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DÉPARTEMENT DES LETTRES ET COMMUNICATIONS Faculté

1. 44 2 1 3 La maison un v ritable point d ancrage 49 2 2 la source de la Terre M re i eieeeieieeeiieee 53 2 2 1 L ambivalence des cours d eau 53 2 2 2 S enfoncer dans la qui tude foresti re 58 2 2 2 1 Un hommage aux anc tres 59 2 2 2 2 Vers un d passement des fronti res 63 Chapitre 3 Kuessipan ou l touffante r duction 69 3 1 Le d sert d rS0tud 2 eds ins nsntll nssnes nt l ass ul 69 3 1 1 loge de la lenteur et du Cha0 69 3 1 2 Partir ou rester 2251100 as sierako EL ira tres d ni ne 75 J3 Gare aux lO PS eie E EE E EE ner nee 81 3 2 L appel de SE REMME 2er nant ant Ma A ral tin ea 86 3 2 1 Suivre l SAUMON ie e def nes An Ne nee 86 3 2 2 L essence du Nutshimit 90 3 2 2 1 Le chemin SUIVr eat ar master ete 91 3 2 2 2 Nomade par nature tonte transe tele 96 Conclusi n oe erson iaee A RA eE EER REN E E EEEREN aoaia 103 Bibliographie ecciesia rerin nerra a T ETETE EE TEE EET a 113 R sum L tude de la repr sentation des lieux du territoire notamment dans les romans occupe une
2. qu il zi y x 73 nous tarde de r investir ou que nous devons quitter regret De la typologie du haut lieu de B dard sera galement retenu l entre lieu qui n est pas ancr dans le temps et d o mane une grande libert une certaine ouverture quant au nombre des possibilit s pouvant tre exploit es Cet espace qui attend d tre investi d tre transform par le regard humain est en phase de territorialisation On serait donc en mesure de le d signer comme un lieu en devenir d tenant un certain potentiel de transformation pour qui veut lui conf rer une reconnaissance en tant que lieu de m moire ou lieu du c ur l entre lieu demeure par le fait m me tributaire d une fonction symbolique et d Jun r le identitaire embryonnaires Afin d illustrer cette notion Lahaie donne comme exemple un entre lieu typique c est dire une clairi re 72 Loc cit 7 Ibid p 204 74 Ibid p 38 M B DARD Op cit p 62 76 l Loc cit 35 K 7 x PR dans une for t dense et rappelle qu un lieu en apparence anodin peut acqu rir notamment par la fiction une valeur connotative selon le regard subjectif qui est pos sur lui Pour clore cette typologie partielle des hauts lieux il sera question des non lieux aussi connus sous l expression de lieux de passage Certains sp cialistes dont Marc Aug auteur de l ouvrage N
3. 324 vu dans la distance ce qui est contempl un espace comme prolongement de soi La 321 Loc cit 32 S VINCENT Se dire Innu hier et aujourd hui Pidentit est elle territoriale dans N GAGN T MARTIN et M SALA N dir Autochtonies vues de France et du Qu bec Coll Mondes autochtones Qu bec Les Presses de l Universit Laval DIALOG R seau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones 2009 p 266 33 Ramer marcher porter camper manger dormir d camper ramer C tait sa vie Celle que pour un temps elle avait choisie Un emprunt ses anc tres H riti re par choix Le chemin tait d j trac par les milliers d autres portages Suffisait de se laisser guider N FONTAINE Op cit p 76 324 C DEVOIVRE Op cit p 33 96 narratrice laisse entrevoir des lieux forestiers empreints d une beaut virginale pourtant parcourus de fond en comble depuis des g n rations et qui semblent autant contribuer au r veil des traditions ancestrales que rass r ner les personnages innus en qu te d un lieu leur image une ch ra marqu e au sceau de la communion avec l environnement tant dans ses pi ges que dans sa beaut devient manifeste si l on se r f re au lien troit unissant territoire et humain nature et culture tant dans ce cas ci intrins quement unies 3 2 2 2 Nomade par nature La notion de legs demeure pr dom
4. 66 fs F 200 occupent v ritablement une fonction d claireur s pour reprendre l expression de Nadeau Lavigne voire de psychopompe au sens o les animaux peuvent aussi devenir conducteurs des mes des morts D s le premier chapitre du voyage Victoria et Daniel h et d cident de croisent un ours se d pla ant en direction du village de Waskaganis prendre la m me voie que l ours auquel les Cris vouent un grand respect Plus loin dans le r cit appara t un lynx mort aux abords de la route et qui attire l attention de la conductrice L animal gardien des secrets dans sa tradition maternelle conduit la d couverte de s pultures en territoire ancestral La piste fournie par celui ci permet la narratrice de fouler le sol d un lieu sacr propice au recueillement qu elle n aurait pu d nicher autrement Le lieu du c ur que repr sente la figure spatiale di g tique de la grotte du Li vre o se d roule la c r monie d crite ci haut laisse galement la place quelques animaux venant escorter Victoria lors de son voyage chamanique nouveau je suis avec le caribou et la loutre mais il y a aussi une grande corneille Noumoushoum Humbert La m nagerie grandit en nombre Voici un renard roux 204 une immense mouffette un orignal un aigle royal et un loup gris Ces manifestations lui indiquent l entr e d un univers onirique qu elle croyait
5. Culture et nature deux notions habituellement en opposition s imbriquent dor navant l une dans l autre pour cr er un espace o r gne l harmonie dans une interp n tration des l ments soit une chor sie qui transpara t jusque dans la d signation des lieux occup s par les Premi res Nations Le territoire est polys mique 2k ranit a162 il est un h ritage un corps une langue et une criture L vocation de souvenirs li s aux cours d eau vient nouveau jouer un r le f d rateur de la m moire en ce sens que les descriptions de la narratrice permettent de mieux saisir la relation qu entretenaient autrefois les Cris avec la figure de l eau Nonobstant le fait que le paysage conserve un certain flou car issu d une simple rem moration cette derni re rappelle avec justesse ces liens troits d coulant du nomadisme Or les d placements sur les lacs et les rivi res taient courants afin de r pondre un besoin de subsistance toujours suivant le cycle des saisons Plus tard l automne ils remontaient la Nottaway vers le lac Shabogama jusqu l embouchure de la rivi re Magiscane o ils s installaient pour l hiver Les esturgeons y frayaient au printemps Mes parents y plongeaient des filets aux larges mailles pour capturer ces poissons monstrueux 161 Jbid p 20 1 V ALBA Reconstruction et repr sentation de la notion de territoire dans les crits des femm
6. Toutefois le fait de quitter Uashat et ses regards fuyants am ne un sentiment paradoxal qui confine la nostalgie J ai beau dire 260 c est mon chez moi que je quitte Par un retour du balancier l ici donc la communaut se transmue en un ailleurs qui vient f conder l imagination les d sirs de la narratrice 2 Thid p 33 7 C DEVOIVRE Op cit p 39 258 N FONTAINE Op cit p 34 2 Thid p 90 260 Thid p 34 81 V ritable microcosme en soi la figure spatiale de la communaut d Uashat rec le de nombreux paradoxes La beaut environnante est alors rapidement masqu e par la douleur la d ambulation de fant mes hors du temps la d cr pitude des lieux vanescents formant le c ur du village Ceci entra ne chez plusieurs un d sir de partir notamment pour la ville pour tenter sa chance et se lib rer d un tat catatonique engourdissant Le c toiement de la mort de la solitude du silence rode peut tre m me de fa on pr matur e la communaut autant ses infrastructures que ses habitants Mais les choses vieillissent plus vite par l bas d o je viens Parfois sans que personne ne s en 261 rende compte 3 1 3 Gare aux loups En plus de proposer une visite d Uashat la narratrice s attarde d crire les maisons typiques du village figures spatiales arrivant par alternance et de fa on r p t e dans le r cit ainsi que l atmo
7. des choses dans la concr tude du monde sensible En effet la notion de chor sie qui y est jointe permet de d finir l occupation particuli re d un lieu par l humain occupation allant i A 7 R i 4 47 jusqu l am nagement voire la transformation compl te du paysage L exploration du topos mais surtout de la ch ra rend alors compte du lien qui unit l tre humain et son espace Ceci permet d tudier l influence des lieux sur les individus notamment dans un contexte fictionnel o l exp rience d un auteur se trouve en cause En effet l criture du lieu s labore en grande partie gr ce une exp rience des lieux 4l A BERQUE Lieu dans J L VY et M LUSSAULT dir Dictionnaire de la g ographie et de l espace des soci t s Paris ditions Belin 2003 p 556 A BERQUE coum ne p 30 8 C LAHAIE Op cit p 34 35 4 A BERQUE coum ne p 143 4 Ibid p 30 4 A BERQUE Lieu p 556 4 C LAHAIE Op cit p 35 28 r els leur fr quentation mentale un face face avec la ch ra L objectif propos par B dard et Lahaie en pr misse au num ro des Cahiers de g ographie du Qu bec qu ils ont dirig peut s av rer utile quant la production d une analyse de la repr sentation des lieux m me de tenir compte du caract re hybride qui en mane ceci encouragerait une confrontation
8. suit le long trajet des petites escales pour se rendre jusqu Matimekush Lac John la ville du fer La figure spatiale du chemin de fer du train a ceci de particulier qu elle trouve une r sonance manifeste chez le peuple innu qui voit en elle une forme d exutoire pour rejoindre le territoire o l attend l un des centaines de chalets qui se tiennent et s parpillent le long de la voie ferr e ou bien la communaut r f rentielle de Matimekush l image des routes cahoteuses cette figure est salvatrice pour plusieurs malgr l aspect rebutant et rudimentaire de la gare lieu de passage par excellence La b tisse qui fait office de gare est vieille recouverte de t le grise Les murs sont beiges Il y a peine quelques chaises orange pour attendre l heure d embarquement 7 Ce non lieu l apparence quelconque renferme toutefois la promesse imminente d une retraite au c ur du Nutshimit le train se convertissant alors lui m me 27 Thid p 26 22 Thid p 67 24 Loc cit 225 Loc cit 74 en entre lieu parce qu il constitue l l ment cl permettant d atteindre ce havre Cet entre lieu qui pourrait pr senter certaines similitudes avec le lieu du c ur convie nouveau se mouvoir avec lenteur pour mieux suivre ce trajet en train lieu di g tique infini Le d but de la longue route qui dure quelques heures une journ e jusqu tard d
9. espace Coll Synth ses contemporaines 2 dition Tournai ditions Casterman 1 dition 1972 1978 245 p MORISSET Jean Fabriquer de l espace autochtone Making Native Space ou l impossible poursuite d un territoire deux tages Recherches am rindiennes au Qu bec En ligne vol 38 n 1 2008 p 55 58 http id erudit org iderudit 039745ar Page consult e le 18 juillet 2011 MYRE Nadia Baliser le territoire Manifestation d art contemporain autochtone Site de la galerie Art M r Traduction d Eve De Garie Lamanque En ligne janvier 2012 http artmur com expositions expositions courantes baliser le territoire Page consult e le 18 janvier 2012 NADEAU LAVIGNE Julie Approches du territoire dans la litt rature autochtone du Qu bec La Saga des B othuks de Bernard Assiniwi et Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau M moire M A Universit du Qu bec Montr al 2012 116 p NEPVEU Pierre Int rieurs du Nouveau Monde Coll Papiers coll s Montr al ditions du Bor al 1998 378 p NEPVEU Pierre Lecture des lieux Coll Papiers coll s Montr al ditions du Bor al 2004 270 p PAR Fran ois La distance habit e Coll Roger Bernard Ottawa ditions Le Nordir 2003 277 p PINKOLA EST S Clarissa Femmes qui courent avec les loups Histoires et mythes de l arch type de la Femme sauvage Coll Le livre de
10. espace et de temps dot de propri t s accessibles nos sens Entit spatiale appropri e par un groupe social et donc instantan la 5 Ibid p 42 5 R BOURNEUF et R OUELLET L univers du roman Coll SUP Litt ratures modernes Paris Presses universitaires de France 1972 p 145 ST M PRAT Auteurs lieux et mythes Coll Espaces litt raires Paris ditions de l Harmattan 2002 p 16 31 crois e des possibles de son territoire et de son histoire il s agit d un lieu signifi Toutefois la hauteur non pas n cessairement physique mais figurative pr domine sur le lieu en tant que tel car elle lui conf re une dimension symbolique qui l institue comme marqueur r f rentiel structurant Le haut lieu se veut donc le porteur d une signification le repr sentant d un trait culturel l intention d un tissu social donn dont l imaginaire collectif est souvent impliqu au sein de la formation du ph nom ne rig ou lu il exprime l tre de ces m mes territoires et populations car il pr te la parole l une ou l autre de leurs caract ristiques fonci res et imm diates notamment par le biais de sa polys mie ainsi que de sa polymorphie M me si B dard d nombre plusieurs hauts lieux seuls quelques uns peuvent tre appliqu s aux repr sentations pr sentes dans les crits litt raires cette typologie ayant t formul e pour ci
11. Dans le cas du r cit innu la figure spatiale de la for t se mue en v ritable lieu intime o il fait bon s tablir Elle devient en fait l oasis recherch e par les Innus afin d effacer les probl mes v cus dans la communaut et de retrouver la paix la s r nit Presque d ifi e par ceux qui s y enfoncent la for t se voit conf rer une aura sacr e au point o certaines substances en sont bannies En plus d agir telle une th rapie elle devient le berceau des traditions ancestrales alliant de nouveau nature et culture dans une chor sie soit une cohabitation symbiotique En outre dans Kuessipan la for t n agit pas que sur un seul 108 personnage mais touche plut t la collectivit elle devient m me essentielle la sauvegarde de la sant mentale des habitants d Uashat Il convient galement de mentionner que la notion de nomadisme qui va troitement de pair avec le territoire innu vise d une certaine mani re rendre hommage aux anc tres dont les mes arpentent la for t Les grandes lignes de la probl matique expos e d entr e de jeu dans ce m moire faisaient surtout r f rence la mani re qu ont les personnages d appr hender les lieux de les habiter de les parcourir de les nommer Elles mettaient galement l accent sur le fait d accorder une attention particuli re au ph nom ne de l oppression de l garement afin de dresser un portrait identitaire global des prot
12. L exp rience du Nouveau Monde parce qu elle teinte le rapport l espace fait que les crivains qu b cois les nouvelliers aussi trahissent dans leurs crits une conception du territoire et des lieux beaucoup plus proche de l am ricanit que de l europ anit Il devient alors envisageable d effectuer un rapprochement entre crivains autochtones et eus S ne A qu b cois dans la mesure o l espace v cu repr sente le continent nord am ricain et par le fait m me de porter attention aux particularismes du paysage am ricain parfois mythique si l on songe aux grands espaces la nature vierge aux routes infinies 1 2 Lieu nature du lieu et haut lieu Les lieux n ont aucun sens en eux m mes Ils n ont que celui qu on leur donne Mario B dard Une typologie du haut lieu ou la quadrature d un g osymbole p 70 Pour en venir d busquer le sens manant des lieux di g tiques qui il ne faut pas l oublier r pondent dans leur lisibilit des crit res davantage po tiques que C LAHAIE Op cit p 65 3 la lumi re de ces pr suppositions il convient de garder l esprit pour les chapitres venir qu il semble exister une relation r ciproque entre la litt rature des Premi res Nations et celle des Allochtones Elles s inspireraient ainsi toutes deux du continent nord am ricain dans leurs repr sentations de l espace 24 g ograp
13. eau go te le sel Et cause des vagues N FONTAINE Op cit p 33 34 87 Thid p 88 288 Loc cit 28 Thid p 46 88 environnant se trouve aussi d sign sous son appellation d origine c est dire en langue 290 l innue Ceci montre une communion entre la nature et la langue bref la culture innue ainsi qu un attachement la figure de l eau et ses cr atures marines comme en t moigne la toponymie des rivi res par ce peuple pour une m me rivi re les donn es topographiques peuvent diff rer selon la nation d appartenance pour les uns il s agira 2 Parfois la nomination n est de la rivi re Moisie pour les autres de la Mishta Shipu m me pas n cessaire seule une connaissance accrue du territoire permet la description d un plan d eau ce qui accro t le sentiment d intimit avec la nature Ils camperont l e en r z 293 o la rivi re se r tr cit 7 294 d En fait les lacs servent de route Les rivi res indiquent le nor Pinstar des routes des chemins de terre les cours d eau agissent titre de voies d acc s de guides pour ceux qui souhaitent parcourir le territoire La figure spatiale de l eau qui revient en alternance et de mani re compl tive dans l uvre indique la direction suivre depuis des temps imm moriaux Le printemps les nomades retrouvaient leur village par le chemin tout trac de la
14. id erudit org iderudit 37287ac Page consult e le 16 novembre 2011 CHEVALIER Jean et Alain GHEERBRANT Dictionnaire des symboles Mythes r ves coutumes gestes formes figures couleurs nombres 2 dition revue et corrig e Coll Bouquins Paris ditions Robert Laffont ditions Jupiter 1 dition 1969 1982 1238 p CHEVALIER Michel dir La litt rature dans tous ses espaces Coll M moires et documents de g ographie Paris CNRS Editions 1993 141 p C T Jean Fran ois Litt rature des fronti res et fronti res de la litt rature de quelques d passements qui sont aussi des retours Recherches sociographiques En ligne vol 44 n 3 2003 p 499 523 http id erudit org iderudit 008204ar Page consult e le 17 juillet 2011 DESBIENS Caroline Du Nord au Sud g ographie autochtone et humanisation du territoire qu b cois Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 50 n 141 2006 p 393 401 http id erudit org iderudit 014881ar Page consult e le 17 octobre 2011 DESBIENS Caroline Le Jardin au Bout du Monde terre texte et production du paysage la Baie James Recherches am rindiennes au Qu bec En ligne vol 38 n 1 2008 p 7 15 http id erudit org iderudit 039739ar Page consult e le 18 juillet 2011 DEVOIVRE Christ le Errance dans le r cit po tique errance du r cit po tique dans Rachel BOUVET et Myra LATENDRESSE DRA
15. il importe de tenir compte du fait que celle ci participe dans l intrigue d Ourse bleue un p lerinage culturel motionnel Je marche je respire et l tranget de ce voyage au nord o s ancrent mes racines me culbute dans un magma d motions que je croyais apais es La douleur que je croyais scell e s veille Ceci laisse croire qu il s agirait plut t d un entre lieu lequel serait en voie d acqu rir une valeur symbolique aux yeux de Victoria 2 1 2 Le visage des communaut s autochtones Au croisement d une route peut surgir un lieu habit par l humain transfigurant le paysage nordique aust re pour r pondre certains besoins primaires d o l interd pendance des l ments Ce d dale de chemins graveleux et chaotiques conduit 17 Thid p 26 118 T semble que la vision du chemin qu en a l auteur Milan Kundera s apparente celle v hicul e dans le roman de P s map o Bordeleau en ce qu elle accorde une importance l influence de l espace chez celui qui le parcourt Le chemin est un hommage l espace Chaque tron on du chemin est en lui m me dot d un sens et nous invite la halte M KUNDERA L immortalit Paris Gallimard 1990 p 330 cit par J NADEAU LAVIGNE Op cit p 100 19 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 99 120 A BERQUE coum ne p 89 45 donc in vitablement vers des communaut s autoch
16. possible cet air tant t chaud tant t froid Le respirer d aussi loin que le peuple se rappelle La tente un abri de fortune un h ritage le choix du nomade le r pit apr s une longue marche le plus paisible 331 des sommeils une toile pos e sur des baguettes de bois La description de la tente qu offre la narratrice met en vidence l aspect serein qui s en d gage comme en t moignent les termes parfait r pit paisible Il s agit ainsi d un lieu en soi au sein m me de la figure spatiale de la for t que les personnages ont h te de r investir afin de se laisser envahir par une douce f licit La cabane refuge moins ph m re semble tout autant un lieu recherch pour sa tranquillit son loignement M me si les donn es topographiques de la cabane sont r v l es il n en demeure pas moins que la narratrice pr f re une vocation de son environnement aux consonances po tiques 30 S VINCENT Op cit p 264 3I N FONTAINE Op cit p 77 99 La vieille cabane se trouve 254 milles au nord de Sept les L endroit est d sert gard par d immenses pinettes La neige recouvre le lac et le ciel obscur se laisse percer par d innombrables tisons lact s Tout r siste dans l imm diatet Tout s oppose au sens commun Tout repose les mes anciennes et les familles en vacances La figure de la for t se transforme alors en un immense cocon prot gean
17. si elles r ussissent transcender la lourdeur de la double minorit qui les accable sexuelle et ethnique II me semble que le cas de Victoria dans Ourse bleue pourrait donner lieu une analyse r v latrice vu son r le agissant au sein de la di g se son ent tement vis vis d hommes born s la mission d licate qu on lui confie et qui consiste retrouver les ossements de son oncle La prise de parole des femmes issues des Premi res Nations se fait de plus en plus sentir notamment dans le milieu litt raire et je crois qu emprunter la voie des gender studies permettrait de r fl chir la place qu elles occupent dans cette soci t moderne et m tiss e qui est la n tre 2 Hormis Virginia P s map o Bordeleau et Naomi Fontaine je pense entre autres Jos phine Bacon Rita Mestokosho Marie Andr e Gill Natasha Kanap Fontaine etc 113 Bibliographie uvres de fiction l tude FONTAINE Naomi Kuessipan Coll Roman et r cit Montr al ditions M moire d encrier 2011 113 p P S MAP O BORDELEAU Virginia Ourse bleue Coll Plume Lachine ditions de la Pleine Lune 2007 204 p Etudes essais et articles ALBA Virginie Reconstruction et repr sentation de la notion de territoire dans les crits des femmes autochtones du Canada les exemples de Jeannette Christine Armstrong Lee Maracle et Beth Brant International Journal of Canadian Studies Revue i
18. te d un refuge naturel ou spirituel afin d chapper la morosit ambiante Une relation troite entre la for t et les Innus transpara t dans l uvre montrant ainsi cette union respectueuse qui s est tablie jusqu trahir une chor sie presque sereine une fa on d tre au monde en harmonie avec les l ments propre ce peuple D ailleurs malgr quelques aspects toponymiques diss min s a et l par la narratrice on peut affirmer sans h sitation que 3 Thid p 65 0 J CHEVALIER et A GHEERBRANT Chasse op cit p 246 102 ces fragments sont beaucoup plus pr s de la ch ra de l interd pendance des l ments que du topos notamment par la d monstration po tique de la primordialit du territoire chez les personnages Ces derniers sont alors appel s se transformer au contact de la nature d une culture enfouie dans l harmonie sylvestre pour en venir red couvrir le nomadisme dans toute son authenticit 103 Conclusion L analyse de la repr sentation des lieux dans Ourse Bleue et Kuessipan a permis on l a vu de mieux cerner leur conception unique des lieux di g tiques entre autres vis vis de la question du territoire autochtone Elle incite galement retourner aux interrogations initialement pos es par ce m moire La figure spatiale de la route tant t nomm e tant t num rot e a un r le jouer dans les deux romans notamment en ce qui co
