivent g mir et rougir C est que les p ch s du p nitent ne lui sont pas propres tous les partagent et doivent donc s humilier avec lui L auditeur le lecteur doivent reconna tre qu ils en ont fait autant peut tre pire bref qu ils ne sont pas meilleurs Car devant l ternel personne ne pourra se masquer La technique de Rousseau annonce ici la m thode du h ros de La Chute Camus se disant juge p nitent celui ci passe son temps se confesser pour accuser chacun devant retrouver dans son r cit un miroir accusateur de ses fautes On pourra s tonner enfin que Jean Jacques qui se pr tend si diff rent en appelle maintenant ceux qu il dit tre ses semblables Cette nouvelle contradiction s explique pourtant il n a de commun avec les hommes que certaines fautes bien trang res et bien ext rieures son tre originel car son int rieur l tre supr me peut en t moigner est rest unique vrai fid le la nature Le d fi final Nous en avons soulign la part de
534. re port e que l adieu auquel elle r pond D une part en effet il s agit de la premi re et derni re parole qu elle lui adresse rompant un mutisme absolu consid rant enfin cet Allemand comme une personne et non plus comme l ennemi D autre part il s agit d une r ponse directe ouverte quoique retenue qui transforme leur change en dialogue D s lors il y a communion entre eux Apr s l change de regard cet adieu quivaut un aveu d amour Mais un aveu tr s paradoxal puisque l union de ces deux tres se r alise travers le mot m me qui signifie leur s paration d finitive C est bien l ce qui porte l motion du spectateur son comble et d abord celle de l oncle signal e par ses deux enfin Naturellement il fallait avoir guett ce mot pour l entendre Mais l oncle qui savait cet amour n tait pas le seul lavoir guett le lecteur aussi et tout l art de Vercors aura consist le plonger dans cette attente Vercors 113 E CONCLUSION L IMPORTANCE DU CONTEXTE Citons d abord la suite imm diate de cet extrait On comprend que cet adieu de la jeune fille malgr son caract re inexorable fait la joie de l officier allemand Von Ebrennac aussi l entendit et il se redressa et son visage et tout son corps sembl rent s assoupir comme apr s un bain reposant Et il sourit de sorte que la derni re image que j eus de lui fut une image souriante
535. resserons ensuite la liste des diff rences qui apparaissent entre les fa ons de voir et de dire de Rousseau et de Stendhal il nous sera alors possible de caract riser chacun des deux textes et d opposer les sensibilit s profondes de leurs auteurs E SIMILITUDES Un monument est une r alit bien objective D o un minimum de r alisme de la part de nos descripteurs Chacun souligne ainsi l aspect ext rieur de la construction et d abord sa monumentalit Au noble ouvrage r pond le monument sublime Le transport de pierres normes not par Rousseau se relie la pr cision technique de Stendhal sur ces pierres de taille pos es sec sans mortier ni ciment Chacun rel ve l usage du pont Ce pr tendu pont n tait qu un aqueduc forme exactement calcul e pour l utilit Chacun rappelle que les ma tres d uvre en ont t les Romains et qu on pouvait s attendre ce que cette grandeur soit digne du peuple roi qui l a construit c est un superbe difice haut de trois tages certains admirent largent qu il a d co ter Enfin nos deux auteurs font ressortir la place du monument dans son environnement de sorte que le silence et la solitude Rousseau l absence totale d habitation et les plantes solitaires qui l entourent 88 Textes descriptifs Stendhal obligent le touriste ne voir que ce noble ouvrag
536. riels I y a ainsi une technique de l antith se qui mobilise les moyens d expression de l absolu ou de la tolalit rien s opposant tout jamais toujours un seul la foule etc au risque de tomber dans la facilit Naturellement l antith se a aussi ses lettres de noblesse lorsqu elle triomphe dans les grand textes classiques comme dans cette exhortation de Don Louis son fils Don Juan Je ferais plus d tat d un crocheteur qui serait honn te homme que du fils d un monarque qui vivrait comme vous Dom Juan IV 2 ou dans ces formules finales du second Discours de Rousseau I est manifestement contre la loi de nature de quelque mani re qu on la d finisse qu un enfant commande un vieillard qu un imb cile conduise un homme sage et qu une poign e de gens regorge de supertluit s tandis que la multitude afam e manque du n cessaire Discours sur l origine de l in galit 1753 Notons enfin que l antith se se pr sente parfois sous l aspect d un chiasme c est dire sous la forme crois e A B B A comme dans les proverbes suivants Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger Le bruit ne fait pas de bien le bien ne fait pas de bruit Cependant le chiasme n tablit pas toujours l opposition il peut aussi bien souligner l union d l ments sym triques notamment dans des vers cherchant produire un effet de toialit Baudelaire en raffole dans Les Fleurs du Mal Valse
537. rieures Il faut simplement tre conscient de ce que l on fait et s abstenir d interpr tations h tives 1 Voir ce sujet la fa on dont Jacques Brel s est empar du mythe de Don Quijote De l intertextualit 43 2 La seconde op ration consiste faire usage tr s consciemment de l intertextualit au sens premier du terme c est dire au sens strict que nous avons aussi nomm contextualit L examen du passage commenter ayant t bien conduit on peut alors sortir de sa textualit et tenir compte de connaissances externes chercher en quoi elles clairent le texte ou du moins ajoutent des l ments d explication Deux niveaux de contextualit peuvent alors tre d finis celui qui rel ve de l uvre de l auteur lui m me celui qui rel ve des autres textes contemporains ou ant rieurs qui ont influenc litt ralement ou globalement l uvre en question Le premier niveau consiste situer l extrait qu on tudie quelle est sa place dans quel ouvrage que peut on en conclure et le mettre en relation avec d autres passages de cet auteur observ s dans d autres ouvrages le cas ch ant Ce principe qui revient expliquer l auteur par lui m me se justifie dans la mesure o un v ritable crivain n labore pas des textes isol s et partiels mais construit d ouvrage en ouvrage un univers dont toutes les parties s clairent mutuellement L
538. rintemps pass qui nous oblige tudier l nonciation cf Clef n 4 c est dire nous interroger sur le lieu et le temps d o le narrateur observe ce qu il d crit Colette 69 sur les raisons pour lesquelles il choisit les l ments qui constituent son tableau et l ordre dans lequel il les expose Ces deux approches nous obligeront d passer la saisie du texte comme simple vocation r aliste Nous nous demanderons si le r alisme senso riel justement ne tend pas vers une forme de merveilleux c l brant le printemps dans ce qu il peut avoir d intemporel Ce qui exigera une troisi me axe de lecture de cet extrait pour en saisir pas pas la po sie E L VOCATION R ALISTE SENSATIONS ET MOUVEMENT D s le premier paragraphe nous constatons que le printemps n est pas l objet d une r verie mais d une observation attentive de ce qui se passe de ce qui s anime Les termes concrets abondent s cateur roseraie surgeons baguettes d abricotier fleur abeille Et surtout Colette ne projette pas de vagues sentiments sur la nature elle saisit la r alit par des perceptions pr cises comme pour savourer fond la substance des choses Sensations auditives c est le dialogue des s cateurs que l auteur essaie de traduire par un effet d harmonie imitative bec s c claque Sensations visuelles c est le gros plan sur la jonch e de surgeons tendres
539. rise plus moins transform e r f rence critique opposition radicale etc Car il ne suffit pas de d couvrir ce que reprend un auteur l int r t c est de montrer ce qu il fait des l ments qu il reprend E COMPLEXIT DE LA NOTION Si l on consid re un texte ces trois niveaux que repr sentent son criture sa structure selon son genre les formes qu il se choisit etc et sa th matique on peut trouver la notion d intertextualit une extension quasi sans limites Du c t du style et de l criture les tournures souvent acad miques les expressions choisies parmi toutes celles dont la litt rature a enrichi notre langue les r f rences litt rales ou proverbiales sont extr mement nombreuses C est celles ci le plus souvent explicites que l on pense d abord lorsqu on parle d intertextualit Mais les mots eux m mes dont use innocemment le moindre crivain sont d j charg s des connotations que d autres ont pu y mettre ses contemporains ou ses pr d cesseurs Par exemple il m est impossible d employer apr s Pascal le terme divertisse ment ou apr s Baudelaire le mot spleen sans que mon texte personnel soit impr gn de la marque qu ont ajout ces deux auteurs chacun de ces termes M me si je mai pas lu Pascal m me si j ignore Baudelaire Un lecteur plus cultiv que moi en lisant mon nonc redonnera celui ci la 1 ce sujet
540. rocessus ce que nous avons dit plus haut de la rapide identification d sidentification qui permet chacun de transformer son nergie de compassion en rire lib rateur et aussi l atmosph re d irr alit due l invraisemblance croissante de la logique du sketch Mais apr s coup il reste un l ment de tristesse n a t on pas honte d avoir ri E CONCLUSION Du point de vue de la m thode nous avons proc d deux approches synth tiques du texte pour mieux diff rencier les deux types de plaisir que peut prouver le public Mais il va de soi qu l examen une analyse m thodique du texte peut tre op r e dans son d roulement Apr s avoir annonc le th me et le mouvement progressif du sketch on commentera chacune des neuf phases successives qui le constituent en montrant bien comment la part de rire spirituel et de rire comique s articulent l une l autre En ce qui concerne la nature profonde du rire nous avons pu remarquer qu au cours de cette histoire nous fr lons la trag die et que pourtant le public rit largement Une conclusion s impose le comique n est pas dans le contenu d une histoire amusante en soi il est dans le traitement de cette 192 Textes dramatiques histoire par diff rents proc d s que nous avons d gag s En somme le comique est d autant plus fort que l histoire est plus tragique Quel que soit le message qu il veut trans
541. ront pas les menaces que vous me faites ne m emp cheront pas la force et l impunit la v rit et l innocence Mais cette sym trie des positions n a pourtant rien d une galit D s l abord Pascal monopolise les bonnes armes la v rit et l innocence et enferme ses adversaires dans le mauvais camp ils croient r ussir par la force sous pr texte qu ils ont l impunit Aux yeux du lecteur impartial la parall lisme qu tablit Pascal n est donc pas une simple description il est un assignation M me au niveau du nombre de mots Pascal souligne l in galit de la lutte les menaces que vous me faites en tant de fa ons II me d fendre Plus il se montre en situation d opprim dans l ordre de la violence plus il y gagne le beau r le dans l ordre de la v rit S il dit je crois avoir cela signifie t il je pense avoir ou je suis s r d avoir c est pour r pondre au Vous croyez avoir Or les j suites n ont pas croire qu ils ont cette force et cette impunit ils l ont en effet dans la r alit Cela implique que Pascal b n ficie aussi de la r alit contraire Ainsi l antith se qui cl t cette premi re phase du texte avec ses termes qui se r pondent mot par mot Vous croyez avoir la force et l impunit mais je crois avoir la v rit et l innocence n appara t pas comme une opinion discutable mais bien comme la pr sentation de la r alit
542. rouve par exemple face la question de Don Juan au Pauvre Quelle est ton occupation parmi ces arbres ne sachant comment la saisir va d layer la r plique en disant Eh bien voil Don Juan a tout coup l id e de demander au Pauvre ce qu il fait dans cette for t Comment chapper ce type de paraphrase En s interrogeant sur les causes et les effets de chaque r plique Par exemple pourquoi est ce ce moment que Don Juan pose cette question Quel est son effet sur le mendiant 2 En quoi le public sera il int ress Les r ponses viendront alors facilement Don Juan incr dule s tonne qu un homme puisse s isoler l cart pour passer son temps prier sa question est d j une forme de domination sur le Pauvre il le tutoie il manifeste sa distance en disant ces arbres il l oblige r pondre le public est la fois intrigu le spectateur en attente fait toujours sienne la question qu un personnage pose un autre et d j g n par la condescendance du grand Seigneur En d taillant cet exemple nous venons d indiquer d j les trois premi res dimensions que loute r plique a plus ou moins au cours d un dialogue 1 Qu est ce que la r plique me dit sur le personnage qui l nonce Que m apprend elle de ses mobiles de son caract res etc 2 Qu est ce que la r plique me dit sur le personnage qui elle s adresse Que veut elle obtenir de lui Quelle image lui
543. rovient d un savoir plut t que d une observation en direct C est enfin le gros plan sur la pivoine qui r sume un mois de croissance et qui vient du souvenir beaucoup plus que d une observation actuelle imagine t on le narrateur quatre pattes les yeux riv s sur la plante qui se d ploie Ces remarques sur la variation des lieux de l observation sont confirm es par l tude de la variation des temps Il n y a pas plus de continuit temporelle dans cette description qu il n y a d unit spatiale m me si tout est racont au pr sent On peut penser que l auteur part du moment o il entend le s cateur en milieu de matin e Mais on l a vu il fait aussit t un bond dans le futur Puis voquant la colline qui fume il donne l impression qu il parle d un effet de la chaleur du jour mais d s la phrase qui suit on comprend qu il s agit de l effet des pruniers blancs qui baignent comme des nuages dans les brumes cinq heures et demie du matin Il y a donc eu un saut en arri re Vient alors la croissance g n rale qui suit la premi re heure du jour mais la description en acc l r de la pivoine nous fait quitter le pr sent imm diat pour l vocation d un mois r sum en trois lignes En r alit Colette raconte l ce qui se passe chaque printemps elle se situe dans un pr sent intemporel Ainsi dans ce tableau pourtant si concret ce n est pas le matin r el d un
544. rras du mendiant fait cro tre la tension Se peut il que le M chant l emporte sur le Bon La troisi me phase est celle de la tentation proprement dite Voyant ses arguments th oriques hors de port e du Pauvre Don Juan a l id e subite de 152 Textes dramatiques le r duire par un argument sensible l or Du point de vue dramaturgique et non pas psychologique cela transforme le personnage de Don Juan en incarnation du Tentateur dans la sc ne arch typique de la Tentation Le Pauvre devient la figure de la Victime et au del du Pauvre lui m me c est le Ciel Dieu qui se trouve d fi Le croyant va t il succomber la Tentation L homme de foi va t il vendre son me au diable L intensit dramatique est son comble le temps semble un moment suspendu Puis on assiste un bref d nouement de la situation avant de passer la sc ne suivante L effet sur le public Au fil de ces trois phases le public prouve une motion de plus en plus violente Les premiers changes vrai dire ne suscitent d abord en lui qu un int r t cognitif on rencontre un personnage nouveau un pauvre un mendiant un ermite on ne sait on attend vaguement de savoir qui il est ce qui va se passer comment va r agir Don Juan C est l int r t habituel de tout public qui assiste des aventures partir de la demande du Pauvre qui se pr sente comme homme de pri re tout s enclenc
545. s tait d tach e du corps m me mort Deux remarques peuvent tre faites sur ce champ lexical Certaines images sont des comparaisons classiques telle une b te bless e mort comme celle d un poisson pourri d autres sont des m taphores comparaisons implicites il gisait sur le ventre un moignon absurde des entrailles des traces d h morragie la carcasse m me mort l avion est bien un animal Mais cette distinction au plan de l expressivit ne joue pas vraiment l ensemble de ces images concourt au m me but traiter l appareil comme un tre vivant qui vient de mourir La personnification est surtout ici une animalisation Quelques termes sont galement applicables l tre humain le nez le ventre un moignon les entrailles l h morragie la mort les autres obligent penser un animal la queue les ailes les flancs la carcasse Mais l encore cette distinction n est pas d terminante dans le grand jeu des m taphores le va et vient entre le vocabulaire humain appliqu aux animaux ou aux choses et le vocabulaire animal appliqu aux tres humains est incessant Ce qui compte c est la qualit d tre vivant conf r e l avion elle suffit veiller la sympathie la compassion suppos e naturelle du bip de humain pour tout ce qui semble appartenir comme lui au r gne animal Or dans ce texte paradoxalemen
546. s ces cat gories l actio ou rh torique du comportement oratoire qui comprenait le d bit l intonation plus ou moins dramatique les gestes et attitudes que devaient soigner les orateurs anticipant depuis longtemps sur le souci de l image de soi qui hante mainlenant les politiciens appel s se donner en spectacle la t l vision ces pistes s ajoutent les diverses approches que d autres Clefs nous ont permis de sugg rer Le sch ma de la communication en particulier est essayer sur la plupart des discours modernes on observera comment jouent les fonctions expressive et impressive du langage et quelle relation elles traduisent ou cr ent entre le locuteur et ses interlocuteurs De m me on ne manquera pas de recenser les diff rentes figures de style abord es ici ou l dans nos explications l anaphore l antiphrase l antith se l apostrophe l hyperbole la m taphore la m tonymie l oxymore la tautologie cf Clef n 32 pour ces deux derni res etc Ce bilan peut encore tre compl t par des proc d s r currents du discours politique La question oratoire par exemple que l orateur pose sans attendre de r ponse puisque celle ci est sugg r e comme vidente par la question La concession Certes il est vrai que mais en v rit qui ne c de de terrain que pour en regagner et fait taire l auditeur en devan ant son objection Le constat qui pr sente comme videnl
547. s agit de souvenirs comme l indiquent les titres des ouvrages Ces r cits sont la premi re personne le pronom je renvoie indistinctement la personne qui a voyag et qui se fait auteur narrateur de son r cit de voyage Mais sous cette similitude apparente nous allons assister des modes de pr sence quasi oppos s de chaque crivain dans son texte E DEUX NONCIATIONS RADICALEMENT DIFF RENTES Les temps employ s Le r cit de Rousseau est au pass simple et l imparfait je pris je parcourus je me perdais je sentais je restai l Il n y a qu une phrase au pr sent mais c est un pr sent inclus dans le pass de ce r cit On se demande Il nen habite aucun il faut comprendre sur place on se demande comment etc Nous sommes dans la narration pure l auteur se souvient il revit par la pens e et par la plume son exp rience L vocation de Stendhal au contraire est crite totalement au pr sent une sorte de pr sent intemporel qui est celui du d pliant touristique Il ne raconte pas son voyage On suppose qu il est pass par l il parle de cet ouvrage qu on a sous les yeux mais il actualise son exp rience pour en faire un propos g n ral un constat qu il formule dans son cabinet de travail Jean Jacques Rousseau et Stendhal 89 o se joignent le souvenir le savoir Comme la plupart des grands monuments des Romains et la r flexion Ce monume
