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les mots sont adultes, méthode pour l`atelier d`écriture

1. P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 133 Deuxi me cercle l identit reconstruire faire la f te Moi toute seule je d teste les flics Moi toute seule j aime pas l histoire Moi toute seule j aime pas les hypocrites Moi toute seule j aime pas entendre gueuler Moi toute seule j aime la bonne ambiance Moi toute seule j aime couter de la musique Moi toute seule j aime bien crire Moi toute seule j aime bien lire Moi toute seule j aime bien t l phoner mes amies Moi toute seule j aime bien m exprimer Moi toute seule j aime bien dire ce que je pense Moi toute seule j aime bien la franchise Moi toute seule j aime les bonbons Moi toute seule j aime aller en bo te avec mes amies Moi toute seule j aime aller au cin ma Moi toute seule j aime aller au pub Moi toute seule j aime pas les bouf fons Moi toute seule j aime bien les soir es o on s clate Moi toute seule j aime les films d horreur Moi toute seule je dois supporter l hu meur de ma s ur Moi toute seule j aime pas aller au m decin Moi toute seule j aime pas les gens qui crachent par terre Moi toute seule j aime bien de temps en temps le silence Moi toute seule j aime bien de temps en temps me retrouver seule Moi toute seule j aime bien les gens qui comprennent les choses et qui parlent s rieusement Moi toute seule quand je veux quelque chose je l obtiens Moi toute seule j aime pas les gens qui croient tout conna tre sur la vie Moi toute seule j coute
2. P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 39 Ouverture hommage Georges Perec ment mais pas pareil que nous il est vert apr s il y a un petit ter rain de foot en b ton o sont les cages c est des petits murs de l autre c t il y a un grillage rouge et il y a un tout petit b timent le m me que le vert o on voit le b timent il y a de l herbe apr s l herbe il y a comme un mur un mur en bois il y a un trottoir au milieu des arbres on voit tout au loin on voit les bus passer on voit la Tour Eiffel Bagnolet centre de quartier Pablo Neruda et Centre de promotion du livre de jeunesse en Seine Saint Denis 1997 Dans cet exercice partir de la rue Vilin on croise un autre enjeu de la prose narrative Quand Balzac nous fait visiter via le narrateur de B atrix Honorine ou La Grande Bret che des int rieurs qui resteront fix s jamais dans la m moire du lecteur c est comme un il humain qu on y d place une vue hauteur d homme partir de notre champ visuel ordinaire mais c est comme si le narrateur se d pla ait lui m me dans ce qu il d crit sans heurts ni ruptures ils adviendront chez Flaubert mais nous de les rep rer pour nous en ser vir Dans son tude propos du style de Flaubert Nouvelle Revue fran aise 1922 pour les ruptures de composition et de vitesse Marcel Proust forge l expres sion proc
3. nigme lieu fait peut y tre d j contenue On offre aux participants de saisir 294 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 295 Cinqui me cercle vers le livre l cart entre ce point d interrogation source et les mat riaux qu on va rassembler tout autour qui n explicite ront pas l nigme mais nous la rendront pr sente En nous l guant dans son h ritage majeur ce texte qui n est pas devenu roman Marguerite Duras nous offre le comment de la qu te de la fiction Pour celui qui conduit l atelier d criture une telle proposition suppose pr alablement d entrer avec pr ci sion dans le texte qu on convoque Elle est un excellent exemple de comment un texte l esth tique beaucoup trop singuli re pour pr tendre l universel encore que le travail tragique sur le mot pleurer pourrait tre ce che min ou cette trace d universel devient un formidable outil pour latelier d criture mais oblige savoir d abord ce qu travers lui on vise Non plus seulement des compl ments d criture comme dans les deux pre miers exercices mais cette convocation amont sur une pr sence fragile de tous les l ments dans leur multi plicit pouvant concourir au d veloppement ult rieur du texte R sultats garantis Vies minuscules criture majuscule Voici un autre texte outil puissant et tout terrain pour proposer aux participants la mise en criture d une bio
4. Tous les mots sont adultes Bosch Jer me 177 Bossuet Jacques B nigne 142 Bozier Raymond 225 Fen tres sur le monde 51 54 Breton Andr 171 Manifeste du surr alisme Le 175 Butor Michel Modification La 195 Un r ve de Baudelaire 176 Cadiot Olivier 322 Futur ancien fugitif 321 Calvino Italo 86 87 90 Villes invisibles Les 86 87 Castaneda Carlos 175 C line Louis Ferdinand 296 Mort cr dit 240 Voyage au bout de la nuit 240 Cendrars Blaise 71 72 207 208 315 316 Prose du Transsib rien 73 75 Cervant s Miguel de Don Quichotte 81 107 Retable des merveilles Le 256 Chamoiseau Patrick 315 316 crire en un pays domin 315 317 Chateaubriand Fran ois Ren de M moires d outre tombe 239 299 Collobert Danielle 60 Dire I II 60 II donc Change 165 167 Conort Benoit 306 312 Cette vie est la n tre 307 308 Daumal Ren 194 Defoe Daniel Foe dit 315 Deleuze Gilles Logique de la sensation La 189 Detambel R gine 225 227 228 331 Graveurs d enfance 225 228 Dickens Charles Grandes esp rances Les 187 Dosto evski Fedor Mikha lovitch 326 Crime et ch timent 176 Dubuffet Jean 141 Dupin Jacques 302 307 Corps clairvoyant Le 303 306 Duras Marguerite 9 281 282 286 287 295 Amour L 287 289 Camion Le 286 Douleur La 281 crire 290 295 Et 80 L 282 285 289 Homme ass
5. la lettre le texte pris comme didascalie continue Pourtant il s agit bien d un texte et Handke a soigneusement gomm et limin toute indi cation qui ferait explicitement du texte une didascalie sa description de cette place clatante de vide est un for midable po me qui paradoxalement a t laiss dans l ombre en tant que texte C est cette fronti re dont on veut susciter l explora tion notre tour qu un texte qui dit le th tre devient lui m me th tre Il ne s agit pas de didascalie mais d un spectacle qui se dirait lui m me ferait de cette parole qui le dit au temps m me o il s accomplit son seul contenu de th tre videmment c est mettre l accent principalement sur la parole comment elle surgit sur le plateau comment elle y agit Mais c est une tr s ancienne tradition th trale fond e sur les interm des et les prologues les levers de rideau Qu on relise le fantastique Retable des Mer veilles de Cervant s dans une traduction de l original ou dans la tr s libre adaptation de Jacques Pr vert deux saltimbanques d ploient dans un village un drap blanc qu ils suspendent deux clous plant s en direct et transforment une grange en salle de spectacle c est dire que la sc ne m me o ils parlent devient salle de spectacle Sur ce drap blanc leur boniment va faire d fi ler des images que les spectateurs acteurs vont faire semblant de voir le cin
6. 300 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 31 08 05 17 41 Page 301 Cinqui me cercle vers le livre Dans sa cuisine Dans son salon Difficile dire C est quoi cette pi ce vide tellement il n y a rien Et ce visage creus ce sourire sans dents fumant des gauloises bleues Suzanne Moreau c est cette image de la vieillesse que je garde longtemps et que je fuis comme un cauchemar Si tre vieux c est tre seul je ne veux pas grandir Elle a t heureuse Suzanne Moreau Oui forc ment comme un cau chemar que l on chasse de la main Elle ressemble quoi sa maison Suzanne Moreau Elle est toute petite C est une maison de rien de pacotille Un logement provisoire donn par Emma s Un bloc carr pour gens en partance quatre murs un toit Le strict minimum Elle devait repartir ses sept enfants avec Mais il est rest l bas lui ou ailleurs Il n est pas revenu Il a habit d autres maisons grandes comme celles de Tunis avec des Jardins tout autour o pas Et il a rendu d autres femmes heureuses heureuses comme Suzanne Moreau Et il a eu d autres enfants qu il a probable ment appel s comme les premiers Georges Solange Monique Roland Genevi ve Pierre et Marc Je ne veux pas y rentrer dans cette maison On m y tire par la manche Je ferme les yeux je ne veux pas entrer Il y fait sombre dans cette mai son et pas uniquement cause des yeux ferm s Au sol on dirait du sable ou
7. Cela tant pos pour la forme et la grammaire du texte je propose pour th me du monologue int rieur de prendre le d but du livre de Thomas Bernhard La Cave 268 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 269 Hommage Bernard Marie Kolt s Gallimard 1982 Construction d un auteur celui qui voulait devenir crivain pratique le journalisme la po sie les sc narios et crit enfin des romans trange d j marqu de ce que nous avons appris reconna tre chez Thomas Bernhard mais de facture classique Gel Et puis une rupture dans l uvre m me Perturbation un roman qui dit je presque initiatique o on quitte la lumi re du jour pour finir par rencontrer ce personnage qui monologue infiniment partir de cette transition les r cits autobiographiques Quatre blocs tranch s plus Un enfant une autobiographie discontinue quatre moments s par s Non pas crire sa vie mais porter le microscope sur les instants principaux de discontinuit ou de rupture Ce dont on ne peut comprendre que longtemps plus tard pourquoi soi m me on a pr f r faire cela prendre cette d cision l Dans La Cave Thomas Bernhard saisit un moment cl de sa propre histoire d cider un jour de ne plus aller au lyc e pour s embaucher chez l picier Podlaha lequel va le laisser tout un hiver trier des pommes de terre dans une cave humide Principe du livre cent qua rante pages d un seul bloc
8. Celle dont le portrait me fait fr mir cause de qui je porte ce pr nom morte de trop de m chancet morte d abandon Et puis ceux l qui ont servi des petits rouges et des petits blancs der ri re un comptoir sinistre 122 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 123 Deuxi me cercle l identit reconstruire Et puis celle l qui dansait dansait dansait et dont on a perdu les pas Celui tr pan au troisi me degr qui s vanouissait devant les four neaux n a jamais plus travaill Celle qui piquait dans la caisse ou volait l argent qu elle venait de vous donner La m me qui enfant me faisait m agenouiller sur le prie Dieu le soir peut tre pour que moi je lui pardonne Celle que le village appelait la sorci re et qui sur la route qui menait l glise le dimanche tra ait des cercles de pierre Celle qui croyait que la vie c tait laver les tombes des morts dans les cimeti res Il a fallu composer avec tous ceux l ancr s dans la t te dans les tripes parfois et la laisser elle celle qui dansait dansait dansait en perdre la t te ne plus savoir qui taient les bras qui la portaient retrouver ses pas et s y perdre s tourdir de la danse de sa danse et de son rire sa robe qui flottait et Ceux l qui la regardaient Et puis ceux l Centre dramatique national de Nancy 1997 Quatre ans apr s la premi re dition de ce livre groupe apr s groupe
9. JE DIS NON aux gens qui sont dans leurs voitures et qui ferment leurs portes en nous voyant passer JE DIS NON la mis re que je vois en Alg rie quand je vais l bas en vacances JE DIS NON quand je vois des reportages sur les jeunes de banlieue o nous pas sons pour des voyous Variation 1 Moi tout seul Ce qui me diff rencie d une collectivit de six mil liards d hommes et me rend parmi eux unique Pousser cela tout au bout quand ce serait aller jusqu l usage d une brosse dents bleue usag e Po te est pour nous celui qui rompt l accoutumance Saint John Perse elles sont donc quoi ces habitudes qui nous font Commencer chaque phrase par moi tout seul c est d j affirmer la part de langage nous r serv e on est d j install dans la phrase quand il s agit de la continuer et trouver ce qui la d termine On fonctionne par listes Un des plus beaux exercices tout terrain permettant chaque fois des textes d une extraordinaire densit Cort ge d Apollinaire n ob it pas ce strict principe mais il en d signe bien l enjeu et jen expose souvent l id e au d but de cet exercice Et moi aussi de pr s je suis sombre et terne Une brume qui vient d obscurcir les lanternes Une main qui tout coup se pose devant les yeux 130 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 131 Deuxi me cercle l identit reconstruire Une vo te entre vous
10. On aura c ur d en citer quelques figures essentielles la roche le fond transparent les branches la maison abandonn e ou simplement ce bruit de cadenas sur la cha ne quand elle tombe sur le fond de bois de la barque L effet de description itin rante tirera sa puissance d une part de ce qu il quitte le pr sent d autre part de ce qu il explore la m moire hors de toute inscription du sujet en s appuyant sur la r currence d un trajet parfois minime l extr me mais fait si souvent qu il s est ins crit en nous hors du temps Sur un lieu fixe et non pas un trajet si je convoque mentalement l image de cette v randa devant la cuisine chez mes grands parents maternels je trouverai toujours le m me banc vert les deux bouteilles de gaz sous une table en Formica et le 55 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 56 Tous les mots sont adultes ciment du seuil Mais l image de la v randa sa lumi re particuli re superposera tous les ges et circonstances qui m en ram nent le souvenir des restes venus de tr s loin dans l enfance une fois o c est la m me v randa le m me banc vert et la table en Formica mais le garage juste derri re a br l L image est li e aussi aux deuils des c r monies Ou bien une derni re visite un hiver la maison vide des vitres cass es Et la perception mat rielle de Pair le silence assourdi par l eau du marais poi tevin sont
11. comme depuis une chambre d h pital par exemple Apr s il reste les rassurer On n en demandera pas trente sept de fen tres Cinq par exemple ou bien sept Mais on peut les aider l une pourra tre tr s ancienne revenue de l enfance L autre pourra tre prise au quo tidien au maintenant Fen tre de cuisine On pourra avoir un lieu priv puisqu on regarde dehors et un espace public la classe le lieu de formation ou de tra vail On aura obligatoirement une fen tre mobile vitre du train ou du bus hublot du casque pare brise de voi ture On peut surtout ajouter des contraintes formelles ces contraintes sont g n ratives C est en installant une contrainte que l criture va surgir l o l image mentale semble pauvre ou indiff rente Ainsi parmi les trente sept fen tres de Bozier pourra t on indiquer aux participants un texte crit en phrases nominales sans verbe ou bien des verbes l infinitif Un texte qui commence par trois points de suspension et n est fait que d une seule phrase laquelle est donc cen s e avoir commenc avant le texte On peut sugg rer qu une des fen tres s crive uniquement par des propo sitions principales Pour un autre il s agit d un moment bien pr cis un instant arr t Il a neig durant la nuit 52 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 53 Ouverture hommage Georges Perec tandis que pour un autre tex
12. les modes concernant la coiffure aussi comme l appareil dont on dispose pour couter de la musique et les musiques pr f r es elles m mes ou ce qu on utilise comme moyen de transport On restera dans une lecture de notre pr sent puisque ces trois ans de distance ne nous font pas radicalement changer d poque mais ce d calage suffit pr server le texte de l effet souvenir d enfance on lit ce d calage comme s il avait sans cesse effet sur l ins tant pr sent et c est cela qui donne ces textes leur c t magique Pour des adultes il suffit de maintenir cet cart proportionnel et le fixer pour tout le groupe ces deux tiers mergeront par exemple le logement d tu diants ou les appartements de d but dans la vie et on ira s y promener La porte ou le seuil qui ouvriront sur cette magie je ne l ai pas cherch dans un texte mais dans une double planche d images Le plasticien Christian Boltanski a pr sent plusieurs reprises des inventaires sous le titre Inventaire des objets ayant appartenu une jeune fille de Londres 1976 ou Inventaire des objets du jeune homme de Bordeaux 1975 Is sont pr sent s sous forme de grandes planches photographiques o voisinent peigne chaussures tourne disque porte monnaie etc la divi sion m me de la planche photographique les objets photographi s non pas en situation mais plat sur un fond neutre sans mise en relation de l
13. ordinaire pour permettre au texte d accueillir et rendre cr dible l apparition fantastique Un soir comme je rentrais chez moi un peu plus tard que d habitude au sortir du bureau quelqu un que je connaissais m avait retenu long temps en bas et que j tais encore tout occup de la conversation qui avait roul principalement sur des questions professionnelles j ou vris la porte de ma chambre suspendis mon pardessus au porteman teau et je me proposais d aller vers ma table de toilette quand j entendis un hal tement trange Je levai les yeux et sur le haut du po le plac au fond d une encoignure quelque chose de vivant m ap parut dans la demi obscurit Des yeux brillants avec un reflet jaun tre me regardaient au dessous du visage m connaissable deux seins de femme gros et ronds pesaient des deux c t s sur le dessus de fa ence la cr ature tout enti re paraissait faite de chair flasque et blanche une longue queue paisse jaun tre pendait le long du po le son extr mit se promenait continuellement entre les fentes des carreaux Mon premier geste fut de marcher grands pas la t te profond ment inclin e absurdit absurdit r p tai je voix basse sur le ton de la pri re vers la porte qui conduisait l appartement de ma logeuse C est seulement ensuite que je m aper us que j tais entr sans frapper Franz Kafka Journal traduit de l allemand par Marthe Robert
14. rue d Aires qui m ne au Christ rue du Grand Charmont qui monte qui monte rue des Coll ges jadis rue de la Prison impasse des Roses faite de b ton rue de Merville qu on vite rue du Petit Charmont qui monte un peu moins chemin Faucompr s chemin des Tr pass s ruelle Flammiche ruelle des Demoiselles o je retrouve mon grand p re rue du Bois rue Marulat c est pas ma rue l rue Droite rue des Cordon niers que l on pi tine rue d Arras o tu n es pas n rue M gevand des tudiants chevelus avenue Gambetta o l on passe tr s vite route de la Plage sur le chemin de l cole route de Saint Venant h pital psy chiatrique rue Battant de nos c urs chemin de Petit Pr s devenu par king rue Neuve l entr e du vieux village rue du clocher un homme est tomb chemin de l glise du dimanche matin route des Sables d sertique rue de Calais ne pas en parler rue des Rats rue de la Bom barde chemin du Vieux Four dans la fra cheur du matin rue de la Pie qui danse rue du Chat qui Parle rue de la Vielle Monnaie place de l glise aur ol e de nuage rue de la Libert condamn e rue de la Cl rue des D port s Rue Fernand Desmazi res rue des Pauvres dans le quartier bourgeois rue du Gibet o l on trouvait du travail dans le temps rue du Pont de Pierre avec ses hautes maisons de briques bou levard Abb Lemire et sa station Esso rue Pi tonne Rue du Cimeti re 157 b P001 0
15. son tr s t t astreinte aux soins du m nage aux multiples t ches li es la vie de la ferme L hiver venu dans la petite usine d un village proche la m re est employ e monter des horloges Quatre kilom tres le matin et le soir autant pour le retour pied Presque toujours dans le froid le brouillard et la neige Le bruit et la lourde porte en bois massif volontairement claqu e a charge de te tirer du sommeil La chambre glaciale o r gne encore la nuit Tes yeux grands ouverts et ta joie secr te tre seule couter le silence jouir de ce repos avant que ne commence la lourde jour n e qui t attend Ta soif de vivre et ta soif d apprendre Toutes deux violentes insatiables Mais tu es prisonni re de ta famille et tu ne poss des qu un seul livre D s que tu as le loisir de grimper dans ta chambre et l assurance qu on ne te d couvrira pas tu ouvres la bible et lis avidement Parfois dans un vieux cahier d cole pr cieusement conserv tu notes la h te craignant d tre surprise un mot dont tu ignores la signification ou 126 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 127 Deuxi me cercle l identit reconstruire bien encore une question qui t a travers l esprit Tu ne te doutes pas qu un jour tu auras la joie d acqu rir un dictionnaire et aussi bien d autres livres de ceux qui aident mieux conna tre les hommes et mieux conna tre l
16. une seule fil e ininterrompue et sans marque de dialogue on sugg rera plut t qu il reste monobloc et s ouvre par l int rieur l clatement des voix par exemple en marquant juste par des italiques ou un soulignement les expressions toutes faites qui servent de base au dispositif Sans cesse de nouvelles paroles arrivent et aussit t s tiolent Celui en qui elles se d posent a l impression que son esprit est devenu une terre ingrate d o des manations asphyxiantes se d gagent un champ jonch de paroles sans vie Et nous qui tions aupr s de lui nous comme lui d solantes terres st riles nous d gageant des vapeurs mortelles nous tout couverts de paroles vides nous comme lui plong s dans la nuit sans bien com prendre ce qui nous arrive serait ce un d collement de la r tine nous perdant chaque phrase l quilibre comme sur ces escaliers de foire dont les marches mouvantes se scindent et s cartent nous gardons obstin ment nous sommes tous ainsi faits un peu d espoir Et si celui qui ces paroles sont envoy es allait tout coup il suffit de quelques mots Mais va t il avoir le courage de les dire On a envie de le pousser qu il le fasse donc qu il l ose Nathalie Sarraute L Usage de la parole Gallimard 1980 Je ne cesse d tre surpris par le fait que des noms aussi install s dans notre histoire litt raire contempo raine puissent tre d
17. 193 194 Revenentes Les 93 Nouveaux po mes 191 Rue Vilin La 26 Nuits 82 Tentative d puisement d un lieu pari Po mes la nuit 193 sien 26 Rimbaud Arthur 15 17 128 203 Un homme qui dort 23 205 218 315 Vie mode demploi La 92 Illuminations Les 40 60 61 W ou le souvenir d enfance 19 45 51 uvres compl tes 204 Pirandello Luigi Une saison en enfer 167 Ce soir on improvise 257 Robbe Grillet Alain Ponge Francis 9 215 228 Labyrinthe Le 323 Figue de paroles et pourquoi Une Maison de rendez vous La 323 216 Souvenirs du Triangle d or 323 324 M thode 216 Topologie d une cit fant me 323 Parti pris des choses Le 216 219 Rolin Olivier Pro mes 217 Invention du monde L 51 Pound Ezra Loomis 315 316 Pr vert Jacques 256 Rouaud Jean D ner de t tes Le 120 Champs d honneur Les 80 255 Proust Marcel 42 58 59 92 183 Roubaud Jacques 9 92 207 304 Suite l h tel Crystal 50 185 186 205 315 la Recherche du temps perdu 23 58 326 Autobiographie chapitre dix 94 96 Forme d une ville change plus vite h las que le c ur des humains La 93 94 Grand incendie de Londres Le 91 propos du style de Flaubert in La Nouvelle revue fran aise 1922 39 208 Math matique 91 Contre Sainte Beuve 98 Po sie 91 92 96 Enqu te sur le renouvellement du Rousseau Jean Jacques style in La Renaissance litt rair
