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Le Matricule des Anges

1. et dont t moigne Domme ou l essai d occupation uvre testamentaire et posthume 1981 C est cet artiste que Jo l Vernet rend nouveau hommage sous la forme d un r cit pistolaire Vos livres ont br l mon c ur comme celui de tant d autres Is m ont marqu au fer rouge ils ont rejoint ma vie semblable la v tre autrefois dans les oasis du Sud alg rien Des livres L Apprenti sorcier Un voya ge au mont Athos Une adolescence au temps du mar chal pleins de cette magie qui manque notre monde et qu admir rent Camus Bonnefoy Mal raux et aujourd hui Le Cl zio ou Mi chon Des livres qui ne sont pas des proses pour mes charitables mais ceux d un ermite sans Dieu d un homme ai mant par la vie nue brute Des pages d extases et de souffrances Art d agres sion dit Vernet uvre en tout cas en core trop souterraine et incomprise d un homme qui tenta de vivre en constante insurrection cultiva le plaisir d exister sous la splendeur des astres et r va sa vie comme une uvre d art Richard Blin L ERMITE ET LE VAGABOND DE JOEL VERNET L Escampette 128 pages 15 OT E DE FREDERIC SCHIFTER Flammarion 187 pages 17 U ne pratique d vote bigote pousse certains croyants aller chercher au hasard chaque matin une phrase de la Bible afin qu elle pr figure et guide la journ e qui d bute Peut tre Fr d ric Schi
2. Dans Naissance d un pont je voulais travailler sur le th me de la concession Comment on avance en conc dant des choses Par exemple l pisode de la gr ve m int ressait pour a pour le com promis Le conflit social se r gle assez vite Il ne se r gle pas com me le si ge le veut ni comme les ouvriers le veulent mais a se r gle Tel que jen parle on dirait un roman sur la social d mo cratie rires Mais aurait t fautif de ne pas crire un conflit so cial sinon a ressemblerait une pub pour Manpower o des hommes casqu s se donnent la main On retrouve aussi une figure paternelle r currente celles du commissaire Op ra de Corniche Kennedy de Diderot dans Naissance d un pont du libraire dans Je marche sous un ciel de 24LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 D sormais ce qui n int resse c est travailler la captation vitesse corps mati re intensit M inscrire dans l espace m a lib r e tra ne de Pierre dans Dans les rapides Cette figure pater nelle n est elle pas en r alit la forme que prennent les p res litt raires les p res spirituels ces crivains dont vous revendi quez l influence Oui c est juste Quand je ne lis pas je n cris pas La lecture et l criture fonctionnent comme des vases communicants et cer tains livres innervent le manuscrit en cours je les conserve du rant toute la dur e de l criture Je mai pas le fantasme de l
3. crivain la puissance d une imagina tion ne se mesure t elle pas la capacit de faire voir le monde nouveau en inventant d autres odyss es possibles Dans son dernier livre le r f rent mytholo gique encore une fois omnipr sent claire naturellement l histoire contemporaine de l Alg rie On y d couvre en effet un hom me et son chien l un des Sept Dormants sorti tout droit d un sommeil l gendaire peine arriv dans la cit de Carthago an ciennement baptis e Alger Dans cette ville exsangue d figur e par une violence chro nique et confisqu e par un pr sident vie r pondant au nom de Chafouin F l irruption de ce revenant sans ge qui a dormi le temps d une guerre et puis d une autre n augure rien de bon Ici encore le t lescopage la d flagra tion permanente du pass le plus recul ce lui de l Antiquit au c ur de la modernit l Alg rie d apr s les ann es 90 pour dire immuable de la violence offre une vision cr pusculaire voire apocalyptique de cette d esse sanguinaire qu est l Histoire Personne puisque tel est le nom de ce proph te funeste y fait pourtant la connaissance du jeune et fougueux Sind bad lequel va lui livrer le r cit de sa vie travers ce nom convoqu comme un orient du d sir et de nostalgie sans doute un s sa me de l enfance pour l auteur c est bien toute une lign e secr te une
4. tre S il y a un endroit o tu es c est bien dans les livres que tu cris Donc au d but c est vrai juse d intrigues un peu excessives et ensuite tout se d place sur la langue et un moment j assume aussi ce lyrisme qui n est pas tr s post moderne qui donne lim pression que la fille crit en transpirant a a a t ma lib ra tion cette acceptation du lyrisme cette po tique de la mati re des corps cette criture tr s physique Mes diteurs l gitiment a en publiant Ni fleurs ni couronnes C est vrai qu en ce sens l il y a des traces de Michon que j ai lu et qui m accompagnent On est loin d une criture clinique c r brale fa on Palais de Tokyo sans gras On retrouve des th mes des motifs ou des sc nes voisines parfois d un roman l autre Par exemple dans Corniche Ken nedy comme dans Naissance d un pont il y a l id e de se jeter dans le vide de plonger et que cet acte soit interdit par la loi Ce qui a suscit le d sir d crire Corniche Kennedy c est le plon geon comme un motif pictural Jai commenc crire une cen taine de pages de plongeons Je vois bien que la part du livre qui m int resse le plus c est la partie des plongeons et non pas Pen qu te polici re Jusqu alors mes livres partaient d une histoire d une exp rience J avais peur d crire un livre n d une id e d un motif r el puisque les gamins plongent ainsi dans la r alit
5. Le Go t des id es 95 p 11 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 13 DITEUR VENTS D AILLEURS Fond e en 1999 par Jutta Hepke et Gilles Colleu sous le soleil de Provence Vents d ailleurs se tourne vers des rivages litt raires moins fr quent s l Afrique l Am rique noire et surtout Ha ti Pour faire circuler d autres imaginaires et quelques id es Parmi les auteurs de Vents d ailleurs de gauche droite et de haut en bas Yahia Belaskri Frank tienne Kettly Mars Jean Luc Raharimanana Sayouba Traor Gary Victor outants d air chaud n 1983 Gilles Colleu et Jutta Hepke suivent tous les deux une formation aux m tiers du livre Villetaneu se Pour des raisons diff rentes Le premier est pas sionn d lectronique Il venait de fabriquer un ou vrage mal fichu sur un semblant d ordinateur et pariait sur lavenir de l informatique ditoriale La se conde n e en Allemagne qu elle quitte en 1978 terminait sa ma trise de lettres Strasbourg et r vait du catalogue Maspero une r f rence intellectuelle fer de lance des luttes anti coloniales Les tudiants fourbissent leurs armes La rencontre avec Jean Marie Bouvaist qui dirige cette formation a chang nos vies Il nous a appris la dimension politique et sociale du m tier d diteur Apr s Villenateuse place aux travaux pratiques Jutta rejoint les jeunes ditions Syros ell
6. Lulli attach la graphie italienne de son nom prend la parole pour retracer le parcours d un jeune Toscan ambi tieux jusqu aux marches du tr ne de France voire plus loin encore puisque le fondement du Roi Soleil n aurait pas t pargn par les avanc es de lPimp trant ouvertement bisexuel Parcours initiatique politique artis tique Baptiste retrace l aventure auda cieuse de la musique autant que les m urs de l poque pinglant au pas sage la permanence de certains travers nationaux Quand tu les entendras eux et les rues de la ville vermiculer sur l Italien Mazarin tu devras tre pru dent tr s prudent En France il ne fait pas bon tre tranger lui conseille son mentor Michel Lambert Fin obser vateur de la Cour introducteur en France de l op ra collaborateur de Mo OGLE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 li re Lulli se le tint pour dit et acquit gloire et renomm e par la gr ce d un talent qui influen a Couperin Marin Marais Rameau Purcell Haendel offrant Vincent Borel l occasion de nous captiver Antoine et Isabelle est tout son contrai re D j a commence mal Par une mauvaise querelle sur la question de l existence de chambres gaz Mau thausen sur fond de vacances de branch s en Jama que rails de coke et rhum gogo mettant aux prises l auteur et un petit magnat de la pres se fran aise qui se donne des
7. Votre uvre romanesque s inscrit toujours dans un paysage le P rigord de votre premier roman Coca la ville imaginaire du dernier Le Havre pour Dans les rapides le volcan pour Ni fleurs ni couronnes Mais ces territoires ne sont ils pas la projection du territoire litt raire que chaque livre vous per met de conqu rir Jai r fl chi a il y a eu un moment o l espace le paysage prend beaucoup de place rivages littoral a se fixe de plus en plus a va avec le fait d assumer le lyrisme et de d crocher de la dimension psychologique L identit comme verticalit g n alo gique assez l uvre dans mes deux premiers textes est un rep re que j ai cass pour et je me bascule dans l espace pour me d barrasser de papa maman J ai quitt cet axe vertical g n alogique qui pour moi est risqu pour un axe horizontal qui est celui du paysage Je suis trop contente de m tre d canill e de l axe identitaire D sormais ce qui m int resse c est travailler la captation vitesse corps mati re intensit J ai un plaisir crire qui est exponen tiel M inscrire dans l espace m a lib r e Au d part le roman est dans les personnages et l intrigue et peu peu en crivant le texte pour L Avenir du roman je me rends compte que tout est soluble dans le roman et qu on n a pas be soin de s en tenir au pr carr d limit par Flaubert Balzac etc Aujourd hui la ficti
8. des gens oublie au quoti dien la loi in luctable de la mort de m me la plupart des gens oublie leur appendice capillaire Mais notre h ros lui vit sous la loi des cheveux et les tapes de sa vie sont marqu es par les coiffures L une d elles le hante celle de son ami d enfance Monti qu il avait surpris au retour de grandes va cances embrassant pleine bouche une fille aux mocassins rouges Cette fille Pune de ses ex caressait avec sensualit les toutes nouvelles boucles de son ami Sa monomanie dure jusqu sa rencontre avec le coiffeur paraguayen Celso un g nie qui lui trouve sa coupe id ale Elle lui ira merveilleusement ne lui demandera quasi aucun entretien Un miracle tel qu il 46LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 se surprend tr s vite ne plus penser le moins du monde ses cheveux Heureux libre Mais cet te libert nouvelle va pro Olivier Roller Chronique des ann es de plomb sous sols d une inqui tante discoth que et surtout l histoire d une perruque li e au cauchemar argentin de la dictature mili taire des ann es soixante dix Se lit d s lors trois interpr tations de cette poque trois visions qui se choquent et s emm lent Celle du v t ran qui m ne une v ritable enqu te pour lucider certains v ne ments certaines disparitions Celle de Monti qui abreuve son camarade de sou venirs de leur jeunesse se repassant le fi
9. est le re gard compassionnel Qui hi rarchise l Autre On est rarement dans un change gal dans la r ciprocit Etre dans le don rend celui qui re oit d pendant Pour soutenir les artistes ha tiens des r sidences leur ont t propos es en France C est tr s bien Mais pourquoi ne pas se servir de cet argent pour faire venir des cri vains fran ais sur l le quand nous tions en Martinique on la r im prime et r actualise depuis quinze ans Ha ti la perle nue qui est un album sur l cologie agr ment de contes a t vendu 10000 ex depuis dix ans Ce livre tr s co teux r a liser sert soutenir les autres titres Vous avez publi plusieurs ouvrages collectifs Derni res nouvelles de la Fran afrique Derni res nouvelles de la colo nisation ou encore l me sera difficile de venir te voir initi par ric Pessan et Nicole Caligaris qui rassemblait des cor respondances d crivains d origines diverses En quoi diter est un engagement pour vous G C Notre catalogue d fend une certaine vision politique au sens de l homme dans son humanit On souhaite bousculer un certain nombre d id es re ues Il existe autre chose que les cou rants dominants Et en occupant ce terrain l certes modeste on participe cette autre vision de l Autre J H On pourrait parler aussi de Je sais quand Dieu vient se pro mener dans mon jardin de Gary Victor Ce roman est une critique v
10. modant assez bien de la r ception outre tlantique C est que Zes Am ricains sont b tes comme l a r cem ment d voil un sagace lecteur du Masque et la Plume On peut voir les choses autrement Non qu il faille par principe reprocher Bret Easton Ellis de faire du neuf avec du vieux et de vampiriser m me sa bibliographie Dans Lunar Park 2005 il se repr sentait poursuivi par Patrick Bateman le fameux tueur en s rie qu il avait cr pour American Psycho 1991 c tait la fois effrayant et touchant Aujourd hui il revient aux ori gines la premi re figure celle de Clay le narrateur de Moins que z ro 1985 Un jeu ne tudiant passait les vacances d hiver Los Angeles sa ville natale d sormais un peu crivain et surtout sc nariste new yor kais en vue il y retourne pour quelques cas tings et No l encore Le titre fait d ailleurs le lien entre les deux r cits en mettant au pluriel l album d Elvis Costello Imperial Be droom tr s pr sent dans la bande son de Moins que z ro pourquoi la traduction fran aise a t elle mis ce s entre parenth ses Myst re Mais si Clay prend nouveau la parole c est au travers d un tour de passe passe non ce n est pas lui qui avait racont l histoire de Moins que z ro mais un type qu on connaissait La voix n est donc pas la m me Et d s les premi res pages l criture semble plus plate plus commune Cela peut se ju
11. semble du chantier a un nom d crivain Georges Diderot et il dit ce qui me pla t moi c est travailler le r el faire jouer les pa ram tres me placer au ras du terrain la culotte des choses c est l que je me d ploie Et cette phrase qui cl t quasiment le premier chapitre on se dit alors qu elle pourrait d crire le travail de la romanci re Car ce que dit la fiction ce qu elle tente et r ussit ici c est bien de nous donner une image du r el d aller la culotte des choses dire tout la fois la technique et la science l histoire des hommes le d sir et l attente comment se creuse un fleuve pour qu au dessus de lui se d ploie une nouvelle route Si l on entre dans le roman avec Diderot dans une pr sentation du h ros en personnage quasiment biblique o la g n alogie mythologique est remplac e par la liste des chantiers qu il a men s dans le monde entier si l on suit ensuite un grutier une ing nieur sp cialiste du b ton une ouvri re un ouvrier c est tr s vite vers le chantier que toute l criture va tendre Le pont comme symbole du ro man requiert toute l criture d tourn e toutefois le temps d un chapitre o la ro manci re joue refaire toute l histoire de Coca fa on Sim City On reste impressionn par la puissance d vocation et ce qu elle entra ne avec el le mille d tails mille anecdotes une pen s e qui embrasse aus
12. tat d un vertigineux clectis me Cela participait il de cette marche en quinconce qui est une ruse logique pour surprendre le r el Le d sir m a toujours pouss pouser la vie sous toutes les formes qui se pr sentaient moi tait ce un corps corps avec la mort Une mani re de revivifier l inerte de reboucher le trou b ant de l enfance de tracer des signes sur l pars afin de conna tre son langage ou de n approcher la r ponse que par le biais d une fervente interrogation Dans le fourmillement des si gnifications contradictoires j ignore si un autre sens existe que celui de la ruelle dans laquelle l existence m a aveugl ment men Dans cette ruelle se rencontrent des magasins arabes des choppes chinoises des conteurs yiddish et des th tres gitans que sais je encore Il para t que de ce regard quelqu un en moi fit de l crit Aucun r cit aucune autobiographie n en fera jamais le conte exact Bien que l industrie et mes voyages maient beau coup occup j ai v cu pleinement ma vie d crivain dans la m lancolie d abord ensuite dans la rigueur et plus derni rement dans la joie Propos recueillis par mails par J r me Goude R FUGI DE NULLE PART DE FR D RIC TRISTAN Fayard 463 pages 23 CRITIQUE DOMAINE TRANGER Marc Melti Libert infectieuse Fiction politique le nouveau roman de l Allemande Juli Zeh repose sur le sc nario eff
13. tre enfin parce que certains de ces pauvres bougres ne sont plus que la somme des histoires qu ils ont v cues et qui les constituent L ensemble de ces treize textes a pour cadre Charity une ville insignifiante du Texas nous apprendrons d ailleurs plus loin qu elle est d sormais l ombre d elle m me ville morte qui tombe en pourriture In signifiante et morte elle l est vraisembla blement pour beaucoup mais surtout pas pour l auteur et encore moins pour sa m moire D ailleurs il la tutoie ses yeux Charity est Trinity la bourgade dans la quelle il a v cu jusqu l ge de 7 ans Et c est celle o se trouve la splendide maison d chue entendez celle de l enfance autre ment dit un tr s vieux monument vibrant encore des conversations d antan gardien 5OLE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 campagnards qui passent l essentiel de leur temps assis sur les v randas par exemple observer les mouvements d un goitre sous une peau flasque il faut reconna tre qu Charity on tue le temps comme on peut ou se ratatiner jusqu au jour o le vent les emporte que ce soit vers la tombe ou vers une autre ville ce qui revient un peu au m me puisque certains s en reviennent dans un cercueil De pauvres h res l vi dence untel porte en lui une norme tu meur qui lui tient lieu de c ur tel autre s imagine qu en ouvrant la persienne un monde magi
14. La m moire de l v nement de Poix T erron les Stukas on m a tout racont En sorte que je suis n non pas d un trou mais d un r cit Dans mon ado lescence je me demandais souvent si ce r cit tait vrai si Poix Terron avait exist si j tais ce petit Jean Paul ou l autre L autre qui para t il tait mort ma place J ai recherch sur Internet Il semble que l enfant tait belge Jen ressentis un troublant sen timent de responsabilit Notre m moire est un va et vient fur tif Jai tent d tre le plus honn te possible alors que la r alit historique n est jamais qu un mur o renvoyer notre balle En proie une v ritable crise de d personnalisation vous al lez jusqu oublier l identit de la dame qui vous tient alors la main votre m re qui par ailleurs que ce soit dans R fugi de nulle part ou bien dans M duse Balland 1985 semble l objet d un rejet cat gorique Je mis longtemps admettre que Rachel tait ma m re Nous tions tr s dissemblables Je n avais comme bou e de sauvetage que la lecture et l criture Croyant bien agir elle m interdisait ce qui peu peu devenait ma vraie raison de vivre et d esp rer mes yeux elle tait le symbole actif du ne pas Heureusement et sans doute par r action je gardais vive en moi l image de la petite fille Emilie que javais aim e plato niquement durant la guerre Mais elle n tait qu un
15. distr Pollen Revendiquez vous le terme d diteur de litt rature franco phone G C Fondamentalement les cat gories enferment Mais si cela permet une simplification du discours et permet de venir vers nous pourquoi pas Le fran ais n est pas le centre de cet espace francophone Le fran ais est aussi vivant que n importe quelle ex pression d un pays qui se nourrit de la langue fran aise J H Les litt ratures d ailleurs de la Cara be aux Suds sont re gard es ici avec un air condescendant ou arrogant La hi rarchisa tion des cultures des peuples des tres humains est fondamenta lement ancr e dans les esprits En France les id es ne sont pas encore d colonis es On assiste pourtant une ouverture vers ces litt ratures avec la cr ation des collections Afriques chez Actes Sud ou Continents noirs chez Gallimard J H videmment quand les ditions Hatier ont lanc la collec tion Monde noir ce fut un pas m me si c tait un ghetto Je donne raison Bernard Magnier directeur d Afriques on avance Mais nous sommes toujours dans les repr sentations Voyez le traitement fait par les m dias lors du tremblement de ter re en Ha ti La repr sentation d Ha ti c est travers la mis re on parle de mal diction comme si les pauvres ne savent pas se gou verner tout seuls Quand un diteur fran ais demande un texte la conteuse Mimi Barth l my il
16. mais ja mais le fond des choses ce qui amenait sa fille sur ces places blondes ni avec qui elle tait pas les lettres que sa m re aurait souhait es pas de c urs qui s ouvrent ou qui se rouvrent comme autrefois Dans une langue inventive tant t prosa que tant t m taphorique Edna O Brien raconte un amour en partie manqu entre m re et fille et ne craint pas de s affronter au r el le plus pre l pr cis ment o se jouent les vies Delphine Descaves HISTOIRE LITT RAIRE LES GAR S LES OUBLI S l instar d Andr Laurie le communard Robert Caze n a jamais manqu de talent ou de succ s Seule une mort pr coce a condamn aux limbes o les lecteurs se risquent peu Le cas du maladroit a post rit de Robert Caze n a tou jours tenu qu un fil Mort 33 ans et dans des circonstances que Pon ne peut s emp cher de trouver idiotes son nom se sera pass comme une relique de lettr lecteur et notamment de L on Deffoux Andr Breton qui recom manda sa lecture en 1931 au verso du Ca talogue des publications surr alistes de la maison Jos Corti Jamais r dit depuis 1886 Robert Caze m ritait bien l homma ge que lui font Ren Pierre Colin et Ar naud B dat en r ditant l un de ses romans les plus frappants enrichi encore d une longue nouvelle de m me eau Sur sa route tr s similaire celle de Paschal Grousset Andr Laurie pour les lecteurs do
17. nial Tu es tout le temps en alerte Tu d ve loppes une norme curiosit d ailleurs j ai appris norm ment de choses en crivant ce livre C est une grande part du plaisir d cri re un livre que d apprendre beaucoup de choses Dans le r el que la documentation apporte avec elle vous introduisez des l ments de pure fiction comme cette ville que vous inventez Coca Pourquoi Oui mais cette ville est une invention pure mais elle est typique d une ville comme Sacramento Elle condense les codes esth tiques conomiques politiques de la Californie int rieure J ai eu juste envie de la fonder J ai ador faire a Je sais bien qu au mi lieu du livre cette histoire de la ville a peut para tre bizarre Mais c est parce que ce livre me donnait le paradigme des wes terns les grands espaces l amplitude Et je me disais que le wes 26LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 tern est un film de fondation on va fonder une ville on va fon der la loi J avais envie de raconter une histoire comme a Fonder une ville montrer son volution imaginer son mai re a permet de parler de politique Oui le maire est ambigu Il peut tre pr sent comme un pro gressiste qui veut que les choses bougent et en m me temps il peut appara tre comme un salaud int gral C est un tre ambigu qui ne veut assumer aucun h ritage qui est dans le fantasme de l auto construction Comme le maire de Ma
18. tait vraiment super de travailler avec Bernard on se mettait c te c te pour de longues s ances de travail pendant les quelles il n tait jamais interrompu Le livre sort donc en 2000 et est plut t bien re u comme souvent un premier roman Avec le d part de Pierre Marchand pour Hachette Maylis de Ke rangal d cide de donner sa d mission pour se consacrer l criture Mon parcours est tr s volutif De fait apr s un premier ro man tr s ma tris un peu appliqu l intrigue tenue aux per sonnages marqu s psychologiquement succ de trois ans plus tard La Vie voyageuse qui m le roman familial sentimental et enqu te g n alogique La romanci re joue avec le temps fait des retours vers le pass Elle ne s est pas encore d gag e des carcans tradi tionnels enseign s l cole mais elle comprend qu il y a mati re jouer avec la langue la structure mais j tais encore profil bas la sortie du livre elle a besoin de travailler pour gagner sa vie et elle rencontre Adam Biro qui veut cr er une marque jeunesse au EE sein du groupe Vilo Elle y entre en septembre contacte des au teurs lance les ditions du Baron perch et apprend trois mois plus tard le d p t de bilan du groupe Sous protection du tribu nal Le Baron perch sort ses premiers livres en mars 2004 et en publiera 70 en quatre ans Avec Virginie G rard Gaucher elle a le sentiment de pouvoir fai
19. DE JOSEPH SHERIDAN LE FANU traduit de l anglais Irlande par Patrick Reumaux Ph bus 358 pages 23 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 07 GRAND FONDS HUNTER S THOMPSON ur le site internet de L Ex press on peut lire une ru brique intitul e Conso Gonzo dans laquelle Pau teur ric Lecluyse gonzo journaliste consommateur qui doute griffonne des lieux communs tout en testant aussi bien des cr mes hy dratantes que des marques de caf Il est certain que Hunter S Thompson n aurait pas appr ci Souvent imit jamais gal le style de Thompson a fait des mules m me si certainement cause du succ s de l adaptation cin matographique de Las Vegas Parano par Terry Gilliam le gonzo s est vid de son sens cause de scri bouillards persuad s qu il suffit d crire je pour devenir le nouveau Thompson Pas si simple Le vrai reportage gonzo exi ge le talent du ma tre journaliste l il du photographe artiste et les couilles en bronze d un acteur selon Thompson Si ce der nier se met en sc ne dans ses articles s il d rive syst matiquement de son sujet ini tial pour y revenir ensuite c est parce qu il est toujours parti du principe non c par William Faulkner que la fiction est une passerelle vers la v rit que le jour nalisme ne peut atteindre En effet on le voit dans Parano dans le bunker comme dans Dernier tango Las Vegas qu
20. Paris 18 rencontre avec Annie Le Brun autour de Si rien avait une forme ce serait cela Gallimard 19 h Halle Saint Pierre r s 01 42 58 72 89 Le 12 10 Paris 4 Les Mille Feuilles accueillent quatre auteurs membres du mouvement Inculte Maylis de Kerangal Claro Mathieu Larnaudie St phane Legrand 19h30 restaurant Vins des Pyr n es r s 06 08 43 50 53 Maylis de Kerangal sera galement la librairie L Imagigraphe 11 le 21 10 19 h Du 13 10 au 08 03 Paris 4 exposition Ir ne N mirovsky Il me semble parfois que je suis trang re M morial de la Shoah Du 13 au 22 10 En Poitou Charentes le festival Passeurs de mondes s a pour th me P ninsules et m diterran e s avec Elias Khoury Le la Sebbar l illustrateur Golo les diteurs Eric Hazan Bleu autour Le 14 10 Saint Etienne journ e d tude La litt rature de l crit la sc ne avec Arno Bertina Yves Pag s No lle Revaz Brigitte Giraud partir de 10 h m diath que de Tarentaize Du 14 au 17 10 Nantes 10 Midi Minuit Po sie festival associant musique arts visuels et po sie quartier Decr Du 15 au 17 10 Paris 4 le 20 Salon de la revue accueille 700 titres des d bats des rencontres Bernard No l Richard Morgi ve des tables rondes Giono Chestov Casanova et Michel Butel qui pr sentera L impossible l autre journal Espa
21. Schalken le peintre Car travers l histoire de l infortun e Ethel Ware recueillie par un riche aristocrate la mort de son p re Le Fanu voque sa propre tra jectoire Si l h ro ne de son roman est victime d une v ritable d cima tion familiale et conna t ainsi une solitude qui l attire dans des profon deurs abyssales l auteur lui m me vivait reclus depuis plusieurs an n es Jamais remis du d c s de sa femme Le Fanu exorcise cette d pression qui le rongeait dans l critu re de ce roman Il n oublie cepen dant pas d esquisser une peinture des tourments de l me humaine au travers du chantage dont est victime Ethel La manipulation les mondani t s la perversion s imposent comme des motifs centraux L auteur dit son renoncement ce monde grima ant Il d voile progressivement une philo sophie marqu e du sceau de l entro pie L existence d une fortune im plique la ruine Et Le Fanu de conclure que l exp rience du miroir est certes une exp rience du double mais aussi une exp rience d for mante Une qu te identitaire sur l essence et les faux semblants por t e jusqu aux confins du r cit Jusque dans les derni res lignes dans un poignant constat sur l ab surdit de l existence Ce spectre aim ne repr sente t il rien Et la fi d lit que la nature proclame n est elle au bout du compte qu aveugle ment et pur g chis B L D SIR DE MORT
22. allures de nabab d tre le descendant de la famille Gillet industriels r put s de Lyon Le d bat oiseux entre les deux comp res se prolonge par l vocation de l histoire fa miliale Antonio le grand p re de Bo rel a justement t intern Mauthau sen apr s avoir fui la dictature franquiste avec sa femme Isabel Saisis sant l opportunit de t moigner et ser vir la v rit Borel s emp tre malheu reusement dans une biographie ennuyeuse o les deux familles se croi sent d un c t les Gillet la t te d une fortune de guerre b tie sur la soie et le gaz moutarde offrant l Alle magne nazie le Zyklon B utilis dans les chambres gaz entre autres de Mau thausen de l autre ses ascendants es pagnols deux g n rations de migrants Barcelone puis en France Dans l absence de recul d espace o pourraient s battre la fantaisie la perspi cacit mais aussi la tendresse de l auteur c est ny plus retrouver son Borel le pire tant ces clich s en lieu d analyse politique les riches moquent m cham ment les pauvres au bas de l chelle ne s en laisse nt pas conter et la langue terne d nu e d humour com me si la Grande Histoire ramen e ici des pisodes dans lesquels les person nages peinent s affirmer tait vue par le petit bout de la lorgnette ou de trop pr s Il vaut mieux retourner au grand angle de B
23. au go t moderne qu il s en prend l Occident une capacit infinie de faire des g n ralisations la r publique de Kaposi L ostrogoth coupeur de bourses micheton de la Phynance coquin d arme ment la France l unique contr e dont la pr occupation essentielle chaque ma tin comme un constip qui va la selle sans espoir est son reflet dans un miroir Dans certaines pages exasp r es notamment consacr es la publicit la vulgarit du tourisme Rome qui ruine tout sens de l aventure ou aux artistes de seconde zone que sont les pensionnaires de la Vil un temps lui m me l le ton satirique tourne carr ment l exercice de d testation Sans doute ces agacements contre lavenir d mocratique au coin du Net ou contre la b tise d une poque qui massacre tous les Sindbad du monde n ont parfois rien de tr s original Mais ce reproche mis part le v ritable enjeu du roman reste de taille Plac sous le signe d Hom re et de Sch h razade cette hu manit disparue il tient plut t son art de questionner la souverainet et la post rit des histoires en naviguant entre les poques que rend une composition habile ment agenc e entre des clats de r el et des fragments de fables de mythes et d autres l gendes archa ques c est l insistance de la parole qui est lou e dans un monde ouvert au hasard et la ca
24. aussi la projection en avant premi re d Oulipo mode d emploi un documentaire r alis par Jean Claude Guidicelli qu Arte diffusera ensuite le 29 novembre lors d une soir e Th ma Ces ren contres servent galement mettre en valeur d autres Ouvroirs Quatre Oubapiens qui s int ressent la bande dessin e contraintes joueront sur sc ne une partie de scrou babble g ant tandis que Bruno Fuligni membre de l OuPolPot cherchera politiser le potentiel et potentialiser le politique Tout un programme L Oulipo s apparente une le on de vie qui embrasse le grand s rieux l humour et la malice www bibliotheque rennesmetropole fr O4LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 Du 05 au 30 10 Saint Brieuc exposition Le monde ouvert de Kenneth White avec conf rence le 15 18h30 et lecture le 16 16h30 de l crivain cossais initiateur de la g opo tique biblioth que municipale rens 02 96 62 55 19 Du 07 10 au 20 11 Limoges exposition Robert Margerit l crivain et ses doubles inaugur e par Charles Juliet et Georges Emmanuel Clancier biblioth que multim dia Colloque le 6 11 rens 05 55 45 96 79 Le 07 10 Bordeaux Jerome Charyn est l invit du festival Des nouvelles d Am rique 18h30 biblioth que M riadeck Le 08 10 Oliver Gallmeister La Machine lire le 09 10 Brice Matthieussent la librairie Olympique Le 09 10
25. cette mythologie l aventure l ailleurs et aussi la lecture On lisait beaucoup dans la marine au long cours En 1974 apr s la naissance d un nouveau fils il mettra fin sa carri re pour devenir pilote au port du Havre C tait un travail erratique qui d pendait des mar es et du trafic Il travaillait six jours d affil e puis restait plusieurs jours la maison La m re enseigne l histoire et la g ographie au coll ge dans une institution priv e Maylis d ailleurs suivra l cole dans un ta blissement catholique jusqu au CM2 on nous lisait l Ancien tes tament tous les matins C tait quelque chose de fort a a beaucoup compt pour moi ces lectures voix haute Bonne l ve elle se range volontiers du c t des filles nervantes qui sont toujours contentes d aller l cole la t te claques de service Elle entrera ensuite comme son alter ego Marie dans Dans les ra pides au lyc e Porte Oc ane qui au Havre m langeait section g n rale et section technique ce qui tait vraiment bien la maison elle lit beaucoup rougissant aujourd hui de rappor ter une image d pinal la lampe torche allum e sous la couette pour lire en cachette et les draps cram s sous la chaleur de l ampoule Le Havre tait une mairie communiste et il y avait donc de l argent la lecture publique Ma m re nous laissait dans la biblioth que quand elle allait faire le
26. clencher un incendie qui peu peu d AI bertville gagnera la place Vend me Paris L usine a t elle respect les normes se demande t elle devant la cam ra Si non les a t elle d lib r ment ignor es et viol es Enfin La population a t elle t sciemment expos e Pour cela elle interroge a va de soi les ouvriers de lusine d incin ration leur directeur Puis comme tout le monde lui d cla re que tout le monde savait le mat riel d fectueux elle re monte dans diverses directions la cha ne des responsabilit s la communaut de communes dont les d chets taient trait s l entreprise laquelle appartenait l usine la direction r gionale qui avait pour mission de Instruction en couts veiller la conformit des installations la pr fecture les minist res concern s Et la juge proc de comme on le lui a appris par convocations perquisitions expertises L un des hauts fonctionnaires en poste l poque en Sa voie et grimp depuis g ographiquement comme hi rar chiquement apprenant qu il est mis en garde vue s in surge il avait d importants rendez vous et s effare Comment cela en cellule Peut tre croyait il que la justi ce disposait d h tels pour des gens de son rang Les pressions bien s r ne manquent pas la juge au fur et mesure de l instruction Le procureur son sup rieur hi rarchique demande m me sans que cela lui soit souffl pr tend