19. a plus Son 3 E 282 E corps d enfant les joues gonfl es de rires Se faire bercer Son appartement situ en 776 La cl ture qui s pare la maison du stationnement n arr te ni les so lons ni les autres N FONTAINE Op cit p 103 77 C LAHAIE Ces mondes brefs p 37 778 Celle qui pleurera seule dans son salon qui changera des couches toute sa vie N FONTAINE Op cit p 11 Elle sera seule jusqu minuit les soirs de f te dans une maison peu spacieuse pour ses r ves de princesse Jbid p 86 77 Autour on s assemble en laissant un passage suffisamment large aux hommes le temps de placer le cercueil accot au mur le plus large du salon La veill e du mort dure trois jours trois nuits bid p 50 51 280 Son visage tremble dans la noirceur de sa chambre close La peur la pourchasse dans ses cauchemars de m re Jbid p 16 Une chambre trop petite bid p 52 1 Un fauteuil qui sert de lit mon bambin Ma s ur et ma m re qui ronflent Des couvertures install es par terre Jbid p 52 282 Thid p 84 86 ville ne para t pas non plus rompre avec la solitude avec la douleur v cues dans la communaut avec un lit trop grand pour s a solitude avec s es sanglots qui 284 La notion de chez s teignent au m me rythme que s es pas sur le plancher flottant soi devient ainsi probl matique d
20. atoirement de petites communaut s autochtones sablonneuses et hybrides car modernit et tradition s y c toient Les l ments topographiques sont sans contredit dominants dans la di g se comme en font foi la d nomination des cours d eau et des villages Par cette travers e du territoire cri Victoria renoue avec son pass pour mener bien cette mission qui la taraude Malgr une pr dominance du topos dans le roman une ch ra unique parvient se manifester c est dire une mani re sp cifique pour l homme d occuper le territoire de l investir Victoria se r approprie la figure du territoire pour venir fusionner les notions qu elle a acquises 205 A BERQUE Lieu p 556 68 tout au long de son p riple puis s impr gne de cette matrice de culture pour ainsi mieux rena tre gr ce au lieu sacr que repr sente la figure spatiale de la for t 69 Chapitre 3 Kuessipan ou l touffante r duction Kuessipan est la toute premi re uvre de la jeune auteure innue Naomi Fontaine originaire de la communaut d Uashat Cette uvre dont la premi re de couverture annonce au lecteur qu il plongera dans un genre romanesque pr sente plut t une construction fragmentaire proche de la prose po tique mais permettant n anmoins d effectuer un survol de cette communaut autochtone visions parcellaires d un quotidien d peint sans fioritures V ritables t moignage s fle
21. auparavant imp n trable et accroissent ainsi la confiance en ses capacit s En effet Victoria attach e aux croyances traditionnelles alloue ces figures animales une enti re 200 J NADEAU LAVIGNE Op cit p 101 201 Cet animal joue d ailleurs un r le de premier plan dans les r ves de Victoria Nous parlons depuis peu lui et moi de la pr sence constante de l ours dans mes r ves et des pr sages qui se sont confirm s V PESEMAPEO BORDELEAU Op cit p 110 20 Thid p 19 20 Thid p 120 2 Thid p 173 67 confiance Elles la guident l clairent sur la voie de la r appropriation de son identit et l aident m me se mouvoir au sein des figures spatiales qui constituent le territoire cri Le r le crucial jou par les animaux dans le roman rend d autant plus signifiantes les notions de voyage de p lerinage de travers e des fronti res de rite initiatique Ces guides tot miques conf rent aux tendues du paysage jam sien un caract re la fois symbolique et personnel poussant la narratrice ne plus quitter son pays qu elle occupe d une mani re qui confine la chor sie berquienne dans un vident cro tre ensemble CE k R cit de voyage ou roman initiatique Ourse bleue fait emprunter au lecteur des routes o la solitude est pr gnante sillonnant des paysages jam siens r f rentiels le territoire d Eeyou Istchee o sont post es al
22. avenir ce g x OF n 40 qui conf re aux lieux une unit dynamique Par ailleurs la d marcation entre topos et ch ra a t pr cis e par Berque laquelle est indispensable pour la suite des choses L auteur se r f re Aristote ainsi qu Platon afin d claircir les deux conceptions que je tenterai de distinguer tout en m inspirant des explications apparaissant dans l ouvrage de Lahaie D apr s Berque le lieu qu il nomme le topos en empruntant les id es d Aristote y est un point abstrait totalement objectif Il rel ve d une g om trie qui permet de d finir non moins strictement les objets 7 Ibid p 89 38 Ibid p 148 9 Ibid p 93 0 Ibid p 144 27 qui peuvent ou non s y trouver Il s agit galement d un lieu qu il consid re comme cartographiable c est dire un lieu r el r f rentiel qu il faut envisager essentiellement partir de ses coordonn es spatiales et de ses propri t s physiques On parlera alors de la topicit d un lieu La ch ra quant elle prend appui sur les id es d velopp es par Platon et rel ve plut t du monde sensible non du monde intelligible Berque l associe au concept de lieu existentiel La ch ra se veut la fois dynamique et ouverte marqu e par une interd pendance entre elle et les l ments qui la composent C est le lieu du cro tre ensemble
23. cit 87 Loc cit 88 Loc cit Lambert s inspire ici des cat gories r pertori es par Todorov dans Les Cat gories du r cit litt raire 1981 90 Loc cit 91 Loc cit 92 Loc cit Ibid p 115 38 Sens Le x r 94 Chacune de ces figures a la possibilit d tre compl te ou partielle mais galement compl tive r p titive ou encore antith tique en regard des autres figures selon ce qu elle laisse entrevoir dans la narration mesure que les divers lieux font leur apparition Pour affiner cette typologie relative l espace dans la narration j aurai recours aux trois figures identifi es par Lahaie dans son article Les figures spatiales vanescentes de la nouvelle qu b coise contemporaine D abord les figures fusionn es apparaissent quand elles se trouvent entrem l es par les artifices de la narration Un personnage impliqu dans un ph nom ne de fusion pourra ainsi avoir l impression qu il occupe deux espaces la fois Pour ce qui est des figures projet es celles ci d signent un lieu qui survient lors du passage d un personnage d une figure spatiale premi re souvent concr te une figure seconde cette derni re tant m morielle onirique ou imaginaire Les figures d riv es quant elles vont brouiller les rep res du narrataire car la d rivatio
24. dans A BAILLY R FERRAS et D PUMAIN dir Encyclop die de g ographie Paris Economica 1995 p 875 888 cit par M BEDARD Op cit p 55 amp M B DARD Op cit p 55 G BALANDIER Le d sordre loge du mouvement Paris ditions Fayard 1988 p 61 cit par M B DARD Op cit p 55 7 M B DARD Op cit p 55 33 Suivent les lieux du c ur c est de Jo l Bonnemaison que nous vient l expression qu il d finit comme l articulation g ographique du sentiment d appartenance de certaines populations aborig nes B dard du m me avis tend son propos aux peuples autochtones en g n ral tout en soulignant l aura mythique ayant conduit l lection ou l rection d un tel lieu Les lieux du c ur se r v lent donc d ascendance mythique De fait pour les populations autochtones chez qui ils sont les plus fr quents ils guident et valident jusque dans leurs moindres d tails pens es discours et pratiques Alors m me qu ils donnent du sens leur rapport au monde les lieux du c ur s vertuent expliquer et illustrer la nature et l intensit de la relation qui les lie la terre au lieu dit Ces informations sont d autant plus pertinentes qu elles illustrent quel point les Premi res Nations ont d velopp et entretenu de mill naires en mill naires un lien solide avec des lieux en grande partie naturels qui puisent
25. ditative du monde les lieux paraissant parfois m me hors du temps une certaine vanescence de ces derniers pourra ventuellement tre d cel e dans les descriptions rappelant du m me coup le malaise qui plane subrepticement Christ le Devoivre dans Errances fait mention d une sp cificit propre au r cit po tique en prose Mode d criture centr sur les moyens plut t que sur les fins il pr sente ainsi la particularit d accorder une grande importance au paysage un paysage que contemple le personnage et dans lequel il se laisse absorber dans tous les sens du terme un paysage qui devient l objet de son d sir Si l tude de la repr sentation des lieux dans la litt rature tend d sormais occuper une part non n gligeable de la recherche universitaire actuelle bien peu de travaux ont port sur la notion de lieu dans la litt rature autochtone encore moins dans les uvres retenues ici Je mentionnerai toutefois un article de Martin H bert directeur du Centre Interuniversitaire d tudes et de Recherches Autochtones CI RA de l Universit Laval paru dans la revue Qu bec fran ais Celui ci propose une lecture d Ourse bleue portant une attention manifeste aux espaces mis en sc ne l int rieur du roman ainsi qu aux mani res de les parcourir Ainsi dans Du territoire au texte R cit d une qu te de vision dans Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau H bert d crit la q
26. en voiture la narratrice observe ce qui l entoure et propose des descriptions fragmentaires du paysage permettant de poser peu peu le d cor d Ourse bleue J aime rouler en silence le regard port sur l horizon o les nuages s accrochent au sommet des pinettes pointues Ce paysage me p n tre comme une musique V ritable voie d acc s au pays de ses anc tres cris la route devient lieu de p lerinage Victoria s engouffrant corps perdu dans les souvenirs voqu s dans de courts chapitres alternant avec ceux du voyage Cette figure spatiale lui permet ainsi de se recueillir en elle m me pour mieux voguer la d couverte de son identit profonde la route tant de mani re symbolique un r cit en devenir elle ne peut que convier la narratrice un moment d introspection 115 Jbid p 67 116 Jbid p 113 44 En outre la protagoniste porte un respect manifeste son peuple et cela se refl te dans sa perception des choses La nature semble nous faire de grands signes En effet mon grand p re cri portait le nom de Corde du Soleil J aime croire que mes anc tres symbolis s par lours nous guident dans ce p riple vers le nord premi re vue la figure de la route pourrait tre consid r e comme tant un lieu de passage son objectif premier consistant relier un point un point B sans recourir une quelconque dimension historique ou identitaire Toutefois
27. figure spatiale englobante veille les sens par sa beaut prenante convie l introspection la r flexion fait ressurgir la culture et les traditions ancestrales Plus important encore elle conduit les divers personnages se questionner quant leur identit et favorise l accomplissement de soi Les descriptions de la for t et des cours d eau des narratrices d Ourse bleue et de Kuessipan t moignent de l existence d une relation mill naire empreinte de respect d une chor sie caract ris e par une sorte de symbiose entre les l ments Il s agit du seul lieu o une appropriation v ritable du territoire peut survenir o une qu te initiatique je pense notamment celle de Victoria peut arriver son terme 112 D ailleurs cette qu te d un personnage f minin les points de vue de narratrices et l criture de deux femmes issues des Premi res Nations sont des aspects dont nous aurions pu tenir compte pour mieux comprendre le choix de ce type de repr sentations des lieux Une telle approche en convoquant la question du genre du f minin comme minorit au sein de la soci t patriarcale aurait sans doute t fructueuse elle aurait ainsi pu faire l objet d une recherche en soi vu l tendue consid rable du sujet De m me il aurait t pertinent d examiner les textes en regard de l agentivit des protagonistes afin de voir si elles parviennent s accomplir individuellement ou non
28. l accentuation de l effet de r el dans le roman qui a forc ment une propension r v ler la topicit du lieu 121 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 26 46 Je me pencherai ainsi sur ce qui constitue les villages qui pars ment le territoire d Eeyou Istchee commencer par Waskaganish qui appara t au d but du troisi me chapitre Daniel et Victoria y font escale et s journent dans une auberge d aspect rustique v ritable lieu de passage o l arr t ne se veut que temporaire Nous r servons une chambre l auberge construite d normes rondins et situ e face la rivi re Rupert f x 123 Une odeur de friture r de dans les corridors L auberge tant proximit d une rivi re et donc d une plage l e sable s infiltre partout lequel en vient faire partie int grante du d cor unique qui caract rise chacune des communaut s d voil es au cours du voyage cet l ment naturel constituant du paysage cri revient invariablement tout au long du r cit jusqu devenir une figure spatiale en soi Wemindji la narratrice remarque que le sable entoure v ritablement le village tout comme les habitations Les maisons construites sur du sable semblent inhabit es Nous laissons notre v hicule sur la plage immense qui ceinture la communaut Puis N maska celui ci constitue m me l essentiel des chemins Une longue bande de sable entre deux
29. la protagoniste mais qui en peine trois pages vient saisir l incidence majeure du territoire sur l me innue Le passage qui suit montre que l exp dition est beaucoup plus qu un d passement de soi plut t une v ritable renaissance gr ce un parcours initiatique en milieu sylvestre C tait le d but de quelque chose la fin d une autre Marcher jusqu la rivi re Ramer genou sur les planches de bois d un canot qui avait mille fois fait ce trajet Suivre la rivi re reconna tre en elle la voie celle des anciens celle des siens La for t avec ce qu elle rec le de mystique de spirituel d esprits des anc tres reste le lieu o la culture peut vraiment tre transmise l instar de ce qui s est produit dans l uvre Fouler les sentiers maintes fois emprunt s par ses a eux forme de rite de passage vers un nouvel tat a men la m tamorphose de la protagoniste une reconnaissance d un mode de vie li ses origines l image du r cit po tique ce tableau transporte la femme dans la nature o elle se meut travers rivi res et pinettes pour red couvrir la vie nomade et se retrouver elle m me Christ le Devoivre explique bien ce que l on pourrait nommer la communion entre la figure spatiale et le personnage laquelle peut donner lieu un veil de la conscience chez celui ci Tout d abord l espace travers parcouru puis ce qui est
30. m me 144 Thid p 159 145 Thid p 160 146 C LAHAIE Ces mondes brefs p 204 TV P S MAP O BORDELEAU Op cit p 137 52 A 148 7 n ARE r ver de nouveau tape cruciale dans la poursuite de sa qu te identitaire ainsi que spirituelle On pourrait croire que cette exp rience s tendrait m me au del de la maison en ce sens que la protagoniste effectue un v ritable p lerinage la Pointe aux Vents situ e non loin de la propri t paternelle Cette derni re constate les traces laiss es par le passage du temps et ses propres souvenirs s en trouvent m tamorphos s le lieu ne pr sente plus la m me beaut id alis qu il tait par la jeunesse Je ne me souvenais pas d un rivage aussi escarp Je suis surprise de l troitesse de notre pointe mes souvenirs en gardaient une ampleur qu elle n a jamais eue La description qu en fait la narratrice montre bien l abandon de l endroit jusqu y conf rer un aspect s pulcral o la terre est un gouffre avide Sur la branche d un pin gris la t te fl trie est suspendue une chaudi re rouill e et trou e Je t te le sol de mes pieds entre les herbes et les tiges de framboisiers afin de rep rer les restes des fondations Rien La terre semble avoir englouti notre demeure La cime s che de l norme bouleau o nous grimpions Jimmy et moi indique que sa vie s ach ve Sym
31. marqu e 32 m int resserai plus sp cifiquement certains hauts lieux qui peuvent s appliquer la litt rature pour ensuite m y r f rer lors de mon analyse et mieux comprendre la vision subjective v hicul e dans les uvres Comme il a t sp cifi ci haut les hauts lieux se divisent en plusieurs cat gories dont les lieux de m moire qui seront les premiers faire l objet d un examen plus pouss Les lieux de m moire sont ainsi des lieux privil gi s qui prenant en compte les temporalit s du lieu symbolique et privil giant le r le f d rateur de la m moire collective condensent le temps long dans celui de l instant la dur e de ce qui perdure dans ce qui est Ceux ci naissent alors d un consensus social par lequel un lieu se trouve li un moment marquant de l histoire ou bien un incident qui perdure dans le temps En somme ils d tiennent le pouvoir d clairer une identit incertaine d elle m me en mettant l accent sur un l ment m moriel et unificateur Les lieux de m moire que sont par exemple la Ligne Maginot la tombe du Soldat inconnu ou Pomp se distinguent ainsi des lieux simple caract re historique ch teaux glises etc J9 leur impact sur un imaginaire collectif donn conviant un certain recueillement ainsi qu un devoir de m moire manifeste amp B DEBARBIEUX Imagination et imaginaire g ographique
32. moignerait de leur incapacit entreprendre un r cit authentique empreint de mouvements de d placements justement parce qu ils ont perdu leur mobilit au profit d un marasme g n ralis Les fronti res sont apparentes au point de former un v ritable enclos emprisonnant litt ralement ceux qui y vivent et rappelant de nouveau l impuissance des personnages mettre en branle les mots afin de cr er un r cit de vie qui ferait rena tre l ensemble de la communaut La ville s arr te o la r serve commence La cl ture plant e l un gardien contre les loups les Innus Ils s attardent derri re la barri re Se tiennent tout pr s Cherchent l issue trouvent le chemin de leurs propres lois Ils veulent fuir l o il n y a pas de barricades Rel gu s l tat d animaux les Innus entretiennent le d sir de quitter la figure de la r serve afin de d mentir cette comparaison Ceci pourrait justifier que la tension entre rester et partir notamment pour la ville soit tr s pr sente dans Kuessipan Ce d sir de rJecommencer ailleurs se caract rise entre autres par la r it ration du terme 249 partir Au bout de cette sale voie il te restait encore de l espoir Partir Regretter d tre pass e en inconnue en terre morte Partir Accepter d embrasser 7 Thid p 48 2 Thid p 32 28 Loc cit 250 Thid p 102 79 BI y L anonymat des
33. ne ceux qui la prennent autant qu elle les comble Dans cet univers antith tique cette figure qu on pourrait voir comme un entre lieu tend repousser la d tresse au profit d une lente mais temporaire red couverte de la beaut 3 1 2 Partir ou rester Comme je le mentionnais au d but de mon tude l uvre de Fontaine est divis e en quatre sections Uashat la seconde et qui est en outre la plus longue fait r f rence la topicit en voquant le nom d une r elle communaut innue de la C te Nord Pressenties pour devenir le c ur du r cit ces pages r v lent un univers aigre doux o la s r nit du paysage environnant se heurte une solitude instill e d une rage musel e M me si d s l incipit de Kuessipan la narratrice aurait pr f r embellir cette 1231 communaut elle entra ne le lecteur sa suite comme dans une visite guid e afin de parcourir et de d couvrir les moindres recoins de la figure spatiale d Uashat Chacun des lieux taie cette figure jusqu ce qu elle soit compl te Gr ce de nombreuses descriptions d taill es la narratrice parvient recr er une r serve qui n est pas id alis e gt avec des lieux publics des non lieux avec son cole primaire son CPE peu invitant BI Et pourtant j ai invent J ai cr un monde faux Une r serve reconstruite o les enfants jouent dehors o les m res font des enfants
34. personnages esquiss s par l auteure tels des fant mes anonymes et exempts d essence vont et viennent au sein des fragments ne laissant voir qu une parcelle de leur me fatigu e En quelques mots peine celle ci d peint les drames quotidiens dont la r serve d Uashat est le th tre Apparaissent alors un jeune homme de vingt ans dont le foie est d j d truit uJne adolescente de quinze ans qui tra ne son ventre rond d une maison bleue une maison beige un homme qui voudrait faire plus que d attendre un ch que le premier du mois Cette d tresse silencieuse et solitaire qui transpara t renvoie une certaine incapacit des personnages s approprier l espace vivre de fa on s dentaire s dentarit qui pourrait d ailleurs tre synonyme de stagnation 3 F PAR La distance habit e Coll Roger Bernard Ottawa ditions Le Nordir 2003 p 10 La narratrice de Kuessipan va m me jusqu d sirer coucher par crit ce silence omnipr sent comme pour le conjurer Le silence Je voudrais crire le silence N FONTAINE Op cit p 16 4 Thid p 32 76 Ibid p 40 246 Thid p 60 78 dans ce cas ci pris dans les limites d une communaut qu ils n ont pas compl tement su faire la leur L absence totale de dialogue entre les personnages rappelle leur impuissance se d p trer du silence dans lequel ils baignent malgr eux ceci t
35. plans d eau se d tache devant nous Les rues de N maska sont en sable fin Le sable a la particularit d tre doux au toucher p TOURISME EEYOU ISTCHEE D couvrez Eeyou Istchee la terre du peuple En ligne http www discovereeyouistchee ca fr Page consult e le 9 ao t 2013 3 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 26 27 Ibid p 26 Ibid p 53 2 Jbid p 180 47 ce qui procure une sensation agr able comme l exp rimente la protagoniste malgr la solitude et le d nuement qui manent des communaut s autochtones d crites dans le roman on pourrait supposer que la figure du sable conf re un certain calme du moins dans l atmosph re ou le d cor ambiant C est effectivement comme une recherche de repos de s curit de r g n ration Toutefois cet l ment sablonneux contribue procurer l espace un aspect d sertique presque fantomatique comme si la v ritable me des villageois se cachait derri re ce brouillard symbolique En outre cette vanescence des lieux pourrait signifier la difficult qu ont les Cris s approprier les terres de r serve Ceci m am ne effleurer l pineuse question des probl mes sociaux qui vient briser l apparente qui tude des communaut s dans la di g se telles que Chisasibi l o il est interdit de faire entrer de l alcool sur le territoire cri Une d cision prise par le conseil de bande
36. pour en venir d velopper une v ritable creative writing du territoire En r sulte dans le roman tudi une pulsion cr atrice g n r e par la nature qui fera en sorte de rendre hommage ces figures r f rentielles par le biais de textes sur la rivi re et sur son importance pour les Cris En marge de la publication litt raire le projet cherche cristalliser le lieu afin qu il demeure vivant pour les g n rations futures et qu il ne tombe jamais dans l oubli l eau tant l essence m me du territoire Avec l accord des anciens l quipe du programme H ritage Culturel veut cr er un site pour conserver la m moire des rivi res Eastmain et Rupert Il s agirait d une uvre d art autour de laquelle les Cris pourraient se rassembler dans l avenir 166 Jbid p 182 183 167 C LAHAIE Ces mondes brefs p 25 168 B WESTPHAL Pour une approche g ocritique des textes Esquisse dans B WESTPHAL dir La g ocritique mode d emploi Coll Espaces humains Limoges Presses universitaires de Limoges 2000 p 16 19 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 129 170 T MARTIN et A GIRARD Le territoire matrice de culture analyse des m moires d pos s la commission Coulombe par les premi res nations du Qu bec Recherches am rindiennes au Qu bec En ligne vol 39 n 1 2 2009 p 62 http id erudit org iderudit 0449