18. 224 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 225 Quatri me cercle l image la parole le temps groupe dont elle parle soit la seule qu elle ait de son enfant Ce calendrier a de la valeur pour moi parce qu il m a t offert en d cembre par la nourrice de ma fille Christina J aime beaucoup leurs sourires c est plein de joie le sourire d un enfant c est le bonheur Marie Jo aime tr s fort les enfants avec beaucoup de patience Elle a fait changer Christina en tout Quand je veux regarder une date sur le calendrier je vois Christina qui sourit ses enfants et Marie Jo a me donne du bonheur Quand elle me l a offert pour moi c tait le plus beau cadeau qui m a beaucoup touch Je le garderai toute ma vie La Boutique d criture Montpellier La Paillade 1994 Variation 2 les Graveurs d enfance de R gine Detambel Comme ci dessus pour Herv Guibert ou Raymond Bozier on pourrait se contenter de citer la table des mati res le crayon noir la bo te de crayons de couleur le stylo bille quatre couleurs le taille crayon en alumi nium la gomme bicolore le porte mine canon ren trant le compas chrom brillant le double d cim tre bouton central l querre le rapporteur le cahier de quatre vingt seize pages le carnet spirale la colle p te en pot la cartouche d encre bleue R gine Detambel inventorie cinquante objets de la trousse et du cartable de
19. DCXVI Chercher toujours une main plus vite que l esprit Val re Novarina Pendant la mati re P O L 1991 ditions PO L 1991 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 265 HOMMAGE BERNARD MARIE KOLT S Si je tiens r server une place part Bernard Marie Kolt s c est que la cl ture pr matur e de son uvre nous la livre comme une nigme un cheminement qui s est trop t t fig L encore que Kolt s n ait pas eu la possibilit de nous l guer une vision rassembl e de son uvre laisse un espace vide o prolonger la lecture c est se saisir soi m me de l criture Parcours videmment atypique fait de voyages d une implication dans le th tre d s sa p riode tudiante Strasbourg mais complexe puisque le temps de gesta tion d une pi ce l autre est souvent de quatre ans et qu une pi ce est en train de se terminer quand la pr c dente acc de juste la sc ne Le croisement d terminant d un grand metteur en sc ne qui offre ses pi ces d s la phase d criture une garantie de visibilit de surgis sement au r el via les meilleurs acteurs Nous avons la chance aussi que ses entretiens sur son travail aient t rassembl s des aper us sur Shakes peare Faulkner Tchekhov qui laissent mesurer l impli cation et la conscience esth tique Toute une r flexion aussi sur les pratiques d criture enqu te et rapport au r el vitesse et interru
20. Des conseils pr cis pour la fabrication d objets simples r aliser soi m me Une r trospective des choses qui ont eu lieu Un manuel rai sonn d exercices po tiques Un m mento des mani res de table et des usages en g n ral Une r habilitation de la m moire cach e Des descriptions de vies quotidiennes diff rentes Une analyse des choses qui risquent de recommencer Une technique d observation des indi vidus que vous connaissez Un concentr des solutions individuelles et leur explication Une m thode de dialogue une voix Un plan de visite de la nature Olivier Cadiot Futur ancien fugitif P O L 1993 321 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 322 Tous les mots sont adultes On ne manquera pas videmment de se reporter l ouvrage pour examiner comment Olivier Cadiot r pond lui m me son programme Dans les coulisses du fantastique Une proposition formelle tr s pr cise d un c t placer un dispositif narratif train couloir portes crans incluant d placement spatial en se donnant comme condition que cette criture soit br ve puisse tre r p ti tive et sans s interroger sur son statut litt raire De l autre c t ins rer trois ou cinq paragraphes qui seront autant de mondes clos dans cette seule condition qu ils soient li s au dispositif d obturation apparition et disparition du dis positif pr c dent ce seront donc des sc nes fixes immo
21. Elle en faisait de temps en temps et les donnait aux vieilles Aussi on la prenait pour danser Quand il y a des mariages on la met pour la danse du ventre Au milieu c est marron et les franges c est de toutes les couleurs C est la seule de ma m re Elle elle la prenait toujours La Boutique d criture Montpellier La Paillade 1994 Une petite peluche en forme d l phant Dumbo l l phant Mon premier v lo quatre roues bleu marine Les bons points de l cole primaire Des draps Barbie avec son oreiller rose et blanc Ma petite bo te musique avec les Schtroumpf l int rieur Ma premi re cha ne Hi Fi laser song Ma premi re corde cinq ans Mes petites sanda lettes rouges vernies avec un n ud Mon premier tour de grand man ge la foire Ma sucette que j ai gard e jusqu cinq ans et demi Ma longue et large robe blanche et rose p le pour le mariage de ma tante Ma premi re chute en v lo deux roues noir Centre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1997 C est la richesse et l ventail de ce qu elle d clenche qu on peut mesurer la profondeur d une proposition et la force du texte sur lequel on l appuie les livres de Jean Loup Trassard ne se retrouvent pourtant pas dans toutes les biblioth ques Ci dessous rien ne dit que la jeune m re qui l crit a vu sa fille plac e en famille d accueil ne dispose pas du droit de visite et que la photo de
22. P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 274 Tous les mots sont adultes le con je vous invite et on se boit une bi re apr s on verra bien ce que l on fera ensemble on ne s emmerdera pas Bernard Marie Kolt s La Nuit juste avant les for ts Minuit 1988 Alors on entendra cette musique si particuli re au monologue int rieur et la fa on dont il remplace le monde par la sc ne de th tre Le masque le vrai la fiction plong e vers le personnage Les carnets d crivains sont pour qui veut crire une mine principale Pr parant l criture de sa pi ce Combat de n gre et de chiens Minuit 1989 Bernard Marie Kol t s nous propose un mat riau ne pas manquer parce que rien de ses carnets n est repris dans la pi ce Il ne s agit pas d bauches ni de brouillons mais d une vraie criture de fiction tour tour po tique ou discursive qui repr sente une marche d approche d lib r e construite de l instant o on sera pr t crire Et quand on sera pr t tout partira de z ro on n ouvrira plus les Carnets on ne recopiera rien de ce qui y est crit Ce qui est surprenant dans ces quelques pages impri m es de fa on posthume la suite de la pi ce c est que Kolt s utilise pour chacun des quatre personnages la m me m thode dans le m me ordre avec la m me syst matique C est cette syst matique qui est surpre nante et qui se r v le un outil ext
23. a pass au micro ondes pour le s cher la semaine derni re Lod ve adultes en difficult sociale 1994 Ou bien mes derniers souvenirs c tait en 90 jusqu 13 ans je me rappelle de rien j tais l cole aujourd hui c est 3 phrases jeudi prochain ce sera 9 phrases Lod ve adultes en difficult sociale 1994 M me si lors de cette s ance pr cise s crit aussi j avais peu pr s 7 ans je devais garder les moutons dans un grand champ je me suis endormie assez longtemps et quand je me suis r veill e 44 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 45 Ouverture hommage Georges Perec il n y avait plus de moutons et le loup avait gorg 2 moutons je suis rentr e la maison et ma m re m a punie tr s fort Lod ve adultes en difficult sociale 1994 Combien de fois j aurai entendu un participant dire qu il n a pas de souvenir juste pour exprimer que ce dont il se souvient n est pas facile ni agr able convo quer et que c est un domaine qu il ne souhaite pas voir expos ou soumis au travail collectif Le texte qui dit l enfance parce qu il implique une r flexion sur lori gine est un enjeu majeur de la litt rature parce qu il lui permet d accompagner la gen se de l tre pour consti tuer elle m me sa singularit Un travail sur les premiers souvenirs conscients est bien s r tr s riche condition d tre au m me niveau d interro
24. arrachement po tique Et un dernier exemple Lieux d endormissement autoris s avec taxe d habitation Appartement 3 immeuble 4 r sidence Bellevue 29200 Brest 14 rue Branda 29 200 Brest rue des 1 1 Martyrs 29200 Brest 8 boulevard de la R publique 18260 Vailly sur Sauldre 14 rue du Cygne 37 000 Tours 17 rue de la Paix 37 000 Tours Avec paiement la nuit H tel de l Univers 38000 Grenoble H tel du Lion 89000 Auxerre Auberge de la Croix Blanche 18700 Aubigny sur N re Rembours s par la s curit sociale Clinique Bon Pasteur 29 200 Brest Clinique du Nohai 58200 Cosne sur Loire H tel Dieu 18000 Bourges Accueilli gratuitement au nom d un lien de sang ou de l amiti R sidence Vercors 38240 Meylan 9 rue du P re Damien 1001 Bruxelles 108 rue de Rennes 75 006 Paris 146 rue de Grenelles 75007 Paris Savigny Bourg 37 280 Bourgueuil Transits 304 S immatricul 3429 DG 29 505 GTD immatricul 4471 FB 29 Passat Volkswagen pas de lumi re sur la plaque d immatriculation Train n 8308 voiture n 33 non fumeur Train n 4424 Voiture 12 non fumeur Tentative d endormissement ayant chou n ant Ici la r sistance la consigne est vidente Il se trouve que trois ans plus tard l auteur de ce texte publiait le premier de ses romans non seulement les ateliers d criture n ont pas vocation de former des crivains initier au travail solitaire qui y m ne c est a
25. b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 92 Tous les mots sont adultes Pour nous en atelier une double richesse d une part un mouvement logique in dit aussi complexe que celui de Joyce ou Proust par une suite de cercles concen triques accompagnant et revisitant une uvre po tique d j constitu e une application imm diate partir d un texte qui vient de s crire proposer cette d marche d arch ologie mentale et la pousser le plus loin possible en inventoriant et num rotant les sources les associa tions les strates Avec la boucle nous disposons sur une suite infinie de th mes et d exemples de la possibi lit d initier pour le participant mesure que s crit son texte ou depuis le myst re que constitue le texte achev un journal de cr ation qui va son tour susciter des appels prolonger l criture passer du texte juste crit une r criture d chelle plus large Mais Roubaud ne s en tient pas l autobiographie ou bien fait d elle aussi une construction capable de fiction s inventant aussi des sources fictives comme le d tail de ce style pour dompter les d mons attribu au po te japonais Kamo no Chome partir d une traduction cens e avoir t publi e dans les ann es 1960 mais mys t rieusement disparue depuis de la biblioth que de l cole des hautes tudes o Roubaud l aurait d cou verte capable d un jeu tr s comple
26. ce qui en est le trau matisme ou la violence On propose alors simplement de se concentrer mentalement sur un instant quelques 162 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 163 Troisi me cercle conqu rir l intensit secondes quelques minutes quelques heures o on n tait plus ma tre de soi m me pour une raison qu il n appartiendra personne de savoir Et d crire avec pr cision tout ce qui se passait entre le mental et les limites de notre corps On peut parler de ce qui tremble ou de ce qui est moite de ce qui affecte les yeux ou les doigts de la salive et de la sueur mais on ne saura rien de ce qui biographiquement a provoqu le passage l exc s c est nigme autobiographique constitu e par le texte nigme construire qui sera le contrepoids ce qu on va affronter par l criture nonc tr s simple de la proposition partir d un ins tant dans sa vie o le mental n a plus acc s lui m me ni aucun contr le du corps et de la pens e S interdire donc tout d ploiement biographique mais essayer d in vestir le mental m me dans ses sensations et cette perte dont on va tenir comme le journal instant par instant m me si la totalit de ce qu on d crit n a dur que quelques minutes voire quelques secondes Se concen trer avec la plus grande pr cision sur le souvenir de ce moment pr cis et ne garder que ce qui avait trait au fonctionnement int
27. cent est un petit cendrier rond que j ai achet la semaine derni re et l usage de la troi si me personne dans le second Toute biblioth que 30 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 31 Ouverture hommage Georges Perec r pond un double besoin qui est souvent aussi une double manie celle de conserver certaines choses des livres et celle de les ranger selon certaines mani res ou des accumulations pures sans verbe ni liaison Mani re de ranger les livres classement alphab tique classement par continents ou par pays classements par couleurs classement par date d acquisition clas sement par date de parution classement par formats classements par genres La demande qu on fait d un retrait du je que le texte n utilise jamais de pronoms personnels alors que l univers qu il d crit est subjectif au plus haut point va devenir un des crit res d expan sion du texte l appui qu on aura pour prolonger active ment son accumulation Une lampe un coffret cigarettes un soliflore un pyrophore une bo te de carton qui contient des petites fiches multicolores un grand encrier de carton bouilli incrustations d caille un porte crayons en verre plusieurs pierres trois bo tes en bois tourn un r veil un calendrier poussoir un bloc de plomb une grande bo te cigares vide de cigares mais pleine de petits objets une spirale d
28. clencheur parfaitement trange dans son efficacit Je me retrouve regarder sur le mur les reflets d form s de l esp ce de sir ne verte en n on qui clignote quelque part plus bas dans la rue Quoi qu il arrive toute la nuit jusqu au matin Une sir ne avec un cha peau la Charlot en n on vert Je me retrouve recompter un deux trois quatre cinq six sept Elle l ve toujours la sir ne son chapeau sept fois puis elle reste tout allum e puis recommence lever La mez zanine baigne dans cette lueur verte refl t e sur le mur a nous colle parfois un air mortuaire les yeux sont creus s et les couleurs presque abolies Quand c est le moment o le chapeau s arr te juste apr s il y a comme un clair blanc je ne sais pas pourquoi peut tre une autre enseigne blanche sous la sir ne Jacques S r na Lendemain de f te Minuit 1993 Enjeu si par J interroge Laetitia Bagnolet sur cette phrase singuli re la nuit mon balcon clignote en bleu o le b ton devient phosphorescent par intermittence elle va me r pondre par une phrase encore plus singu li re Laetitia dit P habite Arthur Martin C est dans la ville une cit d nomm e Ph bus sur le plan aussi connue par son num ro condition qu on parle de la cit Ph bus non plus m tro Galli ni ou plus loin dans Bagnolet mais ici dans le quartier J habite au 36 elle est du 36 Ph bus parce qu on a donn
29. est fait couper les deux bras et les deux jambes Si vous ne me croyez pas c tait dit l information et dans le journal C tait peu pr s il y a un an Parce que c est l o ils ont tu le b b Moi j appelle a une maison hant e J habitais dans l immeuble la m me maison et dans sa chambre Et je dormais Au premier Je ne savais pas c taient mes copains qui me lont dit Le m me jour qu ils me lont dit le premier jour que je suis rentr j ai dit Ah c est bien je dormais bien aucun cauchemar Mais la deuxi me nuit le cauchemar revenait Chaque jour que je dor mais C tait j entends une petite fille qui pleurait quand la femme lui coupait les deux bras et les jambes Des fois je suis tout seul la mai son Je commence m habituer un tout petit peu mais force j ai r ussi je navais plus peur J ai dit mon p re car il ne me croyait pas Il m a donn un cachet Je lui ai dit Papa s il te pla t est ce que tu peux laisser la porte ouverte Parce que j ai peur Il a dit Oui mon fils Il a laiss la porte ouverte j ai commenc me souvenir de ma famille qui tait en Alg rie et tout de suite a m a donn envie de dormir a me faisait piti que ma famille soit toute seule qu il n y ait personne pour les aider Apr s mon p re s est renseign et un copain lui a dit C est vrai Texte anonyme Bagnolet centre de quartier Pablo Neruda et Centre de p
30. et le besoin qu on en a que se rompt chaque fois le talent incapable de se plier la vulgarit ad quate La petite histoire serait le r cit de tout ce qui en d pendra de ce que l crivain se trouve emp ch de r aliser se marier vivre tenir sa t te hors de l eau faute d avoir attrap le coup de pouce Henry James Carnets traduit de l anglais par Louise Servicen Deno l 1954 ditions Deno l 1954 On peut aussi partir sur ce th me de la tr s singu li re entreprise Raymond Roussel parler un peu de sa vie et marteler ce titre qui est d j un d doublement Comment j ai crit certains de mes livres en rapport au projet de Locus Solus ou des Impressions d Afrique Com ment un principe d expansion textuelle tr s technique mais pouss bout peut conduire un myst rieux r cit de voyage s appuyant toujours sur un tr s fort effet de r el L animateur doit se faire conteur et sugg rer assez pour que le titre ci dessus Comment Jat crit certains de mes livres chacun puisse se l approprier et inventer des livres qui ne sont pas encore n s mais qui seraient siens et c est cela qu on va proposer inventer un projet de livre Rester en de en amont D crire le livre mais r sister s y jeter Compte moins ici le proc d qui rel ve de l criture dite contraintes que le fait d en faire une nouvelle fiction en le racontant son tour 320 P001 0
31. graphie singuli re et redonner l illusion d une biographie compl te m me si on ne va crire que le peu qu on sait ou qu on imagine du personnage sur lequel on crit C est une vieille passion litt raire que de reconstruire des vies un l ment fondateur de notre narratologie Quelques unes des Historiettes de Tallemant des R aux malgr leur loignement de langue par leur bri vet et 295 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 296 Tous les mots sont adultes ce qu en dit C line de tout ramasser en dix lignes d un tre largent et Pamour compris mont servi long temps mais dans l espace si bref du texte r dig en ate lier ne suffisaient pas briser la lourdeur du compte rendu chronologique la rh torique tr s conventionnelle qui surnageait dans les textes collect s J ai cherch sou vent utiliser la magistrale autobiographie de Pierre Michon o une suite de r cits apparemment disjoints et autonomes contraignent chaque fois d envisager qui nous la raconte un narrateur dont on saura trop peu mais dont la suite de figures engendr es par les r cits s par s de ses Vies minuscules Gallimard 1984 fait l enjeu essentiel du texte mesure qu il se rapproche par un enlacement de plus en plus serr de ce narrateur qui ne se montre pas ou juste assez pour se faire deviner mais la phrase de ce livre culte convoquant toutes les ressources de la langue classique ne se
32. j travers au moins deux fois les r cits et romans pr c dents et son personnage source une femme r elle L outil cette tautologie qui est la marque de Duras Il faut un homme on crit Un homme On est dans un r cit on doit poser ce qu il fait on crit I regarde Et ainsi de suite chaque phrase ajoutant au dis positif non pas en se fondant sur le d veloppement du livre mais en se fondant sur ce que demande au livre le lecteur ou son auteur m me Ainsi lorsque apr s avoir construit l homme on cherche faire appara tre sa pro tagoniste dans le r cit on crira simplement Elle ouvre les veux Comme un gosse qui croit se cacher parce qu il ferme les yeux elle tait d j dans le livre et le r cit induite d ailleurs par son titre m me et que la premi re phrase en posant un homme appelait cette femme Et lorsque le personnage masculin la d couvre l juste devant lui dans le livre dont il vient de meubler litt ra lement les cinq premi res pages il lui demande Il lui demande Mais qu est ce que vous faites l Mar guerite Duras peut para tre d une na vet insupportable 287 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 288 Tous les mots sont adultes et celles et ceux qui voudraient ici l imiter n h riteraient que de tics d ailleurs a s est vu Ce qu elle nous offre c est de prendre au s rieux et d crypter dans la multi plicit de ses
33. leur int r t ou leur passion propre j ai vu une ville de gauchers face une ville de droitiers des villes tout en confiseries et fon taines de Coca norm ment de villes sans coles Une invention par quoi de chaque monument c l bre d une ville on peut ressortir dans le monument c l bre d une autre Des villes o les habitants sont class s par ge des villes transparentes ou mobiles Au centre de Foedora m tropole de pierre grise il y a un palais de m tal avec une boule de verre dans chaque salle Si l on regarde dans ces boules on y voit chaque fois une ville bleue qui est la maquette d une autre Foedora Ce sont les formes que la ville aurait pu prendre si pour une raison ou pour une autre elle n tait devenue la ville telle qu aujourd hui nous la voyons chaque poque il y eut quelqu un pour regardant Foedora comme elle tait alors imaginer comment en faire la ville id ale mais alors m me qu il en construisait en miniature la maquette d j Foedora n tait plus ce qu elle tait au d but et ce qui avait t jusqu la veille l un de ses avenirs possibles n tait plus d sormais qu un jouet dans une boule de verre Foedora pr sent avec ce palais des boules de verre poss de son mus e tous ses habi tants le visitent chacun y choisit la ville qui r pond ses d sirs La ville de Sophronia se compose de deux moiti s de ville Dans l une il y a le grand huit
34. me S y prendre sans m thode fait qu on serait cras par une mati re surabondante quinze ans c est presque quatre mille cinq cents lignes qu il faudrait Mais dans l obligation de penser comment on va s y prendre on bascule d j dans l organisation mentale du texte On peut suivre la chronologie exacte mais si on part de trop loin en amont elle est floue On peut suivre le chemin d une chronologie inverse mais bien s r toutes les nuits n ont pas compt de la m me fa on on est prisonnier des phases r p titives On peut commencer par les lieux qui nous ont le plus marqu s ou bien penser une carte et y dessiner des cercles qui s largissent progressivement Ou bien raisonner de fa on incr mentielle partir comme Perec des lieux o on n a dormi qu une fois On a amen les participants partir de ce qu ils ont de plus singulier ce qui tranche de la vie ordinaire En situation d illettrisme par exemple l accumulation des simples noms de lieux sera le point de d part et on notera ensuite oralement le commentaire li chaque nom Ou bien parce qu un nom propre sera prononc avec vidence par le participant mais n voquera rien pour nous on demandera le trajet pour s y rendre et c est tout un monde nouveau qui surgira la surface m me du n tre Et puis revenir insister sur la com plexit et la diversit de la m moire quelquefois c est une odeur d au
35. me magique la saisie distance depuis l ex t rieur de ce qu il y a derri re une fen tre au hasard de la ville Cela peut nous concerner tr s pr s si ce ou ces personnages on les saisit depuis notre propre souvenir m me lacunaire ou partiel en reconstituant ainsi leur habitat propre Ce seront des textes comme laiss s hors du monde un accueil aussi de toutes solitudes Et toutes ces ann es ils habitaient dans cette chambre troite o il n y avait place que pour le lit un placard et une tag re confitures dans cette chambre proche des toits qui en ce temps l taient tr sor de vert de gris de lumi re verte au r veil ou du moins est ce ainsi qu ils impressionnaient la pellicule des films de ce temps l au dernier tage d un immeuble de rapport qui en avait six etlegaz sur une rue tr s pas sante pendant toutes ces ann es les ann es sacco et van zetti avant que lui ne soit courb et elle d sol e il gagnait quelques francs Poincar elles quelques francs Poincar aussi mais moins que lui mais ils n par gnaient pas pr f rant une dinde aux marrons une savonnette un dimanche chaville alors parfois vers le trente il ne restait manger que la confi ture qu on sortait de son pot sur l tag re apr s avoir enlev la housse il faisait froid la cuill re glissait entre les seins au dessous des quatre couvertures du lit aux oreillers luxueux de ces ann es l pr s de la poterne des peuplie