548. s l autobiographie ne peut qu ajouter un moi crit au moi v cu tel que je fus m prisable et vil quand je l ai t bon g n reux sublime quand je lai t Ambivalence de Jean Jacques Rousseau Certes il avoue le mal comme le bien Mais de part et d autre il n y a que des termes forts Jean Jacques Rousseau 245 comme si l id e d tre simplement m diocre r pugna it Jean Jacques et surtout les adjectifs positifs l emportent sur les n gatifs trois contre deux avec une belle gradation finale qui culmine sur ce qu on doit retenir il a t sublime J ai d voil mon int rieur tel que tu las vu toi m me Formule capitale Elle pr cise l pigraphe emprunt au po te latin Perse Intus et in cute Int rieurement et sous la peau Le d sir de transparence de Jean Jacques Rousseau entre son tre et son livre atteint l un degr presque d lirant il pense s tre vu avec le regard de Dieu m me ce qui est bien autre chose que de se placer sous le regard de Dieu au cours d un acte de repentir Cette tonnante affirmation d bouche alors sur la sc ne du Jugement dernier anticip e avec une rare audace par une cr ature qui convoque le Cr ateur tre ternel rassemble autour de moi l innombrable foule de mes semblables C est aussi l humanit enti re qui est convoqu e Voil un curieux p nitent qui en se pla ant au cent
549. s les mots sont prononcer calmement sans que la tonalit de l un tranche sur celle de l autre les sonorit s avec de discr tes assonances ange souriant baign portait flammes mes sont galement harmonieuses La temp te sinistre s est chang e en une paix paradisiaque Cette vocation finale exprime la fois le g nie antith tique du po te et la certitude d un homme qui a surmont son d sespoir en pariant pour la vie ternelle E CONCLUSION Ce po me est avant tout une manifestation clatante de l art de Victor Hugo ma trise de la versification pr cision visuelle dynamisme de l image s ret des effets sonores puissance du contraste Son tude peut donc tre Victor Hugo 283 consid r e comme une Clef en elle m me pour ceux qui voudraient p n trer dans l univers personnel du po te Par ailleurs une po sie de cette qualit qu elle exprime ou conjure nos motions montre quel point la litt rature est une n cessit pour l tre humain qu il en soit le r cepteur ou l auteur Ici la puissance verbale d vocation de la mort est d j consolation pour les vivants Il y a comme une joie po tique pouvoir transcender l angoisse des mortels dont on fait partie Hugo face la Faucheuse se grandit en voquant sa grandeur et grandit par la m me occasion l homme en face de sa d tresse Clef N 33 Rejet et enjambement Dans le premier vers Mors
550. s y compris lorsque l auteur applique le processus d autres qu lui m me tel Verlaine d clarant Votre me est un paysage choisi En peinture m me o avec l impressionnisme il s agira moins de repr senter le r el en soi que de reproduire sur une toile les impressions qu il suscite en nous bien des paysages seront en v rit eux aussi des tats d me La notion qui primera donc dans l approche des uvres deviendra celle d imaginaire du cr ateur quel que soit son art de pr dilection Il n aurait fallu Il n aurait fallu Rien qu un mouvement Qu un moment de plus Ce geste en dormant Pour que la mort vienne L ger qui me fr le Mais une main nue Un souffle pos Alors est venue Moins Une ros e Qui a pris la mienne Contre mon paule Qui donc a rendu Un front qui s appuie Leurs couleurs perdues moi dans la nuit Aux jours aux semaines Deux yeux grands ouverts Sa r alit Et tout m a sembl l immense t Comme un champ de bl Des choses humaines Dans cet univers Moi qui fr missais Un tendre jardin Toujours je ne sais Dans l herbe o soudain De quelle col re La verveine pousse Deux bras ont suffi Et mon c ur d funt Pour faire ma vie Rena t au parfum Un grand collier d air Qui fait ombre douce Louis ARAGON in Le Roman inachev 1956 ditions GALLIMARD M LE PO ME L HOMME L AUTEUR Chaque fois que le je d un crivain s exprime lyri
551. s cet a priori pour faire ressortir son absurdit non seulement ils sont noirs mais ils osent l tre avec exc s depuis les pieds jusqu la t te En suscitant chez le lecteur une sorte de ils exag rent tout de m me Montesquieu d consid re le m pris irr fl chi du Noir chez ses contemporains trop bien lev s trop bien lav s Ce n est pas tout les Noirs n ont pas seulement le nez cras ils l ont si cras qu ils n en sont plus humains Ainsi donc on ne devrait pas les plaindre de leur servitude Mais voici que Montesquieu ajoute ici un presque inattendu Pourquoi serait il presque impossible de les plaindre Parce que tout de m me quelque chose nous porte les plaindre bien que cela maille pas de soi et ce quelque chose cest ce fond humain qui en nous reconna t la nature humaine en eux Le presque impossible sugg re ainsi son contraire c est dire le devoir que nous avons de les plaindre L ironie a pour objet de faire comprendre le contraire de ce qu elle semble dire Montesquieu 219 Deuxi me argument racial On ne peut se mettre dans Pesprit que Dieu qui est un tre tr s sage ait mis une me surtout une me bonne dans un corps tout noir Ici se poursuit l interrogation sur la nature humaine des N gres telle que se la posent les gens qui ont le sens commun Comment un corps tout noir pourrait il abriter
552. s de sa nature en s acceptant soi m me imparfait chacun est conduit mieux tol rer l imperfection d autrui C est ensuite la raison que l on prenne le mot au sens le plus logique les conduites intol rantes sont d raisonnables ou au sens moral la raison oppose sa mesure la passion et aux outrances de l orgueil C est encore le sens du bonheur individuel et collectif m me si ce bonheur consiste d abord ne pas produire du malheur viter les calamit s et les guerres civiles mieux supporter le fardeau de la vie jouir sans orgueil des dons de la nature Dans les derni res lignes du texte Voltaire ose se livrer davantage Il c l bre cette fois les vertus positives de la tol rance et appelle religieusement les hommes les pratiquer C est l loge sans r serve de la fraternit et dans le sillage de la fraternit humaine du travail l industrie paisible des hommes et de la paix civile ce n est qu entre nations que les guerres lui paraissent in vitables Cet appel se conclut sur la reprise du th me central du discours la pri re Dieu S il est vrai qu il y a ici une n cessit formelle de terminer en b nissant le Cr ateur on peut tout de m me cr diter l auteur d une certaine sinc rit d un d sir positif d ajouter la jouissance de l existence une sorte de contemplation de la vie et de gratitude envers l tre qui l a donn e aux h
553. s de tr s belles tudes il en a crites plusieurs tr s belles aussi dont la cinqui me que je vais avoir honneur de vous interpr ter il s appr te jouer J ai horreur qu on se serve de mes affaires rires Voil la cinqui me de Sor musique all gre tonalit nostalgique Mon pyjama c est pareil rires Depuis qu il a achet le m me j retrouve plus le mien rires tout en jouant Il s en sert quoi y a pas de doutes rires sur la musique Ma femme voulait pas me croire hein Je lui dis Tu vas voir un de ces jours il va aussi se servir de tes affaires rires Mon vieux le lendemain je retrouve son soutien gorge dans la poche de son pardessus rires Il s en sert quoi y a pas de doutes rires acteur se met chanter sur la musique m lancoliquement Un soir j arrive sur le palier j entends Profitons en pendant qu il est pas l rires tout a tout a d barrasse toi de ton bonhomme de mari c est un emp cheur de tourner en rond Oh mon vieux je rentre j dis mon copain qui tait l Eh dis donc eh eh baisse un peu la radio on l entend d en bas rires Il s en sert quoi y a pas de doutes rires nouvel interm de musical plus court Raymond Devos 187 Trois jours apr s j rentre je le trouve dans mon lit en train de fumer une de mes cigarettes rires J dis ma femme qui tait
554. s devant une page qui ne nous inspire rien C est de se servir de son bon sens et de se demander Compte tenu du th me de ce texte et de son d roulement que devrais je ressentir Qu est ce que l auteur si je compare d autres extraits que je connais sur le m me sujet peut bien vouloir produire comme effets Ces questions renvoient le lecteur l observation objective du texte Faute d motion imm diate qui pourrait le guider il doit regarder les m canismes mis en uvre dans la page chercher la loi de son fonctionnement bref il va partir de la seconde voie d acc s au texte le recensement Et peut tre parviendra t il en tudiant le texte avec sa seule intelligence y trouver des aspects des processus un climat qui vont peu peu veiller sa sensibilit Les deux voies sont en effet compl mentaires M JE RECENSE de la nature du texte ses moindres proc d s Il s agit d observer le texte tous les niveaux de fa on m thodique en allant toujours du g n ral au particulier La nature du texte Un coup d il global qui doit devenir spontan nous permet d abord de discerner quel type de texte nous avons affaire descriptif narratif argu mentatif th tral lyrique po tique Non seulement en reconnaissant que nous sommes en face d une page de roman d une sc ne tragique ou comique ou d une po sie mais encore parce que tr s vite nous identi fierons la to
555. s est donn par Victor Hugo lorsqu il crit pour c l brer l anniversaire de la mort de sa fille le po me Demain d s l aube Dans ce texte le po te affiche sa peine il fait de beaux vers mouvants il se montre si triste qu il dit je ne verrai ni Por du soir qui tombe ni les voiles au loin descendant vers Harfleur non sans rappeler en peignant ce tableau sa palette et sa technique de bon versificateur bref il travaille son cri de douleur tout en l exprimant pour nous communiquer sa souffrance Ainsi dans un m me mouvement il est mu et il calcule l expression de son motion Cela signifie t il qu il n est pas sinc re Non il veut seulement faire partager sa souffrance Quant nous si nous expliquons son po me nous n aurons pas honte de relever les proc d s dont il se sert nous allons ainsi mieux comprendre sa souffrance et peut tre mieux la ressentir ou m me inversement la relativiser en d celant un peu trop de narcissisme dans l exhibition de cette douleur Tout cela est tr s instructif quoi qu il en soit Il ny a pas que l exemple des grands auteurs Chacun de nous travaille son expression orale ou crite Roland Barthes cite le cas tr s banal d une lettre de condol ances Supposez que votre meilleur ami perde un tre cher Vous tes sensible son chagrin Vous voulez l assurer que vous tes en communion de c ur avec lui Vous songez donc l
556. s inscrivant dans cette ternelle lutte se situe d embl e dans le bon camp le camp de ceux qui r sistent l oppresseur ne passerait pas son temps faire le parall le entre la violence et la v rit il faut se sentir du c t de la v rit pour d velopper ce discours C est alors que se pose la question pourquoi cette guerre est elle si trange et si longue Parce que les combattants ne sont pas sur le m me plan ne luttent pas dans le m me ordre Cette distinction entre deux ordres sans rapport l un avec l autre va en effet tout clairer montrant au passage la hauteur de vue de notre orateur Ainsi la violence essaie de remporter une victoire impossible puisqu elle pr tend trangement lutter dans un ordre qui n est pas le sien l ordre de la v rit et c est l obstination des oppresseurs dans cet ordre qui n est pas le leur qui rend leur combat interminable Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la v rit et ne servent qu la relever davantage Et r ciproquement m me inaptitude de la v rit freiner la violence Toutes les lumi res de la v rit ne peuvent rien pour arr ter la violence et ne font que l irriter encore plus Ces deux phrases tablissent l impuissance mutuelle de la violence et de la v rit chacune se situant dans un ordre qui est inaccessible l autre Qui pis est leurs tentatives se retournent respectivement contre leur propre obj
557. s inverse le laitier dont le beurre tourne l ambulancier dont le malade d c de le convoi fun raire et bient t toute la cit tout se trouve embarqu dans la ronde infernale Par convention le public continue d adh rer l histoire croire par intervalles l vocation de cet univers kafka en et le jeu de l acteur Devos incarnant l angoisse du personnage est ici fondamental mais en m me temps il ne cesse de se d sidentifier chaque nouveau d tail insolite et donc d sopilant qui affole l automobiliste Jusqu la fin de ce sketch parfaitement rythm par son auteur il y a ainsi reprise et rel che d angoisse dans le public le tout se r solvant en salves de rires Ce processus n est pas incompatible avec la d finition de Bergson qui tablit que nous rions chaque fois que nous percevons du m canique plaqu sur du vivant En effet l aspect m canique qui entra ne tout coup la vie de la ville le vivant grossissement des effets amplification des cons quences d un postulat insens est pr cis ment ce qui conduit le spectateur se distancier de la situation Percevant du vivant il s identifie percevant du m canique il rompt son processus d identification il y a bien alternance de reprises et rel ches d angoisse Par ailleurs Bergson remarque que lorsqu il y a quelque chose de m canique qui nous fait rire d un personnage vivant cela provient souvent de l inad
558. s morts il y a toujours narration parce qu il y a aventure Et c est encore d aventure qu il s agit lorsque les auteurs du nouveau roman d laissant le r cit d une aventure se sont mis conter aventure du r cit J Ricardou En second lieu on n oubliera pas que le roman met en sc ne des situations et des personnages Il n est jamais une chronique s che se limitant num rer des faits bruts Cette mise en sc ne sa dramatisation la position adopt e par le narrateur l gard de ce qui se passe et de ceux qui s y trouvent la focalisation les effets de distanciation identification devront donc faire l objet d une approche m thodique Les personnages en tant que tels forment le troisi me centre d int r t C est eux en effet que s attachent spontan ment les lecteurs et la plupart des auteurs Leur pr sentation leur portrait leur rapport au monde leur psychologie leurs preuves leur volution au cours de l histoire sont essentiels l paisseur romanesque d un r cit La pulv risation m me du concept de personnage dans certains romans modernes ne l a pas emp ch de survivre sa mise en question tant il semble consubstantiel au genre romanesque Enfin les grandes sc nes romanesques d passent souvent le simple r alisme psychologique ou la peinture sociale les plus fr quentes l uvre dans ce genre devenu le plus lu Elles atteignent al
559. s noires tous ces l ments fantastiques en d pit desquels Hugo ose s aventurer font de lui le h ros de son r cit En un mot le narrateur se montre la hauteur de ce qu il voque En se mettant en sc ne il ne fait pas qu observer il se mesure ce qu il d crit il se grandit travers son vocation grandiose 64 Textes descriptifs On voit que la contemplation romantique est rarement exempte de narcissisme notamment chez Hugo E COMPL MENTS ET QUESTIONS DE M THODE Dans ce type d explication surtout l oral on ne peut pas tout dire Il faut faire des choix parmi les multiples aspects d un texte Par exemple sur cette page de Victor Hugo nous n avons pas tout recens Il est encore possible de relever certains moyens stylistiques qu emploie l auteur pour nous donner le sentiment d une exp rience exceptionnelle notamment l expression de l absolu et le travail du rythme L expression de l absolu consiste toujours porter son plus haut point ce qu nonce le texte Qu il s agisse de la totalit modelait tout clairait tout voilait tout ou de son contraire aucun pas aucune voix aucun souffle du plus petit jusqu aux recoins les plus obscurs ou du plus grand rien n est plus grand que Hugo recherche le superlatif va l extr me inexprimables inaccessibles je nai rien vu de ma vie de plus m lancolique Le travail du ry
560. s peut para tre bien court et trop anecdotique pour donner lieu une explication en bonne et due forme D autre part l vocation r p titive d un m me monument risque de lasser l amateur d licat de textes litt raires Et pourtant c est pr cis ment en comparant ces deux visions d un unique objet que nous allons pouvoir saisir la sp cificit de chacune Cette comparaison pr sente en outre un grand int r t m thodologique Nous voyons deux auteurs c l bres parlant environ soixante dix ans d intervalle d un difice qui n a pas chang comment vont ils se diff rencier tant dans le choix des l ments descriptifs que dans leur fa on de r agir au m me ouvrage d art C est ici que la notion d intertextualit prend tout son sens cf Chap 4 p 37 Nous allons voir galement comment peuvent jouer les clefs issues des explications pr c dentes qu en est il du r alisme dans ces tableaux Qu en est il de l identifica tion De la diff rence auteur narrateur Comment fonctionne l noncia tion dans chacun de ces extraits La m thode qui consisterait ici op rer successivement l tude lin aire de chaque texte serait la fois trop longue et trop peu significative puisque c est partir de leur comparaison m me que l analyse peut faire ressortir leur originalit Nous proposons donc de commencer par la recherche des similitudes entre les deux pages nous d
561. s reparties bri vet et brio des formules effets d cho de l une l autre ce gar on l cette modestie l ce ton l cette galanterie l Les r pliques indissociables des sentiments qu elles traduisent rebondissent comme des balles de mot en mot Que dis tu de ce gar on Je dis que ton c ur n a qu bien se tenir Mon c ur c est bien des affaires Mademoiselle ce nom de Mademoiselle Et plus loin Je ne veux pas que Bourguignon Et moi je veux que Bourguignon C est dans les yeux que je Pai prise s il en trouve dans mes yeux il n a qu prendre etc Ce langage ne se r duit videm ment pas ses seules sym tries verbales comme on a pu le reprocher Marivaux en inventant le terme de marivaudage ces rebondissements de mots renvoient sans cesse aux pens es et arri re pens es des personnages pour le plaisir le plus d licat du public Voil donc nou e par tutoiement interpos la relation de sympathie entre Lisette Fais comme tu voudras Bourguignon et Bourguignon Je ten remercie Lisette Mais voici que Dorante en remerciant Lisette ne peut s emp cher de parler d honneur Il ne le ferait pas si jouant simplement au valet il ne commen ait pas tre singuli rement attir par la Marivaux 167 jeune fille Sa nature sociale reprend le dessus avec ce langage cod de son milieu Et le p
562. s structures d un texte il en est de m me Si je me sers du code romanesque labor par tous les auteurs qui ont racont quelque chose depuis que la litt rature existe si j utilise les ressources de la rh torique d velopp es par tous les orateurs dont les discours sont parvenus jusqu nous je vais imiter des formes ou retrouver des proc d s mis au point avant moi et qui vont rendre ma page efficace Les textes que j ai en m moire et qui ont en quelque sorte format mon esprit sont donc au travail en moi au moment m me o j cris De m me en ce qui concerne les diff rents genres ou codes po tiques L usage du sonnet ou la pratique de l alexandrin par exemple contribuent largement g n rer ma po sie pr d terminer ses effets etc Ainsi au niveau des structures l intertextualit est reine tout texte est secr tement influenc que l auteur le veuille ou non par la forme historique dans laquelle il se coule Et comme pr c demment le lecteur nourri des ouvrages contemporains va n cessaire ment lire les uvres du pass en fonction de sa nouvelle culture s tonner que des livres anciens soient par leur forme tonnamment modernes etc C est ainsi qu on relira les utopies du pass la lumi re des livres de science fiction ce qui leur redonnera un int r t inattendu Enfin concernant la th matique d un texte du moindre extrait l uvre globale elle
563. sants une boue d chir e d chiquet e comme par d invisibles ronces Ces images comme d ailleurs la fragmentation des gens en l ments morcel s produisent un effet de d shumanisation de la ville M me entre eux les passants ne semblent pas unis ils forment un tourbillon d tres qui vont dans tous les sens et aux 102 Textes romanesques rares moments o la foule lui para t humaine Penfant r ugit l id e qu on lui fasse honte de son sort Mais cette vision de la rue hostile indiff rente ou tragique est elle le seul fait de Penfant L auteur narrateur ne parach ve t il pas la pens e de Penfant en y projetant la sienne E LA VISION DE L AUTEUR Le narrateur pilote videmment le r cit c est lui qui nous fait voir par les yeux de l enfant m me si nous l oublions en cours de lecture Or le regard sur ce qui se passe ne co ncide pas toujours avec les yeux de l enfant La focalisation du r cit est celle d un narrateur omniscient lequel tant t conna t ce qui se produit l int rieur du h ros et montre les choses telles que celui ci les voit tant t sait des choses que le h ros ignore Cette focalisation dite focalisation z ro permet l auteur de varier la position qu il adopte par rapport l enfant et donc celle du lecteur qui ne s en rend pas compte Par exemple le narrateur se place l int rieur de Penfant il ente