37. suite aux multiples accidents et suicides caus s par l abus de consommation L alcool poison pour leur syst me n att nue pas leurs souffrances Il en va de m me pour Mistissini qui est aux prises avec des fl aux similaires 127 Thid p 53 128 L environnement des maisons du village frappe par sa nudit Ainsi le condo qu habite Carolynn semble sortir de nulle part install au milieu d un grand cercle de sable bid p 183 12 J CHEVALIER et A GHEERBRANT Sable Dictionnaire des symboles Mythes r ves coutumes gestes formes figures couleurs nombres 2 dition revue et corrig e Coll Bouquins Paris Editions Robert Laffont Editions Jupiter 1 dition 1969 1982 p 969 50 P S MAP O BORDELEAU Op cit p 65 BI Jbid p 159 48 Par ailleurs la contemplation du village de Waskaganish offre Victoria un tonnant m lange de modernit et de tradition de nordicit urbaine donc mais o le mode de vie nomade ancestral tend dispara tre au profit d une s dentarisation un passage presque oblig La pluie creuse de profondes crevasses dans ce sol sablonneux Les traces de pneus de voiture contournent certaines fissures en passant par la cour des maisons Construits en ligne comme dans les banlieues des villes du sud des bungalows remplacent les cabanes en rondins et les tentes Dans les ruelles des tipis se dressent ils servent de fumoi
38. te pas Elle est si petite M me les enfants de trois ans jouent sans surveillance Les voitures sont habitu es elles roulent lentement Les gens aussi marchent lentement bid p 38 212 Thid p 40 5 C DEVOIVRE Op cit p 32 71 Voici le portrait d un de ces personnages La fille qui avance vers nous celle qui est grosse avec le chandail noir c est ma cousine loign e Elle a trois enfants Je crois qu elle est encore enceinte On dit qu elle parle de se faire avorter Mais je ne crois pas que ce soit vrai Les filles ne se font pas avorter par ici N FONTAINE Op cit p 38 25 Thid p 34 72 Les personnages qui d sirent ardemment emprunter les chemins voluent au sein d une opposition nature village qui t moigne de leur fi vreuse soif de libert De fait cette figure spatiale constitue un espace transitoire entre la communaut et la for t Suivre ce type de route rappelle tout au long d un parcours sinueux bringuebalant mais sans d tour la promesse automnale d une vue imprenable et d une atmosph re paisible Trois heures de chaos pour l intimit d un lac cent fois trop beau pour le spectacle inconnu C tait l qu il avait sa terre Parfois la narratrice nomme le num ro de la route la 138 ou mentionne un l ment de la topographie station d essence de Mani utenam se rapprochant alors davantage du topos berq
39. un territoire oubli par la narratrice convie une red couverte d une culture ancestrale transmise par le biais d une exp rience subjective des lieux M me si l assertion qui suit s applique aux r cits de voyage de fa on g n rale elle propose une r flexion qui pourrait s appliquer au roman Ourse bleue Victoria subjugu e par tant de r v lations Cette th matique de la d couverte de l identit par le roman de voyage n est pas nouvelle en fait elle est m me constitutive du genre ou du chronotope que constitue le roman de voyage depuis ses origines Bakhtine 1978 p 249 Ce qui est nouveau en elle cependant telle qu elle appara t au sein de nouvelles d terminations c est que cette d couverte se fait en quelque sorte l int rieur de territoires qui semblaient connus mais qui se r v lent en fait d s lors par le biais d une nouvelle exploration inconnus L aboutissement de la qu te passe sp cialement par la tenue d une c r monie chamanique qui fait appel aux aspects davantage mystiques de la figure de la for t ceci s explique du fait qu elle peut tre qualifi e de lieu magique ou sacr souvent li 178 Les lieux naturels semblent amener chez la narratrice des dispositions c r monielles favorables Je m assieds au pied du plus gros arbre dos au nord et j tale une pi ce de peau d orignal sur laquelle je d ploie mes outils sacr s V PESEMAP
40. villes l indiff rence face autrui en la famille du mort Partir opposition la proximit qui r gne dans la communaut peut parfois devenir salvateur Les traitements se donnaient dans la grande ville Tu as quitt ton village ta mis re ta destruction tes amis ta famille Les fragments po tiques et le climat qui en d coule tendent d naturer cette r alit pour mieux go ter l incertitude au flou La focalisation non perceptive de la narratrice rend possible la mise en place d une figure spatiale projet e les lumi res tant l l ment d clencheur afin de nous sortir de la communaut et de nous amener vers des lieux plus ou moins ind termin s n anmoins tir s des pens es de la narratrice Les lumi res m me de tr s loin sont perceptibles Bien s r il est impossible de distinguer le pont et les autoroutes Les feux de circulation et les lampadaires Les lumi res du ch teau et celles de la tour du CN Celles des maisons sont peine visibles Elles aussi clairent le halo orang qui se forme dans le ciel la ville Elle s loigne de mani re onirique des centaines de kilom tres s imaginant quoi ressemblent les lumi res des grandes agglom rations faisant allusion Qu bec Toronto pour ensuite revenir tout pr s de chez elle Parfois la narratrice use de comparaisons qui peuvent emprunter au ph nom ne de la projection laissant ainsi planer
41. 0 2 Thid p 65 97 de la for t semble v ritablement occup e par la m moire des anc tres ce qui en fait l endroit propice pour poser des gestes traditionnels maintes fois ex cut s Alors que la narratrice s adresse un jeune homme le tu la force vocatrice du territoire arpent par ce dernier s exprime par le biais de la r surrection de l tat d esprit nomade La for t recouvrait le morceau de terre que l eau sal e d limitait Isol face l infini le monde avait tout son sens Tu as ressenti l instinct des vieux chasseurs pr ts combattre le pays en temps de mis re La notion de nomadisme ch re la nation innue dans le r cit a des r surgences majeures dans Kuessipan le premier chapitre tant m me intitul Nomade En effet ce mode de vie principalement ax sur la migration la chasse la p che o la for t et ses habitants vivent en symbiose est mis de l avant et pr sent comme la meilleure mani re de fusionner avec la tradition de grandir spirituellement Le nomadisme est profond ment ancr dans l esprit de la narratrice au point o il devient partie int grante de sa vision du monde Nomade j aime concevoir cette mani re de vivre comme naturelle Cette disposition particuli re permettant d appr hender le territoire en tant que t moignage symbolique et culturel m ne in luctablement une r v lation de soi une reconnaissance
42. 23 avril 2011 paru dans Le Devoir 16 capacit d vocation de l auteure il n a encore fait l objet d aucune analyse caract re Pi scientifique une lacune que je tenterai modestement de combler ici tant donn la pr gnance du concept de territorialit dans maintes questions autochtones sonder les repr sentations des lieux dans les romans Ourse bleue et Kuessipan permettra sans doute de mieux saisir les r percussions dans l imaginaire collectif des Premi res Nations du Qu bec de la cr ation de r serves et de l an antissement de cultures mill naires au profit d un colonialisme avide de terres et de ressources Comment les personnages des soci t s cries ainsi qu innues autrefois nomades et mis en sc ne par P s map o Bordeleau et Fontaine con oivent ils l environnement qui les entoure Quels types de relations entretiennent ils avec les lieux De quelle fa on habitent ils le territoire et parviennent ils se l approprier Les narratrices ont elles une mani re particuli re de nommer les lieux ou de les d crire Devant des fronti res ghetto santes je tenterai de d couvrir dans quelle mesure on peut qualifier les protagonistes des deux r cits d apatrides de l int rieur pour reprendre l expression de Simard et si elles arrivent tout de m me s accrocher une identit qui leur soit propre J J SIMARD Op cit p 25 17 Toutefois avant de pl
43. 39 amp mis re la souffrance mort terme qui revient de nombreuses reprises au cours 1 Le 24 242 f du r cit peur drogue hurlements bagarres Ce choix de mots cr e 34 Il n y a pas beaucoup de tombes et ce n est pas parce qu on ne meurt pas beaucoup Le premier cimeti re est de l autre c t de la r serve bid p 36 2 Ibid p 37 36 Thid p 30 237 Ibid p 37 38 Si tu continues ton chemin droit devant il y aura du sable tes pieds Tu go teras le sal de l air C est l heure o le soleil se couche Le ciel fera des siennes Laisse les vagues rythmer tes sens a t apaisera bid p 39 2 Thid p 12 20 Thid p 27 1 Thid p 31 2 Thid p 40 77 un r cit la fois touchant et r voltant o s inscrit en filigrane une oppression insidieuse La figure de la r serve territoire enclav qui semble coup du reste du monde est un v ritable microcosme o se jouent des drames insoup onn s o la qui tude se rar fie se d sagr ge La r flexion de Fran ois Par serait alors tout indiqu e pour d crire et expliquer l origine d un tel choix lexical de la part de Fontaine Plus que toutes les autres en effet les soci t s p riph riques souvent li es par des affinit s troubles la domination des centres sont puissamment travaill es par l angoisse de la mort et du silence Les
44. 47 d cembre 2008 p 439 451 http id erudit org iderudit 029870ar Page consult e le 17 juillet 2011 Les figures spatiales vanescentes de la nouvelle qu b coise contemporaine Qu bec fran ais En ligne n 160 hiver 2011 p 30 33 http id erudit org iderudit 61618ac Page consult e le 22 f vrier 2013 LAMBERT Fernando Espace et narration th orie et pratique tudes litt raires En ligne vol 30 n 2 hiver 1998 p 111 121 http id erudit org iderudit 501206ar Page consult e le 22 f vrier 2013 117 LAURIN Danielle Un c t rouge un c t blanc Le Devoir En ligne 10 novembre 2007 http w ledevoir ca culture livres 163870 un cote rouge un cote blanc Page consult e le 16 novembre 2011 LEFEBVRE Henri La production de l espace 3 dition Paris ditions Anthropos 1 dition 1974 1986 485 p LEPAGE Pierre Mythes et r alit s sur les peuples autochtones Qu bec Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse 1 dition 2002 2009 88 p MARTIN Thibault et Am lie GIRARD Le territoire matrice de culture analyse des m moires d pos s la commission Coulombe par les premi res nations du Qu bec Recherches am rindiennes au Qu bec En ligne vol 39 n 1 2 2009 p 61 70 http id erudit org iderudit 044997ar Page consult e le 18 juillet 2011 MOLES Abraham A et lisabeth ROHMER Psychologie de l
45. 97ar Page consult e le 18 juillet 2011 TV P S MAP O BORDELEAU Op cit p 134 58 Ce d sir d riger une borne culturelle caract re mn monique introduira l incident marquant que repr sente l inondation des territoires riverains au sein de la m moire collective cr ant du coup un lieu de m moire cet endroit pourra alors jouer un r le dans la reconnaissance identitaire et l unification d un peuple travers un v nement rappelant la disparition d un lieu naturel li des traditions mill naires Comme l explique B dard les lieux de m moire sont les artefacts d une m moire vive qui ancre la destin e de l un comme de l ensemble dans un contexte signifiant plus vaste 7 Dans ce cas ci il s agirait toutefois d un lieu de m moire plus intime en ce sens qu il touchera surtout les populations cries et non l ensemble des individus N anmoins la conservation de l me du lieu servira les rassurer les resserrer en tant que nation 2 2 2 S enfoncer dans la qui tude foresti re L JAutochtone dans sa propre compr hension du monde consid re qu il porte en lui l empreinte g n tique du territoire puisque celui ci l a enfant et que le territoire est aussi le terreau dans lequel germe sa culture on peut ainsi supposer que les souvenirs de Victoria qui ponctuent les chapitres li s aux savoirs aux connaissances de l espace cri des an
46. D PARTEMENT DES LETTRES ET COMMUNICATIONS Facult des lettres et sciences humaines Universit de Sherbrooke De l enchev trement des fronti res la pr carit identitaire une tude de la repr sentation des lieux dans Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau et Kuessipan de Naomi Fontaine par Cassandre Sioui M MOIRE PR SENT En vue de l obtention du grade de MA TRE ES ARTS M A Sherbrooke NOVEMBRE 2014 Composition du jury De l enchev trement des fronti res la pr carit identitaire une tude de la repr sentation des lieux dans Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau et Kuessipan de Naomi Fontaine Cassandre Sioui Ce m moire a t valu par un jury compos des personnes suivantes Christiane Lahaie directrice de recherche D partement des lettres et communications Facult des lettres et sciences humaines Nicole C t autre membre du jury D partement des lettres et communications Facult des lettres et sciences humaines Roxanne Rimstead autre membre du jury D partement des lettres et communications Facult des lettres et sciences humaines Remerciements Je remercie tout d abord ma directrice Christiane Lahaie pour la confiance et l attention qu elle m a accord es tout au long de la r daction de ce m moire Ses conseils judicieux et son ouverture m ont permis d aller plus avant dans ma r flexion J aimerais galement remercier mes p
47. EO BORDELEAU Op cit p 108 1 Ibid p 176 180 J F C T Litt rature des fronti res et fronti res de la litt rature de quelques d passements qui sont aussi des retours Recherches sociographiques En ligne vol 44 n 3 2003 p 504 http id erudit org iderudit 008204ar Page consult e le 17 juillet 2011 61 au pass aux esprits de nos anc tres aux reliques des saints aux valeurs traditionnelles D ailleurs dans l uvre romanesque de P s map o Bordeleau il est possible de d signer la Colline blanche plus particuli rement l Antre du Li vre qui s y trouve comme tant un lieu du c ur propre aux populations autochtones tel que l entendent B dard et Bonnemaison Il s agit d un lieu naturel investi de symbolisme engageant aux pratiques spirituelles et pr sentant une certaine r sonance au plan identitaire Koukoume Ka Wapka Oot nous parlait de la grotte du Li vre au nord de Mistissini Au cours des derniers mill naires les anc tres cris fa onn rent leurs outils leurs pointes de fl che ou de lance au c ur de la colline Blanche dans laquelle se creuse la grotte sacr e aux murs de quartz d une robustesse et d une blancheur sans pareilles Je savais par ma m re et koukoume que les anciens utilisaient la grotte pour leurs rituels Comme il s agit d un lieu mythique et sacr pour les Cris on peut admettre sans ambages que la for t rec le de ces lieu
48. FT Jbid p 51 7 Dans les grandes villes il est plus facile de n tre personne Tous ces gens que tu croises ne savent rien de toi Te regardent distraitement Pensent autre chose Jbid p 29 2 Ibid p 32 234 C LAHAIE Les figures spatiales p 31 255 N FONTAINE Op cit p 45 80 une incertitude comme en t moigne cet extrait De loin a ressemble Paris cause de lusine illumin e qui pointe comme la tour la leur Mais qui a d j vu Paris Tel que le souligne Devoivre le paysage en vertu de cette loi qui veut que l on ne d sire que ce que l on n a pas est pos comme un ailleurs et l espace se bi polarise un ici et un ailleurs d sirable qui engendre un comportement aller voir parcourir par la marche ce que l on a anticip par le regard Tout est affaire de parcours alors de possession ou de domination mais le personnage ne d sire pas pour autant mettre un point final cette recherche qui justifie son a 3257 existence m me Malgr une volont inextinguible de changement de condition et un attrait pour ce qui s loigne d une communaut il n en demeure pas moins que la narratrice qui s exprime ici au je ne serait pas en mesure d envisager rester dans certains lieux r f rentiels un peu plus urbains Galix Port Cartier Baie Trinit Baie Comeau Forestville Tous des villages o je d testerais vivre
49. Kuessipan roman paru en 2011 constitue la premi re publication de Naomi Fontaine une Innue d Uashat Le titre en innu aimun signifie toi ou m me ton tour L uvre comporte quatre sections dont les noms font surtout appel au territoire ou au mode de vie qui en d coule naturellement dont Nomade Uashat une communaut innue de la C te Nord et Nutshimit la terre des anc tres Ces titres indiquent d j qu il sera question du rapport qu entretiennent les Premi res Nations avec la terre Fontaine dresse un portrait franc et d routant de la vie dans les communaut s dont les al as r sultent en partie de la mise en r serve des Autochtones Le caract re sombre d solant qui mane des descriptions annonce presque une urgence de retourner la for t pour y chercher un quelconque apaisement l image de ce qui se trame dans Ourse bleue 1l C GUY Naomi Fontaine Bons baisers de la r serve La Presse En ligne 13 mai 2011 http www cyberpresse ca arts livres entrevues 201105 13 01 4399063 naomi fontaine bons baisers de la reserve php Page consult e le 16 novembre 2011 12 N FONTAINE Op cit p 65 14 Il importe cependant de tenir compte de la forme po tique du roman ainsi que de la fa on dont on y d crit les lieux souvent par la mise en place d un rapport m tonymique entre ceux ci et les personnages Les atmosph res ainsi cr es offrent une vision m
50. Op cit p 25 335 Malgr la facilit propos e n ont jamais cess de parcourir les lacs gel s pour offrir leur famille de la viande fra che Jbid p 95 36 Thid p 96 37 En suivant la route du caribou tu aurais vu la t nacit des hommes devant le froid plus vivants que jamais enfin dans leurs coutumes bid p 91 38 Thid p 96 101 chasseurs de caribous d autant plus que suivre la piste de l animal c est 3 x 340 suivre la voie qui m ne au Grand Esprit La piste du caribou participe donc la r appropriation du territoire par les personnages vivant dans la communaut d Uashat agissant tel un guide mythique pour renouer avec les espaces vierges de la for t et du m me coup avec les coutumes d un peuple uni au Nutshimit CE k L tiquette roman appos e Kuessipan de Naomi Fontaine pourrait tre remplac e par r cits voire fragments l auteure proposant de nombreux tableaux empreints de po sie o les personnages esquiss s s entrem lent et voluent de mani re effac e anonyme Ces tableaux nous entra nent sur des routes mena antes des chemins de terre salvateurs ou des chemins de fer menant la libert dans une communaut autochtone rong e de l int rieur dans une for t qui a tant de ressources insoup onn es La narratrice laisse voir dans un temps qui semble suspendu des personnages en qu
51. PEAU dir Errances Coll Figura Montr al D partement d tudes litt raires de l Universit du Qu bec Montr al Centre de recherche sur le texte et l imaginaire 2005 p 31 40 DICKASON Olive Patricia Le Mythe du Sauvage Qu bec ditions du Septentrion 1993 454 p DICKASON Olive Patricia Les Premi res Nations du Canada Qu bec ditions du Septentrion 1996 511 p DURAND Gilbert Les structures anthropologiques de l imaginaire 11 dition Coll Psycho Sup Paris Editions Dunod 1 dition 1960 1993 560 p GATTI Maurizio tre crivain am rindien au Qu bec Indianit et cr ation litt raire Coll Les Cahiers du Qu bec Montr al Editions Hurtubise HMH 2006 218 p 116 Litt rature am rindienne du Qu bec crits de langue fran aise 2 dition revue et augment e Montr al Biblioth que qu b coise 1 dition 2004 2009 318 p GATTI Maurizio et Louis Jacques DORAIS dir Litt ratures autochtones Coll Essai Montr al Editions M moire d encrier 2010 284 p GUY Chantal Naomi Fontaine Bons baisers de la r serve La Presse En ligne 13 mai 2011 http www cyberpresse ca arts livres entrevues 201105 13 01 4399063 naomi fontaine bons baisers de la reserve php Page consult e le 16 novembre 2011 HAMELIN Louis Naomi Fontaine ou le regard neuf Le Devoir En ligne 23 avril 2011 http www ledevoir co
52. S ensuivent de nombreuses escales et rencontres inattendues qui conduisent Victoria reprendre contact avec ses racines ses souvenirs parfois amers faire ressurgir des bribes de son h ritage familial cela se greffe une qu te empreinte de gravit et de spiritualit confi e la protagoniste par un vieux chaman du nom de Mistenap o Victoria a t choisie gr ce ses dons et son acuit li e aux r ves pour retrouver les ossements de son grand oncle George disparu en for t lors d une exp dition de chasse Elle doit alors mettre son scepticisme de c t tout comme son chagrin r sultant de pertes successives afin de lib rer l Ourse bleue qui sommeille en elle et d an antir les craintes qui la tenaillent 1 Dans l introduction j ai choisi certains termes pour d signer les Autochtones et propos quelques d finitions Dans le cas particulier d Ourse bleue il serait opportun de d finir la notion de m tis la protagoniste tant d origine crie et qu b coise Selon le Multidictionnaire de la langue fran aise il s agit d une personne dont le p re et la m re sont de races diff rentes M d VILLERS M tis Multidictionnaire de la langue fran aise Montr al ditions Qu bec Am rique 2010 p 1040 On ne doit pas confondre ce terme avec celui apparent la nation m tisse Se dit d un autochtone du Canada d ascendance mixte am rindienne ou inuite et euro
53. agonistes Je tenterai donc de me pencher sur ces aspects essentiels pour en venir mieux cerner les diverses repr sentations des lieux di g tiques et le sens qu elles semblent v hiculer au sein de la fiction Notons d une part que le roman Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau laisse entrevoir une relation intime entre la nature et Victoria Comme la protagoniste avait quitt les lieux de son enfance soit les territoires jam siens il s agit bel et bien d un retour aux sources pour cette derni re Aussi doit elle partir la red couverte de l environnement qui tait autrefois le sien exorciser les souvenirs doux amers de son pass tout au long de son p riple et parvenir reprendre contact avec sa culture par le truchement de diverses figures spatiales En outre Victoria demeure tr s attentive aux signaux transmis par la nature par les animaux qui agissent d ailleurs en tant que guides 109 dans sa qu te motiv e par la pr sence symbolique des anciens La protagoniste parvient ainsi peu peu s approprier chaque parcelle constituant les figures de la for t et des communaut s par l entremise de ce que l on pourrait appeler un p lerinage voire une qu te initiatique En plus d entrer en communion avec la nature gr ce aux pri res Victoria fait exp rience subjective des lieux ce qui l am ne renouer avec son h ritage culturel cri et par le fait m me cristalliser son emp
54. ail du narrateur Ainsi la litt rature 31 Tbid p 42 3 Ibid p 33 3 A C BERTHOUD L espace et le langage dans La repr sentation de l espace Coll Cahiers du d partement des langues et des sciences du langage n 3 Lausanne Universit de Lausanne 1986 p 78 C LAHAIE Op cit p 53 25 sert elle la double mission de remettre en valeur l ensemble des affects et des valeurs associ aux lieux de m me que l id e d un sujet existentiellement charg qui fait za 35 l exp rience des lieux 7 Le lieu est form de diverses composantes aussi essentielles les unes que les autres qui expriment sa nature propre et fondent sa complexit ce qui m incite explorer plus avant les aspects davantage pertinents pour mon m moire que ce soit par rapport ce qui se d gage du lieu ou l tiquette qui le d finit di g tique r f rentiel imaginaire etc Le g ographe Augustin Berque dans son essai intitul coum ne Introduction l tude des milieux humains aborde entre autres les notions de topos et de ch ra qui peuvent tre intimement li es au domaine litt raire et en explique les distinctions ainsi que les r les sp cifiques D abord retenons cette br ve d finition du terme coum ne L coum ne c est l ensemble et la condition des milieux humains en ce qu ils ont proprement d humain mais non moins d cologique