36. mes le montage des diff rents l ments en vue de la lecture Embo tements et imbrica tions mise en relief Ce qui m tonne le plus dans ce qu on entend ensuite c est comment ce texte en je d multiplie l enjeu de la premi re strate et comment inversement l appui sur cette vie d un autre apporte la surface et au risque de ce je Certains crivains s imposent par principe d crire eux m mes lors des ateliers d criture qu ils conduisent moi pas je consid re que mes pics et mobilisation d nergie ou concentration pour exposer l exercice ou ensuite pour accueillir les textes et les mettre en travail ne sont pas les m mes temps de concentration que les participants Et lorsqu ils crivent ce n est pas le travail qui manque l enseignant ou au formateur et Pani mateur rare qu on ne soit pas sollicit Mais justement 299 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 300 Tous les mots sont adultes dans cet exercice de construction d une vie tr s rare que je n crive pas moi m me en m me temps que les participants rien que par curiosit ou go t de l im pr vu Dans l ensemble des textes cout s ou re us celui ci dessous Il concerne une vieille femme Suzanne Moreau et le texte est crit par sa petite fille biblio th caire en Seine Saint Denis Il s agissait de la fin d un cycle d criture Depuis l auteur a continu d crir
37. qxd 336 FREE 17 41 Page 146 Tous les mots sont adultes bouche 10h00 des cassettes vid o partout autour de moi 10h02 une femme qui lave les carreaux 10h03 des hommes qui discutent 10h04 j entends de la musique 10h05 un b b qui suce son pouce 10h05 un homme qui s impatiente 10h05 un enfant qui pleure sans bruit rien n ant 10h06 quelqu un qui coupe ses cheveux 10h07 quelqu un qui t l phone 10h08 quelqu un qui se gratte le nez 10h09 l animateur qui essaye de retrouver son script 10h 10 Nicolas qui parle et que je ne peux pas entendre parce que j coute de la musique 10h I une femme qui s int resse aux jeux de Game Boy 10h 12 Tony avec un regard per plexe 10h13 R et C au loin 10h 14 une femme avec un tr s gros chi gnon 10h13 un homme qui s adosse l un des plateaux au centre un enfant qui s amuse sur le man ge mais il n est pas en marche 10h16 une odeur de pesticide c t du jardin de Vivaldi 10h 16 un gamin avec une bo te de pi ces jaunes un homme qui ne sait pas o il va mais pour quoi peut tre il est perdu dans cette norme jungle 10h 18 un homme de la Ratp qui va au boulot 10h 18 la prof qui crit peut tre la m me chose que moi mais d un air plus intellectuel 10h 18 des personnes qui montent les escalators vu d en haut on dirait des g ants un homme qui a un sale regard une femme avec une jupe assez courte un homme qui conduit des caddies jusqu Atac on dirait que l homme est un ber
38. ron 5 000 objets trouv s accumul s sur des tag res Christian Boltanski Derni res ann es mus e d Art moderne de la Ville de Paris 1998 La langue prise elle m me la subversion Sarraute En assignant son texte d s Martereau mais surtout dans la grande suite de livres des ann es 1968 1980 de n avoir comme objet et mati re que la langue elle m me en se saisissant de ces fragments devenus rigides de la langue et qui nous parviennent par la conversation et les retournant sur eux m mes pour subvertir de l in t rieur cette rigidit et les reouvrir ainsi au monde Nathalie Sarraute cr e un univers dont la litt rature ne disposait pas avant elle On a encore aujourd hui vaincre et expliquer la d stabilisation majeure qu induit sa lecture parce que la langue devient sujet nos habi tudes d identifier la parole un personnage ne fonc tionnent plus notre propre activit de lecteur pour reconna tre qui a prof r ce qui vient d tre dit devient le lieu m me par quoi le texte se retourne subversive ment sur le monde via un univers de perceptions audi tives visuelles ou tactiles pouss son incandescence langagi re Mais quel plaisir aussi de resituer pour un groupe quel qu il soit l tonnant parcours de vie de Nathalie Sarraute le rapport quatre langues d s 231 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 232 Tous les mots sont adultes l enfance
39. ve C est ce que me permet la fiction M re et filles comme une continuit heureuses Association Biblioth ques de Seine Saint Denis stage de formation Pantin mai 2005 Je remercie l auteur de m avoir autoris publier cette version originale du texte qu elle a prolong depuis lors Dans ce premier jet on distingue bien les tapes suc cessives du travail propos via les lieux l inscription du narrateur le travail enfin sur gestes et visages puis dia logues ou paroles Le corps crit hommage Jacques Dupin Comme la plupart des auteurs je suis lecteur de po sie plus que de roman c est l que se joue l exp rience m me de la langue Mais on ne d cide pas du chemin qui vous est r serv dans la langue Nous nous battons durement pour repousser les cloisons tanches des genres en tout cas la fa on dont elles sont reconduites par l cole et l universit Mais n en reste pas moins cette sp cificit de l criture po tique pur affrontement de son propre surgissement La question philosophique du sujet a travers en fili grane tout ce livre par notre travail d criture nous prenons appui sur le mouvement m me de ce que nous saisissons pour nous d placer nous m mes en tant que sujet percevant non ant L criture en fixant elle m me son locuteur prend appui sur le monde de telle fa on que la notion de sujet parcellis ou collectif qui est sa figure actuelle soit
40. vu que j tais tr s jeune et pas tr s bien dans ma t te je n osais m me plus le regarder dans les yeux Gradignan centre de jeunes d tenus 1996 Sur cette notion de destin la litt rature touche son essence une question sur l homme en g n ral pos e partir du questionnement de soi Interrogation sur le chemin en nommant l arbitraire qui nous fait Selon l ge de ceux qui on s adresse on peut citer l exemple de Baudelaire dix huit ans quand dans une lettre sa m re il dit vouloir trouver une place vide 271 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 272 Tous les mots sont adultes au milieu du monde et qu elle vous soit accessible Ou bien parle de vocation rien et l cart entre ce vers quoi on est pouss et la liste des possibles o il nous faudrait vocation Je sens venir la vie avec encore plus de peur l en droit donc o notre vie est encore prot g e et ce qui vient vers nous dehors quoi la rupture des conditions pr sentes va nous livrer Voici donc la derni re ann e finie des moments dans la vie o on est en bascule o il faut choisir et s orienter La notion de destin n est pas employ e ici par Bau delaire dans ces deux phrases extraites de ses lettres dix huit ans Le po te qu il deviendra ne lui est pas encore lui m me visible Ce qui est important mais sur quoi on se gardera d attirer l attention c
41. 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 316 Tous les mots sont adultes Chamoiseau s interdit par sa syntaxe le discours de rai son Il y a le nom de l auteur introduit par ce g nitif qui le condamne l isolement De Pound De Stevenson Apr s les deux points il s agit d une pure l vation par la phrase de son paysage personnel l intuition po tique de la lecture sans retour sur l uvre ou l auteur d sign Figure po tique qui appartient seulement l univers mental de celui qui crit et donc d signe en creux ce que lui m me y cherche c est cet aspect l que j essaye de pousser les participants d velopper Il ne s agit donc pas ci dessous d un texte mais d un recopiage au hasard de ce qui sert Patrick Chamoiseau de fil rouge tout au long de son livre D Agrippa d Aubign Contre peur prudences r alisme le Tout pos sible d j dans le tumulte g n sique des sept rythmes De Faulkner Le Lieu construit de soi pour soi immense de toutes tra giques m moires d racin es De Faulkner La d b cle des consciences solitaires qui s entrem lent totales avec l art comme r gent D Unamuno La parole qui fait l homme et la mise en alerte veilleur autour des v rit s De Stevenson Le r alisme extr me point l absolue v rit dans l ex tr me romanesque L enchantement en fulgurance durable dans l aven ture qui baille sous de secr tes lanternes le se
42. 304 Grandes uvres de Pesprit Les 169 Merveilleux Normal Le 168 Passages 170 189 Rideau des r ves Le 178 179 Michon Pierre Trois auteurs 41 Vies minuscules 296 299 Minyana Philippe 212 214 Habitations Pi ces 214 Morand Paul 185 Ode Marcel Proust 185 187 Nadar Felix 205 Nerval G rard de 17 171 203 326 Aur lia 171 Chim res 58 Morceaux choisis 58 No l Bernard Maladie de la chair La 196 333 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 334 Tous les mots sont adultes Novarina Val re 9 141 145 149 151 Py Olivier 260 156 249 262 264 331 Th tres 260 261 Chair de l homme La 141 154 Discours aux animaux Le 149 157 Queneau Raymond 79 213 Drame de la vie Le 141 Courir les rues 80 Pendant la mati re 263 264 Vous qui habitez le temps 16 143 Rabelais Fran ois 142 156 215 150 Grande prognostication certaine et infaillible pour Pan perpetuel 257 Pantagruel 81 182 183 Quart Livre 81 216 Perec Georges 9 11 19 20 25 27 30 31 37 41 45 46 48 50 51 93 171 249 Rice Burroughs Edgar 77 Disparition La 92 93 Richter Jean Paul 171 Esp ces d espaces 16 19 24 29 36 50 Rilke Rainer Maria 98 192 193 313 Infra ordinaire L 19 37 38 50 316 326 Lieux o on a dormi 11 20 22 32 Carnets de Malte Laurids Brigge Les 50 191 192 Penser Classer 19 29 31 36 Lettres un jeune po te 98
43. Bar reau et Gu na l Boutouillet la maison Gueffier de La Roche sur Yon merci Fran oise Zamour ENS Ga ta Leboissetier ENSBA Christine Eschenbrenner Ronald Klapka Arnaud Laborderie Jean Pierre Preudhomme Jo l Paubel Odile Dussud Nathalie Vincent Munnia et tous les participants ces ateliers ou stages On trouvera sur le site Internet de Pauteur www tierslivre net des renseignements bibliographiques compl mentaires des liens et un vaste ensemble de textes issus d ateliers d criture partir des exercices pr sent s ici P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 331 INDEX DES AUTEURS ET DES UVRES CITES Alain Fournier Henri Alban Fournier Beckett Samuel 141 235 313 317 dit 42 Comment c est 291 Grand Meaulnes Le 34 58 D peupleur Le 252 253 Albiach Anne Marie 304 Bergounioux Pierre 239 243 245 Allsburg Chris van 247 332 Myst res de Harris Burdick Les 177 Arbre sur la rivi re L 240 244 245 Antelme Robert Mort de Brune La 245 246 Esp ce humaine L 281 Toussaint La 244 245 Apollinaire Guillaume 61 62 Bernhard Thomas Alcools 62 64 130 131 195 Arbres abattre 267 Aragon Louis 120 137 Cave La 268 270 Grande Gaiet La 135 137 Gel 269 Artaud Antonin 159 163 165 169 Perturbation 269 249 303 Un enfant 269 Correspondance 160 Blanchot Maurice 12 167 313 325 Ombilic des limbes L 161 168 326 P se
44. Barthes La Chambre claire Le Seuil 1981 Simplement pour dire que ce livre essentiel quant notre possibilit de th o riser la photographie est tr s r cent par rapport l his toire plus ancienne de la photographie qu il s agit d une histoire encore crire Les quarante huit chapitres de Barthes sont consacr s chacun un mode une fa on d tablir la photographie dans son rapport au monde ce qu elle fixe du monde comme la fa on dont elle s inscrit par rapport celui qui la regarde L id e m me de classement d place imm diatement notre m moire notre catalogue mental de photographies Ce qui est indiff renci passe par la diffraction d un prisme Ainsi L Image fant me d Herv Guibert Minuit 1983 publi e juste apr s le livre de Barthes Son travail de critique photographique en particulier ses chro niques pour Le Monde est paru r cemment Dans LImage fant me il ne s agit pas de ce travail critique nonciation sur la photographie mais bien du chemin int rieur que d placent en nous l accumulation mentale des images et le d placement du rapport au monde qui 212 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 213 Quatri me cercle l image la parole le temps s en induit Herv Guibert photographie sa m re malade elle s appr te et pose et ce qu ils traversent tous deux lors de cet instant est une rencontre rebours de toute la pesante
45. Celui qui avait les mains calleuses du travail de la terre Celui qui conduisait les moutons dans les pr s Celle qui crochetait des tapis magnifiques Celui qui est revenu fou de la guerre d Alg rie Celui qui est parti trop t t sans avoir eu le temps de vivre Celle qui travaillait la nuit pour s occuper de ses enfants dans la jour n e Celui qui nous racontait son vasion des camps et sa travers e du Rhin Celle qui vivait dans un ch teau mais dans les communs Celui qui ne savait pas lire mais achetait le journal tous les jours Celui qui est parti fabriquer des briques du c t de Dijon Celle qui ne voulait pas qu on sorte quand il y avait du soleil mais qui nous faisait faire cinq kilom tres pied pour aller au cimeti re Cet enfant de l amour dont personne n a voulu s occuper Et puis ceux l Centre dramatique national de Nancy 1997 Celui qui tait aviateur dont elle a conserv l uniforme de sang tach dans le fond de la vieille armoire Celui qui faisait ses quatre vingts heures au fond de l atelier clair par les coul es d acier orange Celle qui crachait dans la soupe qu elle servait aux officiers Celle qui a frott lessiv lav nettoy astiqu et recommenc toute sa vie pour dix autres Celui qui est mort dans ses toiles peintur es de noir comme aspir dans sa folie Celle qui s est retrouv e toute courb e d avoir trop aim la terre de l avoir b ch e remu e prot g e
46. F journ e magouille entre copains quand on tait petits on se battait souvent pour une question de partage top secret journ e Montpellier lyc e professionnel Jean Mermoz 1994 Et cette m me s ance dans un autre texte cette phrase le jour o j ai vendu ma Nintendo quand je Pai rachet e c tait la m me et en plus je Pai pay e plus 33 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 34 Tous les mots sont adultes cher o le r f rent temporel se d place selon le syn tagme de la phrase principe auquel a d se familiariser la physique contemporaine mais auquel la narration lit t raire n est pas habitu e Par une telle phrase appa remment banale peut na tre dans la discussion avec le groupe tout un espace de r flexion quant la circulation des objets quand dans la ville on ne dispose pas pour la m moire des choses de lieu d accumulation On peut parler alors de la premi re sc ne du Grand Meaulnes o c est par le mot grenier que se fait la rencontre du narra teur et d Augustin Meaulnes parce qu on dispose l o on habite d un tel lieu d accumulation d o on sort les anciennes fus es de feu d artifice et la tentative d cri ture d Alain Fournier para tra aux l ves ici une classe pr parant au BEP de frigoriste un peu moins t lesco p e Exemple via la console de jeu rachet e et revendue bien symptomatique de ce que nous devons affronter au quot
47. Grasset 1954 C est cette continuit de la description des gestes ordinaires y compris apr s l apparition fantastique pr cision qu on peut conf rer l apparition elle m me si c est sur sa cr dibilit d objet qu on veut appuyer la fic tion Un soir comme je rentrai chez moi je trouvai un gros uf un uf norme pos au milieu de ma chambre Il tait presque aussi haut que la table et ven tru en proportion Il oscillait doucement de droite gauche Intrigu je le pris entre mes jambes et le coupai 112 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 113 Hommage Franz Kafka prudemment en deux avec mon canif sur quoi on peut s appuyer pour un tel exercice crire d abord la continuit r elle minutieuse et puis recopier en accep tant que cette m me minutie provoque le saut ou le glis sement vers l trange P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 114 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 115 DEUXI ME CERCLE L IDENTIT RECONSTRUIRE crire plusieurs Se Shonagon Un livre fondamental parce que crit par une femme dans une civilisation le Japon de Pan 1000 o l criture tait partie prenante et honor e comme telle concours de po sie pour l obtention d un poste de sous pr fet ou po me pour obtenir la main de l aim e etc de tous les rituels sociaux Et parce qu il s agit d un livre qui par son principe
48. Lorsqu on arrive en atelier avec les livres de Nathalie Sarraute il ne s agit pas seulement de faire crire des textes on inocule vraiment un venin On a plaisir le faire Autour de ou apr s Sarraute Le livre tr s singulier de Camille Laurens Quelques uns P O L 1998 reprend la m me haute tradition du langage appliqu se d crypter lui m me pour appli quer le m me principe de creusement et d exploration non pas aux expressions toutes faites mais aux mots les plus courants eux m mes ceux qui peuvent constituer une phrase eux seuls Les mots ont un grain comme on dit le grain de la voix le grain de la peau bien s r mais aussi au fond comme on parle des fous des mar ginaux chacun d entre eux est un original une pi ce unique D avoir t prononc s tant de fois d form s par les l vres ou polis par les livres de nous avoir mus dans la beaut des uvres ou la bouche d autrui ils ont acquis la densit et la profondeur merveilleuse d une 236 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 237 Quatri me cercle l image la parole le temps terre dont nous r vons d tre un jour les arch ologues les mots sont faits de notre vie qui s dimente Camille Laurens Quelques uns P O L 1998 Ce qui est le cas de oui le tout premier et ce que devient ce mot de trois lettres pris malax et lav sans jamais cesser pourtant d tre lui m me dans la ma
49. Mais le r el dans sa complexit pour ceux qui le constituent on le recons truit autrement dans le travail solitaire si la repr senta tion int rieure qu on en a est ainsi devenue plurielle et vive acceptant de plus pr s les urgences Je n cris pas en fonction d un destinataire je n cris pas en fonction d un public mais ma relation de la langue et du monde ce qui pour chacun s tablit dans le temps de l criture est plus nourrie plus complexe Une journ e de travail d criture avec des tudiants d une fac de Tokyo et on a l impression d en d couvrir bien plus dans une salle qui ressemble tant aux m mes salles tables et chaises de l d o vous tes qu en trois jours de marche dans la ville L atelier m avive aussi en permanence l intensit l mo tion les textes qu on y coute disent une tension un saut dans l inconnu et quoi que ce soit qu on largisse et retravaille dans la dur e c est ce saut qui prime et ce qu il a convoqu dans son instant J ai r appris certaine ment une intensit de l acte d crire qui m tait percep tible comme tout un chacun dans mes premiers cahiers et dont le m tier peut loigner Et puis ce go t du partage oral des livres qui comptent pour crire du chantier et de la recherche o nous ne savons pas forc ment avancer en intellectuel mais qu il faut ainsi expo ser explorer m me t tons pour que cette rech
50. Mermoz de Montpellier classes SEGPA de Ch teau Renault lyc e Alfred Nobel de Chchy sous Bois au centre dramatique national de Nancy au centre dramatique r gional de Tours au th tre de la Col line Paris lors de stages d enseignants Tramelan Suisse Tanger Maroc Saint Brieuc La Rochelle Fort de France Grasse la Biblioth que nationale de France enfin wont permis avec confiance de prendre en charge des ateliers d criture Remercier aussi les crivains en particulier Micha l Gl ck Leslie Kaplan G rard Noiret Val re Novarina Herv Pi karski Jacques S r na R gine Detambel ainsi 329 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 330 Tous les mots sont adultes qu Alain Andr et Philippe Berthaut Merci Pierre Ber gounioux Claudette Oriol Bover Anne Roche et Domi nique Viart pour les changes plus th oriques Remerciements particuliers Line Colson Nadine Etch to Tharel Catherine Gourieux Deta Hadorn Planta Mich le Sales Patrick Souchon Charles Tordjman et Hen riette Zoughebi Merci Olivier B tourn pour avoir port ditorialement ce projet Exprimer surtout ma dette l gard de tous ceux et celles qui toutes ces ann es et dans chacun de ces lieux ont par tag avec g n rosit l engagement et l motion et par qui seuls Jai appris Pour les exp riences r centes notamment avec Patrick Souchon pour le travail avec les enseignants et Cathie
51. Nerfs Le 161 162 168 Attente L 326 Celui qui ne m accompagna t pas 326 Bachelard Gaston criture du d sastre L 326 327 Air et les songes L 174 Entretien infini L 326 Eau et les r ves L 174 Espace litt raire L 325 Terre et les r veries de la volont La Faux pas 325 174 Livre venir Le 319 325 Terre et les r veries du repos La 174 Oubli L 326 Bacon Francis 213 Part du feu La 326 Art de l impossible L 189 Pas au del Le 326 327 Balzac Honor de 41 201 205 237 Thomas l obscur 326 326 Tr s Haut Le 326 B atrix 39 Bloch Ernst Grande Bret che La 39 Traces 105 Honorine 39 Bloy L on 237 P re Goriot Le 203 Boltanski Christian 228 230 Un d but dans la vie 58 Derni res ann es 230 231 Barthes Roland 11 212 213 Inventaire des affaires ayant appar Chambre claire La 212 213 tenu une jeune fille de Londres 229 Mythologies 108 109 Inventaire des affaires du jeune homme Bataille Georges de Bordeaux 229 Exp rience int rieure L 7 262 Bond Edward 262 Baudelaire Charles 85 159 166 171 nergie du sens L 263 176 203 271 272 326 Borges Jorge Luis 107 257 Correspondance g n rale 273 Aleph L 108 Curiosit s esth tiques 203 Auteur L 188 Peintre de la vie moderne 203 Immortel L 89 Petits po mes en prose 85 177 uvres compl tes 258 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 332
52. Page 29 Ouverture hommage Georges Perec accompagnement le d clenchement r gulier des moteurs Ou bien celui qui a investi le milieu d un de ces ronds points sur les rocades o la v g tation redevient presque vierge en milieu urbain extr me pour s y faire avec quelques copains coll giens un 2gloo J essaye d insister l aussi sur cette notion de centre de gravit l int rieur de la phrase ne pas s interroger sur ce qui la pr c de ou ce qui la suit mais tenter de la faire co ncider le plus pr s possible avec ce qui surgit dans le souvenir Phrases qu on veut sans bords pour dire en captant cette immobilit de la chambre quelque chose qui a commenc avant qui continue apr s la phrase une suite de traits la brosse sur fond blanc qu on accumule sans les joindre voir aussi dans Penser classer le texte intitul Trois chambres retrouv es Il y avait du linol um sur le sol Il n y avait ni table ni fauteuil mais peut tre une chaise sur le mur de gauche j y jetais mes v tements avant de me coucher je ne pense pas m y tre assis je ne venais dans cette chambre que pour dormir Elle tait au troisi me tage de la maison je devais faire attention en montant les escaliers quand je rentrais tard pour ne pas r veiller la logeuse et sa famille Comme un mot ramen d un r ve restitue peine crit tout un sou venir de ce r ve ici le seul fait de savoir sans presque m me