27. construit d c le dans les rides que ses clientes s obs tinent occulter des blessures en fouies Ou Pinti mit du cadre fai sant recueille leurs confidences Soit par exemple celles d une octog naire qui l ge de 19 ans parce qu elle s amouracha d un Allemand pendant l Occupa tion eut le cr ne ras en place publique Compos d une s rie de portraits vitant l cueil d un f minisme pompier Corps s incarne surtout comme par opposition au d ni d existences artifi cielles dans le r cit des ressouvenirs de sa narratri ce Nagu re Polonaise au bord d un champ de pa tates Monika voque la ferme de son enfance les peupliers un vase de gla euls rouges sur une com mode sa grande s ur Else et tous ses hommes de peu colosses mur s dans le silence des lisi res Un monde r volu donc o la v rit du corps est une co ncidence entre les ann es et la mati re de la chair entre l ext rieur et l int rieur Philippe Matsas Si le roman de Fabienne Jacob convainc par la fa on dont il interroge notre rapport au corps r el et au corps imaginaire demeure cependant quelque r serve et l en effet un lecteur sera peut tre tent de songer au style bien singulier de Marie H l ne Lafon son livre de nouvelles intitul Or ganes et publi chez le m me diteur Il n aura s rement pas tort mus Elle a 20 ans il a
28. conte les souf frances de l pous e ouverte au monde et l art qui subit quatre grossesses veille sur ses enfants soumise aux as sauts sexuels autant qu l humeur et la jalousie de son poux le Prince Ilme nev sans avoir une r conciliation de l me pure vraie ma s une r conciliation des corps Elle est sans mari ami lorsqu un ancien camarade du Prince vient r pondre ses aspirations Cette tendresse bien que platonique aiguise la possessivit du mari qui lui lance un mortel presse papier de marbre la tempe La faute en incombe presque toujours au mari c est qu il n a pas pu sa tisfaire aux exigences po tiques que mani feste la nature f minine ne donnant en change que le seul cot ignoble du maria ge Ce r cit in dit postromantique peut p cher par une id alisation partisa ne de la femme il n en pose pas moins lui aussi la question jamais r solue de la sexualit et du couple C tait une id e pertinente de publier ces deux r cits en miroir Au point qu Albin Michel cette rentr e en pro pose une autre traduction plus lyrique Mais en ajoutant un autre in dit de So fia Romance sans paroles l amour im possible pour un pianiste pousse une femme la folie et la r ponse de leur fils qui d nonce avec simplisme l absur dit de l intransigeante chastet les di tions des Syrtes en r v l nt les chos fa miliaux Tolsto p re est le
29. des ruches pas loin dessous et quand je me suis r veill j ai eu l impression d avoir visit en r ve un coin discret du pa 16LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 radis La f te des vendanges de la rue du Ch teau des Rentiers est l une des plus petites brocantes du coin J ai rien eu envie d acheter au d crochez moi a Rue Mar cel Duchamp du c t des ateliers d artistes sous les so phoras qui se mettent d j frissonner vaguement une da me regardait son ficus une assez vieille dame un assez vieux ficus esp ce de salaud elle lui a dit Je l ai regard e pour en avoir le c ur net elle s tait baiss e vers la plante pour lui arracher les feuilles mortes lui donner les premiers soins ou les derniers le refaire beau Il ma d j fait a l ann e derni re Ah bon j ai r pondu Oui Elle avait un sourire flou Mais je lai il Je ne vais pas le laisser tom ber Je ne veux pas qu il me quitte lui aussi Ben j ai bre douill Ce serait dommage en effet euh bonne journ e J tais press de m en aller Le soir jai essay de rajouter la dame et son ficus aux ruches des retrait s de la rue Na tionale au dessous du vieux glacier qui se balance bien de tout a mais bon a n a pas march ce coup l On verra si Je ne sais pas O sommes nous la plupart du temps ici ailleurs qu ici ou bien l bas en ce moment le nez sur le glacier de la page d accueil de l ord
30. des corps plus secret de sa chair et de son me son amour impossible pour B lard Amour triangul que la parole assoiff e de sensible de Jean Guerreschi n ou blions pas que ses deux derniers livres taient consacr s aux seins Seins et Autres seins Gallimard interroge pen se m dite voque de l int rieur L lan des corps et le calcul de Pesprit les ac cordailles de la chair le jeu de l galit et de la diff rence l art enchanteur de donner du plaisir il les module et les orchestre avec ce sens des irradiations lat rales qui gouverne la patience du destin car tout a finira mal Un des tin qui prendra ici les traits de Roman et conduira les protagonistes New York o les v nements vont se pr cipi ter et l histoire se poursuivre au gr d un chass crois de souffrance et d es poir de coup de th tre et de catas trophe de fusion panique et de com pensations vanescentes Un roman la verve parfois rabelaisien ne au style cherchant constamment l accord entre la forme et l motion mais un roman montrant aussi la puis sance du langage sa charge motive et pulsionnelle travers la fa on dont le pouvoir d noncer ou de transformer les nonc s peut aussi bien permettre de passer du v tu au nu que de mener un Esth ticien ne sujette une nostalgie diffuse la narratrice du troisi me livre de Fabienne Jacob de loin le plus
31. du chef d uvre Car chef d uvre il y a High society peut tre lu comme une bande dessin e clas sique autant que comme la libre succes sion de sc nes sans paroles et de pleines pages de textes par exemple quelques ex traits de La v ritable histoire des lections de 1413 comme un terrain d exp rimenta tion pour toutes les formes de d coupage en m me temps qu un exercice de rigueur continue dans le dessin et les dialogues comme une narration imm diatement s duisante o le sens du d tail burlesque le dispute l ampleur m lodramatique de m taphores mal fil es La mauvaise herbe de la r volution donne des fruits amers dixit le Cafard de Lune super h ros du peuple en images d licates telles celles de Jaka danseuse de taverne et passion silen cieuse de Cerebus Celui l toujours au centre du r cit ne cesse d y rayonner h ros impeccable d ambigu t victime bru tale th oricien barbare maquignon na mour et qu il tarde de voir vieillir Gilles Magniont HIGH SOCIETY DE DAVE SIM Traduit de l anglais Canada par Ludivine Boulon Kelly Vertige graphic 518 pages 35 HAYAO MIYAZAKI CARTOGRAPHIE D UN UNIVERS DE RAPHAEL COLSON ET GAEL REGNER Les Moutons lectriques 358 pages 29 e mignon le joli les nounours sont l id e que se font les adultes de l imaginaire des enfants de ce qui leur fait plaisir Mais ce qui attire souvent les enfants c est
32. e du partage qu on peut avoir autour d un texte et c est rajouter des textes les uns aux autres jusqu la fin des temps Mon Michel Ange pourrait tre un crivain contem porain m me si c est avant tout un artiste du XVI si cle Il parta ge plein de choses avec les probl matiques contemporaines Olivier Roller commencer par ses rapports avec les puissants les commandi taires largent Je n en parle pas pour rien Mais Michel Ange n est pas un pr texte pour parler d aujourd hui Doit on voir un parall le entre votre situation et celle de Michel Ange quant aux rapports entretenus avec les com manditaires Votre roman ne rec le t il pas une revendica tion pour les crivains Bien s r qu il y a de a Mais il ne s agit pas de ma situation M me si je ressens parfois une humiliation constante dans le fait d tre oblig de respecter certains journalistes m prisables d aller dans certains festivals o tu t emmerdes etc Finalement si on veut jouer le jeu on doit s humilier constamment Michel Ange en avait conscience et m me si par moments il se rebellait face Jules IL il revenait dans le rang parce qu il en avait besoin jusqu ce qu il ait atteint un tel niveau qu il pouvait tre ma tre de lui m me Mais n est ce pas le propre de l art C est quelque chose qui n a pas chang cette d pendance vis vis de ceux qui nous ditent ou nous vendent En montrant que M
33. est permis Mais lui regarde davantage la ter reur en face et prend son pays par les che veux pour ne pas le l cher Pascal Jourdana HISTOIRE DE CHEVEUX D ALAN PAULS Traduit de l espagnol Argentine par Serge Mestre Christian Bourgois 224 pages 18 Le regard d Ulysse Voyageuse experte et patiente Olga Tokarczuk explore le labyrinthe du monde celui des latitudes et des longitudes mais aussi celui int rieur et nigmatique de l homme ui sont les p r grins La qua tri me de couverture nous in forme que les bieguny titre original sont des marcheurs les membres d une secte religieuse russe qui pensaient que la marche tait le seul moyen d chapper l emprise du Mal Les p r grins quant eux sont absents de la plupart des dictionnaires ce sont bien s r les p lerins d autrefois qui nous l gu rent leurs p r grinations Vx Voyages en pays lointain Mod D placements inces sants en de nombreux endroits Le Petit Robert Peut tre la traductrice voir Lmda N 116 a t elle rencontr cette d signation anachronique et po tique chez Bouvier autre voyageur tenace qui publia en 1996 L Echapp e belle loge de quelques p r grins Toujours est il que c est bien une sorte d chapp e en effet de libre exploration la fois hasardeuse et ma tris e qu Olga To karczuc nous invite ici Nous la suivons travers plus d une
34. et l on entrevoit une Gilberte Sylvie pas de personnage sans son double Sensation d une bru me laquelle on s accroche jusqu au bout en se demandant alors quels sont les paysages que l on a travers s et l en regrettant que l auteur se soit tant attar d dans sa m moire litt raire et artis tique Car l on aura surtout retenu de son roman le sentiment frustrant d tre pass s c t de l essentiel et de quelques tr s belles sc nes comme le d part final de la grand m re malheu reusement noy e sous les r f rences Chlo Brendl NORFOLK DE FABRICE GABRIEL Seuil 211 pages 17 ZIMMER D OLIVIER BENYAHYA Allia 80 pages 6 10 oici un premier roman d tonant et son auteur Olivier Benyahya nous envoie au tapis pour longtemps Bernard Zimmer 82 ans survivant d Au schwitz se livre toutes plaies ouvertes un mono logue glacial f roce infiltr d une haine increvable l encontre du monde Apr s son retour de Pologne le vieux monsieur a toujours v cu rue du Temple Pa ris mais il a fini par d m nager dans le 7 arrondisse ment au moins dit il on n y croise pas beaucoup d Arabes vrai dire ce n est pas seulement contre les Arabes que ce misanthrope crache son fiel Contre les pauvres les Noirs les Palestiniens mais aussi contre les Polonais les goys ou les gamins des ban lieues il y en a pour tous Dans ce br viaire d ex cra
35. fantasme vite remplac par celui de Sarr ra la guerri re capable de bousculer ma m re la religion et tout le reste Au d c s de mon p re il fallut pac tiser jusqu au jour o je parvins desser rer le licou du textile en fuyant jusqu en Chine o ma vraie m re m attendait cette autre Rachel Rachel Karaman que mon grand p re maternel avait aim e durant son s jour de trente ans Shanghai Autre fantasme mais r elle source du d sir l criture A contrario votre p re ing nieur associ un bureau de re pr sentation de machines textiles sur lequel vous restez tr s discret soutient chez vous le d sir d entrer l Institut des hautes tudes cin matographiques Selon vous la reprise de ses affaires et votre vocation d crivain ne furent elles pas le symbole d un seul et m me h ritage Le cin ma m a tent tr s t t Il tait la chambre noire des r v la tions Aussi avais je aspir p n trer dans ce monde qui pour moi s apparentait la mati re du r ve La nuit de mon d part pour IDHEC je fus hospitalis et tombai dans le coma Mon p re comprit qu la sortie de cette preuve je me retrouverais fa talement entre les mains trop passionn es et glac es de ma m re Mais il tait trop tard il allait bient t mourir L ombre g n reuse de sa pr sence travers le parcours aride de l industrie m a certai nement aid Peut tre avais je besoin de son d part pour
36. filiation qui bruisse de Temps de m moire mais aussi de drames et de p rils Ainsi comme son lointain et illustre a eul de Bagdad celui du conte Sindbad ressuscit ici en sans pa piers la conqu te du mirage europ en a br l ses vaisseaux Vivre vite partir loin aimer le plus n est il pas son program me Ce grand voyageur parti l aventure de l Italie jusqu Paris en passant par lEs pagne et le Moyen Orient est aussi un ar penteur des ab mes et des chemins de tra verse du plaisir Hant par son amour pour De la satire la d testation la M dicis que Bachi fut Vitalia Sindbad adore les femmes et Bachi sait l crire Nourrie la lumi re du bassin m diterra n en la prose du romancier encline jouer des contours et des perceptions n en est pas moins partag e entre l humour et la col re et la causticit insinuante de son style qui irrigue tous ses livres s en donne ici c ur joie Sans surprise donc l auteur ne m nage ni le pouvoir en Alg rie ce foutu pays en glouti par les massacres et le sang qui ont sacrifi l avenir de sa jeunesse Ni la cr duli t suicidaire des Alg riens eux m mes des zombis auxquels on avait supprim me et conscience Ce pays est une Mmonstruosi t car comme il est dit la fin Tout le monde est coupable les innocents comme les bourreaux Mais de fa on beaucoup plus g n rale c est
37. haut de la pile et en dessous les autres ce qu on ap pelle le fonds Tous nos livres ont une impor tance gale Jaime bien le terme de r sonance J H Nous avons une politique d auteurs Si quelqwun se porte bien chez nous on va suivre son cheminement ses doutes ses recherches On est clairement dans une politique de l offre sinon nous n aurions jamais dit Dezafi On vend bien nos livres mais dans un temps tr s long La biographie sur Aim C saire dit e II est difficile d outrepasser le regard exotique le regard sur le noir sur le primitif Il est difficile que le lecteur acqui re une dis tance critique par rapport ses propres repr sentations Qu il ac cepte de se laisser d stabiliser et d entrer dans un univers qu il ne conna t pas C est tout notre travail Gilles Colleu On se m fie des fen tres Il ne s agit pas de regar der l Autre de l ext rieur Il s agit plut t de cr er des ponts pour faire exister une rencontre Ce n est pas un hasard si Vents d ailleurs ne publie pas de carnets de voyage CARTE D IDENTIT Vents d ailleurs 11 route de Sainte Anne 13640 La Roque d Anth ron Cr ation en 1999 70 titres au catalogue 10 livres par an Tirage moyen 2500 ex Meilleures ventes Les Cloches de La Br silienne et Je sais quand Dieu vient se promener dans mon jardin de Gary Victor 10000 ex Re oit 1000 manuscrits par an Chiffre d affaires 250000 Diff
38. il ren contre Mohamed Ali ou qu il se moque des Jesus freaks le principal sujet de Thompson c est avant tout lui m me et ce qui chez d autres pourrait confiner un insupportable nombrilisme s av re tre chez le grand Hunter d une incroyable universalit Revenons en donc au ma tre et ses couilles en bronze pas en or car ses crits lui apportaient plus d ennuis que d ar gent tats Unis 1966 On s y ennuie ferme la suite d un article qu il a crit sur les Hell s Angels le journaliste Thompson a l opportunit d crire un livre sur ce c l bre gang Il passe donc un an parmi eux ils finissent par le passer Autant connu pour sa personnalit tapageuse que pour ses crits au O vitriol Hunter S Thompson a acquis sa notori t pour avoir fait ce que tout journaliste devrait O d f O faire il a v cu ce qu il a crit R dition de ses chroniques O8LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 DR tabac Il en sort Hell Angels The Strange and Terrible Saga of the Outlaw Motorcycle Gangs qui impose son style Un style que Thompson aff te depuis longtemps Il commence comme jour naliste sportif pour le journal de la base a rienne laquelle il est affect Ing rable plus port sur le vin que sur le respect de l autorit il en est renvoy Il devient alors correspondant aux Ca ra bes du New York Herald Tribune Apr s la publication
39. l id e de trouver du commun a t autorise t ar racher ton genre ta condition sociale C est ce qui peut s op rer aussi quand tu lis le livre t arrache toi m me Ce qu il y a de collectif dans la litt rature c est qu il y a autant de recr ations d un livre qu il a de lecteurs a donne une dimen sion hyper collective la litt rature Propos recueillis par Thierry Guichard Photos Olivier Roller BIBLIOGRAPHIE e Je marche sous un ciel de tra ne roman Verticales 2000 e La Vie voyageuse roman Verticales 2003 e Ni fleurs ni couronnes nouvelles Verticales 2006 e La Peau d une fille qui rentre de la plage nouvelle Galerie Prodromus 2006 e Dans les rapides roman Naive 2007 e Corniche Kennedy roman Verticales 2008 Folio 2010 e Naissance d un pont roman Verticales 2010 Ouvrages collectifs e Le Sport par les gestes Calmann L vy 2007 e Une chic fille Inculte Na ve 2008 e La Politique par le sport Deno l 2009 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 27 CRITIQUE DOMAINE FRAN AIS Les damn s de Ferrari En opposant face la torture deux figures d officiers fran ais pendant la guerre d Alg rie l crivain interroge les limites de l humanit Dans une langue la beaut troublante est un trait implacable et droit tendu comme le vol d une fl che d coch e hauteur d homme C est un roman n cessaire comme on aimerait qu ils le
40. l ancienne cellule de la sainte religieuse o l artiste avait model dans des tons roses la fra che turgescence des seins d une Aphrodi te Des statues de saints vol es dans une glise jet es l eau se transformant en divi nit s marines Un cri qui parcourt foule et m moire L criture ample toute en volute descriptive m tabolique se joue des contrastes lumi re zones d ombre toni truance et silences expressions du collectif et de l intime Superbe Dominique Aussenac LE TESTAMENT DE L EBRE DE J SUS MONCADA Traduit du catalan par Bernard Lesfargues Tinta Blava Autrement 310 pages 19 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 45 CRITIQUE DOMAINE TRANGER pop e capillaire Un obs d des cheveux trouve son coiffeur id al Un texte d lirant d Alan Pauls et une vertigineuse analyse de l Argentine es cheveux Pour l homme ac compli qui est au centre de cette histoire c est une obsession et la cause de tortures incessantes les domestiquer chaque matin rassembler son courage pour demander un coiffeur un mod le de coupe dont il sait l avance qu il ne sera pas respect ruminer que ses cheveux lui survivront car ils continueront pousser dit on dans son cercueil D j ne demeurent ils pas incroyablement brillants ceux qui ont t r colt s sur sa t te de gamin alors que le reste de son corps se plisse et se boursoufle De m me que la majorit
41. le terrain vague Et puis j ai compris qu il fallait utiliser tous ces trous pour en faire le soubassement d une maison ce que l on appelle une uvre La m moire des grands Autres m a aid les Dosto evski Mann et Kafka mais aussi les Compagnons de m tier l Extr me Orient ma compagne mon fils un grand rassemblement de forces au bord de l ab me refusant son terrible appel la folie aus si bien L criture est un aust re et vif aiguillon l approfondisse ment du trou de ses contours et de ses parois Plus tard en bon fils du Tao de ce vide je ferai le Plein R fugi de nulle part s ouvre en effet sur le r cit poignant d une amn sie traumatique En mai 1940 g de 9 ans seule ment vous tes t moin d une sc ne inassimilable sur les routes d Ardenne un enfant est d capit par l clat d une bombe Pour quelles raisons avez vous exhum ce texte crit en 1960 Il me fallait le publier afin que le lecteur puisse saisir quel point cette vision de terreur hors de la fosse a t traumatisante Mais tout axer l dessus tournerait au mythe du pauvre enfant qui a perdu son enfance La disparition pr matur e de mon p re m obligeant fils unique de 23 ans reprendre ses affaires fut un traumatisme plus important encore Et le coma qui m interdit d entrer l IDHEC Tout se passait comme si je n avais pas le droit de me reconstituer Andr Breton m avait conseill d aller au d
42. m ac complir prendre mon double destin bras le corps et me lib rer de l emprise maternelle Une filiation existe forc ment dans la texture d une vie para trait elle disparate Texte et textile ont fait bon m nage dans l arri re boutique mais il me fallut un certain temps pour le comprendre La r daction de cette autobiographie m a beaucoup clair cet gard Mon travail d criture s est partag entre la perte et la det te Contrairement ce que je croyais alors la responsabilit de la dette financi re de mon p re me permit de me lib rer de la m lancolie inh rente au fant me de mon double enfant Construire une usine Hano avait plus de poids moral que d crire un ro man C tait une juste restitution Sans doute est ce ainsi que li b r durant un instant je pus crire Le Singe gal du ciel Chris tian Bourgois 1972 Fayard 1994 Aujourd hui encore mon p re veille mes c t s Cette perte que vous voquez ne fut elle pas la fois concr ti s e et r sorb e par l clipse volontaire de votre patronyme Ba ron ainsi que par la mise en abyme r currente d auteurs h t ronymes auxquels vous attribuez la paternit de vos textes LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 39 La pelle c est le trou c est le r cit unique et innombrable La restructuration de la m moire par le texte me para t tre un mensonge chronologique aussi fasciste que
43. maintenant J ai trouv a dans les livres d Echenoz cette libert et cette esp ce de trou e Sa grande liber t de narration me sid rait J ai l impression d avancer vers quelque chose de plus libre Plus vous prenez des libert s avec les codes narratifs plus vous semblez vous d faire de l obligation d une intrigue Quand Je marche sous un ciel de tra ne est publi j apparais avec un objet tr s fini une intrigue tr s ficel e tr s excessive dans son L ficellement des personnages tr s personnages comme si c tait un mode d criture oblig Dans La Vie voyageuse je garde ce c t classique m me si la temporalit de l intrigue est plus risqu e avec ses flash back a vient de l extr me simplicit avec laquel le je me mets crire Mes motivations c est le d sir de raconter quelque chose J tais tr s profil bas Je n avais pas d approche th orique de la litt rature laquelle j avais eu acc s en tant tu diante mais que j avais oubli e Ensuite ce d sir de raconter une intrigue m int ressera moins Aujourd hui je pr f re me diriger vers l criture presque pour el le m me Voir comment la phrase peut prendre en charge le r el Dans Mi fleurs ni couronnes la premi re intrigue est certes un peu enfl e mais c est parce qu il s agit d une histoire extraordinaire Les personnages sont saisis dans un temps court de trois nuits Il n y a pas de travail id
44. mystique mais c tait un amour non charnel On pense qu il a eu des amours masculines sans savoir si elles ont t charnelles J ai envisag ce Michel Ange comme quelqu un qui avait du mal avec la proximit physique qui l loignait de la perfection qu il imaginait au corps De l je me suis demand ce qui pouvait lui para tre parfait et j ai imagi n cette vision androgyne qui devait correspondre l id e qu il avait de la beaut ultime a me permettait d ajouter un troisi me l ment de r solution entre mes deux oppos s entre Mesihi et Michel Ange avec cette danseuse ou danseur qui vient d une troisi me religion la reli gion juive qui venait d un troisi me monde l Andalousie dispa rue ce moment l et qu elle n apparaisse ni femme ni homme Le livre peut fonctionner plusieurs niveaux Au premier plan il y a une histoire tr s personnelle des probl mes presque phy siques entre trois personnages et au dernier niveau ce sont les trois religions qui sont l dans un espace en pleine recomposition C est comme a que l histoire mest apparue int ressante C est d avoir trouv ce personnage androgyne qui vous a conduit choisir une narration double avec deux voix to talement diff rentes Oui tout fait J avais commenc crire le livre avec la voix du narrateur omniscient et au bout de quarante ou cinquante pages j tais compl tement bloqu Je n y arrivais
45. ne Charles Lane se livre un parfait loge des In diens de leur religion du Grand Esprit de leur nomadisme et de leurs tribus Quant l tudiant civilis il n est rien devant l tudiant naturel L auteur vise cependant rendre le travail manuel plus digne et plus noble et l ducation intellectuelle plus libre et plus aimante On est certes en droit de trouver notre essayiste pour le moins id aliste voire r actionnaire il n en reste pas moins que cet homme des bois tant vant dont chaque sens est int gralement pr serv t moigne d un mode de vie associ une nature qui elle aussi s il ne s agit pas de la diviniser aux d pens de l homme doit voir tous ses sens pr serv s Frk Lu Aer ai CU T Guinhut LA VIE DANS LES BOIS DE CHARLES LANE traduit de l anglais tats Unis par Thierry Gillyb uf Finitude 80 pages 12 pilogue Su Le Fanu 1814 1873 in carne ce que la litt rature irlan daise a engendr de meilleur au cours des derniers si cles Son uvre est multiple Elle sait se jouer des codes de la satire sociale mar quer le pas sur les conventions du fantastique et investir les sph res les plus d rangeantes de la tradition gothique Telle est la prouesse ac complie avec D sir de mort ultime r cit de l crivain dont les chos biographiques sont ais ment rep rables pour les amateurs du cr ateur de L Oncle Silas et
46. qui a tout perdu y compris la pos sibilit inou e de se taire Un des d fis est donc de parvenir doter chacune de ces voix d un ton qui lui soit propre Le lecteur en effet per oit cer taines nuances et il peut alors avoir ses pr f rences D aucuns appr cieront l hu un monde mour noir et pre de ces biographies es quiss es d _ crivains que Volodine ras semble expos s la tentation du suicide ou tortur s par des gardiens pris de folie ils se r fugient dans les mots qu ils agencent pour en faire des sortes d pisodes mytho logiques ou symboliques Certains d entre eux ressemblent fort Volodine lui m me Mathias Olbane ainsi avant de devoir su bir vingt six ans de prison pour avoir as sassin des assassins a crit des r cits d inspiration fantastique ou bizarre compo s s dans un style sans brillant mais impeccable entretenant une certaine pa rent avec le post exotisme une r dition du Port int rieur chez Minuit nous permet justement de nous plonger dans ce post exotisme D autres lecteurs seront sensibles ces sortes de contes des r ves de suie en effet flous drolatiques ou macabres que nous offre Manuela Draeger ils appren dront que la bolcho pride annuelle peut parfois mal tourner que sept ou huit si cles apr s la R volution russe les po gromistes et les snipers font la loi et poursuivent les
47. ricain William Goyen 1915 1983 retrouver chacune des pr sences de ce qui fut non pas le vert paradis de ses amours enfantines mais ce cristal blouissant dans la conque radieuse du matin Et la maison peu peu de reprendre vie au gr des souvenirs et des menus pisodes qu exhume cette plume d licate attentive aux moindres d tails com me aux objets du quotidien en particulier ceux que d ordinaire l on n glige en Poc currence une carte g ographique pingl e sur un mur non loin de la cuisine Et mal gr tous ses engouements po tiques cette maison n est gu re au final qu un vieil arbre creux ouvert tous les vents avec ses fant mes et ses craquements de bois sus pects Ou pour le dire autrement une ruine de plaisirs pass s Ceux que Goyen ressuscite sont de pauvres tout en voulant crire un roman Il est vrai que cette succession de m daillons le terme est de Goyen lui m me ressemble moins un roman voire un recueil de nouvelles qu un long po me lyrique sur le territoire de l enfance probablement embelli par la perte po me au sein duquel alternent des paragraphes prosa ques et des envol es po tiques d une beaut qui meut Or c est bien l ce qu il convient d attendre de cette vocation qui s apparente la qu te d un lieu et d une identit dans une Am rique encore tr s primitive et proche en cela de celle d pein te par Sherwo
48. soient tous la moisson d automne sans gras et sans pose serr tout la fois autour d un question nement et de l Histoire r cente Deux hommes ici s affrontent deux morales deux conceptions du devoir et de la vie Celui qui accu se serait pour nous le coupable C est un lieute nant charg durant la guerre d Alg rie d obtenir des renseignements et de ne pas regarder aux moyens de les obtenir Il s adresse son capitaine Andr Degorce quelques ann es apr s un v ne ment qui s inscrit dans le livre d s la premi re phrase le meurtre d guis en suici de d un d tenu alg rien accus de terrorisme Le capitaine Degorce ne prend pas la parole de m me qu en 1957 il cessait de r pondre aux lettres de sa femme depuis lAl g rie o il dirigeait son bureau de renseignements Dans une alternan ce de chapitres J r me Ferrari passe du vous au il de la voix d un homme debout et droit dans ses bottes au mutisme d un homme abattu Le capitaine qui arrive en Alg rie est pourtant un officier aim et admir des siens Un homme qui a connu les gouffres Rescap des camps de concen tration il a pous l arm e comme si elle seule pouvait alimenter un feu qui tout la fois le br le et le maintient en vie Il rencontre le sous lieute nant Andreani en Indochine dans le bourbier de Di n Bi n Phu la perspective de notre mort pro chaine nous enivrait mon capitaine et n
49. t l visions de nos ordina teurs Surtout et c est l que r side r ellement la nouveaut il y a de plus en plus palpable quelque chose comme de la joie du bonheur de l excitation chez les romanciers qui se lan cent lib r s dans les nouvelles fictions Le bonheur peut tre des affranchis Aux enfants de la t l succ dent peut tre les enfants d In ternet mais on pr f rera y voir les enfants d un Fran ois Bon d un Pierre Michon auxquels d ailleurs ils font souvent r f rence Les enfants de la litt rature donc Qui ont compris que le monde tait plus vaste qu il n y paraissait et que cet infini tait une promesse Thierry Guichard LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 03 AGENDA RENCONTRES COLLOQUES FESTIVALS Automne oulipien me les restaurants alentour joueront le jeu Ils serviront des menus monochromes comme i Madame Moreau dans La Vie mode d emploi de 1 l l Georges Perec partir du 8 octobre et jusqu la fin de l ann e Les Champs libres de Rennes re oivent en grandes pompes l Oulipo l Ouvroir de litt rature poten tielle Amateur de langues d esprit et de math ma tiques le groupe fond par Fran ois Le Lionnais et Raymond Queneau il y a un demi si cle rel ve le d fi de la cr ation permanente D apr s son propre calen dier o une ann e vaut un si cle l Oulipo f te donc son cinqui me mill naire En guise de bougies u
50. taire et archiviste Violet qui transcrivant carnets perdus et retrouv s critiques journaux et correspondances du romancier succ s tente de d passer les lacunes de son sujet The Lacuna est le titre original Il n aurait plus manqu ce roman que d viter l hagiographie trotskiste et ce soup on de manich isme entre bons r volutionnaires mexi cains et Am ricains dominateurs m me si leur ef fort de guerre est lou pour trouver toute sa di mension Thierry Guinhut TRADUCTION SUR QUEL TEXTE TRAMAILLEZ VOUS es Lances rouill es est le dixi me volume que je tra duis de Juan Benet figure de tout premier plan dans les lettres espagnoles de la seconde moiti du XXe si cle ce qui suppose une familiarit avec l criture et l univers b n tiens qui n alt re toutefois en rien au contraire la fascination qu ils produi sent sur moi Qui ne supprime pas non plus les difficult s de traduction m me si elle finit par les att nuer Il s agit d un texte volumineux 600 pages grandes et com pactes et inachev dont l id e premi re tait celle d une histoi re de la guerre civile espagnole Devant l immensit de la t che et l incomp tence avou e de l auteur le projet originel se trans forme bient t en roman La guerre civile traumatisme sur le quel s est construite la sensibilit de toute une g n ration sert de toile de fond toutes ou presque les fictions b n
51. tiennes lci elle est la mati re m me du livre Herrumbrosas lanzas est consid r en Espagne comme le grand roman de la guerre civile Le propos n est pourtant pas d crire un roman historique mais plut t d en d tourner le mod le r aliste en inventant une guer re civile l chelle r duite de R gion contr e imaginaire o se d roulent les romans de Benet C est ce jeu constant sur la r f rence la pr cision et la rigueur m l es la puissance imagi native et au souffle po tique qui fondent en partie l criture de ce roman Preuve tangible de cette d marche hybride la carte topographique dont l exhaustivit est proprement fascinante que dresse Benet lui m me de R gion ins r e dans le pre mier volume de Herrumbrosas lanzas et qui allie le discours cartographique et les processus de fictionnalisation d une fa on presque indiscernable La longue connivence plus de vingt ans que j entretiens avec le texte b n tien entrecoup e de quelques infid lit s qui conju rent la menace de l enfermement la traduction que je viens d entreprendre du beau texte de l crivain argentin Sergio Chej fec Mes deux mondes en est le dernier exemple m a permis d acqu rir une intimit qui favorise une impr gnation quasi im m diate se traduisant en gain de temps dans la t che qui m in combe Gain largement compens par les difficult s de tous ordres qu offre le roman de Benet pour la t
52. tient dans la d cennie c est dire ce qu il fait avec et de toute l absence scan daleuse de Martin devenu le m p cheur le fils disparu accidentellement un t au Pays de Galles Nous compre nons d autant plus qu avec t c est Pin fini thr ne de l avoir t qui appuie sans cesse sur le d sir du po me et celui d y faire exister encore ce fils de dessiner les 21 grammes de son me et son vol Dans l inconsolable fin de monde qui put s ouvrir sous les pieds d un couple d un p re d un homme reste pourtant l nergie folle vive et sans fin du po me cette sorte de et cetera qu il est ja mais et par lequel Bernard Chambaz appelle son prochain livre Dans les mondes qu il nous fait traver ser de Rome la Volga jusqu au fin fond de la Russie avec sauts par les tats Unis dans ses modes d criture et les modulation de ses voix t IT est une r ponse la presque mutit la quelle j aurais t r duit apr s avoir telle ment parl tort et travers mais en po me seulement parl de toi petit m p cheur Tout ainsi doit exister dans le chant g n ral de cet t tre not jus qu aux mille et une coupes de nos exis tences tre dit dans la n cessit de rela ter les choses les lieux les m moires les crivains et po tes de P trarque Celan en passant par Virgile Saba les objectivistes am ricains le sublime po te tc