564. se en relation avec le ou les effets produits par une phrase par une strophe ou par une page Ajoutons qu aucune remarque isol e n est suffisante pour mettre en valeur un aspect du texte il en faut plusieurs pour que cela fasse sens ou produise un effet Nous reviendrons dans le Chapitre 3 sur ce principe de convergence qu il s agisse de rassembler des impressions ou des expressions Notons pour finir que ce d faut peut tr s bien se cumuler avec le pr c dent On trouve ainsi des copies qui num rent successivement des r actions prouv es devant un texte et par ailleurs des remarques sur sa forme sans jamais faire le lien entre elles Elles s parent ainsi le contenu du texte et son style ce qui m conna t sa r alit et font un commentaire la fois laborieux et inutile Non pas qu il faille s interdire d tudier et le contenu et les moyens stylistiques mais il ne faut distinguer le fond et la forme que pour montrer comment ils sont unis Car en d finitive seule cette union fait la beaut ou la puissance de signification d une page E UN AUTRE EXEMPLE POUR CONCLURE Pour illustrer les principes pr c dents nous allons nous contenter d observer les trois derni res phrases d un roman de Maurice Leblanc L clat d obus L histoire se d roule durant la Premi re Guerre mondiale Les deux h ros du livre qui viennent de r ussir leur entreprise qui est sans rapport avec la guerre plaisantent son
565. secondes qui conf re la page romanesque ou la sc ne th trale un dimension po tique mythique ou surnaturelle On vient de l observer dans cette premi re sc ne de La Condition humaine o le meurtre au del de l limination r aliste d un adversaire endormi se r v le une sorte de sacrifice rituel aux dieux de la r volution Il en est de m me d une autre sc ne c l bre le meurtre de l Arabe dans L tranger de Camus Le h ros appuie involor lairement sur la d tente du revolver et tue un homme en fait il r agit une agression du soleil mais au niveau symbolique son acte prend lout coup la valeur d une insurrection contre la Loi sociale incarn e par un Soleil inhumain et l Autorit des Juges Une d claration d amour est galement un acte voir ce sujet la Clef n 31 sur les performatifs Elle suppose et esp re une r ciprocit de l aveu suivi d un engagement Si l on prend l exemple de la d claration de Ph dre Hippolyte dans la trag die de Racine Ph dre Il 2 on constate que cet aveu prend la dimension d un acte criminel L h ro ne non seulement oublie son rang mais elle se montre en c dant sa passion pr te tromper son noble poux en d pil d elle m me Victime de la Fatalit qui p se sur sa naissance elle pr cipite les v nements par cet aveu qui la conduira la mort ce qui surdimensionne un acte qui paraissait si simple au demeurant Le mot symb
566. sellement de vie souriante panouie ravie ruisselante Le rythme ternaire et la r p tition des adjectifs accentue cet effet vers 4 panouie ravie ruisselante vers 21 Ruisselante ravie panouie Naturellement on comprend au vers 21 que c est Pamour en elle qui irradie la pluie Mais comme souvent chez Pr vert la dynamique du son oriente la logique du sens ne dit il pas rappelle toi Jacques Pr vert 341 Barbara plut t que souviens toi c est ainsi que les chos des voyelles qui se r p tent 1 oui ui semblent fondre ensemble les mots de la joie et les mots de la pluie comme si l identit des sonorit s devait entra ner l identit des choses Souriante panouie ravie ruisselante sous la pluie vers 3 5 Vers lui sous la pluie ruisselante ravie panouie vers 20 21 Le r sultat de ces subtils jeux de mots est la transfiguration de l atmosph re brestoise par la pr sence de la jeune fille le soleil de sa joie illumine la pluie On ne peut plus distinguer l une de l autre D s lors la pluie peut se charger des adjectifs destin s au visage de Barbara c est la figure de style nomm e hypallage transfert de qualificatifs visant une r alit sur une autre r alit qui lui est associ e Cette pluie sage et heureuse Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Or si la jeune fille a pr t son visage heureux Brest sous la pluie r ciproqu
567. sentation Des gens sur sc ne vont et viennent parlent s amusent ou d lirent d sirent et souffrent aiment et meurent s opposent ou s unissent comme dans la vie mais quoi qu il leur arrive cela nous est manifest en direct par des gestes par des clats de voix par des paroles dites face un public par des tres humains pr sents devant nous qui se livrent de tout leur corps contrairement ce qui se passe dans le roman ou m me au cin ma Repr senter tymologiquement cela signifie rendre pr sent La mise en sc ne l exhibition propre aux acteurs le jeu collectif le public joue aussi il joue croire tout cela caract rise naturellement le th tre l art dramatique Le th tre est aussi un genre litt raire De ce point de vue il r pond peu ou prou aux deux objectifs que les auteurs classiques mettaient en avant dans leurs pr faces plaire et instruire Plaire ce n est pas seulement offrir le plaisir d une belle langue ou d un dialogue brillant Au th tre c est avant tout mouvoir intriguer faire peur faire rire faire pleurer donner admirer s enthousiasmer d tes ter ou craindre Et donc saisir et entra ner un public une collectivit Et puisque la collectivit vient la repr sentation pour s y voir repr sent e on comprend que ce soient les grandes motions humaines les conflits de pouvoir les drames de la destin e des pers
568. seul D une part il fait le plus souvent partie d un livre recueil discours roman pi ce de th tre etc c est dire d un ensemble d autres textes qui entrent en r sonance avec lui et contribuent lui donner son sens Par exemple un po me de Victor Hugo d abord crit pour lui m me puis plac selon un certain ordre dans Les Contemplations prendra de ce fait m me une signification qui n apparaissait pas dans le texte pris isol ment D autre part un texte est souvent p tri de r f rences culturelles plus ou moins conscientes citations imitations ou transpositions pastiches paro dies allusions r miniscences qui sont autant de traces plus ou moins litt rales issues d autres livres ou d autres poques Ainsi les crivains dits classiques imitaient d lib r ment les Anciens c est dire les auteurs de l Antiquit grecque et latine ils leur empruntaient la mati re de leurs uvres des th mes po tiques ou dramatiques des fables des mythes des r flexions etc jusqu reprendre leurs formules m mes ainsi la fameuse r plique de Ph dre C est toi qui Pas nomm au vers 264 est d j chez Euripide L tude savante des sources d une uvre montre quel point la part d l ments emprunt s est la r gle et la part de cr ation originale l exception Mais ce que les classiques faisaient d lib r ment la plupart des crivains le font spontan ment inf
569. sez donc que les auteurs arrivent toujours exprimer 100 ce qu ils veulent dire La question est complexe On peut r pondre oui dans le sens o lau teur v ritable parvient toujours dire ce qu il veut dire il en a les moyens litt raires Mais il en dit parfois davantage qu il ne l imagine le probl me tant de savoir exactement en quoi consiste ce que l on veut dire Je m explique En v rit le vouloir dire de l crivain ne se limite pas ce qu il a totalement conscience d exprimer Si l auteur dit bien tout ce qu il croit dire il ne sait pas totalement ce qu il dit Pourquoi Parce qu il est travers comme on l a vu par les donn es de son inconscient personnel que les critiques litt raires en s appuyant sur toute l uvre arrivent souvent mieux conna tre que l auteur lui m me par les donn es de son poque dont les conceptions dominantes le marquent sans qu il le sache toujours c est sa part d inconscient collectif si l on veut m me si le g nie des grands crivains est justement de d passer leur poque par de multiples influences esth tiques plus ou moins reconnues qui viennent d autres uvres des mouvements culturels divers des modes litt raires des genres cod s qui lui pr existent etc De l vient que sans en conna tre l auteur on peut attribuer une uvre telle ou telle p riode de la litt rature De
570. sfaction de sentir notre sup riorit sur lui Sup riorit venue de notre intelligence de la situation nous voyons imm diatement ce qu il refuse de voir et d sir aussi de sanctionner par notre rire son auto aveuglement Tout au long de ce sketch au niveau motif nous ne cessons de triompher par notre rire aux d pens du personnage Bien entendu pour que ces deux dimensions du rire s expriment plus ou moins consciemment il est n cessaire que nous ne soyons pas affect s r ellement par le malheur du personnage comme nous le serions devant une personne r elle C est ici que jouent les l ments d clencheurs de notre amusement tudi s plus haut mais aussi un certain nombre de proc d s classiques du th tre comique qui ont pour objet d entra ner le public dans l euphorie Voici les l ments sp cifiques qui font de ce sketch une com die Il y a d abord rappelons le une situation de d part qui pr dispose le public ne rien prendre au s rieux c est la tradition du cocuage nous l avons dit et la connaissance pr alable qu a le public du personnage habituel jou par R Devos a priori comique comme pouvait l tre Sganarelle jou par Moli re ou Charlot jou par Charlie Chaplin Ensuite on notera la mise en sc ne du sketch qui pr sente une situation amusante en soi l interpr te le ma tre venu officiellement donner un r cital ne peut se retenir de confier au public ses pe
571. sfait Nous allons Raymond Devos 193 tenter d apporter quelques l menis de r ponse en nous inspirant ir s librement de trois livres Le Rire de H Bergson Le Mot d esprit et ses rapports avec l inconscient de S Freud et Psychocritique du genre comique de Ch Mauron Commen ons par la seconde queslion celle du plaisir qui habite le rire en analysant ses composantes nous serons m me de mieux comprendre les diverses formes que prend le comique el les processus susceptibles de le d clencher Quelques composantes du plaisir de rire Sachant que tout se m le dans le rire on peut n anmoins tenter de distinguer 1 Un plaisir spirituel ou intellectuel C est d abord l intelligence en effet qui s amuse tort ou raison percevoir des contradictions des absurdit s des non sens qui ont lout de m me du sens des glissements ou des confusions s mantiques Cela appara t dans toutes les sortes de jeux de mots qu on en soit le manipulateur ou l auditeur R v laleurs sont cet gard les sketches de Raymond Devos cf Caen La Mer d mont e Le Plaisir des sens etc Le plaisir est bien ici dans cette jonglerie de l octeur avec les mots et leurs sens qu elle soit ou non raffin e Mais si l intelligence est n cessaire saisir ce jeu elle n explique pas elle seule le plaisir qu on y prend Cette trange euphorie qui na t du jeu de mots a pu lre interp
572. si incontestable Ce qu il dit de la v rit en g n ral semble si imparable qu il donne l impression d avoir totalement raison dans son combat particulier Mais il n en reste pas l Comme pour pousser son avantage il parach ve son tableau en d veloppant ce qui semblait d j d montr savoir que la violence et la v rit sont chacune toute puissante mais dans son ordre propre Quand la force combat la force la plus puissante d truit la moindre quand on oppose les discours aux discours ceux qui sont v ritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n ont que la vanit et le mensonge mais la violence et la v rit ne peuvent rien l une sur l autre Dans chaque domaine il y a combat Cela ne nous tonne pas en ce qui concerne l ordre mat riel de la force o joue la violence contre la violence Mais il en est de m me dans l ordre spirituel la v rit y est aux prises avec le mensonge et avec la vanit des discours creux Ce mot discours caract rise aussi bien la parole spontan e que les crits bien ordonn s En ce sens Les Provinciales sont aussi un discours qui doit pourfendre le discours injurieux et mensonger des j suites Il y a donc un combat que doit mener la v rit et le lieu de ce combat est pr cis ment le discours Il y a une force de la v rit qui a pour arme la lumi re et qui dissipe les brouillards du mensonge C est dans ce champ que s
573. sifs accentuation d un vers sur la premi re syllabe le second groupe syllabique comptant alors 5 syllabes accumulation d accents dans un vers hach d placement de la c sure coupant le vers en h mistiches in gaux Voici des exemples pris dans Les Fleurs du Mal puisque nous plongeons dans ces pages Mise en valeur d un mot accentu en d but de vers ou au d but du second h mistiche Valse m lancolique et langoureux vertige Harmonie du soir T an N Sur mon cr ne inclin plante son drapeau noir Spleen n 78 M WAN M 306 Textes po tiques Sym trie tr s intenlionnelle des groupes syllabiques 2 4 2 4 toi que j eusse aim e toi qui le savais une Passante T TT T Accumulation de mots et d accents avec rythme croissant Haine frissons horreur labeur dur et forc e Chant d automne T T TT T D placement de la c sure plac e apr s la quatri me syllabe Et les moins sots hardis amants de la d mence Le Voyage T T T R duction du vers trois mesures avec seulement trois accents Chacun piantan comme un aui son bec mp e Voyage Cyth re Ce dernier vers est pr cis ment un _lrim lre mis lhonneur par les po tes romemti ues qui comporte deux c sures avec accents toniques la quatri me et lo huiti me syllabes Nous rencontrerons d autres exemples ne faudra pas naturellement oublier dans l
574. sir de sup riorit du spectateur rire qui ch tie les inadapt s sociaux euphorie d un public qui exprime son pouvoir collectif en riant des malheurs ou des conduites non conformes de quelques uns Fernand Raynaud d clarait faut se diminuer pour faire rire il lui suffisait alors d incarner un personnage ridicule 196 Textes dramatiques pour attirer sur lui le rire m prisant du public inconsciemment sadique En g n ral l acteur qui fait l idiot pour amuser flatte plus ou moins sciemment ce sadisme social Quand on dit que le ridicule tue on confirme que le rire est une arme qui peut servir la haine Il en va de m me quand dans un groupe on essaie de metre les rieurs de son c t c est pour r cup rer le pouvoir du groupe son profit et au d triment de son adversaire On voit ainsi que le plaisir critique qui souvent d cuple le rire n est pas seulement l expression d un T V riche bien compr hensible de la part d un rieur qui se souvient vaguement avoir t frustr il peu tre l expression d un sadisme collectif qui renforce les pr jug s du groupe le pouvoir des castes ou les hi rarchies sotiales C est dans cette b rsp ctive mais en l inv rsanit qu il faut resituer Te plaisir F lirique propre aux com dies de m urs la litt rature pol mique aux sketches politiques etc Il s agit tr s souvent de Ia part d un auteur qui ironise ou qui fait rire
575. situation absurde plus vraie que le ygi Pr Tous ces piocsd s notons le en conclusion ob issent parfaitement la loi d crite par Henri Bergson selon laquelle nous rions chaque fois que nous percevons du m canique plaqu sur du vivant On peut renvoyer ici la lecture de son ouvrage le Rire qui fourmille d exemples de r p titions ruptures inversions quiproquos raideurs inadaptalions sym lries engrenages amplifications etc CONVAINCRE PERSUADER ENTRA NER Explication n 17 Explication n 18 Explication n 19 Explication n 20 Explication n 21 Explication n 22 Explication n 23 CLEFS Violence et v rit Les Provinciales Pascal De l esclavage des N gres De l esprit des lois Montesquieu Pri re Dieu Trait sur la tol rance Voltaire Une trange entreprise Les Confessions Rousseau Allocution t l vis e Campagne pr sidentielle 1974 Mitterrand Discours radiodiffus 30 mai 1968 De Gaulle Folle humanit Les Fleurs du Mal Baudelaire 25 Fonctions de l apostrophe 26 Une figure fondamentale l antith se 27 Le moi et le lyrisme 28 L ironie 29 Sch ma de la communica tion et fonctions du langage 30 L analyse du discours en pratique 31 Les performatifs 32 Oxymores et tautologies de l usage aux abus CONVAINCRE PERSUADER ENTRA NER Il existe un certain nombre de textes fort effi
576. sque leur intransigeance officielle Deux cons quences en r sultent s agissant des conditions dans lesquelles Pascal crit Il est v ritablement en position d opprim Il n a effectivement que le verbe la v rit pour se d fendre contre la violence les rem des injures et menaces dont usent ses adversaires Ce contexte authentifie le parall le qu tablit le texte entre la violence et la v rit S il s adresse formellement aux j suites Pascal soigne son discours dans le but de gagner sa cause les gens du monde trangers cette querelle Ainsi l nonciation les marques de l loquence la hauteur de vue du moraliste tendent moins convaincre les destinataires officiels qui y sont nomm s qu susciter l adh sion du public mondain qui assiste au d bat et ne peut qu tre difi par la vigueur de cette conclusion E M THODE CHOISIE EXAMEN SYNTH TIQUE OU EXPLICATION LIN AIRE Nous venons de souligner trois aspects du texte la pr sence du je li e l nonciation les marques de l loquence en particulier dans le tableau du combat entre violence et v rit et la grandeur de la conception pascalienne qui clate dans la derni re phrase Un bref regard sur le texte montre que ces trois aspects correspondent grosso modo aux trois phases successives du d veloppement mais aussi qu ils sont pr sents du d but jusqu la fin le je de l
577. ss Les h ros de ce r cit sont partis en plein hiver la recherche d un avion accident sur le sommet d une haute montagne Apr s avoir vaincu de nombreuses difficult s ils aper oivent l appareil D chiquet rompu il gisait sur le ventre dans la neige telle une b te bless e mort Le nez de l appareil s tait aplati contre un butoir rocheux L une des ailes arrach e avait d glisser le long de la pente L autre n tait plus qu un moignon absurde dress sans force vers le ciel La queue s tait d tach e du corps comme celle d un poisson pourri Deux larges trous b ants ouverts dans le fuselage livraient l air des entrailles de t les disloqu es de cuirs lac r s et de fers tordus Une housse de poudre blanche coiffait les parties sup rieures de l pave Par contraste les flancs nus et gris labour s souill s de tra n es d huile paraissaient encore plus sales La neige avait bu l essence des r servoirs crev s Des traces d h morragie entouraient la carcasse Le gel tirait la peau des flaques noires M me mort l avion n tait pas chez lui dans la montagne Tomb du ciel dans une contr e de solitude vierge il choquait la pens e comme une erreur de calcul des si cles Au lieu d avancer dans l espace il avait recul dans le temps Construit pour aller de Calcutta Londres il s tait loign du monde d aujourd hui pour aboutir un coin de plan te
578. ss s par le vent je vis plusieurs lunes qui passaient avec une grande rapidit Je pensai que la terre tait sortie de son orbite et qu elle errait dans le firmament comme un vaisseau d m t se rapprochant ou s loignant des toiles qui grandissaient ou diminuaient tour tour Pendant deux ou trois heures je contemplai ce d sordre et je finis par me diriger du c t des halles Les paysans apportaient leurs denr es et je me disais Quel sera leur tonnement en voyant que la nuit se prolonge Cependant les chiens aboyaient et l et les coqs chantaient G rard de NERVAL Aur lia 1855 G rard de Nerval 143 M TEXTE NARRATIF ROMANESQUE OU ENCORE Cette page se lit comme une page de roman elle narre ce qui arrive un h ros Cette narration est la premi re personne comme s il s agissait d un r cit autobiographique proc d que choisit souvent un romancier pour rendre cr dible l histoire d un personnage de fiction Pourtant on a le sentiment que ce texte ne se limite pas sa forme romanesque sans doute cause du caract re trange de ce qui s y produit On devra donc aller au del de ses aspects narratifs m me si c est par l qu il suscite d abord l int r t du lecteur Parall lement ces impressions premi res on est en droit de savoir que l uvre dont cette page est extraite Aur lia est la relation d un certain nombre d hallucinations prouv