53. Paris 1886 Comme il peut changer dans l int rieur m me d une s quence po tique continue positionnement des narra teurs zoom sur la flaque d eau et largissement au pay sage de la ville C tait bien plus triste qu un deuil Nous faisions un tour dans la ban lieue Le temps tait couvert et ce vent du Sud excitait toutes les vilaines odeurs des jardins ravag s et des pr s dess ch s Cela ne devait pas fatiguer ma femme au m me point que moi Dans une flache laiss e par l inondation du mois pr c dent un sentier assez haut elle me fit remarquer de tr s petits poissons La ville avec sa fum e et ses bruits de m tiers nous suivait tr s loin dans les chemins l autre monde l habitation b nie par le ciel et les ombrages Arthur Rimbaud Les Illuminations Publications de la Vogue Paris 1886 D composition selon temps r el d apparition qu on peut d crypter chez Rimbaud et qui fait d sormais par 40 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 41 Ouverture hommage Georges Perec tie int grante de nos modes de regard et de narration comparer avec la mani re dont Pierre Michon ras semble une m me travers e en un seul phras compact Toutes les fois que je passe La Ch tre je pense Balzac Non pas en traversant La Ch tre du nord au sud cela se fait par le centre et il n y a que des pharmacies des maisons retap es avec colombages l au then
54. Qui disent bonnement oui pour oui non pour non GRESSET M chant I 5 mile Littr Dictionnaire de la langue fran aise Hachette 1877 237 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 238 Tous les mots sont adultes Ce petit livre de Camille Laurens vient apr s Philippe cri d criture apr s la mort d un enfant Il s agit pour elle d une v ritable reconstruction de son rapport la langue ce qu affirme aussi la suite des titres quelques uns oui jamais on peut tre il y a je ne sais quoi a chagrin monde rien Mais avec Le Grain des mots P O L 2003 elle en reprendra le principe dans un cercle bien plus large avec des mots comme travail tre d j amour geste identit partir Alors cet outil bien s r on peut l utiliser comme tel pour faire crire sur la langue Mais bien souvent il me donne la grammaire pour entrer avec les participants pris isol ment parfois hors de ce que continue le groupe sur un retravail bien particulier d un texte exis tant Il y a sans doute une id e un peu simple du retravail donner une suite r crire en amplifiant distordre telle fa on narrative concernant les pronoms le narrateur les temps Le retravail pour un auteur c est se construire progressivement spectateur de son propre texte Ce que ce texte d cale ce qu il le contraint percevoir de fa on neuve ou qui le surprenne En gros ce que cela met en travail Po
55. a t imprim e page apr s page jusqu couvrir les quatre murs de sa pi ce atelier autour de rosaces qui servaient en cristalliser l organisation ou bien les 1742 personnages du Drame de la vie d comptant exac tement les personnages de la Bible Novarina crit selon un processus o souvent le pre mier jet est r alis au crayon dans la solitude d une cabane de berger dans les Alpes o il a son origine fami liale Un p re architecte qui s est illustr dans la recons truction d apr s guerre par des glises et les premiers essais d architecture autorouti re une m re actrice de th tre Un chemin qui pour lui se dessine tr s t t crivant Samuel Beckett ou Jean Dubuffet d s son adolescence Un long chemin laboratoire et puis l cla tement gr ce quelques acteurs fid les petit petit une reconnaissance internationale qui force le respect Dans son processus d criture le livre est un aboutis 141 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 142 Tous les mots sont adultes sement Dans les pr sentations officielles on d cline que Novarina est aussi peintre metteur en sc ne peu importe Son travail de livre en livre serait comme une curiosit nigme ou au d fi que repr sente le livre ter min Cette exploration de l nigme ou de l cart passe par la reprise du texte sur le plateau de th tre Consti tution d un nouveau texte extrait du pre
56. ainsi qu elles mangeaient leur des sert plus souvent pour avoir moins de vaisselle laver Quand le caf tait servi mon p re disait de fermer la seconde porte entre salle manger et cuisine une porte de bois pais afin que leurs cris ou rires ne g nent pas la conversation Jean Loup Trassard L Espace ant rieur Gallimard 1993 Ou juste l univers de sensations li es sinon la chose son nom Du pain tr s cuit cro te de pr f rence en telle quantit que le bouillon disparaisse tout entier bu par les cro tes tremp es brunes ou noires qu il crasait avec sa cuiller en bouillie paisse un morceau de beurre un peu de cr me fra che le r gal de mon p re qu il appe lait panade Jean Loup Trassard L Espace ant rieur Gallimard 1993 La beaut de ce qu crit Trassard fait qu on lit son livre de la m me fa on passionn e qu on lirait un roman on passe d un objet un autre sans plus s aper 221 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 222 Tous les mots sont adultes cevoir qu il s agit d une succession de textes tous tr s brefs parfois une page le plus souvent deux pages par fois trois pages et exceptionnellement quatre Pr cis ment le format habituel de textes collect s au terme d une s ance d atelier d criture dans son temps limit Par ce livre on peut faire lever un autre niveau d inter rogation pour les participants int
57. ance de tribu nal d instance et reviennent avec comme la bande son d un jugement d expulsion hallucinant t moignage par son incompl tude m me ou bien que d autres notent les listes de tous les menus propos s dans un rayon de cin quante m tres alentour Ce qui videmment d multiplie l attention la lecture en fin de s ance c est que Pate lier lui m me trouve son inscription sp culaire chacun ayant vu les autres ou bien qu un m me v nement ou personnage qui passe va traverser plusieurs textes Parmi d autres souvenirs forts li s cet exercice prati qu l ext rieur La Rochelle une enseignante est assise sur un banc dans la ZUP un ancien l ve s assied c t d elle et lui demande Vous tes au ch mage maintenant vous aussi madame une participante un stage d enseignants quand je lui demande de lire son texte r pond qu elle n a rien entendu ni vu d int res sant que ce qu elle a crit n a aucun int r t J insiste elle dit De toute fa on comme je ne trouvais rien tout ce que j ai fait c est de noter ce qu ils avaient comme sac donc vous voyez Comme pr cis ment je ne voyais pas j ai insist encore et elle a lu a commen ait ainsi FNAC Just Married Du pareil au m me Darty le dimanche aussi Sac sans rien Pas de sac ATAC Encore FNAC Et ainsi cinquante fois de suite qua rante minutes des mots qu on tient la
58. appel e par les nouveaux r cits 302 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 303 Cinqui me cercle vers le livre les nouvelles formes du dire C est un des points essen tiels th oris s par Nathalie Sarraute dans son re du soup on mais cela traverse la totalit du champ litt raire Le statut du corps dans le dire est un des points de friction essentiels de cette mutation et cela traverse galit tous les arts de la repr sentation On l a d j abord par Antonin Artaud En proposant de travailler sp cifiquement sur le corps appel par l criture je ne me risque pas mimer une po sie dont je ne dispose pas pour moi m me il s agit d ins rer des notes une cap tation de vocabulaires et de formes au lieu m me de cette friction Quel corps j appelle quand j cris ou s nonce hors de moi ou en avant de moi dans le mouvement qu a l criture vers l inconnu Qu est ce que dessine rebours de celui qui crit l criture qui l ve hors de nous et sans que nous ayons anticip ce qu elle sera et comment percer ce rempart et jaillir que le rouge et le blanc s affrontent I et s annulent que le noir coupe le blanc l et que le blanc revienne du bord ou de l absence de limites compact signifiant que les couleurs cras es s teignent se retirent nous hantent d sormais comme exclues de l il infaillible tirent et recoupent I l nergie dont il tremble
59. au temps d criture vont per mettre de retenir le texte distance de ce qu il d crit et une grande force de suggestion de pr sence fictive va en na tre 245 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 246 Tous les mots sont adultes Du ravalement de la fa ade du cin ma Rex lappa rition de la premi re station service au seuil des ann es 1960 c est dans le Brive de Pierre Bergounioux une mutation des signes vers la monochromie et des g om tries normalis es ici visibles en tant que mutation mais qui aujourd hui contraignent un saut bien plus brutal pour retrouver dans les signes du monde l o ils nous sont personnels Quand les planches et les b ches du chantier tomb rent en sep tembre on d couvrit une surface unie blanche libre sur laquelle les trois lettres illumin es jetaient la lueur verte acide qui brilla au seuil de l automne et tout au long de l hiver comme un printemps qui se serait tabli parmi nous pour toujours C est dans les m mes eaux que la place contigu au boulevard et qui servait depuis la Gaule romaine sans doute de foirail fut promue la dignit de parking le sol de terre battue recouvert de goudron et l instant d apr s de voitures Les pay sans aux sarraus noirs le b tail mugissant qu ils menaient deux fois par semaine jusqu au c ur de la ville les vieux mots du dialecte d oc furent rel gu s la p riph rie o se pressaient le
60. avoir eu besoin de le chercher simplement en s tant tendu quelques instants et ayant ferm les yeux que le mur tait ma droite la porte c t de moi gauche en levant le bras je pouvais toucher la poign e la fen tre en face fait surgir instantan ment et p le m le un flot de d tails dont la vivacit me laisse pantois Georges Perec Esp ces d espaces Galil e 1974 M thode qu on peut tendre videmment d autres int rieurs pourvu qu on insiste sur l accumulation d ap proches narratives diff rentes que rassemble seul le lieu pr alablement d fini 29 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 30 Tous les mots sont adultes C est chez Jean Claude et Christiane Il y a des cigarettes il y a des timbres il y a de l alcoo il y a des cartes postales il y a des cartes d an niversaire cartes de f te cartes de meilleurs v ux un bureau de vali dation des bonbons un bar des chaises des tables des cendriers un canap des croissants verres de Ricard verres ronds pied verres Coca Cola verres Orangina des pains au chocolat vin rouge vin blanc vin ros Ricard du Coca Cola de l Orangina du Vittel fraise du Vittel menthe un diabolo fraise un diabolo menthe Il y a deux portes a d pend par laquelle on entre Une on voit le bar l autre les ciga rettes Il y a une porte il y a le bar l autre porte il y a les tables les cen drie
61. belle didascalie qui ouvre ci dessous le texte de Novarina Un homme monte en haut d une ville pour se voir LE VEILLEUR Relev vu et lu ville de Paris 8 heures 19 une quatre Renault citron bleu vert allant de droite gauche et de gauche droite 8 heures 26 une femme parfois poussant caddy 8 heures 32 un homme s appor tant trois poulets lui m me 8 heures 47 une camionnette tuba avec une vitre en transparence 8 heures 53 un cycliste pas press d appa ra tre 9 heures une une camionnette sign e Jean d Aplomb 9 heures 2 une camionnette sign e Dunlop suivie d une camionnette chenille de Pindreau M me mod le 9 heures 03 sign Tupin Transport 9 heures 7 v lo en roue libre 9 heures 9 trois jeunes garagistes pied 9 heures six Peugeot huit hommes 10 heures pile un homme massif suivi de la Femme au pantalon mort 10 heures une un usager assez maigre tenant ses cinq doigts dans une main Val re Novarina Vous qui habitez le temps P O L 1989 Quelques uns de mes meilleurs souvenirs d atelier viennent de cette s ance partir de Vous qui habitez le temps Par exemple ces quarante minutes d une seule travers e du centre commercial Bobigny 2 par une col l gienne de quatri me 9h56 un chien nous suit des yeux 9h57 une chanson des Cranberrys 9h58 un jeu vid o super cool 9h59 une femme avec une cigarette la 145 P001 000 bon Atelier 1
62. biles priv es de toute dur e comportant pourtant personnages et paroles On aura r ussi que tous les para m tres explor s de fa on univoque lors des pr c dents exercices sur ces surfaces tr s limit es de trois ou cinq paragraphes interviennent simultan ment Mais l effet de fiction qu entra ne cet exercice va bien au del la puis sance r elle des sc nes immobiles convoqu es visages choses l ments abstraits est happ e par le dispositif d ap parition s par e de son contexte r el et conf re pourtant ce dispositif arbitraire voire sommaire en tout cas r p titif sa qualit d motion sa puissance de r el Pour introduire cette proposition je parle d abord de la construction du Loup des steppes de Hermann Hesse Dans le manuscrit laiss chez la logeuse que d couvre le narrateur ce th tre o chaque porte ouverte permet d apercevoir l image fixe et r ellement jou e d une sc ne de sa vie 322 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 323 Cinqui me cercle vers le livre Voil notre th tre expliqua Pablo Mon petit th tre a autant de loges que vous le d sirez dix cent mille et derri re chaque porte vous attend ce que vous cherchez C est une belle galerie de peintures cher ami mais cela ne servirait rien de la parcourir dans l tat o vous tes Vous seriez aveugl et entrav par ce que vous tes convenu d ap peler votre
63. cela fait combien d images fixes analys es par le cerveau Et on basculera l encore dans lunivers contempo rain de fa on neuve Trois d parts de texte partir de cet exercice avec trois l ves diff rents d un lyc e pro fessionnel parisien 73 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 74 Tous les mots sont adultes Des gens qui nous regardent comme des animaux il suffit qu on se d place autrement qu eux pour qu ils se mettent nous juger Moi et mon copain prenons souvent le m tro en rollers de la station d Ourcq Bastille pour faire la rando Les gens dans le m tro nous regardent comme des sauvages mais je m en fous De temps en temps les contr leurs nous demandent de retirer nos rollers c est pour a qu on a tou jours des chaussures dans nos sacs parce que marcher en chaussettes dans le m tro a fout la honte Ensuite je passe avec le train Aulnay sous Bois Mitry Claye Dam martin Juilly St Mard Cr py en Valois Vaumoise Villers Cotter ts Longpont Soissons Anizy Pimin Clary Mons Laon Alors l je suis contente d arriver et ma m re m attend sur le quai on est super contentes de se revoir car on se voit une fois tous les deux ou trois mois J avais huit ans j habitais dans une banlieue de Lyon D cines Meyzieu On avait une belle maison et de l j allais l cole a prenait dix vingt minutes pied Je prenais ce chemin avec des copains on se donna
64. ces instants dont on ne peut que r trospectivement mesurer les implications Par exemple la d marche lucide et courageuse de ce jeune d tenu remontant un souvenir qui date de ses quatorze ans longtemps avant des brisures bien plus fortes Ici partir d une exp rience commune tous les gar ons de son ge mais dont le hasard fait qu elle tourne mal une utilisation quasi litt rale de la proposi tion prise Thomas Bernhard chemin pris sur une impulsion int rieure en sens oppos et l appui sur la r currence d une expression idiomatique vu que pour maintenir la simultan it dans la conscience de tout ce qu on relie cet instant d crypt distance Vu que je mangeais sur place il me laissait son camion pour manger dedans au chaud Il m avait dit Tu prends le camion tu manges dedans et s il fait trop froid dehors tu mets le moteur tu mets du chauffage Vu qu il y avait les cl s dessus jai commenc faire marche avant marche arri re pour m amuser dans le parking de l entrep t Il n y avait personne le patron tait rentr chez lui l autre ouvrier aussi J ai commenc rouler partir un peu sur la route pas trop loin trois 270 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 271 Hommage Bernard Marie Kolt s cents quatre cents m tres parce que j avais quand m me assez peur qu il arrive entre temps et vu que je savais qu il ne rentrait pas av
65. ces figures immerg es dans l enfance ont condi tionn le surgissement m me de l criture Enfin une mise en confiance parce qu on pr sente un texte litt raire majeur dans lequel ce fonctionnement avec les r cur rences et r p titions dont on va se servir pour l atelier est la signature m me de l audace formelle Maintenant tu es au bord de la M diterran e Sous les citronniers qui sont en fleurs toute l ann e Tu es dans le jardin d une auberge aux environs de Prague Tu te sens tout heureux une rose est sur la table 62 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 63 Premier cercle les trajets la ville Te voici Coblence l h tel du G ant Te voici Amsterdam avec une jeune fille que tu trouves belle et qui est laide Tu es debout devant le zinc d un bar crapuleux Tu prends un caf deux sous parmi les malheureux Guillaume Apollinaire Alcools Mercure de France 1913 Deux exemples de cet exercice venus d une m me ville Clichy sous Bois dans ce principe d clatement des points de vue immobiles par deux l ves d une classe de seconde l une qui respecte le principe du tu et l autre pas mais pour chacune l clatement formel parce qu il est l tat r el et per u comme tel d un tissu urbain d structur am ne l unit du texte reconstituer le pr sent urbain sans rien en affadir Tu es devant Atac tu attends ton ami
66. chaque fois par une mise en sc ne presque litt rale de l univers quotidien la chambre la table de travail la fen tre On propose simplement d crire avec le d tail le plus litt ral possible ne pas dire mettre ses chaussures mais examiner lesquelles on prend et o par quel pied on commence etc un moment pr cis se lever le matin ou rentrer dans sa chambre le soir et de r crire ce texte en acceptant que par d formation le plus pr cis du quotidien devienne fantastique penser ce r cit de Kafka o c est un norme oiseau qu au retour du travail il trouve dans sa chambre cet autre o il s agit dans la m me configuration narrative d une p e sus pendue Enjeu d importance pour la fiction com prendre que l o elle transporte avec le plus de puissance dans le fantastique c est lorsque sa cr dibilit ne peut tre mise en cause justement pour convoquer d abord cet environnement strictement quotidien preuve que ces fictions du plus pur fantastique sont souvent crites dans le Journal lui m me parmi des dizaines d autres descriptions de la pi ce o crit Kafka voir par exemple pour la seule ann e 1914 aux dates 111 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 112 Tous les mots sont adultes successives du 27 mai du 11 juin et du 25 juin Ici c est presque juste le un peu plus tard que d habitude qui induit le d calage initial avec la r alit
67. cit d un d sespoir Ce monde est donn l homme ainsi qu une nigme r soudre Toute ma vie ses moments bizarres d r gl s autant que mes lourdes m ditations s est pass e r soudre l nigme Entr dans des contr es insoup onn es je vis ce que jamais des yeux n avaient vu Rien de plus enivrant le rire et la raison lhor reur et la lumi re devenus p n trables Georges Bataille L Exp rience Int rieure Gallimard 1943 Novarina Bond instructions aux acteurs On explorera au dernier volet de ce livre comment l criture peut se nommer elle m me En recourant l criture d instructions aux acteurs puisque telle est la formule la plus souvent employ e pour ces textes cou rants de l dition th trale ce n est pas une mise en abyme du th tre qu on veut conduire C est encore une fois d finir une sorte de paysage concret pour l o on va prononcer les paroles et comment Construire un imaginaire de la parole partir de quoi le th tre pourra 262 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 263 Chapitre part de l criture de th tre se charger de tous les mat riaux qu il lui semblera bon Si cet imaginaire est b ti et convoqu avant l criture elle m me on lui donne une chance de devenir criture de th tre D o importance de ces textes si fr quents chez les auteurs de th tre dont on a rarement l im pression qu ils ne
68. concernant le corps le souffle et l immense dehors Ainsi J ai cru rejoindre par instants une r alit plus profonde comme un fleuve la mer occuper un lieu du moins y acc der de mani re furtive y laisser une empreinte y voler un tison un lieu o l opacit du monde semblait s ouvrir au ruissellement confondu de la parole de la lumi re et du sang J ai cru traverser vivant les yeux ouverts le n ud dont je naissais Une souffrance morne et tol rable un confort touffant se trouvaient d un coup abolis et justifi s par l illumination fixe de quelques mots inesp r ment accord s Nous co ncidions hors du temps mais le temps pliait les genoux et si je ne le ma trisais pas dans sa course du moins commandais je alors ses fulgurantes clipses Je lai cru Le battement de l ab me scandait abusivement l offrande de ros e au soleil dehors sur chaque ronce Jacques Dupin Le Corps clairvoyant Gallimard Po sie 1999 Et comme cela r pond cette tenue po tique sur le geste d crire miroir ab me d une narration d jou e miroir du simulacre ab me du scrupule 305 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 306 Tous les mots sont adultes je ne songe crivant depuis le premier souffle crivant qu ce pouvoir d all gement d ubiquit de d double ment de survol que m apporterait le r cit sa semence jet e au gouffre m me son corps morcel
69. d un enfant de quinze ans Le Tour de France de deux enfants etc Ce n tait pas l un de ces grands livres rouges comme les Jules Verne de la collection Hetzel mais un gros volume broch r unis sant de nombreux fascicules dont chacun avait une couverture illus tr e L une de ces couvertures repr sentait un enfant d une quinzaine d ann es avan ant sur un sentier tr s troit creus mi hauteur d une haute falaise surplombant un pr cipice sans fond Georges Perec W ou le souvenir d enfance Deno l 1975 Ce qui fait du livre de Perec une passerelle centrale c est de commencer justement par cette coupure on n en appelle pas une m moire qu on poss de par avance et qu il s agit de mettre en partage Il s agit d al ler de l autre c t de ces fils bris s d une puissance incroyable de suggestion il mest arriv de l exp ri menter avec une classe de CE1 l enfance c est toujours ce qu on n est plus On parle de l enfance mais depuis ce qui en a s par non pas rapporter le flux de la vie tel qu il nous a amen s jusqu ce que nous sommes mais bien proposer de partir la rencontre d clats tr s pr cis qui seraient autant de petites nigmes et pour les quels nous savons notre dette Non pas de chronologie non pas de masse mais ces clats Wen propose ensuite toute une suite d exemples l histoire du bon point les sapins de No l l in
70. de la disposition naturelle des l ments et qu on perd cette vue g n rale pour ne plus voir que leur d tail tout aussi fascinant avant qu on se rapproche encore et que l avion arrivant sur la piste ne vous offre plus qu une tendue universellement normalis e d herbe rase et de bitume C est le g nie de Claude Simon d avoir saisi ces suites d instants pour structurer son livre On peut voquer Beno t Mandelbrot sa vie et son invention des fractales leurs r percussions partir du probl me initial d un calcul lin aire des c tes de Bre tagne Dans le texte qu on va crire sur une vue a rienne de sa maison ou sa cit son quartier sa ville ce sur quoi on insiste c est que chaque phrase induise une rupture d chelle donc d altitude et de globalisation du regard Exercice impressionnant parce que nous m mes avons norm ment y d couvrir il ne s agit pas d appliquer une recette dont on sache d avance le r sultat et c est cela l important en atelier d criture qu il puisse cr er un laboratoire commun parce que c est le m me monde et la m me intensit d inconnu que nous avons en par tage et que le regard de ceux qui nous induisons crire vaut au m me degr au m me niveau que ce que nous pourrions dire de notre c t de la culture Aucune ville ne r pond mieux l expression sortie de terre que New York ou faudrait il dire plut t jaillie