53. tion o le ressentiment obsessionnel agit comme in validation cinglante de l Histoire Zimmer fustige m me les Juifs qu il accuse de n avoir jamais su marcher la t te haute ainsi que de vouloir fuir au moindre relent d antis mitisme Tel Aviv ou New York Un jour il va assister une manifestation de soutien au peuple palestinien place de la R publique o lon finit par scander un Mort aux Juifs Le lendemain il tue un Arabe Acc s de vengeance de folie furieuse En r alit ce passage l acte se repro duira plusieurs fois I peut arriver que l on ne se re connaisse plus admet il comme en passant On se demande durablement ce qui nous d range le plus dans ce livre plein de hargne cumante videm ment il y a cette mani re odieuse de l reintement ce concentr acide d ironie jusque dans l loge du cri me mais cela tient peut tre ce brouillage que Be nyahya sait parfaitement cr er en nous faisant en tendre aussi le tragique d une douleur sans r mission Otage de son pass d une peur lancinante laquelle le pr sent des ann es 2000 le renvoie Zimmer est un homme bris sans garantie la raison a confiance dans le monde selon l expression de l Autrichien Jean Am ry ont t perdues l bas irr cup rables Las et en sursis extinction finale que lui promet le grand ge cette victime devenue elle m me assassin de l Histoire n a do
54. tomb e imposent le silence Sou dain une p tarade de chasseurs On guette la suite II n y a plus que le grondement sourd lointain de l Oc an ce ma houn que masquait en juillet ao t la circulation sur les routes pr sent rendues aux h rissons aux crapauds Des gouttes perlent la sortie de feuilles comme des mains en conque La lectrice le lecteur du Matricule se souvient peut tre de cette librairie d occase au milieu de nulle part o son servi teur au d but des vacances d couvrait Arnothy et Slaugh ter conduisait les chats n ayant pour toute visite que cel le d dith douze ans la fille des voisins Un peu de monde s est point finalement Le bouche oreille je suppose D s qu un moteur s teignait sur le par king je lissais la blouse que m avait offerte Ingrid la pro pri taire je v rifiais l alignement des rayons la propret du sol lav chaque jour mais qu une seule miette dans ces conditions suffit d pr cier Enfin j allais le c ur battant souhaiter la bienvenue beaucoup de personnes autre ment ne seraient pas entr es s attendant au vu de la b tisse entour e de sauvagerie tomber sur le loup dig rant la grand m re sur Freddy ricanant en aiguisant ses griffes dith regardait avec une m fiance irrit e s avancer les nou veaux venus Malgr ses yeux de faon rehauss s de colla g ne sa grande bouche framboise m re ses bijoux tintin nabul
55. venir vous voir toi et femme de ta vie En passant par le village des libraires qui m a fait bl mir je ne le connais pas encore Muriel Saint Pancrasse Litanie Non Je ne suis pas coupable Je n en peux plus de tous ceux qui me rendent coupable de ne pas lire de mal lire de lire n importe quoi de passer c t du meilleur de pr f rer le pire Je veux qu on m aime pour ce que je peux lire et non pas pour ce que je dois lire J en suis arriv un jour ne plus lire que des critiques J en suis arriv un jour ne plus lire du tout J en suis arriv un jour ne plus lire de critique Forc ment j ai recommenc lire mais n importe quoi Il faut du temps pour lire un livre Le temps qu il arrive jusqu nous et par o il passe ce chemin buissonnier qui lui donne l ombre et la lumi re qui font son myst re Donnez nous le temps donnez le temps COMMENT JE AIS LE TRI DE MES Alt J t VEC ET SONTAG a E c que je luy pe dr ce SE hi moy Qui mieux IR 1 r i ia durd chanje CES Jante ve ES l Ie af ird fec re ibe je Suis du he e vlei wfe Aihe A Ca jh de quoi h p er un E oy bieh der d occasion deux fimes des Essais file Je choisis Nonlin he md plus m fesse 3 P Aro p Yann Fastier au myst re Laissez dormir les livres dans vos tiroirs et quand ils se rappellent vous c est qu ils ont encore quelque chose dire alors vous pouvez me les offrir avec as
56. 54 CAMBOURAKIS Manuel Daull Les Oiseaux peut tre CARNETS NORD e Tomas Gonzales Au commencement tait la mer C CILE DEFAUT Philippe Lacad e Robert Walser le promeneur ironique CHANT D ORTIES e Michel Gutel Ruptures d enfances CHRISTIAN BOURGOIS e Laura Kasischke En un monde parfait CIRC e Guennadi Gor Blocus bilingue russe CLAP S e Fran ois Rabelais Th l me Gargantua 52 58 CONTRE ALL E Amandine Dh e Du bulgom et des hommes Lucien Suel D azur et d acier CRI Jacques Darras La Reconqu te du tombeau Verheren Collectif Jacques Darras Po te de la fluidit DENOEL e Laurent Kl tzer Une fantaisie corporate DERNIERE GOUTTE Jakob Wassermann L Affabulateur DIALOGUES e Christiane Fr mont Que me contez vous l Diderot la fabrique du r el DIFF RENCE LA e Maria Velho da Costa Myra e Oswald de Andrade Bois Br sil Philippe Sergeant Nietzsche de l humour l ternel retour H l ne Dorion L Ame rentre la maison DUMERCHEZ Lo c Herry Crise de manque EPM e Collectif Po tes de la n gritude CD ESPRIT DU TEMPS Pierre Lou s Le Nom de la femme FATA MORGANA e Gustave Roud Vues sur Rimbaud e Salah Stetie Rabi a al aadawiyya une athl te de Dieu e Richard Millet Cinq chambres d t au Liban e Jonathan Littell En pi ces FAYARD e Fr d rick Tristan R fugi de nulle part FINITUDE e Charles Lane La Vie dans les bois FISSILE e J r me Th lot Pas m me du ciel Zbynek He
57. 7 50 ONZE REVES DE SUIE DE MANUELA DRAEGER L Olivier 199 p 18 et LES AIGLES PUENT de Lutz Bassman Verdier 153 p 16 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 35 CRITIQUE DOMAINE FRANCAIS piphanie pornographique L image st r otyp e d un acteur de films X de trois quart dos engendre du manque lequel suscite d sir de fiction et fiction du d sir Avec Bastien ne phrase liminaire aussi mi nimale soit elle comme les premi res notes d une parti tion musicale bien orchestr e suffit parfois cristalliser l attention Trois mots anodins Appelons le Bas tien par exemple sont en mesure de donner le ton d un texte et d largir le champ de son interpr tation Mathieu Riboulet le sait qui chaque fois semble ciseler ses incipit soupeser leurs effets Souvenons nous de l entame abrupte de L Amant des morts Verdier 2008 Le p re de temps autre couchait avec le fils Le fils de temps autre cou chait avec le p re Avec Bastien nous entra ne sans pr liminaire au c ur d une travers e fantasmatique qui si el le convoque d embl e louverture de Moby Dick de Melville Appelez moi Isma l n en demeure pas moins sin guli re crue et obs dante Obs dante comme l est la r manence d une sc ne sur la r tine de son narrateur Sc ne qui repr sente un homme d une beaut assez atypique jaculant sur le visage d un blondine
58. 992 qui prend son temps publie peu quand elle peut surprenant par la qualit de ses textes et son unit Les po mes et nouvelles qui la composent donnent une impression d incorporalit bien que le d sir soit sous jacent Un sentiment intem porel et une volont de d laisser toute forme d identit et de possession Guillaume Boppe s interroge sur le rapport au r el I ignore comment ce maillot est venu lui Il ne sait pas si c est la maison qui le lui a donn Philippe Annocque n en finit pas de douter Me voici donc quasi en devoir de supposer que certains existent alors que d autre n cessit que sa seule production celle du seul travail sur la langue comme rejet et r cu sation du monde quelques auteurs P O L y per dent au passage quelques plumes il ressort pour Massera toutes les raisons de pratiques se r ap propriant les outils ext rieurs l criture elle m me dont ceux des arts voire de la communica tion etc Alors au lieu d crire sur ou propos de ces questions de ces dossiers qui g n ralement nous d passent travailler l o l observation et l analyse journalistiques ou expertes ne peuvent pas intervenir la n cessit d un travail d criture dans les lan gages les processus et les syst mes de pens e et de re pr sentation que se donnent les int r ts cono miques politiques financiers ou encore militaires Les exemples donn s en courts extraits d
59. Albertville t moignent au contrai re avec une humble t nacit de l importance pour la Cit de ce r le l H las et sans surprise c est aux environs de minuit qu tait offerte cette instruction en cours passion nant cours d instruction civique LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 05 POCHES Baptiste et les autres Deux explorations de l Histoire par Vincent Borel rendent un r sultat in gal incent Borel n en 1962 est l une des plumes romanesques contemporaines les plus riches les plus s rieuses aussi au sens o l criture est un travail m me si voi re surtout si cela ne se voit pas et dou es pour des narrations qui empor tent galvanisent enchantent Deux textes paraissent cette rentr e l un en poche datant de 2002 l autre chez Sabi ne Wespieser nouvel opus Entre les deux un foss qui ne s explique pas On a aim de lui Mille regrets 2004 Pyro manes 2006 et ce Baptiste Points Seuil autobiographie fictive de Jean Baptiste Lully grand ordonnateur des plaisirs de Louis XIV bijou de truculen ce jouisseuse et rudite tant sur le plan musical car Borel est un fin musico logue qu historique puisqu on y d couvre un XVII si cle bien plus contemporain que ce qui nous est parve nu le plus souvent et d licieux par sa langue pr cieuse pr cise emport e Mort et enterr sous les quolibets de ceux qui ont subi sa f rule d arriviste
60. Charles Vignier grand ou bli d sormais eut tout de m me droit son portrait de collectionneur d art extr me oriental dans Les Hommes d Aujourd hui sous la plume de F lix F n on Curieuse ment c est ce dernier qui est rest dans les esprits ironie que la lecture de La Sortie d Ang le devrait nettement att nuer en re pla ant Caze aupr s de Zola et de Maupas sant qu on l imaginait pouvoir remplacer ric Dussert LE MARTYRE D ANNIL suivi de LA SORTIE D ANGELE DE ROBERT CAZE dition tablie et pr sent e par Arnaud B dat et Ren Pierre Colin ditions Du L rot et Soci t jurasienne d mulation 272 pages 30 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 49 HISTOIRE LITT RAIRE LES INTEMPORELS d William Goyen avec la peintre Dorothy Brett DR Voix d hier Dans ce recueil de proses William Goyen voque les mis reux d une modeste ville du Texas Un cantique plein de nostalgie a Maison d haleine est de ces livres qui ne racontent rien sinon malgr eux en quelque sorte sans le vouloir parce qu une histoire sans crier ga re d elle m me se raconte ou parce qu un d tail se met soudain gonfler et en ap peler d autres Ou peut tre parce qu for ce de peindre des personnages consistants les histoires en viennent se tisser autour d eux pouvant en dire alors aussi long sur une existence qu un seul trait de caract re Et peut
61. Charlie Hebdo en particulier ne sont pas vif dr le engag incisif poi gnant Dans ses crits comme dans sa vie on peut lire dans la biographie crite par McKeen qu il fut interrog pour la premi re fois par le FBI l ge de 9 ans Thompson tait irr v ren cieux sarcastique agressif provocateur Ce qui saute aux yeux la lecture de Parano dans le bunker et de Dernier tango Las Vegas cest le plaisir d cri re Thompson le disait lui m me Je n ai pas encore trouv de dope qui puisse vous faire monter aussi haut qu tre assis un bureau crire Ces deux recueils de chroniques sont les premiers des cinq r ditions pr vues par Tristram des livres parus chez les Humano des Associ s il y a trente ans et introu vables depuis de nombreuses ann es Ces gonzo papers sont consid r s maison qu il d crit comme une encein te fortifi e o il accueille les visiteurs un Magnum 44 la main D gout de tout et de tout le monde il crit plus car selon ses dires il refuse de le faire dans une nation dirig e par des porcs Ce bouquin vous en crevez d j d envie Mais apprenez d abord le conna tre Et pour en arriver l armez vous de patience Du temps je ne demande rien d autre du temps pour apprendre me mettre dans la peau d une petite frappe De la part d un pro c est la moindre des choses juste titre comme la bible des bibl
62. Empire Ottoman aux portes de Vienne Le livre s il avait un projet politique ce serait a faire indirecte ment r fl chir en disant que finalement qu est ce que c est que cet te fronti re Comment s est elle d velopp e Il faut y penser au jourd hui pour pouvoir la franchir par un pont ou l abolir m me Vous usez beaucoup de contre pieds pour prendre d faut les pr jug s ainsi votre Michel Ange ne boit il que de l eau alors que son h te Mesihi le po te turc lui s enivre et se pr te la d bauche avec assiduit Oui mais c tait r el C est ainsi que les personnages nous appa raissent dans les sources historiques Les livres disent que lorsque le vizir avait besoin de Mesihi il devait faire le tour des tavernes pour le retrouver a ne correspond pas aux images qu on a au jourd hui de ces soci t s l Alors qu tre musulman ou chr tien ne pr suppose rien a priori Le livre se construit c est vrai par certaines antith ses pas forc ment dans le sens qu on aurait pu imaginer au d part L abolition des fronti res vous la poussez jusqu au domai ne de la sexualit puisque Michel Ange est fascin par un personnage androgyne dont il ignore le sexe et avec lequel il va coucher C est dans sa biographie Il y a un flou dans cette biographie On pense qu il tait homo sexuel mais on n en est pas vraiment s r Il a eu une longue rela tion amoureuse avec une po tesse
63. IRES ARDENTS DE KATHERINE MOSBY Traduit de l anglais tats Unis par C cile Arnaud La Table ronde 384 pages 23 l est des arriv es qui ne laissent gu re indiff rents Dans les ann es vingt une jolie jeune femme Vienna Daniels originaire de New York vient s installer Winsville en Virginie avec son mari Willard au domaine des Hauts dont il a h rit Rien de bien tonnant ce que la personnalit de cette trang re alimente tous les potins suscite tous les fantasmes de la petite ville Plus original est le style de Katherine Mosby qui nous sur prend par son foisonnement d images po tiques On racontait que la glycine qui pendait le long du mur de la cuisine avait fleuri deux fois l t o Vien na Daniels tait arriv e Pr sence permanente de la nature magie v g tale mais aussi magie de l enfance Car Willard abandonne Vienna qui se retrouve seule avec ses deux enfants Elle se sait pi e espionn e m me mais organise son exis tence autour de ce qui importe pour elle ses livres ses arbres et surtout Willa et Elliot Elle sait que Willard ne reviendra jamais Elle en venait lui tre reconnaissante de l avoir quit t e Et c est sans aucune restriction qu elle peut partager son univers avec Willa et Elliot L ab sence de leur p re elle la justifie en lui attribuant des aventures fabuleuses Le texte respire la liber t l imagination la tendresse Mais pou
64. Juge et les dioxines est ce avec les ombres pr gnantes de la minaudante magistrate de Boulevard du Palais comme de pesante et lointaine la Simone Signoret de Madame le Ju ge Quand il en sort c est autre chose La fr quentation pendant une heure et quart condens de cinq ans de tra vail d H l ne Gerhards Last ra juge d instruction au tri bunal d Albertville laura pour ainsi dire lav de toutes les repr sentations ant rieures qui ne lui appara tront pour les moins fantaisistes d entre elles que comme de la my thologie de pacotille Ouverture du dossier en 2002 cl ture en 2007 l origi ne les plaintes d habitants de Gilly sur ls re qui attribuent aux manations d un incin rateur d ordures m nag res le nombre anormalement lev de cancers dont est frapp e leur commune un cinqui me du conseil municipal et la maladie qui en d cime les bovins L incin rateur qui v rifi cation faite mettait 750 fois plus de dioxines qu il n tait tol r selon les r glementations europ ennes a t fer m Six mille b tes ont t abattues Une rue de Gilly a t rebaptis e rue aux cancers Brecht aurait aim cette histoire son c t Bonne me de S Tchouan ou Sainte leanne des Abattoirs La petite ma gistrate sans doute un brin scolaire encore qui se pose m thodiquement les questions et utilisera pour y r pondre les moyens que le code de proc dure met sa dis position va d
65. LE MATRICU 7 N 117 Octobre 2010 5 50 MATHIAS ENARD FR D RICK TRISTAN VENTS D AILLEURS ANTOINE VOLODINE SALIM BACHI HUNTER S THOMPSON JULI ZEH ALAN PAULS M 06719 60 F 5 50 DLL LIVRES RE US e Il particolare 21 amp 22 e Pages insulaires N 14 e Ficelle N 97 Aphorismes e Ficelle N 98 Chambres D charge N 147 Manouchian e Le Tigre N 13 e Si cle 21 N 17 e Po sie N 131 132 Edwarda N 4 e Le Bateau fant me N 9 L amour e Action po tique N 201 Cin ma et Po sie 10 18 J y G bel The Anomalies Jon Krakauer Trag die l Everest e Richard Price Souvenez vous de moi e Bret Easton Ellis Lunar park e Patrick Gale Tableaux J une exposition e Pierre Reignier La T te de pancho villa e Richard Powers L Ombre en fuite ABSALON e G nter Brus Pictura Jacta est ACTES SUD e Yu Hua La Chine en dix mots Don Delillo Point omega e Julie Zeh Ilija Trojanow Atteinte la libert e Linn Ullmann Je suis un ange venu du nord e Anna Enquist Contrepoint ADEN e Corinne Bayle Du paradis Journal de Pom ranie 1792 1804 e Collectif Tombeau pour Swinburne e El Mahdi Acherchour Moineau Emilia Dvorianova Les Jardins interdits e Ibrahim Al Koni Ange quel est ton nom e Perle Abbrugiati Giacomo Leopardi Du n ant plein l infini AL DANTE e Michel Robic Voyage la page e Vannina M stri Mobiles 2 ALBIN MICHEL e Yves Bonnefoy L Inachevable Entretiens sur la p
66. Le livre raconte la d couverte du monde musulman par Michel Ange ses col res face aux grands qui l instrumentalisent Sous tous les cieux il faut donc s humilier devant les puissants la qu te de la beaut et de la gloire La langue y scintille d clats lexicaux pr cis d un balancement l ger des phrases qui vont ce pendant droit l essentiel d une souplesse fluide qui font de la lecture un pur moment de plaisir Dans l extr me fluidit de la langue et la bri vet du livre Parle leur de batailles fait un contrepoint au volumineux Zone Est ce le r le que vous lui donnez Le contrepoint n est pas tant sur le plan th matique du contenu que dans la forme J avais vraiment envie apr s Zone cette tr s longue plage rythmique d une phrase l ch e sur 500 et quelques pages de resserrer condenser et aller l essentiel sur des phrases un peu courtes J avais d j cette histoire et je ne sais pas pour quoi mais je pensais qu elle ne pouvait tre trait e que comme a Comme s il me fallait la traiter d une mani re presque mani riste pour faire comme Michel Ange ce qui est une connerie car tous les sujets sont traitables de mille fa ons En tout cas cette conjonction l le fait d avoir crit Zone juste avant et l histoire de Michel Ange ma amen directement vers cette criture plus tenue o l on se regarde un peu plus crire On pense la collection L un et l aut
67. Moi tout crach e Jay McInerney Toute ma vie Jeffrey Eugenides Virgin Suicides Joyce Carol Oates Vall e de la mort Herta M ller La Convocation Herta M ller Le Renard tait d j le chasseur PRESSES UNIVERSITAIRES DE BORDEAUX Collectif Le Livre rotique PUF e Nicolas Grimaldi Essai sur la jalousie L enfer proustien QUIDAM DITEUR Reinhard Jirgl Ren gat roman du temps nerveux Philippe Annocque Monsieur Le Comte au pied de la lettre QUINTES FEUILLES Jacques d Adelsw rd Fersen Une jeunesse suivi de La Neuvaine d un petit fauve RECLAMS e S rgi Javaloy s Sorrom Borrom ou Le R ve du Gave bilingue occitan REHAUTS e Roger Munier L Aube RHUBARBE e Ma a Brami Le Sang des Cerises ROBERT LAFFONT e Bret Easton Ellis Moins que z ro e Bret Easton Ellis Suite imp riale s ROUGIER V Henri Chopin Contre plan plis urgents 8 S GUIER Daniel Giraud nt rieur Ext rieur SEUIL Umberto Saba Ernesto e Ying Chen Esp ces e R gis Jauffret Tib re et Marjorie STOCK Philippe Claudel L Enqu te Mathieu Terence Pr sence d esprit Wendy Guerra Poser nue la Havane e Christian Doumet La D raison po tique des philosophes Anne Marie Revol Nos toiles ont fil TAILLIS PR Marc Dugardin Dans l oreille profonde TALLANDIER e Fr d ric Martinez Jimi Hendrix TEXTUEL e Myriam Anissimov Romain Gary L Enchanteur Dominique Marny Jean Cocteau Arch ologue de sa nuit TH ATRE OUVERT e ric
68. OBRE 2010 d un aff t o ce qui est guett est soi m me c est tout un monde d interac tions entre r alit physique r alit sen sible et r alit m taphysique que d couvre le narrateur S exprime ainsi dans le kyud quelque chose d inexpri mable qui r side au fond de l homme un myst re qui est li la beaut dont le corps qui se meut sur le pas de tir n est plus qu un signe et tout le signe c est dire qu il est le reflet de l infini comme l image de la lune sur l eau est le simple cho de la lune Alors dans ce pays qui s offre et se re fuse sans cesse lui qui cherchait la lu mi re non pas la br lante lumi re de la v rit mais l clat de la lune d couvre que la vie rel ve de bricolages incessants et souvent paradoxaux J apprena s avancer vers la v rit en la regardant comme un ensemble de mouve ments contraires l image du Japon de Ky to o il a fait venir sa compagne et avec qui il emm nage dans une petite maison pleine de fant mes Un Japon v cu de l int rieur et dont le secret r side dans une intelligence pratique et sensuelle tr s d velopp e regorgeant de culs de sac de trappes d impasses tra vaillant obstin ment la surface des choses de telle fa on qu elle y tablit des corridors pour arriver au bout du monde qui est aussi son origine cet espace vide et silen cieux d o nous venons Une concepti
69. Pessan Tout doit dispara tre TOUCAN DITIONS DU Jean Luc Bizien L Evangile des t n bres VAGABONDE e Mich le Tortorici La Pens e prise au pi ge bilingue italien VENTS D AILLEURS e Gary Victor Le Sang et la mer e Yahia Belaskri Sz tu cherches la pluie elle vient d en haut ZANZIBAR e Rapha l Aloysius Lafferty Les Quatri mes demeures OCTOBRE 2010 Sommaire 117 18 MAYLIS DE KERANGAL 04 AGENDA 28 DOMAINE FRAN AIS DOSSIER En s attachant d cri 2 A 05 VU LA T L 31 L ANACHRONIQUE comment un pont immense peut na tre du projet d un homme et du 06 POCHES 41 DOMAINE TRANGER travail de mille la romanci re fonde E son territoire litt raire 08 EVENEMENT 43 TRADUCTION 10 REVUES 49 LES GAR S Couverture Olivier Roller 11 POESIE 50 INTEMPORELS 12 ESSAIS 51 COURRIER 16 CHOSES VUES 52 ZOOM 17 TEXTES amp IMAGES 08 14 HUNTER S THOMPSON VENTS D AILLEURS GRAND FONDS Tristram r dite DITEUR Depuis la Provence Jutta Hepke ses Gonzo papers chroniques et Gilles Colleu donnent des nouvelles d Ha ti INDEX d un journalisme hors la loi ou d Afrique Des passeurs engag s Vincent Borel Julia Leigh L on Paul Fargue Charles Lane Joseph Sheridan Le Fanu Bernard Chambaz Alain Bernaud Fran ois Aug rias Fr d ric Schifter Luciano Canfora Dave Sim J r me Ferrari Jean 32 38 Philippe M gnin Jean Guerreschi Fabienne Jacob Fabrice Gabriel ne Olivier Be
70. ULDER Champ Vallon 213 pages 16 est une trange soci t que d crit Caroline de Mulder De la danse argentine il faut oublier les paillettes le jeu de s duction exacerb les pas flamboyants ces clich s d apparence Caroline de Mulder pr f re un bal des c urs bless s Son h ro ne glisse sur les parquets son corps mal aim les genoux l un l autre cogn s pointus Toute droite d pulp e thoracique encag e Une crainte tenace du contact avec l autre qu elle soigne par une pr sence assidue dans le club o l on danse Ezechiel un amant parti cet t mais que l pui sement et l hiver ram nent condense dans ses ca resses toutes les probl matiques de la relation char nelle Or quels que soient les chemins emprunt s la femme qui raconte son histoire ne parvient pas trouver de solution et regarde l amant qui ne fait que passer avec des yeux troubles qui ne sont pas les siens Tu me contiens je te remplis Tu es creux sans moi sans toi je me d fais C est bien ce drame que miment les couples sur une musique lancinan te en apesanteur s accrochant pour ne pas se perdre entre le ciel la main gauche et la terre la main droite se tenant l un l autre au bord d un gouffre m taphysique Paradoxalement les phrases syncop es de l auteure parfois d structur es le sens sugg r n emp chent pas le roman de se lover dans l intime Ell
71. Yb rs et ils couteront la M m Holgode une vieille bolch vique raconter les r incarnations succes sives d une l phante errant dans ce mon de sans issue Nous avouerons admirer surtout le path tique retenu la m ticuleuse criture du d sastre et de la douleur de Lutz Bassman Nous voici au milieu de ruines qui rappellent Varsovie Grozny ou Stalingrad dans Wie et Destin un survivant ventriloque donne voix aux rares animaux ou aux objets qu il croise afin dans des sortes de r cits pri res de rendre hommage ceux qui sont morts autour de lui Nous ne pouvons alors chapper la fascination qu entretiennent les longues et parfaites descriptions des odeurs des bombes et des cadavres m l s du paysage noy dans un brouillard gris tre nous ne pouvons que partager le d sespoir de cette gueusaille pourchass e de ces clandestins menac s de crachats et de tabassages La vision politique que proposent ces r cits est cependant parfois caricaturale les ma tres survolent en a ronefs sic les Untermenschen et le dispositif narra tif pourrait tre consid r comme une ga geure esth tique Au del c est donc la ca pacit proprement po tique cr er un monde autre par le souci flaubertien ou si monien du terme propre et du rythme syn taxique qui emporte notre adh sion Thierry Cecille CRIVAINS D ANTOINE VOLODINE Seuil 189 p 1
72. a danse le tennis et la nata tion s y conna t en foot Mes fr res jouaient au foot au stade Youri Gagarine on tait oblig de s y int resser si on voulait entrer dans la compagnie des gar ons Je suis m me all e au Parc des Princes avec un amoureux je collectionnais les vignettes Panini C tait plus int ressant qu tre juste une fille qu on drague Je voulais fr quenter les gar ons sur un mode d galit c tait quelque chose d important et le foot comme le rock permettaient a En 1976 comme beaucoup de Fran ais elle est fascin e par une jeune gymnaste roumaine Nadia Comaneci qui brille aux J O de Montr al Elle a t mon h ro ne J tais lev e dans une famil LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 19 DOSSIER MAYLIS DE KERANGAL le anti communistes et elle c tait la fille de l autre c t du rideau de fer Je la sentais malheureuse et je r vais de la sauver J ai fait six mois de fixation importante rires Au point d crire plus tard une nouvelle Nadia et moi paru dans Nouvelles du Havre ditions des falaises 2002 La litt rature elle la d couvre r ellement en quatri me Ce sont les vacances de la Toussaint le souvenir est pr cis sa m re lui ach te Pot Bouille d mile Zola et l j ai l impression d arriver sur un continent Car si on lit beaucoup dans sa famille et qu on ac corde un grand respect au livre c est sans approche litt ra
73. acosmisme l incapacit se repr senter la r alit sous la forme d un monde ne le conduit pourtant pas au d sespoir une so litude bien remplie par la pratique conjointe de la lecture et de l criture le plaisir esth tique le d sir de certaines femmes Bien men le flirt est une ma eutique et surtout la lucidit peuvent encore rendre la vie vivable Thierry Cecille lections pi ge c Derri re l artifice de la sc ne politique qui tient les r nes du pouvoir Luciano Canfora nous convie un vivifiant voyage dans le temps u haut de la pyramide du pouvoir politique l uvre dans nos d mocraties vingt cinq si cles d un jeu de dupes bien rod nous contemplent Voil un des enseignements majeurs qu on peut tirer de la lecture du bref livre de Luciano Canfora n en 1942 grand connaisseur des civilisations grecque et romaine Philologue et historien Canfora puise l essence de sa r flexion dans la lecture des m moires des hommes d tat et des ou vrages des lettr s de l Antiquit philo sophes po tes historiens dramaturges distinctions d aujourd hui qui n ont gu re de sens ces poques Cet universitaire ne s est cependant pas enferm dans sa tour d ivoire de sp cialiste du pass Il a investi son savoir dans une observation critique de l poque contemporaine qui a galement nourri son engagement politique La Nature du pouvoir ina
74. ageaient La derni re fois qu elle m a rempli la vue dith apportait un plein carton de Biblioth que rose vendre Ma ni re de dire au libraire qu elle quittait l enfance J ouvre 10 heures le matin Les estafilades sanglantes taillad es dans le ciel ont disparu Voil une semaine qu il n est pass personne Pourquoi n ai je pas de photo Alors j imagine la t te qu elle ferait dessus c est comme si j en avais une Je repasse en boucle Jules Laforgue Puis rien ne saurait faire Que mon spleen ne chemine Sous les pluies insulaires Des petites pluies fines LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 31 ENTRETIEN MATHIAS ENARD Mathias Enard profite d un pisode historique dans la vie de Michel Ange pour miner les pr jug s concernant le Moyen Orient Avec gr ce et beaut Pun et l autre e contraste est saisissant entre Zone le pr c dent roman de Mathias Enard et Parle leur de batailles de rois et d l phants qui s appuie sur une langue d une pr cision d orf vres et avance par courts chapitres Nous sommes au XVI si cle l artiste Michel Ange vient de donner au monde son David Le pape Jules II lui a com mand son tombeau mais ne se presse pas pour subvenir au besoin du sculpteur Par r bellion celui ci accepte lin vitation du sultan Bajazet construire un pont Constan tinople un pont entre l Occident et l Orient que le grand Leonard n est pas parvenu r aliser
75. al partag e en cho limpos sible communication entre les tres la pr sence d un Eden Ferm pour travaux renvoie chacun son impuissance sa solitude ses r ves enfouis La quatri me de couverture annonce la parution avec ce recueil d une forme nouvelle et fascinante appel e stokus r duction des deux mots story et haikus Et l on se dit que oui cette premi re partie apporte une fra cheur une densit po tique captivantes et novatrices une for me tonnante Or la lecture et par le biais d une note sur la forme ins r e en milieu de re cueil il appara t que les stokus seraient les textes de la deuxi me partie de l ouvrage s rie de nou velles certes parfois puissamment po tiques Le Message L Enfer dor mais pour la plu part d entre elles sans qu on n y trouve rien qui les distingue d une forme classique Et l on reste perplexe Lucie Clair Roman fleuve Ravivant la m moire de l Ebre l crivain catalan J sus Moncada 1941 2005 pare la nostalgie de cr pusculaires clats sang et or aire le bonheur des citoyens malgr eux quoi de plus banal Spolier les gens de leur terre monnaie couran te Aujourd hui en Chine avec la construction de gigantesques retenues d eau Hier sous Franco par sa volont d irriguer et d assurer la production lec trique de l Espagne J sus Moncada traduct
76. anche jamais quels livres elle contient ni quels ouvrages Buch Mann l Homme Livre lit Le p re Frederich n a t il pas tu autre fois la guerre un soldat de sa propre arm e pour un simple regard Pour Lenz c est la preuve d une sup riorit re marquable sur la faiblesse de la compas sion Dans son m tier lui m me ce sen timent est une abomination Il sauve des vies manie le scalpel avec excellen ce extrait les cellules vicieuses ces fleurs noires Mais la raison ne se sa tisfait pas de ces exploits Sa main droi te celle qui sauve n est pas la main de Dieu et la main gauche celle qui tue n est pas la main du Diable Mainte nant Dieu et le Diable sont terre L id ologie aussi m me si la tentation de comparer Buchmann aux hommes bruns est grande jusqu la fin du livre Buchmann se place sur un plan tel que tuer ou prot ger deviennent des ac tions d gales valeurs Il veut la fin de l histoire de l alphabet Il veut tre le h raut d un syst me dont les lois ne s ap pliqueraient qu lui une morale qui ne serait ni celle du monde civilis ni celle du monde primitif Un jour il d couvre la politique et le Parti Sa fa on d en jouir l encore offre des possibilit s d anni hiler le temps Buchmann lu est aussi abject que Buchmann soignant Sauvage en tout il oublie que la maladie le rat trape Il meurt dans l illusion d une lu mi re
77. ants elle avait le don de se rendre invisible et suivait les clients sans qu ils s en aper oivent son petit nez entre leurs omoplates Elle craignait qu ils d robent des livres J avais beau lui expliquer que ces ouvrages ne co taient pas bien cher ne rapportaient gu re non plus et qu il y au rait une sorte de bon go t en voler certains elle persis tait monter la garde comme si les chalands et elle m me faisaient partie d un monde dont j tais moi le na f exclu Qui expliquera le myst re de la s ret de l assurance in branlable dont t moignent d j les petites filles lorsque des p res des grands p res se montrent encore leurs ges h sitants maladroits Je compris sa peur d tre spoli e un soir que sa m re et deux de ses tantes toutes les trois inqui tes vinrent la chercher Je les voyais par la fen tre demeurer sur le seuil sans oser le franchir en se tordant les mains Elles por taient de longues jupes volants respectivement jaune rose et verte Des gitanes Par ici d o l Espagne est proche ceux qu on appelle Roms se nomment gitans avec fiert et les gitans ne poss dent pas grand chose Un autre jour le grillon du foyer m avoue qu il feint de lire sur le canap de l arri re boutique et de n emporter des volumes que par amiti Le silence l inaction constate Edi th d tachent ses yeux de la ligne l am nent sauter un paragraphe
78. aptiste et attendre avec confiance le prochain livre Lucie Clair VINCENT BOREL BAPTISTE Points 504 pages 8 et ANTOINE ET ISABELLE Sabine Wespie ser diteur 496 pages 24 LE CHASSEUR DE JULIA LEIGH Traduit de l anglais Australie par Anthony Axerald Points 189 pages 6 ulia Leigh Australienne de 40 ans aux faux airs de Juliette Binoche pourrait dire qu il y a deux sortes de naturalistes ceux qui jamais ne sortent de leur labo et ceux plus baroudeurs dans l me qui suent sang et eau sur le terrain pour assouvir leur soif de d couverte Martin David est de ceux l qu une exp dition am ne au large de l Austra lie sur l le de Tasmanie pour une mission tout le moins sp ciale traquer l ultime Tigre de Tas manie esp ce mythique s il en est C est ici au dessus de la trou e bleue qui s pare l le du continent que tout commence Le propos de Ju lia Leigh donne comprendre la mentalit du chasseur en action quel tat d esprit Panime dans sa traque trange tat au vrai qui requiert pa tience obsession et plus important que tout peut tre d vouement Le probl me de Martin et c est l que le roman de Julia Leigh quitte le ter rain de la qu te naturaliste pour celui des rapports humains le probl me c est que son travail est comme parasit par ceux qui l accueillent dans leur maison la famille Armstrong une femme et deux enfants q