55. ans la nuit d pendamment de la destination de chacun Le train part silencieusement tranquillement pour faire sentir toute son importance Sorte de p lerinage la travers e par la voie ferr e t moigne d une chor sie d une interd pendance singuli re entre l homme la machine et la nature formant ici un ensemble harmonieux qui para t d tach du r el et encourage l introspection Qui plus est la fiction occidentale pr te au voyage en train une valeur symbolique comparable celle d un rite initiatique l individu contraint d avancer a tout le temps d effectuer une prise de conscience longtemps diff r e a tout loisir de se transformer Le paysage qui d file par del la fen tre incite la m ditation la solitude du passager le poussant explorer ses contr es int rieures 229 j r Ainsi pour retrouver sa voie pour retrouver la r ponse en soi par le d tour de l espace la figure spatiale du chemin de fer qui p n tre au centre du territoire innu semble tout indiqu e 7 M B DARD Op cit p 62 7 N FONTAINE Op cit p 68 78 C LAHAIE Ces mondes brefs p 357 22 N FONTAINE Op cit p 65 230 C DEVOIVRE Op cit p 36 75 La figure de la route du chemin de fer expos e par Fontaine dans son uvre laisse transpara tre un amalgame d ins curit et de b atitude de rusticit et de modernit o elle malm
56. ant synonyme de s curit d invisibilit 77 Thid p 40 2 Jbid p 27 24 Loc cit 75 D ailleurs on peut noter que l a porte symbolise le lieu de passage entre deux mondes entre le connu et l inconnu la lumi re et les t n bres J CHEVALIER et A GHEERBRANT Op cit p 901 85 pour celles qui s y trouvent le second tant li la peur aux hurlements la police La figure spatiale de la maison se transforme alors en v ritable refuge la porte devenant la 4 r e 276 seule protection possible car les cl tures ne remplissent par leur fonction premi re Si l on s int resse davantage la figure spatiale de l int rieur de la maison aux pi ces qui la constituent on est m me de constater qu elles ne peuvent en aucun cas prendre l appellation de lieu du c ur tel qu entendu par Lahaie Les diff rentes pi ces surtout la chambre et le salon sont plut t empreintes d l ments n gatifs de solitude de mort d enfermement de promiscuit M me si la maison devient un refuge la nuit paradoxalement elle ne procure pas un sentiment de bien tre ses occupants L exil de la narratrice ainsi que sa maternit lui ont fait perdre sa maison et ont fait na tre chez elle un sentiment de nostalgie l gard de sa propre enfance perdue avort e Cette maison qui n est plus la sienne depuis ses sept ans La chambre rose qu elle n
57. antage 16 Westphal apporte des claircissements quant la perception de la fronti re au XX si cle et qui est travers e jusqu au XXT si cle laquelle para t intimement li e la notion de voyage Le voyageur ne se cantonne plus dans le seul spectacle sensible du monde Il rend compte de la qualit abstraite des espaces qu il parcourt il instaure une v ritable r flexion sur la nature des espaces humains B WESTPHAL Op cit p 46 17 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 16 108 Jbid p 175 179 10 Thid p 178 186 42 pr s du topos tel que d fini par Berque La route est graveleuse parfois bord e de 111 f Aam sable mais surtout tr s isol e Nous avons laiss nos noms et adresses au bureau d information touristique de la municipalit S curit oblige Bient t une affiche nous pr vient route isol e passage vos risques On nous recommande la plus grande prudence Je fais un saut au pays de mes origines cries et l on m avertit d un danger La solitude annonc e nous galvanise Cette route solitaire tranche sur celles des villes bruyantes recouvertes d asphalte ou de b ton et surplomb es d un r seau de distribution de services qui enlaidissent le paysage ici la beaut et le silence r gnent De nouveau la route d file sans les poteaux porteurs de kilom tres de fils Ce paysage de rocs de lichens de pins calcin s fascine par son en
58. apitre consacr l analyse du roman Ourse bleue l accent sera mis autant sur la mani re dont les personnages occupent le territoire et ce travers un relev m thodique des figures spatiales et des types de lieux convoqu s que sur les strat gies discursives l uvre dans le texte Le troisi me et dernier chapitre sera d di l analyse de Kuessipan selon les m mes param tres 18 En conclusion j entends dresser des comparaisons entre les deux uvres pour montrer leurs similitudes ou leurs dissemblances puis relever et commenter des divergences quant la pr dominance ou non de la topographie et de la toponymie Il sera en somme possible de v rifier si les auteures partagent une m me vision du territoire et si ce territoire pr sente des contours bien d limit s ou incertains 19 Chapitre 1 Fondements th oriques Avant d entamer une tude de la repr sentation des lieux dans les deux textes romanesques retenus 1l importe de clarifier certains concepts cl s qui viendront fonder l analyse concepts qui sont parfois difficiles d finir de mani re concise En effet les notions d espace et de lieu englobent divers champs de savoir diverses pratiques comme elles font aussi partie du quotidien ce qui fait qu elles peuvent porter confusion et rev tir un sens plut t al atoire selon les circonstances ou l individu qui y fait r f rence Ainsi je proposerai un bref tour d hori
59. appara tre chez ceux ci les poussant peut tre emprunter le chemin trac par les anciens reprendre contact avec leur culture 3 2 2 1 Le chemin suivre La figure spatiale di g tique de la for t est voqu e de mani re r currente par la narratrice et de fa on plut t marqu e l int rieur de la troisi me partie de l uvre c est dire Nutshimit Elle propose une traduction de ce terme innu si cher sa nation Nutshimit c est l int rieur des terres celles de mes anc tres La narratrice propose ainsi un v ritable hymne la nature aux bienfaits qu elle apporte ceux qui foulent le territoire car celui ci entreprend de transformer peu peu les personnages d trouss s par la vie On ne peut donc nier pour ce qui est du cas de Kuessipan que les lieux habitent les personnages et qu ils ont parfois le pouvoir de marquer quiconque en ressent le besoin comme l exprime Augustin Berque notre milieu est notre gard dans un tat de mouvance passive et active il est le domaine sur lequel nous agissons et qui 304 Thid p 65 92 porte les marques de cette action mais il est aussi le domaine qui nous affecte et auquel nous appartenons de quelque mani re La notion de gu rison qui peut tre li e cette figure spatiale mythique de la for t sera abord e pour mieux circonscrire les impacts produits dans le r cit pour mieux comprendre l origine de l
60. apparentent des apatrides de l int rieur tant donn les fronti res ghetto santes qui les entourent de m me que leur d sir irr pressible de partir pour de meilleurs cieux On voit cependant se dessiner une lueur d espoir au fil de Kuessipan En effet la narratrice voque une possible chapp e afin de contrer cet isolement infernal Il suffit de suivre le saumon dans le 111 calme apaisant de la rivi re de se rendre au train dans la promesse d une nature salvatrice Tels sont les gestes f d rateurs visant t moigner de la communion de la chor sie singuli re existant entre la nature et l Innu La figure spatiale mythique de la for t se trouve alors habit e avec respect avec intimit jusqu devenir une v ritable maison pour plusieurs Les personnages qui peuplent le r cit parviennent ainsi momentan ment recouvrer leur culture le fondement de leur identit et ce gr ce la touffeur sylvestre et l apaisement qu elle instaure dans leur esprit Une fois les fronti res d pass es les fant mes sans essence retrouvent une part de leur libert pour ainsi d laisser leur statut de b tes apathiques et autodestructrices Par cons quent on peut affirmer sans ambages que le territoire autochtone qu il soit cri ou innu constitue la pierre angulaire des deux uvres l tude malgr quelques divergences dans la mani re de repr senter les lieux di g tiques De fait cette
61. arents pour leurs encouragements et leur soutien ind fectibles de m me que mes amies et ma famille qui m ont paul e durant toutes ces ann es Finalement j aimerais remercier mon conjoint Daniel de m avoir motiv e continuer Sa pr sence et son appui ont t d un grand r confort Table des mati res R SUM 25e ee Et St nn te Sn este 6 Introduction se e ces A eee NN A en E 8 Chapitre 1 Fondements th oriques 19 1 1 Autour de PeSpat nn dre nomades onnera ee ons e ES ones 20 1 1 1 Morcellement de l espace 20 1 1 2 Investissement de l espace 20 1 2 Lieu nature du lieu et haut lieu 23 1 2 1 D finition et nature du lieu 24 1 2 2 La notion de haut lieu 30 1 3 Figures spatiales et narration 36 Chapitre 2 Le p lerinage de l Ourse bleue 40 2 1 P riple vers une nordicit urbaine 41 2 1 1 Sillonner sonde adrien ile der s eat 41 2 1 2 Le visage des communaut s autochtones
62. ation hydro lectrique de la rivi re C est d ailleurs l inondation imminente des territoires aux abords de la rivi re Eastmain en raison du d tournement de la Rupert qui entra nera Victoria participer un projet de fouilles et de cr ation litt raire le projet Nadoshtin La figure spatiale di g tique de l eau des cours d eau dans Ourse bleue agit alors telle une muse aupr s de la protagoniste laquelle s impr gne de l atmosph re se d gageant des lieux afin de r pondre aux imp ratifs d un processus de cr ation Je prends des notes et dessine des croquis dans mon cahier rouge Mon personnage favori demeure Noah Je m abreuve son silence 164 Jbid p 41 16 Autant l eau peut s av rer tre une source de vie autant elle peut tre synonyme de destruction et de ravage Dans ce cas ci elle oblige de nombreuses familles cries se recueillir et accomplir des rituels pour une derni re fois sur les tombes des leurs rituels qui leur infligent un nouveau deuil ibid p 133 57 sa m moire ancestrale de la rivi re Eastmain La premi re partie de mon travail s ach ve la cr ation et l criture viendront plus 166 tard Ce rapport entre l criture et les lieux pourrait s apparenter une posture cr ative propos e par le po te Kenneth White au tournant des ann es 1990 soit la g opo tique 7 En effet celle ci encourage le d placement le v cu
63. autant dans des traditions m morielles et imaginaires que dans un pr sent signifiant En bref ceux ci font appel une m moire tr s ancienne qui confine la spiritualit et la mythologie et agissent en tant que symboles identitaires fa onnant alors chez les Autochtones toute une s rie de rites de croyances etc M B DARD Ibid p 56 B dard s appuie notamment sur l ouvrage Les fondements g ographiques d une identit L archipel de Vanuatu essai de g ographie culturelle de Jo l Bonnemaison paru en 1996 J BONNEMAISON et L CAMBR ZY Le lien territorial entre fronti res et identit s G ographie et Cultures n 20 1996 p 14 cit s par M B DARD Op cit p 56 7 M B DARD Op cit p 56 7 C LAHAIE Op cit p 37 34 Je r it re qu une attention manifeste sera port e l influence de la territorialit sur le mode de vie et l imaginaire collectif de ces peuples pour en venir mieux qualifier la relation v cue avec la Terre M re avec certains lieux du c ur rig s comme tels Par ailleurs pour Lahaie et ce dans une perspective plut t individuelle que collective il peut s agir d un endroit extr mement personnel telle une chambre d enfant se trouvant v ritablement au c ur d une construction identitaire caract re unique De cette fa on il s agira souvent d un endroit qui renvoie un id al retrouver un espace
64. bole d une poque pass e ce lieu du c ur abandonn pousse chasser les fant mes 0 r f Fr Fr s pour ainsi aller de l avant vers un ailleurs d sormais ancr dans le pr sent voire le futur o la famille occupe un r le de premier plan La ville ayant fait dispara tre un pan 148 Thid p 146 18 Thid p 149 150 Jbid p 150 151 Loc cit 53 3 i 152 i important de l histoire de Victoria un apaisement ne semble pouvoir exister sans une volont de se rapprocher des terres ancestrales sans une acceptation de son autochtonie 2 2 la source de la Terre M re L a terre autochtone est en elle m me un texte Caroline Desbiens Le Jardin au Bout du Monde terre texte et production du paysage la Baie James p 12 2 2 1 L ambivalence des cours d eau Malgr que les routes et les divers b timents crois s lors du p riple vers la baie James cr ent en quelque sorte une banlieue nordique on ne peut nier l existence de liens troits et apparents dans le r cit entre la nature et les personnages cris De fait le roman de P s map o Bordeleau est empreint d une sensibilit face aux l ments de la Cr ation et une pr occupation cologique se dessine en trame de fond ceci rappelle la n cessaire interd pendance des divers l ments permettant alors de mieux cerner la chor sie telle que l entend Berque L a rivi re le fleuve la mer r
65. c tres des souvenirs enfouis au tr fonds de sa m moire r apparaissent pour offrir un tableau du type d habitation d autrefois m lant par le fait m me l onirisme et les r miniscences L accomplissement d une sorte de p lerinage la Pointe aux Vents l o se trouvait la demeure de son enfance permet Victoria de chasser les ombres du pass pour ainsi mettre de c t ce lieu du c ur dor navant d sert On peut donc noter que la figure de la maison a un r le jouer dans l historique personnel de la protagoniste lui permettant du coup de progresser de mani re mieux circonscrire ses propres d sirs La narratrice de Kuessipan s emploie plut t proposer une vue d ensemble des maisons parsemant les terres de la communaut Malgr la pr minence d une coutume innue de proximit il n en demeure pas moins que les cl tures font saillie a et l d limitant le terrain d autrui M me si les maisons arborent des couleurs vives cela n emp che pas le sable les herbes courtes et autres envahisseurs de les alt rer de les mousser au fil du temps De l ensemble des descriptions mane un aspect glauque d indigence et de peur les personnages f minins se placardant d ailleurs l int rieur la nuit venue afin d chapper la bestialit La figure de la maison se transforme alors passag rement en refuge mais rev t rapidement une aura d enfermement de pauvret de profond malais
66. chtone dans Kuessipan r it re un besoin de migrer vers le territoire vers la for t pour se soustraire aux turpitudes des lieux urbains Le d part pour le territoire ancestral rime de ce fait avec paix tranquillit repos Il s agit d un moment attendu et ch ri qui permet de se lib rer des contraintes de la vie quotidienne Le r le de la figure du chemin de fer prend alors tout son sens permettant aux Innus de retrouver le paradis perdu Lors de la saison du saumon certains p cheurs par respect pour la nature et ce qu elle leur apporte en prises pr f rent laisser derri re eux un des fl aux de la communaut Il y a aussi ceux qui ont choisi de ne pas toucher aux boissons fortes durant la p riode la plus chaude Ici la terre est sacr e Les hommes ne viennent pas y boire les jeunes non plus L emploi du terme sacr e vient d une certaine fa on d ifier la for t l orner d une aura mystique ce qui renforce par le fait m me la croyance au pouvoir transformationnel de cette figure Plus encore elle agirait telle une v ritable th rapie pour celui qui quitte pour continuer exister Les maux du village seront mis au rancart selon toute vraisemblance par un d tour de trois mois au creux du Nutshimit afin d oublier Iles caisses et les caisses de vingt quatre qu on engloutit et cette poudre blanche qui colle aux parois d un c ur faible un 30 Nutsh
67. ciens de m me que les d ambulations concr tes et oniriques au c ur des paysages jam siens sont n cessaires dans un processus de r appropriation d une culture momentan ment vanouie et d un territoire voire d une identit 1 M B DARD Op cit p 55 13 T MARTIN et A GIRARD Op cit p 64 59 reconqu rir La figure spatiale di g tique de la for t sera donc examin e en regard de cette relation implicite existant entre nature et culture 2 2 2 1 Un hommage aux anc tres Arriv e au terme de son voyage Victoria semble tre pass e travers un processus qui s apparenterait une qu te initiatique laquelle s est r v l e graduellement tout au long de la di g se au contact du territoire des Cris Comme ces paysages font partie de leur sang et de leurs mes 7 il semble in vitable que la protagoniste tende vivre une certaine m tamorphose apr s tre entr e en contact avec ceux ci La figure de la for t appara t alors telle une source de r confort pour Victoria qui la d crit au gr de ses motions jusqu ce que cette figure soit coiff e d une aura de s r nit grandes enjamb es je me dirige vers le fond des terres vers la for t dont la sagesse et le silence m ont toujours sauv e Ce lieu symbolique d initiation conf re l individu qui s y enfonce la possibilit de se recueillir et de r fl chir son tat pour mi
68. confinement dans les r serves les prive d un territoire donn cr ant de surcro t une forme de ghetto sation au sein de la soci t qu b coise Les terres conc d es ont la plupart du temps une superficie restreinte J J SIMARD La r duction L Autochtone invent et les Am rindiens d aujourd hui Qu bec ditions du Septentrion 2003 p 25 S Apatride Le Petit Robert de la langue fran aise Paris Dictionnaires Le Robert 2006 p 110 11 et des ressources trop maigres pour permettre aux habitants de vivre en autosuffisance Les membres des Premi res Nations deviennent alors des tres marginaux la solde du gouvernement f d ral du Canada et officiellement reconnus l aide de num ros de bande De fait ceux ci se trouvent aux prises avec une Constitution canadienne mal adapt e leur r alit emp chant toute possibilit d autonomie ou d expansion ce qui accentue la perte de rep res identitaires et du sentiment de fiert de tous ces peuples Pourtant un changement de paradigme semble s tre op r en ce qui a trait la relation v cue avec la r serve aujourd hui commun ment appel e communaut autochtone Ainsi avec le temps ces enclaves seront per ues comme les derniers havres culturels o les ethnies peuvent trouver refuge contre un environnement blanc sans c ur et tranger Le rapport entre l identit ethnique et un territoire donn en viendra ainsi prendr
69. d couverte d anc tres communs apporte un clairage nouveau au lieu sa mission de gardien de la m moire se dessine se pr cise Le visage des communaut s autochtones se r v le donc assez ambivalent d voilant un paysage sablonneux d nu de tout artifice o la douleur s insinue sournoisement presque invisible devant ces b timents et ces maisons modernes les traditions persistent sous la forme de modestes tipis de cartes ou de vestiges d une poque d sormais r volue La protagoniste se meut travers les rues d sertes et les restaurants bond s et continue d crire ce qu elle contemple au cours de son p lerinage de communaut en communaut Elle re d couvre des lieux qui la fascinent la touchent la bouleversent mais qui toujours l am nent au tr fonds d elle m me jusqu puiser dans son h ritage cri afin d avancer dans sa qu te 2 1 3 La maison un v ritable point d ancrage Les chapitres d Ourse bleue oscillent constamment entre souvenirs r ves et pr sent offrant ainsi un r cit hybride o les figures spatiales h sitent entre un univers onirique m moriel et un monde r f rentiel P s map o Bordeleau propose de nombreuses F8 Jbid p 31 13 Thid p 31 32 50 analepses servant mieux comprendre l volution qu a connue la figure spatiale de la maison mesure que la narratrice s enfonce au creux des territoires cris On plonge donc au c ur des ann
70. de l essentialit de la vie en for t Ce genre d existence vise s lever pour mieux conna tre et suivre la beaut Bien s r que je n ai pas le droit d oublier mon instinct de nomade sans cesse la recherche d un tat de gr ce Il convie en outre perp tuer la tradition afin de s ancrer dans l instant pr sent de mani re rendre hommage aux anc tres 37 Thid p 30 3238 Thid p 22 32 Thid p 108 98 Le fait de savoir que grands parents arri re grands parents et sans doute ceux qui les ont pr c d s ont v cu sur tel territoire et gr ce aux ressources de celui ci fournit chacun un ancrage fort qui lui permet de s identifier un ensemble de lieux pr cis Retourner sur ces lieux les revoir et en prendre soin permettent de consolider la conscience d avoir une origine particuli re diff rente de celle que peuvent avoir les Blancs Il en va de m me pour l abri du nomade qui malgr sa sobri t et sa simplicit m ne une rem moration des coutumes du pass et o l installation elle m me s apparente un rituel L odeur des branches de sapin qui tapissent le sol Des parois souples qui forment un parfait triangle au dessus de la t te La fra cheur vite combattue par le feu dans le po le pos sur quelques briques par pr caution Fermer les yeux m me veill e pour ne rien perdre de la r alit de ce maintenant Respirer aussi fort que
71. de la g ographie et de l espace des soci t s Paris ditions Belin 2003 p 555 556 114 BERTHOUD Anne Claude L espace et le langage dans La repr sentation de l espace Coll Cahiers du d partement des langues et des sciences du langage n 3 Lausanne Universit de Lausanne 1986 p 69 85 BOUCHARD Jo Daniel CHARTIER et Am lie NADEAU dir Probl matiques de l imaginaire du Nord en litt rature cin ma et arts visuels Coll Figura Montr al D partement d tudes litt raires de l Universit du Qu bec Montr al Centre de recherche sur le texte et l imaginaire 2004 171 p BOUDREAU Diane Histoire de la litt rature am rindienne au Qu bec oralit et criture Montr al Editions de l Hexagone 1993 205 p BOUDREAULT Ren Du m pris au respect mutuel Clefs d interpr tation des enjeux autochtones au Qu bec et au Canada Montr al Editions Ecosoci t 2003 224 p BOURNEUF Roland L organisation de l espace dans le roman tudes litt raires En ligne vol 3 n 1 avril 1970 p 77 94 http id erudit org iderudit 5001 13ar Page consult e le 17 juillet 2011 BOURNEUF Roland et R al OUELLET L univers du roman Coll SUP Litt ratures modernes Paris Presses universitaires de France 1972 232 p BOUVET Rachel et Basma EL OMARI dir L espace en toutes lettres Qu bec ditions Nota Bene 2003 307 p BOUVET Rachel et Fra
72. de la rive et des mar es il y aura nous Nikuss L eau occulte alors momentan ment lunivers plus sombre de la communaut innue d Uashat et devient la promesse d un avenir ancr dans les traditions o la beaut se retrouve dans la moindre gouttelette devient synonyme de source de vie de p che d abondance 3 2 2 L essence du Nutshimit L appartenance au territoire et la relation la for t constituent la pierre angulaire des identit s et des cultures am rindiennes du Qu bec Thibault Martin et Am lie Girard Le territoire matrice de culture analyse des m moires d pos s la commission Coulombe par les premi res nations du Qu bec p 64 2 N FONTAINE Op cit p 39 30 Thid p 41 3l Thid p 45 30 Thid p 21 303 Jbid p 111 91 La solitude la d tresse la peur l enlisement la stagnation s rigent en toile de fond des tableaux de Kuessipan principalement dans les descriptions de la communaut de ses routes de ses maisons mais l ombre tend s vanouir graduellement au contact de la for t l approche de lieux gorg s de traditions ancestrales laiss es en suspens Certains des personnages mis en sc ne par Fontaine peuvent ainsi chapper l touffement dans l espoir de renouer avec la nature et les activit s saisonni res qui en d coulent Il est fort probable qu une qu te identitaire visant vaincre les doutes les craintes finira par
73. du topos et de la ch ra visant mieux cerner le caract re complexe et polymorphe de la dynamique des changes entre r el m moire et imaginaire l uvre dans les repr sentations litt raires du lieu et du coup en circonscrire les enjeux symboliques territoriaux et identitaires Cette diff renciation op r e il convient de mettre en lumi re les diverses caract ristiques du lieu en ce qui a trait au r le qu il occupe dans le d roulement de l action Pour Lahaie m me s il peut s agir de lieux r f rentiels reconnus par exemple gr ce la toponymie il semble pr f rable d user des termes espace ou lieu di g tique soit l o se meuvent les personnages du r cit afin d emp cher toute confusion entre r el et fiction 48 Ibid p 36 M B DARD et C LAHAIE G ographie et litt rature entre le topos et la ch ra Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 52 n 147 d cembre 2008 p 393 http id erudit org iderudit 029867ar Page consult e le 18 juillet 2011 5 C LAHAIE Op cit p 42 29 r es A DR 51 aaa Les lieux imaginaires ne doivent pas tre laiss s pour compte dans la mesure o ils regorgent d informations pertinentes quant aux symboles mis de l avant et entretenus au sein de la culture d un peuple Les lieux imaginaires s av rent tout aussi r v lateurs d une conception singuli re de l espace sin