71. de faire passer avant tout le reste cette autonomie de la langue et son chant m me lors qu il s agit des choses les plus ordinaires ai propos en cole primaire l extrait ci dessus en demandant de revi siter dans cet exc s les bobos et maladies d enfance r sultat garanti Cette libert acquise vis vis des signes en introduisant la lecture de Val re Novarina m a toujours stup fi Les textes qu on obtient partici pent eux aussi d une po tique neuve et peut tre parce que mentalement crits pour tre dits on dispose d un film documentaire sur Novarina crivant dans son ate lier parfaitement vide en ces p riodes un vieux t l phone sur une tablette surmont du pr nom crit en gros de ses acteurs personnages c est pour eux dans leur bouche qu il crit voir plus bas la section criture de th tre textes qui appellent la voix haute la prof ration et le corps Je donne comme contrainte qu on parte d une liste effective de tous les toponymes et noms propres de lieux qui ont t les n tres qu chacun on laisse la phrase 151 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 152 Tous les mots sont adultes se distordre pour capter plut t un sentiment lointain un sentiment m me flou Et qu on accepte que ce flou contamine en retour le toponyme qui en est le rep re et commence la phrase Longtemps je me suis refus cet exercice le consid rant comme trop p
72. de la terre tr s fine Les murs de la m me couleur Presque rien l int rieur de cette maison minuscule avec une toute petite vie dedans Presque rien Sauf une table et une chaise On reste debout m me apr s avoir dit bonjour On lui tend un paquet de cigarettes Suzanne Moreau Elle sourit aux anges Un sourire de femme dent e Ce bonheur fugace et l horreur de ce sourire Il y a quelque chose qui ne colle pas qui est intol rable Ferme la bouche Suzanne Moreau tu me fais peur Suzanne Moreau comme un masque de la vieillesse avec des cheveux bruns dessus Des cheveux qui ne vont pas avec le reste Des cheveux permanent s comme des poils de chien Elle n est pas belle Suzanne Moreau pour tant elle l a t En r alit ce n est pas ton visage qui m a effray ce jour l C est ta vie comme un rien C est l abandon de tous les tiens dont j tais t moin C est la g ne de ta fille aussi ma m re qui nous avait amen s l pour se racheter de la distance qu elle avait t oblig e de mettre entre vous Comment je t ai appel e ce moment l J ai d te dire Madame pour marquer la distance mon tour Je ne t ai pas connue Suzanne Moreau je le regrette et j aurais aim que tu sois heureuse 301 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 302 Tous les mots sont adultes Je ferme les yeux tu es l Tu nmas pas souffert tu n as pas t aban donn e J ai le droit de faire ce r
73. des c cums des belv d res des lanternes des fontaines des sta tues fissures L zardes humidit promenant d un r servoir situ pr s du ciel Comment avertir les gens les nations avertissons l oreille les plus intelligents 176 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 177 Troisi me cercle conqu rir l intensit Tout en haut une colonne craque et ses deux extr mit s se d placent Rien n a encore croul Je ne peux plus retrouver l issue Je descends puis je remonte Une tour labyrinthe Je n ai jamais pu sortir J habite pour toujours un b timent qui va crouler un b timent travaill par une maladie secr te Je calcule en moi m me pour m amuser si une si prodigieuse masse de pierres des martres de statues de murs qui vont se choquer r ciproquement seront tr s souill s par cette multitude de cervelles de chairs humaines et d ossements concass s Je vois de si terribles choses en r ve que je voudrais quelquefois ne plus dormir si j tais s r de n avoir trop de fatigue Charles Baudelaire Petits po mes en prose Michel L vy 1869 On peut sugg rer de se concentrer uniquement non pas sur le contenu du r ve son histoire mais sur les fragments d images de lieux qu il nous laisse un chemin en arrondi une place une ville un mur une pi ce des couleurs arrang es un ciel Saisir ces lieux comme par cette technique de croquis des peintres dit
74. des esquisses mythologiques de notre monde contemporain imm diat Je demande 109 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 110 Tous les mots sont adultes seulement le plus grand respect formel du texte de Kafka quatre versions dont la premi re soit forc ment comprim e et condens e en cinq lignes et que le texte finisse aussi par cette formule Reste l inexplicable Mais on peut aussi sugg rer que l espace familial est aussi rempli de ces histoires versions successives Voire sa propre histoire soi m me comme mythe inventer puisqu on est toujours soi m me inexplicable signaler aussi dans ce classique des exercices d ini tiation l criture cr ative ludique qu est La Petite Fabrique de litt rature Magnard 1991 un exercice d tymologie invent partir du r cit de Kafka Le Souci du p re de famille le tricotin Odradek Le nom de l objet familier examin par Kafka la lumi re d une tymologie invent e d cale tout ce qui dans le contexte familier de la maison est sa proximit imm diate la cage d escalier la malle jouets deviennent des lieux d nigme et l objet lui m me la simple bobine de fil avec quatre clous plant s comme on faisait encore dans les coles primaires des ann es 1950 par d tournement textuel permet au texte sous ses dehors apparents d ob jectivit de devenir un des plus myst rieux de Kafka o toute la fo
75. des noms de ce genre aux b timents nouveaux de l expansion 82 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 83 Premier cercle les trajets la ville urbaine est un nom artificiel et mort qui ne sert pas Pourquoi le balcon clignote On apprend qu il y a sur le b timent du 36 une enseigne g ante Arthur Martin Mais qu elle n est pas visible de jour elle n est visible que la nuit quand on dort et de plus elle n est visible qu distance quand on passe sur l autoroute A3 et dis para t quand on est juste sous le b timent Arthur Martin mat riel lectrom nager monochrome et parall l pip dique comme les immeubles subvertit donc dans la pratique le nom administratif Ph bus et le num ro 36 c est un rapport au nom totalement in dit dans la langue Qu on pense l importance des Carr s de Male vitch dans l art de ce si cle et ce nom de lieu venu d un objet monochrome et g om trique n apparaissant que lorsqu on s en s pare la nuit ou lorsqu on est dis tance de son territoire puisque l enseigne surplombe la tour prend pour l esth tique du langage une nouvelle dimension Le soir minuit la lune paraboles un grand b timent rouge et bleu un parking un grand muret une moto d soss e une pou belle br l e un banc rouge les buissons un banc rouge l herbe un escalier un grand mur les chiens de Li
76. deux bour reaux dans le placard balai qu on ouvre et referme de l escalier du bureau dans Le Proc s de Kafka En fin de cycle d ateliers cette proposition permet une transition on dispose une grille narrative forte dans laquelle les bulles qu on laisse diffuser ces des criptions de sc nes fixes sont des espaces libres et sans contrainte On trouve dans les cahiers de Franz Kafka des dizaines de ces proses ultracourtes qui sont pourtant des r cits complets et circonscrits de vraies merveilles narratives J am ne plut t avec moi en contrepoint du Loup des steppes de Hermann Hesse qui rend visible le dispositif Daniil Harms 1905 1942 dont les crits Christian Bourgois 1993 sont une des tr s rares tentatives d ex plorer pour elles m mes ces formes br ves de narrations 324 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 325 Cinqui me cercle vers le livre en dix ou quinze lignes et d utiliser la bri vet m me comme transition potentielle l univers fantastique Enfin cause de cette bri vet m me ce sont des textes tr s forte th tralit souvent b tis autour d un mouve ment corporel tr s simple s asseoir se tenir debout Celui ci au titre nigmatique Maltonius Olbren est crit en 1937 au plus fort des purges staliniennes qui se res serrent autour de lui et ses amis et le frapperont bient t Sujet un homme d sire s lever de trois pieds au dess
77. difficile pour nous ce chant des enfants j ai toujours pleur Et je pleure encore Marguerite Duras Ecrire Gallimard 1993 Et qu on se gu risse d aller emb ter un participant qui lui aussi aurait install tr s avant d sert Registre quatre l enqu te Un chemin d histoires et de paroles o ce qui advient la narratrice se fait entendre par des biais diff rents mais tous dialogiques En quelques pages Duras convoquera des t moignages ou citera une gardienne d glise une patronne de restaurant et une pharmacienne et le personnage qui d double le jeune mort inconnu cet homme nigmatique qui longtemps viendra fleurir la tombe et puis cessera est racont par fragments collect s et rassembl s par la narratrice aupr s de sources diff rentes mais qu elle garde dans leur nature dialogique Tous les gens du village connaissent l histoire de l enfant Et aussi l his toire des visites du vieil homme ce vieux professeur Mais de la guerre ils ne parlent jamais plus La guerre c tait pour eux cet enfant assas sin vingt ans Marguerite Duras Ecrire Gallimard 1993 293 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 294 Tous les mots sont adultes Enfin ce qui donne ce texte son l vation Mar guerite Duras y bascule soudain un souvenir autobio graphique mais en le tenant distance On saura seulement l existence d un fr re mort tr s jeune en Asie dans
78. dont la phrase se saisit et qu elle fait d filer Celui qui erre la mi nuit sur les galeries de pierre pour estimer les titres d une belle com te celui qui veille entre deux guerres la puret des grandes lentilles de cristal celui qui s est lev avant le jour pour curer les fontaines et c est la fin des grandes pid mies Celui qui peint l amer au front des plus hauts caps celui qui marque d une croix blanche la face des r cifs celui qui lave d un lait pauvre les grandes casemates d ombre au pied des s maphores et c est un lieu de cin raire et de gravats pour la d lectation du sage celui qui prend logement pour la saison des pluies avec les gens de pilotage et de bor nage chez le gardien d un temple mort bout de p ninsule et c est sur un peron de pierre gris bleu ou sur la haute table de gr s rouge celui qu encha ne sur les cartes la course close des cyclones Celui qui r gle en temps de crise le gardiennage des hauts paquebots mis sous scell s la boucle d un fleuve couleur d iode de purin ceux l sont princes de l exil et n ont que faire de mon chant Saint John Perse Exil Gallimard 1941 ditions Gallimard 1941 Dans ce po me crit en 1941 dans une le de l At lantique la scansion est au rythme de la vague La force ternaire du celui qui de Saint John Perse emp che la phrase d tre aspir e par les cadences courtes de l o
79. du visible impliquant chaque pas un saut qua litatif de ces largeurs de focale dans l criture je propose aussi ce texte de Claude Simon non pas comme inven taire mais comme suite impossible rattraper de tout ce qui fuit non pas ce qui advient la vision mais comme l image qu on vient juste d en d tacher alors qu en sur git une nouvelle En transf rant au temps de l criture comme l quivalent de cette fuite c est l accumulation la lin arit du dire qui devient po me Par exemple partir de la gare de l Est not successivement Hangars Gare de marchandises Multitudes de voies 67 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 68 Tous les mots sont adultes Entrep ts HLM Poste d aiguillage Terrains vagues Usines Pavillons Jardinets Gazom tres Lignes haute tension Pyl nes Usines Cl tures en plaques de ciment Pavillons pierre meuli re marron ou cr pis gris noir Cimenterie Linge rose qui s che gardien Garage en briques cour pleine d autos la casse Claude Simon Le Jardin des Plantes Minuit 1998 En insistant bien alors qu il ne s agit pas d observa tion ni d accumuler du vocabulaire ou du visible mais de d plier ce qui du r el s est invisiblement superpos par strates dans le mental o l il s accroche par un d tail linge rose qui s che o nous m mes lisons ce qui nous importe dans
80. e du texte C est un des ressorts les plus puis sants des descriptions ultra contemporaines et monu mentalement br ves un pavillon avec ses nains de jardin ou l int rieur d un ch teau d eau lattente dans une voi ture dans une rue de petite ville une salle d attente chez un dentiste ou les salles de transit d un a roport ou encore chez le m me Jean chenoz cette version auto routi re du principe de la Prose du Transsib rien Par plusieurs portes de Paris s en vont ainsi des autoroutes bord es de toutes sortes de murs antibruit tr s diff rents les uns des autres Certains ondulent ainsi que des t les mutantes d autres d ploient des arceaux de tubulure parfois l un d eux sugg re un souvenir de block haus agr ment de plantes grimpantes Coiff s d auvents bard s d as p rit s ou de contreforts ces ouvrages d art s incarnent en mat riaux vari s m tal b ton plastique fa ence ou miroir terre cuite et bois igni fug Diversement inclin s par rapport aux voies d aucuns sont aussi translucides ou presque transparents ou bien encore comme celui ci juste perc de hublots vitr s d un petit m tre de diam tre Entre ce mur et la fa ade de la r sidence s tendait dans l ombre un mince rec tangle de mauvaises herbes vivaces d un vert wagon synth tique et lui sant Jean chenoz Lac Minuit 1988 Limaginaire des cartes Th me faire de sa vie une carte qu
81. en s parer par la publication Convoquer ce livre c est donc un moyen de l intro duire et de le rendre n cessaire Mais c est le second texte sur lequel je propose un travail Tout au long de ce texte de vingt six pages on a la conviction que Mar guerite Duras aurait pu en crire tout un livre un livre aussi dense et nourri que les romans des ann es 1950 1970 qui sont le c ur de l uvre mais aussi comme 290 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 291 Cinqui me cercle vers le livre leur cercle mat riel au centre duquel elle m me aurait install comme ce laboratoire vertical de textes qui interrogent la litt rature et le monde partir de l exis tence m me de cette uvre qui les lui donne lire Ainsi de ce texte La Mort du jeune aviateur anglais o chaque paragraphe donne distinctement lire en m me temps qu il ajoute la narration y ajoute de fa on n cessaire et qu on ne saurait retrancher sans qu un l ment manque l quilibre global son statut m me dans l criture Jy rep rerais cinq de ces registres Un le fil narratif subjectif parole de l auteur en tant qu auteur parlant sa d marche mesure qu il avance Le d but le commencement d une histoire C est l histoire que je vais raconter pour la premi re fois Celle de ce livre ici Marguerite Duras Ecrire Gallimard 1993 Deux une suite d l ments informatifs q
82. es neuves pour y puiser tout un cycle d atelier et 25 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 26 Tous les mots sont adultes pourtant c est un texte au plus haut point sensible o on se surprend chaque fois qu apr s avoir lanc un groupe sur une piste qui en vient d couvrir soi m me au coin d une page encore une nouvelle strate singuli re r pertoire de leux inhabitables images soudain mer gentes de no man s land pr s de l ancienne Allemagne de l Est ou J rusalem incursion dans le souvenir des romans ou fictions m nageant au sein de leur territoire une pi ce vide Il y a un enjeu encore in dit la fr quentation de ce livre c est son mat riau lui m me qui le contraint cette forme d avanc e par boucles concen triques l espace grandissant et non le rapport qu on entretient son nonc sp cifique le lit la chambre l appartement la rue le quartier la ville etc C est pour rendre possible cette marche par boucles leur per manente annulation pour laisser la place la suivante que chaque chapitre nonce des possibilit s de fiction sans les r aliser ce que Perec r alise dans d autres livres La Rue Vilin ou bien Tentative d puisement d un lieu parisien accomplissant par exemple tour tour une des formulations bauch es ici puis d laiss es Esp ces d espaces se pr sente comme donc un ensemble de livres possibles mais non accom
83. et art du monologue Le masque le vrai la fiction plong e vers le personnage Cinqui me cercle vers le livre Construire avec Marguerite Duras la fiction se cr ant partir d elle m me L t 80 retour au r el comme nigme 249 251 255 260 262 265 266 274 281 281 282 L Amour la narration filmique comme extension du litt raire La Mort du jeune aviateur anglais nigme intuition r cit Vies minuscules criture majuscule Le corps crit hommage Jacques Dupin Rythmes de l criture trois tats d une m me qu te Conort Sacr Emaz Charles Juliet d plier le mot crire La Sentimenth que de Patrick Chamoiseau sources int rieures de l criture Conseils pour l invention du livre 340 285 290 295 302 306 313 315 317 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 341 Table des mati res Dans les coulisses du fantastique Le fragment forme majeure Maurice Blanchot Remerciements Index des auteurs et des uvres cit s 322 325 331 333 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 UE 17 41 Page 342 Ouvrage r alis en Plantin et Gill par Dominique Guillaumin Paris
84. et tant d exp riences une fois que je pars l autre continue et plus besoin d crivain La ligne fronti re c est la litt ra ture et non pas celle ou celui qui y recourt Comment dans le cycle d atelier on peut construire pour chaque s ance pour chaque texte le rapport avec les auteurs et les livres et cela n est pas vident On ne trouvera pas dans ce livre des directions fond es sur les jeux d cri ture sur le r cit de vie sur l criture fonctionnelle ou bas e sur le genre c est un peu trop la mode ces divi sions de stages ou ateliers nouvelle ou sc nario ou chanson il me semble pr f rable de travailler l amont le surgissement la convocation et apprendre reconna tre soi m me o s tablit le rapport de n ces sit d une forme litt raire quand bien m me non iden tifi e par avance Il y a enfin ce que cela change en soi de conduire un atelier d criture en quoi cela vous transforme dans vos propres pratiques d criture Dans un premier temps pour moi cette question de visibilit du r el La passion approcher ce sentiment de pr sence qu on a aux choses aux visages ou dans la ville le d plier et que ce d pli soit de langue neuve Non pas qu on transpose dans son criture personnelle cette r v lation qui n ap 13 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 14 Tous les mots sont adultes partient qu ceux qui l crivent
85. exemple le 4 octobre 1911 sa description des lentes modifications de lumi re dans la pi ce autour de lui qui ne fait rien qu tre sur son canap Vers le soir sur le canap dans l obscurit de ma chambre Si la lumi re du vestibule et celle de la cuisine tombent en m me temps sur la porte vitr e une lueur verd tre ou plut t car je ne veux pas d pr cier la certitude de mon impression une lueur verte se r pand presque jusqu au bas des carreaux Mais qu on ferme la lumi re dans le vesti bule et que celle de la cuisine seule reste allum e alors la vitre la plus proche de la cuisine devient d un bleu fonc passe au bleu blanch tre si blanch tre que tout le dessin du verre d poli t tes de pavots styli s es lierres divers carr s et feuillages se dissout Franz Kafka Journal traduit de l allemand par Marthe Robert Grasset 1954 102 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 103 Hommage Franz Kafka Et par exemple quelques semaines d intervalle le 13 d cembre 1911 Je nai pas crit parce que j tais fatigu et je suis rest couch sur le canap dans la chambre chaude puis froide avec des jambes malades et des r ves d go tants Un chien tait couch sur moi une patte tout pr s de mon visage cela m a r veill mais pendant un bon moment encore j ai eu peur d ouvrir les yeux et de le regarder Franz Kafka Journal traduit de l allemand par Marthe Robe
86. formes po tiques consacr es Paris la contrainte que se donne Roubaud d une tech nique diff rente et identifi e pour chacun des cent cin quante textes en fait une mine de propositions d criture En particulier ce texte qui s intitule L Heure on d place le temps contin ment sur l espace d une journ e et on examine pour chaque instant quoi et quel endroit entre en r sonance dans la ville qu alors on nomme On passe ainsi de l heure du r veil des habitants du passage de la reine de hongrie l heure du sommeil des habitants de la rue du parc de charonne en passant pour le soir par ces heures de l asphyxie des pi tons de l avenue de la porte de 93 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 94 Tous les mots sont adultes vitry et heure de l asphyxie des marronniers de l ave nue de la porte d issy l heure du r veil des habitants du passage de la reine de hongrie l heure de l ouverture du caf de la rue du moulin de la pointe l heure du ramassage des poubelles de la rue du sommet des alpes l heure de l ouverture de la boulangerie de la rue du roi de sicile l heure de l extinction des r verb res de la rue du pot de fer l heure de l ouverture de la boucherie de la rue du faubourg du temple l heure du lever des enfants de la rue de la poterne des peupliers l heure de l ouverture de la charcuterie de la rue du moulin des pr s l heure de l invasio
87. fruit doit se rompre pour que son c ur puisse s offrir au soleil ainsi vous devez conna tre la douleur Et pourriez vous garder votre c ur dans l merveillement du miracle quotidien de votre vie votre douleur n appara trait pas moins mer veilleuse que votre joie Beaucoup de votre douleur est par vous m mes choisi C est la potion am re par laquelle le m decin en vous gu rit le malade Khalil Gibran Le Proph te traduit de l arabe Liban par Camille Aboussouan Casterman 1956 Variation 4 Po me crier dans les ruines Le texte qu on pr sente est pris la grande explosion dada ste Po me crier dans les ruines de Louis Ara gon dans La Grande Gaiet 1924 on peut le retrouver dans la tr s pratique Anthologie de la po sie fran aise du XX si cle Gallimard Po sie 1983 La notion qu on met principalement en avant est celle de fil rythmique par rebonds depuis l attention port e aux mots qui sur gissent devant soi accepter de les reprendre savoir quel mot est pivot et chercher dans cette r p tition des mots aller plus loin dans l obscurit de ce qu ils indui sent Donc ne pas h siter reprendre et explorer trans versalement temps d arr t du po me sur quatre ou cinq vers successifs avant qu il transf re ailleurs son objet et recommence On est parvenu dans le cycle d atelier un moment o la difficult crire est moindre parce qu o
88. ins talle c est une tension L espace des rapports qu entre tiennent le monde au dehors le corps sa masse et ses gestes le souffle et la vision avec la page les mots l cri ture Alors c est bien d crire qu il est question mais rebours de l criture mise en place des tensions vives et des forces physiques par quoi elle advient et s en tenir l installer cela dans l espace graphique et les formes Sans doute on peut proc der ainsi avec Leiris Michaux Albiach ou Royer Journoud ou Roubaud ou quelque autre po te L avantage de Dupin c est cette s dimentation de temps dans les mots et la pr sence 304 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 305 Cinqui me cercle vers le livre fleur du visuel au plus vif celui qu on tire de la fr quentation des peintres D autre part dans le m me recueil des moments en prose R cit permettent de mettre en balance cette criture dans l espace avec un mouvement duel proche de la prise de note une phrase continue et compacte dit l instant de l criture C est ce m me instant lorsqu on est arm qu on arr te et qu on d ploie dans l espace graphique On peut m me sugg rer de travailler en deux colonnes en vis vis l une depuis cette accroche en prose l autre proc dant l clatement des figures inscrites Seule condition pour tout cela savoir ce qu on doit soi m me cette exploration pr cise