579. st l aspect syst matique de la 62 Textes descriptifs d monstration peine la Tour Fendue est elle compar e m apparaissait comme une t te de mort que la comparaison devient assimilation les divers aspects de cette premi re ruine sont d crits quasi anatomiquement comme de v ritables l ments d un cr ne sans vie fosses nasales vo te de palais double arcade sourcili re orbite des yeux teints racine du nez cartilages m choire affreuse Implicites ou non les outils de comparaison servent une vaste m taphore fil e tait faisaient figuraient Cette humanisation de la tour demi croul e a deux effets en associant le destin de l difice au destin mortel de tout homme elle suscite la m lancolie du lecteur spectateur son vertige devant le symbole de sa condition Il a en quelque sorte piti de lui m me Je mai de ma vie rien vu de plus m lancolique souligne le narrateur pour appeler notre motion en d veloppant l vocation macabre de cette grande t te de mort l auteur cherche galement produire un certain effet de peur L effroi devant les vieilles demeures d truites est souvent li au pressentiment d entit s invisibles et mena antes la mort guette peut tre le voyageur imprudent qui s aventure en ces lieux Le second et le troisi me paragraphe vont confirmer ces impressions Le ch teau d truit comme un prince d chu
580. st souvent comme on l a vu dans la Clef n 8 qu un pi ge aulobiographique d jouer absolument Dans le cas plus fr quent d un r cit la troisi me personne la focalisation interne peut n tre adopt e que durant certaines pages ou certaines sc nes o l auteur narrateur se montre durablement c t du personnage pour nous entra ner dans son point de vue mais si cela est simplement ph m re on ne peut parler de focalisation interne on se trouve plut t dans le troisi me cas celui de la focalisation z ro La focalisation externe l inverse de la situation pr c dente le narrateur se place totalement l ext rieur du h ros Il ne le conna t et ne nous le fait conna tre qu travers ses apparences ses gestes ses actions objectivement per ues ses paroles effectivement entendues I s interdit de savoir ou d analyser ce qui se passe l int rieur du personnage il ne peut la rigueur que commenter avec prudence les traits de caract re par exemple que semble manifester sa conduite Les romanciers am ricains dit b havioristes ont mis l honneur ce type de narration qui se contente d enregisirer le suppos comportement manifeste des personnages Cette position de t moin objectif comme dans le cas de la focalisation interne peut n tre adopt e par l auteur narrateur que lors d un passage limit quoique durable 106 Textes romanesques cf le d but de L ducation se
581. ste ici en pla ant ce verbe essentiel au d but de la proposition de produire une s rie d antith ses frappantes en rapprochant les termes qui s opposent plus les mots qui se contredisent sont proches plus en effet leur dissonance clate D o ces inversions radicales Babylone l une des sept merveilles du monde devient un d sert solitude n ant les roses symbole de beaut et d amour se transforment en fumier leur parfait contraire au niveau de la substance comme de l odorat l or mati re noble qui hante les alchimistes se mue en cendre symbole de la mort et de la pauvret le tr ne symbole de l autorit royale finit en chafaud Louis XVI fut guillotin et l chafaud instrument de d capitation devient le v ritable tr ne il r gna sous la Terreur apr s la mort du roi Un mot de ce derniers vers qui forme un chiasme parfait par sa disposition crois e de termes qui s opposent A B amp BeA quoi s ajoutent un effet visuel tr s tudi les deux r alit s dont il s agit le tr ne et l chafaud tant naturellement lev es leur m tamorphose l une en l autre nous fait assister un double fondu encha n tr s cin matogra phique un effet sonore tr s marqu c est le m me son 6 au qui se r p te quatre fois facilitant la mutation des choses travers le glissement des mots Victor Hugo 279 La logique de cette m tamorphose
582. supplique de la cr ature s adressant son Cr ateur La demande L objet de la requ te adress e l tre supr me est alors largement d velopp dans un esprit d humilit l orateur fait montre de sa volont de fraternit de son loignement vis vis des apparences du monde et de son m pris des biens terrestres La p roraison Le mot p roraison litt ralement apr s l oraison d signe la conclusion de toute pri re Elle reprend l essentiel de la supplique mais en y ajoutant une derni re marque de foi l action de gr ces c est dire les remerciements adress s au Cr ateur dont la bont est infinie Le ton Du d but la fin du texte le ton est bien celui d une pri re comme le montrent la fois l emploi d un style religieux et les indices de ferveur Le style religieux Il est d abord pr sent dans le vocabulaire faibles cr atures calamit s fardeau d une vie vie p nible et passag re d crets ternels daigne regarder en piti oser te demander Ces termes du langage religieux traditionnel s inscrivent dans des phrases tr s oratoires telles qu on peut les entendre du haut d une chaire dans une glise ou un temple La fr quence des anaphores des redoublements de termes des antith ses ou parall lismes sont caract ristiques de ce qu on appelle les longues p riodes propres aux discours loquents
583. sur l attitude qu elle doit avoir l gard d un valet dont elle partage la condition Les deux r pliques suivantes amusent n cessairement le spectateur par leur double port e Silvia Moi Monsieur je dis qu il est le bienvenu et qu il promet Dorante Vous avez bien de la bont je fais du mieux qu il m est possible Silvia se sent oblig e d tre polie et m me complaisante mais elle ignore qui elle a faire en disant que Dorante promet Et quand Dorante nous dit qu il fait de son mieux nous nous amusons car c est difficile pour lui de faire le valet en oubliant totalement son origine peine cet change a t il mis les deux personnages en relation dans leur position de trompeurs tromp s chacun joue la com die en ignorant que l autre la lui joue que Mario pousse plus avant leur confrontation Il met sa s ur sur le gril en lui pr sentant Dorante comme d sirable il traite celui ci Marivaux 165 en objet en parlant de lui la troisi me personne ce gar on l Silvia ne peut que se vexer d tre jet e par son fr re dans les bras d un valet Orgon et les spectateurs sourient aux d pens de ces jeunes gens qui ont voulu changer de condition les y voil enferm s C est alors que se produit le premier change direct entre Silvia et Dorante rapproch s qu ils sont par le traitement moqueur des deux autres Ne vous f chez pas Madem
584. suspendent dans Pair ascension leur supr me cro te de terre comme un toit crev plafond Il faut noter que les impressions visuelles et cette vocation du mouve ment se renforcent mutuellement C est ainsi par le jeu des couleurs chan geantes l aube que la nature manifeste le rapide passage de la premi re heure du jour partir de laquelle toutes les cr atures v g tales entrent en action De m me c est gr ce au gros plan sur la pivoine on assiste une sorte de zoom sur ses hampes ses feuilles etc que nous mesurons mieux la puissance irr sistible de son lan Les indications temporelles contribuent galement l effet de mouvement une heure encore ce n est qu un moment premi re heure du jour La question qu elles posent d ailleurs est de savoir pr cis ment o et quand ce spectacle prin tanier est suppos observ cf Clef n 6 sur la notion de point de vue E PRINTEMPS PASS PRINTEMPS PR SENT Cette succession d pisodes descriptifs en ce beau printemps nous donne en effet l impression que le narrateur se d place dans la nature au cours de la matin e Or l observation pr cise va nous montrer qu en r alit s il y a d placement c est plut t l esprit du narrateur qui se d place dans l espace et dans le temps Examinons d abord les lieux d o le descripteur est il cens percevoir ce qui se passe Il peut se trouve
585. sychologique de la tirade que nous tudierons lin airement tout en nous r servant de faire les remarques qui s imposent sur les deux autres aspects Jean Paul Sartre 173 M LE MOUVEMENT DU TEXTE Donner le plan d un passage permet toujours d ordonner l explica tion Mais ici examen du mouvement du texte s impose d autant plus qu il refl te le caract re m me de l h ro ne elle analyse sa souffrance elle attise sa propre jalousie elle riposte Les huit premi res lignes nous d crivent ainsi In s d poss d e d elle m me par la simple pr sence de Garcin Puis partir de Et elle elle sa douleur est autre c est In s d poss d e d Estelle Elle tr pigne et semble se complaire dans le sentiment d tre pers cut e La progression de sa souffrance et de sa col re la conduit alors dans les trois derni res lignes lancer sa contre attaque et relancer du m me coup le d bat infernal entre les trois protagonistes E EXPLICATION DU PASSAGE In s d poss d e d elle m me sept premi res lignes L id e est vraiment ici ins parable de la force que lui conf rent les moyens d expression utilis s Garcin a propos de fermer les yeux et il cache sa figure dans ses mains croyant ainsi se faire oublier In s rebondit sur le mot Ah oublier Quel enfantillage Elle va donc d crire quels niveaux en dehors du regard la pr sence de Garcin empi te su
586. t ce n est pas seulement le fait pour l auteur d inscrire des l ments issus de sa culture dans ce qu il crit c est aussi le fait pour le lecteur d introduire ou projeter dans le texte m me qu il croit seulement d crypter des l ments inscrits en lui par ses autres lectures Chacun dans sa relation au texte investit en quelque sorte son capital textuel et sa capacit d analyse D o au moins deux cons quences 1 Personne ne lit jamais exactement le m me texte chacun projette et interpr te d couvrant donc et d codant sa mani re singuli re et unique les significations que l auteur a encod es dans son message Un contemporain de Pascal ou de Racine ne pouvait pas percevoir les Pens es ou Ph dre comme nous recevons nous m mes ces textes et r ciproquement Lors m me que nous relisons un m me texte ce n est d j plus la m me lecture que nous en faisons Non pas seulement parce qu a chang notre exp rience des choses auxquelles renvoient les mots Mais parce que au fil du temps avec l volution conjointe de notre culture et de la langue qui la traduit notre mode de lecture s est d j modifi L auteur lui m me qui se relit quelques ann es apr s et parfois plus t t ne per oit plus son texte exactement comme il avait eu conscience de l crire il y rep re des intuitions dont il n avait pas conscience en De l intertextualit 41 crivant il
587. t voil d o vient la nostalgie de la rue Nouvelle pause descriptive Elle garde la fonction psychologique et narrative soulign e ci dessus expliquer l impuissance de l enfant les passants sont inaccessibles Cette alternance produit le rythme narratif 7 Au milieu du bruit l enfant croit entendre le lugubre appel de sa bonne Antoine La voix lui arrive d chiquet e comme par d invisibles ronces Elle semble venir de derri re lui Il rebrousse chemin mais ne r pond pas L appel de la bonne est un fait narratif Le lecteur est repris par l action cet appel qui aide le h ros font pendant les forces hostiles le bruit de la rue l incertitude de la perception L enfant semble partag il n agit qu demi 8 Et toujours le bruit confus de la rue ce bruit qui cherche en vain son unit parmi des milliers d aspirations diff rentes Antoine trouve humiliant d avoir perdu sa bonne et ne veut pas que les passants s en aper oivent Description de la rue tats d me de l enfant nouvelle pause explicative et descriptive Cependant le h ros semble progresser dans la ma trise de la situation 9 Il saura bien la retrouver tout seul Il marche maintenant du c t de la rue de Provence gardant dans sa paume le souvenir de la pression d une main ch re et rugueuse dont les asp rit s semblaient faites pour mieux tenir les doigts l gers d un enfant Le h ros marche
588. t comment notre imaginaire est il visuellement touch Si par exemple Nerval nous parle du soleil noir de la M lancolie avant de reconna tre telle ou telle figure de style cherchons l image que l expression fait jaillir dans notre esprit Fermons les yeux pour mieux voir voici un soleil n gatif dardant des rayons noirs l opposition avec notre perception habituelle de lastre blouissant nous plonge dans un autre monde nous p n trons alors dans la vision d un po te domin par la puissance mortif re de la M lancolie Nous pourrons ensuite identifier le r le de l oxymore et la force de la m taphore mais nommer ces figures de style n aurait pas suffi si nous n en avions pas ressenti d abord les effets singuliers Savoir couter Les textes agissent doublement sur notre oreille par les sons et les bruits du monde auxquels ils renvoient par les sonorit s et les rythmes dont ils se constituent eux m mes Dans l un et l autre cas il faut tre conscient des l ments auditifs qui nous impressionnent Consid rons par exemple la c l bre strophe si m lodique de Verlaine Les sanglots longs Des violons De l automne Blessent mon c ur D une langueur Monotone Chanson d automne Po mes saturniens On ne peut bien ressentir cette phrase que si Pon se rem more le son caract ristique du violon il faut se souvenir en soi de sa vibration prolong e qui justifie que les sanglots
589. t la r alit vivante de l avion nous touche surtout parce qu il vient de mourir L appareil n est anim que pour tre montr inanim La personnification ne sert pas lui donner une me ou une volont mais seulement un corps et un corps mort La plupart des termes que nous avons relev s appartiennent d ailleurs au r seau lexical de la blessure et de la mort On note m me une progression l animal d crit comme bless mort au d but du texte avec l emploi de termes voquant la violence de la catastrophe ce qui rappelle la vie appara t de plus en plus p trifi gel au fil de l vocation La neige qui recouvre les parties sup rieures de l pave assimil e une housse de poudre blanche semble ainsi faire office de linceul naturel C est comme pour avoir l air pleinement mort que l avion a t compar un tre vivant On peut ajouter cela que si videmment Troyat veut mouvoir le lecteur il veut aussi montrer l appareil du point de vue des protagonistes du roman qui les premiers sont suppos s d couvrir dans la stup faction l tat Henri Troyat 53 de cette carcasse Ce qui arrive l avion leur annonce ce qui a d arriver ses occupants s il est donc personnifi c est aussi en ce qu il symbolise le sort des humains qu il transportait La fin du texte qui nous montre l appareil en parfaite opposition la montagne environnante nous sugg r
590. t de cette focalisation est bien s r de favoriser notre identification au personnage dont nous partageons qu on le veuille ou non l angoisse visc rale cf Clef n 14 sur l identification romanesque L action proprement dite obstacles et progression Nous retrouvons dans cette page les traits classiques du sch ma narratif cf Clef n 11 Le h ros Il a sa mission son acte faire au service des dieux de la r volution qui l y destinent La situation initiale Elle est ici d j donn e comme un tat d quilibre rompu puisque l acte est commenc noter que les questions du d but du r cit au conditionnel qui a la valeur d un futur dans le pass ne nous intriguent pas seulement sur lavenir proche Tchen va t il r ussir mais aussi sur ce qui pr c de son acte qui l envoie qui est la victime pourquoi doit il frapper Une fois embray e cette action potentielle est frein e par une s rie d obstacles la mousseline blanche et le pied d un homme qui se trouve sans d fense les coups de klaxons impr vus mais ce faux obstacle qui fait trembler le lecteur se r v le plut t une aide inesp r e pour Tchen qui r ve de tuer un homme capable de combattre la naus e que Tchen d couvre en lui m me le silence et la nuit qui semblent interdire cet assassinat Entre chaque obstacle nous avons une pause o prend place la description des choses ou l vocation des sentiments du h ros O
591. t de faire nous indique d j que sous la plume de Baudelaire le terme prend une tout autre r sonance L objet du commentaire sera pr cis ment de montrer cette dimension nouvelle du Spleen Celui ci est en effet d autant plus tragique que l Esp rance a t plus forte Il appara t comme une composante essentielle du mal de vivre du po te non pas une m lancolie passag re mais cette angoisse atroce et despotique qui marque l enfer de la condition terrestre par opposition aux aspirations c lestes de l Id al M LE MOUVEMENT DU TEXTE COMME SIGNIFICATION PREMIERE Ce po me raconte une d faite accept e Deux phrases seulement le composent La premi re s tend sur quatre strophes Baudelaire y peint l ampleur de la crise qui branle son tre la seconde voque son abdication devant le mal Le mouvement du texte qui mime le progr s du mal est donc clair Les trois premi res strophes martel es par une vigoureuse anaphore Quand Et que Quand Quand Et que sur un ton ascendant d crivent l oppression croissante du spleen La quatri me strophe o s nonce la proposition principale apr s la s rie des subordonn es d crit la crise brutale laquelle aboutit cette oppression sans qu on sache s il s agit d un sursaut volontaire contre le mal ou d une sorte de d lire soudain convulsif avant l abattement La derni re strophe enregistre l chec l
592. t de la chair d homme la nuit partout cras e d angoisse Le contraste entre le clair et l obscur le r alisme sensoriel les d tails sont centr s d une part sur le lit avec le pied et d autre part la fin du texte sur les mains et les armes du tueur contribuent aussi mettre en relief l acte potentiel de Tchen et sa difficult le r aliser Autant d indications spatio temporelles qui ont pour double effet de nous informer et de nous intriguer La focalisation interne Le narrateur n appara t pas en tant que tel La focalisation interne a t choisie pour que l on se situe c t du personnage ou en lui on voit tout par Tchen Ainsi les deux premi res questions que pose le texte nous introduisent directement dans le probl me technique que doit r soudre Tchen c est lui qui s interroge et le narrateur s interroge avec lui faisant comme s il n en savait pas plus Les sensations prouv es l angoisse qui remue les entrailles de Tchen le rasoir qui s imprime dans ses doigts sont enregistr es de l int rieur Il en est de m me pour la m ditation continue de Tchen qu elle soit rapport e en style indirect il se r p tait que ou direct Assassiner n est pas tuer M me l analyse des sentiments de 118 Textes romanesques Tchen est donn e comme le fruit de son introspection il connaissait sa propre fermet Tchen d couvrait en lui L effe
593. t en maintenant dans l ind terminalion ce que sera son volution future Le m lange du typique et de l atypique enfin joue un r le essentiel pour conf rer au personnage toute son originalit D une part le lecteur a besoin de Irouver dans un h ros des traits classiques qui lui permettent de le reconna tre comme possible cr dible D autre part l auteur doit viter de donner l impression que son personnage est st r otyp d o la n cessit de lui inventer des particularit s originales parfois de fa on tr s explicite chose curieuse ce personnage etc La synth se entre le typique et l atypique produit la singularit du personnage Le portrait du Colonel Chabert que nous citons ci dessus est un mod le du genre atypique La fin du monde Le personnage narrateur marchant du c t de Clichy n a pu r ussir s parer deux personnes qui se disputaient Ressentant cela comme une d faillance coupable il erre en proie au d sespoir tout en revenant vers le centre de Paris D sesp r je me dirigeai en pleurant vers Notre Dame de Lorette o j allai me jeter au pied de l autel de la Vierge demandant pardon pour mes fautes Quelque chose en moi me disait La Vierge est morte et tes pri res sont inutiles Pallai me mettre genoux aux derni res places du ch ur et je fis glisser de mon doigt une bague d argent dont le chaton portait grav s ces trois mots arabes Allah Mohamed