79. armes d un corps s il ne raconte l histoire de la t te qui l anime le narrateur d Avec Bastien consommateur anonyme de films por nographiques affabule le roman fami lial d un inconnu son penchant pour les gar ons disgracieux ses obsc nit s d licieuses Depuis son cran il imagi ne Bastien tant t en enfant sensible et d termin tant t en religieuse cornet te faisant pleuvoir des capotes et du gel comme une manne c leste Ou bien en core en b te sacrificielle oubli e sur l autel de l orgasme viril Il l imagine seulement tel Mathieu Riboulet ou tels nous lecteurs Voil s rement le tour de force de ce r cit initiatique d une beaut extatique convulsive dans le quel la pornographie n aspire qu ce qu elle a toujours t savoir n tre qu une criture du d sir vieille comme le Gr ce antique d faut du rapport fusionnel qu induisait l usage de la pr position initiale usage dont un cho tronqu ferait presque entendre un Ave Maria travesti Avec Bastien esquisse les traits d une fascinante personnifica tion du d sir Un d sir de l Autre qui est aussi surtout d sir d criture In fi ne Bastien ne marche t il pas dans la neige comme une phrase court sur une page blanche blanche comme l est lin saisissable Moby Dick J r me Goude AVEC BASTIEN DE MATHIEU RIBOULET Verdier 120 pages 13 80 EGO TANGO DE CAROLINE DE M
80. auto construction Je suis souvent sous influence J aime assez a Je me sens po reuse j ai une esp ce d empathie avec des livres des auteurs Chacun de mes livres a son cort ge d crivains Parfois a s en tend et parfois pas Par exemple La Joie spacieuse de Jean Louis Chr tien s entend beaucoup dans l id e que le corps filtre tout et qu on peut aborder les person nages dans des manifestations physiolo giques ou chor graphiques et a me per met tout un travail de captation a a a t important Il y a un moment o j ai r ussi sortir des t tes de la psychologie et n tre plus qu l ext rieur des personnages Parmi les p res tut laires Michon a t important Echenoz aussi Faulkner Mais parfois c est juste un livre le fleuve de Segalen in quip e ndlr Abraham de Brooklyn de Didier Decoin des textes d ethnologie Je ne dis pas que j cris vers eux ou pour eux mais ce sont des pr sences qui accompagnent mon travail Certains de mes personnages sont donc des personnages qui ont un r le de paternit ils donnent des cl s te lisent quelque chose te parlent te racontent des histoires Mais pour moi il s agit de sortir du surplomb de r cup rer de la lat ralit avec ces p res tut laires me retrouver galit avec eux ces auteurs ces livres Comme des jalons que vous vous donnez Oui et chaque livre vise atteindre un jalon pour passer au sui vant
81. autre Une revue huit auteurs aux d marches tr s picturales des limbes en partage D A L ANACOLUTHE N 13 105 pages 8 Le Roc du cavalier 12430 Ayss nes PO SIE Tombeau du vivant Avec t II Bernard Chambaz publie un livre somme o l inconsolable du fils disparu et l habitation encore possible d un monde se questionnent Sans cesse e deuxi me versant de t com mence la s quence 501 Pou verture du chant VI et s tire jusqu son dernier chant le dixi me et son ultime plan s quence le mille et uni me Soit un chant par an crit dans la premi re d cennie du si cle On pourrait s tonner de la contrainte temporelle et s interroger sur sa n cessit quoi on serait tent de r pondre qu elle n appartient qu son au teur que c est l le rapport cach sot rique du moteur de son criture par o commencer repartir la question ne se pose pas vraiment je repars du seul point possible toi petit m p cheur on repart ensemble l assaut du chant VI donc je recommence compter comme les enfants au cours d arithm tique je tannonce que nous en sommes d j au 4583 jour et autant de nuits et si vous en comptez les secondes et multipliez le tout vous avez une petite id e de tout le temps qu on peut passer penser lui Sans doute n y a t il aucune autre justification en de hors de ce d compte ce qu il d passe et
82. bient t l entra nent vers des contr es o pros p rent de beaux gar ons la musique et la danse Pour que des mots p n trent il faut qu elle les dise voix haute C est ainsi qu elle poursuit sa maman friande de romans policiers dans ses t ches m nag res d clamant du Ro bert Dailey Qu cela ne tienne Je lui fourre Henri Michaux dans les mains tandis que je polis le marbre du comptoir la p te flamande L enfant tonne de sa belle voix claire o perce une pointe de gascon Glas Glas Glas sur vous tous n ant sur les vivants Oui je crois en Dieu Certes il n en sait rien Foi semelle inusable pour qui n avance pas dith ne comprend rien mais elle est boulevers e mesure que la saison se consumait je perdais ma timidi t J avais t au d but avec l inexp rience un bouquiniste circonspect et muet J entrais pr sent dans la cat gorie fa mili re et bavarde si le client s y pr tait Nous finissions dans le jardin adjacent assis sur des chaises longues changer nos enthousiasmes en buvant des caf s En ce cas la petite gipsy enrag e de ne pas suivre d pass e par nos concordances tr pignait Deux ou trois fois elle est ve nue m annoncer que de nouveaux visiteurs arrivaient pei ne le temps de bouger qu ils taient repartis Les camps volants ne tiennent pas longtemps en place par d finition Il y a eu la rentr e des classes Ses parents d m n
83. ce des Blancs Manteaux Les 16 et 17 10 La Seyne sur Mer 83 F te du livre de th tre en collaboration avec la Biblioth que de th tre Armand Gatti avec lectures ric Durnez Sabine Tamisier St phanie Marchais et rencontres ditions Quartett th tre Apollinaire Du 05 au 07 11 Saint Priest 69 11 Salon du livre Petite dition Jeune illustration avec Mine dition Notari Betty Bone VU LA T L VISION FRAN OIS SALVAING omme la porte d un plateau de cin ma le rouge est mis pour signaler qu On tourne et qu interdite est l entr e ici une pancarte Instruction en cours Elle la place puis elle regagne son bureau et se penchant sur son sac main refait subrepticement son ma quillage C est une jeune magistrate depuis peu sortie de l cole qui entame une partie dont elle est tr s loin de me surer o elle va la mener Dans l un de ses derniers et rares entretiens Julien Gracq aurait d clar qu ses yeux entre les lignes de tou te uvre litt raire affleurait l ensemble de la litt rature mondiale Timoth e aime cette id e et pense qu on peut la d cliner linfini L image par exemple qu il se fait des ma gistrats est devant chaque nouvelle repr sentation mar qu e par toutes celles qui lont pr c d e notamment la t l vision Pour le meilleur et pour le pire Ainsi quand il entre dans le documentaire de Clarisse Feletin sur La
84. ce saturnienne de Melmoth de Maturin du Moine de Lewis ou des Nouvelles histoires extraordinaires d Edgar Allan Poe celle ci regorge d ouvrages d auteurs confidentiels La biblioth que m a attir dans la mesure o elle ma permis d approcher les auteurs et les th mes qui m importaient La bou limie de lectures aurait pu devenir maladive si un autre vertige ne m avait retenu les innombrables livres abandonn s jamais lus Certains rayonnages ne sont que s pulcres Que dire des langues mortes ou peu connues La biblioth que cache un ab me d ou blis Or mon amour physique du livre du papier des caract res des marges de la couverture le c t artisanal du livre me permit souvent d oublier cette disparition du contenu J allais dans les grandes biblioth ques comme la Vaticane ou la Marciana afin de caresser et de flairer des ouvrages introuvables alors que leurs textes m taient jamais interdits D o ma grande admiration pour les incunables du Talmud Gaston Bachelard Andr Breton l imprimeur d art Jo l Pic ton l crivain Fran ois Augi ras etc vous faites assez rapi dement des rencontres d cisives affirmez avoir eu des ma tres partout mais n avoir t le disciple de personne N y a t il pas l quelque paradoxe De telles rencontres mont appris devenir cet crivain que je m avais rencontr que dans les livres Chacun d entre eux m a of fert sans qu il le sache une part de cett
85. centaine de textes de format variable allant de quelques lignes plusieurs dizaines de pages de la Pologne l Australie de Moscou Am sterdam mais aussi dans les lacis des cartes de g ographie ou les entrailles de corps soumis la plastination ou conserv s dans quelque mus um d His toire naturelle ou autre Kunstkammer Cabinet de curiosit s Nous retrouvons ici l criture m ticu leuse et m taphorique en m me temps qui donnait aux R cits ultimes voir Lm da N 88 sa pr cision et sa transparen ce mais la construction rigoureuse du roman a laiss la place une sorte de li bert de mouvement d improvisation contr l e cependant que le th me ici exigeait Il lui faut en effet de dire Per rance la d prise les odyss es extraordi naires ou modestes des voyageurs la plupart du temps solitaires de plus en plus nombreux sur cette terre elle m me toujours en mouvement Ce slogan pour des t l phones portables lu par hasard dans l a roport de Moscou le dit bien v ritable oracle impromptu mobilnost stanovitsa realnostiu la mobilit devient une r alit Pour parvenir rendre cette mobilit il fallait inventer une forme aux frag ments autobiographiques succ dent donc des r cits biographiques ainsi propos de Philippe Verheyen qui d couvrit le tendon d Achille ou de Loui se la s ur de Chopin rapportant se cr tement le c ur de son fr re dans
86. ces de ceux qui vous dispensent de lire l article et bien s r le livre mais qui vous en disent beaucoup sur le dernier Nicolas Nantes DIRECTEUR DE PUBLICATION THIERRY GUICHARD R DACTEUR EN CHEF PHILIPPE SAVARY R DACTION SERGE AIROLDI AM LIE AMBLARD DOMINIQUE AUSSENAC RICHARD BLIN CHLO BRENDL LAURENCE CAZAUX THIERRY CECILLE LUCIE CLAIR CAMILLE DECISIER SOPHIE DELTIN DELPHINE DESCAVES ANTHONY DUFRAISSE RIC DUSSERT DIDIER GARCIA J R ME GOUDE THIERRY GUINHUT PASCAL JOURDANA MARTA KROL EMMANUEL LAUGIER JEAN LAURENTI YVES LE GALL BENOIT LEGEMBLE ETIENNE LETERRIER GILLES MAGNIONT FRANCK MANNONI VIRGINIE MAILLES VIARD LAURENT SANTI PHOTOGRAPHE OLIVIER ROLLER ILLUSTRATEUR YANN FASTIER IMPRESSION PRESSE PEOPLE 5 RUE J B CALVIGNAC 34680 BAILLARGUES COMMISSION PARITAIRE 0211 G 87593 ISSN 1241 7696 LE MATRICULE DES ANGES ASSOCIATION R GIE PAR LA LOI 1901 EST PUBLI AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DU LIVRE LE MATRICULE DES ANGES 2010 TOUS DROITS DE REPRODUCTION R SERV S LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 51 EI ZOOM Moins que bien Bret Easton Ellis signe un nouveau roman d pressif mais lair absent Suite s imp riale s fiction tique et pataude prolonge pour rien ses premi res amours orti en juin aux tats Unis Imperial Bedrooms s y est fait pas mal reinter Rien de tel chez nous la critique unani mement logieuse s accom
87. cette chambre tapiss e de livres Et l urgence pour Maylis de Kerangal se r sume alors en une in jonction capter le r el Quelle logique voyez vous dans la succession de vos livres en dix ans de publications Y en a t il une ou vos romans s crivent ils en autonomie compl te les uns par rapport aux autres Je crois qu il y a une logique mais qui est li e un chemin litt raire progressif chaque livre j ai l impression de me d lester d une certaine forme de conservatisme Chaque livre est plus mancip que le pr c dent par rapport aux codes narratifs J ai l impression ainsi d un arrachement point par point Mais en ce qui concerne les th mes il n y a pas vraiment de liens entre eux Il y a des invariants romanesques qui reviennent en termes de per sonnages ou de milieux mais les histoires apparaissent un peu comme a Toutefois la mani re avec laquelle je traite ces histoires ne pourrait pas suivre un autre ordre que celui suivi depuis dix ans Par exemple le fait que vous allongiez de plus en plus la phrase ou cette voix narrative omnisciente et myst rieuse qui intervient deux ou trois fois dans Naissance d un pont qui dit par exemple Car dipsomane il l est on le sait tous et depuis longtemps sans qu on sache qui parle Cette voix intervenait d j l dans Corniche Kennedy o il y a une ou deux incises du m me ordre C est quelque chose que j arrive m autoriser seulement
88. cha que et des choses inconnues et surtout innomm es Est ce pour tre contemporaine que vous utilisez beaucoup les onomatop es dans vos romans blablabla schlack toc toc Olivier Cadiot fait beaucoup a mais sur un autre registre Je le fais pour l effet euphonique et aussi pour l effet visuel sur la page a fait un grain du roman aussi On entend et la phrase ramasse un peu tout il y a le son et le geste Il s agit aussi de faire bruiter tout a et ce n est pas mal de brutali ser un peu la langue et de d sacraliser le texte a permet d avoir une d marche plus impure Vous avez particip l criture d ouvrages collectifs notam ment au sein des Incultes qui pr nent cette pratique collecti ve de l criture et Naissance d un pont est aussi l histoire d une aventure collective Quelle importance accordez vous l id e de collectif aujourd hui St phane Audeguy lors d un festival La Baule a eu cette phrase que je revendique compl tement un auteur c est toujours un col lectif a m int resse vraiment d une fa on plus th orique Il y a le fait d tre sous l influence de ce qu on a lu empathie qu on a avec les autres auteurs les autres uvres puisque nculte est une revue tr s ouverte Mais on sait bien aussi que tout lecteur r crit le texte Ce qui est tr s pr sent dans Naissance d un pont c est l id e qu on peut se recr er crire renvoie
89. color e comme le Mexique o s initie le r cit ce roman de formation nous emporte la crois e de plusieurs mondes monde int rieur de l crivain dont la vie nous est cont e mondes op pos s et compl mentaires de part et d autre de la fronti re am ricano mexicaine Lyrisme et ironie sont les armes d Harrison X Shepherd auteur de romans historiques consacr s aux Azt ques Son identit entre sa m re Salom venue des tats Unis et cet Enrique qui fr quente les barons du p trole va se construire dans les ann es trente pour se parfaire entre cole militaire et massacres de la grande d pression Washington voire se briser lorsqu il sera confront la Commission des activit s antiam ricaines Et comme il est de tra dition lorsque l ambition d crire son grand ro man am ricain taraude quelqu un qui 55 ans a d j publi huit livres chez nous traduits il s agit pour Barbara Kingsolver de prendre en charpe les grands mythes de l histoire du double continent Ainsi rencontre des peintres muralistes comme l impressionnant Rivera de la surr aliste Frida Kahlo de Trotski et son assassinat puis du mac carthysme dans un ensemble qui n est pas sans rappeler certains textes de Carlos Fuentes et de Mario Vargas Llosa Mais cette travers e du si cle est aussi une r flexion sur l criture biographique sa passion et ses difficult s travers l intervention r currente de la secr
90. cteur d y aller voir par lui m me Auk pl bon D G AUTRE PI TON DE L ON PAUL FARGUE Fata Morgana 48 pages 11 Vert Lane petite la conscience cologique est elle n e avec le romantisme Mais c est aux tats Unis que Thoreau publia en 1854 son c l bre Walden ou la vie dans les bois que les ditions Le Mot et le reste r ditent par ailleurs dans une nouvelle traduction de Brice Matthieussent Sait on qu il rendait ainsi hommage un court texte d un ami cher Dix ans plus t t Charles Lane avait en effet publi cet essai dans un journal transcendantaliste Ce v g talien libertaire r vait d une Union universelle et de famille associative H las cet anti esclavagiste se montra fort despotique dans la com munaut de Fruitlands qu il fonda avant d aller vivre en Angleterre une respectable existence victorienne Reste que son id al d quilibre entre civilisation et vie sauvage est une bien belle utopie quoique comme toutes les utopies elles doivent rester une libert pour quelques uns et non devenir une tyrannie pour tous Pour lui la vie de collectivit et de promiscuit est un ennemi digne d tre limin par un bras robuste arm d une hache Ce qui ne place gu re cet essai sous le signe de la tol rance m me si la pol mique est talentueuse Une cit commer ante raffin e ne vaut pas la nature sauvage Et l homme blanc ne vaut pas l indig
91. d nouer son chapeau p 24 Deux oncles Kerangal sont devenus aussi officiers dans la marine nationale quand du c t maternel on a pous des carri res de m decins dans la marine aussi On a dit imprimerie on a voqu l enseignement ajoutons que l arri re grand m re et la grand m re paternelles taquinaient toutes deux la muse la eule crivant des po mes sentimentaux La litt rature serait elle g n tique Jusqu en 1974 notre vie tait rythm e par l attente de notre p re qui partait plusieurs mois en mer Cela aussi figure d form dans son premier roman Les navires nous semblaient normes dans le port du Havre et comme je l cris dans le ciel de tra ne on allait chercher mon p re endimanch s l ar riv e du bateau Il nous saluait du pont l aut ma s attendait d tre le dernier des cendre terre Instants marquants on s en doute d autant que le capitaine avait pris enfants et un havre de paix une POUT MOI a r sonnait habitude de ramener des cadeaux des pays chambre de bonne au terme d un sixi me tage casse pattes non loin de la Place des dizaine de m tres carr s au dessus des toits comme si l horizon tait n cessaire monde et il n y aurait l criture Cette Parisienne est en r alit une Bre plus de pauvres tonne n e Toulon en 1967 et qui a v cu jusqu l ge adulte au Havre Toulon le Havre deux p
92. d pass la la mort soixantaine Elle est tr s grande tr s belle brillante vit avec Roman qu elle ne consid re que comme un fr re in cestueux Elle a connu des hommes qui se contentaient de la remplir alors qu elle attendait qu on l ass ch t Et ce corps qui appelle le d pliement et l ou verture elle va l offrir B lard dont Richard Blin B LARD ET LOISE DE JEAN GUERRESCHI Gallimard 432 pages 22 J r me Goude LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 29 CRITIQUE DOMAINE FRANCAIS Faux d part Avec Norfolk Fabrice Gabriel emm ne dans ses bagages Herg Nabokov et bien d autres d mons int rieurs Le lecteur lui reste quai out le monde peut se tromper lire un nigmatique Norfolk sur la couverture d un nouveau Fiction amp Cie collection qui nous a habitu s des voix et des re gistres si vari s on s attend ne pas tre d us du voyage Las l trange traver s e laquelle nous convie Fabrice Ga briel de France jusqu aux tats Unis et retour en un hommage appuy un album de Jo Zette et Jocko et aux m nes de son enfance nous laisse quelque peu perplexes Plantons le d cor au d but du roman L avion ronronna it bruyamment au des sus de l Atlantique des passagers avaient sur leurs yeux leur masque de tissu bleu ciel d autres regardaient sur le petit cran devant eux lun des films propos s pour la travers e Gill
93. d pit de son argent de son oie r tie et de sa salle manger petite Irlande Madame est folle de jalousie devant la beaut mince de Dilly et la chasse apr s lavoir fait ac cuser du vol d une bague Ensuite Dilly rencontre Gabriel et se met croire en lamour mais le fi anc se d robe et c est le retour en Irlande o un mariage suivra sans passion Tout cela El anora la propre fille de Dilly l ignore jeune femme pleine d aspirations sentimentales et intellectuelles auteur au parfum de scandale ayant fui son Irlande natale et sa m re elle passe en Angleterre des an n es boiteuses et sans gloire il faut lire l hilarant passage sur Brenda un postiche de cheveux na turels offert El anora par une voisine attention n e mais susceptible Dans l existence d El anora se succ dent un mari un amant diteur puis un Konrad un Siegfried A une g n ration d cart deux vies de femmes s coulent avec leur coupe am re faite de d senchantement et de d ceptions amoureuses alourdies par le catholicisme la ter reur du clapet de bois coulissant du confessionnal tir sur le visage mafflu du cur qui se profilait tra vers la grille sombre Quelle r elle complicit pos sible entre cette m re et sa fille malgr la fid lit des lettres maternelles et la mort qui approche Une certaine l chet filiale s est install e avec ses r ponses en forme de choses pittoresques
94. damentales dans ses essais Ar teinte la libert qui para t en m me temps ou dans des interviews mais aussi comme simple citoyenne devant les tribu naux elle a d pos une plainte contre le passeport biom trique et l empreinte digi tale Car dans un tat gagn par l obses sion s curitaire quelle est la valeur d une existence promise l absence de risque Fort d un bonheur sous contr le n est ce pas notre relation la vie qui s en trouvera it de fa on tout fait pernicieuse affec t e en nous emp chant tout simplement de vivre Quel est le sens de l humain dans quoi r side encore sa dignit quand en change de s curit il a sacrifi ses libert s Il y a beaucoup d incr dulit de pugnacit aussi sous la plume de Juli Zeh mais en prenant fait et cause pour la pr servation d une libert qui soit encore pour nous ca pacit de protester de faire des choix diffi ciles c est bien une forme de litt rature en gag e qu elle honore Sophie Deltin CORPUS DELICTI un proc s DE JULI ZEH Traduit de l allemand par Brigitte H bert et Jean Claude Colbus Actes Sud 240 pages 20 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 41 CRITIQUE DOMAINE TRANGER Fum es mystiques Roman de l inquisition et de la parole musel e L Affabulateur esquisse l itin raire tumultueux d un adolescent pers cut par l glise pour ses dons de conteur l o
95. de la belle plume de Ca ze vaut qu on s y penche Cette veine est du reste la raison qui le fit retenir par An dr Breton qui ne pouvait souffrir un Al phonse Daudet jug trop bourgeois Robert Caze l auteur des Hymnes la vie Tresse amp Stock 1886 aimait la vie en effet et Le Martyre d Annil qui fait le r cit de l mergence de l ennui dans le couple bour geois ou La Sortie d Ang le novella qui ser re la gorge et qui bouleverse en d crivant la vie pitoyable des pensionnaires de maisons closes en sont les parfaits t moins Outre qu il tait le p re d un futur cam brioleur et bagnard l instar de M cislas Golberg le drame de Robert Caze fut de s tre montr ombrageux sur la question de sa vie intime et sans doute aussi trop or gueilleux Le 17 octobre 1885 un articulet de F licien Champsaur mit le feu aux poudres via le suppl ment litt raire du Figa ro l auteur de Dinah Samuel 1882 S guier 1999 y d voilait malveillamment que Robert Caze vill giaturait Londres avec sa ma tresse apr s avoir ass n com me lavait assomm Maurice Barr s que ses crits le pla ait en simple imitateur de Huysmans Une rencontre des deux hommes au Caf Am ricain s effilocha en altercation durant laquelle Champ la carri re des lettres le d Soucieux saur donna de la canne son of signe la presse Co fonda e fens Puis le grand espoir litt raire teur de revues li
96. du sceau de l uvre litt raire dans ce qu elle peut avoir d inou e d indicible On peut plus facilement faire parler le rien La presse de plus en plus fonctionne comme le chien de Pavlov il suffit de lui don ner un nom pour la faire saliver Houellebecq donc mais Bret Easton Ellis aussi dont l uvre remarquable se serait pass e nous semble t il de son dernier opus faiblard et mou o la conjonction de coordination et la mise en sc ne du t l phone portable dans la vie moderne tiennent lieu de seules r ussites On pourrait s interroger sur la m diocrit de cette critique qui semble n crire que pour remplir des pages Mais passons puisqu il s agit de s enthousias mer et allons la source Aux livres donc Il semblerait mais le nez coll sur les ouvrages il est difficile de dessiner des perspectives que la litt rature hexagonale le roman du moins soit en train de s affranchir des chemins rebattus qui mena aient de l touffer Le r el est redevenu un territoire de chasse la fiction giboyeux en diable Est ce l h ritage d Internet Le roman se nourrit nouveau de tout ce qui exc de philosophie techniques sciences t moignages Histoire introspections explora tions L univers y grandit mesure que les m dias le r duisent comme s il fallait pour rendre habitable notre monde lui redonner un horizon plus large et plus lointain que celui que fait P cran plat de nos
97. e qui s oppose un c sarisme de droite avec L nine comme antith se poli tique de Mussolini L limination ventuel le des tyrans simple incarnation d une convergence d int r ts un moment donn de l histoire s av re donc vai ne voire contre productive ils ne sont que la partie vi sible d un difice qui lui res tera inchang Dans le mod le contempo rain tel qu il s est impos en Italie sous la f rule de l omnipotent Ber lusconi et se d cline ailleurs de fa on va guement plus subtile a merg un sujet consommateur arriviste frustr cherchant en vain imiter des mod les de vie inaccessibles qui finissent par constituer la totalit de ses aspirations Le pouvoir qui s exerce dans un tel contexte rev t une forme sublime et presque indestructible car il fait mine d offrir du r ve de la libert l o il s vertue priver les individus de leurs biens les plus pr cieux leur libre arbitre leur capacit de discernement leur parole Le tyran de l re m diatique n est plus seulement celui qui est capable de comprendre la r alit pour agir effi cacement sur elle il la manipule en livre cl en main une construction d sirable son peuple profond dont il fa onne ainsi l esprit et les aspirations Jean Laurenti LA NATURE DU POUVOIR DE LUCIANO CANFORA Traduit de l italien par G rard Marino Les Belles Lettres
98. e livres et pr c d s d entretiens avec leur auteur sont comme des vecteurs de chantiers venir de ric Arlix et son Le monde jou utilisant les question naires du management de fa ons gla antes et jouissives aux Lettres de non motivation de Julien Cr mieux en passant par les catalogues r investis de vente par correspondance de Claude Closky ou les infra perceptions de Thomas Clerc sur le XX arr de Paris Des champs o se r v le finale ment tout un cart presque schizophr nique entre les codes d une soci t son histoire et les conditions r inventer d une exp rience pour les sujets de sa communaut Emmanuel Laugier REVUE AH N 10 180 pages 19 ditions Cercle d art d autres comme moi m me n existent pas vraiment Tandis que C dric Demangeot s amuse avec un brin d inqui tude de certaines expressions Une saute de vent Un pendu tout pendu et sur sa fa on de donner son visage une forme de cul de faire le peu niais Philippe Longchamp dans ses Compressions concr tions et coulures recr e un langage aux images en brass es Au royaume des lu mi res tamis es qui friment tous les pollens l obs dent Je peux vous dire qu elle en a cueilli des montgol fi res et m me avant qu elles s ouvrent Enfin Pascale Petit conclut son Ne donne pas de r ponses par un feu d artifice est une r ponse vague comme des nuages qui vont l un vers l
99. e notre rencontre de ce ter me d arrachement dont on comprendra qu il d signe aussi une d livrance une mue Dans le Colorado la jeune maman donne des cours de fran ais nage beaucoup et crit donc ce premier ro man o je rassemblais pas mal de souvenirs familiaux a a t ex traordinaire pour moi d arriver au bout de ce manuscrit qui tait un peu copieux un peu excessif J assume ce livre avec tout ce qu il peut avoir de classique de conventionnel Aujourd hui je trouve fou qu il se soit trouv chez Verticales Elle rentre en France fait le guide de la France m di vale repart au Colorado d o elle envoie son manuscrit y compris Galli mard je re ois quelques signes encourageants mais pas plus nouveau en France elle prend la direction du documentaire pour la jeunesse tranche de 7 15 ans toujours chez Gallimard Les ditions Deno l envisagent de publier son manuscrit y renon cent et le transmettent un nouvel diteur Bernard Wallet qui vient de fonder Verticales et le prend Je m connaissais la litt ra ture contemporaine je ne savais rien des ditions Verticales ma s tout le monde me disait que c tait bien d tre dans son catalogue Elles avaient publi alors Claro Jauffret et Pag s Bernard Wallet me dit c est un bon manuscrit on en fera un bon livre Il me demande d enlever les trente premiers feuillets Le manuscrit est bien plus touf Ju que le livre C
100. e passage un niveau sup rieur Accompagn e depuis le d but par le m me diteur Verticales et rejointe en cours de partie par ses acolytes de la revue Znculte la romanci re semble avoir rev tu une tenue d exploratrice le territoire conqu rir tant celui d une litt rature propre appeler elle toutes les repr sentations possibles du r el On trouve dans son dernier opus cette mani re de rassembler autour d une fiction des morceaux h t rog nes du monde ce qui pour le moins donne une paisseur au roman C est peu ou prou la m me mani re uti lis e par Claro dans CosmoZ ou Arno Bertina dans Anima Motrix avec toutefois pour chacun d eux une singularit de voix Puisque Corniche Kennedy d roulait son action sur Marseille on pensait Maylis de le marxisme a t Kerangal phoc enne marcheuse en bord de mer elle habite Paris o elle se parta longtemps important ge entre l appartement familial quatre manci re qui en rupture de fian ailles fuyait la m tropole pour aller enseigner l anglais la Martinique Le Capitaine Tabasque avait rencontr H l ne alors qu il tait second capitaine sur le pa quebot Ville de Bordeaux Une jeune femme seule appuy e au bas tingage un large chapeau aux rubans de mousseline faseyant dans le vent regardait la mer d un air triste Le capitaine Tabasque qui pourtant n tait pas un romantique eut t t fait de la prendre dans ses bras et de
101. e pour la recherche Un r quisitoire contre la dictature de la pr vention des partenaires Les ci toyens ont beau avoir une puce plant e dans le bras l Etat traque sans rel che les ennemis int rieurs comme le groupuscule extr miste Droit la Ma ladie La jeune femme Mia Holl biologiste de son tat a toujours elle adh r ce cours des choses Jusqu au jour o branl e par le suicide de son fr re Moritz confondu par son ADN pour un viol qu il maura ces s de nier elle se retranche chez elle Per sonne ne peut comprendre ce que j endure Si j tais un chien j aboiera s contre moi m me pour m emp cher d approcher dit elle pour qu on la laisse en paix Sauf que ce faisant Mia se soustrait aux imp ra tifs de totale transparence se rendant chaque jour un peu plus suspecte en n gli geant puis en refusant de se soumettre aux contr les obligatoires D ailleurs en pleu rant la condamnation de son fr re qu elle croit innocent n est ce pas l infaillibilit du syst me tout entier qu elle met en doute Le doute comme maladie de Pesprit n est il pas davantage que le plus commun des ba cilles le virus le plus infectieux Avec Pir ruption de Heinrich Kramer un fanatique convaincu de La M thode le cas Mia Holl accus e bient t de d linquance sub versive va n cessairement devenir une af faire d Etat S quenc en de nombreux et courts chapitre
102. e r v lation intime qui morceau par morceau allait me construire Je me demandais si je serais digne non pas d crire mais de devenir un crivain ce qui me semblait tre le comble de l honneur et de l engagement N anmoins je me sentais libre et pour rien au monde je n aurais vraiment adh r quelque mouvement que ce soit m me pas au surr alisme D ailleurs Andr Breton ne my a pas invit et je lui AOLE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 suis reconnaissant Picton lui m apprit les r gles de l artisanat du livre et surtout m encouragea fr quenter l int riorit de ma conscience en veil Il se d fiait d Augi ras trop aventureux son go t mais c tait ce parfum d aventure que j aimais chez l auteur paien du Wicillard et l enfant Quant Bachelard ce fut lui qui ouvrit grande la porte de l imaginaire po tique Ma g n ration lui en sera redevable Jean Luc Moreau vous m me et des auteurs comme Hubert Haddad Fran ois Coupry Marc Petit vous vous r unissez sous la banni re Nouvelle Fiction contre le r alisme fran ais Ce d bat entre r el et fiction n tait il pas d j vieux comme H rode L art est par nature un d bat entre le r el qui est une fiction et la fiction qui est un r el La r alit n ayant pas t tr s aimable avec moi il me fallait en d busquer une autre C est peut tre dans mes dessins l encre de Chine que ce projet est le plus p
103. e y restera six ans pendant que Gilles lui devient packager ditorial dans une soci t qu il cr e Inso lencre La PAO n existait pas encore Mais r aliser des livres pour les autres ne suffit plus En 1990 ils cofondent une maison d dition Fort de France Pourquoi les Antilles Le hasard des rencontres J ai toujours t sensible ce rapport complexe des terri toires fran ais dans la Cara be Le rapport entre le centre et sa p ri ph rie explique cette lectrice de Frantz Fanon L exp rience fait long feu Sentiment d enfermement Manque de distance cri tique Nous devenions un bureau d enregistrement de ce qui se pu bliait sur l le Retour en m tropole et volont de s installer nulle part a sera La Roque d Anth ron terre d accueil des harkis non loin d Aix en Provence o Gilles Colleu enseigne de puis les m tiers du livre Nulle part sans ancrage pourrait tre la 14LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 devise de Vents d ailleurs Depuis onze ans enseigne publie de la litt rature des albums jeunesse des livres d arts des sciences humaines En direction des Sud et de bibliodiversit Rencontre sur les contreforts du Luberon Le catalogue litt raire de Vents d ailleurs a d marr avec Dezafi le grand uvre de Frank tienne publi en cr ole ha tien En quoi c est un livre manifeste pour vous Jutta Hepke Ce livre cit partout mais int
104. el de l interdit Vous crirez quand m me m a t il dit Par paraphrase je dirai que j crivis en effet califourchon sur une fosse en donnant de la consistance la mati re impalpable des r ves Jen ai saisi assez rapidement la na vet que je transfor mais en humour l humour tir quatre pingles par la douleur de mon Radjec Et il se peut que mes s jours Hano en pleine guerre en Chine ou Moscou et mon appartenance la franc ma onnerie firent partie de cet humour Dans mon errance j avais besoin de fr res Il se peut qu en crivant je voulais aussi cr er des liens afin de m arrimer quelque point fixe alors que certains de mes r cits m arrimaient mon insu la temp te Au chapitre premier de la partie intitul e Fils du vide chaque d tail se rapportant des souvenirs pr c dant ce fu neste v nement est introduit par un On m a dit que Est ce le signe que la m moire n est que le rappel que le pas s n existe pas De mon enfance je mai en effet gard que la m moire directe d un flash mes petits doigts qui tentent de retenir le crayon qui roule sous le parapet d un pont et tombe ternellement dans la Meuse Tout le reste n est que reconstitution mon p re me montrant le ciel l endroit o l appartement o je suis n a saut en m me temps que le pont en 1940 la photographie d une Ci tro n noire le portrait de ma grand m re