89. inventaire les lieux qui sont les n tres sur la carte du monde avec extension bien s r aux lieux r v s en haut d un arbre ou au p le sud C est la contradiction ici qui fait l int r t du texte d un c t les cases s par es de ce qu on pr sente comme image fixe sur sc ne sur maison sur visages temps saisi dans un v nement significatif et de l autre c t le dispositif narratif qui invente le pays l le la mer ou la maison imaginaire qui les rejoint On trouve encore parfois chez les bouquinistes ou dans les biblio th ques cette belle compilation sous le titre de Guide de nulle part et d ailleurs l usage du voyageur intr pide en maints lieux imaginaires de la litt rature universelle qui reproduit une carte du pays d Oz celle du pays des HOUYHNHMS que Swift a invent pour y promener 76 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 77 Premier cercle les trajets la ville Gulliver l o la perfection de la nature est telle que les lettres sont toutes en d sordre et Pellucidar continent souterrain situ huit cents kilom tres sous la surface de la terre invent par Edgar Rice Burroughs et o de 1922 1963 il a situ le r cit de neuf livres J ai souvent propos en coll ge par exemple de tra vailler d abord par anagramme la fabrication d un pseudonyme personnel et de proposer ensuite la des cription d un plan de ville de pays ou
90. je continue cette accumulation le seul changement c est peut tre la fa on dont soi m me on exprime sa propre curiosit et l enjeu aussi qu il y a l o tout le corpus de notre litt rature vient de l excep tionnel des puissants constituer cette m moire des humbles faire trace de nos g n alogies des sans voix La grammaire mobile du tu Charles Juliet Il y a quelque outrage se saisir d un livre aussi intime et dense que Lambeaux de Charles Juliet pour un atelier d criture Mais ce qui nous le rend aussi utile c est sa construction en parfait diptyque et que l ins tance m me de l opposition des deux volets gaux du 123 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 124 Deuxi me cercle l identit reconstruire livre quatre vingts pages contre quatre vingts pages c est le statut diff rent du m me pronom le r le essen tiel du tu entre le personnage la m re la m re que Charles Juliet perdra jeune dans la premi re partie la m re adoptive dans la seconde et le narrateur auteur Tout simplement parce que dans la premi re partie le tu d signe l autre la m re mais la d signe en dehors de sa relation avec le narrateur Avant sa nais sance hors de la relation qu il aura pu entretenir avec elle sauf dans les ultimes pages de la premi re partie celles de l adieu et de la mort Dans la seconde partie le m me tu d signe le narrate
91. l arbre ou cueillir aux branches Chacun dispose de ce mat riau norme riche dont le mot m me d inventaire suppose la pr existence Mat riau qui n appartient pas une sph re collective d tach e de soi m me mais pose d embl e qu il est subjectif et singulier qu il fait de nous un individu unique infiniment singulier La seconde qualit est moins apparente mais plus essentielle la simple coupe d un item l autre de Pin 20 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 21 Ouverture hommage Georges Perec ventaire fait que la phrase ne s interroge pas sur ce qui la pr c de et ce qui la suit Son surgissement s organise depuis un centre de gravit qui tant celui de son objet unique n appartient qu elle seule En insistant aupr s des participants que peut tre la phrase a commenc avant que sans doute on pourrait la continuer apr s et que ce qu on vise n est pas le r el mais ce minuscule fragment de m moire ce qui persiste m me flou ou vague et que c est la subjectivit de cette perception qui compte on fera traverser la rupture principale qui s pare le langage usuel de la prose litt raire On va per cevoir d s cette premi re et l mentaire bascule que chaque phrase dispose d un poids et d une force orga nique partir desquels elle s organise avec les autres pour former le r cit Sans m me en parler pr alable ment on va mettre l
92. l opacit voire les expressions illisibles du texte qu on soumet comme d clencheur vont permettre d appr hender lob jet de l criture comme lui m me opaque inaccessible et pourtant s appuyant sur une r alit certaine une sin gularit unique C est par un surprenant texte d atelier sur cette pro position d un travail sur la g n alogie il y a plusieurs ann es maintenant que j ai pu remonter vers la forme qui depuis me sert de d clencheur L orpheline de la campagne bonne cuisini re et courageuse je l ai peine connue L ouvrier la salopette bleue et parlant peu mort d un arr t du c ur je l ai tr s peu connu Le garagiste italien mort d une pneumonie comme souvent les gara gistes cette poque je ne l ai jamais connu 118 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 119 Deuxi me cercle l identit reconstruire L homme de la R sistance l homme du savoir mort de g tisme dans une chaise de paralytique je l ai un peu connu Centre dramatique r gional de Tours stage avec des acteurs professionnels 1995 L anonymat des silhouettes ici m a amen ce rap procher ce texte d Exil de Saint John Perse dont le chant VI s il ne traite pas de g n alogie en collationnant cette suite d hommes investis d une responsabilit indi viduelle jouant sur le destin collectif m avait laiss une m me sensation de proximit aigu ceux
93. la guerre et disparu sans s pulture Elle nous affirme que ce qui a tiss ce lien entre elle et la tombe du jeune aviateur anglais Vauville c est ce qu elle n a jamais explicit en elle l insurmontable ce fr re Et c est cela qu il faut faire comprendre on parlera du d tail de la tombe on voquera le tablier de la gardienne de l glise ou les chats du cimeti re parce que du centre on ne parlera pas mais c est pourtant cela seulement qui donne son l vation sa n cessit au r cit Marguerite Duras bascule m me le temps d un paragraphe dans un tutoiement adress directement au fr re disparu Et c est depuis ce centre qu elle tiendra un ultime fil celui d une mise en abyme ici le mot litt ralement pris en ins rant dans le r cit ce qui concerne son criture et pour elle la d cision de le laisser tel dans son clate ment et la disparit de ses mat riaux la r currence obs tin e des phrases de sa qu te On devrait pouvoir faire un certain film Un film d insistances de retours en arri re de red parts Et puis l abandonner Et filmer aussi cet abandon Mais on ne le fera pas on le sait d j Jamais on ne le fera Marguerite Duras crire Gallimard 1993 Ce que je ne peux pas proposer aux participants c est le point de d part l nigme qui sera pour eux la st le anonyme sur sa pelouse de village Si on a pratiqu les deux propositions pr c dentes l
94. la trans lation induisant dans son grand charroi des r p titions si ces vues se r p tent Toutes les gares l zard es obliques sur la route Les fils t l graphiques auxquels elles pendent Les poteaux grima ants qui gesticulent et les tranglent Souligner aussi qu en isolant chacune de ces perceptions en les s parant de ce qui les pr c de et ce qui suit on ouvre le texte l exc s po tique de Pimage Dans les d chirures du ciel les locomotives en folie Et que cet exc s n est pas seulement dans le domaine du visuel mais tout aussi bien par exemple dans l auditif Les roues vertigineuses les bouches les voix nous sommes un orage sous le cr ne d un sourd En ce temps l j tais en mon adolescence J avais peine seize ans et je ne me souvenais plus de mon enfance J tais 16000 lieues du lieu de mon enfance J tais Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares Et je n avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours Car mon adolescence tait si ardente et si folle Or un vendredi matin ce fut enfin mon tour On tait en d cembre Et je partis moi aussi pour accompagner le voyageur en bijouterie qui se rendait Kharbine Nous avions deux coup s dans l express et 34 coffres de joaillerie de Pforzheim 72 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 73 Premier cercle les trajets la ville De la camelote allemande Made
95. lard et l anus et les coule ments excr ments et les boucheries des animaux innocents Je dis NON la basse cour la Haute Cour les bombyx les bombements Je dis NON aux strat gies amoureuses aux ogives nucl aires aux mis siles et fus es mortuaires Je dis NON aux duplicatas Je dis NON l tat La culture ou l ordure Je suis contre Je dis NON aux manies c r brales aux visages d tourn s aux rivi res dess ch es Je dis NON aux corcheurs procureurs professeurs ordinateurs aux mus es et aux r teliers Il y a OUI pour le NON II y a po sie et po sie Il y a eau min rale et eau min rale Il y a c r monies Il y a tout le fourbi Il y a le roussi Il y a la folie Po te maudit par le monde je marche sur cette terre sur ma terre humili e estropi e condamn e et mes jambes tremblent d effroi Paul Valet Soleil d insoumission ditions Jean Michel Place 2001 R ponse au lyc e professionnel Fernand L ger d Ar genteuil classe 1 productique JE DIS NON aux contr les muscl s que je vis presque tous les jours en descendant de chez moi 129 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 130 Deuxi me cercle l identit reconstruire JE DIS NON aux disputes avec mes potes pour des conneries JE DIS NON aux mendiants que je vois tous les dimanches au march d Argenteuil JE DIS NON la vie que je suis en train de vivre et qui ne me pla t pas
96. le r el Le visible devenant donc certainement quand bien m me nous serions plu sieurs reconstituer le m me parcours une sorte d au toportrait par ce que s lectionne et privil gie le regard On peut raconter la situation narrative de ce grand livre crit par un homme de quatre vingt cinq ans astreint d sormais l immobilit et le mettre en relation avec le trajet l uvre et ses r currences de Claude Simon La vision plan taire et constamment cin tique qui fait du Jardin des Plantes une sorte de sommet de l uvre c est la suite des conf rences et invitations tout autour du monde que lui vaut son attribution du prix Nobel en 1986 Qu on ait pris l avion ou pas chacun a dans la t te ou peut reconstruire la photographie vue d avion de sa propre ville elles sont devenues part de l imaginaire col lectif les quotidiens de province ou les journaux locaux en publient fr quemment et on en trouve aussi sur 68 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 69 Premier cercle les trajets la ville Internet C est une prise de distance qui permet d amorcer par rapport la notion d espace d architec ture urbaine de circulation et de consommation un nouveau regard Insister sur cet trange instant tr s mince bascule o tout d un coup ce qu on regardait fas cin par le hublot de comment se cr ent et se structu rent les grands tablissements humains en fonction
97. lui m me le r ve pour affronter ce qui compte par l oubli par l cart entre le symbole et ce qu il repr sente on r ve de ses morts parce que l id e 171 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 172 Tous les mots sont adultes qu ils ne sont plus ne nous est pas recevable Le r ve joue de ces fronti res et sa rem moration partielle nous fait assister comme un spectacle de cette limite qu il inscrit L crire c est tenter de se rendre cet endroit apprendre se pi ger soi m me pour qu crire com mence cette fronti re Dans toute correspondance tout journal d crivain on retrouve le travail d attention aux r ves consid r comme une discipline permanente Les r ves qui marquent vraiment sont rares deux ou trois fois lan Mais semblent alors harponn s dans la t te avec une force de m morisation surprenante on se souvient avec pr cision de r ves tr s anciens Je parle longtemps quand on travaille sur le r ve parce que c est l ensemble de ces donn es identifiables qu on voque en parlant qui va provoquer pour chaque participant ce balayage par associations et affinit s sym boliques de ses propres pratiques de r ve En susciter l cho personnel en voquant le plus large ventail des typologies du r ve r ves d envol et de chute et pour quoi r ves de paralysie et pourquoi r ves de poursuite r ves o on est nu r ves de dents de terre
98. m me va permettre de capter une suite de choses de la plus l g re la plus grave des suites de signes et de micro narrations qui sont comme la peau du monde ce par quoi nous percevons et pensons ce qui nous entoure Le monde de Se Shonagon est tr s loi gn du n tre mais par son attention aux signes du monde la captation tr s pointue de langage qu elle en fait elle nous d signe un mode encore tr s neuf pour dire notre imm diat pr sent On peut partir de la table des mati res la liste des choses dont Se Shonagon fait les titres de ses rouleaux choses qui ne servent rien mais veillent un doux souvenir du pass choses que les gens ignorent le plus fr quemment choses qui ne sont bonnes rien choses qui distraient dans les moments d ennui et chacun 115 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 116 Deuxi me cercle l identit reconstruire partir des titres du livre peut ajouter son propre exemple Chacun choisit un intitul et commence la liste ensuite on change les feuilles Les textes resteront anonymes et chacun rebondit sur ce que l autre a crit Autre approche partir de ses choses d testables et de ses choses d solantes on va proposer l inventaire de tout ce qui grands et petits v nements remarques conversations impolitesses qui dans la vie quotidienne la derni re quinzaine nous a mis en col re Se Shona gon nous contraint de
99. ma ne mettrait plus que trois cents ans pour tre invent Ici dans le strict respect des conventions du th tre lumi res qui baissent ouvreuses quatre acteurs vont remplacer le th tre pr vu par une apostrophe en temps r el des spectateurs sur le principe m me de la repr 256 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 257 Chapitre part de l criture de th tre sentation et des paroles au th tre Malgr le titre pro vocateur d Outrage au public ce texte trange dialogue avec les plus grands moments de Pirandello le d but de Ce soir on improvise qui est sur ce m me principe Se positionner mentalement dans cette zone m diane devant le rideau est la difficult de cet exercice Pour aider je pr sente les textes qui suivent Outrage au public dans le livre de Peter Handke il s agit encore de ce qu il nomme pi ces parl es et dont les titres sont successivement Pr dictions Introspection et Appel au secours Le premier th me Pr dictions est tr s proche de Rabelais Ceste ann e les aveugles ne verront que bien peu les sourdz oyront assez mal les muetz ne parleront gui res les riches se porteront un peu mieulx que les pauvres amp les sains mieulx que les malades Plusieurs moutons boeufz pourceaulx oysons pouletz amp canars mour ront amp ne sera sy cruelle mortalit entre les cinges amp dromadaires Vieillesse sera incurable ceste ann e c
100. me celui qui crit travers par ce qu il d crit en l occurrence un ma tre de l art d crire Proust dans son lit qui le re oit et lui parle Int grer la parole dialogu e ou pas dans un disposi tif narratif sans qu elle soit redondante par rapport ce dispositif Faire fonctionner ces paroles pour qu elles vaillent par elles m mes ind pendamment du sens qu elles transportent Faire surgir en travers de la page 183 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 184 Tous les mots sont adultes un personnage et que le contexte dans lequel il surgit existe en m me temps L tape suivante sera d en orga niser la construction Ici on va se limiter faire vivre ces trois registres s par s dans une m me criture Pour mettre en uvre cette asym trie j emploie les Rencontres avec Samuel Beckett de Charles Juliet Autre cadeau que nous l gue Charles Juliet le fait que les deux hommes soient aussi r serv s l un que l autre dans l usage de la parole euph misme fait que le moindre change est tr s pr cis ment situ dans l attitude les regards lattente et chaque parole videmment laisse de l espace pour tre interpr t e d chiffr e D autre part trois rencontres successives de longs intervalles donc trois fa ons diff rentes de construire la rencontre aussi bien dans le r el que dans le r cit Et quelle tension tout du long contenue le livre alors e
101. nos souvenirs d enfance Tout est dans le mot graveurs de son titre les souvenirs ne sont pas des souvenirs de l objet ce sont les objets qui deviennent les intercesseurs d une m moire dont nous ne savons pas disposer Alors il ne s agit plus bien s r d entrer dans la des cription d un compas quand bien m me on en ferait un objet aussi complexe que les machines du sculpteur Tin 225 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 226 Tous les mots sont adultes guely mais en approchant suffisamment les mati res les formes et la fa on dont se les appropriait la toupie avec le double d cim tre l querre rong e le d clic du stylo bille quatre couleurs c est soi m me qu on explore et videmment puisqu il s agit d outils li s la formation et soi m me dans l apprentissage c est cette image de soi que gravent mat riellement ces objets si pr cis dans le souvenir qui s ouvre la magie du texte Notre vision po tique du monde se formait dans ces heures ces lumi res ces voix de l cole lointaine dans le temps immobile o nous r vions devant l objet suivre de pr s par exemple la capacit qui signe l en fance la fa on dont l il ici s approche ou s loigne modifie sans cesse la distance focale et le grossissement de ce qui joue dans la main et sur cette technique on peut attirer l attention des participants leur demander de se conce
102. ont t les n tres en remontant le plus loin et le plus exhaustivement possible objet qui prend une force transitionnelle pour permettre l criture de faire surgir des mondes concrets M mes r ussites avec la proposition suivante qu on pense Puti lisation de ce th me dans la litt rature fantastique la porte disparue dans telle nouvelle de H G Wells inventaire d crite chacune en une ou quelques lignes de toutes les portes qu on peut sur l instant se rem morer avec pr ci sion S amorce le passage la fiction parce que c est le geste litt raire qui reconstruit un monde ces portes deve nant elles m mes tapes successives de ce franchisse ment troublante bascule o construire des images r elles devient d crire le propre chemin fictif d un narrateur vers le lieu m me de sa fiction possible Ces inventaires emm nent tr s loin par ce qu ils d pistent et r v lent de l appropriation du monde Me reste par exemple toujours l esprit dans cette liste des lieux o on a dormi cette phrase la fois o j ai vu la tour Eiffel de Pontoise d un jeune Malien de Bagnolet qui avait aper u une seule fois la tour Eiffel en rendant visite ses cousins de Pontoise Me reste l esprit une s ance o en lyc e technique Montpellier j avais pro 32 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 33 Ouverture hommage Georges Perec pos un autre inventaire u
103. ou de feu D formation de temporalit du r ve r ves de r veil dur e du r ve Comment on r ve de ses morts Le premier travail peut tre d inventorier pour cha cun la liste tr s limit e de ses r ves r currents ceux dont on sait au moment de leur r p tition qu on les a d j faits Ce sont des figures de transition mais celles ci criture peut les capter m me si leur contexte reste vide un paysage une porte une ville Donc un travail effectuer qui d abord est d inven taire collecter par la pure concentration les fragments de r ves qui surnagent dans la m moire consciente Que ces figures du r ve appartiennent des typologies 172 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 UE 17 41 Page 173 Troisi me cercle conqu rir l intensit valables pour tout un chacun c est au point qu P ters bourg on a r cemment ouvert un mus e o elles sont en vitrine Le 4 novembre s est ouvert Saint P tersbourg une curieuse officine le mus e des R ves du docteur Freud Pass une petite porte on entre dans une salle troite aux murs recouverts d un papier peint dans le style viennois fin de si cle induisant un air un rien cosy Ni chaises ni divan C est debout que l on l che une douzaine de vitrines lesquelles font p n trer le visiteur dans lunivers de Freud de fa on plus chan tourn e que p dagogique La premi re expose conjointement une photo de Freud sur
104. partir du moment o on aura vid le texte de contenu et d intention en parlant strictement de la pluie et du beau temps depuis ce qu on voit de sa fen tre image chaque jour refaite La mer est haute tale sa surface est lisse parfaite une soie sous le ciel lourd et gris Depuis quelques jours les orages s loignent et fuient vers le large Ce n est pas ici qu il va pleuvoir aujourd hui mais en haute mer Dix heures du matin Ici il fera beau On le sait d j cause de ce vent l ger qui souffle de la terre cette clart sans ombres qui se r pand en grandes nappes in gales sur la mer et cette lumi re par ins tants jaune qui colore le sable Marguerite Duras L Et 80 Minuit 1980 283 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 284 Tous les mots sont adultes C est la premi re tape Faire comprendre qu on peut vider dix fois de suite le texte n tre que cela et pour tant produire au terme des dix chroniques comme dix palpations sensibles d une seule densit fluctuante du paysage de notre rapport l espace la ville Et c est une fois cela pos que Marguerite Duras dans chacune des dix s quences ouvre son texte au monde L t 80 c est les Jeux olympiques Moscou une famine en Afrique des violences au Guatemala et la chronique des gr ves de Gdansk qui feront basculer le r gime en Pologne et dix ans apr s la totalit de l ancien bloc socialis
105. photos qu on conna t de soi m me Va compter d abord l environnement graphique murs ciels relation avec celui qui fait la photo habits jouets autres personnages m me partiellement d chir s On int grera dans cette liste l objet photographique lui m me cadre papier marges bords annotations jau nissement et pliures etc Ce th me para t l mentaire mais peut se r v ler de grande violence celle qui dans sa famille d accueil n a jamais t photographi e celui qui r pondra par son image d form e dans le robinet du lavabo collectif de l institution o les miroirs m me taient absents le vieil homme qui se souvient que la seule photographie voquant son p re tait une photo d chir e par le milieu par sa m re o passait cependant le genou sur lequel l enfant tait assis celui qui se voit rendre par la FNAC avec la mention non factur e un autoportrait flou fait dans une circonstance pour lui majeure etc simplement parce qu on fait du sujet qui reste l enjeu principal de l criture un objet second dans l criture o tout ce qui viendra s crire sera d abord ce qui ne concerne pas ce sujet lui m me un visage s crit avec la vie et sur ces premiers visages qu on conna t de soi m me il n y a rien d crit Jam ne souvent aussi lors de ces s ances des photo graphies du Japonais Iroshi Sugimoto qui a fait tout autour du monde au bord de toutes les me