594. t en sens interdit Siluation cauchemardesque laquelle le spectateur s identifie d autant plus facilement qu il a l exp rience de la conduite en ville Notre automobiliste demande donc un policier ce qu il doit faire et celui ci lui r pond Tourner avec les autres C est alors que le rire du public jaillit franchement Tout en percevant l absurdit et le caract re stressant de cette course d lirante chacun se rend _compte qu elle ne le concerne pas r ellement Le processus qui d clenche le rire est alors le suivant 194 Textes dramatiques dans un premier temps le spectateur s identifie au personnage el partage momentan ment son angoisse ou sa co re ce qui mobilise en son for int rieur une certaine nergie psychique dans un second temps prenant conscience que cetle situation impossible n est qu une fiction pour lui le spectateur se distancie soudain du personnage et son nergie d angoisse un instant mobilis e par le fait de s identifier se lib re en un grand rire de soulagement C est l euphorie apr s l accablement Et cette soudaine euphorie cette sensation d apesanteur nous appara t vraiment comme une caract ristique majeure du plaisir comique Mais revenons notre sketch On sait qu il se poursuit et s amplifie alors selon une logique parfaitement absurde il est interdit de s vader du rond point tout le monde doit tourner la police fait sa ronde en sen
595. t et en direct l pisode dont tout va d couler un enfant la sortie d un magasin est brutalement s par de sa bonne et tente vainement de la rejoindre travers la foule Par qui Comment Dans 98 Textes romanesques quelles circonstances Pourquoi L tude du d roulement de ce r cit premier aspect essentiel du texte nous l apprendra partiellement Bien qu il n y ait pas de narration sans narrateur apr s avoir lu cette page il nous semble ne nous souvenir que de l enfant et de tout ce qu il per oit Cette impression nous dicte le second centre d int r t l examen m thodique du regard que porte l enfant sur le monde hostile o cette aventure lui arrive Ces deux axes de lecture pourraient para tre suffisants dans une explica tion orale en temps limit Une troisi me recherche s impose pourtant en ce qui concerne le ma tre d uvre de cette sc ne l auteur narrateur qui en fait le reportage Comment se situe t il par rapport ce qu il raconte Et par rapport son personnage Et par rapport au lecteur dont il guide la participation son histoire Ces questions n tant pas inutiles nous proposons une tude en trois points trois balayages successifs de cet extrait 1 L tude du texte comme r cit 2 Le regard de l enfant sur le monde 3 La vision de l auteur sur le monde M LE TEXTE COMME R CIT D s le d but les donn es n cessaires la mise en place d
596. t heureux On s attend une conclusion de type happy end Or regagnant en voiture leur lieu de r sidence les personnages sont amen s traverser un village r cemment d truit par l arm e ennemie Et voici ce qu ils d couvrent Ils aper urent assis parmi les d combres un homme en haillons un vieillard Il les regarda stupidement avec des yeux de fou c t un enfant leur tendit les bras de pauvres petits bras qui n avaient plus de mains Le r cit s ach ve sur ces mots On ne s attendait pas une conclusion aussi grave de la part de l auteur des aventures d Ars ne Lupin En quoi va pouvoir consister l explication de ces simples phrases Cette fin est saisissante cruelle et semble se passer de commentaire Pourtant faire tat de notre motion devant la souffrance inflig e aux victimes ne suffit pas nous risquons d oublier le texte en ne commentant que notre compassion ou notre r volte Nous pouvons sans doute souligner qu il y a l une intention bien pr cise de l auteur il est int ressant de voir un romancier habile embarquer son lecteur dans des aventures imaginaires Qu est ce qu expliquer un texte 17 plonger tout coup dans la r alit et d noncer l horreur de la guerre Mais cette remarque reste ext rieure au texte c est l efficacit de la d non ciation qu il faut expliquer Nous pouvons encore invoquer la cruaut du contenu et dire que not
597. t les moyens d expression nous devions tenir Comment expliquer un texte 27 compte des effets que nous avions per us en nous m mes Ainsi se dessine une m thode en trois temps v ritable triangle d or de l explication de texte Je ressens Je recense Je relie Il faut ressentir pr ciser et analyser en soi la gamme des impressions que produit le texte Il faut recenser observer dans le texte la gamme des moyens d expression qu il rec le Il faut relier ce que l on a ressenti ce que l on a recens et r ciproquement dans un va et vient ma tris E JE RESSENS des impressions globales aux sensations particuli res Nos r actions aux textes sont souvent vagues Aussi faut il apprendre ressentir Ressentir bien s r c est d abord recevoir le sens global d une page C est comprendre entrer en compr hension profonde exactement comme l on essaie de comprendre quelqu un et non pas simplement saisir des id es abstraites C est entrer en r sonance avec le corps du texte En effet la signification pr cise des mots se m lent toujours des vocations secondes des connotations des repr sentations int rieures qui ne nous touchent pas au seul niveau c r bral On peut palpiter rire transpirer d effroi pleurer tre r confort ou d sesp r l vocation de certaines pages Nos souvenirs notre culture notre motivit tout participe la le
598. t pas des hommes Pourquoi aurions nous honte dans ces conditions de maltraiter des tres dont la pigmentation atteste qu ils n appartiennent pas au genre humain Au d but du XVIII si cle argument d autorit la r f rence aux auteurs ou soci t s antiques suffisait en effet autoriser certaines pratiques Le premier sophisme que Montesquieu ridiculise ici est celui de l analogie parfaitement gratuite que le locuteur raciste tablit entre la couleur du cheveu et celle de la peau Dans la foul e du il est si naturel de penser que le on peut juger de appara t tout aussi arbitraire Second sophisme si les gyptiens ont pu tre de grands philosophes et astro nomes ce n est justement pas dans leurs meurtres des hommes roux C est contre leur science et leur philosophie qu ils ont conserv cette barbare coutume et non cause d elle Pour faire ressortir cette absurdit l auteur amplifie la contra diction entre l loge de leur philosophie et les cons quences brutales de leur pr jug ancestral la couleur des cheveux chez les gyptiens les meilleurs philosophes du monde tait d une si grande cons quence gradation du ton attente d une conclusion difiante qu ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains chute brutale du ton coutume barbare Dernier argument raciste Une preuve que les n gres n
599. t pas simplement regard e elle r pond au regard par un regard Cet change est sugg r avec une remar quable conomie de moyens C est au lecteur de deviner le sens de la m taphore et du contraste clair nuit L intonation est ici capitale elle est ascendante pour un clair descendante pour puis la nuit Les points de suspension sugg rent le temps le suspens de l change le point d exclamation exprime la douleur de sa fin C est termin la passante est pass e On retrouve des termes proches dans le po me cit plus haut Je br le de peindre celle qui m est apparue si rarement et qui a fui si vite Son regard illumine comme l clair c est une explosion dans les t n bres Le d sir de peindre 5 Les r actions secondes PREMIER TERCET Le tiret que place Baudelaire au milieu du vers 9 est commenter Ce n est pas seulement l indication d une pause c est l indice d un d calage dans le temps Le r cit au pass est achev Nous nous trouvons plus tard l instant d apr s le soir m me Ou plus tard encore l heure o le po te se rem more l aventure s adresse son souvenir crit au pr sent et d die ce po me cette passante qu il tutoie maintenant de fa on quasi hallucinatoire Alors commence la grande interrogation lyrique que son destin lance la destin e de cette femme Charles Baudelaire 313 Fugitive beaut Dont le rega
600. t simplement descriptif aboutit dans le dernier paragraphe une v ritable transfiguration du r el frisant le fantastique Dans le m me genre plus de dix ans apr s ce r cit Zola fera para tre son roman La B te humaine 1890 dont le titre r v lateur d signe une locomotive Le ch teau de Heidelberg Victor Hugo visite Heidelberg durant l automne 1840 Le chemin qui m ne Heidelberg passe devant les ruines Au moment o j y arrivais la lune voil e par des nuages diffus et entour e d un immense halo jetait une clart lugubre sur ce magnifique amas d croulements Au del du foss trente pas de moi au milieu d une vaste broussaille la Tour Fendue dont je voyais l int rieur m apparaissait comme une norme t te de mort Je distinguais les fosses nasales la vo te du palais la double arcade sourcili re le creux profond et terrible des yeux teints Le gros pilier central avec son chapiteau tait la racine du nez Des cloisons d chir es faisaient les cartilages En bas sur la pente du ravin les saillies du pan de mur tomb figuraient affreusement la m choire Je n ai de ma vie rien vu de plus m lancolique que cette grande t te de mort pos e sur ce grand n ant qui s appelle le Ch teau des Palatins La ruine toujours ouverte est d serte cette heure L id e m a pris d y entrer Les deux g ants de pierre qui gardent la Tour Carr e mont laiss passer J ai f
601. tacles de la nature La qualification m me du spectacle peut tre consid r e comme relative ment objective Il est ordinaire qu un grand ch teau croul produise une impression de grandeur On comprend donc la fr quence des termes voquant l ampleur des choses immense halo magnifique amas d croulements vaste broussaille creux profond gros pilier grande t te grand n ant g ants de pierre majest inexprimable enchev trement de br ches et de crevasses corridors inaccessibles Mais si tous ces traits consid r s isol ment apparaissent comme banale ment r alistes leur rassemblement ne l est pas Une volont artistique est l uvre C est volontairement que Victor Hugo choisit de nous montrer cette ruine clair e de cette fa on vue cette heure S il a effectivement visit le ch teau par une nuit de lune voil e ce ne pouvait tre qu intentionnel Le choix d une clart lugubre s imposait sans doute pour mettre en valeur ces ruines et leur conf rer une majest et une tristesse ins parables Ainsi ce que le narrateur conclut du spectacle rien n est grand que ce qui est tomb tait d j pr visible dans le choix de son sujet et l heure de sa mise en sc ne Un bref rappel de nos connaissances litt raires dans le sillage de la notion d intertextualit cf p 37 nous le
602. taing alors ministre des Finances Jacques Chaban Delmas ex compagnon du g n ral de Gaulle et Fran ois Mitterrand principal repr sentant de l opposition Les deux premiers issus de la majo rit en place se pr tendent h ritiers du gaullisme ce que r cuse Fran ois Mitterrand Celui ci est soutenu par les forces de gauche qui ont sign un programme commun de gouvernement et au nom desquelles il entend redonner voix au peuple E SITUATION DE COMMUNICATION L allocution que nous avons choisie est la premi re que prononce le candidat Mitterrand la t l vision le soir du 30 avril 1974 Elle a donc n cessairement un caract re tr s g n ral l orateur doit se pr senter se situer dire pourquoi il est l D autre part c est un texte dit oralement devant un public qui n est pas l Le candidat parle devant une cam ra de t l vision sans bien savoir o il doit tendre son regard tout en s adressant haute voix un t l spectateur absent exercice fort p rilleux Il n y est pas 250 Textes argumentatifs simplement question d argumenter mais avant tout de cr er un lien avec un auditoire fantomatique E MOUVEMENT DU TEXTE ET CENTRES D INT R T Au fil de son allocution F Mitterrand r pond aux diverses n cessit s d une pr sentation de candidature situation proprement politique fin du gaullisme situation du pays probl mes et enjeux r le du
603. te en valet Monsieur Orgon Silvia en servante Mario DORANTE Je cherche monsieur Orgon n est ce pas lui que j ai l honneur de faire la r v rence MONSIEUR ORGON Oui mon ami c est lui m me DORANTE Monsieur vous avez sans doute re u de nos nouvelles j appartiens monsieur Dorante qui me suit et qui m envoie toujours devant vous assurer de ses respects en attendant qu il vous en assure lui m me MONSIEUR ORGON Tu fais ta commission de fort bonne gr ce Lisette que dis tu de ce gar on l SILVIA Moi Monsieur je dis qu il est le bienvenu et qu il promet DORANTE Vous avez bien de la bont je fais du mieux qu il m est possible MARIO Il n est pas mal tourn l au moins ton c ur n a qu bien se tenir Lisette SILVIA Mon c ur c est bien des affaires2 DORANTE Ne vous f chez point Mademoiselle ce que dit Monsieur ne men fait point accroire SILVIA Cette modestie l me pla t continuez de m me MARIO Fort bien Mais il me semble que ce nom de Mademoiselle qu il te donne est bien s rieux Entre gens comme vous le style des compliments ne doit pas tre si grave vous seriez toujours sur le qui vive allons traitez vous plus commod ment Tu as nom Lisette et toi mon gar on comment t appelles tu DORANTE Bourguignon Monsieur pour vous servir 1 T n est pas mal tourn il est bien fait il a bonne allure 2 C est bie
604. teau de Heidelberg Le Rhin Hugo Explication n 3 Printemps pass La Maison de Claudine Colette Explication n 4 Retour au pays Le Bachelier Vall s Explication n 5 Le pont du Gard vu par Rousseau et par Stendhal CLEFS 1 Le r alisme 2 La personnification 3 L anthropomorphisme 4 Le je et l nonciation 5 Le r le des sensations 6 La question du point de vue 7 L identification sens g n ral 8 La distinction Homme Auteur Narrateur 9 Le contraste 10 Esth tique de l effet Esth tique de la retenue D CRIRE crire c est d abord d crire L crivain en herbe frapp par la beaut d un paysage l intensit d un moment l horreur d une situation prouve soudain le d sir de retenir tout cela de le fixer sur le papier avec des mots Il peut op rer imm diatement cette saisie par exemple en crivant des amis ou des correspondants Mais c est souvent apr s coup pour s en ressouvenir ou pour en t moigner qu il reproduit par la plume le spectacle qui l a mu Ainsi qu il soit inspir par le chant sublime d un oiseau ou par le tragique d un accident l crivain est d abord un homme qui d crit la fois pour revivre par la pens e et pour transmettre des lecteurs ce qui lui semble ne devoir jamais tre oubli Ces quelques remarques nous sugg rent les divers traits qui vont n cessairement constituer lacte de d crir
605. temps 1 Les l ments de l vocation le ravissement du couple 2 Un jeu de regards le bonheur en question M LES L MENTS DU RAVISSEMENT Le cadre Cette soir e intime b n ficie premi re vue d un cadre l auberge o les deux amants semblent seuls au monde le bord de Seine Dans les environs de Fontainebleau loin de l agitation de Paris ils se sentent comme en voyage en Italie Apr s avoir d n ils se prom nent sur les berges du fleuve o s offre leur contemplation la s r nit du cr puscule Ce sont l les aspects conventionnels d une idylle certes mais simples Le sentiment d aimer doit en principe suffire remplir ce cadre d un bonheur parfait L harmonie entre les choses et les tres Comme nous l avons not il ne se passe rien Les trois seules actions nonc es au pass simple Ils d n rent On leur servit Ils all rent n introduisent en fait que des descriptions le portrait de Rosanette la composition du repas l vocation du paysage au cr puscule Cette absence d action en elle m me pourrait produire une impression de monotonie Mais le choix du lieu la dominante contemplative du texte Fr d ric contemple Rosanette le couple contemple ensuite la nature transforme cette absence d action en effet d harmonie alors qu un acte vient toujours rompre un quilibre Contempler c est toujours plus ou moins se fondre da
606. ternel implique une question ternelle celle que pose l tre humain sur sa destin e dans cet univers Cet univers ces espaces qui nous entourent de toutes parts Pour concr tiser ce vaste environnement l auteur peut glisser au bon endroit un adjectif d monstratif qui donne la phrase sa facture d finitive que voici Le silence ternel de ces espaces infinis m effraie L auteur peut se r jouir Cette phrase crite la premi re personne place le lecteur dans la position id ale pour qu il prouve un r el vertige il lui semble voir ces espaces infinis se multiplier sous son regard silencieuse ment Cette impression d extension est d ailleurs soulign e par les allit rations sept fois la consonne S ou Z faites les liaisons en lisant Le silence ternel de ces espaces infinis m effraie Qu est ce qu expliquer un texte 13 On peut observer que cette formule ne fait pas qu exprimer une id e elle la pr cise elle la rend sensible l esprit du lecteur elle la met en sc ne La r duire son sens initial l aurait d natur e en ignorant tout le travail d criture de l auteur pour mettre en valeur sa pens e Cet auteur a un nom il s appelle Blaise Pascal Qu il ait r dig cette phrase en s y reprenant plusieurs reprises comme nous avons feint de le faire ou en un seul jet cela n a pas d importance il a bien utilis tous les proc d s que nous avons num r s
607. tes diff rences entre les v tements qui couvrent nos d biles corps entre tous nos langages insuffisants entre tous nos usages ridicules entre toutes nos lois imparfaites entre toutes nos opinions insens es entre toutes nos conditions si disproportionn es nos yeux et si gales devant toi que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appel s hommes ne soient pas des signaux de haine et de pers cution que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te c l brer supportent ceux qui se contentent de la lumi re de ton soleil que ceux qui couvrent leur robe d une toile blanche pour dire qu il faut taimer ne d testent pas ceux qui disent la m me chose sous un manteau de laine noire qu il soit gal de t adorer dans un jargon form d une ancienne langue ou dans un jargon plus nouveau que ceux dont l habit est teint en rouge ou en violet qui dominent sur une petite parcelle d un petit tas de la boue de ce monde et qui poss dent quelques fragments arrondis d une certain m tal jouissent sans orgueil de ce qu ils appellent grandeur et richesse et que les autres les voient sans envie car tu sais qu il n y a dans ces vanit s ni de quoi envier ni de quoi s enorgueillir Puissent tous les hommes se souvenir qu ils sont fr res qu ils aient en horreur la tyrannie exerc e sur les mes comme ils ont en ex cration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l industri
608. teurs en position de distance critique ontrez que vous montrez recommande ainsi Brecht ses acteurs tandis qu il d clare directement au public e Apprenez voir au lieu de regarder voir lucidement et non regarder b atement S il est vrai que Flaubert est loin d avoir une telle volont politique de conscienlisation des spectateurs il n en a pas moins le d sir de dessiller les yeux du public de obliger prendre ses distances l gard des id es re ues ou des sentiments convenus au lieu de consommer passivement les poncifs de la lit rature bourgeoise Portrait de Vautrin Balzac vient de pr senter plusieurs personnages de la pension Vauquer parmi lesquels une jeune fille triste Victorine Taillefer et un jeune homme ambitieux Eug ne de Rastignac Entre ces deux personnages et les autres Vautrin l homme de quarante ans favoris peints servait de transition Il tait un de ces gens dont le peuple dit Voil un fameux gaillard Il avait les paules larges le buste bien d velopp les muscles apparents des mains paisses carr es et fortement marqu es aux phalanges par des bouquets de poils touffus et d un roux ardent Sa figure ray e par des rides pr matur es offrait des signes de duret que d mentaient ses mani res souples et liantes Sa voix de basse taille en harmonie avec sa grosse gaiet ne d plaisait point Il tait obligeant et rieur Si