105. entes et vous laissent par fois sans voix Arriv s vers la cinquantaine plusieurs amis commencent s journer trop longtemps dans des hostos ou bien leurs parents meurent des gens proches Le grand glacier m attend aussi je le sais bien Il repr sente pour moi mon enfance la montagne et aussi la derni re semaine d ao t il y a d j un mois les balades qu on a faites autour les sentiers sous le soleil sous la pluie les cascades Rien voir avec les heures pass es la porte d Ivry dans les rues tout autour du Ch teau des Rentiers Ici m me les abeilles perdent le nord la f te des ven danges de la rue du Ch teau des Rentiers un apiculteur re trait qui a ses ruches sur son balcon rue Nationale est agac par les antennes des t l phones portables Les abeilles ne retrouvent pas les ruches elles tournicotent de ci de l et finissent souvent par crever cause de tous nos coups de fil qui les d sorientent Le miel de Paris est tr s bon on a plusieurs sortes de fleurs et d apr s l apicul teur il est aussi pur qu ailleurs sinon plus car les ou vri res canneraient aussit t si elles transportaient des pol lens pollu s Ce jour l victime de son bon c ur sa femme retrait e elle aussi a donn des gens du pain d pices pour pas cher mais ils en ont profit pour lui pi quer l enveloppe avec l argent du miel Alors bon Dans ma t te la nuit suivante j ai mis le grand glacier avec
106. entitaire sur eux ils sont saisis comme des forces des puissances Je trouve prodigieux de faire a et l cri vant je me dis que j ai trop attendu pour me d barrasser du mode classique du personnage Dans la deuxi me intrigue il n y a qua siment pas d histoire juste une tension J ai beaucoup travaill ce deuxi me texte l oral Dans ce d sir de dire quelque chose du r el vous usez parfois dans vos livres du mat riau autobiographique mais on a lim pression que l intrigue est l pour repousser l autobiographie ctiture en chantier e nouveau roman de Maylis de Ke rangal fonctionne comme l illustra tion de son art po tique Le maire de la ville de Coca cit imaginaire qui emprunte son d cor la Californie sa for t l Am rique latine et son climat au nord du continent revient d un voyage Duba avec le d sir de marquer sa cit de son empreinte Pour d senclaver Coca tout autant que dresser un nouveau paysage il d cide de construire au dessus du fleuve immense qui la s pare de la for t un pont dantesque un ouvrage d art comme il n en existe pas ou peu Pour ce faire des hommes et des femmes venus de tous les continents se rendent Coca dont l cono mie enti re semble se tourner vers le chan tier On en suit quelques uns qui d Alaska qui de France qui d Asie viennent ici com me un si cle et demi plus t t on venait chercher de l or Celui qui dirigera l en
107. er de ne pas tre consid r comme le grand crivain qu il a toujours t il se retire pour y fi nir sa vie dans sa maison du Colorado LIRE PARANO DANS LE BUNKER traduit de l am ricain par Philippe Delamare Fran oise Grassin et lawa Tate Giuliani Tristram 415 pages 24 DERNIER TANGO LAS VEGAS traduit par Philippe Delamare et Philippe Man uvre Tristram 456 pages 24 HUNTER S THOMPSON JOURNALISTE ET HORS LA LOI DE WILLIAM MCKEEN traduit par Jean Paul Mourlon Tristram 488 pages 24 extrait de Parano dans le bunker Il se coupe de Phumanit car elle le rend malheureux Il Pavait crit dans Las Vegas parano Celui qui se fait b te se d barrasse de la douleur d tre homme Auteur d une quinzaine de livres le docteur Thompson il s autoprocla mait docteur car il racontait qui vou lait bien l entendre avoir re u un doc torat d une obscure glise am ricaine passe ses derni res ann es en loup soli taire dans son domicile d Aspen o il se donne la mort en 2005 Iggy Pop le mythique chanteur des Stooges d cla rera Thompson a suivi la voie du sa moura Ultime pied de nez sa vie lors de ses fun railles ses cendres sont plac es dans un obus et tir es par un canon les armes taient l une de ses passions dans le jardin de sa maison Avant de se tirer une balle dans la t te Thompson laissera une lettre sa fem me Ani
108. er roman d crit le chemine ment des sentiments amoureux avec une pudeur teint e d humour par moments Toute la premi re moiti du livre est consacr e cela l installation de Pamour la rencontre des c urs la tentative d tre Punisson de l autre L autre versant du livre est bien plus escarp Autant la pre mi re partie est l g re autant la seconde se fait plus grave quand l amour ou ce qu on croyait tel se fragilise et quand les choses de la vie deux s effritent s effilochent Personne n est ma tre de son c ur aucun mousqueton ne peut retenir un amour qui flanche C est nous raconte M gnin la montagne qui a r uni ces deux l c est elle aussi qui les s parera Cette nature la fois hostile et hospitali re n est pas dans ce roman qu un d cor c est un personna ge part enti re un tiers qui s me la ziza nie Pierre est trop irr pressiblement attir par les hauteurs croire qu il esp re en chemin vers les cimes trouver quelque chose ou quelqu un Marion elle est obs d e par cet obstacle qui se dresse au milieu de leur couple Jean Philippe M gnin a fait le pari de la simplicit pour me ner bien c est dire mettre mal l his toire de ce couple qui d rive comme un morceau d tach de la banquise Les mon tagnards qui on le sait sont incollables sur les encordements go teront entre tous ce roman en forme de n ud coulant Anthony Duf
109. ercep tible Quant la Nouvelle Fiction on aurait pu tout aussi bien la nommer Nouvelle R alit mes yeux ces titres n ont aucune importance On ne raconte pas une r alit qui serait fausse mais on invente de l crit qui est en soi un r el La cr ation vivante ne cr e que du neuf Tricher la langue me semblait insuffisant C tait le r cit lui m me qu il fallait accuser non pas comme le faisaient les adeptes du Nouveau Roman mais en prolongeant l aventure surr aliste particuli rement en d structurant le temps La deuxi me partie de mon autobiographie est d ailleurs faite non par encha nement de pens es ou d images mais par glissement La restructuration de la m moire par le texte me para t tre un mensonge chronologique aussi fasciste que l horloge D o mon int r t pour le conte qui ne s embarrasse d aucune lin arit et d aucune vidence mon choix des r cits issus de la tradition chi noise que j ai abondamment trich s Pour r pondre votre question la Surfiction de mon vieux co pain Raymond Federman et la Nouvelle Fiction ne sont peut tre qu une fa on sensiblement diff rente de r p ter le Tout ce qui s crit est fiction de Mallarm L iconologie chr tienne l art m di val africain ou oc anique le go t de l rudition ma onnique le cin ma la sagesse chi noise et entre autres la direction de Cahiers de l Herne et de revues R fugi de nulle part fait
110. es celui qui avait la marque du d mon le maudit homme ou femme ou vieillard ou juif ou chr tien Le d nicher pouvait il tre difficile d s lors que partout on le montrait du doigt Qui cela Voyons ce lui qui justement sortait du lot Ici il est question de l odeur de chair br l e des cadavres Ailleurs du z le des autres dans la chasse aux sorci res Si l glise r gne de main de ma tre sur la communaut le roman se meut pro gressivement en un th tre o s oppo sent la scolastique religieuse obscurcie par les brumes de l herm tisme et la po sie du conteur Celle ci s impose comme la langue de restauration de la communaut spirituelle ainsi qu en at teste la sc ne o Ernest se voit accom pagn par une douzaine de camarades rencontr s sur les routes variation bo h mienne des ap tres entourant le Christ Le renversement final et la d li vrance du damoiseau captif par la pl be viendront conforter cette r surrection collective de l imaginaire Car comme l crit Wassermann il s agit de faire du r ve l horloge o lire l heure Beno t Legemble L AFFABULATEUR DE JAKOB WASSERMANN Traduit de l allemand par Dina Regnier Sikiric et Nathalie Eberhardt La Derni re goutte 170 p 17 UN AUTRE MONDE DE BARBARA KINGSOLVER Traduit de l anglais Etats Unis par Martine Aubert Rivages 672 pages 24 50 Gis une criture la fois touffue et fluide riche et
111. es l ments de r el qui se greffent autour du pont gr ve probl mes colo giques conomiques climat etc vous auriez pu crire plusieurs romans non Je me disais quand j crivais a a ferait un roman le froid les oiseaux le papillon lours dans l histoire de Soren des ro mans Et j avais l impression de griller plein de cartouches Cette histoire de meurtre avec un ours a renvoie au fait que l ours est proche de l homme qu il en est comme le gant retourn Je fais une petite digression souvent je me suis demand c est quoi tre contemporain Je voyais bien que je n tais pas compl tement contemporaine dans mon criture Il y a eu un moment o j ai commenc piger que le pr sent c tait des tas de tempo ralit s tiss es entre elles et dans ce n ud parfois bien serr il y a de l archa que et a a cr e des effets litt raires tr s importants comme quand tu as de la grossi ret ou au contraire quand tu utilises un mot tr s pr cieux dans une phrase plus famili re a cr e de la tension a cr e de la dissonance Alors qu avant je pen sais qu tre contemporain c tait crire aujourd hui Glamorama de Bret Easton Ellis c tait le comble du contemporain alors J aime beaucoup une phrase d Agamben qui dit le moderne et l archa que ont un rendez vous secret Je vois bien que dans l cheveau de tout ce qui tisse le contemporain il y a aussi de lar
112. es lui continuait de fixer la reproduction en noir et blanc du tableau de Gainsborough Il ne manque au ta bleau que le petit gar on qui lit un ou vrage sur la fondation de l histoire ro maine et le semi fant me de la s ur absente qui d livre travers le hublot des oracles difiants et terrifiants Tu vas vieillir Gilles Il s en faut de peu pour qu on n clate de rire Mais foin de mauvais esprit tr s vite nous sommes rassur s sur la puret l authenticit et la profondeur de cette odyss e int rieure que poursuit Gilles Guid par une carte l gu e par son oncle d funt repr sentant le tableau Blue Boy de Gainsborough et par quelques syllabes magiques Heller marque d une ma quette d avion qu affectionnait notre h ros enfant qui se m tamorphoseront tant t ang liquement en heller plus p le en allemand tant t diabo liquement en hell enfer en an glais et Norfolk laissons au poten tiel lecteur ou l amateur de dictionnaires bilingues le plaisir de d couvrir la ravissante polys mie du mot Gilles accomplira son destin merge 30LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 ront alors comme des lots vaguement anachroniques des sentences fatales et ultimes frapp es au coin du bon sens et de la r signation et qui sait peut tre perl es d une larme mont e en diamant Vieillir c est peut tre se r signer
113. es Havraises qui d couvrent le rock de Blondie la fin des ann es 70 et qui savent d coder d j le monde et ses mani res Et la narratrice de ce livre l est la m me qui trente ans plus tard crira Corniche Kennedy et sa chor gra phie des corps adolescents puis Naissance d un pont dont on se dit sa lecture qu il pr figure une uvre encore venir o la litt rature serait un oc an et les livres des continents Thierry Guichard LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 21 DOSSIER MAYLIS DE KERANGAL Venue la litt rature par la voie classique du roman intrigue Maylis de Kerangal s est d pouill e de livre en livre des codes traditionnels de la narration qui lui servaient de carcan rigide Pour contourner le d sir autobiographique mais surtout pour trouver une phrase capable de rassembler en elle tous les bruissements du monde Chemins de la libert ans la petite chambre de bonne o elle crit le lit sert de plan de travail s y talent des feuilles de papier ce qu on imagine tre de la documentation des livres Sur la table de travail le d sordre semble bien organis autour de l ordinateur Au dessus de lui scotch e au mur la citation manuscrite de Borges qui ouvre Naissance d un pont Mais tout comme les mers trament d obs curs changes Dans ce monde poreux il est tout aussi vrailD affirmer que chaque homme s est baign dans le Gange En r alit il
114. es de tout journaliste gonzo qui se respecte Tout au long de sa tumultueuse carri re d crivain et de journaliste et particu li rement dans ces chroniques Hunter S Thompson n a eu de cesse de tirer boulets rouges sang sur le sacrosaint r ve am ricain et sur le mythique American way of life le sport il ri diculise les courses hippiques dans Par ticle Le derby du Kentucky l un de ses plus c l bres la politique am ricai ne ou internationale comme dans La d mocratie meurt au P rou sans que personne verse une larme la litt ra ture le cin ma etc Tout y passe le journaliste hors la loi s av re tre sans piti quand il s agit de jouer au sniper avec la b tise humaine car bien enten du Dans un univers de voleurs le seul p ch d finitif est la stupidit Si la personnalit m me de Thompson an antit toute vell it de biographie ex haustive celle de William McKeen est tout de m me on ne peut plus compl te Les amis d enfance t moignent les compagnons de route galement lartis te Deborah Fuller l crivain Tom Cor coran Gerry Goldstein son avocat et ami et l on se sent un brin nostal gique de cet homme vif et en perp tuelle r volte On apprend norm ment sur lui du sale mioche insolent et fron deur qui terrorisait son quartier l homme fatigu et amer Fatigu de toute une vie se battre contre les m mes moulins vent am
115. es signent au contraire des mo ments de r volte ou de grand vertige qui alter nent avec des prises de conscience tr s claire C est de mort lente que meurt le possible in sensiblement il donne dans son contraire qui n est pas l impossible mais le r ve puis la r verie puis plus rien cet effacement correspond dans l intrigue la disparition de Lou jeune femme acoquin e un compagnon violent un fait divers qui alimente les discussions des noctambules Un drame pressenti qui aura une influence certaine sur la r flexion de la danseuse d senchant e Franck Mannoni Les rivages du conte Le cinqui me roman de Bachi confronte la qu te de libert et d aventures d un Sindbad moderne l agonie de son pays l Alg rie andis que dans Le Silence de Maho met Gallimard 2008 Salim Ba chi redonnait vie et humanit au fondateur de l islam cette fois l crivain alg rien n en 1971 nous entraf ne dans les tribulations de l un des h ros qui fondent notre litt rature et notre psy ch Sindbad le marin Chez l auteur du Chien d Ulysse 2001 de La Kah na 2003 et des Douze contes de minuit 2007 ce go t originel pour les mythes et l imaginaire de la culture gr co latine et orientale n est pourtant pas inoffensif D ailleurs derri re son rudition classique solide il y a davan tage encore ces creux ces interstices o chaque fois trouve s immiscer l inspiration de l
116. eur d Apollinaire Jules Verne et Boris Vian naquit Mequi nensa bourgade au confluent de l Ebre et du S gre qui fut d truite noy e par un barrage et reconstruite dans les ann es soixante dix Ce lieu presque un palimp seste hante son uvre cinq romans et cinq recueils de nouvelles S il est un des crivains catalans les plus traduits au mon de seuls Les Bateliers de l Ebre Seuil 1992 et Fr missante m moire Gallimard 2001 l ont t en fran ais Le premier dans la flamboyante version de Bernard Lesfargues vient d tre r dit sous un titre diff rent Le Testament de l Ebre Ce fleuve le plus puissant du pays a un statut particulier Sacr il a donn son nom aux Ib res ceux de la rive du fleu ve F d rateur il coupe tranversalement l Espagne N en Cantabrie pr s de oc an Atlantique il se divise en M diterran e par un delta du c t de Tortosa Il fut aussi le th tre de la derni re offensive r publicaine autorit s militaires et religieuses les visions se multiplient s opposent se r priment Enfin par un effet de tuilage narratif l vocation des v nements passe par le crible du temps des nouvelles id ologies ou des nouvelles tendances D s la premi re page la destruction du village est re in terpr t e Dans la m moire collective il le fut le 11 avril 1970 En r alit cela faisait d j treize ans que la destruction tait en marche L au
117. ez eux pour venir travailler et ce qu ils racontent leur femme c est quelque chose que tu peux crire partir de choses qui te sont racont es Il y a quelque chose d trange d s que tu te mets crire tout ce que tu vois lis entend se rapporte ton sujet Ce n est pas tant moi qui vais investir un sujet que des sujets des th mes des anecdotes qui vont me coloniser m influen cer m accrocher Je d couvre le livre de l ethno logue Daniel Everett l pisode des oiseaux me vient d un entretien que j ai eu avec un ing nieur de chez Vinci en 2005 etc Plus tu attends plus a coagule C est la part de jubilation de plaisir o tu es tout le temps au taquet Il n y a pas un nom qui n existe pas dans le livre Je ne pourrais pas inventer un nom Summer Diamantis par exemple c est un hommage l actrice Summer Ph nix qu on a vue dans Esther Kahn Arnaud Desplechin et Diamantis c est le propri taire du cin ma rue Saint Andr des Arts qui est le premier avoir proje t certains films importants Apr s c est s r il faut filtrer c est la grande part du boulot La phrase est l pour filtrer elle ne prend pas tout m me mes phrases qui sont parfois interminables rires J aime bien jouer sur la vitesse du texte La documentation se fait dans le moment m me de l criture tout se fait ensemble L criture rend vigilant attentif au monde ext rieur Bien s r et a c est g
118. fter proc de t il de m me mais c est chez Nietzsche Montaigne Proust et leurs semblables qu il va cueillir quelque maxime ou aphorisme C est autour de tels adages ou oracles ainsi de Chamfort La meilleure philosophie relativement au monde est d allier son gard le sarcasme de la gaiet avec l indulgence du m pris qu il construit cet essai m ditatif rapide mais plein de vigueur et d alacrit M lant des r flexions tant t person nelles tant t didactiques des pages plus narra tives certaines autobiographiques il nous propose une sorte de br viaire du pessimisme heureux En effet d une part il y a le grand nombre des pessi mistes malheureux que l inexistence du monde terrori se tant qu ils se convertissent l optimisme du salut et gobent les bluffs thiques d autre part il y a le petit nombre des pessimistes heureux qui eux volens nolens s accommodent du pire et prennent parfois le parti d en rire car ils ont ce sens de l insignifiance que l on appelle l humour Plus proche peut tre de Perros que de Cioran Schifter pr ne donc une sorte de dandysme souriant il contemple distan ce les indig nes du prosa que leurs folies path tiques leurs masques et leurs impostures et se r fugie dans l otium que pratiquaient les sages antiques mais sans l ambition d y trouver une ma trise de soi qui ne serait qu une illusion plus or gueilleuse encore Son
119. ges sont excessifs la langue est un peu excessive J ai neutralis tout a notamment la doc que j utilise finalement peu Il y en a mais pas tant Il y a eu des lectures tr s importantes celle de Joyce Carol Oates par exemple quand je lis Blonde je retrouve toute la vie de Marilyn dans laquelle Joyce Carol Oates investit tous les blancs pour y d velopper la fiction Moi la documentation me sert a Ne peut on pas lire Naissance d un pont comme si ce ro man tait une m taphore de la litt rature telle que vous linvestissez On creuse dans la verticalit pour faire les fondations d un pont qui va s taler entre deux paysages Pour moi le livre sa tension c est d arriver construire ce pont On sait qu il va l tre puisque le titre l annonce Mais il y a l pi sode des oiseaux qui interrompent le chantier puis la gr ve lat tentat etc J ai l impression d avoir au d triment d une intrigue compos le livre avec des l ments rapport s C est ce qui donne l impression que le roman fonctionne par clats lin aires comme une arche La fin est rapide Oui j ai une fa on de contourner la fin dans mes livres Une fa on de me d barrasser Dans Naissance d un pont je voulais mar r ter avant l inauguration du pont Je voulais finir sur le couple antagonique et embl matique Ils vont faire la premi re travers e ensemble et la fin ils finissent dans le fleuve Avec la phra
120. gique sur papier de couleur et envoy quelques grands noms de la litt rature Il enthousiasmera Gide qui l accueille ra et dont il est sans doute le dernier 12LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 amour Mais Gide meurt et c est tou jours l histoire du p re absent dit Jo l Vernet toujours une question de manque de vie trou e d absence de mu tisme de tr s grande col re Fils d chir comme Gauguin comme Rimbaud Augi ras puisera au m me besoin de transgression Il gardera des d linquants sera berger sur les hauts pla teaux alg riens peindra sur des murs de blockaus d saffect s s journera au mont Athos s initiant l art mill naire de la peinture d ic nes Son mariage sera un chec et d muni sans famille il vivra en hospice peignant dans le grenier des ic nes modernes enluminant d or et d ocre ses amours avant d lire pour dernier refuge une caverne flanc de fa laise rentrant dormir le soir hospice jusqu ce 13 d cembre 1971 o il mou rut 46 ans Ultime abri o fuir le monde odieux de l hospice et de ceux qui le montrent du doigt N tre rien c est tre suspect de tout et continuer crire au plus pr s de cette pens e primi tive qui tait la sienne Entrer dans la pierre et se mettre l coute des grands rythmes de l Univers divin c est une joie un appel et presque une drogue et une fa talit
121. houvache A gui Tout est dit aussi bien par la lyre de la femme aim e que dans les notes d un journal ras pro sa que objectal l exemple de ce moment qui n est ni un simple souve nir ni son r cit mais le travail en acte de la m moire son r citatif sec tra panilvoyez les thons sur les tals les bou teilles de vin cuit les petits tas de sellqui brillent comme les thons et les bouteilles et nos larmes si on songe qu trapaniltout finit Chez Bernard Chambaz les per ceptions deviennent presque des actes cern s et rendus brillance des thons du sel des larmes leur presque litt ralit Jusqu ce plus grand choselle participella haie d aub pines humides sur le bas c t L bas sorte de basse continue prendre que dans le parti cipe t Toute la grande force de ce livre sa grande sant aurait dit Deleuze tient aux lignes de fuite qu il cr e et aux de venirs qu elles ouvrent Au sein du po me lui m me dans sa forme la sobri t implacable mais aussi dans le mille feuille de m moires par lequel nous nous transformons t II y deve nant la travers e toute en apn e du champ de la litt rature g n rale c est dire de tout ce qui dans le langage fera monde devant se recommencer se re d ployer au participe pr sent ce verbe cheval disait Mandelstam pour et simplement l tre qui lui fut n est plus t est au de
122. i J aime tellement le mois de septembre Et vous a vous pla t J aime sentir dans la chaleur les premiers signes d apr s on en profite un peu pour se rappeler l t d j fi ni ce n est pas loin c est tout proche comme on l est d un endroit o on ne va pas souvent mais en fait ce n est pas grave car on ne l a jamais quitt Au bout d un certain nombre d ann es on n existe plus nulle part exactement Pourtant porte d Ivry tout a recommenc de plus belle Ils ont acc l r les travaux pour construire le tramway sur le boulevard des Mar chaux ils nous ont amen des gros morceaux de pont qui p sent des tonnes sur des esp ces de camions g ants de nuit On est plusieurs centaines de passagers du PC2 se demander comment a sera par ici a ne ressemble plus rien en attendant Ils ont gar d les piles de l ancien pont la porte de Vitry Et puis les gosses des voisins qui grandissent et en bas un type mains dans les poches attend en regardant la bo te lettres o son nom n est plus crit depuis l t Il est deve nu un de ces types qui se garent en double file et quand leur gosse descend les escaliers leur sourire a toute une histoire leur dire une autre ne pas raconter Ensuite c est dimanche soir Les engueulades dans les tages et parfois in the dead of night comment bien dire a en fran ais un petit rire d amants au quatri me tage je crois Parfois el
123. i Ellis repr sente nou veau ce monde comme un simulacre et un enfer indiff renci c est ici de mani re assez paresseuse les portables projettent une lu mi re hostile la chirurgie des riches d fait leur visage voil pour la mati re documen taire assez molle sont gliss s en fin de gens 52 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 je n ai jamais aim personne et j ai peur des i l course et sans n cessit l in vitable pisode snuff movie accompagn de son gros sexe qui tache et surtout en enfilant des sabots qui s entendent d assez loin Ainsi quand la derni re phrase des paragraphes vient r gu li rement donner la cl des notations qui pr c dent La tristesse elle est partout Le parking d sert est soudain glacial l atmo sph re tellement glaciale qu elle en devient scintillante etc Ainsi quand les lin a ments de descriptions se voient flanqu s d une l gende explicative la cuisi ne est futuriste et st rile tandis que la baie vitr e surplombant Los Angeles offre une vue qui confir me que vous tes bien plus seul que vous ne l imaginez une vue qui ins pire de fugaces pens es de suicide On songe avec regret la subtile retenue de Moins que z ro lorsque dans de poignantes rem mo rations la douleur de Clay expirait sourde ment plus rien d sormais qui sugg re ou qui murmure mais des sentences d un im perturbable s
124. iance qui regroupe 70 diteurs est une nouvelle for me de mondialisation bas e sur autre chose que le commerce et la finance Nous confrontons nos pratiques ditoriales Nous tra vaillons sur des projets communs C est un lieu o s expriment la pluralit des id es et le sens de la transmission Propos recueillis par Philippe Savary LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 15 CHOSES VUES DOMINIQUE FABRE Salut mon vieux ur la page d accueil de mon ordi mes m mes ont mis la photo du glacier qu on voit au dessus de Saint Gervais et des Contamines Montjoie tout au sommet Le ciel est satur de bleu on aper oit les plaques de glace on devine des crevasses et sur l autre versant les ar tes noires du rocher Un petit toit du monde a me fait bizarre de le voir presque chaque matin car on est vraiment tr s loin de ces endroits quand on vit la porte d lvry Ce glacier je l avais d j vu il y a un an en vacances et nos retrouvailles d ao t dernier j tais persuad qu il avait pris de embonpoint et qu il al lait sans doute encore grandir pour l an prochain mais en fait non Les autres gens dans le chalet ont unanimement constat qu il avait un peu r tr ci Mon vieux glacier T t le matin j ouvre donc les emails pour avoir des bonnes nouvelles et quoi qu il en soit lui et moi on se dit bonjour il me parle bien un peu quelquefois D ailleurs les nou velles ne sont pas toutes excell
125. ichel Ange l encontre de ses pr jug s est subjugu par le raffinement des musulmans la beaut de leur mosqu e ne r pondez vous pas une forme de x nophobie fran aise vis vis des musulmans et des Arabes Bien s r Pour moi c est un livre de plus dans mon parcours qui cherche surtout parler aujourd hui Ce pont a un c t symbo lique Quand j ai lu cette histoire dans la biographie de Michel Ange par Giorgi Vasari je me suis dit que c tait extraordinaire Michel Ange est le plus grand artiste de la tradition occidentale le nom qui repr sente presque l art europ en lui tout seul et on lui propose d aller construire un pont Constantinople a montre deux choses qu au XVI si cle le sultan d Istanbul pou vait accueillir sa cour des artistes comme Michel Ange et Leo nard de Vinci et que la ligne de faille qu on voudrait nous faire voir aujourd hui entre deux mondes n a pas lieu d tre C est un pur produit de l histoire id ologique des XIX et XX si cles L is lam nous est extraordinairement proche et il n y a pas de fron ti res Il y a des diff rences mais les diff rences ne conditionnent rien a priori Des diff rences comme on en trouve entre les pro testants et les catholiques ou comme on peut en trouver o l on veut Quand on oppose l Europe et l Orient on oublie que toute une partie de l Histoire de l Europe a t musulmane l Andalou sie les Balkans l
126. ides Les Lances rouill es est para tre aux ditions Passage du Nord Ouest en janvier 2011 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 43 CRITIQUE DOMAINE TRANGER Fleur noire Le Portugais Gon alo M Tavares dresse le troublant portrait d un homme obs d par la volont de puissance et de domination ttention cette potion am re Elle laisse des traces comme lacide sur le marbre Cette lec ture jette tout au b cher com me si ce qui tait tranger aux principes obsessionnels de Lenz Buchmann ne m ritait que l autodaf Elle plonge dans la vie radicale de ce chirurgien r put bient t politicien aux m thodes fas cistes bient t mourant bient t mort Quand Gon alo M Tavares situe t il son roman Difficile dire L impres sion s impose peu peu d un temps o le XXE si cle se gavait de ces fanatiques totalitaristes On voit bien Buchmann dans une Allemagne nazie s r de sa force S r d un syst me fait pour durer mille ans sous un soleil neuf une fois pass le cr puscule des vieilles id les Mais ce n est pas cela Tavares nous embarque ailleurs malgr les noms les situations que l on reconna t Avec une cadence qui arrache page apr s page l corce de Buchmann il dresse le por trait d un homme sans temps et d un temps sans lieu et ce livre au fond est le creuset d un drame o l individu cherchant sa position dans le mon de comme l indique le
127. ient collectif Tisser et d tisser mais c est tou jours le m me fil conclut Sofia l instar des la rs ces bateaux fond plat qui transportent les marchandises Monca da sillonne en d incessants allers et retours d amont en aval pr s de cent cinquante ans d Histoire du souvenir des exactions napol oniennes jusqu aux ann es soixante dix Plus philologue qu historien il redon ne vie toute l infrastructure conomique les m tiers petits et grands li s au fleuve et aux mines de charbon avoisinantes Il voque les innovations technologiques les classes sociales leurs rapports les luttes Chaque fait crues prosp rit crises gr ves guerres construction du barrage destruction du bourg r sonne de destins humains En m me temps il est confront aux diff rentes perceptions qu en ont les protagonistes Du man uvre l aristocra te du patron de mines aux bateliers ou aux pr vaut le r el y est souvent distordu et la v rit in croyable Ainsi le franquisme d cr tant qu un pont avait t construit un com mandant demande le traverser Il n exis tait que sur les cartes d tat major Le fantastique affleure maintes fois travers les fresques et portraits de l a de peintre lo cal qui traversent toutes les poques et continuent mouvoir interloquer La pelle dent e d une machine frappa la base du mur le cr ne tomba sur un fragment de cloi son de
128. il son dessaisissement au pr texte des moyens in suffisants dont disposerait face l ampleur de l affaire le tribunal d Albertville Mesure rarissime contre laquelle plus rare encore elle va oser se pourvoir en cassation Tout cela sans v h mence ni pose h ro que H l ne Ger hards Last ra est simplement d termin e tablir c est son r le la v rit Et quand elle bouclera son dossier 3 600 pi ces cot es ce ne sera la satisfaction de person ne Oui on a laiss fonctionner une usine gravement pol luante Non aucun lien n a pu scientifiquement tre nou entre ce dysfonctionnement et le taux anormal de patholo gies canc reuses tr s diverses Quelques jours plus tard apr s la diffusion de La Juge et les dioxines Claude Chabrol casse sa pipe Le soir m me une cha ne repasse Timoth e l aurait pari le d marquage qu il a tourn de l affaire Elf o sous le nom railleur de Jeanne Charmant Killman Isabelle Huppert interpr te comme on vitriole une magistrate devenue c l bre Mme Eva Joly le revoir plus sarkozyste tu meurs estime Tim Les fonction naires qui tentent d appliquer aux puissants la loi commune y sont accus s d prouver c est le titre L Ivresse du pou voir Juge d instruction Que la b te meure pour reprendre un autre titre du disparu et la volont pr sidentielle Les m andres de l affaire des dioxines et de la d marche de la jeune magistrate d
129. ilence l abattement ab solu lui qui avait jusque l connu les pires enfers du XX si cle Le sixi me roman de J r me Ferrari apr s le tr s r ussi Un dieu un animal reprend cet te mani re de donner la fiction mati re penser Ontologique le questionnement mis au jour ici est port par une langue majestueuse aristocratique presque comme devait l tre celle d une certaine cat gorie d officiers Si l enfer du capitaine Degor ce s entend ais ment il est troublant de constater que l intransigeance brutale du lieutenant Andrea ni peut tout aussi bien recueillir notre assentiment Ce n est pas l la moindre force de ce roman dont la puissance n a d gale que la beaut T G OU J AI LAISS MON AME DE JEROME FERRARI Actes Sud 153 pages 17 LA VOIE MARION PE LENN PMILIPPE MEGNIN Le Dilettante 158 pages 15 Chamonix il n y a pas que des moni teurs de ski et des touristes tartin s de cr me solaire Il y a aussi des libraires Pre nez Marion elle a quitt Annecy pour ou vrir Chamonix la librairie de ses r ves Son m tier n est pas risqu rien voir avec celui de Pierre sa moiti guide de haute montagne aux grands yeux bleu gla cier Lui accompagne les marcheurs travers les pics rocailleux elle oriente ai guille ses clients entre les piles de livres Entre ces deux l tout n est pas imm dia tement vident Jean Philippe M gnin dans ce premi
130. iolente de l establishment politique ha tien Ou encore de Ma dagascar 1947 de Jean Luc Raharimanana qui a d bloqu la pa role de ceux qui ont particip au soul vement D ailleurs une pi ce de th tre fut adapt e de ce livre mont e par Thierry Bedard Antananarivo Elle devait tourner dans l oc an Indien Mais fut interdite le Quai d Orsay l ayant jug e trop sensible Comment voyez vous l avenir de l dition G C Il y a un constat Le livre devient un objet conomique consomm rapidement interchangeable Les grands groupes misent sur la masse Ce qui ne fonctionne pas n a plus d existence Les livres invendus sont ainsi pilonn s plut t que stock s car c est moins cher L important ce n est plus les comp tences mais le prix Il s agit de d gager les meilleurs profits Une grande partie de ce qui relevait des domaines intellectuels et techniques s est d pla c e vers des sph res commerciales Le poste fabrication repr sentait il y a vingt ans 20 du prix d un livre Maintenant c est 10 Un livre tr s bien corrig ce n est plus important on pr f re im primer de la litt rature g n rale sur des machines d volues au poche etc Puisque les ouvrages ne sont pas faits pour durer L Alliance internationale des diteurs ind pendants dont vous tes membres serait une r ponse cette d rive J H C est un grain de sable mais essentiel pour nous G C L All
