Les matriochkas de Larry Tremblay : Abraham Lincoln va au théâtre
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1. Puccini tandis qu ses pieds un individu crasseux s empiffre et un autre couvert de sang gesticule de mani re d sarticul e dans un costume d chir aux couleurs des tats Unis Telle est la danse de la mort de l Am rique que Killman voulait repr sen ter la fin de son spectacle Une image forte propre engendrer le malaise Une pi ce tiroirs Ce qui est fascinant dans ce spectacle c est la ma trise avec laquelle Tremblay d roule son fil superposant les couches embo tant les histoires de sorte que chaque person nage peut devenir autre tout moment Il a fallu une dizaine d ann es l auteur pour achever son texte et le r sultat est une pi ce fantaisiste labyrinthique vertigineuse mais extr mement ma tris e Oui le rythme est soutenu oui une certaine com plexit est pr sente mais aucun moment nous ne perdons le fil aucun moment notre attention ne s loigne de ce qui se passe sur le plateau La mise en sc ne de Poissant d une remarquable pr cision y est pour beaucoup les transitions entre les diff rents personnages et poques sont toujours claires et admirablement soutenues par les clairages de Martin Labrecque Nul besoin de fioritures c est sur une sc ne presque vide l exception d un bureau et de trois chaises que tout se passe M me le grand cahier de notes de Killman auquel il est souvent fait allusion est absent Comme les histoires s entrem lent les personnages se croisen2. rique concentr e dans le cerveau de son Pr sident quel fruit prodigieux faire clater non p 46 Mais la v rit de Larry Tremblay est ailleurs et c est la statue d Abraham Lincoln qui finit par la faire clater Je vais vous dire une chose John Wilkes Booth a tu Abraham Lincoln parce qu il tait un acteur C est tout p 47 puis plus loin John Wilkes Booth est la premi re star am ricaine Cet acteur a kidnapp la r alit pour en faire du th tre p 56 Durant aissent le public sur sa faim Laurel se hasarde finalement lancer une la pi ce il est d ailleurs fait r f rence au film Dog Day Afternoon lequel d nonce la starification et l exposition m diatique de l ordinaire Poissant a m me choisi d ouvrir le spectacle avec une s quence de ce film montrant Al Pacino enferm dans la banque 4 Dog Day Afternoon Un apr s midi de chien est un film de Sidney Lumet sorti en 1976 Il relate la tentative de braquage d une banque par deux escrocs de faible envergure Sonny A Pacino et Sal John Cazale Rapidement ceux ci se trouvent cern s par la police et les m dias 10 25 2008 41 Abrahom Lincoln vo ou th tre de Larry Tremblay mis en sc ne par Claude Poissant Th tre Paf 2008 Sur la photo Maxim Gaudette Laurel et Benoil Gouin Abraham Lincoln Photo Suzane O Neill Des com diens et du th tre Larry Tremblay qui compte parmi les auteurs qu b cois les plus j
3. rudi wWww erudit org Compte rendu Les matriochkas de Larry Tremblay Abraham Lincoln va au th tre Aur lie Olivier Jeu revue de th tre n 129 4 2008 p 7 11 Pour citer ce compte rendu utiliser l adresse suivante http id erudit org iderudit 23507ac Note les r gles d criture des r f rences bibliographiques peuvent varier selon les diff rents domaines du savoir Ce document est prot g par la loi sur le droit d auteur L utilisation des services d rudit y compris la reproduction est assujettie sa politique d utilisation que vous pouvez consulter l URI https apropos erudlit org fr usagers politique dutilisation rudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif compos de l Universit de Montr al l Universit Laval et l Universit du Qu bec Montr al Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche rudit offre des services d dition num rique de documents scientifiques depuis 1998 Pour communiquer avec les responsables d rudit info erudit org Document t l charg le 16 novembre 2015 06 14 AUR LIE OLIVIER Les matriochkas de Larry Tremblay sans Jen 120 H l ne Jacques avait consacr un SVP mettre en sc ne la pi ce D Larry Tremblay Abraham Lincoln va au th tre Un an et demi plus tard son souhait est exauc par le Th tre PAP l occasion de ses trente ans Ce n est pas la premi re fois que Claude