74. e 106 La maison ne parvient toutefois pas occuper une fonction pleinement r paratrice elle para t plut t susciter davantage de tristesse de malheur En plus de mettre en sc ne des lieux li s un univers plus urbain les r cits cri et innu tudi s ici accordent une place de choix aux repr sentations de lieux di g tiques naturels tels les cours d eau ou la for t La figure spatiale de l eau fait partie int grante du territoire jam sien au point que la soci t nomade crie se soit fortement attach e cette source de vie La topicit des cours d eau dans Ourse bleue s av re donc pr gnante laissant voir l uvre un m tissage de nature et de culture alliant peuples anglophones francophones et autochtones L harmonie d autrefois c de n anmoins la place au chaos industriel de l hydro lectricit poussant les Cris riger un lieu de m moire aux abords des rivi res Rupert et Eastmain la ch ra du lieu marqu par la r ciprocit des l ments s en trouve in luctablement chang e en raison du lien existant entre cette figure de l eau et le d sir d unification d une nation Les paysages nord c tiers environnant la communaut d Uashat sont en effet d limit s par le fleuve lequel se voit souvent associ la mer dans l uvre de Fontaine La figure de l eau faisant ainsi partie du quotidien de ses habitants il n est pas tonnant que ces derniers se soient intime
75. e z 5 k j 7 une importance disproportionn e dans l image de soi autochtone Les populations autochtones tiennent de plus en plus conserver cette parcelle de terre qui leur a t impos e comme t moin de leur culture de leur existence en tant que nation sans toutefois abandonner revendications et n gociations afin de reprendre possession des territoires ancestraux l instar de Jean Jacques Simard il est possible de supposer qu une forme d appropriation symbolique a fait son uvre et a conduit les Autochtones forger leur identit dans un lieu pr cis 7J J SIMARD Op cit p 29 8 Ibid p 140 12 Ces propos succincts ne font qu effleurer la question territoriale en milieu autochtone mais ils apportent n anmoins des claircissements quant savoir pourquoi les Premi res Nations semblent si attach es leurs terres et aux fronti res d limitant la pratique de leurs droits Afin de mener bien l tude dont ce m moire fait l objet j ai choisi de me pencher sur deux romans autochtones soit Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau et Kuessipan de Naomi Fontaine En fait il a t ardu de d terminer un corpus vu le nombre limit de romans crits par des Autochtones du Qu bec On notera aussi que ces uvres appartiennent toutes deux la litt rature des ann es 2000 On assiste en effet une ma trise de plus en plus manifeste de la forme crite la litt rature se fraya
76. e ce qui para t tre un village d sertique tant par la pr dominance de l l ment sablonneux que par l atmosph re fantomatique qui mane des lieux laissant ainsi entrevoir un d nuement qui s immisce dans les moindres logis Fontaine quant elle va plus loin dans ses descriptions de la figure spatiale de la communaut en ce sens qu elle instille la fois une part de r el et une part de po sie jusqu cr er un univers di g tique complexe De fait Kuessipan offre au lecteur un point de vue de l int rieur sur ce qui se trame dans la communaut innue d Uashat et parvient brosser un tableau d nu d artifices d voilant une vision aust re de cette figure pourtant entour e de paysages d une beaut qui rass r ne La section de l uvre intitul e Uashat r v le un lieu accabl par un d labrement g n ralis une qui tude doucereuse empreinte de silence mortuaire o les personnages peine bauch s d ambulent dans un mutisme ravageur La figure de la communaut propos e par Fontaine rend plus palpable encore le resserrement des fronti res de ce 105 territoire et l oppression qui y est ressentie de fa on collective jusqu contaminer l aspect m me des maisons des b timents ce qui m am ne traiter de la figure spatiale de la maison galement pr sente dans les deux uvres mesure que la narratrice d Ourse bleue avance dans son p riple au pays de ses an
77. e l exp rience humaine c est dire dans un d passement des simples fronti res dans un amalgame de cartes g ographiques et de r ves Ceci m am ne citer un passage d un article dans lequel H bert rappelle l influence des r ves sur la sagacit de cette derni re face aux figures spatiales Le r ve est la v ritable ressource dont dispose la narratrice et comme dans d autres aspects de sa vie joue un r le cl dans le rapport qu elle entretient au territoire Le r ve en outre permet d outrepasser les limites qu impose la carte g ographique notre connaissance du territoire et de son histoire 193 Il tale la carte sur la table au milieu des tasses de caf Du doigt il indique un point situ beaucoup plus l est du lac Weetigo ancien territoire des Domind La rivi re semble tr s large cet endroit mais l le est sans conteste de forme allong e bid p 185 1 Thid p 186 15 M H BERT Op cit p 36 196 Loc cit 65 La narratrice met profit ses dons quant l interpr tation des r ves ou des visions culture ancestrale afin de parcourir la figure de la for t du territoire nature offrant alors des descriptions de lieux r f rentiels mais teint es de surnaturel parfois m me d angoisse Les substantifs utilis s pour les d crire viennent d tonner par rapport au c t idyllique sacr apparent dans d autres portraits dress s pa
78. e par l abondance de facteurs r barbatifs et inqui tants pour les personnages de Kuessipan lesquels doivent voluer dans des lieux laiss s l abandon et rester constamment sur leurs gardes 3 2 L appel de la s r nit 3 2 1 Suivre le saumon tant donn que traditionnellement les Innus pla aient toutes leurs nergies dans la 285 il est chasse l orignal en hiver ainsi que dans la p che en t pour survivre en for t ind niable que ces habitudes aient marqu le quotidien et l imaginaire de g n rations d Innus Ceci peut entre autres expliquer l attachement profond qu ils entretiennent vis vis de la nature de tous les l ments de la Cr ation et qu une chor sie ou une interd pendance proche de la symbiose se soit install e au fil du temps Il sera int ressant de constater quel point la figure spatiale de l eau semble pr dominante dans Kuessipan 28 Thid p 105 84 Thid p 106 285 O P DICKASON Les Premi res Nations du Canada Qu bec ditions du Septentrion 1996 p 96 87 La communaut d Uashat telle que d crite par la narratrice du r cit de Fontaine se trouve proximit du fleuve que les enfants associent la mer sur un lopin de terre formant une baie o une constellation d les et de plages pars me le paysage nord c tier Les personnages innus voluent donc au quotidien dans un espace aquatique ce qui ne vient pas miner leur fam
79. ement l accent sur le concept d espace en tant que produit social la soci t prenant activement part sa construction Par exemple chez les Premi res Nations ayant t d poss d es de leurs territoires ancestraux cette notion spatiale rev t un caract re fort particulier tellement le d sir de les r investir occupe toute la place ces Premi res Nations ont la possibilit d acqu rir un r el pouvoir quant l organisation ou la transformation de l espace qui leur serait symboliquement exclusif Dans Ces mondes brefs Lahaie se penche sur la nouvelle qu b coise sous un angle g ocritique ce qui l am ne scruter les espaces les lieux mis en sc ne par les nouvelliers contemporains ce qui l loigne quelque peu des id es de Lefebvre En effet bien que Lefebvre et Lahaie s attardent tous deux aux repr sentations de l espace cette derni re traite plut t d espaces fictifs tels qu ils sont repr sent s dans la litt rature Ces 77 J WEISGERBER L espace romanesque Coll Biblioth que de litt rature compar e Lausanne ditions L ge d Homme 1978 p 11 H LEFEBVRE Op cit p IX 23 espaces di g tiques ancr s dans le territoire qu b cois s inspirent peut tre inconsciemment de cet espace am ricain comme peuvent le faire les auteurs autochtones vivant sur la m me parcelle du continent cet gard Lahaie souligne un aspect fondamental de la question
80. ent l errance spirituelle dans un entre lieu aux possibilit s mn moniques multiples La narratrice en plus de mettre l accent sur l importance des cours d eau rapporte leur beaut inh rente par le biais des sens De fait on d note quelques termes qui t moignent de perceptions sensorielles agr ables go t vue toucher etc lesquelles rass r n rent 6 Thid p 75 27 C DESBIENS Du Nord au Sud g ographie autochtone et humanisation du territoire qu b cois Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 50 n 141 2006 p 398 http id erudit org iderudit 014881ar Page consult e le 17 octobre 2011 8 C DEVOIVRE Op cit p 33 90 ou soulagent Laisse les vagues rythmer tes sens a t apaisera La rivi re est douce Son eau abreuve il y a un lac qui refl te les choses de la Terre l intimit d un lac cent fois trop beau pour le spectacle inconnu La figure spatiale de l eau apaise blouit transporte hors du temps la narratrice s imaginant d ailleurs une sc ne future tout pr s du fleuve Cette figure spatiale projet e proche de l onirisme t moigne du d sir de cette derni re de montrer Nikuss que l on comprend tre son enfant les lieux de son enfance elle L infini devant toi l eau qui suit le courant jusqu au bleu du ciel Le silence entourant nos r ves d avenir Pr s
81. ent ouvertes toute la journ e de juin septembre La nuit les jeunes en bandes Des caisses de vingt quatre Des hurlements tard le soir des bagarres t t le matin Les portes verrouill es La confiance et l ouverture s effacent graduellement au profit d une crainte g n ralis e caus e par la d linquance nocturne L analogie que dresse la narratrice l effet que les Innus soient des loups se r p te et trouve ici une r sonance particuli re quant aux agissements effrayants de certains comme si l obscurit ravivait la b te en eux La meute crie au loup en crever Ils se tiennent dans l affront comme le font tous les autres derri re eux Ils crient aux sir nes de s teindre Ils ne craignent rien Ceci affecte particuli rement les personnages f minins lesquels se mettent litt ralement l abri dans leur maison dans une r clusion temporaire le temps que passe cette p riode angoissante Les filles seules elles ont peur la nuit Les portes barr es les fen tres ferm es m me en juin cause des cl tures qui n emp chent personne de passer Des hurlements qui proviennent de l ext rieur Les sir nes bleues et rouges n effraient que les jeunes filles silencieuses derri re leurs murs qui observent sans se faire 274 voir On remarque nouveau un syst me d opposition cette fois ci entre l int rieur et l ext rieur de la maison le premier l ment t
82. epr sentant le cours F r n 2 154 de l existence humaine et les fluctuations des d sirs et des sentiments l eau guide 152 L loignement du territoire cri entra ne une perte croissante de certaines croyances notamment spirituelles et chamaniques En effet sans Daniel pour me soutenir et depuis mon retour en milieu urbain l histoire de George m appara t tre de plus en plus un d lire veill bid p 133 153 Au cours des c r monies traditionnelles des Premi res Nations il est d usage de remercier tour tour les plantes les animaux le soleil etc pour leur t moigner notre reconnaissance La protagoniste d Ourse bleue s adonne ce type de pri re qui pr ne un certain animisme Face l est ma voix entonne l aide d un hochet un chant de gr ce la terre l eau au soleil au vent Je danse avec mes fr res les animaux les plantes les pierres l Esprit de la cr ation tout entier Jbid p 52 154 J CHEVALIER et A GHEERBRANT Eau op cit p 439 54 Victoria mesure que sa qu te progresse et il m importe de cerner cet aspect primordial du territoire cri La province de Qu bec d voile entre autres son m tissage travers sa toponymie cette derni re puisant m me ses origines multiples afin de d signer l espace qui la constitue Cette h t rog n it onomastique laisse entrevoir des noms de cours d eau aux sonor
83. er le caract re sacr qui mane du lieu 0 J WEISGERBER Op cit p 15 63 En effet d un point de vue durandien l id e d une l vation vers le ciel pour rejoindre la grotte dans le but d atteindre une v rit ou d acc der des valeurs spirituelles s oppose symboliquement au retour la terre au bas de la colline la r alit brute L exp rience de la grotte du Li vre lieu du c ur refuge des anc tres rappelle qu un lien ins cable existe entre la nature et la culture crie et que Victoria compte d sormais sur ce dernier dans la poursuite de traditions holistiques osmotiques vis vis de la for t du territoire 2 2 2 2 Vers un d passement des fronti res La narratrice se meut de diff rentes mani res sur le territoire cri les lieux tant d crits selon ses souvenirs ses r ves ou ses visites ce qui entra ne une complexification de la configuration spatiale ainsi qu un brouillage des fronti res franchies On note par surcro t que deux approches oppos es s entrem lent l une davantage li e la r f rentialit cartographie l autre plut t relative l onirisme r ves Les fronti res g ographiques servant par exemple montrer l tendue du territoire de chasse et de trappe de George sont d abord parcourues par Victoria avant toute exploration physique par l entremise d une carte D un grand classeur en m tal blanc Stanley extrait une ca
84. es autochtones du Canada les exemples de Jeannette Christine Armstrong Lee Maracle et Beth Brant International Journal of Canadian Studies Revue internationale d tudes canadiennes En ligne n 24 automne 2011 p 152 http www csj ualberta ca iec csi index php download file view 73 Page consult e le 18 janvier 2012 1 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 149 150 56 Je renouv le la proposition voulant qu il existe une chor sie particuli re une transformation r ciproque unissant les nomades et l eau ces derniers pr sentant le besoin de parcourir les tendues aquatiques du territoire dans un mouvement circulaire empreint de respect pour le symbole de vitalit qu elles d voilent La mine d confite de ce personnage crois lors du p riple de Victoria en r ponse au futur harnachement de la rivi re Rupert n a donc rien d tonnant Hiss e sur le toit une grande pancarte clame Save the Rupert River A gauche de l auto marche un homme C est un fils du territoire Seul avec la personne au volant peut tre sa conjointe qui va la vitesse de ses pas il avance t te baiss e les Se f ae sa 164 yeux riv s au sol les paules raidies de fatigue ou de col re La narratrice par l emploi des termes fils du territoire montre le sinc re attachement du personnage envers la nature qui l environne accentuant ainsi la douleur occasionn e par l exploit
85. es 1960 alors que celle ci revisite ses souvenirs d enfance et voque des lieux rem mor s qui impliquent alors une focalisation non perceptive Victoria se rappelle la cabane familiale dont la rusticit tait manifeste une maison en rondins mal isol e De l auberge de Waskaganish on passe par le biais d une figure projet e au campement avoisinant la dite maison Je m chappe en pens e vers ma petite enfance la belle saison plusieurs familles cries et algonquines dressaient leurs tentes sur une pointe de terre pas loin de notre demeure La Pointe aux 141 ji DON E A Panir Le d sir de s dentarisation du p re vient toutefois op rer un changement au Vents sein du mode de vie celui ci faisant l acquisition d un lopin de terre Certes la narratrice a su conserver cet h ritage nomade en d m nageant de nombreuses reprises avant de s tablir en ville avec Daniel son d funt mari D sormais veuve Victoria consid re le fait de se rapprocher du pays de ses anc tres Nomade par nature je ne me vois pas m enraciner seule dans un village loin de ma famille qui je le constate aujourd hui me 143 A 3 manque beaucoup Clarisse son amie lui propose alors de revenir vivre chez elle dans une grande maison de deux tages pr t e par la communaut de Mistissini aux 14 Jbid p 33 14l bid p 28 2 Loc cit 18 Jbid p 149 51 144 145 employ s a
86. et de physique L coum ne est une relation la relation la fois cologique technique et symbolique de l humanit l tendue terrestre A l int rieur des lieux formant l coum ne les l ments s interp n trent et s influencent mutuellement dans une constante mouvance Les humains occupent donc une fonction 3 R BOUVET et B EL OMARI dir L espace en toutes lettres Qu bec ditions Nota Bene 2003 p 17 AS BERQUE coum ne Introduction l tude des milieux humains Coll Mappemonde Paris ditions Belin 2000 p 14 26 active au sein de leur milieu de vie le transformant pour r pondre leurs besoins mais se 4 37 z PETS laissant en retour marquer par lui Cette dynamique modifie consid rablement un territoire donn selon la population qui y est associ e et le lien qui est g n r entre les deux constituantes lesquelles ne demeurent gu re immuables Autrement dit les motifs de l coum ne sont la fois ce que nous y voyons des for ts des villes des montagnes et quelque chose qui suscite en nous des raisons d agir de telle ou telle fa on Cela parce qu ils sont trajectifs c est dire qu ils contribuent au moment structurel de notre existence notre m diance La donne temporelle intervient galement en regard de la trajectivit se balan ant constamment entre l objectif et le subjectif oscillant entre pass pr sent et
87. ets qui entourent le personnage et le lieu qui le contient ou non 104 perceptive qui autorise l vocation d objets et de lieux rem mor s peut devenir un aspect int ressant mettre en lumi re Si je r it re mes hypoth ses avant de plonger dans l analyse des deux uvres retenues j avance toujours que les lieux r f rentiels et le topos seront dominants dans le r cit d Ourse bleue contrairement Kuessipan qui me semble t il privil giera l exploration de la ch ra du lien entre la nature et l humain notamment par des allusions davantage vasives aux lieux un langage po tique L ensemble des outils th oriques num r s et explicit s ci haut devrait me permettre de v rifier efficacement ces hypoth ses en ce sens que les notions voqu es contribueront tayer mon analyse et ainsi approfondir ma r flexion propos de ces romans MT C LAHAIE Ces mondes brefs p 57 102 E LAMBERT Op cit p 115 103 C LAHAIE Ces mondes brefs p 58 104 Loc cit 40 Chapitre 2 Le p lerinage de l Ourse bleue Ourse bleue est le fruit du travail de l auteure crie Virginia P s map o Bordeleau laquelle s inspire de son lieu d ancrage du lieu d o elle vient la r gion de l Abitibi pour y planter le d cor de l intrigue de son roman Celle ci s amorce avec un p riple en amoureux vers la baie James au creux du territoire cri
88. eux rena tre il s agit notamment d un endroit propice l introspection pour la femme crie en ce sens qu il fait ressurgir chez la protagoniste une panoplie de souvenirs et incite 174 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 64 175 M me si les motions v cues occasionnent parfois certains troubles au cours du r cit il n en demeure pas moins que les tats d me sont souvent compar s des l ments de la nature par la narratrice En voici quelques exemples Mon c ur court comme un li vre affol prisonnier dans ma poitrine bid p 194 Une masse dure comme un roc me bloque la gorge Ma voix semblable au filet d un ruisseau ass ch bid p 88 176 Jbid p 196 7 C PINKOLA EST S Femmes qui courent avec les loups Histoires et mythes de l arch type de la Femme sauvage Coll Le livre de poche Traduction de Marie France Girod Paris Editions Grasset 1996 p 396 60 178 De fait de nombreuses allusions sa famille pars ment le roman durant la pri re son voyage la baie James la guidant petit petit vers l aboutissement de sa qu te spirituelle et personnelle vers une acceptation de son m tissage origines crie et qu b coise Patricia dit que mon totem a pris la couleur de la Vierge Mon attitude mentale a cr cette entit symbole de mes dons l Ourse Bleue une fa on originale d unir mes deux cultures En somme la r appropriation d
89. hiques il demeure judicieux de jeter les bases des approches th oriques en lien avec le lieu et l ensemble de ses composantes 1 2 1 D finition et nature du lieu Les lieux font partie de l espace tout en ayant la propri t de d finir un territoire donn habit par l tre humain Donc le lieu peut et doit tre consid r comme une exp rience fondatrice dans un ventuel investissement de l espace L espace poss de ainsi la particularit de contenir des lieux alors que ceux ci pr sentent une dimension limit e et se distinguent du fait qu ils peuvent tre cartographi s qu ils appartiennent au domaine du r el se reportent divers toponymes g ographiques ou qu ils soient plut t tir s de l imaginaire tant donn que les descriptions des lieux dans la litt rature tirent une part significative de l exp rience personnelle de l crivain ceci leur conf re une dimension la fois r f rentielle et symbolique Cette assertion m am ne reprendre les propos de Lahaie lesquels mettent en lumi re l importance du facteur imaginatif ou m me interpr tatif du cr ateur Lorsqu on crit le lieu on n aspire donc pas le repr senter mais le revisiter c est dire l inventer encore et encore dans la mesure o les mots y consentent La cr ation litt raire rend alors plus tangible la sp cificit propre tout lieu et ce gr ce au trav
90. iliarit l gard des diff rents cours d eau En effet la figure spatiale de l eau joue un r le f d rateur symbolisant abondance et vitalit chez ces derniers notamment si l on songe la pratique mill naire de la p che Dans ce cas ci la p che fait presque figure de rituel vers le passage l ge adulte dans une transmission filiale intemporelle Il a commenc p cher tr s tard dans sa vie vingt ans il a fait mordre sa premi re truite dans un ruisseau du mille 60 pr s du campement de son grand p re Ce m me personnage alors que vingt ans se sont coul es a le privil ge de mettre profit cette activit ancestrale Il est engag par le Conseil de bande pour p cher dans la rivi re saumon Il p che longueur de journ e au milieu du courant la d rive le moteur teint Ce temps d arr t o la contemplation et le calme sont de mise semble r pandu chez la plupart des p cheurs qui font le choix de suivre le saumon L attente du poisson agit tel un baume pour l me de celui qui sait s arr ter et se fondre dans la tranquillit de l eau Le silence fait du bien celui qui l coute et parfois m me on peut entendre le saumon qui remonte la rivi re Par ailleurs il faut noter que cet animal dont deux esp ces parcourent les cours d eau 286 Alors les enfants les m mes disent qu ils se baignent dans la mer cause de l eau L
91. imit un terrain inconnu mais non hostile pour celui qui y cherche le repos de Pesprit Nutshimit pour l homme confus c est la paix Cette paix int rieure qu il recherche d sesp r ment Ce silence apr s avoir hurl des nuits durant son angoisse sans que personne ne l entende bid p 65 66 310 Le silence d un vent qui fait bruisser les aiguilles de sapin Le silence d une perdrix qui d ambule aux c t s d une dizaine d autres Le silence du ruisseau qui continue de suivre sa route enfoui sous un m tre de neige bid p 66 11 on se dit bient t on ne pleure pas car on sait que ceux qui partent vont chercher du repos dans la for t Personne ne les plaint ils sont envi s Jbid p 68 12 Durant la p riode de la chasse un m me code de conduite est appliqu Il n y a pas d alcool dans leurs bagages par respect pour la terre Jbid p 68 35 Thid p 46 314 Thid p 97 94 battement qui se cr ve vouloir rire une fois encore de l existence de l inexactitude de 5 l incoh rence En somme un syst me d opposition communaut for t persiste la communaut tant plut t synonyme de d ch ance la for t de qui tude d introspection S enfoncer dans la compacit sylvestre signifie donc retourner soi vers un espace ne et a316 originel o l on se pr pare litt ralement rena tre i Ce reto