609. th se de lecture sur tous les aspects objectifs du texte comme on le pr cisera dans le chapitre suivant choix des mots r seau lexical figures de style syntaxe rythme et sonorit s etc Le texte est roi C est toujours lui qu il faut se soumettre en dernier ressort m me si pour faire parler l uvre on peut partir d un certain nombre de lieux qui lui sont ext rieurs la connaissance de l poque le savoir psychanalytique l intertextualit etc Tout ce travail quoi a nous m ne finalement Vous me demandez en somme quoi sert l explication de texte Je dirai en vrac mieux comprendre mieux sentir mieux juger mieux crire mieux vivre MIEUX COMPRENDRE Le sens global bien s r Mais surtout les nuances de sens On croit parfois qu tudier les moyens d expression c est couper les cheveux en quatre pas du tout Les significations sont indissociables des processus de signification Comprendre un texte ce n est pas le r duire au th me g n ral qu il illustre c est entrer dans la vision particuli re d un auteur c est d celer les coh rences profondes de son univers personnel MIEUX SENTIR L attention aux phrases leur agencement aux vers etc conduit mieux percevoir ce qu ils voquent mieux couter leur m lodie mieux r ver avec un crivain devenir po te ou visionnaire avec lui L habitude de fr
610. thme nous rappelle le virtuose de la po sie qu est l auteur Dans le troisi me paragraphe par exemple on peut noter une certaine fr quence du rythme ternaire qui est souvent li des effets d amplitude d ach vement ou de perfection du tableau voqu ce qui rejoint d ailleurs l expression de l absolu que nous venons de signaler aux citations pr c dentes on peut ajouter celle ci avait une tristesse une douceur et une majest inexprimables C est parfois la phrase enti re qui se d roule en trois temps comme suit et dans les profondeurs noires sous des vo tes et des corridors inaccessibles je voyais des blancheurs se mouvoir lentement noter que cette derni re ligne qui se d tache est un v ritable alexandrin Le probl me est bien s r de relier ce type de remarques aux divers centres d int r t du passage qu on tudie faute de quoi il vaut mieux les oublier l inverse l avantage d une explication qui suit l ordre du texte est de montrer la convergence des effets produits mais son inconv nient est le risque de se perdre dans des d tails oubliant l essentiel Rien n est parfait Quoi qu il en soit lorsqu on se trouve l oral l tude m thodique est n cessairement s lective puisque limit e dans le temps Il faut alors claire ment annoncer ce qu on va dire l analyse des principaux centres d int r t du texte et s il le faut pr ciser aussi ce qu on ch
611. tion de l Humanit apostro phant m chamment Dieu puis l animalisation des hommes identifi s un grand troupeau parqu par le destin visualisent l aspect m prisable du genre humain Ce langage m taphorique bien entendu ne prouve rien comparaison n est pas raison simplement il impressionne le public par sa spectaculaire vigueur il lui fait voir les choses travers la vision de l auteur Outre ces images Baudelaire a recours aux parall lismes aux antith ses et aux chiasmes renfor ant son tableau par des effets de sym trie et de contraste Plus un discours est structur plus il para t la fois vrai et convaincant difficile contester La femme contre l homme vers 89 92 le bourreau contre le martyr vers 93 le despote contre le peuple vers 95 96 la saintet prise de volupt le g nie humain en proie la folie autant d effets antith tiques destin s saisir le lecteur Les chiasmes fr quents chez 270 Textes argumentatifs Baudelaire donnent aussi l expression ce caract re architectural quasi parfait qui rend l id e implacable comme dans les vers suivants tous dispos s grammaticalement selon le sch ma A B B A Le spectacle ennuyeux de l immortel p ch vers 88 Sans rire s adorant et s aimant sans d go t vers 90 La f te qu assaisonne et parfume le sang vers 94 Au niveau oratoire Ces alexandrins dont les accents sont fortement
612. tion devant l acharnement du froid et du vent sensation command e par l attaque du paragraphe Il n en pouvait plus Observons le texte Notre impression premi re vient d une part de ce d but du paragraphe qui nous associe ce qu prouve le h ros mais surtout des proc d s d insistance r partis au fil du texte l expression de l absolu et de la totalit par exemple Toute cette glace qui ne cessait jamais les pousser tous sans arr t toujours du m me c t ternellement Approfondissons Que nous nous tournions vers notre film int rieur ou vers le texte objectif nous allons observer qu cette impression de permanence dans le temps se joint une impression d omnipr sence dans l espace C est d ailleurs un double effet que l on retrouve souvent dans les textes descriptifs l une des clefs de l explication consiste tudier en parall le tout ce qui est de l ordre du temps et tout ce qui est de l ordre de Pespace cf la phrase de Pascal comment e dans notre premier chapitre Comment expliquer un texte 35 Ici l omnipr sence du vent est soulign e par de nombreuses r p titions et de ce vent et de ce vent et de ce vent sur lui sur eux sur tous les hommes les pousser tous eux et leurs baraques et leurs antennes et leurs camions pour qu ils s en aillent qu ils d barrassent le continent qu il les
613. tions originales de chacun en r duisant les hommes eux m mes de m diocres atomes parfaitement gaux face au Dieu immuable il d consid re radicalement toutes les luttes qui se croient justes toutes les rivalit s qui conduisent les hommes ne pas tol rer les diverses m urs ou coutumes de leurs Voltaire 231 semblables Puisqu il sont tous nuls aucun n est sup rieur aux autres Le pros lytisme n a plus de sens et l intol rance non plus On observera que la justification de la tol rance pourrait se fonder plus positivement sur la confiance en l homme et en tout homme Il s agirait de dire tous les hommes ont une part de v rit c est chacun d accepter autrui et de s enrichir de sa diff rence en pratiquant le dialogue Mais la strat gie argumentative de Voltaire plus n gative correspond sans doute mieux son temp rament pol mique Il est plus l aise dans le r quisitoire contre le fanatisme que dans le plaidoyer en faveur de la tol rance Au del de sa pri re formelle Voltaire tel qu en lui m me s adresse surtout aux hommes et il le fait avec toute l efficacit de son caract re incisif E UN DISCOURS AUX HOMMES L auteur a beau dire Ce n est plus aux hommes que je m adresse il ne pense qu eux S il priait seul dans sa chambre s exprimerait il comme il le fait Deux aspects du texte montrent que c est exclusivement sur ses semblables que Voltaire v
614. tites mis res de mani re obsessionnelle La contradiction entre la fonction officielle du ma tre de musique et la confession col reuse du mari est la clef d une sorte de pulsation du sketch qui entra ne le public Le musicien veut reprendre son s rieux le mari col rique revient son obsession et ainsi de suite Le comique de r p tition li la progression de l invraisemblance ponctue les phases du sketch Les Pai horreur qu on se serve de mes affaires ou Y a pas de doutes il s en sert soulignent la fin de chaque phase le caract re obsessionnel du personnage Par ces r p titions le sketch est entra n dans une sorte de m canique qui fait cro tre l euphorie du spectateur Le personnage cesse d tre un homme qui souffre pour para tre un automate qui se r p te Nous avons l un bel effet de ce que Bergson appelle du m canique plaqu sur du vivant source immanquable de rire selon cet auteur Notons d ailleurs que la s rie d objets emprunt s par le copain pantoufles pyjama radio cigarettes laisse entendre que la femme n est elle m me aux yeux de son mari que l une de ses affaires personnelles Ce caract re m canique accentue le comique de la derni re r plique Raymond Devos 191 Le comique du caract re que nous avons pressenti tient dans la contradiction essentielle du personnage voil un malheureux qui ayant des doutes cherche des certit
615. tre mon impression et les expressions me permet un contr le imm diat des effets du texte le je relie est toujours pr sent mon esprit De plus je puis ainsi entrer dans le texte progressivement affinant aussi bien mes r actions successives que mes rep rages Enfin cette m thode m aide laborer peu peu des hypoth ses de lecture que je v rifie aussit t processus qui est la base m me de cette forme d explication de texte qu on appelle lecture m thodique ou analytique Cela donne l alternance suivante Je ressens je note par crit mes impres sions premi res Je recense je recherche des indices textuels je les regroupe je constate fr quemment En qu il y a dans le texte bien plus d effets que je ne croyais Je ressens j essaie de respirer plus profon d ment le texte jentre dans sa com plexit dans la multiplicit de ses effets le texte devient alors plus ori ginal mes yeux Je recense les impressions pr c dentes relancent ma recherche d o viennent ces effets quoi tient dans l expression la sp cificit de cette page etc 34 Principes et m thodes Et ainsi de suite Lorsqu on s entra ne l explication qu il s agisse de paragraphes ou de simples phrases ce processus devient vite automatique Bien s r apr s ce travail de recherche il faudra ordonner les r sultats classer les effets du texte par centres d int r t faire un plan de comment
616. tu ne sais elle ne sait pas et ne sait m me pas qu elle ne sait pas cela ne lui importe pas Ces nuances renforcent la solitude douloureuse dans laquelle contrairement la passante le po te se retrouve et se montre Les destins se croisent mais ils ne s quivalent pas le sien est plus lourd lourd de tout cet amour inemploy qui lui reste sur le c ur toi que j eusse aim e toi qui le savais Ce dernier vers si bien pr par fait triompher la douleur douleur du bonheur manqu de la communion jamais perdue et cependant il conserve quelque chose de secr tement consolateur cette certitude proclam e qu on n attendait pas qui veut que quelque chose se soit tout de m me pass entre elle et lui Notons d abord que par la puissance du vocatif la pr sence de la personne aim e emplit toute cette fin le pronom personnel d abord employ comme compl ment te vers 11 puis r p t comme sujet tu vers 13 est maintenant doublement invoqu de telle sorte que comme on a vu l intensit d existence de la passante dans le po me est proportionnelle son loignement dans la r alit Charles Baudelaire 315 L emploi du conditionnel pass la deuxi me forme toi que j eusse aim e conf re par ailleurs l expression de lamour toute la force de l irr el et du m me coup lui garde un caract re de merveilleux que ne viendront jamais entacher les
617. tures il y avait encore des embarras de voitures l bas dans le monde des hommes Il se retrouva en face de la tache molle de la mousseline et du rectangle de lumi re immobiles dans cette nuit o le temps n existait plus Il se r p tait que cet homme devait mourir B tement car il savait qu il le tuerait Pris ou non ex cut ou non peu importait Rien n existait que ce pied cet homme qu il devait frapper sans qu il se d fend t car s il se d fendait il appellerait Les paupi res battantes Tchen d couvrait en lui jusqu la naus e non le combattant qu il attendait mais un sacrificateur Et pas seulement aux dieux qu il avait choisis sous son sacrifice la r volution grouillait un monde de profondeurs aupr s de quoi cette nuit cras e d angoisse n tait que clart Assassiner n est pas seulement tuer Dans ses poches ses mains h sitantes tenaient la droite un rasoir ferm la gauche un court poignard Il les enfon ait le plus possible comme si la nuit n e t pas suffi cacher ses gestes Le rasoir tait plus s r mais Tchen sentait qu il ne pourrait jamais s en servir le poignard lui r pugnait moins Il l cha le rasoir dont le dos p n trait dans ses doigts crisp s le poignard tait nu dans sa poche sans gaine Il le fit passer dans sa main droite la gauche retombant sur la laine de son chandail et y restant coll e Il leva l g rement le bras droit stup
618. tyle il se r v le efficace Bref montrer sa sp cificit de texte litt raire ou non e L un ne va pas sans l autre Les deux approches vont de pair car les moindres nuances de style correspondent des nuances de la pens e Les choix esth tiques de l auteur sont li s sa volont de signification Ainsi l tude attentive du fonction nement d une page permet seule de comprendre et ressentir son sens profond toujours multiple Et inversement seule la saisie compl te de ses significations permet de rendre compte de sa r ussite artistique crire un texte c est bien plus que s exprimer c est l art de signifier de faire sentir faire agir faire r ver Expliquer un texte c est beaucoup plus que le traduire c est montrer comment il signifie comment il fait sentir agir r ver E UN EXEMPLE POUR BIEN COMPRENDRE Pla ons nous dans la perspective d un crivain qui d sire par exemple exprimer l effroi de l homme devant l espace Il peut simplement crire L espace est effrayant 12 Principes et m thodes Voil en effet ce qu il veut dire Mais en se relisant il ne sera pas satisfait Sa courte phrase n est vraiment pas assez expressive Pour rendre l id e plus sensible il peut par exemple introduire un pronom personnel int grant les hommes son point de vue et mettre le verbe au pr sent L espace nous effraie Nous sommes impliqu s mais c est
619. u il veut produire Les deux victimes mises en sc ne ne sont pas inanim es L auteur a choisi d en faire des acteurs L un regarde l autre tend les bras Notre piti est appel e par leur demande d aide leur supplication silencieuse Ceci n appara trait pas par exemple si on lisait seulement Ils travers rent un village d truit o il n y avait qu un vieillard hagard et un enfant aux mains coup es Cette demande d aide est d autant plus mouvante qu elle est d risoire Le romancier focalise notre attention sur l impuissance des malheureux le vieillard regarde mais stupidement trop ab ti pour savoir ce qu il d sire quant Penfant il n a plus de mains pour saisir ce qui rend cruel de le montrer tendant les bras Le d roulement de cette derni re s quence est lui m me tudi pour faire cro tre par degr s la compassion du lecteur un enfant leur tendit les bras image traditionnelle appel cod l attendrissement 18 Principes et m thodes de pauvres petits bras focalisation sur le d nuement de l enfant par l nonciation en exprimant sa piti pauvres le romancier attire la n tre qui n avaient plus de mains gros plan sur les mains absentes terrible effet de surprise car au bout des bras normalement il y a des mains Le regard du lecteur a donc t intentionnellement guid vers la d couverte de cette mutil
620. u lieu que la v rit subsiste ternellement et triomphe enfin de ses ennemis parce qu elle est ternelle et puissante comme Dieu m me Blaise PASCAL Les Provinciales XII 1656 1657 E CONTEXTE ET SITUATION DE COMMUNICATION Les Provinciales se pr sentent au lecteur comme des lettres crites par un honn te homme de Paris un ami provincial pour le mettre au courant de la querelle qui oppose les jans nistes et les j suites en 1656 57 Sans qu il soit n cessaire d exposer le fond de cette controverse pour en appr cier la vigueur il faut tout de m me rappeler 1 Que ces lettres sont fictives l auteur y adopte la convention du genre pistolaire mais c est bien entendu pour informer le public lettr de l poque ses lettres provinciales sont plut t des parisiennes 2 Que Pascal ayant r ussi ridiculiser les positions des j suites se voit violemment accus par ceux ci de se moquer des choses saintes 3 Que l auteur a d prendre un pseudonyme pour rester dans l anonymat en raison des tentatives de censure et des poursuites polici res que les j suites tr s influents ont r ussi d clencher contre la publication des Provinciales 204 Textes argumentatifs 4 Qu enfin partir de la onzi me lettre Pascal s adresse directement et personnellement aux P res j suites dans l espoir peut tre de toucher en eux la part de christianisme sinc re que ma
621. ublic le per oit d autant mieux qu ce moment Orgon enfonce le clou et souligne tout haut ce qui est en train de se passer Courage mes enfants si vous commencez vous aimer vous voil d barrass s des c r monies Ambigu t de ce si vous commencez Orgon s amuse et nous amuse aux d pens de ceux qu il nomme mes enfants Ceux ci sont doublement coinc s au niveau de leur amour Orgon feint d exag rer mais les deux domestiques peuvent ils protester devant leur ma tre et au niveau de leurs fausses conditions Aucun ne peut dire Pouce je ne joue plus ce serait avouer leur simulation et compromettre leur sentiment naissant Les voil prisonniers du pi ge qu est ce jeu de lamour et du hasard je suis en train de m prendre d une personne de condition inf rieure sans pouvoir r v ler que je suis une personne de qualit d guis e en domestique Or les sachant emport s dans cette m canique Mario va encore surench rir Troisi me tape L histoire se corse En feignant tout coup d aimer la soi disant Lisette Mario surprend en effet tout le monde son p re Orgon sa s ur Silvia et le public lui m me Sur Dorante l impression est double d une part Mario montre qu on peut suivre son exemple un ma tre peut tre amoureux d une servante mais d autre part en se posant comme rival Mario peut aviver l envie de rivaliser
622. ubstantif suspect de l affubler d un qualificatif vocation prophylactique Ainsi sont n es la guerre propre avec ses frappes chirurgicales la pacification arm e les placements humanilaires ou encore les investissements lhiques actuellement la mode qui semblent purifier la substantielle mat rialit des profits r colt s en leur accolant un adjectif vertueux Cette vogue de l oxymore ne doit pas nous cacher cet autre proc d suspect la tautologie qui est souvent la figure favorite des pouvoirs auloritaires comme on vient de le voir dans l allocution du g n ral de Gaulle Sous couvert d noncer une vidence la tautologie ne r p te le mot que pour imposer comme une essence la chose laquelle il renvoie l auditeur ne peut que s incliner sans comprendre il n y a pas discuter Ce proc d demeure largement r pandu dans les discours dominants publicitaires par exemple C est ainsi que l on trouve ces slogans parmi d autres qui ne renseignent gu re sur la nature concr te des produits 205 GTI plus GTI que jamais Caf Grand m re Noir c est Noir Chez les politiciens les tautologies demeurent une valeur s re dont voici quelques perles Giscard proposant le changement Le changement pourquoi Parce que le monde change parce que le temps change parce que vous changez et que la politique fran aise doit s adapter ce changement Charles
623. udelaire passant du sujet le po te au sujet ses ailes dans L Albatros 348 Bouquet final Exil sur le sol au milieu des hu es Ses ailes de g ant l emp chent de marcher 15 Pour un blanc il vote rouge pour un rouge il vote blanc Chiasme Antith ses M tonymies La double opposition de couleurs constitue deux petites antith ses La disposition crois e de la phrase forme un chiasme A B B A Mais on ne saurait comprendre la phrase sans la connaissance des significations associ es ces couleurs le blanc d signe un verre de vin blanc le rouge un verre de vin rouge Deux m tonymies Mais le blanc renvoie aussi au parti royaliste tr s droite drapeau blanc des rois de France de m me que le rouge symbolise la r volution l extr me gauche ou le communisme L lecteur qui est port sur la boisson se laisse acheter par le d magogue le plus offrant 16 Avec son visage v rol ce n tait pas un sp cimen de beaut Litote Ce visage est affreux Le locuteur pr f re nier qu il soit beau Att nuation apparente renforcement r el par la n gation du contraire cf phrase 6 17 Je hais la s cheresse visqueuse de ton c ur Oxymore Alliance de termes oppos s qui on le remarquera sont par ailleurs m taphoriques le c ur est une expression d j figur e pour d signer la sensibilit 18 la vue du Peau rouge le Visage p le prouv