4. Poissant metteur en sc ne et directeur artistique du PAP et Larry Tremblay travaillent ensemble Leur derni re collaboration avait remport un succ s presque unanime au sein du public et de la critique et avait re u le Masque de la production Montr al en 2002 Depuis le Ventriloque Larry m a propos plu sieurs textes confie Poissant dans une entrevue avec Christian Saint Pierre pour le journal Voir M me si j aime tout ce qu il fait j attendais le coup de foudre C est avec Abraham Lincoln que a s est produit J ai trouv l un univers qui me corre spond particuli rement un gouffre dans lequel j avais le go t de plonger Regard sur l Am rique Le paint de d part de la pi ce est un fait divers historique Le 14 avril 1865 le 16 pr sident des tats Unis Abraham Lincoln tait assassin d une balle dans la t te par un com dien nomm John Wilkes Booth alors qu il assistait une re pr sentation de Our American Cousin de Tom Taylor au Ford s Abraham Lincoin va au th tre Theatre de Washington Tremblay imagine un metteur en sc ne la TEXTE DE LARRY TREMBLAY MISE EN SC NE CLAUDE fois honni et adul Marc Killman Beno t Gouin qui bien des d POISSANT ASSIST DE ST PHANIE CAPISTRAN LALONDE cennies plus tard engage deux com diens populaires pour jouer SC NOGRAPHIE Jian Bano CONCEPTION SONORE l assassinat de Lincoln la mani re de Laurel Maxim Gaudette et Hardy Patrice Duboi
5. homme et a elle m me un gar on dans la t te dans le Probleme avec moi L o fait la rencontre de son double qui est un peu son antith se 3 Larry Tremblay Abrabam Lincoln va au th tre Carni res Morlanwelz Lansman diteur coll Th atre 2008 p 54 Toutes les citations sont tir es de ce m me ouvrage 8 HU 128 2006 4 Abraham Lincoln va au th dire de Larry Tremblay mis en sc ne par Claude Poissant Th tre Paf 2008 Sur la photo Maxim Gaudette Laurel et Patrice Dubols Hardy Photo Suzane O Neill pas tre vous p 10 dit par exemple Mark Killman f roce Laurel et Hardy En fait ce ne sont pas seulement eux mais tous les protagonistes qui semblent engag s dans une relation sadomasochiste saveur autodestructrice Au fur et mesure de leur travail sur le spectacle de Killman tous se mettent d ailleurs aller de mal en pis comme si l assassinat de Lincoln tait porteur d une mal diction s a battant sur tous ceux qui s y int ressent d un peu trop pr s Ces rapports de force sont exprim s tr s finement par la mise en sc ne de Poissant et par les interpr tations de Beno t Gouin Maxim Gaudette et Patrice Dubois dont les visages sont d une expressivit remarquable i l inspiration clownesque se fait sentir dans la gestuelle elle est suffisamment sobre pour nous laisser voir les tres humains der ri re les personnages Ici les claques et les coups de pied n ont rien d
6. aniel Soha L Express semaine du 16 au 22 mai 2006 AE 15 2008 4 11
7. e dr le m me s ils nous font rire Patrice Dubois dans le r le de celui qui se croit fort porte fi re ment son pantalon trop large et marche le torse bomb Maxim Gaudette dans le r le de la victime d sign e se tient les paules vo t es marche les pieds en canard et adopte un air de chien battu parfaitement convaincant Cependant nul n accepte de rester constamment victime et tout rapport dominant domin est vou se ren verser En cela r side la faiblesse de l Am rique La question de la motivation Pour Nietzsche tout acte est motiv par la volont de puissance pour Freud par la recherche du plaisir Et pour Larry Tremblay Qu est ce qui motive un homme en tuer un autre Cette question est pos e franchement dans la pi ce et tous les pro tagonistes semblent s arracher les cheveux tenter d y r pondre J ai l impression que vous ne comprenez pas l essentiel mart le Abraham Lincoln l endroit de Laurel AL 129 2008 4 et Hardy Que vous ne saisissez pas la question Et la question c est C est La question c est pourquoi John Wilkes Booth a t il assassin Abraham Lincoln p 1 Un v ritable suspense est tabli autour de cette question durant tout le spec tacle Longtemps Killman et les autres ne font qu mettre des hypoth ses insatis faisantes qui explication Cette Am rique puritaine pourrie schizophr ne vicieuse assoiff e de mal comme de bien cette Am
8. me son incr dulit face aux directives et aux commentaires de Killman On comprend que la cr ation d un spectacle est un accouchement difficile fruit d un travail de longue haleine qui n a rien d une vidence et qu aussi bien les com diens que le metteur en sc ne doivent explorer des pistes parfois sans savoir o ils s en vont avant de mettre le doigt sur la direction qu il convient de prendre Abraham Lincoln Killman de son c t exprime une vision plus large sur la fonction du th tre C est pour a que je fais du th tre Parce qu il y a trop de gens sur cette terre qui ont raison Qui veulent avoir raison tout prix p 46 puis J avais oubli que le th tre m me s il se joue sous des projecteurs exprime avant tout un myst re et produit de l obscurit plut t que de la lumi re p 50 Ces paroles font cho aux mots de Larry Tremblay lui m me dans une entrevue accord e l Express hebdomadaire de Toronto Une pi ce est un objet complexe qui devrait tre plein de questions plut t que de r ponses De ce point de vue Tremblay est rest cons quent puisqu on sort d Abraham Lincoln va au th tre avec le sentiment qu une grande partie de la pi ce nous a chapp et qu il nous faudra sans doute y revenir sous peine de n avoir profit que d une infime partie de sa richesse C est une chance que le texte soit publi 5 Larry Tremblay mode d emploi en sept questions par D