131. ipel de textes Les diteurs qui se sont comme associ s l occasion de cette rentr e disent vouloir ainsi rendre homma ge celui qu ils appellent l auteurs tentons disent ils ce mot pour restituer la sp cificit de ce qui est en jeu Nous n avons pas affaire en effet un simple jeu sur les pseudonymes ou l h t ronymie telle qu elle fut pratiqu e par Pessoa La pluralit des voix invent es par Volodine est au c ur Cr er de la th matique m me de l uvre elle est un l ment cl du dispositif narratif Nous sommes dans un monde d apr s quelque autre part dans les d cennies ou les si cles ve nir devant nos yeux s agitent des hommes et des femmes d faits r volt s et mis rables qui s acharn rent lutter contre les puissants mais que les guerres les exils ou les emprisonnements la torture ou la folie ont puis s Cependant ils tentent de r sis ter de survivre encore et pour cela nombre d entre eux racontent chantent psalmodient des bribes d histoires de des tins Ces crivains diff rents et celui qui s appelle Volodine ne serait que l un d entre eux sont les voix d un r cit collec tif d une m moire partag e les membres d un ch ur qui s en tient ce principe Pour nous la figure de l crivain est celle d un d guenill inconnu en train de mourir Pour nous la figure de l crivain est celle d un insane
132. ire On n tait pas tr s attentif la langue du moment que l histoire tait bien racont e J entre dans la litt rature par le naturalisme J ai tant aim a Elle lit donc Zola puis l cole o on est abreuv de bons livres Flaubert Balzac Je suis p trie d une culture scolai re mais je me d gotte seule un auteur Fitzgerald que je d couvre dans une librairie qui ouvre alors ses portes La Galerne Cette librai rie a chang le paysage havrais Elle crit alors comme beaucoup de mauvais po mes sentimentaux des textes de chansons ridicules Vraiment rien d int ressant La terminale lui fait faire un d tour par la philosophie gr ce un profes seur g nial G rard Bras M me une fois le bac en poche tudiante Paris j allais parfois assister le samedi au Havre un de ses cours L enseignant deviendra d ailleurs directeur du col l ge international de philosophie et enseigne aujourd hui en kh gne I a beaucoup travaill ces derniers temps sur la notion de peuple Ses tudes elle les fera en hypokh gne et kh gne au lyc e Condorcet Paris je re ois l lectrochoc des lectures critiques Ge nette Barthes Je d couvre ce qu est la litt rature qu il y a des enjeux crire de telle ou telle mani re Que le livre est un prisme par lequel tu fais une captation du monde a a t un choc l entendre sa classe est tr s forte et elle beaucou
133. is en Alle magne Heureusement le livre est assez vaste pour pouvoir tou jours en parler d une mani re diff rente Maintenant a va Il y a un an je ne vous aurais pas dit la m me chose J tais crev j en avais marre J avais l impression d tre compl tement d shumani s au profit de l auteur de Zone Je n tais plus Mathias Enard mais l auteur de Zone Mais c est la ran on du succ s C tait tel lement impr vu et improbable Je l ai v cu aussi comme un en chantement toujours incroyable Propos recueillis par Thierry Guichard PARLE LEUR DE BATAILLES DE ROIS ET D L PHANTS DE MATHIAS ENARD Actes Sud 153 pages 17 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 33 CRITIQUE DOMAINE FRAN AIS Chemin des fl ches En partant au Japon pour d payser sa pens e et s initier au tir l arc c est un voyage au fond de soi m me qu a entrepris Vincent Eggericx est pour fuir le pathos occi dental et une France o il sentait monter empaquet e dans un papier bulle de bons sentiments une forme insupportable de haine et de politiquement correct que Vincent Eggericx est parti pour le Japon Laur at de la Villa Kujoyama l quivalent japonais de la Villa M di cis il s installe Ky to avec l espoir d y trouver une nouvelle mani re de respi rer aussi bien que d crire D j auteur bient t 40 ans de trois ouvrages L H tel de la M duse Le Village des idio
134. jda Abord de la mort FLAMMARION e Collectif Caf society Bernard Chambaz Et 2 FoLIo e Vincent Delecroix Petit loge de l ironie Paul Bowles L Education de Malika e Paul Verlaine L Obsesseur pr c d de L Obsesseur 02 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 Jules Verne Z fle myst rieuse Erasme Eloge de la folie et autres crits FONDEURS DE BRIQUES Manuel Aguirre Une Balle dans le front GALIL E e H l ne Cixous Double oubli de l Orang outang e Yves Bonnefoy Le Lieu d herbes e Yves Bonnefoy Raturer outre GALLIMARD e Laurence Plazenet Disproportion de l homme Herta M ller La Bascule du souffle Marcel Cohen Faits 3 suite et fin e Philip Roth ndignation e Franz Kafka Les Aphorismes de Zurau Jorge Luis Borges La Proximit de la mer e Yves Pag s Les C line fictions du politique e Collectif Les Bonnes nouvelles de l Am rique Latine e Antoine Bello Enqu te sur la disparition d Emilie Brunet e Maurice Blanchot La Condition critique e Valentin Retz Double Bernard Manciet L Enterrement Sabres e Herberto Helder Le Po me continu 1961 2008 HORRIPEAUX Edgar Allan P La Chute de la Maison Usher et CD IMPRESSIONS NOUVELLES Jean Marie Apostolid s Dans la peau de Tintin Paul Andreu Les Eaux dormantes KIM e Andr Hirt Baudelaire le monde va nir e Philippe Chardin Originalit s proustiennes LANSKINE Jacques Estager Je ne suis plus l absente e Nathalie Riera Puisque beaut i
135. l horloge ENTRETIEN FR D RICK TRISTAN En crivant les textes attribu s Danielle Sarr ra j ignorais que je mettais en uvre un dispositif de cr ation reposant sur le fait que chaque personnage crivant poss de son criture propre J ai ex pliqu pour quelle raison objective il me fallait dissocier le Tris tan de l criture du Baron de l industrie Quant Salvat c est sans doute le profes seur que j aurais aim tre et que je finis par tre l Institut des Carri res artis tiques de Paris J ai souvent soutenu que je n tais qu un artis te Salvat est lintel lectuel que je suis et qui s exprime de temps en temps avec hu mour En fait le Nom contient en lui m me tout le r cit venir Fr d rick Tristan est le nom d un conteur J ignore comment il s est impos moi En 1948 je me suis retrouv avec ce nom l au dessus d un titre J aurais mieux fait d en choisir un autre mais apr s tout on ne choisit pas son nom Et puis tout est pseudonyme L univers n a pas de nom Son histoire est anony me C est nous qui le nommons Et a lui fait une belle jambe Sans nom il n est pas de langage pas de regard pas de r cit Le Nom est au c ur du paradoxe de l tre qui n existe qu en surfant sur le non tre la page 45 de R fugi de nulle part vous crivez ceci que tr s t t la biblioth que est devenue votre v ritable m re Au del de la pr sen
136. l y a L O SCHEER Alain Nadaud La Plage des demoiselles LIANA LEVI Simon Wiesenthal Tom Segev LIBERTALIA e Marcus Rediker Les For ats de la Mer Marins marchands et pirates S bastien Fontenelle M me pas dr le MILLE ET UNE NUITS e Alix Lemel Les 200 clitoris de Marie Bonaparte Jean Duperray Quand Simone Weil passa chez nous MINUIT DITIONS DE e Eug ne Savitzkaya Marin mon c ur Georges Didi Huberman Remontages du temps subi L il de l histoire vol 2 e Pierre Bayard t si les uvres changeaient d auteur MOT ET LE RESTE LE Henry David Thoreau Walden MUSARDINE LA e ric Jourdan Portrait d un jeune seigneur en dieu des moissons NIZET e Robert Baudry Henri Bosco et la tradition du merveilleux NOVINY 44 e Aline Baldinger Histoires du commencement du monde Nadine Bellanger Le Serein malgr lui Nathalie Kuperman Hannah ou l instant mort OLIVIER L Manuela Dr ger Onze r ves de suie PART COMMUNE LA e Jean Pierre Le Dantec Journal de l Estran Ile Grande PERS E Philippe Despeysses Carnets de l instant PETITS MATINS Ida B rjel Sonde Bernard Collin Vingt deux lignes cahier 100 PH BUS e Mich l Bracewell Divines amours PHILIPPE REY e Joyce Carol Oates Petite s ur mon amour Dominique Fernandez Russies POINTS SEUIL e Vincent Message Les Veilleurs Bernard Quiriny Contes carnivores Thomas Pynchon L Arc en ciel de la gravit ric Holder Bella ciao Jay McInerney
137. la monstruosit dixit Miyazaki Voir cette grosse boule de fourrure vaguement ours sur laquelle une gamine vient sauter pieds joints mais qui se d couvre d abord par ses griffes et un trange b illement au trement dit Mon voisin Totoro 1988 premier dessin anim de Miyazaki conqu rir une large audience par chez nous D autres suivront et la cons cration des prix et le Japon qui ne cesse de f ter son auteur Le Voyage de Chihiro 2001 l bas plus grand succ s de cin ma Il semble donc l gitime d tudier les formes de la narration miyazakienne en r sumant par le d tail les productions prot iformes longs m trages s ries t l vis es mangas r cit illustr et en ouvrant grand l ventail des th mes Evidemment lexhaustivit risque d assommer d faut que com pense ici une grande modestie de ton et un certain talent d gager lair de rien les enjeux principaux d une cr ation son inscription dans l conomie comment le r alisateur a conquis sa libert de ma n uvre dans le paysage industriel ses liens avec cer tains modes de pens e nippons pr sence tr s forte du monde des esprits rapport anxieux aux fronti res ou avec l Histoire quoique se d ploient des mondes magiques ceux l sont lest s des so ci t s pass es et pr sentes un per sonnage d affreux poupon peut illus trer l absolue b ti se des m res japo naises qui cherchent t
138. la p leur des comparaisons Tout tombe plat la tristesse comme les tentatives d humour Un Vila Matas ou un Paul Auster en auraient fait une variation sur New York mais le s jour New York n est qu un pr texte une po sie fade des saisons un Vila Matas ou un Paul Auster auraient compos une fugue sur le deuil et ses mises en abyme mais l vocation des disparus ne laisse dans Norfolk qu une empreinte factice Subsiste du r cit une aquarelle d lav e polic e sans l clat subtil de ses mod les picturaux et litt raires Wat teau ou Nerval pour ne citer qu eux Norfolk s effiloche verbeux ou plut t adjectiveux On peut relever les ca ract risations absurdes du personnage coquet ma s fluide V enfant jaune lisant un vre jauni Fabrice Gabriel d ploie une criture artiste avec des litanies d imparfait des raffinements de subjonctifs des questions rh toriques des phrases qui se tra nent presque un pastiche inavou de Proust dont on ne sait s il faut le prendre au s rieux ou en sourire Comptine aga ante maill e d angli cismes et de pr ciosit s o la cime r sonne avec le somme la ville avec la fille le deuil avec le seuil o il n est presque pas une phrase qui ne rings a bell et ne cli gnote comme une enseigne attention clin d il Le chat s appelle Pnine le grand p re Pump
139. le crie Sur le petit balcon la cuisine le rosier p te la forme Il n arr te pas de fleurir Le soir pris d une fr n sie artis tique mon fiston en blouse blanche et masqu peint la bombe des portraits de gens connus et aussi des inven t s Souvent les gens qui sortent de Paris klaxonnent au feu rouge C est m me la premi re fois que je vois des boueurs manquer se faire taper dessus par un abruti trop press Puis le temps passe encore Je vais aller dormir bient t Rejoindre le vieux glacier Je peux vous emmener aussi si vous voulez J essaie et je vous dirai si a marche bient t TEXTES amp IMAGES Vertiges du porc Par la gr ce d un travail d dition clair nouvelle naissance d un roman fleuve High society ou l art d mesur de Dave Sim en son presque commencement orsqu il parle de lui c est la troi si me personne Par exemple Cerebus n a rien contre l ambition Tant que a n emp che pas Cerebus de boire Cerebus est un oryct rope c est dire un mammif re d Afrique quelque part de laid entre le cochon et le fourmilier mais son cr ateur ne s est pas astreint trop d exactitude zoologique en le figurant ce qui permet du reste de le qualifier diversement porc terreux lapin d mesur o Junior au gr des v nements qui sont ici nombreux Pr c demment au service de Lord Julius ma tre de Palnu Junior r side d s
140. lleurs non pas sur une bataille authentique de la guerre d Espagne mais sur un Les Lances rouill es de Juan Benet pat Claude Murcia r cit de Clausewitz Un ancien colonel de l arm e fran aise m a g n reusement pr t son aide ainsi qu un ami g ographe que je mets contribution depuis mes d buts de traductrice Cr ations lexicales partir de l anglais par exemple usages d tourn s archa smes sont autant de petits obstacles sur le chemin du traducteur mais pour moi la difficult essentielle du texte b n tien r side la fois dans la complexit de la pens e et dans celle de l criture caract ristique qui lui vaut la r putation d crivain diffici le voire herm tique Benet a toujours affich sa m fiance envers la pens e rationnelle et explicative qui selon lui te au monde son myst re la fausse clart il pr f re la p nombre et assigne la litt rature la fonction de conserver les nombreuses nigmes de la nature de la soci t de l homme ou de l histoire dans leur insondable obscurit Les en trelacs d une pens e tour tour ou dans le m me temps analo gique digressive dense non convenue sont parfois malais s c est un euph misme d m ler D autant que cette pens e prend bien souvent la forme d une phrase prolif rante et labyrinthique forte ment hypotaxique o abondent les incises les ajouts les correc tions les c
141. lm Phantom of the paradise et les disques de Supertramp ou de Genesis Celle de lex obs d des cheveux qui vit d sormais dans l insouciance du pr sent Le roman ne ces se d ouvrir de nouvelles pistes o souvent ce qui forge l me argentine tient une grande part se mat rialisant dans le mod le impeccable de coiffure la Carlos Gar del dans le b timent de l cole sup rieure de M canique de la Marine militaire ex th tre de l horreur ou dans l affection particuli re que les personnages prouvent pour une bouteille de whisky national Ye Monks Histoire des cheveux est une chronique des ann es de plomb et de sang vu travers les cheveux au ton la fois parodique et im pertinent On ne voit que C sar Aira autre crivain argentin pour oser pousser aussi loin une proposition de d part un peu loufoque mais somme toute cr dible jusqu aux limites de lin vraisemblable Comme lui Pauls entra ne le r cit dans des p rip ties provoqu es aussi bien par les cons voquer une succession AU ton quences de sa propre logique que d v nements inattendus di par des digressions qui cr ent autant Son chien le mord au Paro ique de potentialit s narratives Par des sang sa femme le quitte Celso lui m me dispara t myst rieuse ment Et voil que resurgit Monti qu il persiste appeler son ami d enfance alors qu il le conna t si peu et qu il n a rien r torquer son verbiage e
142. n terme bouddhiste comprendre comme un genre d apo rie appelant une m ditation sans fin Bref ici on retiendra surtout les pa piers de Michel Cass et Val rie Mi rarchi sans doute les plus pertinents dans un ensemble qui flirte un peu trop peut tre avec la tautologie Lo gique quand on sait que le signe de l infini se mord la queue K AN N 1 106 pages 12 oliennes 9 descente des Chartreux 20200 Bastia L feu Un animal sans corps une me donc Mais une me atroce ment excessivement mat rielle sou ligne Alain Cugno dans dito de Thauma La revue de philosophie et de po sie dirig e par Isabelle Raviolo se joue des paradoxes et aime confronter le volatil et le tangible Ainsi les pr c dents num ros vo quaient le corps l ros l eau la joie de mani re anthologique Ici plus d une centaine de t moignages du monde entier un norme brasier de po mes de textes philosophiques sacr s ou re ligieux De Mandelstam en passant par Emily Dickinson Sapho Ma tre Eckhart Nietzsche ou Kiekegaard M me si tu as froid Ne te chauffe pas au feu Bonhomme de neige S kan THAUMA N 7 480 pages 20 Les Argo nautes 28 rue Beaubourg 75003 Paris A D amp D A 10LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 The bel aujourd hui ieille dame centenaire la revue de l Universi t de Bruxelles pluri disciplinaire et voyageuse me me rebaptis e Re
143. nc plus rien perdre et son irr conciliation intransigeante d ploie des accents de hai ne de soi On reste songeur et d autant plus bouscul quand on r alise qu un tel livre a t crit par un jeune auteur n en 1975 Sophie Deltin L ANACHRONIQUE RIC HOLDER Octobre est rouge comme la neige est blanche ctobre mois des matins rouges Octobre rouge En 1917 l aube du 24 la Garde de m me couleur compos e d ouvriers en armes occupe les ponts les gares les imprimeries les postes t l graphiques Le lendemain Saint P tersbourg les r vo lutionnaires montent l assaut du palais d Hiver canonn par le croiseur Aurora l aube Aurora assaut du palais d Hiver pourquoi de tels v nements s incrustent ils dans les m moires sinon qu ils doublent qu ils prolon gent notre insu la po sie li e en nous chaque saison Si le soleil dure et la douceur avec aux alentours du 9 on voquera l t de la Saint Denis l t indien depuis Am rique du Nord celui des sauvages au Canada Utili se t on aussi le terme de peaux rouges l bas Ici les vignes deviendront pourpres la vendange achev e cinabre P pine vinette op ra le liquidambar Marlboro l amanite tue mouches D j dans la for t des braises couvent Sur les chemins on croit entendre des pas derri re soi personne Une branche qui c de une ch taigne
144. ne exposi tion r trospective des conf rences et des rencontres la contrainte c est le mercredi des projections Trois questions B n dicte Gornouvel chef du projet Ouli po la biblioth que de Rennes m tropole Ne a M En Fran ois Le Lionnais Pourquoi est ce Rennes que l Oulipo f te son anniversaire Nous avons rencontr Jacques Roubaud et Anne Fran oise Garr ta en 2008 lors de l exposition sur le roi Arthur On voulait faire quelque chose autour de l Oulipo Sans sa voir que le groupe s appr tait c l brer son cinquanti me anniversaire Roubaud nous apprenait alors que la Ville avait command une uvre oulipienne Les Clous un parcours de mots palindromes dans le cadre du r am nagement de l Esplanade situ e devant les Champs libres Et puis Garr ta est une oulipienne qui enseigne ici tandis que Roubaud a d but sa carri re d universitaire en math matiques Rennes Il y avait donc trois bonnes raisons cette poque l Oulipo avait d j pr vu d organiser un grand colloque universitaire qui s est tenu en mai dernier Metz Que d couvrons nous pendant cette exposition Elle retrace cinq d cennies de campagnonnages et d activit litt raire Une long vit et une fid lit rares La plupart des pi ces proviennent du fonds oulipien conserv la bi blioth que de l Arsenal L exposition dont Marcel B nabou est le commissaire se par cour
145. nt il fut le secr taire sous la Commune Caze a em pil sur son chef les casquettes crivain professeur journaliste po te et commu nard il n aura eu que le tort de se f cher cause d une assertion vile N Paris le 3 janvier 1853 pu n inatten du d une famille bourgeoise il connut une jeunesse assez triste entre un p re de bois et une m re aimante qui ne put lui emp cher la pension et son lot d avanies ammoniaqu es Sainte Barbe des Champs sic Fontenay aux Roses Puis c est le ly c e Charlemagne et le soir la d sormais fa meuse institution Massin qui lui sert de ho me Fameuse parce que s y pressent de futures gloires commencer par Raoul Ponchon Jean Richepin et le beau Georges Dazet mieux connu sous les traits du poulpe au regard de soie chez Isidore Ducasse Un peu plus tard transf r au ly c e Bonaparte Condorcet Caze participe l laboration du journal La Jeunesse 1868 1869 avec John Grand Carteret Raoul Vast et Alfred Sircos autre d dicatai re de Ducasse qui devait probablement tra ner l ses gu tres lui aussi Homonculus un po me vaut Caze un premier succ s d estime Il signe alors Robert Nemo et ne manque pas d allant voire de gourmandise m me si sa rh torique est encore conven tionnelle Cette entr e dans Ajalbert et Huysmans notamment devrait tre rendue aux lecteurs elle aussi Cette nouvelle typique
146. nt l enfant dans la haute g n alo gie cosmique D abord est la mer dans laquelle le sel est pr sent comme il est pr sent dans tes yeux et dans la cha ne du r el des moulins qui broient le sel ou la coriandre des cr celles des grelots du trat neau rouge des sonnettes v lo des mouches des bourdons des abeilles et des cloches Belle lecture rappel la libert cr atrice Marta Krol Olivier Roller De guerres lasses Les voix m l es d un auteur pluriel Antoine Volodine entonnent une symphonie discordante et fun bre pour un monde chaotique u seuil du troisi me mill naire les rares lecteurs seraient rassembl s en une sorte de confr rie myst rieuse et honnie hantant des bi blioth ques catacombes et fouillant dans les gravats la recherche de livres moisis et poussi reux L un d eux d couvrirait dans une vieille cantine rouill e une quarantai ne de volumes rassembl s l des si cles au paravant comme lorsque l on jette une bouteille la mer Les auteurs porteraient des noms diff rents et quelque peu exo tiques Draeger Volodine Bassman d autres encore mais ils auraient en commun de d crire un univers bien diff rent de celui que jusqu alors on avait cru tre celui de ces lointaines d cennies qui suivirent l an 2000 celles du capitalisme victorieux et du paradis consum riste Comment cartographier ce territoire indis tinct cet arch
147. nvahissant Com me chacune de leurs rencontres quatre en quinze ans il lui para t m connaissable Ce pourrait tre un imposteur Cette fois Monti lui annonce son cancer Alan Pauls s empare de son sujet avec d lectation construisant un r cit tout en ver ve et en m ches r tives Jouant d humour et de l effet d accumulation le roman offre une aisance de lecture enthousiasmante Mais l auteur d passe le stade de ce qui pourrait n tre qu un fort r ussi divertisse ment d abord imperceptiblement puis plus franchement avec l apparition d un nouveau personnage focal l ancien com battant Celui ci revenu d Europe et de l exil va raconter au fou des cheveux sa relation avec Celso une vir e dans les cabrioles de langage ou en introdui sant soudainement un l ment tranger il oblige le lecteur d sar onn revoir constamment le pacte de lecture dans le quel il s est install sans jamais le perdre ni le d cevoir Aira est n en 1949 Pauls en 1959 Est ce un effet de g n ration Alan Pauls amplifie l aspect ludique du texte pour l orienter vers une r flexion m taphysique historique et politique qui n est qu esquiss e chez son a n dont on n a le sentiment qu il n a pu ou voulu voquer les ravages d une poque qu mots couverts ou les garder distance par sa maestria Alan Pauls retient la le on d Aira libert et audace du texte tout
148. nyahya Vincent Eggericx Eug ne Savitzkaya Antoine MATHIAS ENARD FREDERICK TRISTAN Volodine Mathieu Riboulet Caroline de Mulder Salim Bachi Juli Zeh PAROLE L auteur de Zone profite DOMAINE FRAN AIS Les M moires de ce Jacob Wassermann Barbara Kingsolver Gongalo N Tavares Ben Di i J sus Moncada Alan Pauls Olga Tokarczuk Katherine Mosby famille de la vie de Michel Ange pour prendre R fugi de nulle part reconstituent le parcours Tolsto Edna O Brien Robert Caze William Goyen Bret Easton Ellis le contre pied de quelques pr jug s d un rudit hors fronti re Les enfants de la litt rature ien qu il y ait quelques artifices le faire consid rons un moment la ren tr e litt raire dont l apoth ose m diatique co ncidera bient t avec la re mise de prix qui indiqueront plus nettement l tat de sant du petit milieu des Lettres que la qualit des livres parus cette ann e Consi d rons cette rentr e pour nous r jouir de voir ou sentir que quelque chose est bien en train de se passer dans la litt rature fran aise Non pas avec la sortie du dernier Houellebecq qui aura au moins le m rite de confirmer l in croyable collusion du m diatique et du com merce Il est tonnant d ailleurs de constater avec quelle constance la plus grande part de la critique continue de s extasier sur le vide C est peut tre que la page blanche se lit plus vite que la page marqu e
149. o sie 1990 2010 S ndor M rai L Etrang re e Bengt Jangfelot La Vie en jeu e Marion Bataille 70 e Claudine Desmarteau Mes petits d mons AMANDIER DITIONS DE L e Ga lle Guyot Bruissant ANACHARSIS Joao Bermudes Ma g niale imposture e Collectif Saga d Oddr aux fl ches APOG E Moncef Ghachem Mugeli res ARBRE PAROLES Jonas Ekhr R sidence Andr Doms L Imparfait de Vivre e Michel Lamart Dans le D sordre du Monde ARFUYEN e Francis Chenot Rio di Maria De deux choses lunes Jean Claude Walter Carnets du jour et de la nuit ASSOCIATION FRAN AISE DE HAIKU e G rard Dumon Dani le Duteil Derri re les hirondelles ATELIER DE L AGNEAU L e Jacques Izoard Osmose perp tuelle Entretiens ATTILA e Jacques Abeille Les Jardins statuaires e Jacques Abeille Les Mers perdues e Fabienne Yvert T lescopages AU DIABLE VAUVERT David Foster Wallace C est de l eau David Foster Wallace La Fille aux cheveux tranges Warren Ellis Art res souterraines AUBE DITIONS DE L e Spojma Zariab Les Demeures sans nom BABEL e Jean Paulhan La Longue et courte nuit de mai BELFOND e Giovanni Arpino Le Pas de l adieu BELLES LETTRES Luciano Canfora La Nature du pouvoir e Georges Charbonnier La Entretiens avec Claude L vi Strauss e Arthur K stler Les Somnambules e Fr d ric Martinez Aux singuliers BUSCLATS Eduardo Manet Quatre villes profanes et un paradis Ren Char Nicolas de Sta l Correspondance 1951 19
150. od Anderson en tre mu parfois m me boulevers et laisser cette toile d haleines gardienne des voix ch res qui se sont tues se refermer autour de nous pour nous ramener tranquillement vers la n tre Didier Garcia LA MAISON D HALEINE DE WILLIAM GOYEN Traduit de l am ricain par Maurice Edgar Coindreau L Imaginaire 252 pages 6 50 COURRIER EN DISANT EN CRIVANT D luge Chers Anges Comment vous remercier Chair lectrique d luge d amour pour les livres les auteurs et les mots vous m amenez voyager loin C est que vous tes l oppos de la pens e dominante qui veut que la litt rature aujourd hui trouve sa voie dans l ennui Votre grain vous c est l exp rience du monde l rotique des mots l humble travail des auteurs Caroline Audenge Et moi dans tout a Personne ne l a jamais fait j en suis s re d imprimer toutes les chroniques d ric Holder et de les lire d un coup d un seul Un r gal une chasse aux tr sors et surtout une vraie admiration jalouse pour l crivain Pourquoi lui et pas moiivet de la campage la mer Et moi dans tout a dans ma montagne tenter d crire des chroniques dans un petit journal local regarder la mer seulement l t L o tu vis ric tu me permets d y vivre un peu gr ce ces chroniques bourr es d amour de po sie de saisons comme ici Un jour tu verras j y arriverai aussi crire comme on aime et
151. ompl ments comme une plante luxuriante qui cro t et se ramifie mesure dans un enchev trement confus et pourtant coh rent Car la phrase b n tienne n est jamais grammaticalement transgressive Souple et sinueuse satur e de bifurcations et de d tours tendant vers l interminable elle peut s tendre sur plusieurs pages elle retombe toujours sur ses pieds sans offenser la syntaxe Cela dit le castillan est une langue nettement moins logique que le fran ais Il permet par exemple l anacoluthe rupture de construc tion laquelle notre langue est r tive et une plus grande souplesse dans le jeu des accords A cette d sinvolture dont Juan Benet use sans mod ration s ajoute l exploitation quelque peu sadique d une ambigu t constitutive de la langue espagnole qui ne marque pas le pronom sujet dans les conjugaisons verbales Rythme sonorit s respiration souffle sont autant d l ments capi taux que j ai tent de prendre en compte en traduisant Herrumbrosas lanzas tout en m effor ant au devoir d hospitalit qui selon moi est essentiel toute pratique traductive savoir faire place l alt rit ne pas ramener l inconnu au connu l tranger au familier l autre soi 1 Seuls Treize fables et demie 1981 trad fr 2003 et Le Chevalier de Saxe 1991 trad fr 2005 chappent la r gle A traduit entre autres Pedro Calder n de la Barca Vincent Molina Foix Jorge Eduardo Benav
152. on de l homme comme produit d quilibres provisoires comme l ment infime du Tout et qui finale ment recoupe la vision du monde qu on peut extrapoler partir des th o ries de la m canique quantique et de la physique des cordes qui con oit la ma ti re comme jeu de boucles d nergie vibrionnantes et asym triques Synchronicit s dynamiques mondes qui s interp n trent sur fond d esp rances et de hantises la r alit est pleine de ces failles et de ces intensit s imma t rielles que la Voie de Parc ce che min vers nulle part sur lequel on sent la pr sence d une force invisible aide apprivoiser Une exp rience dont L Art du contresens condense la saveur intime et le sens esth tique Richard Blin L ART DU CONTRESENS DE VINCENT EGGERICX Verdier 128 pages 14 MARIN MON C UR DE EUGENE SAVITZKAYA ditions de Minuit Double 94 pages 6 pee en 1992 le texte s annonce comme un roman en mille chapitres dont les neuf dixi mes sont perdus Roman sinon pop e celle de la rencontre entre le monde et un tre humain l tranget de l axolotl en d pit de sa forme ind nia blement famili re qui y affleure le fils a n du po te nomm Marin Marin le nain cher l phant sauvage le doux Marin chinois prodi gieux dauphin riant Marin une chenille au dos comme du velours le loup Marin ours et koala Cette chroniq
153. on donne une place une collecte que je fais de documentations multiples tout peut entrer dans le roman le r el est soluble dans le roman la granulom trie du b ton la lin guistique des Indiens Comme une barbe papa la fiction tant le b ton et chaque grain de sucre un l ment de la documentation Oui c est a a s dimente L avantage que j ai eu dans l criture de Naissance d un pont c est que la s dimentation a t assez longue Plein de choses ont coagul des choses tr s disparates Duba la gr ve lors de la construction du Golden Gate cette femme qui me raconte l histoire de l explosion de lusine d ab sinthe Pontarlier en 1915 une notice sur l orignal qui me fasci ne Il y a alors une dimension de jeu Tout a continue m loi gner de l autofiction et pour autant mon plaisir personnel grandit a a t plaisant d crire ce livre Je me suis battu avec lui mais c tait aussi un plaisir J ai l impression d une expansion de mon moi de me dilater d tre tr s tr s libre Dans Corniche Kennedy j avais fait un travail de captation chor graphique un peu mol culaire comment la phrase peut prendre en charge ce c t mol culaire et sensoriel charnel des relations entre les ados et entre eux et les l ments J avais peur d avoir trop de documentation pour Naissance d un pont et de ne pouvoir l crire Je me sens toujours trop excessive les noms de mes personna
154. ordinaire dans un re gistre jupit rien pas commode mais il te donnait une tr s grande marge de man uvre pour peu que tu la prennes On s est beaucoup aim s on tait tr s proches Elle y travaillera durant cinq ans Je ne savais pas que a me servirait autant aujourd hui Le travail sur la documentation dans l criture la notion du r seau tu tires un fil et tu rencontres une personne qui te renvoie sur une autre etc C est l poque o elle entre chez Gallimard qu elle se marie et donne naissance un fils Elle prendra une disposition pour suivre son mari qui reprend des tudes l cole des mines du Co lorado aux tats Unis La petite famille s installe quelques mois quinze miles de Denver et c est l qu elle se met crire Je marche sous un ciel de tra ne Je n ai jamais eu la vocation de l criture mais j ai eu un moment donn toute la conjoncture favorable j avais du temps j tais seule dans un petit campus et un paysage d ment J avais lu un peu de litt rature am ricaine mais pas tant Je n ai pas crit pour m occuper c est plut t que j avais le d sir d crire sans aucune approche th orique du roman Les personnages venaient et je me rendais compte que j tais en train d crire un roman L loignement y est pour quelque chose car il annihile la honte li e l criture J ai eu un sentiment d arrachement Maylis de Kerangal usera plus d une fois lors d
155. ormais l H tel R gence de la grande cit d Iest o il brigue le poste de premier ministre page 309 un discours lectoral le contraint d ailleurs dire je pour la pre mi re fois ce qui lui vaut flanqu d une v n neuse conspiratrice Je vais faire de vous un oryct rope honteusement riche de croiser toute la haute soci t ses fiacres et ses jeunes fats les membres de l inqui sition comme les financiers les merce naires en cottes de maille puis les anar cho romantiques etc C est que nous sommes en 1413 Estar cion qui a des airs d Angleterre victorien ne autant que de l gende m di vale Un monde qu on finit par conna tre sur le bout des pattes une longue digression ex pliquant m me les r gles du jeu de cartes local le Diamond Back ce stade de pr cision dans l invention d un vaste univers alternatif on suspecte autant les ann es 70 que leurs stup fiants Il y a un peu de cela l origine partir de 1977 le Cana dien Dave Sim selon ses propres mots entame son r ve en grand Et ne l abandonne pas l existence de Cerebus s tendra sur 300 pisodes r alis s pen dant pr s de vingt six ans soit plus de 6300 pages L dition fran aise laisse pro visoirement de c t les premi res armes parodie d heroic fantasy de moindre int r t pour nous projeter directement avec cinq cents pages de chronique politique au c ur
156. orts o la famille quimp roise a suivi le p re ca pitaine au long cours dans la marine marchande Un fils est n deux ans avant Maylis trois autres enfants suivront dans la tradi tion de ces familles catholiques Si Le Havre tient lieu de d cor voire de personnage dans l autobiographique Dans les rapides le littoral marseillais de la Corniche Kennedy le Bordeaux de Je marche sous un ciel de tra ne renvoient peut tre aussi des souve nirs d enfance Car la mer est une autre tradition familiale depuis que le grand p re paternel a quitt l imprimerie de l v ch de Quimper pour devenir officier de la marine marchande Comme la romanci re le raconte dans Je marche sous un ciel de tra ne en grimant l pisode familial en fiction c est sur le bateau dont il tait le capitaine qu il rencontre la future grand m re de la ro 18LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 avec ma culture catho Vosges C est l qu elle crit dans cette on allait sauver le trangers o il s tait rendu C tait une personne assez magique qui apparaissait et disparaissait a mettait la maison une tem poralit tr s sp cifique que tous les enfants de marins au long cours connaissent Ces hommes l ont toute une part de la vie qui reste myst rieuse pour le reste de la famille Il a navigu sur le France Ma m re et nous les enfants tions un peu exclus de a Je pense que a ma plu plus tard de rejouer