624. udes mais qui s empresse involontairement d inventer des semi v rit s qui lui masquent la cruelle r alit Peut on avoir jusqu la fin du sketch une volont aussi manifeste de savoir la v rit et un besoin aussi obsessionnel de se la cacher L auto aveuglement qui peut rappeler celui d Orgon dans Tartuffe est un trait de caract re qui produit des comportements rigides m caniques caricaturaux d o le comique na t classiquement C est dans ce cas que le ridicule tue en suscitant le rire triomphant dont nous avons parl pr c demment Ces diff rents l ments comiques que nous s parons pour les besoins de l analyse fonctionnent videmment ensemble ils se multiplient l un par l autre Ce qui fait exception cependant dans ce sketch ce sont les passages musicaux entre chaque phase verbale du texte l le public reprend son s rieux son attente et il pourrait y avoir un risque de gravit soudaine La musique est en effet m lancolique elle convient la tristesse int rieure du personnage elle pourrait d samorcer les rires en rendant les gens trop sensibles la douleur du musicien Cela joue sans doute pour quelques spectateurs mais pour l ensemble du public l coute du sketch enregistr le montre il n en est rien et l on a m me l impression que les interm des mouvants servent recharger la capacit de rire de la foule Deux raisons expliquent sans doute ce p
625. ue chose de l ordre du d foulement collectif plus ou moins hyst rique et plus ou moins ab tissant dans le plaisir du rire quand bien m me note intelect et notre culture du comique ont t au d part absolument n cessaires au E PS ste sam D pe d clenchement de l hilarit T S qui Contifme celte conclusion c est le remords d avoir ri qu o on prouve parfois lorsqu on vient de rire largement du malh ur o du ridicule d autrui en s tant laiss entra ner par le groupe Musset ne disait il pas la suite d une repr sentation du Misanthrope et de la m le gaiet que r pandent les ST set grandes sc nes de Moli re que logg on vient d en rire on devrai en pleurer gt TS Clef n 23 Les niveaux de comique Les composantes du plaisir de rire que nous venons de dissocier se m lent le plus souvent dans les spectacles qui nous amusent Lorsqu il s agit de th tre on distingue classiquement cinq niveaux de comique des plus grossiers aux plus subtils Cette diff renciation des formes du comique permettra simultan ment de hi rarchiser les significations plus ou moins profondes que les auteurs dramatiques donnent leurs pi ces 1 Le comique de gestes Du coup de pied au derri re la chute malencontreuse des mimiques faciales aux gesticulations c est l une forme de comique l mentaire qu aucun grand auteur n a m pris e Moli re Beaumarchais Charlie Chaplin etc
626. ues d un nonc On emploiera ainsi le terme signifiant pour d signer globalement le s moyen s d expression et le terme signifi pour d signer la chose exprim e On voit d s lors que l esth tique de l effet correspond une sorte d exc s du signifiant par rapport au signifi l auteur choisit des tournures emphatiques des traits oraloires des hyperboles et tous ces 94 Textes descriptifs termes qu on appelle les grands mots l inverse l esth tique de la retenue consiste pratiquer une conomie du signifiant par rapport au signifi l crivain pr f re les tournures simples les euph mismes la litote choisissant toujours le moins pour signifier le plus cf Clef n 40 Prenons l exemple d une personne gravement malade qui l on demande comment elle se porte Dans le premier cas elle va recourir l hyperbole Je suis deux doigts de la mort dans le second elle usera de la litote vrai dire ce n est pas la grande forme Cette distinclion signifiant signifi permet ainsi en particulier de classer les figures de style entre figures d insistance et figures d att nuation ll est noter d ailleurs qu on a souvent oppos le romantisme et le classicisme en fonction de ces crit res Le classicisme tend tout entier vers la litote d clare ainsi Andr Gide En r alit toute forme de litt rature est travers e par ces deux tendances contraires et compl me
627. ugg r es par le rythme apais des deux h mistiches avec l allit ration en ch faucheuse champ fauchant et les accents toniques qui r gulent le rythme des vers Je vis cette faucheuse Elle tait dans son champ T T Elle allait grands pas moissonnant et fauchant T T Ces accents toniques font galement ressortir l assonance en an dont le retour r gulier sera rompu au vers 3 Le second vers se caract rise encore par deux traits la forme progressive elle allait moissonnant et fauchant cette tour nure aller participe pr sent qui insiste sur l action en train de se faire donne l impression que la Mort ne cesse jamais d agir l effet de rapidit grands pas la h te de la faucheuse qui nous rappelle la marche all gre de l h ro ne de La Fontaine Perrette au Pot au lait L g re et court v tue elle allait grands pas L union de la forme progressive et la vivacit de la tournure produit ainsi un effet global de continuit et de vitesse la Mort n arr te jamais elle abat un travail consid rable elle joint l amplitude l efficacit Noir squelette laissant passer le cr puscule Hugo a choisi l heure cr pusculaire Il en r sulte un contraste saisissant vus en contre jour ce jour n tant plus que cr puscule les os du squelette n apparaissent pas blancs mais noirs Le noir squelette se d tache sur le sombre cr puscule en ne laissant
628. ui crire Sinc res condol ances Disant cela vous exprimez tr s exactement votre sentiment puisque les trois mots condol ances sympathie et compassion signifient tous d apr s leur tymologie souffrance avec communion dans la douleur Cependant en lisant simplement les mots sinc res condol ances dans votre lettre votre ami croira que vous tes insensible sa peine car l expression est us e Alors vous allez prendre votre plus belle plume et pendant une heure ou deux vous allez crire raturer travailler vos phrases mettre au point une lettre originale adroite ou non mais qui touchera votre ami Eh bien ce faisant vous vous livrez un travail d crivain qui est en m me temps un effort de sinc rit Ainsi l crivain authentique est quelqu un qui ne se satisfait pas des expressions passe partout banales st r otyp es Il d sire mettre en forme claire la n buleuse int rieure qu il porte en lui m me pour la transmettre le plus fid lement possible au lecteur s il ne faisait pas cet effort il aurait le sentiment de se trahir lui m me en ne traduisant pas exactement ce qu il prouve Nous autres en allant la rencontre de son uvre c est son originalit d homme et d artiste indistinctement que nous recherchons et tentons de mettre en valeur Bien expliquer un texte c est ne pas manquer cette rencontre 22 Principes et m thodes Vous pen
629. ui se passe L atmosph re nostalgique est donn e avant le r cit rappelle toi rappelle toi quand m me n oublie pas le cri et la plainte sont prof r s avant l vocation de l v nement qui les justifie Oh Barbara Quelle connerie la guerre En termes de communication la fonction expressive domine et enveloppe la fonction r f rentielle cf Clef 29 L l ment narratif tant subordonn au caract re lyrique du po me c est ce dernier qui p n tre absolument le lecteur d autant plus qu il re oit tout travers la subjectivit du je po tique et de sa poignante invocation 338 Textes po tiques E L INVOCATION PO TIQUE LE MODE DU SOUVENIR Invoquer litt ralement c est appeler en soi m me Dans ce texte l vocation de Barbara sa figuration par l criture commence par une invocation de sa personne dans le for int rieur du po te Mais que dit il r ellement lorsqu il d clare Rappelle toi D o appelle t il Qui appelle t il au juste Que peut signifier le fait de demander une personne absente de se rappeler une poque dont c est lui le narrateur acteur qui se souvient Sommes nous en plein d lire Quel est l objet de cette apostrophe 1 L effet du tutoiement Le tutoiement et la pression de l imp ratif pr sent ont pour premier effet de faire exister Barbara de la rendre pr sente l en face du po te et donc tout p
630. ul son tre et bris ce moule c est dire l a fait na tre il est donc un parfait produit de la Nature Ainsi se pr cise ce que nous avons d j devin et que confirme le reste de ses ouvrages si notre homme est si diff rent des autres exemplaires de l esp ce humaine c est que ceux ci sont d natur s par la civilisation le conditionnement social etc Cependant pour la premi re fois Rousseau se soumet au jugement moral de son lecteur Si je ne vaux pas mieux Les Confessions ne seront donc pas une simple autobiographie le titre implique l aveu d une certaine culpabilit et il faudra la fin juger l homme travers le livre crit par l auteur cf plus loin je viendrai ce livre la main Bien entendu puisqu il est question de la nature de la v rit d un homme dans toute sa nature nous savons d j que Jean Jacques ne d sire tre jug que pour tre absous L crivain Rousseau avocat de Jean Jacques aura pour t che de montrer en quoi l tre profond de cet homme est fonci rement bon c est dire rest fid le la Nature La sinc rit de l auteur pourra seule restituer la transparence de l homme Le livre sera bien la reconstitution du moi de la nature de Jean Jacques par l crivain Rousseau E LE GRAND TRIBUNAL troisi me paragraphe Tout coup le jugement auquel aspire Jean Jacques Rousseau est mis en sc ne Et pas n import
631. un savoir les h tels et les prisons ambigu t de ce doublet A t il connu la prison de l ext rieur ou de l int rieur Les prisons qu est ce dire Quelle stature et quelles nigmes en quelques mots e Vautrin pr te et sait se faire rembourser L ambivalence de ce comportement se confirme Si le personnage offre ses services un certain regard profond sait rappeler leurs obligations ses oblig s Le contraste entre son visage dur et ses mani res souples se double d un nouveau contraste entre sa bonhomie et la crainte qu il inspire Et quelle crainte si l on en juge par son expression hyperbolique ses oblig s seraient morts plut t que de ne pas le lui rendre D s qu il est question d argent Vautrin devient implacable Le jet de salive Cracher n est pas seulement un geste physique C est une conduite sociale et souvent l expression d une attitude de m pris de d go t Elle d note dit le narrateur un sang froid imperturbable Vautrin doit cracher souvent ponctuant de la sorte son comportement quotidien Il est vrai qu l poque le crachat tait sans doute plus naturel et mieux accept qu aujourd hui Mais ici cet indice de m pris des choses et des hommes annonce bien davantage la capacit d aller jusqu au crime pour se tirer d une position difficile En l chant ce mot Balzac n affirme pas que le crime a d j t commis
632. une c l bration de la vie du merveilleux de la nature E LE MERVEILLEUX ET SA C L BRATION La nature est un r gne v g tal Partout elle travaille partout elle s lance irr sistiblement Le dieu de la vie pousse toute chose s lever comme de soi m me C est ce merveilleux naturel que manifestent un certain nombre d effets du texte Les s cateurs Ils semblent agir seuls La main de l homme est oubli e Il y aura une jonch e de surgeons le tour est impersonnel on ne voit personne les rassembler C est la nature qui agit l homme n est qu un outil invisible son service En pr tant un bec chaque s cateur l auteur les assimile des oiseaux Pas d id e de mutilation la nature travaille pour la nature les deux oiseaux s cateurs se r pondent et ce chant altern souligne l harmonie de l ouvrage Le sacrifice des baguettes d abricotier Lui aussi se fait tout seul Pas de destruction mais un sacrifice car cela va servir la vie Les baguettes sont elles br l es par un jardinier interpr tation r aliste ou le mot n a t il qu un sens m taphorique la fleur ayant la forme d une petite flamme le fait de se fl trir est assimil une auto combustion Cela n importe pas l auteur laisse sans doute l interpr te h siter mais ce qui compte c est que le sacrifice est ici un rite positif l image des jeunes vierges immol es aux dieux On ne coup
633. une intensit effective un magn tisme une totalit enveloppante qui investit l esprit du lecteur dont l imagination est stimul e Il faut bien entendu ajouter cela que l importance de cette femme est due aussi l ampleur des r percussions que sa pr sence entra ne au c ur du h ros masculin En minimisant les causes apparentes qui l meuvent les contacts retenus de cette femme et en amplifiant le bouleversement qui en r sulte le po te va conf rer une toute puissance magique la pr sence de l Aim e M LA M TAMORPHOSE DU PO TE Autant l h ro ne est voqu e de fa on impersonnelle autant le moi du h ros est au centre du po me Le texte est fondamentalement gocentr Le po te semble assister de l int rieur de lui m me aux cons quences que la venue de cette femme a sur son existence Il est boulevers mais passif C est elle qui est active si retenue que paraisse son action Le parall le est loquent Une main la mienne Deux bras ma vie Moi qui Le geste me fr le Un souffle mon paule Un front moi Deux yeux m a sembl Un tendre jardin mon c ur Cette pr dominance du je a un effet essentiel sur le lecteur il est lui m me centr au c ur du h ros il voit par ses yeux il per oit travers ses propres sensations la pr sence de cette femme et ses r percussions D o ce paradoxe ce n est pas parce que le moi du h ros prend toute la pl
634. uppos masquent leur pr sence personnelle dans leurs nonc s est capitale On l a vu dans le texte de Stendhal c est encore laisser une trace que de ne pas vouloir laisser de trace Ainsi il faut savoir que la retenue d un auteur ne signifie pas son absence et que celte absence apparente loin d tre signe d insensibilit n est souvent que le refus d un path tique grossier Un bon exemple est celui du livre d Annie Ernaux la Place dont le style est intentionnellement d pouill ce qui a surpris certains candidats C est peut tre l occasion de rappeler ici le sens global que l on conf re parfois la distinction Signifiant Signifi en ce qui concerne les mots ou les nonc s Au sens strict en effet tout signe tout mot est compos d un signifiant et d un signifi Le signifiant est la manifestation concr te du signe c est dire l ensemble des caract res visuels el sonores qui le constituent par exemple les sonorit s des deux syllabes du mot arbre ou le dessin que forme la suite de ses cinq lettres Le signifi lui correspond au sens du mot c est dire l ensemble de ses significations d finies par le dictionnaire Dans l emploi d un signe le signifiant et le signifi sont toujours si automatiquement et troitement li s que nous ne songeons pas les s parer l un de l autre Au sens large ces deux notions peuvent tre utilement et prudemment disjointes pour juger des effets stylistiq
635. ur dieux sacrifice la r volution Et Tchen n est pas seulement sacrifi cateur en ce qu il immole la victime endormie Il sacrifie la r volution cet homme certes mais il y sacrifie aussi sa dignit de combattant qui se r sout ce l che assassinat nocturne Sans parler du sacrifice de sa vie accept d s le d part de sa mission ex cut ou non De ce point de vue au niveau symbolique on peut lire dans cette page une confrontation entre les dieux de la nature qui interdisent le meurtre et les dieux de la r volution qui l autorisent en tant que sacrifice Le h ros se trouve ainsi le jouet de forces contraires qui elles m mes sont l origine de sa contradiction interne culpabilit devant la Loi qui emp che Tchen de transgresser l interdit volont r volutionnaire qui len rend capable mais comme sacrifice E CONCLUSION L efficacit et l originalit de cette page sont d abord dans la fusion des l ments qui la constituent progression en ralenti vers l acte alternance des notations descriptives narratives et psychologiques synth se du r alisme et du symbolisme Comme premi re page de roman elle r ussit mettre en sc ne un h ros cr dible vivant auquel bon gr mal gr le lecteur s identifie m me s il r prouve l acte de Tchen c est pour lui qu il tremble On notera que l vocation d un personnage en action est beaucoup plus efficace
636. ur d une focalisation donn e en distinguant bien les deux notions Un moyen simple de rep rer ces variations une fois que l on s est clairement pos la question d o l auteur d ou le narrateur d critil ce qu il montre sera d imaginer ce que donnerait la transposition cin matographique des prises de vues ou des s quences qui se succ dent Pour prendre un dernier exemple celui du texte de Marcel Pagnol cit page 65 Clef n 4 on y voit sans peine la cam ra partir du soleil redescendre le long du chemin fixer en gros plan le pied des murs les orni res durcies puis s lever vers la cr te des murs vers les figuiers et s arr ter enfin sur les oliviers arr t sur image Retour au pays Apr s quelques ann es d absence Jacques Vingtras personnage central et narrateur du roman revient au Puy pays de son enfance Saint tienne nous avons pris le train qui longe la Loire J ai toujours aim les rivi res De mes souvenirs de jadis j ai gard par dessus tout le souvenir de la Loire bleue Je regardais l dedans se briser le soleil l cume qui bouillonnait autour des semblants d cueil avait des blancheurs de dentelle qui frissonne au vent Elle avait t mon luxe cette rivi re et j avais p ch des coquillages dans le sable fin de ses rives avec l motion d un chercheur d or Elle roule mon c ur dans son flot clair Tout coup les bords se d brident comme u
637. ur l autre Silvia Ce gar on l n est pas sot et je ne plains pas la soubrette qui laura as Dorante Cette fille m tonne Il n y a point de femme au monde qui sa physionomie ne fit honneur E CONCLUSION La r ussite de cette sc ne est clatante et il y en a bien d autres de cette qualit dans l uvre Le public ne s ennuie jamais entra n par Mario il se divertit aux d pens des personnages que sont oblig s de jouer Silvia et Dorante en m me temps qu il sympathise avec ce qu ils sont en r alit D autre part l intrigue est parfaitement nou e l engrenage fonctionne tous les l ments nous sont donn s et prendront tout leur sens en particulier le faux amour de Mario dont se servira Silvia lacte III pour rendre Dorante jaloux et malheureux Ce th tre est un grand jeu Marivaux 169 Clef n 19 L identification au th tre L identificalion romanesque on l a vu lie le lecteur au h ros principal d un pisode gr ce notamment au proc d de la focalisalion interne Au th tre les spectateurs se projettent aussi sur les personnages qui les int ressent Mais deux caract res propres au th tre interviennent dans ce processus d une part les personnages que nous avons devant les yeux se trouvent en position d galit sur le m me plan face nous nous ne les connaissons qu partir de leurs manifestations sur sc ne paroles el gestes
638. ur le front de sa ni ce il est saisi par la moue tragique des masques grecs il comprend trop ce que signifient ces yeux trop ouverts trop p les de la jeune fille il a m me guett le mot de l adieu Dans tout ceci il est notre guide il est le relais de notre motion nous sommes oblig s de voir la sc ne en tant impr gn s de la douloureuse compr hension de son retentissement int rieur Le r le du narrateur est ici de prendre le lecteur au pi ge de sa propre compassion l motion devient contagieuse et la sc ne est effectivement rendue mouvante par cet artificel 1 Ce proc d ici nous conduit prouver de louables sentiments Mais il pourrait tout aussi bien servir nous enr ler dans de mauvaises passions haineuses ou racistes par exemple comme on le voit dans certaines relations de faits divers qui usent des m mes artifices 110 Textes romanesques E LA SC NE PROPREMENT DITE Sa visualit Ce qui domine le d roulement de cette sc ne c est son caract re visuel on voit on voit des yeux on voit des yeux qui se regardent En dehors m me du contenu de ces visions les termes renvoyant explicitement au champ lexical de la vue sont nombreux je vis le vit ses pupilles celles de la jeune fille leurs yeux son regard il regardait il la regardait les yeux attach s aux yeux les yeux brill rent Corr lativement les