92. inante dans l uvre de Fontaine en ce sens que la figure spatiale di g tique de la for t laquelle revient de nombreuses reprises dans les divers fragments se veut le berceau des traditions ancestrales le lieu o la transmission filiale devient possible M me si cela ne se r alise pas d une fa on concr te dans Kuessipan de puissantes r miniscences du pass tapies au creux de la nature refont tranquillement surface afin d indiquer ceux qui s y enfoncent la voie suivre Les souvenirs les fantasmes reli s la vie d avant hantent les personnages tout comme les lieux Autrefois ces for ts taient habit es par des hommes des femmes qui prenaient de leurs mains ce que la Terre leur offrait Ils n y sont plus mais ils ont laiss sur les rochers l eau des chutes et le vert des pinettes leur empreinte leur regard La figure 325 Un des personnages menant une vie insipide et attendant son ch que chaque mois souhaiterait retrouver la vigueur de ses a eux m ditant sur la vie davantage idyllique des hommes d autres g n rations Il para t que les hommes partaient la chasse autrefois des semaines durant qu ils revenaient vers leur femme avec de la viande pour des mois Il para t qu une bonne p che invitait un festin tous les soirs de juin septembre L homme m me absent durant de longues p riodes tait ma tre de sa maison ou de sa tente N FONTAINE Op cit p 6
93. interp n tration du territoire et de l homme qui s y est install e La figure de la for t o l on peut riger sa cabane son abri rev t les caract ristiques d un lieu intime telle une chambre soi pour mieux s ancrer dans la beaut du monde et avoir la sensation d tre ma tre de ses racines Il l habitait comme on habite un coin de salon en silence mais toujours avec le contentement d tre chez soi Il tait chez lui Pr s de la nature pr s des infinis que le ciel offre un soir de pleine lune intime avec la force cr atrice Le territoire se pare de tranquillit et de majest tellurique appelant les personnages converger vers lui La narratrice va m me jusqu anthropomorphiser la figure de la for t afin d illustrer l attrait qui en mane lui conf rant une dimension presque humaine comme en t moigne ce passage o elle change de narrataire pour s adresser un tu identifi sous le nom d Anikashan Et elle elle t appelle constamment Cette terre que l on appelle Nutshimit avec ses lacs plant s entre des montagnes riches des choses de la terre Lorsque le vent se l ve quelque chose en toi te presse de partir L utilisation du mot partir mise en relief dans la section sur 35 A BERQUE coum ne p 89 306 N FONTAINE Op cit p 22 307 Thid p 21 22 308 Thid p 80 93 les descriptions de la communaut auto
94. it s anglophones rivi re Rupert rivi re Eastmain figures spatiales r f rentielles altern es r p titives francophones Rapides des C dres lieu de naissance de la narratrice mais galement quelques uns issus de langues algonquiennes conf rant ainsi une certaine place aux Premi res Nations dans les territoires nordiques mis en sc ne dans le roman dans la d nomination de rivi res de lacs etc il est possible d identifier des plans d eau qui sont autant de figures spatiales r f rentielles comme le lac Shabogama ou le lac Matagami Une affirmation de la narratrice vient r it rer l importance de la culture des traditions au sein d un processus identitaire visant la r appropriation symbolique d un territoire Nous nommons les cours d eau dans la y 155 M NAREAU Le Nord ind termin et intertextuel dans les uvres de Lise Tremblay lise Turcotte et Pierre Gobeil dans J BOUCHARD D CHARTIER et A NADEAU dir Probl matiques de limaginaire du Nord en litt rature cin ma et arts visuels Coll Figura Montr al D partement d tudes litt raires de l Universit du Qu bec Montr al Centre de recherche sur le texte et imaginaire 2004 p 57 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 75 134 5 Ibid p 129 134 183 58 Ibid p 155 5 Ibid p 46 149 186 Jbid p 19 59 langue du territoire
95. l e g n rale adopte la D claration des droits des peuples autochtones Site du Centre d actualit s de l ONU En ligne http www un org apps newsFr storyF asp NewsID 14790 amp Cr peuples20autochtones amp Cr1 d C3 AOclaration Page consult e le 8 ao t 2011 SIMARD Jean Jacques La r duction L Autochtone invent et les Am rindiens d aujourd hui Qu bec Editions du Septentrion 2003 431 p T L QU BEC Antre du li vre Objectif Nord explorer le Nord En ligne http objectifnord telequebec tv explorer liste antre du lievre antre du lievre Page consult e le 9 ao t 2013 TOURISME EEYOU ISTCHEE D couvrez Eeyou Istchee la terre du peuple En ligne http www discovereeyouistchee ca fr Page consult e le 9 ao t 2013 TURBIDE Ma lle La red finition des termes de la citoyennet au nord du Qu bec Le cas des Cris de la Baie James et des Inuit du Nunavik M moire M A Universit du Qu bec Montr al 2010 136 p VILLERS Marie va de M tis Multidictionnaire de la langue fran aise Montr al ditions Qu bec Am rique 2010 p 1040 1041 119 VINCENT Sylvie De la n cessit des cl tures R flexion libre sur la marginalisation des Am rindiens Anthropologie et Soci t s En ligne vol 10 n 2 1986 p 75 83 http id erudit org iderudit 006350ar Page consult e le 17 juillet 2011 Se dire Innu hier et aujourd hui l identit est elle territ
96. laquelle refl te souvent cette m me soci t 1 3 Figures spatiales et narration Il existe de nombreux proc d s visant introduire d crire ou voquer un lieu dans un texte fictionnel la di g se devenant alors le th tre de repr sentations de lieux o voluent les protagonistes Fernando Lambert a choisi de s int resser la question de I inscription de l espace dans le r cit qui est prise en charge par le narrateur en prenant entre autres comme point de d part les tudes narratologiques de G rard Genette M me si j appliquerai peu les notions th oriques de Lambert dans mon analyse il convient d en tudier les grandes lignes afin de mieux comprendre l espace di g tique en revanche je retiendrai certains termes importants notamment figure spatiale terme qui sera explicit ci apr s Dans son article Espace et narration th orie et pratique Lambert met au point une typologie cherchant mod liser des l ments de la narration li s l espace et qui contribuent par le fait m me la cr ation de sens Il nomme donc figure spatiale tout espace faisant partie int grante du texte 5 85 y et configuration spatiale l imbrication de tous les espaces afin de former une 3 Ibid p 40 SF LAMBERT Espace et narration th orie et pratique tudes litt raires En ligne vol 30 n 2 hiver 1998 p 114 http id er
97. le navigue alors entre r alit figure concr te de la grotte et onirisme figure du territoire de trappe per ue en vision cr ant ainsi une figure projet e pour reprendre l expression de Boyer cet aspect c r moniel conduit la femme crie vers une acceptation et une ma trise de ses dons et l am ne porter attention aux diverses particularit s topographiques du territoire Les descriptions de la figure de la grotte que fournit la narratrice tendent la personnifier montrant l aura fabuleuse qui l entoure surnaturelle qui plane au dessus d elle Nous reprenons notre ascension de la colline vers l ouverture b ante de la cavit Sous la lune 188 on dirait une bouche fantastique ouverte sur un hurlement inaudible L emplacement y r 189 r du lieu sacr soit au haut de la colline indique la pr sence d un nouveau couple de 190 termes spatiaux antinomiques haut bas qui cadre bien dans ce contexte c r moniel 186 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 174 187 M BOYER Op cit cit par C LAHAIE Les figures spatiales p 31 18 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 172 19 La narratrice prend la peine de mentionner la disposition des lieux Il me faut redescendre la pente dans cet tat puisque la maison du Grand Esprit est haut perch e sur la colline Jbid p 175 L appellation Grand Esprit vient d ailleurs amplifi
98. llochtones avec vue sur le lac Ce voyage vers la baie James aura veill chez la narratrice une nouvelle sensibilit vis vis des siens de son territoire v ritable maison nordique La chambre d enfant et de fa on plus globale dans ce cas ci la maison familiale peuvent pr senter des caract ristiques propres au lieu du c ur abritant dans chacun des recoins une myriade de souvenirs certaines r miniscences touchant des cordes sensibles Elles apportent parfois une forme de r confort ou plut t une nostalgie li e une p riode d insouciance Ce lieu ou son quivalent commun tant de gens puisqu il est celui de l enfance invite n cessairement puiser dans ses souvenirs Il exige une rem moration tant t agr able tant t p nible mais toujours pertinente car r v latrice d une exp rience fondatrice dans l identit de chacun Dans le cas du roman Ourse bleue Victoria est confront e des pertes douloureuses des deuils et fait un saut chez son p re dans l espoir de conna tre un certain r pit Je d cide l instant de rester quelques jours Pour tenter de retrouver un sommeil qui fuit mes nuits imbib es de cauchemars Peut tre que mon ancien lit pourra op rer un miracle 7 Ce retour aux sources lib re la narratrice d un lourd poids comme si le lieu d ancrage le refuge qu est la maison parvenait panser ses blessures elle arrive
99. m culture livres 321766 naomi fontaine ou le regard neuf Page consult e le 16 novembre 2011 H BERT Martin Du territoire au texte R cit d une qu te de vision dans Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau Qu bec fran ais n 162 t 2011 p 35 37 JEANNOTTE Marie H l ne L identit compos e hybridit m tissage et manich isme dans La saga des B othuks de Bernard Assiniwi et Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau International Journal of Canadian Studies Revue internationale d tudes canadiennes En ligne n 41 2010 p 297 312 http id erudit org iderudit 044172ar Page consult e le 17 juillet 2011 JOUVE Vincent Po tique du roman 2 dition Coll Cursus Lettres Paris ditions Armand Colin 1 dition 1997 2007 238 p LACASSE Jean Paul Les Innus et le territoire Innu tipenitamun Coll Territoires Qu bec Editions du Septentrion 2004 276 p LAHAIE Christiane Ces mondes brefs Pour une g ocritique de la nouvelle qu b coise contemporaine Coll Essai Qu bec Editions de L instant m me 2009 457 p Des nouvelles du paysage Contre jour cahiers litt raires En ligne n 3 2004 p 87 98 http id erudit org iderudit 2212ac Page consult e le 17 juillet 2011 Entre g ographie et litt rature la question du lieu et de la mim sis Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 52 n 1
100. ment attach s cette ressource De fait la d nomination toponymique en langue innue de rivi res de lacs ou la d signation de cr atures marines t moigne d un rapport troit entre nature et culture l instar de l union que l on trouve dans le roman de P s map o Bordeleau La figure spatiale de l eau poss de dans ce cas 107 ci la caract ristique d agir tel un baume pour ceux qui s en approchent elle appelle la qui tude la r flexion l apaisement en plus de combler certains besoins de subsistance Dans la foul e la figure spatiale de la for t se r v le dominante dans les deux uvres l tude et semble fournir les forces n cessaires l accomplissement de soi Pour ce qui est du roman Ourse bleue on peut affirmer que la for t a permis la protagoniste de vivre une r elle transformation ainsi qu une acceptation de son identit propre lesquelles sont survenues la suite d une qu te initiatique et spirituelle Le contact avec le territoire cri ancestral pousse Victoria red couvrir sa culture investir activement des lieux du c ur comme l Antre du Li vre pancher sa curiosit l gard du symbolique contenu au sein de la nature vierge Pour se mouvoir sur le territoire elle fait appel la cartographie associ e au topos mais plus encore ses r ves ou ses dons chamaniques conf rant une part de mystique de sacr ces tendues sylvestres
101. met en place une structure tripartite de l initiation ou les travaux de Gilbert Durand dont sa typologie des r gimes diurne et nocturne C LAHAIE Op cit p 39 30 Dans une vis e plus pragmatique le lieu qu il soit r f rentiel ou onirique risque galement de se voir transfigur par la fiction De plus des liens troits d ordre m tonymique unissant lieux et personnages peuvent conf rer un aspect tout autre au d roulement de la fiction ainsi qu l atmosph re dans laquelle cette derni re se d roule Bourneuf et Ouellet ont pareillement observ que les lieux avaient le pouvoir d agir sur l action comme sur les acteurs de la di g se L univers ext rieur d crit par le romancier renvoie aussi aux personnages pour lesquels il constitue un prolongement un obstacle ou un r v lateur Cet univers peut donc devenir le reflet de ce qui se trame dans l esprit d un protagoniste en raison du caract re embl matique qu il est en mesure d emprunter permettant de cette fa on de d voiler une id e un sentiment ou 5 un ensemble complexe de sentiments 1 2 2 La notion de haut lieu S inspirant de divers travaux issus de la g ographie culturelle B dard a constitu une typologie du haut lieu dans son article Une typologie du haut lieu ou la quadrature d un g osymbole Le haut lieu est tout d abord un lieu c est dire un fragment d
102. n a pour effet de d r aliser consid rablement ces figures Loc cit Loc cit C LAHAIE Les figures spatiales vanescentes de la nouvelle qu b coise contemporaine Qu bec fran ais En ligne n 160 hiver 2011 p 31 http id erudit org iderudit 61618ac Page consult e le 22 f vrier 2013 M BOYER L espace et le fantastique tude de la spatialisation dans quelques nouvelles fantastiques de Bertrand Bergeron d Hugues Corriveau et de Carmen Marois M moire M A Universit de Sherbrooke 2004 p 36 37 cit par C LAHAIE Les figures spatiales p 31 Loc cit 99 Loc cit 10 Lahaie sp cifie dans une note qu elle emprunte l expression Marie Claude Lapalme C LAHAIE Les figures spatiales p 33 39 101 spatiales souvent r f rentielles au d part Les figures spatiales qui ont t num r es doivent tre analys es au terme d un examen minutieux d autres aspects narratifs tels que la voix le ou les narrateur s du r cit et le mode la focalisation laquelle est souvent multiple en raison du nombre de narrateurs de protagonistes Les repr sentations des lieux deviennent alors tributaires du point de vue des personnages ce qui implique d accorder un int r t manifeste la narration en g n ral Par ailleurs cette focalisation qui peut s av rer d origine perceptive soit celle qui permet de narrer les obj
103. n ois FOLEY dir Pratiques de l espace en litt rature Coll Figura Montr al D partement d tudes litt raires de l Universit du Qu bec Montr al Centre de recherche sur le texte et l imaginaire 2002 225 p BROSSEAU Marc Des romans g ographes Coll G ographie et Cultures Paris ditions de l Harmattan 1996 246 p L espace litt raire en l absence de description un d fi pour l interpr tation g ographique de la litt rature Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 52 n 147 d cembre 2008 p 419 437 http id erudit org iderudit 029869ar Page consult e le 18 juillet 2011 BROSSEAU Marc et Micheline CAMBRON Entre g ographie et litt rature fronti res et perspectives dialogiques Recherches sociographiques En ligne vol 44 n 3 2003 p 525 547 http id erudit org iderudit 008205ar Page consult e le 17 juillet 2011 CAMPBELL Joseph Le h ros aux mille et un visages Traduction de Henri Cr s Paris ditions Robert Laffont 1978 369 p CAMUS Audrey et Rachel BOUVET dir Topographies romanesques Coll Interf rences Qu bec Rennes Presses de l Universit du Qu bec Presses universitaires de Rennes 2011 253 p 115 CAZELAIS Normand Virginia P s map o Bordeleau Antonio D Alfonso Mich le Vinet Lettres qu b coises la revue de l actualit litt raire En ligne n 130 t 2008 p 29 30 http
104. ncerne la question du p lerinage Ourse bleue roman plut t lin aire aux allures de r cit de voyage entra ne le lecteur sur la route figure apparaissant d s l incipit V ritable voie d acc s au pays des anc tres de Victoria la route se trouve marqu e par l isolement le silence et permet en outre l immersion dans l univers cri de la protagoniste Il s agit ainsi d un entre lieu une valeur sentimentale grandissante y tant rattach e Il est vrai que dans Kuessipan la route peut s av rer meurtri re ou bien morne mais elle sert en fait surtout rejoindre la s r nit offerte par la nature La figure du chemin de fer galement un entre lieu semble tout indiqu e pour atteindre le r confort du territoire innu Dans les deux cas la route aide les personnages rejoindre un id al un endroit aim et riche en souvenirs 104 Les auteures dressent aussi le portrait de communaut s autochtones du Qu bec o la topicit du lieu est mise en relief par l inscription dans la fiction de noms de villages tels que Waskaganish Wemindji Uashat etc ou de noms de rues P s map o Bordeleau offre de nombreuses descriptions des b timents de toutes sortes qui pars ment notamment la communaut de Waskaganish et note l hybridit qui se d gage des diverses structures les maisons unifamiliales semblant inoccup es c toient les tipis servant au fumage des viandes Le regard de la protagoniste Victoria capt
105. ne d ambivalences et de contradictions sensibles Comme les personnages du r cit demeurent peine esquiss s ce sera le regard le point de vue de la narratrice qui primera ici La communaut innue d Uashat est l un des lieux pr gnants l int rieur de la di g se et les descriptions qui y sont associ es accentuent l effet de r el quelques l ments de toponymie s y faufilent notamment des noms de rues de villes ou de villages se rapprochant ainsi du topos berquien Les habitants d Uashat semblent avoir du mal s approprier les terres qui constituent cette r serve terres qui pourtant offrent une vue imprenable sur le fleuve La perte du mode de vie nomade a jet un voile sur leur quotidien lequel se trouve pr sent englu dans un silence pais une atmosph re de mort et de d solation La beaut environnante para t ne pouvoir effacer la d cr pitude des maisons et b timents l envahissement du sable figure spatiale en soi et la pr sence d une peur insidieuse qui s immisce dans les foyers L criture de Fontaine campe des ambiances hors du temps r el malgr la pr sence de descriptions et elle insuffle au r cit une po sie douce am re d peignant une mis re poignante Les personnages aux allures fantomatiques se retrouvent prisonniers d une figure spatiale enclav e cl tur e laquelle tend retenir les loups c est dire les Innus On pourrait donc affirmer que ces derniers s
106. nt un chemin par del l oralit forme traditionnelle de la transmission des r cits chez les Premi res Nations En outre ces textes de facture tr s diff rente ont t s lectionn s en raison de leur mani re sensible de rendre compte du lien organique entre les hommes et la terre mais aussi de la difficult pour leurs protagonistes respectives de s ancrer dans un territoire en constant changement Virginia P s map o Bordeleau auteure d origine crie de Rapides des C dres a fait para tre Ourse bleue son premier roman en 2007 Dans ce roman qui emprunte les V P S MAP O BORDELEAU Ourse bleue Coll Plume Lachine ditions de la Pleine Lune 2007 204 p 10 N FONTAINE Kuessipan Coll Roman et r cit Montr al ditions M moire d encrier 2011 113 p 13 formes du r cit de voyage se dessine la qu te de Victoria une Autochtone qui retourne sur les lieux de ses origines la baie James o elle se verra confier une mission Divis en deux parties dont les titres sont vocateurs soit Le voyage vers la baie James et Le voyage int rieur puis en de nombreux courts chapitres ce texte consiste en une v ritable remise en question tant sur le plan identitaire que spirituel qui passe par un retour la terre ancestrale Bien que le r ve joue un r le majeur dans cette intrigue on peut parier que les lieux r f rentiels ainsi que la topographie y seront pr pond rants
107. nternationale d tudes canadiennes En ligne n 24 automne 2011 p 151 170 http www csj ualberta ca iec csi index php download file view 73 Page consult e le 18 janvier 2012 Apatride Le Petit Robert de la langue fran aise Paris Dictionnaires Le Robert 2006 p 110 BACHELARD Gaston La po tique de l espace 8 dition Coll Quadrige Paris Presses universitaires de France 1 dition 1957 2001 214 p BAKHTINE Mikha l Esth tique et th orie du roman Traduction de Daria Olivier Paris Editions Gallimard 1978 489 p B DARD Mario Une typologie du haut lieu ou la quadrature d un g osymbole Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 46 n 127 avril 2002 p 49 74 http id erudit org iderudit 023019ar Page consult e le 17 juillet 2011 B DARD Mario et Christiane LAHAIE G ographie et litt rature entre le topos et la ch ra Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 52 n 147 d cembre 2008 p 391 397 http id erudit org iderudit 029867ar Page consult e le 18 juillet 2011 BENDER Charles amp feu pisode 3 qui le territoire Montr al Radio Canada 20 janvier 2012 Emission de t l vision 44 minutes 16 secondes BERQUE Augustin coum ne Introduction l tude des milieux humains Coll Mappemonde Paris Editions Belin 2000 271 p Lieu dans Jacques L VY et Michel LUSSAULT dir Dictionnaire
108. on lieux Introduction une anthropologie de la surmodernit et auquel B dard fait r f rence dans son article s accordent pour affirmer que l apparition de ces lieux d coule de la venue ainsi que de l amplification persistante de la modernit qui a amen l tre humain se doter d espaces qui ne sont ni identitaires ni relationnels ni historiques Pr sents l chelle mondiale les non lieux envahissent les espaces publics et prennent la forme de gares de centres commerciaux de parcs qui sont propices des tractations de tous ordres le plus souvent exemptes de profondeur et de sens Dans certains cas m me s il demeure rare que ceux ci soient associ s une quelconque dimension identitaire tant donn leur caract re g n ralement impersonnel pratique fonctionnel les non lieux peuvent remplir une fonction pr cise mais temporaire En accomplissant une fonction ph m re ils se pose nt normalement en espacel s de transition Il n emp che que ce type de lieu 7 C LAHAIE Op cit p 38 78 Jbid p 40 7 M AUG Non lieux Introduction une anthropologie de la surmodernit Paris ditions du Seuil 1992 cit par M BEDARD Op cit p 60 C LAHAIE Op cit p 40 81 Jbid p 414 36 r EE 82 foisonne au sein de nos soci t s press es et performantes et abonde dans la litt rature contemporaine
109. on plus que les lieux de la r alit On se doit toutefois de leur reconna tre un caract re mythique imm diat ou construit par une uvre artistique visuelle sonore filmique ou litt raire Cet aspect relatif la mythologie n est pas sans importance lorsque vient le temps d analyser le choix de tel ou tel lieu dans une uvre la port e symbolique qui en d coule permettant parfois de d coder le sens cach de celle ci Il va sans dire que le recours divers outils th oriques traitant de l origine des symboles et de la mythocritique permettra de jauger la valeur symbolique de diff rents lieux Le mythe proprement parler peut exercer deux fonctions D un c t le mythe ne peut faire autrement qu taler au grand jour la vision du monde inh rente son ou ses instigateurs De l autre il r ifie ou d construit ind finiment les lieux en leur attribuant de surcro t une valeur fluctuante dans le temps J Cette derni re partie d nonc relative la trajectivit telle que l entend Berque rappelle que les lieux r sultent d une combinaison du topos et de la ch ra l Lahaie fait entre autres r f rence aux tudes qui s attardent aux formes que prend l utopie soit l eutopie et la dystopie c est dire aux romans d anticipation ibid p 39 40 Ibid p 38 5 Notamment l essai de Joseph Campbell intitul Le h ros aux mille et un visages lequel