106. pla ant notre position int rieure par rap port notre m moire des images en prenant distance et tentant de les classer elles surgissent Et peu importe qu on revienne pour l exercice lui m me cette contrainte d une criture sans ponctua 213 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 214 Tous les mots sont adultes tion ce que ne fait pas Herv Guibert mais qui ouvre une telle ad quation entre le grain de la photo et la lettre ou le mot sur l espace blanc de la page Ainsi par exemple en proposant ces photographies dites par Phi lippe Minyana dans Habitations Pi ces ditions th trales 2001 o le pi ces vaut autant pour le rapport aux lieux qui lui servent de mati re que pour l affirma tion th trale Une photographie dite par un acteur quelqu un qui l imagine sans la voir c est l essence de ce travail auquel nous proc dons convocation de nos repr sentations mentales et m morisation des images et comment le langage s en approprie et les reconstruit comme fiction pour un autre l L entr e de la villa photographi e par Jean Claude Le narrateur commente la photo Annie devant la porte jupe et cardigan la porte verre sable et traverses en alu laqu fonc gauche mur de refend devant le mur coin bureau au sol gr s cr me Vision de Jean Claude j ai vu Annie couch e morte dans l entr e Propos recueillis lors de la fameuse affaire Le narrate
107. prose narrative Je suis persuad du contraire et c est le paragraphe alors dont on va prouver comme pour le vers chez Cendrars la force de coupe et rupture l effet de cadre Pen veux pour preuve cette phrase admirable de Proust dans cette magistrale le on qu est son article propos du style de Flaubert Nouvelle Revue fran aise 1920 qui n est certainement pas une phrase longue mais o la disparition de la ponctuation interne est li e au fait qu il y parle mim tiquement de cet appui sur le son m me des mots pour organiser la force de la phrase Mais nous les aimons ces lourds mat riaux que la phrase de Flaubert soul ve et laisse retom ber avec le bruit intermittent d un excavateur rapprocher de la r ponse de Proust cette Enqu te sur le renouvellement du style La Renaissance litt raire politique artistique 1922 o les points et les virgules reviennent l encore pour d signer l criture elle m me mais comme juste et l g rement port s par le mouve ment propre de la phrase C est cela qu on peut apprendre en se privant le temps d une s ance de toute ponctuation il m arrive dans le temps de lecture de demander aux participants de prononcer voix haute le nom des signes diacritiques point virgule l exercice est vraiment riche aussi pour partir la ma trise de la ponc tuation On doit tre pr occup uniquement de l impression ou de l id e tra d
108. qu il nomme en retournant contre le locuteur une ad quation pouss e le plus loin possible du r cit et de l objet qu on va propo ser d explorer La seule r gle pouser la r alit la ser rer au plus pr s Voyager l int rieur de l objet On relit quelques uns des textes les mieux connus de Ponge la cigarette le cageot le pain Chaque rupture importante de l histoire litt raire quand elle s annonce se pr sente de fa on complexe par des fissures des explications qui plus tard seraient superflues Mais Francis Ponge qui a le g nie d abord d explorer par des textes r trospectifs s par s de ses po mes les quelques uns qui au sein m me du parti pris des choses sont cette rupture aura une nouvelle audace cette dualit de registre qui est la sienne d s 1933 apr s qu une Introduction au galet a compl t la stup fiante criture du galet il va en faire la signa ture de son approche po tique le moteur m me d une d marche qui trouvera dans cette balance incessante entre texte po tique et commentaire du texte po tique son propre appui pour se radicaliser Qu on se reporte au texte sur le verre d eau dans M thode texte de 1948 publi par Gallimard en 1961 ou l tonnant Une figue de paroles et pourquoi Digraphe Flammarion 1977 216 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 217 Quatri me cercle l image la parole le temps En citan
109. re en train de peindre une nature morte G rard troque sa montre contre un joli stylo Jean Jean vante les m rites de sa cr me antirides Cap s range sa guitare dans son tui Estelle jongle dans le parc Sainte Marie Mathieu attend pr s de son t l phone qu Isabelle l appelle Steven regarde les g teaux qui sont dans la vitrine de la boulangerie l onore donne sa pomme sa voisine Pierre coupe son jean pour en faire un short Jea nine fait des confitures Josette corrige les copies de ses l ves Armand sort son v lo du garage Simone met ses lunettes Margot ramasse les miettes tomb es lors du repas Gilbert lave les assiettes Maurice livre ses plats congel s Mme Munier ferme sa classe G raldine ouvre son frigo Gernine pose une housse sur son ordinateur Jojo prend son dic tionnaire dans la grande biblioth que Valou arrose ses plantes qui com mencent fleurir C cile d croche les rideaux de son salon J r mie court apr s sa souris Stick descend du scooter de sa copine Samir prend son amie Laure en photo Farid s ach te un billet de train pour le Sud Marcus traverse une route Yves ouvre la porte d une petite pi cerie Ren regarde sa collection de timbres Annie joue de la fl te 155 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 156 Tous les mots sont adultes Olivia traverse le parc Andr stoppe sa voiture au feu rouge Viviane valide son ticket de bus Jean Marie allume sa radio Aline passe l aspira teur dans sa
110. rouages la relation m me du personnage au livre du livre au lecteur Et parce que dans LAmour ces rouages sont expos s un par un la chance pour nous de d velopper un texte sans jamais puiser ailleurs qu en ses pr suppos s son mat riau m me Exp rience d ci sive Ainsi dans L Amour utilisation de l image fixe l image filmique le panoramique l arr t sur image Un homme Il est debout il regarde la plage la mer La mer est basse calme la saison est ind finie le temps lent L homme se trouve sur un chemin de planches pos sur le sable Il est habill de v tements sombres Son visage est distinct Marguerite Duras L Amour Gallimard 1971 Dans l Amour proposition d une bande son qui peut tre en d calage complet avec la sc ne le dialogue ou l image Un cri On a cri vers la digue Le cri a t prof r et on l a entendu dans l espace tout entier occup ou vide Il a lac r la lumi re obscure la lenteur Marguerite Duras L Amour Gallimard 1971 Dans l Amour construction de s quences dialogu es qui ne soient pas l illustration du texte et sa situation narrative mais s ins re de fa on autonome par le d ca lage quoi elles contraignent 288 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 289 Cinqui me cercle vers le livre Il demande Qu est ce que vous faites l il va faire nuit Elle r pond tr s clairement Je regarde i Vous ave
111. s rier encore des phrases 64 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 65 Premier cercle les trajets la ville discontinues sans avant ni apr s mais on fera com prendre ult rieurement que la marche de la grande prose Flaubert par exemple c est lier de fa on continue ce qui ne l est pas une liste d images de soi percevant dans la ville Ce n est pas le principe d criture de Les lie Kaplan fond au contraire sur une approche en mouvement un croisement un passage mais c est une distorsion qu on introduit volontairement une simplifi cation qui va permettre d h riter de cet effet tr s beau de surexposition fixe On a souvent rendez vous en haut de la rue C est un carrefour h t roclite ouvert Au loin un immeuble inachev une construction Les fen tres sont dessin es des trous La rue longe un h pital nom historique Une chemin e rigide sort du fond Des femmes passent tr s belles avec leur veste sur les paules Je vois leur air tonn leurs colliers en or Monde en fissures ruines int rieures Des palissades en bois Derri re c est la production Leslie Kaplan Le Livre des ciels PO L 1983 C est cette pr sence du texte comme port au dessus du livre qui est sp cifique de l criture de Leslie Kaplan et qu elle porte aussi bien dans ses r cits en prose que dans ce texte l origine de son parcours Je vais aux limites de la v
112. saisie plantaire Remonter vers ces fonctionnements myst rieux o chacun enracine son appr hension po tique du monde la p te et la couleur de son dire c est la tr s vieille t che du po me Dans la transmission qu on fait de son uvre on privil gie les aspects les plus classiques de Baudelaire o le th me du po me est un objet ext rieur au po te un albatros une chevelure un port alors que l o il nous est le plus proche nous rejoint au plus secret c est l o ses vers tranges ne disent rien d autre que cette essence du mental Sois sage ma douleur et tiens toi plus 159 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 160 Tous les mots sont adultes tranquille ou bien Morne esprit autrefois amou reux de la lutte Antonin Artaud est un auteur encore m connu m me s il occupe depuis longtemps une place centrale dans la litt rature parce qu il a fait d embl e de ce fonc tionnement et de cette qu te d s son premier texte publi l objet central voire unique de sa d marche po tique La premi re grande chance que nous ayons c est sa Correspondance avec Jacques Rivi re avant m me d tre publi un change entre le po te et le responsable de la NRF sur les intentions de l uvre et pourquoi celle ci n ob ira pas aux injonctions de genre vers ou prose Depuis trente ans se sont succ d plusieurs lectures dominantes univoques d Anton
113. ses t tes tran ch es innombrables radieuses comme il convient cette esp ce de rapaces migrateurs qui ne sont rien que le cri que le calme de leur propre dispersion dans l espace de leur distribution alternative dans un espace transgress o l ample trajectoire encore de leur configuration accomplie Jacques Dupin Le Corps clairvoyant Gallimard Po sie 1999 Rythmes de P criture trois tats d une m me qu te Conort Sacr Emaz Un des myst res des ateliers d criture mesure que se dessine la voix de chacun c est le caract re totalement impr dictible de ce que sera sa forme sa dominante Par exemple le myst re qu un texte puisse tenir si on le pro nonce sur un plateau de th tre cela tient quel rap port secret l espace au dehors qu on nomme mais aussi l adresse la prise en compte de qui re oit le texte Ainsi des personnes qui nous auront paru bien timides pourront disposer de ce myst re qui ne se d cr te pas volontairement D autres ont leur affinit principale avec de longues nappes narratives et d autres avec une r serve po tique bien plus br ve Cette ques tion du rythme et du statut m me de la phrase me para t passer avant ce qu on travaille par cette phrase ce curseur qu on d place entre le r el les trames asym 306 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 307 Cinqui me cercle vers le l
114. t l vision puis par cette quipe de tournage sur les lieux et donc de lien du narrateur ce qu il regarde Techniquement je propose de s interroger tout d abord avec pr cision sur la r currence dix semaines dans un m me lieu une fois par semaine Ou cinq paragraphes d une m me semaine ou d un m me mois lieu de la r p tition quotidienne au pr sent Ou m me une fois par an si c est un lieu de vacances Mais que le temps dispose d un cycle clairement dit et num rot Je demande qu il y ait au moins cinq paragraphes d un bloc et que chaque paragraphe soit une occurrence pr cise de la r p tition temporelle mais s ouvre pareille ment sur ce go t de l air cette sensation mat rielle du temps m me via son bulletin m t o Et qu mesure qu on s installe dans cette pure po tique on laisse adve nir l espace du texte ce bruit trange ou terrible du dehors juste en l acceptant et en portant seulement son attention mais la plus minutieuse aux processus mat riels de cette travers e Et voil un de mes exercices pr f r s partir duquel Marguerite Duras b n ficiera d un respect d finitif et absolu et de quelques nouveaux lec teurs L Amour la narration filmique comme extension du litt raire De nombreux auteurs utilisent les techniques cin matographiques comme ouverture litt raire et leur font conqu rir de nouveaux espaces narratifs Ainsi le hors ch
115. un Pautre pour permettre d en reconstituer l usage quotidien suffit pour que soi m me on soit plac dans cet tat d inven taire int rieur tr s surprenant Et d autant plus surprenant que les textes produits 229 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 230 Tous les mots sont adultes par les participants y compris adultes auront d eux m mes tendance se fixer sur des p riodes de mutation int rieure appartements occup s titre provisoire par fois m me h bergement chez quelqu un dont on ne saura rien mais dont l univers d objet sera d crit ou chambre d tudiants avec les livres dans la biblioth que qui ne sont pas ceux qu on lit aujourd hui la guitare qui tra ne encore ou le poster accroch la porte Ou quel quefois une voiture il y a dix ans et comment on l oc cupe ce qu on laisse dans la bo te gants ou sur la plage arri re et c est l ensemble d un monde qui surgit d fi nition d un sujet qui pourtant n est pas montr mais trouve sa part d existence par ce qui est d crit de sa rela tion au monde Les textes produits partir de cette confrontation avec les planches photographiques de Boltanski me fas cinent chaque fois par cette impression d investir un ter rain vierge d criture comme si ce pr sent de nous tout proche et pas tout fait imm diat nous donnait lire ce que nous sommes nous m mes et qu il n y a pas l e
116. un univers de signe d un autre univers de signe lequel a d j pour fonction de repr senter Renversement qui prend aujourd hui une consid rable importance on uti lise l habitude chez le destinataire du texte de manier une repr sentation du r el la photographie pour construire distance une repr sentation int rieure effet de r el qui pourra alors se passer de l existence mat rielle d une photographie et tirer son effet de fic tion de la seule description d image mais emprunter la photographie comme la caution pour la fiction que ce qu elle d crit est vrai Ces photographies me repr sentent l une debout sur une terrasse de la maison l autre debout dans un jardin de caf une autre les bras crois s dans un jardin de bananes Tout cela est devenu blanc cause des mauvaises eaux qui servent laver Mais je vais faire de meilleur travail dans la suite Ceci est seulement pour rappeler ma figure et vous donner une id e des paysages d ici Arthur Rimbaud Lettre du 6 mai 1883 uvres compl tes Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1972 Pourtant de tous les grands auteurs du xIx si cle on conna t depuis bien avant cela le visage puisqu ils ont 204 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 205 Quatri me cercle l image la parole le temps pos pour Nadar ou Carjat voir dans les crits de Nadar ce que Balzac improvisait pendant les s ance
117. un groupe adjectif nom suivi d un groupe nom adjectif Gros pyl nes ciment raidi Voire effet de masque l adjectif qui joue ressembler au verbe pour se dissoudre Une chemin e rigide sort du Jond Ajouter la consigne cette demande de non na vet dans l emploi des adjectifs les r sultats sont durables Deux exemples par deux tudiantes en arts 66 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 67 Premier cercle les trajets la ville du spectacle de Rennes s ance limit e en temps et sans retravail Feu rouge droit feu vert gauche gris de cylindre de glaces beige rectangle cr pi d un immeuble aux innombrables fen tres ligne courbe du trajet d sesp rant bitume Grande porte bleu ciel doubles battants serrure au centre l g re ment d cal e sur la droite couleur vaguement bronze c t poubelle avec couvercle vert tout en plastique ville de Rennes de l autre c t fen tre rectangulaire tir e en largeur encadrement blanc vue en contre plong e sur les tag res pin d une cuisine une bo te de th ronde un pot de fleur avec plafond blanc impeccable Universit Rennes I avec des tudiants du d partement Arts du spectacle 2000 La ville par la vitre en train et en avion Claude Simon Pour insister sur cette id e de captation pure du r el et sur la complexit de ces processus d acquisition et lecture
118. un paragraphe seul et unique jamais de retour la ligne Et pour d crypter toujours plus fond sur un territoire pr cis un moment charni re de son propre destin mesure qu appara t dans le r cit un mot cl celui ci est mis en italique et sur les italiques on va rebondir comme un principe de fugue l int rieur du texte mesure donc qu on fixe une figure narrative pour garder le mouvement global du livre sans quoi il n est pas de monologue c est sur cette possibilit de revenir instantan ment aux mots en italique qu on va s appuyer La possibilit de reprendre la phrase en amont au premier moment qu tait apparu 269 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 270 Tous les mots sont adultes l italique La premi re phrase du livre Les autres tres humains je les rencontrai dans le sens oppos en ces sant d aller au lyc e ouvre un exercice formidable parce qu elle oblige se concentrer sur cette notion d instant La prise de d cision lors d un choix contre toute apparence de raison au rebours de toutes les pres sions ext rieures n a pas de dur e possible oblige convoquer toutes les contingences li es cet instant C est cette notion de se retourner de s opposer qui est tr s belle dans cette phrase de Thomas Bernhard Elle a l avantage aussi de laisser l initiative de celui ou celle qui crit le choix parfois tr s souterrain et secret de
119. 0 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 117 Deuxi me cercle l identit reconstruire crire depuis l origine Saint John Perse Ce qui compte en premier lieu n est pas tant le th me crire sur sa g n alogie que la tr s ancienne relation de cet inventaire un fonctionnement natif de l criture les listes g n alogiques viennent dans la Bible d s le livre de la Gen se Pr sentes aussi dans les crits fondateurs des autres civilisations les g n alogies tablissent une continuit et une l gitimit dans le rapport de l homme au monde Beaucoup de connotations annexes la part de ce qui se transmet de g n ration g n ration un savoir presque total mais trois g n rations de distance c est la perte qui est presque totale Pourtant des comp tines des gestes des inflexions de voix un reste obscur est l qui n appartient pas la m moire consciente mais se terre peut tre dans les caves de soi m me recherch Jai cherch longtemps des outils qui per mettent d explorer cette sp cificit et ce qui m emp chait de trouver tait un obstacle tr s simple si on laisse au texte qui investit la g n alogie d crire des noms propres de personnes la force propre d incantation du nom dispensera le texte de chercher plus loin D autre part le nom appartient forc ment celui qu il nomme et le texte ne se d partira pas du domaine priv Pai pu obtenir des textes d
120. 0 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 198 Tous les mots sont adultes rit ou de contre pouvoir dans laquelle la parole r elle est ou fut brid e et interdite Le conflit entre ce qu on dit et voudrait dire va ainsi devenir l argument du texte noter dans ce paysage d h tel devant la mer que la surluminosit du paysage rejaillit aussi dans le texte pour l blouir on peut inciter les participants jouer de cet effet de surexposition C est cette lumi re en trop comme celle des projecteurs de th tre qui vous blouis sent qui va permettre au texte de ne rien traiter que le face face de deux tres Vous ne regarderez pas la cam ra Sauf lorsqu on l exigera de vous Vous oublierez Vous oublierez Que c est vous vous l oublierez Je crois qu il est possible d y arriver Vous oublierez aussi que c est la cam ra Mais surtout vous oublierez que c est vous Vous Vous regarderez ce que vous voyez Mais vous le regarderez absolu ment Vous essaierez de regarder jusqu l extinction de votre regard jusqu son propre aveuglement et travers celui ci vous devrez essayer encore de regarder Jusqu la fin Vous me demandez Regarder quoi Je dis eh bien je dis la mer oui ce mot devant vous ces murs devant la mer ces disparitions successives ce chien ce littoral cet oiseau sous le vent atlantique Marguerite Duras L Homme atlantique Minuit 1982 Ce qui est formida
121. 00 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 321 Cinqui me cercle vers le livre Je me suis toujours propos d expliquer de quelle fa on j avais crit certains de mes livres Impressions d Afrique Locus Solus L toile au Front et La Poussi re de Soleils Il s agit d un proc d tr s sp cial Et ce proc d il me semble qu il est de mon devoir de le r v ler car j ai l impression que des crivains de lavenir pourraient peut tre l exploiter avec fruit Tr s jeune j crivais d j des contes de quelques pages en employant ce proc d Je choisissais deux mots presque semblables faisant penser aux m ta grammes Par exemple billard et pillard Puis j y ajoutais des mots pareils mais pris dans deux sens diff rents et j obtenais ainsi deux phrases presque identiques Les deux phrases trouv es il s agissait d crire un conte pouvant commencer par la premi re et finir par la seconde Raymond Roussel Comment j ai crit certains de mes livres Jean Jacques Pauvert 1963 Le programme fictionnel qu on s tablit qu il soit crit r trospectivement ou en cours d criture du fait qu il est imprim avec le livre lui m me ici en qua tri me de couverture mais videmment r dig par l au teur devient alors criture part enti re fronti re poreuse de la fiction en projet et de la fiction r alis e Ce livre contient la liste compl te de ce qu il faut faire en cas d exil
122. 00 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 158 Tous les mots sont adultes rue des Monts place des Boucheries place des Lices place du March place du Lavoir abandonn aux fleurs chemin des Charmes entre les jardins rue des Moutons en r ve rue des Fusill s rue o ils se sont promen s rue du petit banc blanc o je t attendais rue du Tricycle et des Chats Boiteux rue des Fermiers les lapins d pec s rue Nationale avec seulement les caf s Universit Rennes Il d partement Arts du spectacle 2000 De quoi rendre honneur cette phrase magnifique de ses Instructions aux acteurs qu on aurait pu choisir comme exergue coute le monde entier appel l in t rieur de nous P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 159 TROISI ME CERCLE CONQU RIR L INTENSIT Prof ration et appel au langage Antonin Artaud En amont m me de l expression quelques milliards de neurones dont les associations et le fonctionnement nous restent en partie myst rieux des affects soudains dessinent des chemins erratiques parmi les zones neu ronales chemin dont la trace r manente influera l ac quisition des exp riences ult rieures Qui aurait accept de penser il y a encore deux d cennies que l acquisition des savoirs pouvait tenir un processus erratique On sait un petit peu plus de la complexit du cerveau ses restes fossiles aussi le r flexe de marche du nourrisson ou le r flexe de