639. ure proche de celui qui la contemple de rendre les objets ou les animaux semblables aux tres humains de faire sentir le cas ch ant la pr sence d esprits familiers dont a besoin l affectivit humaine Le po te peut se sentir compris par une nature dont les tats d me refl tent les siens Le lecteur prouve de la sympathie pour des l ments ext rieurs qui semblent vivre de la m me vie que lui alors qu il s agit de r alit s avant tout mat rielles qui ob issent uniquement aux lois de la physique chimie Henri Troyat 57 Mais il p ut ressentir aussi parfois de l effroi car Car la personnification ne sert pas seulement cr er celte communion entre l tre humain et les choses de la nature En personnifiant un l ment une id e ou une machine on lui conf re une autonomie une sorte de conscience m me s il s agit d un simple psychisme animal et donc des intentions qui peuvent tre hostiles D s lors les crivains usent de la personnification pour mieux faire ressortir la lutte entre l homme et les l ments l homme et la machine l homme et les r alit s biologiques du monde l homme et les entit s invisibles qui hantent ses fantasmes On en a vu un exemple dans le texte de Barjavel cit au chapitre 3 On en rencontrera d autres Signalons ce propos qu il ne faut pas confondre la personnification avec la personnalisation Chacun peut personnaliser sa voiture en y ajoutant des gadgets mais ce n est pas
640. urs multiplier les exemples Au del du d sir d pater ou de transporter un public qui d sire tre bloui ces morceaux choisis el soign s peuvent avoir pour fonction de camper un personnage haut en couleurs le Matamore de Corneille de fustiger les Edmond Rostand 183 m urs d une classe sociale d exalter les motions essentielles de l me humaine de mettre en sc ne les grandes interrogations de notre condition Ses registres La vari t de la th matique et des tonalit s du morceau de bravoure se traduit par le recours tous les registres de l expression litt raire Peut tre eskil bon de rappeler ici ce que recouvre la notion de registre interm diaire entre le genre litt raire et le style propre tel ou tel nonc La satire par exemple est un genre relativement pr cis versifi de la po sie classique mais le registre satirique est cultiv dans toutes sortes de textes pol miques ou moralistes et donc dans des tirades th trales dont l objectif est de dresser un tableau f roce du si cle et de ses corruptions De m me alors qu on n crit plus d pop es depuis longtemps le registre pique n en est pas moins pr sent dans certaines pages de roman on pr sentera Germinal comme une pop e de la condition ouvri re ou de brillants comptes rendus sportifs on le retrouve naturellement dans le th tre classique lorsque nous sont racont s des v nements h ro
641. uspect l nonc Il est si naturel de penser que On s interroge et la suite risque de renforcer notre doute c est la couleur qui fait l essence de l humanit vraiment Mais l exemple horrible cens illustrer cette v rit g n rale la castration rend soudain l argument norme Parce que l on te aux 220 pens e naturelle les Noirs ne pas de l essence de l humanit Nous voici autoris s jouissent maltraiter ces sous hommes les peuples d Asie faisant autorit sur la question Textes argumentatifs int ress s leurs testicules principale ressemblance qu ils ont avec nous cela nous enl verait tout scrupule dans le droit de les traiter de fa on inhuma ne Le lecteur ne peut plus prendre ces propos au premier degr Quatri me argument racial raciste On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux qui chez les gyptiens les meilleurs philosophes du monde tait d une si grande cons quence qu ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains Nouvel argument d autorit Apr s l exemple des peuples d Asie voici celui des gyptiens les meilleurs philosophes du monde Eux aussi jugeaient de l essence de l humanit par l apparence et la couleur celle des cheveux Or ces philosophes liminaient les hommes roux dont la teinte de la chevelure prouvait bien qu ils n taien
642. ute voquer l intensit du th me et bien saisir le sens de la page mais ce n est qu un point de d part Le but c est de montrer en quoi l auteur est original dans le traitement du sujet La sp cificit du texte r side rarement dans ses significations seules elle est dans l articulation entre le fond et la forme La mauvaise explication est celle qui dit Une fois de plus nous voyons d velopper le th me de l amour qui a toujours mu les po tes La bonne c est celle qui montre comment sur ce th me classique de lamour l auteur est parvenu tre original nous mouvoir donc en proc dant d une mani re qui le distingue de ce qu ont fait les autres On vient de le voir avec la pens e de Pascal ce n est pas l angoisse de l homme devant l univers qui explique l efficacit de sa phrase c est l inverse l efficacit de sa phrase qui suscite l angoisse de l homme ou la r veille chez le lecteur qui l aurait oubli e Ce n est pas r duire le texte aux intentions de l auteur Et encore moins sa biographie Sans doute l auteur a t il en g n ral des intentions pr cises qui peuvent clairer a priori le texte mais c est d abord celui ci qu il faut tudier Pourquoi D une part parce que le texte va souvent au del de ce qu il semble vouloir dire L tude des pr faces des d clarations de l auteur de ses entretiens lorsqu on compare avec l
643. utour de lui pour se mettre au milieu d eux Il se lie eux il les relie entre eux notre peuple chacun de vous les plus jeunes les plus anciens etc j appelle tous ceux nous rejoindre Ainsi tous nous et moi ne font plus qu un Rapproch s par l orateur rendus pr sents les uns aux autres les auditeurs sont alors une communaut ils forment une d mocratie Et cela les r chauffe si l on ose dire en m me temps qu ils se sentent valoris s On s occupe d eux Le peuple chaque citoyen a son histoire Il a grandi il est majeur Il a souffert il a du c ur l image du candidat si proche Il est travailleur il lutte pour la vie Il est appel prendre en charge son destin d cider lui m me de son sort Quelle capacit Comment ne rejoindrait il pas celui qui l appelle vivre mieux et len croit si capable L image du candidat Il s agit maintenant de cerner l image que donne de lui m me l orateur dans le prolongement des deux aspects que nous venons de commenter L indice essentiel est bien entendu l emploi de la premi re personne une quinzaine de je au total Mais attention il ne suffit pas de faire un recensement quantitatif Le je peut avoir divers effets et n avantage pas toujours l image du candidat Les individus qui talent trop leur moi je trahissent souvent leur doute d eux m mes Lorsque
644. utuellement de leurs raisons d agir Violence et v rit Voici la fin de la XII Provinciale de Pascal Poursuivi par les crits calomnieux et les menaces polici res des P res j suites Pascal r cuse leurs proc d s et leur r pond en ces termes Je vous plains mes P res d avoir recours de tels rem des Les injures que vous me dites n clairciront pas nos diff rends et les menaces que vous me faites en tant de fa ons ne m emp cheront pas de me d fendre Vous croyez avoir la force et l impunit mais je crois avoir la v rit et l innocence C est une trange et longue guerre que celle o la violence essaie d opprimer la v rit Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la v rit et ne servent qu la relever davantage Toutes les lumi res de la v rit ne peuvent rien pour arr ter la violence et ne font que l irriter encore plus Quand la force combat la force la plus puissante d truit la moindre quand on oppose les discours aux discours ceux qui sont v ritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n ont que la v rit et le mensonge mais la violence et la v rit ne peuvent rien l une sur l autre Qu on ne pr tende pas de l n anmoins que les choses soient gales car il y a cette extr me diff rence que la violence n a qu un cours born par l ordre de Dieu qui en conduit les effets la gloire de la v rit qu elle attaque a
645. uvrant l il moiti sous ses voiles Quel dieu quel moissonneur de l ternel t Avait en s en allant n gligemment jet Cette faucille d or dans le champ des toiles Booz endormi La L gende des si cles 1859 La Maison du Berger Vivez froide Nature et revivez sans cesse Sous nos pieds sur nos fronts puisque c est votre loi Vivez et d daignez si vous tes d esse L homme humble passager qui dut vous tre un Roi Plus que tout votre r gne et que ses splendeurs vaines Jaime la majest des souffrances humaines Vous ne recevrez pas un cri damour de moi Mais toi ne veux tu pas voyageuse indolente R ver sur mon paule en y posant ton front Viens du paisible seuil de la maison roulante Voir ceux qui sont pass s et ceux qui passeront Tous les tableaux humains qu un esprit pur m apporte S animeront pour toi quand devant notre porte Les grands pays muets longuement s tendront Nous marcherons ainsi ne laissant que notre ombre Sur cette terre ingrate o les morts ont pass Nous nous parlerons d eux l heure o tout est sombre O tu te plais suivre un chemin effac r ver appuy e aux branches incertaines Pleurant comme Diane au bord de ses fontaines Ton amour taciturne et toujours menac Alfred de Vigny La Maison du Berger 1844 M SITUATION Il s agit l des trois derni res strophes du po me qui en compte 48 Publi
646. vie et d bouchent sur une intervention de l auteur qui explicite notre pressentiment Rien n arr tera plus l asperge qui a commenc son ascension de taupe ni la torche de l iris violet La furieuse vasion entra ne l oiseau le l zard l insecte Tout s lance et je demeure D j ne ressens je pas plus de plaisir comparer le printemps ce qu il fut qu l accueillir Les s cateurs claquent du bec dans les jardins Enfermez moi dans une chambre obscure ce bruit l y porte quand m me le soleil d avril piquant la peau tra tre comme un vin sans bouquet L odeur d abeille de l abricotier taill entre avec lui Colette La Maison de Claudine 1922 LIBRAIRIE ARTH ME FAYARD 2004 74 Textes descriptifs Clef n 5 Le r le des sensations Le cerveau humain est un dictionnaire de sensations Le nombre d impressions physiques prouv es et m moris es d s l enfance par chacun semble infini D s qu un texte fait r f rence une sensation il s adresse ainsi l exp rience personnelle du lecteur et le fait adh rer sensoriellement ce qui est d crit beaucoup plus fortement qu en demeurant dans le vague des id es Le po te qui d sire nous faire r ver d un spectacle voir le petit po me descriptif de Verlaine dans la Clef n 6 le romancier qui veut nous faire entrer dans le v cu de son personnage mobilisent tr s souvent des sensations multiples visuell
647. vous votre pens e Quand bien m me Garcin m aurait aucune densit mat rielle il se trouve qu il pense Et sa pens e est intol rable In s quel qu en soit le contenu s il pense elle il l enferme dans un jugement sur lequel elle n a pas prise s il pense autre chose qu elle il ignore son existence il la nie il l an antit en la chassant de sa pens e il la d poss de de son propre sentiment d exister L encore affleure la philosophie sartrienne travers In s hypersensible l auteur nous fait part d une exp rience d autrui qu il juge universelle et que la situation th trale rend vidente en la grossissant 5 Je l entends elle fait tic tac comme un r veil et je sais que vous entendez la mienne Cette fois In s extralucide fr le l hallucination Sa sensibilit exacerb e en employant la comparaison du r veil qui emp che de dormir donne la pens e de Garcin chose abstraite et insaisissable un contenu concret spectaculaire incontestable Elle va plus loin en imaginant la r ciprocit de ses impressions je sais que vous entendez la mienne tous deux sont en enfer et doivent souffrir l un par l autre c est d j l bauche de la sentence finale de la pi ce L enfer c est les Autres 6 Vous avez beau vous rencoigner sur votre canap vous tes partout les sons m arrivent souill s parce que vous les avez entendus au pass
648. vu sa pareille dans les collections des aristocratiques beaut s du pass Un parfum de hautaine vertu manait de toute sa personne Son Charles Baudelaire 311 visage triste et amaigri tait en parfaite accordance avec le grand deuil dont elle tait rev tue On comprend d s lors l motion le bouleversement de celui qui croit voir soudain l ext rieur de lui jaillir ce mod le de beaut incarnation de la douleur qui secr tement hante ses r ves sinon ses souvenirs 3 Les r actions imm diates Le moi du po te entre en sc ne Il est la fois central et passif Central puisqu il s exhibe en d but de vers Moi captif subjugu par ce tout qu il va d couvrir dans l il de la passante et qui nous r v le la toute puissance de sa beaut Moi je buvais crisp comme un extravagant Dans son il L garement du moi se traduit d abord par la force brute des mots je buvais on ne sait pas encore quoi ni o Le rejet des compl ments dans les vers qui suivent donne au verbe une valeur absolue intransitive le buveur est ivre happ par ce qu il absorbe d poss d de lui m me attention ici au contresens fr quent qui consiste croire le po te attabl la terrasse d un caf un verre la bouche ce qu il boit c est ce qu il voit dans l il de l h ro ne Comme un extravagant La comparaison est prendr
649. x du public c est donc sa vie ternelle qui est l enjeu de cette Tentation Cette sc ne reproduit en quelque sorte le Moli re 153 sch ma primitif de la Tentation d Adam au jardin d den le p ch commis par le Pauvre s apparenterait au P ch originel commis par Adam Pour un public majoritairement croyant cette Tentation qui renvoie aussi l pisode vang lique des tentations du Christ a un effet consid rable elle est proprement insoutenable quelle qu en soit l issue Et c est pourquoi Moli re dut la supprimer d s la seconde repr sentation Certes le Pauvre r siste mais durant ces terribles r pliques apr s tout on a le sentiment qu il pourrait tr s bien succomber et c est insupportable pour l poque La mise en sc ne Moli re joue avec les nerfs du spectateur Par deux fois au moment o celui ci risque d tre choqu par l attitude d un Don Juan qui met le Pauvre la torture il fait intervenir Sganarelle pour d tendre l atmosph re C est d abord l explication destin e rassurer le Pauvre Vous ne connaissez pas Monsieur bon homme Puis c est l intervention Va va jure un peu qui tente de d dramatiser la tentation au risque de faire sourire de la gravit du blasph me car on jure ou on ne jure pas mais il est impen sable de jurer un peu Sans doute y a t il derri re ces r pliques un Moli re soucieux de
650. xaltation du moi notamment chez les romantiques aboutit fatalement des textes gocentriques Au c ur de tout lyrisme il y a un d sir intense de faire partager l motion par des phrases mais au del des phrases l homme boulevers qui cherche l cho de l autre exprime en raison de la profondeur de son motion les sentiments communs tous Ah Insens qui crois que je ne suis pas toi s exclame Hugo dans la Pr face des Contemplations Le lyrisme lant par essence communicatif il use largement de la seconde fonction du langage dite impressive centr e sur le je d autrui qu il doit absolument toucher cf Clef n 29 De l esclavage des N gres Si j avais soutenir le droit que nous avons eu de rendre les n gres esclaves voici ce que je dirais Les peuples d Europe ayant extermin ceux de l Am rique ils ont d mettre en esclavage ceux de l Afrique pour s en servir d fricher tant de terres Le sucre serait trop cher si l on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves Ceux dont il s agit sont noirs depuis les pieds jusqu la t te et ils ont le nez si cras qu il est presque impossible de les plaindre On ne peut se mettre dans l esprit que Dieu qui est un tre tr s sage ait mis une me surtout une me bonne dans un corps tout noir Il est si naturel de penser que c est la couleur qui constitue l essence de l humanit
651. xte Mais on ne pourra pas se limiter cet aspect En effet nous sentons bien en lisant que cet avion est plus qu un simple objet m canique d truit L auteur tente de nous mouvoir par ce qu il appelle sa mort comme s il s agissait d un tre vivant Ainsi la person nification de l appareil et l vocation de son agonie sont des aspects qui apparaissent majeurs d s la seconde lecture sinon la premi re il suffit pour cela de reconna tre certains termes clefs ou encore de saisir en nous m mes une vague piti pour le sort de cet avion sans doute li celui de ses passagers Mais est ce l tout L auteur entend il se limiter ces deux sortes d effets Pour nous en assurer nous devons nous rappeler que la fin des textes indique souvent explicitement la signification dominante qu ils ont instill e dans le for int rieur du lecteur Ici l auteur livre lui m me une certaine interpr tation de son tableau en crivant que l avion choquait la pens e comme une erreur de calcul des si cles De qui est cette pens e Des h ros qui aper oivent l appareil De l auteur lui m me Du lecteur En v rit nous saisissons l une manifestation de ce que l on appelle l nonciation cf Clef n 4 l intervention plus ou moins indirecte de l auteur dans le cours m me de son nonc qui influence secr tement l attitude du lecteur Cette intervention nous r v le que la d
652. y observe des logiques nouvelles il y constate les retentissements que l poque a pu avoir sur lui son insu Il d couvre qu il n a t que partiellement l auteur de ce qu il a crit On est travers par l criture on la colore peut tre mais on n en est pas la source 2 L acte de lire n est jamais l absorption na ve au premier degr d un contenu donn dans un r cipient vide que serait l esprit du lecteur Il y a toujours une interaction entre ce que nous propose le texte et ce que notre capital textuel va nous permettre d en retirer en le triant en l interpr tant en le recr ant l aide de notre imaginaire bref en le faisant exister originalement dans notre conscience Bien loin d absorber passivement le lecteur filtre r agit examine joue avec le texte d s sa premi re lecture il lit au second degr Compte tenu de la somme de savoirs qui est en nous la suite de tout ce que nous avons appris et lu par ailleurs sans parler de ce que nous avons v cu la lecture la plus spontan e d un texte nouveau est toujours intertextuelle toujours plus ou moins critique Or ces savoirs qui sont en nous ne se limitent pas la litt rature ils recouvrent tout ce qu on nomme culture tout ce qui forme l imaginaire humain tout ce qui nourrit nos capacit s d examen critique connaissances historiques sciences humaines etc Ainsi sur un text
653. yperboles les contrastes et le d roulement syntaxique tout converge vers le m me effet la r surrection du h ros dans un univers devenu paradisiaque E CONCLUSION L EFFET DE MAGIE Tout ceci par la seule gr ce de la personne aim e aid e du talent de celui qui la c l bre Car paradoxalement ce po me autocentr sur lego du po te aboutit la c l bration de la pr sence magique de la femme qui demeure ce qu on en retient L effet de magie ob it en fait une rh torique qu on peut retrouver dans de nombreuses situations elle consiste faire en sorte que le moins engendre le plus qu un rien produise un tout Comme dans le conte de Cendrillon l effet de magie c est toujours l histoire d une citrouille transform e en carrosse par le contact d une baguette magique Dans le po me qu on vient de lire dont on pourrait dire qu il est sch matiquement l histoire d une m tonymie qui engendre une m taphore on a vu qu Aragon ne cesse de r duire presque rien les manations de la femme et d amplifier l infini l effet de renaissance de l homme De cette dispro portion vient le miracle de l histoire qui nous est chant e et du po me qui la r p te sans cesse Clef n 37 M taphore et m tonymie La m taphore est une comparaison implicite Au lieu de dire J entrai avec mon b ret pos sur le cr ne comme une vis je dis Le b ret viss sur le

l`explication de texte

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