157. ous tions joyeux parce que nous savions que cette exaltation qui rendait la mort d sirable est la plus haute b n diction laquelle puissent pr tendre les hommes D avoir partag l ombre de la mort ensemble procure au futur lieutenant de l amour pour son capitaine 28LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 Cette mani re de donner la fiction mati re penser Comment vous aurais je oubli mon capitaine moi qui vous aima s tant moi qui vous aimais plus encore que je ne vous m prise aujourd hui et je vous m prise pourtant au point de vous avouer sans honte combien je vous aimais La rupture se fera dans les caves alg riennes o l un torture quand l autre interroge O l un se donne un code de conduite quand l autre se fixe une obligation de r sultat nous n avons jamais eu besoin d hommes qui sachent mourir nous avions be soin d hommes qui sachent vaincre et qui soient ca pables sans h siter de sacrifier la victoire tout ce qu ils avaient de plus pr cieux leur propre c ur leur me mon capitaine Et c est ainsi que le lieute nant Andreani ex cutera salement Tarik Hadj Nacer dit Tahar chef des ter roristes alg riens responsable d attentats meurtriers dont l ab n gation la tenue fascine De gorce au point d obliger ses ommes rendre le salut mili taire au prisonnier C est l assas sinat de Tahar qui condamnera le capitaine Degorce au s
158. p moins et j avais un c t provinciale On per oit dans ses propos quelque chose comme l ombre d un complexe vis vis des intellectuels des th oriciens et de ce monde parisien qu elle d couvre Je n toufjais pas chez moi J ai eu une enfance heureuse et m me si l ducation familiale tait un peu aust re c tait tr s vivant tr s agit Mais j tais ivre de joie de me retrouver seule Paris J tais plus dans un app tit du de hors qu un rejet du dedans Initi s en terminale sa sensibilit et son engagement politiques vont s affirmer lors de ses ann es d tudes le marxisme a t longtemps important pour moi a r sonnait avec ma culture catho on allait sauver le monde et il ny aurait plus de pauvres Elle d couvre l extr me gauche alors que les ann es gauchistes ont t enterr es On n tait pas nombreux au lyc e s int resser a Elle s engage un court moment du c t de Lutte Ouvri re pr f r e la Ligue Communiste R volutionnaire mais trouve le mou vement triste et scl ros Son militantisme s en trouve att nu Je lisais les ditions sociales et j ai mis un peu de temps voir les chausse trapes les contradictions Au d but j tais impressionn e par le fait que les grands auteurs les grands artistes taient proches du marxisme J avais envie d tre dans leur sillage Des crivains comme Sartre qu elle lit mort comme lua
159. par la repr sentation mena ante d un Dieu vengeur verra un jeune homme m tamorphos Glanant ses habits au hasard des rencontres et des chemins Ernest a su d velopper un extraordinaire talent de conteur qui lui vaut l estime de la population Un saltimbanque aux 42 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 voix multiples qui se joue des appa rences Comme en cho la phrase de Diderot dans Le Neveu de Rameau lex hortation la prudence se dessine au sein des institutions religieuses M fiez vous de l homme singe il est sans ca ract re Cette plasticit est vue d un tr s mauvais il par les tribunaux de l inquisition qui consid rent Ernest comme tant d j au bord de l ab me D autant que ce dernier raconte des his toires qui exciteront les passions des ha bitants Voici donc venu le r gne des si lenciaires Une poque o la parole se loge au creux du soup on et l imagina tion est s v rement prohib e On a souvent glos sur la fa on dont Wassermann juif d origine avait pres senti la mont e du nazisme L Affabula teur confirme cette intuition L v que et ses acolytes y cherchent des boucs missaires sacrifier titre d exemple Ils veulent tuer dans l uf la r volte in troduire l re du soup on et de la d la tion chaque fois il suffisait de trou ver le coupable celui qui avait pactis avec le diable celui qui en portait les stigmat
160. pas Le poids de la documentation les milliers de pages lues sur Michel Ange ce personnage absolument crasant m emp chaient d crire Jai ar r t pendant six ou huit mois Pendant ce temps jai imagin d autres choses qui se passaient Istanbul un moment je me suis mis faire parler ce personnage androgyne et j ai compris que c tait la cl qui me permettrait de finir le livre En sortant de Michel Ange en donnant ce deuxi me point de vue narratif cet te voix qui s loigne de lui a me donnait la distance suffisante pour qu il se d finisse en creux tel que je le voyais sans tre cra s par tous les d tails biographiques que je connaissais de lui Apr s a a t tr s vite Cette voix qui dit nous introduit du collectif pourquoi C est parce qu elle parle de choses humaines ontologiques De Pamour du besoin de raconter des histoires Ce n est pas vrai ment un personnage parce qu on ne sait rien d elle C est une voix entre deux qui a l universalit de la nuit Le roman montre comment Michel Ange sort d une uvre qui lui vaut la c l brit son David Votre pr c dent ro man Zone a t un grand succ s litt raire Est ce que a a t facile de sortir du succ s de Zone On est content de passer autre chose M me si Zone a ne s ar r te pas parce qu il y a les traductions l tranger je suis all dans le monde arabe au Portugal cet automne je va
161. payer pour oublier qu elles en ont qu explore Jean Guerreschi endu troublant ponctu d hu mour distanci le nouveau ro man de Jean Guerreschi peut aussi se montrer particuli re ment bouleversant Sous un titre qui donne le ton en faisant partiellement r f rence l histoire d H lo se et Ab lard l une des expressions devenues mythiques de lamour en Occident c est l ardeur des champs magn tiques du d sir et la d couverte des n uds invisibles de la vie et des signes que nous invite Guerreschi Divis en quatre parties Les corps La chair L acier Le marbre et rythm par l encha nement de s quences nourries elles m mes des rythmes visc raux de l attente de l intime et des vertiges de la transgression son roman s attache ce qui rend nos vies infiniment plus com plexes plus chaotiques et plus hant es d innommable qu elles n en ont Pair Il raconte comment le regard un peu ap puy d un vieux professeur d universit Antoine B lard sur la croupe d une de ses tudiantes va bouleverser sa vie comme celle de Lo se la Belle callipyge et celle de Pi ra qui aime Lo se au moins autant qu elle aime B lard Un roman o tout est conspirant o le d sir tire toute son nergie des obstacles et des limites qui devraient le contenir Qui montre le nouement de l amour Pexaltation et sait magnifiquement s accorder la v rit musicale
162. plus grand mais Sofia est celle qui a raison d aimer la vie Outre qu elle fut la m re de ses enfants aussi sa copiste on peut comprendre qu admirant la puissance de l uvre elle fut r volt e par le camouflet qu il lui in fligeait elle qui tait la pure admiratrice d un pianiste quand son mari d lirait dans ses pr ches r trogrades Comme Clara Schumann ou Fanny Mendels sohn elle est de ces femmes dont l His toire est en train de reconna tre au del de l ombre maritale ou fraternelle les cr atrices de talent non sans l embryon d une r flexion f ministe Thierry Guinhut LA SONATE KREUTZER DE L ON TOLSTOI traduit du russe par Michel Aucouturier suivi de QUI LA FAUTE et ROMANCE SANS PA ROLES DE SOFIA TOLSTOI et LE PR LUDE DE CHOPIN DE L ON TOLSTOI FILS traduits par Evelyne Amoursky ditions des Syrtes 386 p 22 CR PUSCULE IRLANDAIS D EDNA O BRIEN Traduit de l anglais Irlande par Pierre Emmanuel Dauzat Sabine Wespieser 442 pages 24 roman s ouvre sur Dilly qui est g e malade emmen e lh pital elle se rem more son pass d Irlandaise pauvre partie New York elle a d abord t domestique chez les Cormack ce qui donne Edna O Brien l occasion de d ployer son talent satirique Madame sorte de Verdurin am ricaine accueille ses invit s et se r pand en petits cris per ants de plaisir chaque nouvel ar rivant Mais en
163. pour apporter son CV la revue et en face de leur stand se tenait celui de Gallimard jeunesse qui pr sentait entre autres une grosse collection autour de la voile Je leur laisse donc aussi un CV et dix jours apr s ils me rappellent Sous la direction de Pier re Marchand la maison d dition pr pare une nouvelle collection de guides interna tionaux C est ainsi que j ai travaill avec cet diteur extraordinaire qui tait Pierre Marchand Si elle pense avoir t recrut e cause de son nom breton par cet amou reux de la mer elle imagine aussi que son c t petit soldat faisait l affaire Le tra vail tr s vite consiste commander des textes des sp cialistes de telle ou telle r gion tels ou tels poque art architecture pratiques etc Puis il faut r crire les textes Harmoniser l ensemble 23 ans elle adore faire ce boulot On en trouve d ailleurs trace dans Je marche sous un ciel de tra ne o le narrateur dessine des monuments du P rigord pour l dition d un guide la suite de d parts comme dans un jeu de chaises musicales el le devient ditrice pour la collection de guides Elle y r digera ce lui sur Londres celui sur le Pays Basque la Normandie l Alsa ce J ai aim ce boulot parce que c tait tr s concret Il fallait tre d brouillard Je partais en stop n ayant pas le permis pour faire mes rep rages Pierre Marchand tait extra
164. que diffuse la t l vision Seul Une fleur noire dans le cerveau Serge Airoldi APPRENDRE PRIER L ERE DE LA TECHNIQUE DE GON ALO M TAVARES Traduit du portugais par Dominique N dellec Viviane Hamy 368 pages 22 LES CONTES DE LA LIBERT DE BEN OKRI Traduit de l anglais par Jean Guiloineau Christian Bourgois Titres 164 pages 6 en Okri Booker Prize en 1991 pour La Route de la faim a re u de ses origines nig rianes et d une ducation empreinte de litt rature un sens aigu de la narration uvr e par l ellipse Les Contes de la libert recueil de nouvelles in dites en fran ais se d clinent autour de deux espaces Le premier Destin e Comique compos de quatre livres de douze quatorze textes chacun parfois de quelques lignes seulement constitue lui seul une pi ce de th tre absurde et tragi comique dans la veine d un Ionesco travaillant au corps les espaces blancs d une r alit refoul e rejet e fuie envahissante Qu il s agisse de Vieil Homme et son pouse et leur r sistance mourir ou d un jeune couple d chir les quatorze sayn tes sont autant de petits endroits qui deviennent infec t s et de grands espaces qui basculent dans le chaos Chaque sc ne se lit comme un acte truff de ce qui pourrait constituer des indications sc niques in corpor es au texte sans jamais nuire sa fluidit et dans cette qu te m
165. que va para tre telle autre en core s puise avec sa douleur au c t une douleur du genre tenace mais dont elle ne dit rien Quant aux enfants exception faite de l auteur qui vit ses premiers mois entre deux souvenirs de chasse pr s d une rivi re scintillante d ablettes il n est pas rare qu ils meurent jeunes ou qu ils naissent avec leur lot de malformations Charity la vie est la fois si rude et si pauvre qu ils sont nom breux partir voir ailleurs uniquement par ce que quelque chose les appelle loin des dimanches sur la v randa loin des enfants dans le jardin loin des chagrins Goyen nous invite partager leur mis rable destin pendant quelques pages pour quelques uns d entre eux jusqu au bout de leur route pourrie laquelle s arr te parfois la des choses qui ee apr s La qu te T de Charity P nous comme un jour elles par sa parution aux tats Unis en laient en nous et attendant que d un lieu 1951 La Maison d haleine a d clen l un de nous lui rende son lan et d une ch une v ritable bataille litt raire gage y trouvant le sien du m j Ses d tracteurs lui reprochaient no me coup Une maison aux al identit tamment d avoir os faire des vers lures de mus e abritant oncles tantes cousins et cousines et h ber geant encore toutes les voix du pass Telle est en somme la mission que s est as sign e le po te et romancier am
166. r Vien na il n y a rien d extraordinaire cette fa on de dialoguer avec ses enfants Elle se contentait d interpr ter la v rit et de la rendre po tique ly rique savoureuse et instructive Willa et Elliot grandiront au rythme des saisons Vienna tombera amoureuse d un botaniste an glais distingu et plein d humour Ils tabliront un quivalent botanique du bestiaire se ven geant ainsi des habitants de Winsville Des v nements dramatiques vont se produire mais n en tameront pas le climat de d licatesse paisible qui caract rise ce roman au charme d suet Yves Le Gall LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 47 CRITIQUE DOMAINE TRANGER Affaire de famille Avec qui la faute Sophie Tolsto r pond son mari L on l auteur de La Sonate Kreutzer r cit d un enfer conjugal A Poccasion du centenaire de la mort de l auteur d Anna Kare nine paraissent deux nouvelles traductions d un r cit em pruntant son titre Beethoven En ef fet c est lors d un duo qu un homme et une femme par ailleurs mari e com muniquent dans l accord musical au tant que des mes Podnychev le mari en con oit une jalousie digne d Othel lo Trouvant sa moiti d nant avec le violoniste il la poignarde avec fureur Racont e dans un wagon nocturne par le coupable cette confession est un ro man th se d non ant avec violence l hypocrisie de l institution d
167. rades est infranchissable Combien P ima ginaire le plus d brid peut supplanter le r alisme le plus ef froyable D s lors cr er un personnage hybride Rastapan savant m lange de Jean Moulin et de Sindbad le marin s abt mer dans la contemplation des Caprices de Goya ou se recon na tre dans l ambiance t n breuse et inqui tante de La Chute de la maison Usher vont de soi D une cole textile de Lyon une quip e dans le Paris de Saint Germain des Pr s de la cr ation de la revue Structure avec Fran ois Augi ras en 1954 la reprise de l entreprise paternelle de machines textiles Fr d rick Tristan endossera alternativement soit le costume du Baron de l adjuvant soit celui du Tristan 38 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 d un r ve imp rieux Le Dieu des mouches Les gar s prix Gon court en 1983 La Femme carlate et la cinquantaine d autres ou vrages publi s porteront tous l empreinte de ses nombreux voyages travers les livres les civilisations et les diff rentes disci plines Formidable touche tout qui par amour du myst re et des symboles adh rera la Grande Loge Nationale Fran aise ce lui qui avoue faire peu de cas des coles et de la gloriole traquera le soi disant r el jusque dans sa paradoxale complexit Avec pour seul imp ratif de tricher la fiction afin de poursuivre sans fin la fable du monde et de tenter d y appo
168. raductrice que je suis La premi re tant celle de la longueur du texte qui d fiant la capacit m morielle oblige une certaine continuit dans le travail La traduction n tant pas ma principale activit le temps que je lui consacre est par force fragment et rend plus ardue une vision synoptique et raccord e du texte Pour pallier ce risque j ai d cid lors du premier jet d avancer co te que co te laissant en l tat d innombrables imperfections erreurs et doutes sachant que je devrais y revenir inlassablement Mon incomp tence en mati re militaire figure parmi les obs tacles les plus manifestes que j ai rencontr s Juan Benet ing nieur des Ponts et Chauss es responsable d importants ou vrages dans son pays allie une solide formation scientifique une tr s vaste culture litt raire Quel que soit le domaine qu il aborde distillation de l alcool g ologie histoire m canique cartographie strat gie militaire sport Benet utilise le mot juste technique d une pr cision irr futable souvent rare ou m connu Dans Les Lances rouill es le lexique sp cialis outre la g ographie la g ologie et le combat de lutte ou plus spora diquement la m decine et la m canique concerne essentielle ment la chose militaire la pr cision lexicale s ajoute la com plexit des op rations miltaires qui passionnaient Benet L un des combats d crits dans le roman s appuie d ai
169. raisse Le rouge et le noir la parole la diff rence de g n ration la force d attraction ont suscit chez elle une v ritable faim de lui Libre d aimer elle ne d sirait rien d autre que d offrir de sa jeunesse ce qu aucun Roman on h site devant la majuscule n aurait imagin possible d y voir fleurir encore et encore le go t d essayer tous les printemps et les t s en un seul automne qui n tait pas le sien Que si jeune faim e t app tit de lui sur prit B lard puis tr s vite le fascina Pen chanta l exalta L amour tardif in dit scandaleux d une si jeune l avait forc d plier en lui des plis et des replis qu il ne se connaissait pas Amour enivrant douloureux que dans l ombre Pi ra fa vorise tout en souffrant cruellement au Avec ce roman de la chair qui conjugue la fleur de la jeunesse la succulence de l ge ce sont aussi les SERRE ENNE JACOB rapports de force liant Buchet Chastel 157 pages 13 50 discours gestes et affects lix Gr ce Ad le et Ludmilla corroborent l adage proustien selon lequel nous serions encha n s un tre d un r gne diff rent dont des ab mes nous s parent qui ne nous conna t pas et du quel il est impossible de nous faire comprendre notre corps C est entre autres choses la conclusion laquelle Monika pourrait parvenir tant ces femmes qui franchissent le seuil de son institut de beaut semblent
170. rayant d un tat fond sur l hyst rie hygi niste uli Zeh qui signe depuis L Aigle et l ange 2001 La Fille sans qualit s 2007 et L Ultime Question 2008 des livres en prise directe avec leur temps poss de une voix bien elle tra vaill e par la t nacit du doute et la volont de comprendre l intelligence de cette jeune femme n e en 1974 a le recul de qui ne veut pas s en laisser conter En pla ant cette fois son intrigue dans le futur Juli Zeh lais se le champ libre l emprise d un imaginai re qui porte son paroxysme le bien tre du corps Nous sommes au milieu du XXI si cle dans une soci t parvenue au terme d une volution semble t il in luctable Les lois du march plus encore la religion y sont devenues des id ologies fumeuses et c est d sormais la sant qui se trouve rig e en principe de l gitimation du pouvoir En d autres termes les gens sont en bonne san t et ont le devoir de le rester Pas seule ment pour eux m mes au nom de la nor malit de la raison du bon sens mais aussi pour le bien tre g n ral Selon cette M thode ils sont ainsi tenus respon sables de leur sommeil de leur nutrition et de l activit sportive qu ils pratiquent M me lamour n est plus qu une question de compatibilit entre deux syst mes im munitaires une mesure prophylactique de plus orchestr e par la tr s romantique Central
171. rd Aragon Mais elle tudie aussi beaucoup Vernant et Vidal Naquet car l Histoi re alors la passionne Je d couvre Condorcet tout en m me temps l Histoire la critique le marxisme et aussi le cin ma que je fr quente beaucoup Du c t de la litt rature contemporaine elle lit Patrick Modiano Michel Tournier et se souvient d avoir alors 20LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 Je n ai pas jamais eu la vocation de l criture Les personnages venaient et je me rendais compte que j tais en train d crire un roman ador Belle du seigneur d Albert Cohen roman qu elle d teste au jourd hui C est le seul exemple d un texte que j ai aim et qui me r vulse maintenant Comme quoi on recr e toujours ce qu on lit C est un livre qui tire vers le bas je d teste cette histoire Apr s kh gne le concours rat elle suit diff rentes fili res Nan terre ma trise d Histoire licence de philosophie et ethnologie En ethno Nanterre on avait des profs comme Alexander Mac Donald ou Philippe Sagan qui revenaient de l Himalaya ou de chez les Inuits Ils avaient une fa on de raconter qui me plaisait vache ment J envisageais de devenir ethnologue Avec cette question fonda mentale est ce que tous les hommes sont pareils Elle envisage alors d crire pour une revue un canard dit elle d ethnologie marine Le Chasse Mar e Elle profite du Salon du livre de Paris
172. re chez Gallimard C est peut tre l aspect biographique qui veut a Mais il y a aussi quelque chose de Pierre Michon dans ce livre Le titre ma t souf 32 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 fl par Michon qui cite dans un entretien l introduction de Au ha sard de la vie de Kipling parle leur batailles et rois chevaux diables l phants et anges _ que j avais compl tement oubli e Michon a t important pour moi qui ma montr des fa ons d crire et comment le contemporain peut s approprier de fa on tr s moderne des moments d histoire sans faire du roman histo rique Non pas amener le lecteur au XVI si cle mais amener le XVI si cle ici Le projet bref la biographique c est quelque chose de courant aujourd hui dans la litt rature fran aise Pierre Michon travaille sur la th matique de la gloire Cette gloire que les grands achetaient aux peintres la gloire que l artiste donne aux siens comme vous l crivez la fin du livre travers la figure de Michel Ange dressez vous un portrait de l artiste aujourd hui C est un peu pr sent dans le titre La citation de Kipling reprend ce que dit un sage indien Kipling C est vrai que mon Michel Ange correspond ce que j imagine du destin d un auteur Ce qui est important dans la gloire ce n est pas apporter de largent mais mettre de la beaut dans le monde mettre quelque chose en partage C est cette id
173. re aim es n importe quel prix et des sc nes contemplatives voquer la beau t sauvage de la nature japonaise et sa destruction Au cr dit des auteurs ajoutons l originalit l g re de la maquette les dessins du ma tre voisinent avec ceux de ses inspirateurs tels Grimault pour Le Roi et l oi seau o Albert Robida et ses machines volantes puis se prolongent sous les feutres d enfants quand divers pictogrammes et itin raires invitant se balader par mi les uvres comme dans un jeu de piste viennent justifier le titre de cartographie G M LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 17 DOSSIER MAYLIS DE KERANGAL Prise d lan Fille d un marin au long cours Maylis de Kerangal semble assoiff e d explorations Aussi bien dans le monde r el que dans l criture celle ci lui offrant une cartographie de tous les possibles Faisant l apprentissage de la litt rature en crivant la romanci re a trouv le bon vent epuis la parution de Corniche Kennedy il y a deux ans son nom s inscrit au programme de nombreux festivals ou rencontres litt raires Maylis de Keran gal y apporte le t moignage heureux d une activit l criture la litt rature dont l exploration ne cesse de l enthousiasmer Publi e pour la premi re fois en tant que romanci re il y a tout juste dix ans son par cours romanesque ressemble un jeu d arcades o chaque paru tion symboliserait l
174. re ce qu elle veut mais c est la plaie de bosser au sein de ce groupe J ai cr la marque ma s je n en suis pas propri taire Elle d cide de jeter l ponge en 2008 Entre temps elle a publi ce qu elle appelle son ivre pivot Ni fleurs ni couronnes Un petit recueil de deux longues nouvelles qu Yves Pag s et Bernard Wallet cautionnent en le publiant la langue s est transform e la phrase surtout dans Sous la cendre s est allong e prend ses aises J investis plus l criture je me calme avec cette injonction de faire de l intrigue Je me lib re de codes narra tif dans lesquels j avais t lev e Rien d exceptionnel mais a fait du bien quand tu r ussis approprier une langue des outils personnels J ai l impression que quelque chose d marre partir de l Le corset s est ouvert et comme par hasard la sortie de ce livre remarqu par peu de critiques si ce n est Alain Nicolas dans L Humanit va ouvrir les portes des festivals et des rencontres lit t raires Maylis rejoint la revue Znculte et l on imagine que cela va nourrir la pratique d une criture qui tisse en elle des champs th matiques diff rents vari s mais dont le motif constitue une for midable lecture du r el en m me temps qu une machine ton nante de fiction Les ditions Na ve lui commandent un livre dans lequel elle va pouvoir laisser plus de place lautobiogra phie L histoire de trois jeun
175. rieux o l introspection et l analyse flamboient du type il ne s agit en r alit que d apparence et je n ai pas d autre choix que de pr tendre tre un fant me neutre et indiff rent Jusqu cette conclusion paississant irr m diablement le trait je n ai jamais aim personne et j ai peur des gens ultime formule pr te l emploi et tr s utile au commentaire qui finit sans doute d enthousiasmer les frenchs lettr s Gilles Magniont SUITES S IMP RIALE S DE BRET EASTON ELLIS Traduit de l am ricain par Pierre Gugielmina Robert Laffont 228 pages 19
176. rigine de ce r cit populaire il y a un nom Celui relative ment peu connu en France de Jakob Wassermann 1873 1934 Figure de proue de la litt rature germanophone de la r publique de Weimar et proche de Thomas Mann il est le p re d une uvre qui suscita les bons mots d crivains tels Hofmanns thal Schniltzer ou encore Zweig et Henry Miller Originellement appel L Emeute pour sauver Ernest le gen tilhomme adolescent L Affabulateur regorge de r f rences notamment aux traditions picaresque et conteuse S il n est pas proprement parler question de roman de formation le lecteur est pris au jeu des rencontres de ce mis rable troubadour dont la pr cocit et l ing niosit s duisent les foules Cer tains destins semblent comme grav s dans la pierre Ainsi en va t il d Ernest enfant sans famille dont le p re est mort dans un duel et la m re s est vola tilis e du jour au lendemain Pourtant c est bel et bien le retour de cette femme mal aimante apr s huit ann es d absen ce qui vient r activer le r cit et promul guer son lot de p rip ties Le beau fr re de la baronne d sormais nomm v que de Wurtzbourg dans l Allemagne du 17 si cle renoue ainsi des liens avec sa belle s ur la baronne d Ehrenberg Il doit aussi s enqu rir d Ernest dont il avait confi la charge un pr cepteur C est ce moment l que l homme d glise puritain d vor
177. rouvable appartient la biblioth que mondiale Il est embl matique de l importance de la litt rature cr ole Je voulais diter ce titre avec sa version fran aise Les Affres d un d fi pour mettre en parall le au m me ni veau d excellence la langue cr ole et la langue fran aise Malheu reusement Frank tienne avait c d les droits des Affres d un d fi trois semaines avant aux ditions Jean Michel Place Du coup on a publi seul Dezafi Le cr ole est consid r comme un patois une sous langue Et la litt rature ha tienne tait m connue voire m pris e Dezafi ou en core La Piste des sortil ges de Gary Victor que nous avons publi en m me temps sont des uvres majeures qui refl tent la culture l imaginaire le positionnement d Ha ti Le lecteur fran ais est souvent perturb dans ses rep res Nous on ne cherche pas ras surer ni d ranger d ailleurs mais publier des crits qui mon trent de l int rieur une exp rience La litt rature c est transmettre des exp riences des v cus des motions des interrogations Que le regard comme l intellect du lecteur se d placent On peut re trouver a dans les livres du Burkinab Sayouba Traor Comment d finiriez vous votre fa on d diter G C On cherche constituer un catalogue par juxtaposition et non par accumulation Le mod le ditorial fran ais repose sur le syst me de la nouveaut Il y a le dernier titre en
178. rseille dans Corniche Kennedy Ce sont des histoires de corps qui ont un m tabolisme trop expansif Ils sont trop l troit dans leur apparence corporel le donc a dissone en permanence Ce sont des tres assez ridi cules mais assez int ressant en m me temps Naissance d un pont d bute avec la pr sentation de person nages qui semblent indiquer qu on va les suivre en perma nence dans leur aventure L pique est leur registre Mais finalement il n en est rien l importance des hommes s at t nue au fur et mesure que le chantier avance Quelle ges tion des personnages avez vous tent e ici Diderot et Katherine restent quand m me assez pr sents Mais le pont occupe un peu tout et les personnages m ont moins int res s e J ai une position ambigu par rapport leur traitement Je nai pas voulu faire d eux des radiographies identitaires mais je leur ai donn quand m me un pass quasiment tous Soren Diderot tous ont quelque chose qui pr c de le moment du ro man C est une esp ce d exode vers le chantier o je saisis ce qu ils taient d une mani re un peu identitaire notamment pour Summer Mo et Sanche dont j voque l enfance J ai une position ambigu par rapport aux personnages parce que je voulais que le chantier soit une pop e Mais une pop e o c est le pont qui travaille partir du moment o ils sont sur le chantier je mai pas cherch les traiter comme des per
179. s agit d une autre traduction mais la veuve de Borges tant tr s pointilleuse pour le livre j ai utilis dans mon livre celle de Jean Pierre Bern s pour La Pl iade gauche d une fen tre qui ouvre sur les toits de tuiles du troisi me arrondisse ment une cabine de douche et au centre de la pi ce deux si ges a tombe bien nous ne sommes pas trois Maylis de Kerangal n est pas conome de ses mots Sa parole pr cipit e pr c de parfois sa pens e Les mots filent vite font de mi tour reviennent en bouche pour trouver une autre voie re partent l abordage d une citation d un exemple d une expres sion Cette parole ressemble une souris de laboratoire qui devant un labyrinthe d cide de tester tous les chemins possibles en m me temps La romanci re donne le sentiment que le temps pourrait lui manquer pour tout dire pour tout crire pour tout lire Elle cite des titres de livres comme s ils avaient t forc ment lus par son interlocuteur rebondit sur l vocation d un film re 22LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 vient une sc ne d un de ses livres Ses virgules sont des vous voyez ses points sont exclusivement de suspension De la fe n tre montent vaguement perceptible une chanson de Barbara puis le bruit coupant d un conteneur verre qu un camion verse dans sa benne La vie est l dans les bruits du dehors et dans les phrases dedans qui peuplent
180. s servi par le go t de la for mule percutante et un sens du dialogue tr s rythm le sc nario orwellien invent par Juli Zeh est d une ing niosit impla cable Juriste de formation la romanci re value p se ses mots plus qu elle ne les crit D une certaine fa on elle les assigne r v ler jusqu au bout ce qu ils ont dans le ventre Patiente rigoureuse et pr cise elle n est jamais court de souffle pour avan cer d montrer tayer un argument ou en contester la l gitimit Et assur ment les joutes oratoires entre les diff rents protago nistes de ce proc s monitoire sont l une des forces d un texte d abord con u pour la sc ne th trale Quant la verve sp culati ve elle s impose ici avec brio Par del la d construction des rouages et des pratiques d une machine totalitaire qui passe par l histoire du sacrifice de l individu pour sauver la l gitimit du syst me Zeh ne met pas seulement en relief le pouvoir du mensonge de la peur et de l autoali na tion Dans ce r quisitoire alerte l en contre notamment de la mollesse d sabus e et m diocre des citoyens qui laissent s ins taller la dictature de la pr vention il y a videmment un rapport personnel au mon de comme il va celui de l apr s 11 Sep tembre qui s exprime Juli Zeh fait en effet partie de ceux qui d noncent r guli rement l intrusion des technologies dans nos libert s fon
181. s courses Je me souviens de mo ments d ivresse devant les livres J allais toujours vers les m mes ou vrages pour la jeunesse les romans d Enid Blyton Le Club des Cinq Le Clan des Sept Le catholicisme revendiqu et pra tiqu par la famille s appuyait sur une foi de charbonnier la bretonne qui ne pouvait pas tre discut e Mais nous avions un rapport assez joyeux la religion loin du catholi cisme un peu lourd qu on imagine La jeune lyc enne attendra la ter minale pour perdre la foi C tait la dimension cosmique du truc qui me parlait beaucoup Je n tais pas confite en d votion mais j avais une familiarit avec le merveilleux le fantastique du catholicisme a m arrive encore d aller la messe et je suis toujours fascin e par le cur qui s avance et se met lire un texte voix haute toute l assistance La philosophie un certain engage ment politique au seuil du bac vont la d ciller le catholicisme comme syst me politique me p tera la gueule J ai t d go t e quand je me suis rendu compte de la collusion que la religion entretenait avec le pouvoir et la grande bourgeoisie Dans les rapides raconte comment elle a d couvert le rock et com ment le rock tait une mani re d tre avec les gar ons et le rock f minin une fa on d affirmer son f minisme Mais le sport aussi pou vait jouer le r le de c same La jeune fille pratique la gymnastique l
182. sa Pologne natale les nouvelles par fois tr s courtes parfois bien plus longues et d coup es en plusieurs frag ments diss min s l int rieur de l uvre sont entrecoup es par des m ditations personnelles Il arrive que notre attention parfois se rel che nous doutons de la n cessit de certaines pages parfois r p titives parfois un peu moins fenues sans doute tait ce l le risque assum de l entreprise Il s agit en effet d une sorte de vagabondage car ce qu elle poursuit sans cesse s enfuit J avais beau troquer la vie elle m chappa t toujours Je ne tombais que sur ses traces les pauvres restes de ses mues Dans ce que j crivais la vie prenait la forme d histoires incompl tes d histo riettes oniriques aux intrigues obscures N y a t il pas en chacun de nous quelque chose d Ulysse retardant in consciemment le moment du retour pr f rant le souvenir la r alit culti vant pendant dix ans une nostalgie ca pable d inventer des r cits Avec l ge la m moire commence entrouvrir peu peu ses ab mes d hologrammes des jours en rep chant d autres comme au bout d une ligne Le voyageur ne reprend il pas le chemin quoi qu il arrive pour nourrir cette m moire douloureuse et vibrante la fois Thierry Cecille LES P R GRINS D OLGA TOKARCZUK Traduit du polonais par Grazyna Ehrard ditions Noir sur blanc 385 pages 24 SANCTUA
183. salu e par la cri tique de Hells Angels il continue son m tier de journaliste Impossible de sa voir si cest par conviction ou par pure provocation certainement un peu des deux en 1970 il essaie de devenir le sh rif du comt de Pitkin Son pro gramme entre autres gazonner les rues Il r ussit presque se faire lire Le talent l il et les couilles cit s plus haut il les avait accompagn s d un go t prononc pour l alcool et pour toutes les drogues possibles et imagi nables De cet amour immod r pour l autodestruction il tire le roman Las Vegas parano l histoire hallucinog ne d un journaliste engag pour couvrir une course de voitures La Vegas mais qui passe plus de temps se d foncer qu crire Entretenant une haine visc rale Pen contre de Richard Nixon il suit avec fureur les lections pr sidentielles de 1972 pour le magazine Rolling Stone De l aveu m me de Thompson C est plus un journal bord lique qu une analyse approfondie de la campagne pr sidentielle de 1972 Ce que je voudrais conser ver c est cette esp ce de film acc l r que fut la campagne au moment o elle se d roulait De cette exp rience na t Fear and loathin on the campaign trail 72 D s ses premiers articles Thompson a montr au monde ce qu tait le journa lisme gonzo dont Grover Lewis avait pos les bases Le journalisme gonzo est tout ce que le journalisme en g n ral et