110. onger dans l analyse de ces deux uvres j exposerai dans un premier chapitre les diverses notions entourant l espace le lieu et la repr sentation des lieux Pour ce faire je puiserai dans les essais d Henri Lefebvre d Augustin Berque de Bertrand Westphal de Christiane Lahaie et d autres encore Je tiens toutefois pr ciser que je n emploierai pas le terme g ocritique sugg r par Westphal pour la simple et bonne raison que la g ocritique exige de comparer plusieurs repr sentations d un m me lieu dans une optique intertextuelle optique que je n adopterai pas videmment En outre les diff rents lieux par exemple les lieux de m moire ou les lieux du c ur classifi s par Mario B dard dans un article intitul Une typologie du haut lieu ou la quadrature d un g osymbole seront explicit s et d crits puisqu ils s av rent indispensables cette tude Un autre article sign B dard et Lahaie soit G ographie et litt rature entre le topos et la ch ra fera l objet d un expos d taill dans l intention de mieux d finir ce qui se cache derri re les descriptions de lieux Ensuite je traiterai des figures spatiales en majeure partie r pertori es par Fernando Lambert dans son article Espace et narration th orie et pratique puis par Lahaie dans un article intitul Les figures spatiales vanescentes de la nouvelle qu b coise contemporaine Dans un deuxi me ch
111. oriale dans Natacha GAGN Thibault MARTIN et Marie SALA N dir Autochtones vues de France et du Qu bec Coll Mondes autochtones Qu bec Les Presses de l Universit Laval DIALOG R seau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones 2009 p 261 273 WEISGERBER Jean L espace romanesque Coll Biblioth que de litt rature compar e Lausanne Editions L Age d Homme 1978 265 p WESTPHAL Bertrand La g ocritique R el fiction espace Coll Paradoxe Paris ditions de Minuit 2007 278 p Pour une approche g ocritique des textes Esquisse dans Bertrand WESTPHAL dir La g ocritique mode d emploi Coll Espaces humains Limoges Presses universitaires de Limoges 2000 p 9 39
112. oter que l l ment naturel que constitue le sable mentionn dans le pr c dent extrait para t omnipr sent non seulement pr s des habitations mais dans la communaut enti re Il y a du sable sur le devant des maisons Sur l asphalte des rues Sur les tapis d entr e Derri re les Galeries 264 Montagnaises que du sable V ritable figure spatiale en soi le sable de la baie s incruste s infiltre partout dans les moindres interstices et c est sur lui que reposent les maisons les commerces Toutefois il existe un certain contraste entre le sable d une lage enveloppant et propice la d tente et celui qui ensevelit qui fait mourir la plag Pp prop q q 2 N FONTAINE Op cit p 30 2 Thid p 34 265 Le sable est doux il fait chaud Ibid p 33 Tu dessineras un arbre du bout des doigts sur le sable fin de la baie bid p 111 266 Le sable ensevelit les d chets et les rares bouteilles de bi re vides que personne ne s est charg de ramasser Jbid p 54 83 v g tation qui met au tombeau le village condamn demeurer dans un sablier g ant hors du temps En fait les l ments naturels pr sents malgr le sable contaminent et ensevelissent graduellement des lieux peu invitants conf rant ceux ci une aura sinistre d abandon La maison est petite pos e sur le sable Le bleu de ses fa ades est terne presque gris fatigu Uni
113. ou s apparente selon Yi Fu Tuan cit dans l ouvrage de Westphal une aire de libert o la mobilit s exprime comme l instabilit la fragmentation 1 1 2 Investissement de l espace Cette id e de d cloisonnement croissant li aux bouleversements sociaux se retrouve dans l tude La g ocritique R el fiction espace de Bertrand Westphal Ce texte voque certains moments l empreinte manifeste du processus mondial de d colonisation qui a v ritablement conf r un statut unique au symbole de la fronti re Les critiques 2 H LEFEBVRE La production de l espace 3 dition Paris ditions Anthropos 1 dition 1974 1986 p 70 7 B WESTPHAL La g ocritique R el fiction espace Coll Paradoxe Paris ditions de Minuit 2007 p 15 7 Ibid p 46 21 postcoloniales et bien d autres encore voqu es par le th oricien dans son essai viennent renforcer la perspective de d passement des fronti res de croisement des cultures et d largissement des espaces longtemps cloisonn s En bref ces critiques cat gorisent l espace comme tant devenu h t rog ne De fait une telle diversit ferait partie int grante de l re dite postmoderne caract risant du coup le corpus retenu ici lequel est issu de cette m me p riode Par ailleurs Iles recherches anthropologiques d Edward T Hall confirment que l espace se voit investi de mani
114. p enne peuplant certains territoires des provinces des Prairies M d VILLERS Ibid p 1041 41 2 1 P riple vers une nordicit urbaine 2 1 1 Sillonner la solitude Cette uvre pr sente de nombreuses similitudes avec le r cit de voyage en accordant une r r ea 106 r place pr pond rante aux symboles que sont la route et la fronti re Ces lignes trac es sur le territoire et qui sillonnent moult figures spatiales semblent m me exercer une influence sur la construction du r cit De fait d s l incipit la narratrice et protagoniste Victoria annonce que son mari Daniel et elle m me prennent la route menant vers la baie James un lieu r f rentiel du Qu bec entamant ainsi un voyage vers le pays de ses anc tres Au gr de ses p r grinations en territoire cri la narratrice donne voir l encha nement de figures spatiales apparent es la route une route d nud e et solitaire ambivalente et capricieuse Cette derni re est la seule voie emprunter pour qui veut se rendre en voiture la baie James la multiplicit des routes urbaines s estompant l approche des espaces nordiques Pourtant personne J 5 5 A x 107 ne risque de se perdre puisqu il n y a qu un chemin suivre La narratrice 108 mentionne parfois le num ro de la route la 167 ou le nom qui y fait r f rence la route du Nord ce qui conf re cette figure une dimension r f rentielle dav
115. pable entre nature et culture Le manque de voyelles rend la langue imp n trable comme un rappel la nature la duret l corce et les panaches La condition du nomade a fini par cr er et imposer des habitudes de survie ralliant animaux et for t ch ris depuis des g n rations En effet la chasse activit de subsistance ancestrale demeure essentielle pour les aao s835 personnages de Kuessipan La cr ature primordiale que repr sente le caribou rapporte de la viande aux familles mais elle permet aussi au chasseur de garder vivantes des traditions enracin es dans le territoire et de poursuivre cette qu te du nomade au c ur du 336 k Nutshimit Ainsi latik nom innu d signant le caribou trouve des r sonances infinies chez ceux qui ont fait de la figure de la for t leur demeure pour continuer esp rer 337 vivre dans la fiert Il a appris de ses ann es de chasseur l instinct Il dit sans arrogance comme une promesse Nous l avons d imprim l dans le sang Nous irons chercher le caribou l o il se trouve L tat de gr ce indissociable du mode de vie nomade dont parle la narratrice dans un des fragments pourrait faire r f rence la recherche d une accession l me du territoire de la cr ation d un lien organique avec la nature afin de retrouver le chemin de la tradition Nutshimit un rituel pour les 34N FONTAINE
116. place de plus en plus marqu e au sein de la recherche universitaire l espace menant une compr hension accrue de l univers di g tique La litt rature des Premi res Nations du Qu bec tant cependant peu analys e de ce point de vue le pr sent m moire vise montrer la pertinence d une tude de la repr sentation des lieux et du territoire dans les romans autochtones Ourse bleue de l auteure crie Virginia P s map o Bordeleau ainsi que Kuessipan de l auteure innue Naomi Fontaine Pour ce faire le m moire se s pare en trois parties La premi re d di e aux diverses th ories retenues pose les assises de l analyse textuelle venir Les notions de topos et de ch ra d Augustin Berque de hauts lieux de Mario B dard de figures spatiales de Christiane Lahaie et de Fernando Lambert lesquelles servent mieux cerner la nature du lieu y sont d taill es La seconde se penche sur l uvre de P s map o Bordeleau en s attardant successivement aux figures de la route des communaut s autochtones des cours d eau et de la for t du territoire cri Ce chapitre met en lumi re une pr gnance d l ments topographiques de m me qu une qu te identitaire de la protagoniste fortement ancr e dans le territoire de ses anc tres La derni re se consacre l analyse de l uvre de Fontaine et s applique d crire le m me type de figures Une chor sie se dessine les personnages innus ayant t transform
117. poche Traduction de Marie France Girod Paris Editions Grasset 1996 487 p 118 PRAT Michel Auteurs lieux et mythes Coll Espaces litt raires Paris ditions de l Harmattan 2002 256 p QU BEC PROVINCE OFFICE QU B COIS DE LA LANGUE FRAN AISE Allochtone Le grand dictionnaire terminologique En ligne http gdt oqlf gouv qc ca ficheOqlf aspx Id Fiche 8364107 Page consult e le 24 octobre 2012 QU BEC PROVINCE OFFICE QU B COIS DE LA LANGUE FRAN AISE Autochtone Le grand dictionnaire terminologique En ligne http gdt oqlf gouv qc ca ficheOqlf aspx Id Fiche 17483311 Page consult e le 24 octobre 2012 QU BEC PROVINCE COMMISSION DE TOPONYMIE La toponymie autochtone au Qu bec Bilan et prospective Coll Dossiers toponymiques n 24 Qu bec Commission de toponymie du Qu bec 1996 39 p La toponymie des Cris Coll Dossiers toponymiques n 29 Qu bec Commission de toponymie du Qu bec 2003 263 p RICARD Fran ois Le d cor romanesque tudes fran aises En ligne vol 8 n 4 1972 p 343 362 http id erudit org iderudit 036525ar Page consult e le 18 juillet 2011 SAVARD R mi Le sol am ricain propri t priv e ou Terre M re L en de et lau del des conflits territoriaux entre autochtones et blancs au Canada Montr al ditions de l Hexagone 1981 55 p SERVICE D INFORMATION DES NATIONS UNIES L Assemb
118. pour les aimer o on fait survivre la langue J aurais aim que les choses soient plus faciles dire conter mettre en page sans rien esp rer juste tre comprise N FONTAINE Op cit p 9 22 Thid p 35 233 L ext rieur ressemble une cage chiots peinte en orange Loc cit 76 son cimeti re qui ne rend pas compte de la d tresse humaine son stade dont l a peinture rouge est d lav e le blanc caill etc Cet aspect de d labrement de laisser aller manifeste semble aussi rebuter les trangers Mais les inconnus sont rares Ils ne s aventurent pas sur une r serve L envie de taire la d solation continue toutefois de tenailler la narratrice au fil de sa visite des diverses figures spatiales J aimerais te dire que c est toujours ainsi chez les Innus Qu il n y a pas Uashat de maison pour les vieillards Un endroit clos o ils ne font plus de peine voir Mais tu saurais que je mens en voyant la nouvelle b tisse sur la rue Arnaud que l on appelle les Soins de 03 longue dur e Malgr que la r serve se trouve dans une baie pr s de la mer o la nature semble offrir un spectacle rass r nant la souffrance qui est palpable m me dans la mani re de qualifier les lieux les atmosph res les personnages ne peut tre oblit r e De fait Naomi Fontaine exploite un champ s mantique toutes sections confondues li la a x 2
119. pour parvenir saisir le sens profond de cette coh sion avec la territorialit M me si dans le pr sent m moire mon tude est guid e par une approche s miologique plut t que par une approche sociocritique il reste qu une mise en contexte de la r alit et de l histoire des Premi res Nations s av re un point de d part clairant avant d entamer toute analyse de la repr sentation des lieux dans des uvres issues de ce corpus D embl e je citerai donc un passage de La r duction L Autochtone invent et les Am rindiens d aujourd hui de Jean Jacques Simard Ces gens se trouvent d pays s dans leur propre continent arrach s leur champ normal de gravitation culturelle Coup s de leurs terres ancestrales enclav s dans des tablissements restreints aux franges des agglom rations europ ennes convertis par la force des choses des croyances chr tiennes et des m urs s dentaires trang res leur tradition ce sont d j des apatrides de l int rieur Le Petit Robert de la langue fran aise d signe l apatride comme un individu qui est d pourvu de nationalit l gale qu aucun tat ne consid re comme son ressortissant L appellation apatrides de l int rieur vient ainsi souligner le climat pr caire ali nant dans lequel baignent les Autochtones trop souvent d poss d s d une identit propre et compl tement d racin s des lieux autrefois occup s Leur
120. que esseul e dans sa dimension En collision avec les murs de courtes herbes poussent pars ment les trois m tres de fa ade d un c t et de l autre La galerie en bois envahie par les chiens et la pluie Devant la porte beige une odeur de moisi Les termes en collision envahie associ s des plantes des animaux des manifestations m t orologiques viennent appuyer de nouveau l id e d un envahissement R 269 constant d un lieu d lest de toute pr sence humaine Qw elle soit verte ou 270 2 bleue la maison malgr ses couleurs vives demeure sans clat d labr e parfois A r e 271 r r r m me jug e insalubre t moin de la pauvret qui gangr ne la communaut M me si une tradition de convivialit persiste chez les Innus voulant que quiconque puisse entrer dans la maison tout moment du jour il n en demeure pas moins qu une peur visc rale gagne les occupants des habitations lorsque la clart fait place l opacit de la nuit De fait il semble exister un syst me d opposition entre le jour 267 tu aurais compris que le gazon ne pousse pas naturellement sur le sable Ibid p 91 28 Thid p 54 20 Thid p 27 270 Thid p 40 54 77 Thid p 58 84 d cloisonnement et la nuit cloisonnement intimement li au r le de la porte d entr e des maisons Les portes rest
121. r vent d tre emprunt es celles qui se laissent aller trop 210 peu fr quent es Toutes les asp rit s de la figure spatiale de la route sont scrut es rien n est laiss au hasard pas m me les motivations de cette derni re qui se voit personnifi e la fin de cet extrait On note cependant que les routes qui jalonnent la communaut innue d Uashat semblent fig es dans le temps hors de la r alit Les rues mornes appellent la solitude cr ant de surcro t une ambiance fantomatique o les personnages se meuvent avec lenteur comme engourdis Peu de promeneurs le jour sinon les femmes et leurs carrosses Un pick up passe lentement sur la rue Pashin Le vent glac Personne qui se prom ne Ces personnages vanescents souvent f minins et dont ont sait peu de choses hormis leurs conditions pr caires errent dans les rues restent dans l ombre laissant les lieux parler d eux m mes Les noms des rues sillonnant 215 la communaut Pashin De Queen Gr goire Arnaud Kamin num r s par la narratrice offrent a contrario une certaine dimension r f rentielle au r cit po tique 210 Thid p 21 211 L omnipr sence de la lenteur qui semble v ritablement ancr e au sein du mode de vie est entre autres explicable du fait que de nombreux enfants se retrouvent seuls dans la rue On ne peut pas s garer sur la r serve Ne t inqui
122. r Victoria lors de son p lerinage Je r ve Un homme tente de se d gager des broussailles qui l emprisonnent comme des bras vivants Une neige nouvelle fine et poudreuse que le vent parpille sur la cro te durcie par un printemps pr coce ne laisse aucune trace de mes pas et ma fatigue m emp che d y voir clair Le cr puscule envahit d j cette le 9 inconnue Un des l ments fondamentaux facilitant justement ce d passement ce d placement d une figure spatiale une autre s av re tre l animal a fortiori souvent hautement symbolique Les Cris tant l origine un peuple chasseur leurs modes d criture et de repr sentation du paysage culturel sont fond s sur la pr sence d animaux sur le territoire sans eux l espace est en quelque sorte vid de son sens et pourrait difficilement tre n 199 nii signifiant Cette assertion trouve tout son sens dans le roman de P s map o Bordeleau laquelle met en sc ne certains animaux sur le chemin qu emprunte la protagoniste afin de la guider dans son p riple On remarquera d ailleurs que ceux ci 17 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 29 18 Thid p 190 19 C DESBIENS Le Jardin au Bout du Monde terre texte et production du paysage la Baie James Recherches am rindiennes au Qu bec En ligne vol 38 n 1 2008 p ll http id erudit org iderudit 039739ar Page consult e le 18 juillet 2011
123. rconscrire des lieux r els avant tout N anmoins elle r serve des subtilit s propres lucider appr hender certains types de marques symboliques manant des lieux di g tiques Je M B DARD Une typologie du haut lieu ou la quadrature d un g osymbole Cahiers de g ographie du Qu bec En ligne vol 46 n 127 avril 2002 p 51 http id erudit org iderudit 023019ar Page consult e le 17 juillet 2011 Loc cit C LAHAIE Op cit p 36 5 M B DARD Op cit p 52 Ibid p 53 Dans son article B dard dresse une liste de valeurs autant li es l humain qu la nature qui peuvent impr gner un haut lieu Il fait donc mention de l axe espace temps d un territoire des l ments diversifi s entourant les activit s d une collectivit telles que la politique la religion ou la culture de tout ce qui a trait l aspect proprement naturel cologique de l endroit et de l esth tique des paysages loc cit amp Ibid p 53 54 Un peu plus loin le g ographe culturel fait mention du caract re polymorphe du haut lieu en num rant quelques formes sous lesquelles il est souvent repr sent Il peut s agir d un aspect d coratif par exemple une partie d un b timent d un principe d organisation territoriale ibid p 54 d un paysage d un l ment mythifi du cadre naturel loc cit ou d un outil conomique ayant une importance
124. re subjective par les tres humains Il serait m me fa onnable et non pas seulement re u L id e d espace v cu d coule des divers travaux effectu s entre autres en g ographie culturelle autrefois connue sous l appellation de g ographie humaniste et renvoie nouveau au fait que les exp riences de tous les individus transforment le tissu social et donc l espace habit ces individus se voient en retour influenc s La culture vient alors jouer un r le primordial dans le traitement accord celui ci chaque individu ayant sa propre perception de l espace En somme selon Jean Weisgerber l espace n est jamais que le reflet le 3 Ibid p 70 Westphal dresse la liste de quelques critiques pr nant l h t rog n it de l espace notamment les critiques postcoloniale postf ministe multiethnique etc Ibid p 79 3 C LAHAIE Op cit p 31 2 Ibid p 32 22 produit d une exp rience individuelle et dans bien des cas d une tentative d agir sur le monde Dans une pr face la nouvelle dition de l ouvrage La production de l espace Lefebvre expose de fa on explicite la th se centrale de son essai qui abonde dans le m me sens que celles de Hall ou de Weisgerber sur le sujet th se selon laquelle Ile mode de production organise produit en m me temps que certains rapports sociaux son espace et son temps Lefebvre met gal
125. reinte identitaire Les descriptions que l on trouve des figures spatiales tendent toutefois davantage vers le topos la narratrice nommant les routes par leur num ro les rivi res par leur nom faisant aussi r f rence certaines communaut s autochtones cries usant de cartes g ographiques Ce souci g ographique conf re la trame romanesque une dimension r f rentielle marqu e nonobstant les perc es oniriques ou chamaniques Malgr le confinement et le d s uvrement auxquels convient les r serves il n en reste pas moins que les fronti res semblent tout fait perm ables et non pas infranchissables Dans le cas du personnage de Victoria il appara t que l expression apatrides de l int rieur ne s applique pas particuli rement compte tenu qu elle semble parvenir s manciper r v ler sa v ritable identit m tiss e d Ourse bleue et ce l cart des espaces urbains au c ur m me de la figure spatiale sacr e de la for t o une chor sie propre au lieu se manifeste par une interrelation quilibr e En bout de ligne elle d laissera la ville pour retourner s installer aupr s des siens t moignant alors de la force d attraction qu exercent sur cette derni re les lieux empreints de silence et de beaut situ s aux confins de la baie James 1 J J SIMARD Op cit p 25 110 D autre part Kuessipan de Naomi Fontaine s av re une uvre la prose po tique qui t moig
126. rivi re Il s agit certes d une boussole naturelle ainsi que d une voie navigable par canot mais les cours d eau appellent galement la 0 Il y a deux sortes de saumons l utshashumek qui a rejoint la mer et qui remonte vigoureusement la rivi re il est gros et son go t ne peut trahir le sal des hautes vagues et le pipunamu qui n a jamais quitt l eau douce Celui l est petit plus facile app ter Ibid p 88 1 Thid p 19 2 Thid p 46 2 Thid p 41 4 Thid p 65 25 Thid p 74 89 rem moration la r flexion et proposent d emprunter un parcours afin de se rapprocher des anc tres de fusionner pass et pr sent comme en t moigne ce passage Marcher jusqu la rivi re Ramer genou sur les planches de bois d un canot qui avait mille fois fait ce trajet Suivre la rivi re reconna tre en elle la voie celle des anciens celle des siens Tel que le pr cise Caroline Desbiens I humanisation autochtone laisse des marques sur le territoire mais la gen se de ces paysages proc de galement d une g ographie mentale celle du mythe de l histoire orale de l unit du perceptible et de l imperceptible humains animaux anc tres et esprits dans les 5 297 aires de vie et de parcours Accomplir des gestes traditionnels dans un espace touffu de souvenirs d esprits des a eux plus pr s de l imperceptible convie ostensiblem
127. rs pour le petit gibier Waskaganish et d autres communaut s telles que Wemindji Chisasibi Waswanipi N maska ou Mistissini comptent leur lot de lieux publics qui pourraient tre d sign s comme des non lieux tels que d finis par B dard consid rant leur caract re pratique a re 133 parfois m me impersonnel Il est alors possible d identifier des restaurants une cole un service de sant ou une boutique d artisanat qui viennent r pondre une gamme de besoins issus de la modernit La protagoniste nous entra ne galement dans un mus e de Waskaganish qui au premier abord semble la rebuter quelque peu Brad nous invite le suivre vers des baraquements qui ressemblent davantage un r r 13 a n garage d a roport qu un mus e Toutefois m me s il s agit d un lieu en apparence anodin celui ci pr sente des caract ristiques propres l entre lieu De fait le mus e est 3 Ibid p 27 33 Ibid p 54 67 95 105 180 4 Ibid p 98 35 Ibid p 157 36 Ibid p 73 37 Ibid p 30 49 ir r 138 i habit par le pass autant par ce qu il contient d objets historiques de cartes L gt x F2 139 g ographiques que par ce qu il rec le en mati re de g n alogie lui fournissant les outils pour en venir occuper un r le identitaire notamment pour Victoria et son cousin Stanley Domind la