9. ou s et les plus traduits dans le monde est galement professeur l cole sup rieure de th tre de l UQAM Une fonction qui transpara it plusieurs reprises dans la pi ce Laurel et Hardy ce sont deux acteurs au travail ils sont en train de monter un spectacle ou de revivre cette exp rience par le truchement du souvenir Au d but du spectacle Claude Poissant nous les montre d ailleurs en train de boire un verre d eau sur le c t de la sc ne comme s ils taient bel et bien en r p tition L occasion pour Tremblay de distiller quelques remarques sur la pratique de l acteur voire quelques conseils Tu as toujours t un acteur larmes ass ne ainsi Hardy Laurel au d but de la pi ce Tes yeux chaque r plique sont sur le point de se noyer Tu confonds la v rit de ton personnage avec la faiblesse de ton caract re p 13 Laurel de son c t fid le son statut de victime explique Et en tant qu acteur professionnel je me sens oblig de r p ter et de jouer mon r le m me malade comme un chien p 42 Professionnalisme ou masochisme Les r p titions avec Marc Killman donnent lieu des sc nes tr s dr les o il expose des consignes qui paraissent tout fait absconses Pensons au moment o Killman demande Hardy de jouer une gitane lisant les lignes de la main John Wilkes Booth Patrice Dubois est absolument co mique et d une incroyable expressivit notamment quand il expri
10. s a c est le point de d part parce que pour la suite la pi ce est tellement riche foisonnante qu elle est tout fait impossible r sumer D s les premi res minutes Hardy mentionne le destin tragique de l Am rique comme un th me cher Marc Killman Il sera voqu tout au long de la pi ce Le metteur en sc ne passionn et tyranniqu pour ne pas dire pervers n a en effet pas en t te de mettre sur pied une pi ce historique mais plut t d inter roger l Am rique et la fa on d tre qu elle r pand dans le monde Tout AUi 60 o FTA 17 mai 2008 au long de la pi ce Tremblay nous invite ainsi observer la soci t am ricaine travers le th tre l histoire la politique et met en vi dence la dichotomie qui la caract rise sorte de schizophr nie des valeurs qui ne peut mener qu la catastrophe On retrouve l un th me cher l auteur qu b cois dont l Patrice Dubois et Claude Poissant Personnalit s multiples par Christian Saint Pierre Voir 10 avril 2008 les personnages sont souvent confront s des d doublements de personnalit ou diverses formes d hallucinations la crise identitaire Le tableau final propos par Claude Poissant illustre parfaitement ce paradoxe de l Am rique coexistence du su blime et de l horreur Devant un mur de briques rappelant une ancienne manufacture un personnage en costume et chapeau melon chante un air de Madame Butterfly de
11. t sur sc ne avec une grande fluidit Tout est r gl avec une pr cision d horloger les interruptions les claques les mimiques les d placements tout plusieurs reprises Laurel et Hardy parlent en m me temps parfaitement synchronis s On imagine le travail colossal qui a d tre r alis pour obtenir un tel r sultat Quand Beno t Gouin entre en sc ne pouss par Laurel sur une chaise roulettes il parvient conserver une immobilit absolument parfaite pendant plusieurs minutes jusque dans le regard tel point que l on est surpris quand il pointe soudainement le doigt vers Laurel et Hardy Le g nie de Poissant dans la direction des acteurs constitue un des points forts de ce spectacle et l on ne cesse de s en merveiller L homme est un loup pour l homme Pourquoi avoir choisi Laurel et Hardy Au del des figures mythiques ce que Marc Killman et derri re lui l auteur de la pi ce a vu en eux c est le mod le parfait du rapport dominant domin Laurel l admet d ailleurs vers la fin du spectacle Je comprenais soudain ce qu il Marc Killman avait vu en nous un couple o la souffrance r gnait La violence des rapports humains est frappante dans cette pi ce Observez vous Ridicules voir Je veux dire vous formez un duo gro tesque Il suffit de vous voir pour avoir envie de vous taper dessus et de jouir de ne 2 Dans le Ventriloque une jeune femme vit dans la t te d un
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