184. se de Borges en exergue j avais l impression de boucler quelque chose C tait fini l je navais plus besoin de continuer Le travail de Diderot de rassembler diff rentes quipes c est aussi le travail de la romanci re Sans oublier le c t symbolique du chantier cette fa on de dire qu on ouvre un chantier on le dit aussi des gens qui font des th ses J avais l id e d ouvrir un chantier puis de le fermer LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 25 C est moins le roman d un pont que le roman DOSSIER MAYLIS DE KERANGAL d un chantier C est pour a que le titre c est Naissance d un pont c est un titre compl tement litt ral frontal Comment s effectue le travail de docu mentation C est un peu in progress Je pars sur une es p ce d id e une premi re mouche qui vient se coller a va tre un roman sur un pont S il y a un pont il y a un ing nieur et s il y a un in g nieur il y a une num ration de travaux C tait important de montrer ce moment l l exp rience contenue dans toute sa personne un corps est aussi une somme d exp riences Le portrait en pieds de Diderot c est la cl du livre Quasiment tous les chantiers que je lui attribue sont de vrais chantiers Ensuite la temporalit de l appel d offre telle que je la ra conte c est une vraie temporalit calqu e sur celle du pont Vasco de Gama Lisbonne ndlr Les types qui partent de ch
185. se fait sa propre id e de ce qu il attend Et si c est un texte sur la mort laquelle n a pas la m me place en Occident que dans la Cara be il le juge inacceptable Quand on a publi en 2008 M me sera difficile de venir te voir en r action la politique d immigration pratiqu e en France beau coup d crivains fran ais se sont rendus compte que tout est tr s cloisonn Il existe des festivals fran ais de l autre des festivals africains maghr bins De temps en temps on invite le Noir de service Sinon il y a peu d interp n tration de m lange de confrontation qui nourrit les uns les autres Notre catalogue montre qu on fait tout pour ouvrir abattre les fronti res Dans les grandes librairies allemandes on range les au teurs par ordre alphab tique en France on pr f re un classement par origines g ographiques Pourquoi a t on besoin de ces cases l quel moment devient on un auteur fran ais d origine tran g re Pourquoi Kundera est lui rang en litt rature fran aise Si ce n est pas la hi rarchisation La r ception de la litt rature ha tienne a t elle chang de puis l motion suscit e par le s isme en janvier dernier J H Ce que je trouve b n fique c est la curiosit On a senti un int r t suppl mentaire On a beaucoup parl de Frank tienne qui est un immense crivain de langue fran aise D un seul coup notre parole a plus de poids Ce qui est plus douteux c
186. ser un chiffre R fugi de nulle part brosse donc l autoportrait d un auteur en Janus bifrons dont l une des faces fut tourn e vers les m tiers tisser le com merce et l amiti l autre pench e sur une uvre en perp tuelle gestation Fr d rick Tristan alors m me que la pr minence du r ve et de l imaginaire stigmatise votre rapport au texte vous publiez vos m moires Qu est ce qui a bien pu d terminer ce passage une criture plus autobiographique Lorsque mon diteur m a demand d crire cette autobiographie je me suis permis de penser qu il serait int ressant de comprendre comment ce garnement sans m moire et sans culture tait devenu cette esp ce d crivain Le je de l autobiographie a tent non pas de masquer le moi mais de le laisser sourdre sous l aventure existentielle d un rescap de je ne sais o Dans la fiction telle que je l ai pratiqu e le je est absent Et c est parce qu il se diffracta en innombrables personnages qu il me fallut un jour tenter de re composer le puzzle Mes personnages ont tent de conna tre ce lieu absent et fondamental fantomatique peut tre Ils ont pris une pelle et ont creus La pelle c est l criture le trou c est le r cit unique et innombrable Salvat a t tr s fort dans cet exerci ce l Sarr ra elle avait cass le manche dans un acc s de r volte D un livre l autre ils ont fait des trous dans
187. si bien le domaine de la politique de l conomie de l cologie de l ethnologie de l Histoire de la tech nique La prose se fait fleuve charriant elle des l ments pars du monde Le ro man enjambe ce fleuve l jetant parfois comme des piliers vers le sous sol des in trigues un peu factices qui d signent toute fois son appartenance la fiction Ainsi l histoire de Soren soup onn d avoir tu sa compagne avec la complicit d un ours ouvre une br che dans le naturalisme mais son implication dans un attentat rat le re jette du livre Les fils sont nombreux qu on pourrait tirer sans fin pour relire autre ment l pop e On peut ainsi s attacher la phrase longue comme si elle tait panoramique capable de rassembler en elle un regard et le paysa ge qu il voit et o brillent parfois des in cises tonnantes comme lors de la visite Duba le surgissement d un moi qui lais se pantois car unique apparition dans le livre l homme qui l avait accueilli la veille revient le chercher pour le guider en ville Son keffieh se drape et flotte calmement dans son dos telle une cape de mage d s qu il force l allure personne ne sait sauf moi qu il s est enlis dans une m lancolie funeste D une amplitude digne de son sujet Naissance d un pont inscrit dans le paysage fran ais une litt rature apte rassembler en un seul mouvement r el et fiction une lit
188. sonnages de saga Les personnages ne sont pas l pour eux m mes Ils sont convoqu s pour le chantier pour ce qu ils ont y faire On n est pas dans une saga o les personnages sont hors socle On est plus dans un roman l am ricaine o les personnages ont des choses faire et quand ils ne les font pas on ne les voit pas L cueil c est l arch type C est pour viter a que je leur ai donn un pass Je ne voulais pas refaire un personnage comme Sylvestre Op ra le commissaire de Corniche Kennedy ndlr je vois bien que son aspect arch typal plombe un peu le roman C est un personna ge que jaime beaucoup qui n avait que peu d indications biogra phiques Dans Naissance d un pont on remonte plus loin dans leur biographie Parce que pour moi le roman bien boulonn avec des personnages qui sont des arch types c est tr s antipathique Je d fends mes personnages mais il faut les comprendre comme des figures un poste du chantier et qui ne sont l qu ce mo ment pr cis Ce ne sont pas du tout des h ros de saga ce sont des tres humains ils ont m me une forme de trivialit Ce sont des h ros parce qu ils sont confront s une t che qui les d passe un peu mais par ailleurs ils sont en prise directe avec le r el a c tait la condition sine qua non de leur existence et donc quand ce n est pas leur moment ils ne sont pas l image Entre la multitude de personnages et tous l
189. sous titre par son extravagance ses pens es ma niaques et surtout sa perversit son cy nisme et sa brutalit invente une mons truosit ordinaire Pour dessiner la trajectoire de Buch mann Tavares ne convoque pas les th ories En d coupant son texte en ta bleaux il perce le labyrinthe d une me f roce pour qui compte seulement le contr le absolu la rigidit de l acier Ce roman place la noirceur de Buchmann tr s haut Par del le bien et le mal On le d couvre adolescent dans les pre mi res pages oblig par son p re de violer la bonne de la famille On le suit plus tard dans son d dain de humani t odieux en tout et avec tous Avec sa femme qu il humilie et qu il assassinera 44LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 Avec les prostitu es Avec ses malades pisode de la lettre qu il d chire d une de ses patientes en phase termi nale est une abomination Avec ce mendiant qu il re oit chez lui mais qu il oblige chanter l hymne national et tre spectateur de ses fornications avant de lui faire l aum ne on pense au Don Juan de Moli re Avec son fr re Albert aussi Un chien disait le p re quand il d signait Lenz comme un loup Ce p re est l image radieuse de tout ce d r glement mental C est l ic ne de Lenz qui porte son h ritage avec aveu glement avec le souci d une unit abso lue dont la biblioth que est le symbole On ne sait en rev
190. sques devant lesquels toute la soci t d file comme elle le ferait devant un temple de la midinette au professeur du po te l officier RES de l vad l artisan L ge pesant d sormais sur tout son corps Fargue se trouve alors clo tr dans sa chambre c est dans sa m moire qu il redevient le pi ton qu il tait retrouvant ainsi le temps jadis o Chaillot Auteuil Bou logne taient encore de paisibles villages et o l on pouvait apercevoir des marguerites et des ch vres Plus loin ses souvenirs l entra nent sur les ESS Champs lys es ce pays de majuscules o les belles sortent pour d jeu Fig ner parfumer Paris r concilier les hommes avec la vie a M me si le ton c de parfois la tristesse Je voudrais revivre et non point continuer on sent que pour lui la messe sera bient t dite Fargue se montre toujours d licieux et tendre comme il l tait dans Le Pi ton de Paris C est un r gal que de retrouver sa plume de gourmet go tant tel un enfant aux tr sors que la capi tale lui offre se d lectant ici d une fourrure l d un il couleur de libellule La banalit de la vie quotidienne prend avec lui des allures de petits miracles Et ce ne serait rien si Fargue n y ajoutait sa g n rosit une sorte de fraternit qui l emp che de tout garder pour lui qui l incite partager ses enchantements rappeler qu il est beau d tre pi ton et enjoindre au le
191. stifier Ellis change sa mani re d uvre en uvre et il y a quelque coh rence ce que la prose d un sc nariste s ap parente un script o alternent les passages factuels et sc nes dialogu es Cette simplicit de la langue a peut tre une autre raison d tre se placer dans la fi liation des romans noirs d antan la syn taxe rudimentaire cette filiation concourent par ailleurs une phrase de Ray mond Chandler cit e en exergue Pas de pi ge plus mortel que celui qu on tend soi m me toujours l inqui tude r flexive puis une succession de motifs no toires des filatures des messages anonymes une femme fatale et m diocre et surtout l obscurit d une intrigue o chacun s av re le dupe de l autre Au milieu de la toile d araign e il y a Clay ce qui est l aussi de tradition puisque l crivain sc na riste en terre hollywoodienne constitue une figure classique de lexploitation De tous ces emprunts encore il n y a pas lieu de se plaindre Lunar Park et son bestiaire de l pouvante mariait heureusement les ob sessions de l auteur la litt rature de genre On est donc partant Puis patient quand il ne se passe rien Puis circonspect quand ce qui se passe a d j eu lieu ailleurs comme dans Lunar Park des enl vements viennent donner corps au leitmotiv existentiel de Moins que z ro Dispara tre ici Puis fran chement ennuy s
192. surance Andr Chemin Mauvaise digestion Des taiseux des discrets des gens qui crivent vachement bien mais qui ne savent pas parler de ce qu ils font le Matricule en a souvent mis en une Avec Martin Suter dans votre num ro d t j ai eu l impression de tomber sur une hu tre plut t ferm e Pire m tre fait refiler une triplo de grasse laiteuse sans saveur Subjectif videmment J ai rien lu de lui Ai plus vraiment envie Dommage Yves H rault lecourrier Lmda net Lecture Quel homme ce Claro Oui un ogre un ogre des mots merci de me l avoir fait d couvrir On aime toujours bien les dossiers quand les auteurs disent un peu leur vie les moments douloureux de leur existence Un peu d empathie pour entrer dans ces livres mondes pour peut tre plus de proximit Mich le Aubenas Encore un effort J ai ouvert le dernier num ro avec la ferme intention d y trouver des d fauts cela n est gu re louable j en conviens Une f ministe aurait sans doute redire sur la fa on dont vous traitez les femmes seulement quatre photos et pas tr s flatteuses mais n tant pas f ministe j ai d chercher ailleurs Et j ai fini par trouver Les titres de vos articles Entre ceux qui puent le jeu de mot facile ou l exercice de style et ceux qui ne disent pas grand chose sinon qu il fallait un titre il en reste peu qui tiennent vraiment la route Et surtout peu de titres effica
193. t l instar de M re Biscuit Maurice Na deau 1999 et du Corps des anges Gal limard 2005 Avec Bastien a pour cadre fictif la Corr ze ses combes son grand air ses cieux et ses l gendes Bongue entre un p re m decin et une m re ducatrice celui que nous appel lerons donc accessoirement Bastien au rait appris se faufiler dans l immense courage f minin Bien avant de c der son cul aux queues besogneuses de quelques gaillards d int grer l accorte confr rie des S urs de la Perp tuelle Indulgence ces hommes habill s en nonne pr chant le safe sex il se serait 36 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 r v a eule en jupe lourde et mitaines paysanne se faisant culbuter par un ber ger dame hautaine ou f e Un soir d t il aurait l innocence de qui a 14 ans ses deux fr res se seraient enfouis en lui Plus tard Paris la nuit dans quelques jardins des backrooms lors de partouzes il aurait enfin joui de ce que d lices et sacril ges sont port e de nos doigts sur la table o tout vient dans un somptueux d sordre le couvert et le pain les fleurs et l eau le vin et la secr te splendeur des hommes Adepte de Pes calade gay lev la dignit d ic ne li bidinale Bastien n aurait alors plus ja mais cess d chouer sur les rives o Achille se pencha sur Patrocle Parce qu il compte parmi ceux qui ne peuvent go ter aux ch
194. t partir de photos de documents d archives comme des lettres manuscrites de Duchamp ou d objets comme la machine crire de Perec Le jour o il termina La Vie mode d emploi Perec lan a Paul Fournel Je la hais Et Fournel de r pondre Je l ach te Depuis cette transaction la machine crire n a plus jamais fonctionn Il y a des objets insolites une plaque d immatriculation d Harry Mathews l effigie de l Oulipo l tonnante biblioth que ordonn e de Paul Braffort dont les livres recens s contiennent un chiffre dans leur titre de Arch ologie du z ro Cent mille milliards de po mes Ou encore les innombrables cartes de membre de Fran ois Le Lionnais Cet rudit visionnaire pour reprendre le titre d une conf rence tait affili plus d une centaine d institutions ou associations li es au jouet la sorcellerie l Unesco Nous avons essay par le choix des couleurs de la typographie des textes que l expo soit ludique accessible mais sans d naturer le travail du groupe Sa t on comment pro duire une sextine ou une morale l mentaire La biblioth que propose de nombreuses rencontres Que faut il retenir Les membres de l Oulipo tiendront ici leur s ance publique mensuelle le 4 novembre Ils pr senteront leur travail l ordre du jour Autoportraits et autres fantaisies On fil mera la s ance et la retransmettra en direct sur notre site y aura
195. t rature capable de rendre l criture le pouvoir de d crire le monde NAISSANCE D UN PONT Verticales 316 p 18 90 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 23 DOSSIER MAYLIS DE KERANGAL en d signant le lieu comme fictionnel Aujourd hui avec Naissance d un pont notamment ne repoussez vous pas son tour l intrigue en accentuant le travail sur le r el partir de la documentation Il me semble que c est vrai Je pense que d un point de vue cultu rel m autoriser crire n tait pas simple L criture a parfois quelque chose d obsc ne par le fait d j de se mettre en avant Il me semble que j ai bourr mes premiers livres d intrigues et de personnages pour viter d tre vue dans mes livres D ailleurs le premier roman est crit depuis un narrateur homme Le deuxi me est port par une narratrice qui avait mon ge l poque et c tait quelque chose de compliqu pour moi partir de Ni fleurs ni couronnes l enjeu tait de me passer du je et en m me temps de retrouver un chemin plus int rieur faire en sorte que l autofiction ne passe pas par le je Apr s j ai continu comme a Je ne suis pas encore un stade o je pourrais tre frontale dans l autofiction je ne suis pas pr te pour a Les premiers livres sont blind s Il y a des choses que j accepte qu on voie mais je suis sans arr t entre le d sir d tre vue et ce lui de ne pas l
196. t de loin en loin la travers e soudaine de quelques regards oiseau qui tournoie au dessus de nous puis d fait le cercle rocher que les rives de la dissolution r v lent peti te fleur blanche au c ur jaune qui mime la course du soleil Nudit quasi ontologique qui cr e comme un ac croissement d intensit vitale suscite une grande lev e de fronti res invite au nomadisme de longues marches sur la peau blouie du matin dans la joie pure de l aller et la pulsation de la lumi re qui pure et d cante un peu plus ce paysa ge archa que tout en faisant vibrer ces inali nables solitudes Moments o se rencontrent un corps et un sol lair et la lumi re moments de co naissance du monde et d un pur tat d tre sorte de connaissance par ticipative que sanctifie la po sie d Alain Bernaud Richard Blin LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 11 ESSAIS CRITIQUE La vie br l e Une uvre inclassable et scandaleusement pa enne c est Fran ois Augi ras que Jo l Vernet dit sa dette et son admiration ffam d absolu qui n aura cess de cultiver sa radicale diff ren ce Fran ois Augi ras aura v cu dans un temps qui n est tout fait le n tre Marginal farouche se r cla mant de l art des premi res civilisations ses livres comme sa peinture sont le re flet d une vie aussi singuli re que roma nesque Fr re en d rive d un Vincen
197. t la Soudi re ou d un Christian Guez Ri cord sorte de Rimbaud withmanien Augi ras est n en 1925 Rochester aux tats Unis deux mois apr s la mort de son p re musicien de renom Sa m re ayant d cid de rentrer en France avec lui ils vivront d abord Paris puis en ces terres du P rigord o venaient d tre d couvertes les fresques de Lascaux Interrompant ses tudes 13 ans au profit du th tre des bois Augi ras d couvre avec ferveur la nature Il fr quentera des mouvements de jeunesse vichyssoise non pour des raisons poli tiques mais par amour de la vie en plein air Sans p re il cherche l homme et sans fr re il se sent puissamment attir par les gar ons Apr s s tre engag dans la marine il la fuira pour rejoindre un oncle colonel en retraite vivant au Sahara alg rien dans un fortin qu il s est b ti et dont une partie a t trans form e en mus e Cet oncle va lui ap prendre la grammaire l initier sexuelle ment et le traiter en esclave Qu on se mette ma place je suis tr s peu fran ais barbare peu instruit un vieillard com me sorti de la nuit des temps chaque soir m appelle dans son grand lit de fer et me prend sous les astres en haut des toitures que la lune claire violemment de sa lueur Et il me faut raconter a Ce se ra Le Vieillard et l enfant le livre qui va cr er la l gende sign Abdallah Chaamba faussement imprim en Bel
198. ta Ses derniers mots seront Plus de jeux Plus de bombes Plus de promenades Plus de distraction Plus de dettes 67 ans J ai d pass de 17 ans la cinquantaine C est 17 ans de plus que ce que je voulais ou que ce dont j avais besoin Pas dr le Je suis toujours insup portable Je n amuse personne Tu te rends avide Accorde ton comportement ton ge avanc D tends toi a ne fait pas de mal Finissons donc sur l une de ces injus tices que l existence taquine nous in flige parfois Hunter S Thompson victime de d pression s est suicid alors que Michel Onfray est heureux de vivre et continue d crire Laurent Santi LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 09 REVUES En bref infini rien que a Qui a dit que les jeunes revues manquaient d ambition Pour son num ro inau gural K an s attaque un gros mor ceau Po sie philosophie litt rature astrophysique et m me m taphy sique il fallait au moins a pour ten ter l ascension d une notion escarp e Quelque sens qu on lui donne b ance vide chaos absolu n ant totalit linfini toujours interroge interpelle intrigue inqui te et les douze contributions de ce volume ouvrent quelques voies d acc s Mais si on peut autant qu on veut convo quer l infini on ne saurait conclure quoi que ce soit son propos La question est trop fuyante Ce qui du reste refl te assez bien la port e du mot K an u
199. tastrophe N en finissons pas avec eux nous exhorte Salim Bachi Plus qu une sentinelle qui nous dit inlassa blement de ne pas laisser le pass en repos le conte est un viatique de sens un vivier de trouble de myst re et donc d inachev Sophie Deltin AMOURS ET AVENTURES DE SINDBAD LE MARIN DE SALIM BACHI Gallimard 272 pages 17 90 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 37 ENTRETIEN FR D RICK TRISTAN Alan Eglinton Tout ensemble roman des origines perdues vivier litt raire galerie de portraits journal et carnet de voyage R fugi de nulle part reconstitue le parcours singulier d un rudit hors fronti re ne uvre tisser ur quelles bases se reconstruire quand Lenfant que l on a t a vu ce qu il n aurait jamais d voir et qu il n est plus qu un brasier d incompr hension Comment colmater une m moire oblit r e par les piqu s assourdissants des Stukas et la vision terri fiante d un enfant dont la t te arrach e roule dans un foss Voil le deuil impossible sur lequel repose la somme des souvenirs de l auteur de Naissance d un spectre Christian Bourgois 1969 Fayard 2000 le vide autour duquel gravite R fugi de nulle part N Sedan le 11 juin 1931 Fr d rick Tristan de son vrai nom Jean Paul Baron r alise d s son entr e au Petit S minaire Barral de Castres en 1944 combien le gouffre qui le s pare de ses petits cama
200. tomne 1971 seconde ann e des d molitions l itin raire suivi par l enter rement n tait plus qu une tr s longue balafre dans ce qui avait t l art re principale de la ville pendant pr s d un mill naire Le souffle pique qui balaie le r cit att nue la th matique tragique la spoliation d un pass Si la m lancolie perce dans les des criptions de paysages de fils de l eau de couchants aux couleurs vieil or le roman grouille de vie de personnages truculents flirte avec le picaresque Les bateaux les berges du fleuve et surtout les tavernes le cabaret bordel les salons de l aristocratie mettent en r sonance les polyphonies Les gens s panchent communiquent rago tent complotent On croise des lign es de patrons bateliers d o se d tache Arqui medes Quintana aux allures de Pos idon Madamfransouza la chanteuse de l den fr quent par les mis reux comme les puis sants d g rie s instaure d esse en 1938 Dompter ce fleu M lancolique de l amour Le pharmacien ve pa en imp tueux et les 3 aux id es r publicaines chap lieux comme Mequinensa tragique pe tel Ulysse aux incarc ra qui avaient abrit les com et picaresque tions Si un fond naturaliste bats peut tre per u comme doublement symbolique Moncada travers ce roman monde en treprend un travail de et sur la m moire sa restitution ses manipulations et ce qui sub siste dans l imaginaire et P in consc
201. ts Les Proc dures cf Lmda N 71 il est en qu te d un nouveau rapport la v rit J aspirais une forme de pure t qui tait m tronomiquement d mentie par mon existence J tais pris dans un mouvement o la place que j avais choisie celle de l homme qui crit tait para doxale tout dans le monde nouveau pro clamait que la litt rature appartenait au pass et tout mon tre criait que cette pr tention tait un mensonge D o le choix d une sorte de strat gie de survie passant par l initiation cet art martial qu est le tir larc japonais le kyud Si dans les autres arts martiaux il faut tenir compte de l adversaire ici il n y a pas d adversaire sinon soi m me Le kyud est une Voie qui s acquiert en passant par le lent apprentissage sous la houlette d un ma tre des huit phases de la c r monie qui am ne le tir Apr s avoir appris faire un ventail de ses jambes lever ses bras vers le ciel se placer on gagne le droit d lever non plus Parc seul mais larc et la fl che L ajustement de la fl che l extension de Parc tout est minutieusement codifi Il s agit de dessiner avec le corps de l homme des croix dans l espace de les animer en une danse lente dont un l ment anecdotique et essentiel sera le son produit par l impact de la fl che sur la cible Car derri re cette mise en sc ne 34 LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCT
202. tt raires des destins de l poque Charles Vignier conta telle La Joute il entre en ai populaires l v nement sous le titre de Et re politique et collabore la M Champsaur rossa M Caze presse d opinion Ses pa notamment dansla Revue Moderniste Echange piers paraissent La Tribu f minin de t moins rendez vous sur le pr ne du peuple au D mocrate et au R veil Puis vient la Commune et lexil en Suisse o le chroni queur finit par exasp rer les cl ricaux Habitu du grenier des Goncourt Ro bert Caze tient salon apr s son retour Pa ris en ao t 1880 Il re oit tous les crivains importants les peintres impressionnistes il a toutes les cartes en main pour s tablir grand crivain Sa plume tait d ailleurs plus audacieuse depuis Les Po mes de la Chair 1873 En t moignent Les Mots Impr Tr zenik 1886 par exemple ce re cueil o les formes grammaticales sont trai t es en sujets Et en tant que romancier Caze s tait montr brillant profond ment soucieux des destins populaires notam ment f minin Naturaliste en somme Et En Journ e Impr Tr zenik imprim on ze seulement dans un tirage de chapelle destin aux amis les fr res Goncourt Jean le 15 f vrier 1886 d s le second croisement des armes Robert Caze s embrocha maladroitement sur l p e de Vignier Touch au foie il agonisa long temps avant d expirer le 28 mars 1886 Bien plus tard
203. u mariage et la pourriture morale de la sexualit Sous les abords d un mariage de senti ments autre nom d une prostitution l galis e le sordide de la r alit conju gale et de ses querelles est flagrant entre deux for ats qui se ha ssent l un l autre On lit la description d un cas clinique de la stimulation syst matique de la concupiscence pour qui l amour c est quelque chose de repoussant et de malpropre D s 1891 la pol mique heurta de plein fouet Tolsto et son en treprise de d molition pour lui tout d sir charnel m me sanctifi n est que putr faction et rien ne vaut la chastet absolue La crise religieuse du ma tre est pass e par l La s ret psychologique le profil hallucin des personnages s af fichent dans le cadre d un r cit r aliste voire naturaliste Ici l crivain Tolsto est un analyste g nial sauf si comme av r dans sa postface il exprime ses convictions puritaines inhumaines fa natiques morbides videmment sa femme Sofia n atteint pas la violence obsessionnelle de La Sonate Kreutzer Ni sa puissance nar rative et argumentative Mais elle est plus sens e d fendant la dignit f mini ne dans une r criture plus nuanc e qui la faute o le point de vue interne est celui d Anna trop jeune mari e A8LE MATRICULE DES ANGES N 117 OCTOBRE 2010 id aliste En un habile contrepoint du r cit du ma tre Sofia
204. ue la mort du p re chasseur lui aus si a laiss s en vrac Les allers retours entre la jungle et ce camp de base partir duquel le prota goniste op re et dont les occupants sont si vuln rables permettent l auteur de jouer sur diff rents registres ici dans la famille sur les regards voil s les non dits et la maladresse l en for t sur la f brilit l excitation et l extr me vigilance de lhom me solitaire qui sait qu tout moment les r les peuvent s inverser et la proie devenir le pr da teur Les animaux sont par essence impr visibles mus par des forces myst rieuses qui d fient toute lo gique Dans ce livre qui l a r v l e il y a dix ans Julia Leigh parle merveille de l instinct et de l in tuition ces fruits d une clairvoyance qui parfois renforce un tre et d autres fois le fragilise Anthony Dufraisse REP RES Suivre Fargue oici donc l ultime promenade parisienne de L on Paul Fargue 1876 1947 et le dernier texte qu il donna de son vivant en 1947 dans deux livraisons de La Nef quelque trois mois avant de s teindre Apr s s tre essay aux grands excitants de son poque ainsi qu aux sujets do minants d int r t par exemple la m canique Fargue s en retourne aux rues de Paris plus chaudes et plus ternelles que ces engouements et inventions Son excitant lui c est l existence fl neuse la seule capable de le ramener vers ces kio
205. ue libre et sans dates parvient conf rer une forme par le langage v hiculant y compris ce qui dans l exprim se tient d inexpri mable toute la complexit d motions d v ne ments et de processus qui suivent l arriv e d un en fant parmi les g ants tandis que petit petit il abandonne ses coquilles devenues inhabitables les unes apr s les autres Une chronique des pre mi res fois des habitudes et des choix du tout pe tit gar on o Savitzkaya parvient abandonner son point de vue d adulte et de p re pour pouser l angle d un tiers observateur Le premier riz ren dit Marin de si bonne humeur qu il fit le compte l envers exp diant les grains hors de sa bouche un par un deux par deux trois par trois Angle o un souci de la description pr cise se teint fatalement de tendresse et de fascination sans que jamais lob nubilation paternelle ne se manifeste travers un superlatif ou une exclamation gaga Proc d litt raire certes mais aussi attitude humaine celle d un respect sans bornes pour cet tre en devenir qui se mesure au monde c est alors qu il leva en fin sa t te et se tint sur les coudes comme un sphinx comptant les multiples horizons qui se pr sentaient soudain sa vue Le tout sur le fond comme toujours dans l critu re de Savitzkaya d une continuit instaur e entre le corps humain et le corps du monde anim ou inanim inscriva
206. ugure avec d autres livres qui paraissent ces temps ci une collection Le Go t des id es que l diteur Jean Claude Zylberstein ouvre l enseigne des Belles Lettres Dense et sti mulant le livre de Luciano Canfora l est sans conteste Il n en est pas pour autant d une lecture ais e confortable Le lecteur est invit tisser partir des fragments de discours des esquisses d analyses que lui propose l auteur la trame Fa onner Pesprit et les aspirations d une r flexion critique M me ramen e celle du lieu depuis lequel il s exer ce vraiment une sc ne vi sible celle des joutes offi cielles pour sa conqu te l autre occulte financi re bancaire qui dicterait sa loi la question du pouvoir reste videmment vertigineuse Consid rant la situation d au jourd hui Canfora pose cette question en des termes qui ne nous surprendront pas et si l interp n tration des deux sph res pouvoir visible et pouvoir lointain tait en train de se concr tiser finalement de mani re impr vue dans la corruption qui envahit la politique et l entra ne hardiment sur le ter rain affairiste Pour se demander juste apr s Mais apr s tout est ce bien si nou veau De fait Luciano Canfora instruit par sa fr quentation des Anciens s attelle montrer que d s les premi res formes de pouvoir repr sentatif le ver tait dans le fruit con ue par
207. une lite pour d fendre ses int r ts et selon H rodote faisant du peuple sa client le la d mocratie a tou jours eu pour vocation de servir la fraction la plus puissante du corps social Celle qui accordait ou retirait son cr dit ses affi d s selon la qualit des services rendus Ces derniers entretiennent cependant la fiction d une conqu te et d un exercice r els du pouvoir L homme politique selon Lucr ce pareil Sisyphe est condamn solliciter le pouvoir qui n est qu illusion et n est jamais donn et dans cette recherche supporter de dures fatigues D mocratie ath nienne organis e autour du strat ge S nat romain entourant le tyran ou la figu re imp riale garante de la survivance de la R publique au sein du r gime des C sars tous les syst mes lectifs ont eu pour voca tion de maintenir au pouvoir une oligar chie au service de la classe dominante chaque poque pour chacune des d clinai sons du m me ordre des choses se d gage la figure d un chef dont la qualit majeure selon Thucydide est la clairvoyance la capacit d un individu discerner parmi les diff rentes possibilit s celle qui va adve nir et qui lui permettra d appara tre com me l homme providentiel Gramsci lui m me d fend la n cessit d une incarnation des aspirations r volu tionnaires du peuple dans quelques figures capables de les servir un c sarisme de gauch
208. vant Emmanuel Laugier T II DE BERNARD CHAMBAZ Flammarion 267 pages 19 50 VARANGER D ALAIN BERNAUD Isolato 66 pages 16 BY de silence balay e par les vents la pres qu le de Varanger l extr me nord est de la Norv ge est un peu le sol absolu de la po sie pour Alain Bernaud Une terre lim e o m me la rui ne est luxe o r gne la toundra Vaste terre frottoir de l abdomen de l air espace d lest de tout ce qui fait obstacle au rien comme si roc air glace avaient voulu r parer en s annulant notre sen sation d fectueuse d infini De grands ciels d lav s ces broiements de gris qu on appelle le vent et qui immensifient espace et temps quelques affleurements gr seux la r alit est r duite l l mentarit de la mati re du mon de et la po sie se fait syllabaire de ce r el primor dial po me du regard du constat loge de la vie imm diate de l exp rience quoti dienne d tre l d tre m me ce qui est l au bord neigeux du visible Po sie de l attention et de l tonnement Si on regarde de tous ses yeux on peut voir les mes corpulentes cousues serr es et bien tanches lfaites pour ne rencontrer que du vide des derniers chamans de Varanger criture du d nue ment sinon du d pouillement radical Peu de choses Presque rien I Les modulations de la trans parence dans l embrasure du vide E
209. vue Ah a ou vert cette ann e ses pages une proposition de travail de l crivain Jean Claude Mas E Fa sera titr e Its Too Late to Say Litt rature Aujourd hui cherche formes d sesp r ment Si son introduction 40 pages remue autant dans les brancards de l anti litt rature que dans le pur stylisme elle n en devient pas moins cons quente par les hypoth ses qu elle fait de ce que devrait ou pourrait tre une litt rature branch e sur de Aujourd hui sur ce qui se passe today dirait Massera travers le r el du sample au virus informatique jusqu aux pratiques de second life ou celle de l arm e par exemple Si Massera peut parfois agacer par son langage jeune ou ses donc p remp toires il n en reste pas moins qu un bon sens mix une certaine vision vis e du champ de l art et de la litt rature contemporains finit par dessiner des pistes revigorantes de recherches d tonne ments soit d boulonner d verrouiller les pra tiques d criture de leur dogme des genres o elles s agglutinent jusqu mourir de leur propre processus de formatage De la critique d critures degr z ro de la moti vation litt raire dit il d une forme objet qui n a D saffect Anacoluthe juron monstre marin maladie rare Non figure de style bas e sur une rupture de la syntaxe rendant un texte plus expressif Ainsi que revue cr e en 1

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