128. rte de la partie nord ouest de la province de Qu bec Il pose le bout de son crayon sur 192 un point l int rieur des terres la rivi re Rupert Cet outil de repr sentation rendant compte de territoires r f rentiels est in vitablement associ la topographie au 9I G DURAND Les structures anthropologiques de l imaginaire 11 dition Coll Psycho Sup Paris ditions Dunod 1 dition 1960 1993 560 p 12 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 75 64 topos dont les r miniscences dans la di g se sont l gion En peaufinant les derniers pr paratifs de l exp dition visant retrouver les ossements la narratrice fait la rencontre d un trappeur cri du nom d Eddy M tamescum lequel lui indique l endroit approximatif fouiller sur une carte g ographique Victoria apporte alors des pr cisions quant au lieu aper ues lors de ses visions la grotte stup fiant du coup le trappeur Sur une feuille je dessine de m moire la forme de l le la pierre fracass e l ouest et les trois lots l est d tails invisibles sur la carte Eddy ne rit plus tonn Ces d tails invisibles sur la carte attestent de l importance manifeste du r ve des visions menant ainsi une connaissance accrue et enti re de la figure spatiale de la for t Dans le cas d Ourse bleue la d couverte du territoire est une entreprise qui doit mobiliser l ensemble d
129. s au contact de l harmonie sylvestre laissant entrevoir le caract re essentiel de la for t et des pratiques ancestrales qui y sont associ es Cette tude de la repr sentation des lieux di g tiques dans deux romans autochtones permet de cerner l importance majeure qu occupe le territoire au sein des r cits des p r grinations des divers personnages cris ou innus De fait cette figure spatiale veille les sens par sa beaut prenante convie l introspection la r flexion fait ressurgir la culture et les traditions ancestrales Plus important encore elle conduit les divers personnages se questionner quant leur identit et favorise l accomplissement de soi Mots cl s litt rature des Premi res Nations du Qu bec Virginia P s map o Bordeleau Naomi Fontaine territoire lieu communaut autochtone for t Cris Innus baie James Uashat Introduction La notion de temporalit particuli rement depuis les travaux de G rard Genette a occup une place pr pond rante dans les tudes litt raires Or depuis quelques ann es c est plut t l espace qui tend occuper le haut du pav Les lieux o les personnages romanesques gravitent attirent l attention des chercheurs qui tentent de d mythifier leur signification et leur symbolique au sein des uvres Ces approches en constante volution ont donn naissance des centres d tudes universitaires comme le Centre de recherche sur le te
130. s expressions diverses pour d signer tout individu ou groupe d individus concern par la Loi sur les Indiens notamment Premiers Peuples Am rindiens Premi res Nations etc Afin d viter toute confusion cet gard il importe de sp cifier ainsi que de d finir les termes retenus dans le cadre de la pr sente tude J emploierai dor navant le vocable Autochtone avec une majuscule pour faire r f rence l entit sociopolitique que forme l ensemble des peuples inuits am rindiens et m tis ou une personne de cette entit sociopolitique QU BEC PROVINCE OFFICE QU B COIS DE LA LANGUE FRAN AISE Autochtone Le grand dictionnaire terminologique En ligne http gdt oqlf gouv qc ca ficheOqlfaspx Id Fiche 17483311 Page consult e le 24 octobre 2012 Toutefois la locution Premi res Nations occupant une place pr pond rante au sein de certaines organisations autochtones au pays comme l Assembl e des Premi res Nations il m appara t propos d en tenir compte au m me titre que le mot Autochtone Pour qualifier les personnes ayant une origine autre qu autochtone il conviendra d utiliser le terme Allochtone QU BEC PROVINCE OFFICE QU B COIS DE LA LANGUE FRAN AISE Allochtone Le grand dictionnaire terminologique En ligne http gdt oqlf gouv qc ca ficheOqlf aspx Id Fiche 8364107 Page consult e le 24 octobre 20121 10 tre explor es
131. sph re qui y r gne autant que les appartements propres la vie urbaine Ces descriptions laissent entrevoir les paradoxes qui habitent les personnages prisonniers de leur propre refuge emmur s dans leur solitude Comme l interpr te bien Gaston Bachelard l a maison plus encore que le paysage est un tat d me refl tant ainsi en condens l impression ressentie au sein m me de la communaut 261 Thid p 104 2 G BACHELARD La po tique de l espace 8 dition Coll Quadrige Paris Presses universitaires de France 1 dition 1957 2001 p 77 82 La narratrice dresse le portrait g n ral de la figure de la maison telle qu on la retrouve Uashat Les maisons ont une forme rectangulaire du sable sur leur entr e des cl tures en bois et une porte que l on ne barre pratiquement jamais sinon la nuit sinon durant les absences Les gens ne frappent pas la porte pour entrer accoutum s la chaleur d un foyer la souplesse des toiles sur une tente Ce passage trahit une chor sie singuli re une occupation particuli re d un lieu par les Innus ceux ci ayant conserv leurs coutumes de proximit d intimit quant au seuil de leur demeure la maison ayant cependant remplac la tente Or ceux ci se sont galement adapt s au syst me occidental de la propri t priv e en installant des cl tures afin de d limiter leur terrain Par ailleurs il est int ressant de n
132. t ant en relief sa subjectivit ainsi que les crits postcoloniaux d Edward Sa d Enfin je signalerai un article touchant entre autres l uvre de P s map o Bordeleau et r dig par Marie H l ne Jeannotte malgr que la notion de lieu n y soit pas abord e Quant Kuessipan hormis quelques articles de journaux reconnaissant les talents et la 14 M H BERT Du territoire au texte R cit d une qu te de vision dans Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau Qu bec fran ais n 162 t 2011 p 37 SJ NADEAU LAVIGNE Approches du territoire dans la litt rature autochtone du Qu bec La Saga des B othuks de Bernard Assiniwi et Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau M moire M A Universit du Qu bec Montr al 2012 116 p 16 Jbid p 26 17 M H JEANNOTTE L identit compos e hybridit m tissage et manich isme dans La saga des B othuks de Bernard Assiniwi et Ourse bleue de Virginia P s map o Bordeleau International Journal of Canadian Studies Revue internationale d tudes canadiennes En ligne n 41 2010 p 297 312 http id erudit org iderudit 044172ar Page consult e le 17 juillet 2011 8 Il est entre autres question ici de l article de Chantal Guy Naomi Fontaine Bons baisers de la r serve 13 mai 2011 publi dans le journal La Presse ainsi que de celui de Louis Hamelin intitul Naomi Fontaine ou le regard neuf
133. t et revigorant ceux qui s y enfoncent pour mieux rena tre Si l on se r f re la typologie des hauts lieux de Mario B dard il serait possible d tablir un parall le entre le lieu du c ur et la figure spatiale de la for t englobant la nature la tente la cabane bref tout ce qui fait cho au nomadisme en tant que mani re d appr hender le monde Le territoire repr sente alors le lieu de m moire de culture et de s r nit par excellence pour les personnages de Kuessipan toujours la recherche d une connexion avec les anciens par le biais de la for t car les lieux du c ur s vertuent expliquer et illustrer la nature et l intensit de la relation qui les lie la terre au lieu dit Les descriptions de la figure spatiale de la for t montrent quel point cette figure est profond ment inscrite au sein d un cycle o chacun des l ments a un r le pr pond rant jouer Les fragments laissent voir un amalgame de nature et de culture la ch ra tant caract ris e par une association aux premiers abords dichotomique mais qui au bout du compte lie intimement les Innus et le territoire qu ils parcourent sans cesse Ceux ci ont autant besoin des ressources dont rec le la for t que de se laisser marquer par elle de ne 32 Thid p 94 33 M B DARD Op cit p 56 100 faire qu un avec elle La langue innue telle que d crite par Fontaine t moigne de cette communion pal
134. tones petites parcelles de vie au sein d une contr e o la solitude et le d pouillement impr gnent l atmosph re P s map o Bordeleau propose une incursion de l int rieur dans un univers trop peu connu lui conf rant par le fait m me un visage plus humain Ces villages voqu s par la protagoniste au gr de ses p r grinations pour d nicher une paire de mocassins en peau de caribou forment un regroupement de figures spatiales altern es que l on pourrait qualifier comme telles tant donn le va et vient constant des personnages d un endroit un autre Ces figures deviennent alors compl tives du fait qu chaque description dans le r cit par la narratrice elles apportent des informations visant dresser un portrait plus global des diff rents villages ainsi que de ses habitants Cela permet de remarquer qu aux abords du territoire cri les gens se font davantage soup onneux envers ceux qui ne sont pas des leurs ce qui intensifie l effet de cloisonnement de repli Nous rencontrons des camionnettes conduites par des Cris Ils ralentissent notre approche et nous examinent Je reconnais cette attitude envers les inconnus Il est noter que l utilisation de lieux r f rentiels dans le texte est vidente l auteure mettant manifestement l accent sur des l ments topographiques de la r gion nordique du Qu bec comme l indiquent ici les noms des diverses communaut s Or de ceci d coule
135. tonymique un accident Ils ont accus le brouillard La brume habituelle des soirs de mai Le vent mouill de la mer qui fait pousser les nuages gris sur 2 la route qui relie Uashat et Mani utenam Il est noter que la narratrice mentionne le q q mot brouillard cinq reprises dans une seule page ce qui renforce le fait qu un accident allait in vitablement survenir dans ces conditions m t orologiques Deux fragments plus loin le paragraphe d bute avec le groupe syntagme nominal un accident de voiture la route tant nouveau associ e un lieu o plane l ins curit L tat des passagers peut galement accentuer l aspect meurtrier de la route Trop t t ou trop tard dans la nuit trop enivr lorsqu il a pris la route qui m ne sa maison sur la rue 9 2 209 Kamin Heureusement I es routes ne se ressemblent pas Celle qui m ne vers le nord Celle qui nous ram ne contresens Les cahoteuses pleines de poussi re pleines de terre avec des trous et des courbes sur lesquelles on avance tranquillement Les asphalt es avec des lignes qui nous 27 N FONTAINE Op cit p 10 Les villages d Uashat et de Mani utenam sont d ailleurs des lieux r f rentiels 208 Loc cit 20 Thid p 89 71 am nent l endroit m me o on veut aller sans offrir de d tour avec les ralentissements des heures de pointe Celles qui sont isol es celles qui
136. u te de la narratrice Victoria soit la d couverte des ossements de l oncle George qui s est gar sur 5 C DEVOIVRE Errance dans le r cit po tique errance du r cit po tique dans R BOUVET et M LATENDRESSE DRAPEAU dir Errances Coll Figura Montr al D partement d tudes litt raires de l Universit du Qu bec Montr al Centre de recherche sur le texte et l imaginaire 2005 p 31 15 le territoire ancestral il y a de nombreuses ann es Il souligne l utilisation de cartes g ographiques dans les d marches de la protagoniste et l vocation de r ves qui guident cette derni re Cet usage presque constant de la cartographie dans l intrigue constitue un indice probant de l existence d un rapport r f rentiel aux lieux Par cette courte tude de la qu te l uvre dans le roman H bert montre que ce dernier d voile un rapport complexe et subjectif au territoire qui est souvent mal compris par le public allochtone au Qu bec J ajouterai galement que Julie Nadeau Lavigne s est int ress e de pr s la question territoriale dans la litt rature autochtone du Qu bec dans un m moire de ma trise en se penchant notamment sur le roman Ourse bleue Elle aborde toutefois le sujet d un tout autre angle privil giant l approche de l crivain autochtone Thomas King celle de Renate Eigenbrod laquelle encourage multiplier les points de vue tout en met
137. udit org iderudit 501206ar Page consult e le 22 f vrier 2013 84 Loc cit 85 Loc cit 37 grande figure spatiale d ensemble Cette configuration peut d ailleurs tre constitu e d une part d une seule figure spatiale prenant alors l appellation de simple ou d autre part de plusieurs figures devenant complexe Dans le but de distinguer ces diverses figures spatiales Lambert s est appuy sur un article de Tzvetan Todorov et en a contextualis les possibles agencements D abord lorsqu elles sont caract ris es comme tant encha n es cela signifie que celles ci apparaissent l une la suite de l autre suivant la succession logique des actions du texte Suivent les figures altern es qui comme leur nom l indique reviennent de mani re sporadique et parfois m me jusqu se r p ter Celles qui sont plut t ench ss es se retrouvent dans un r cit du m me nom c est dire lorsqu un r cit second s ouvre dans un premier ar exemple un personnage racontant une histoire au sein d une uvre 2 1 1 arrive galement qu une m me figure spatiale revienne dans le r cit et que chaque fois soit elle donne lieu de nouvelles donn es sur cette figure spatiale soit elle est soumise un nouveau regard c est dire une nouvelle focalisation Nous sommes alors en pr sence de figures spatiales superpos es 86 Loc
138. uien Toutefois la ch ra c est dire le lien unique entre le lieu et l humain n est jamais exclue avec Kuessipan la route se superposant un v ritable chemin vers la tradition o l es pinettes et les sapins se dressent des deux c t s elle devient un lieu de passage moderne pour les personnages innus vers un univers plus serein r gi par des pratiques nomades D ailleurs la figure spatiale de la route dans son acception la plus large pourrait galement faire r f rence aux sentiers destin s aux usagers de la motoneige leur permettant nouveau d entrer directement en contact avec le territoire forestier et de s y fondre litt ralement d appr cier le paysage Dans le silence que font les ours en hiver il le skidoo gronde Cette nuit ce n est ni la ville ni les avions qui 716 Thid p 21 27 Loc cit 78 Thid p 80 29 Loc cit 22 Thid p 81 221 Jbid p 80 73 colorent le ciel d un doux mauve qui crie au loup Les yeux de la petite fille disent merci 222 d avoir vu Plus loquent encore Ils disent aller au train Ils ne diront jamais aller la gare ou aller au chemin de fer Mais aller au train c est comme partir tr s loin Une envie de s approprier le long voyage vers Nutshimit Ils vont au train parce que c est un moyen de transport qui leur est familier Le seul qui monte tout droit vers le nord par le chemin de la terre qui
139. ur aux sources la Terre M re peut ainsi tre compris dans son acception initiatique De fait Naomi Fontaine dans Nutshimit dresse le portrait d une femme pensant se conna tre quarante ans et qui part avec quelques personnes en for t dans le but de suivre le chemin de ses anc tres Rapidement confront e la rudesse de la survie elle n avait pas envisag les difficult s ni les sacrifices qu un tel voyage comporterait l amenant par cons quent douter vouloir renier son h ritage ses traditions Elle se refusait vivre comme une nomade porter un instant de plus le n cessaire sur ses paules Elle n tait pas de celles l de ces femmes du pass qui ne comptaient ni le temps ni les efforts Qui grimpaient chaque mont comme si c tait la premi re fois Comment combattre la nature sa propre nature 35 Loc cit 316 C LAHAIE Ces mondes brefs p 273 31 N FONTAINE Op cit p 74 38 Loc cit 30 Elle n tait pas pr te ce qui l attendait Qui le serait Loc cit Quelques jours plus tard elle voulait tre chez elle dans sa maison dans son lit avec son amoureux au chaud propre et fra che pour boire un caf le matin avec de la cr me et du sucre Jbid p 75 320 Loc cit 95 On voit alors se profiler une remise en question identitaire chez la femme prouv e dans un r cit n offrant qu une esquisse de
140. ur de chair pour reprendre les mots de Louis Hamelin les diff rents tableaux de Kuessipan frappent l imaginaire par leurs descriptions fortes parfois empreintes de souffrance de beaut de nostalgie mais surtout d nu es d un quelconque sentimentalisme travers le regard lucide de la narratrice la r alit de la r serve se d voile peu peu jusqu ce que se manifestent les contradictions inh rentes cet univers sensible 3 1 Le d sert de la solitude 3 1 1 loge de la lenteur et du chaos Le d sir de se mouvoir de quitter un lieu rend in vitable la rencontre de routes de chemins de toutes sortes afin de recourir divers moyens de locomotion Car on pourra 26 L HAMELIN Naomi Fontaine ou le regard neuf Le Devoir En ligne 23 avril 2011 http www ledevoir com culture livres 321766 naomi fontaine ou le regard neuf Page consult e le 16 novembre 2011 70 le constater plus loin l appel de l ailleurs demeure tentant poussant certains personnages emprunter des voies diverses Les figures spatiales de la route et du chemin de fer qui apparaissent l une la suite de l autre seront donc mises de l avant d apr s les descriptions qu en offre la narratrice de Kuessipan Cette derni re s applique d s les premi res pages rappeler les dangers de la conduite automobile campant une atmosph re lourde marqu e d une certaine opacit pour signifier de fa on m
141. v re d autant plus important que les terres ancestrales semblent de plus en plus menac es ce qui ne peut que se r percuter sur l imaginaire des Premi res Nations tonnamment ou non on pr te peu d int r t la litt rature des Premi res Nations au Qu bec Il y aurait pourtant mati re r flexion les peuples autochtones entretenant un lien organique avec le territoire lien qui transpara t dans leurs crits leur pens e Parce que les cultures autochtones trouvent leur essence dans leur territorialit les notions de territoire et d appartenance au territoire sont toujours d importance majeure dans tout discours autochtone Ren Boudreault sugg re par l que de telles notions doivent Le choix du terme essence pouvant semer la confusion j apporterais certaines nuances Le territoire s apparente un lieu d ancrage gorg de traditions de mythes de souvenirs imp rissables Il se transmue alors en point de rep re identitaire pour les peuples autochtones non pas en principe fondateur d une culture R BOUDREAULT Du m pris au respect mutuel Clefs d interpr tation des enjeux autochtones au Qu bec et au Canada Montr al ditions cosoci t 2003 p 175 Avant de poursuivre ces observations il me semble primordial d apporter certaines pr cisions quant aux diverses appellations servant nommer les peuples autochtones Au Canada francophone il est courant d entendre de
142. vergure inhabit e Une voiture parfois L industrie touristique semble faire fi de toute qu te de solitude et persiste demeurer pr sente aux abords de la route Nous nous arr tons devant quelques panneaux d interpr tation que le service du tourisme 114 nomme Les voix de la voie du Nord Un syst me d opposition devant derri re l uvre dans le roman laisse aussi sa trace en ce sens que les personnages sont confront s deux ventualit s quant la voie de communication terrestre soit ils roulent droit devant suivant la route ou bien ils font 1 Ibid p 107 175 178 1 Tbid p 121 1 Thid p 18 19 5 Ibid p 41 14 Ibid p 16 43 demi tour pour regagner leur point de d part Les voyageurs ne peuvent l ignorer les chemins routiers influencent leur travers e Nous ne pouvons poursuivre plus loin la route s arr te Chisasibi Nous pourrions retourner sur nos pas et atteindre N maska en roulant vite Pas tr s chauds cette id e nous reprenons notre p riple l envers sans intention arr t e Ce va et vient dans l espace entra ne la r p tition des figures de la route et qui par la force des choses deviennent compl tives la narratrice entame son p riple avec Daniel revient chez elle seule puis retourne vers le nord pour accomplir sa mission laquelle est de d couvrir l emplacement des ossements de l oncle George Lorsqu elle roule
143. x propices la pratique d activit s symboliques 5 spirituelles comme en fait foi la tenue d une c r monie l int rieur de la grotte regroupant la fois la protagoniste ainsi que les chamans Patricia et Malcolm Kanatawet celle ci vise rep rer gr ce aux visions l endroit exact o sont enfouis les ossements de 81 A CHANADY La spatialisation de l histoire dans la narration dans R BOUVET et B EL OMARI Op cit p 62 182 L Antre du Li vre ou Wapushakamikw s ajoute la multitude de lieux r f rentiels qui constellent le roman de P s map o Bordeleau Elle est situ e au c ur du territoire cri et accessible par la rivi re T miscamie T L QU BEC Antre du li vre Objectif Nord explorer le Nord En ligne http objectifnord telequebec tv explorer liste antre du lievre antre du lievre Page consult e le 9 ao t 20131 183 M B DARD Op cit p 56 57 184 V P S MAP O BORDELEAU Op cit p 93 ST MARTIN et A GIRARD Op cit p 65 62 l oncle George En voyageant par la pens e Victoria parvient dresser un portrait complet du lieu recherch recelant des d tails essentiels la future fouille Aussit t je m l ve pour avoir une vue d ensemble Je calcule l angle des les puis j aper ois un bouleau solitaire sur la grande le debout en droite ligne face l lot de gauche Entre les deux l endroit o je sens les os El
144. xte et l imaginaire Figura de l Universit du Qu bec Montr al ainsi qu des ouvrages collectifs abordant sous divers points de vue l impact cr par la repr sentation des lieux dans la litt rature Une telle effervescence montre quel point le concept d espace rev t un caract re primordial dans la compr hension d une uvre litt raire Le roman demeure toutefois le genre le plus analys par les sp cialistes car il fournit plus de descriptions de lieux r f rentiels du moins si on le compare la nouvelle laquelle pr conise plut t l vocation la non repr sentation Une autre notion en lien avec l espace suscite un int r t croissant chez les chercheurs celle de territoire En tant qu Autochtone je me sens fortement interpel e par cette Je pense notamment un ouvrage publi au Qu bec comme Topographies romanesques 2011 tude dirig e par Audrey Camus et Rachel Bouvet ou bien des collectifs europ ens tels que La g ocritique mode d emploi 2000 men par Bertrand Westphal et La litt rature dans tous ses espaces 1993 ouvrage dirig par Michel Chevalier C LAHAIE Ces mondes brefs Pour une g ocritique de la nouvelle qu b coise contemporaine Qu bec ditions de L instant m me 2009 p 63 question d o mon choix de me pencher sur des uvres litt raires autochtones et de voir comment elles repr sentent les lieux et le territoire Cela s a
145. zon englobant entre autres les travaux d Henri Lefebvre de Bertrand Westphal et de Christiane Lahaie sur la question de l espace afin d en obtenir une vision g n rale D une part je tiens cependant pr ciser qu aux fins de mon tude je ne pourrai retenir que certaines th ories servant mieux mon analyse litt raire je fais ici r f rence Lahaie Berque et B dard D autre part au risque de me r p ter j insiste sur le fait que mon approche rel ve surtout de la s miologie Par cons quent m me si la mise en r serve et le contexte historique de revendications territoriales des Premi res Nations du Qu bec peuvent avoir influenc les auteures crie et innue il reste que je me concentrerai surtout sur les textes ainsi que sur ce qu ils d gagent au plan du sens 20 1 1 Autour de l espace 1 1 1 Morcellement de l espace L espace que ce soit en philosophie en g ographie ou en math matiques a fait couler beaucoup d encre et le fait encore de nos jours les penseurs essayant tant bien que mal de d limiter ses fonctions qui varient d poque en poque On voit cependant se dessiner de mani re marqu e dans les observations et les recherches une tendance misant sur une conception plus morcel e de l espace en raison de l clatement des fronti res g ographiques et virtuelles L espace semble d sormais vou l h t rog ne pour reprendre l expression d Henri Lefebvre

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