123. 17 41 Page 326 Tous les mots sont adultes La Part du feu L Entretien infini etc est ind m lable d une tentative de fiction qui va en s purant et se ten dant fascin e par le fantastique Thomas l Obscur Le Tr s Haut L Attente l oubli Celui qui ne m accompagnait pas etc Maurice Blanchot comme la recherche du temps perdu lu int gralement est un parcours n cessaire pour penser la litt rature qui la pr c de int grant l int rieur d elle m me et comme faisant partie de son mat riau propre sa lecture de Nerval Baudelaire Balzac et Dos to evski est un auteur n cessaire parce qu il permet de lire ce fil plus t nu mais hautement tendu de Mallarm Rilke de Kafka Edmond Jab s Deux grands livres Le Pas au del 1973 et L cri ture du d sastre 1980 tendent abolir la fronti re entre criture qui na t de consid rer la phrase de l autre et une tentative qui semble sur l espace du fragment totale C est cette totalit du fragment qu on propose d atteindre en nommant comme l int rieur de sa propre tentative L criture fragmentaire serait le risque m me trait comme tel Elle ne renvoie pas une th orie elle ne donne pas lieu une pratique qui serait d finie par l in terrupuon Interrompue elle se poursuit S interrogeant elle ne s arroge pas la question mais la suspend sans la maintenir en non r ponse Tous les mots sont adultes Seu
124. 1989 Ou l autobiographie par l histoire du corps et ses ava tars m dicaux encore un autre lieu symbolique ou pivot de notre soci t via Le Chercheur de Falbala propos par Novarina J ai t op r d extr me lumi re par l professeur Lemaire dix huit heures d op ration ciel ouvert Douze points de rature dont voyez les sutures Puis repris en seconde intervention par docteur Paul Cas l adjoint p te sec du professeur M corde Puis cras r nouveau r moto par un kin malhabile nomm Fran ois Jean Nobilimi Rechute On m en sortit avec une attelle avec une broche dedans pour faire la 150 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 151 Hommage Val re Novarina paire prise dans la cuisse reprise dedans par une rotale lastom re la vue des cent quatorze m decins je ne me sentis pas bien ouvrant un il et le fermant coupai parole pour dire la suite Val re Novarina Vous qui habitez le temps P O L 1989 Dans tous les cas la manipulation sur la langue elle m me va aider tenir distance ce qui resterait sinon un simple inventaire autobiographique L accumulation alors n est plus le but ou la finalit du texte mais comme l inertie qui permet par poids et mouvement de conqu rir chaque fois le fragment impr vu in dit Il ne peut tre question de pasticher Novarina Mais toucher la norme convenue du sens de la grammaire et du vocabulaire permet
125. 36 EE 17 41 Page 107 Hommage Franz Kafka Io et l exil le Minotaure et la violence m me si on peut b tir avec ces exemples ci ou un choix d autres voir l inusable Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal PUF 1951 o chaque th me mytho logique est d j lui m me pr sent dans un r sum avec variantes Mais je suis toujours rest un peu sur ma faim en pro c dant ainsi chaque essai surgissaient quelques textes tr s forts m me parfois lumineux tranges tandis que d autres participants restaient non pas en chec mais dans un sentiment de trop grande difficult En raison d un trop grand cart entre le monde que nous vivons et nos mythes fondateurs Cette r flexion de Kafka sur les mythes est longue et continue se pr sente presque comme un fil syst matique et fragile dans son Journal et ses cahiers crivant sur la tour de Babel Tout ce qu il y est n de chants et de l gendes est plein de la nostal gie d un jour proph tis o elle sera pulv ris e par les cinq coups d un gigantesque poing le silence des Sir nes o il explore aussi des figures de variations ima ginaires dans une version de l histoire invente Kafka les Sir nes se taisent pour mieux tromper Orph e et le provoquer enlever sa cire et ses cha nes et dans une autre version Orph e est conscient que les Sir nes se tai sent mais cela fait partie de sa ruse qu il ne le lai
126. 7 Tour de France par deux enfants Le 49 Villon Fran ois 35 Wells H G 32 Porte dans le mur La 53 Woolf Virginia Promenade au phare 267 COLLECTIFS Agenda autrement L Autrement 1997 78 Anthologie de la po sie fran aise du XX si cle Gallimard 1983 135 Dictionnaire de la langue fran aise d Emile Littr Hachette 1877 237 Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal Puf 1999 107 109 pop e de Gilgamesh L Uruk 2600 av notre re 239 Guide de nulle part et d ailleurs l usage du voyageur intr pide en maints lieux ima ginaires de la litt rature universelle ditions du Fanal 1981 76 Petite fabrique de litt rature La Magnard 1991 110 Traverses revue dit e par le centre Georges Pompidou 1984 78 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 336 P0O01 000 bon Atelier 1 qxd 336 UE 17 41 Page 337 TABLE DES MATI RES Introduction Ouverture hommage Georges Perec Lieux o on a dormi Variation 1 La chambre Classements inventaires autres variations Perec Variation encore Je n aimerais pas mais si Et quand Perec nous met la rue Travailler avec W Inventions apr s Perec chambres fen tres Premier cercle les trajets la ville Mettre l criture en mouvement Julien Gracq Variation retour Apollinaire Accrocher la ville les ciels de Leslie Kaplan La ville par la vitre en train
127. 7 41 Page 202 Tous les mots sont adultes Que Jean chenoz apr s chaque tat d un projet de livre en fait un tirage imprimante et efface le fichier de son ordinateur pour se contraindre une recopie int grale et que ce processus il se l imposera plusieurs fois au moins trois Jean Paul Goux crit sans marge sur la surface totale de la feuille Il avance son texte de telle fa on en tout cas il a utilis ce proc d qu une cor rection ou un retour en arri re soit impossible que chaque phrase pos e doive conditionner la suivante En tout cas c est une contrainte graphique qu on peut pro poser aux participants pour cet exercice pr parer la feuille qu ils rendront enti rement recouverte sans nulle marge ni rature sans compl ment qu on puisse rajouter r trospectivement vraiment un art de la fugue P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 203 QUATRI ME CERCLE L IMAGE LA PAROLE LE TEMPS Avec Claude Simon le r el comme image La photographie est une pratique qui a mis long temps percer dans la fiction Malgr une page vision naire de Balzac sur Daguerre en 1834 dans Le P re Goriot et malgr le bref chapitre des Curiosit s esth tiques chez Baudelaire mais sans rien de visionnaire compar son Peintre de la vie moderne sur les croquis de guerre de Constantin Guys Baudelaire passe c t de la dimension artistique de la photographie naissante rien chez Nerval n
128. EE 17 41 Page 191 Troisi me cercle conqu rir l intensit qu on se concentre les r flexions qu on fait sur le visage pour que surgissent des notes d crivant un visage On peut presque mener deux critures parall les Presque autant que l objet si fragile du texte que l criture va juste effleurer comme de s en charger distance comp tera la succession de ces effleurements presque un sculpteur fait de la paume son mod le Alors on peut se lancer investir du visage de l autre comme Rainer Maria Rilke quelques semaines apr s la mort de son p re en avril 1906 crit ce Portrait de jeunesse de mon p re publi en 1907 Du r ve dans les yeux Le front affleurant quelque chose au loin Autour de la bouche d bordante de jeunesse charme qui n a point souri et devant les fermetures orn es de l l gant costume de noblesse la garde du sabre et les deux mains qui attendent calmement elles ne sont tendues vers rien Et pr sent presque invisibles comme si ayant saisi des choses lointaines elles avaient disparu les premi res Et tout le reste voil effac de soi m me comme si nous n y comprenions rien terni par ses propres profondeurs Rainer Maria Rilke Portrait de jeunesse de mon p re in Nouveaux Po mes traduit de l allemand par Lorand Gaspar in uvres Il Po sie Le Seuil 1966 De Rainer Maria Rilke aussi dans les toutes pre mi res pages des Cahiers de Malte Laur
129. Et ce qu on a fait une fois sur le visage est on s r ici de voir les gens d assez pr s corps habits regards Et pourquoi pas distribuer cet instant un po me pour quelques lignes de pure saisie po tique li e cette vie qu on a d crit et ins rer comme une ultime touche cette antienne d gag e de tout contenu Quand il s agit de r criture je n aime pas qu on 298 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 299 Cinqui me cercle vers le livre reprenne un texte d une semaine l autre C est lors qu on peut organiser une suite de s ances en temps ouvert avec seulement une lecture tout la fin sur une pleine journ e ou tout un soir L important c est qu partir de cette premi re accumulation on va proposer un travail sur le lien qui relie le participant son choix du lieu du personnage Un texte qui parte vraiment d un je ce stade du travail peu importe d ailleurs de fournir une piste formelle C est presque un journal de soi m me dans la relation ce qu on a crit Je cite des exemples pris la disjonction temporelle des M moires d outre tombe et surtout la fa on dont Pierre Michon dans ses Vies minuscules organise la pr sence du narrateur alors que si le narrateur repr sente l enjeu central ce qui est dit de lui va laisser en creux la tension principale Quand ce texte sera crit on propose aux participants de construire eux m
130. Fayard 2000 2005 P0O01 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 7 INTRODUCTION Nous n aurions plus rien d humain si le langage en nous tait en entier servile Georges Bataille LExp rience int rieure En quatre ans le statut de ce qu on nomme ateliers d criture a chang o nous tions quelques uns exp rimenter de plus en plus d enseignants incluent des temps d criture cr ative dans le sein de leur cursus et m me sans appui ni statut les universit s pas forc ment celles de lettres sont plus nombreuses aussi en proposer leurs tudiants Et nos techniques sont utili s es de plus en plus et de mieux en mieux dans les dis positifs de formation d insertion ou de soin qui auront compt pour beaucoup dans la possibilit de solidifier et m rir une r flexion d abord artistique Parall lement quantit de questions qu on nous posait autrefois sur le statut ou la convocation de l in time sur le statut d crivain amateur des participants se sont quelque peu us es L atelier d criture est un for midable vecteur pour appropriation de la litt rature et tirer son propre plaisir de l criture y prendre du risque apprendre situer sa singularit dans la diversit des P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 8 Tous les mots sont adultes d marches d crivains L id e simple qu on n apprend pas la philosophie sans philosopher commence s im po
131. Indiens etc permettent de mesurer la part volontaire dans l criture fantastique le mat riau qu on lui fournit qui va lui permettre son essor ou pas Le Journal de Kafka et m me si nous manquons en langue fran aise d une v ritable dition chronologique comme 97 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 98 Tous les mots sont adultes l dition allemande et non pas via d arbitraires regrou pements th matiques comme l dition Pl iade est de ces tr s rares livres qui deviennent des livres atelier des livres qui aident au quotidien crire parce qu on y suit de soir en soir l crivain au travail dans ses obstacles dans ses vertiges Cette m diation qui s installe par le Journal entre nous m mes et l uvre que nous mettons si haut nous permet d installer un cart avec notre propre travail l cart o peut na tre la r criture Voici quelques pistes parmi les multiples que nous offre l uvre immense de Kafka Le r el comme bascule le Journal Pour provoquer le surgissement de ces asp rit s du quotidien qui font image on va proposer une contrainte prendre les sept derniers jours coul s et isoler de chaque jour un de ces instants parmi la profu sion des souvenirs r cents pour les jours les plus proches depuis l effacement m moriel pour les jours d j plus lointains Se forcer trouver dans la r p tition du quotidien pour chacun des sept derniers jours u
132. Je devais avoir dix ans Je me souviens c tait No l et mon p re et ma m re se sont disput s Et moi je pleurais parce que je n avais pas f t No l Ma m re m a consol elle est all e dans le frigo elle a pris du beurre du jambon du saucisson et elle m a fait des tartines Moi et ma m re on a regard la t l de No l ce No l m a marqu pour tou jours c tait mon plus beau No l La Boutique d criture Montpellier La Paillade 1994 Sur une grande feuille A3 j ai construit comme une mosa que d extraits autour de la lettre W du titre agran die Il y a les photographies il y a la rue Vilin et le frag ment incluant cette phrase si paradoxale j ai trois souvenirs d cole avec la punition injustifi e et le bon point Il y a le cin ma et les films racont s par les autres au gar on qui lui n avait pu quitter le dortoir Il y a enfin le passage sur les lectures d enfance comment on lit Jules Verne plat ventre comment on voyage dans la t te avec Le Tour de France par deux enfants Je demande aux participants de respecter cet toilement ne pas s en gager dans une piste d criture unique mais de les gar der toutes galit quantitative Et m me si possible que chacun crive sur une affiche ou une feuille A3 ou pourquoi pas si on peut s en procurer une feuille de papier calque le jeu avec les transparences contribue aussi d caler l criture de respecter m
133. L atelier d criture investit des zones qui peuvent tre douloureuses mais s autorise de ce que Saint John Perse dit loge ou parler dans l estime pour en faire un appui s r une protection Par ce seul fait d une proposition principale toujours diff r e le plus loin possible on d cline sa g n alogie verticalement lat ralement sans chronologie ni rep re de temps lattention de l auditeur ou du lecteur la pr sence simultan e de toutes les allu sions historiques en sera d autant plus fort et surtout 120 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 121 Deuxi me cercle l identit reconstruire le texte devient capable de saisir de ce qu il ne sait pas Je commente aussi la fin de ce chant VI d Exil la phrase fameuse habiterai mon nom o le th me de Saint John Perse et le n tre se rejoignent Le th me ici d velopp d une responsabilit individuelle dans le destin collectif les l ves sont infiniment sensibles ce qu on puisse l ap pliquer l anonyme pop e familiale qu ils portent d o la grande puissance d clencheuse de ce texte Plus mys t rieux pour moi apr s avoir tent le m me exercice depuis des textes grammaticalement quivalents de Supervielle ou de Michaux le fait que l opacit m me de Perse la distance par le vocabulaire m me qui pratique une expression pourtant simple comme celui laque en haute mer ajoute aussi la fo
134. Le Livre de poche 1999 Le travail sur le r ve n est pas un exercice de circons tance mais une composante fixe de l criture le r cit de r ve ne constitue pas litt rature m me si nous lisons avec fascination les recueils de r ves de Swedenborg Jean Paul Richter ou Georges Perec ou les r cits de r ves singuliers de Baudelaire Nerval Kafka ou Breton L univers du sommeil reste en grande part inconnu m me cette question faussement simple de pourquoi on dort n est pas aujourd hui r solue Il faut rappeler quelques donn es physiologiques sur les phases de som meil les diff rentes tapes du sommeil paradoxal et ce qu on suppose du r le du r ve dans le tri m moriel Reprendre aussi quelques donn es concernant les pre mi res exp riences du nourrisson formation de la conscience de l identit permanence de structures men tales li es l volution vision monochrome r flexe de pr hension du pied ou marche du nourrisson peurs des neuf mois Quelques donn es sur la place du r ve dans les vieilles civilisations y compris celtiques et aujour d hui encore en Am rique du Sud par exemple o on dit i pour parler de celui qui en nous r ve On peut citer quelques exemples de textes anciens d interpr tation des r ves chez les Grecs ou Byzance pour souligner la tr s vieille affinit du r ve et de la litt rature On insiste sur le travail de fronti re mentale que dresse entre nous et
135. P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 1 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 2 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 3 TOUS LES MOTS SONT ADULTES P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 4 DU M ME AUTEUR Aux ditions Fayard Tous les mots sont adultes m thode pour l atelier d criture 2000 Rolling Stones une biographie 2002 Daewoo 2004 Aux ditions Verdier LEnterrement r cit 1992 Temps Machine r cit 1993 C tait toute une vie r cit 1995 Prison r cit 1997 Paysage Fer r cit 2000 M canique r cit 2001 Quatre avec le mort th tre 2002 Aux ditions de Minuit Sortie d usine roman 1982 Limite roman 1985 Le Crime de Buzon roman 1986 D cor Ciment roman 1988 La Folie Rabelais essai 1990 Calvaire des chiens roman 1990 Un fait divers roman 1994 Parking 1996 Impatience 1998 Aux ditions Les Solitaires intempestifs Pour Kolt s essai 2000 Quoi faire de son chien mort th tre 2004 Aux ditions Flohic Dehors est la ville essai sur Edward Hopper 1998 Aux ditions du Cercle d Art Billancourt sur des photographies d Antoine St phani 2004 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 31 08 05 17 41 Page 5 Fran ois Bon Tous les mots sont adultes M thode pour l atelier d criture Nouvelle dition refondue et augment e Fayard P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EEE 17 41 Page 6 Librairie Arth me
136. a mort la cessation de l tre que la photographie intervient en tant que telle dans la fiction quand Saint Loup rap porte au narrateur le visage de sa grand m re juste d c d e et qu il avait trait e de coquette parce qu elle s tait appr t e pour la pose 205 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 206 Tous les mots sont adultes Jusqu alors la transmission de connaissance et d in formations passait aussi principalement par le r cit Nous ne pouvons certainement pas chelle de temps si rapproch e mesurer encore assez bien le bouleverse ment mental et langagier qu a produit depuis quelques d cennies la circulation autonome des images Les pistes bien s r sont multiples pour travailler partir de photographies ou sur la photographie Et on peut y revenir plusieurs fois dans un cycle tant chaque fois le rapport au r el s exprimera puissamment Il y a aussi de nombreuses pistes pour mener l atelier d cri ture conjointement la pr sence d un photographe Ce qu on voudrait proposer ici c est de traiter le texte comme photographie Le penser d abord comme sur face et les mots comme occupation d espace Essayer donc de d placer tout aussi bien notre perception visuelle du texte comme lecture simultan e d un bloc comme Mallarm pouvait dire l unit c est la page et essayer de penser cette mani re de percevoir le texte avec les outils men
137. a situation si impossible qu elle soit sans la rejeter sans m en vader 178 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 UE 17 41 Page 179 Troisi me cercle conqu rir l intensit En r ve il semble que je n ai toujours pas appris que je prends de l ge Je ne sais pas quel ge j ai Aucune r f rence ce sujet et ainsi suis je ordinairement mon r veil sans ge Toutefois pas enfant et plus qu adolescent Ce n est pas plus pr cis Quoique depuis quelques ann es je n utilise plus le rail pour mes d pla cements je me trouve invariablement en r ve dans des trains que pourtant dans la journ e je ne prends plus Quoique descendant dans de plus grands h tels qu autrefois et de temps autre dans des tr s grands o je me trouve parfois plus g n que satis fait par l effet de cette g ne m me d s que je ferme l il c est pour me retrouver transport nouveau dans un petit h tel aux chambres troites touffantes o il me faut passer la nuit sous un plafond bas Henri Michaux Le Rideau des r ves ditions de l Herne 1996 Les r cits de r ve peuvent videmment se r v ler tr s puissants J ai r v des mecs qui viennent pour me tuer avec le couteau Apr s moi je cours doucement et les mecs fort Je ressens l angoisse Je respire comme les asthmatiques Apr s je me r veille et je dis impec je suis dans ma maison Apr s je sors du jardin et je trouve les an
138. a soit aussi l histoire de celle ou celui qui a son nom sur le livre Non pas que la bio graphie explique l uvre on a pass ces lanternes pour n y plus revenir Mais l nigme de l uvre sera plus contrast e si mise en rapport avec le chemin d une vie D abord parce que cela implique des dur es du temps Le Julien Gracq des Eaux troites soixante et onze ans pest pas le m me que celui du Ch teau d Argol Le Rim baud qui quitte la po sie vingt quatre ans a sans doute r sonn int rieurement pour Nathalie Sarraute qui publie son premier livre trente sept ans et dont nous proposons des exercices partir de livres crits pr s de quatre vingt dix ans et jamais elle n a eu tant de force subversive C est cette histoire ce pur chemin oral qui ouvre l atelier Elle n est pas un expos de faits elle est ce qui met en rapport la sp cificit arbitraire d une criture avec une n cessit N cessit plurielle en rapport aux 15 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 16 Tous les mots sont adultes chemins conceptuels d une poque d un genre mais n cessit plus radicale dans l appel l criture l intensit du recours au langage C est ce fil qu on essayera ici de suivre non pas mettre des auteurs en avant pour un cri t re de type mus al ou les hisser sur un socle qui les fige mais parce que cette n cessit y r sonne de fa on plus aigu et nou
139. a vie Charles Juliet Lambeaux P O L 1995 ditions PO L 1995 Une fois de plus pas possible de court circuiter le livre pour permettre l atelier r duit sa technique late lier ressemblera ces proc d s de manuel scolaire Qu on fasse vivre oralement ce dispositif technique sur son vrai fond d ab me les douze ans pass s par Charles Juliet pour laborer son diptyque et cette m me charge traversera la prise d criture Le refus la r volte r habilitation de Paul Valet mouvant destin celui de cet migr russe n Georges Schwartz Moscou en 1905 vouant sa vie la m decine dans un quartier populaire et choisissant ce pseudonyme de Paul Valet pour n en pas trouver de plus humble ou de plus anonyme Dans l norme secousse du surr alisme il trouve un chemin qui lui est propre d une grande diversit formelle mais gardant cette lisi re d un fantastique ou d un onirisme des images h rit des surr alistes Un chemin solitaire mais qu il porte jusqu sa mort en 1987 dans un cho subversif et critique l gard des transformations du monde Rien que par ses titres La parole qui me porte ou ses Paroles d assaut Pas question on entrouvre avec lui que l criture ait une intention que cette intention on la retourne sur le monde mais que le travail s en fasse rebours comme construction d multiplication intensification de 127 b P001 000 bon Atelier 1 qx
140. acier dans laquelle on peut glisser des lettres en attente un manche de poignard en pierre polie un verre plein de crayons une petite bo te en bois dor rien ne semble plus simple que de dresser une liste en fait c est beaucoup plus compliqu que a n en a lair Georges Perec Penser classer Hachette 1985 Une des plus belles s ances d atelier dont je me sou vienne c est une fois o apr s une pr sentation de Perec j ai simplement sugg r un inventaire des inven taires liste de tout ce dont dans son territoire personnel on organise consciemment ou pas le classement des vieilles factures aux lettres des objets rang s sous l vier comme l arrangement des v tements dans une pende 31 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 32 Tous les mots sont adultes rie d entr e On peut donner comme consigne d invento rier d abord mentalement l ensemble de ce que chez soi on range talons de carnets de ch ques cadeaux des enfants et objets dans la vitrine l organisation qu on donne aux chaussures et au linge avant de d crire pour Pun d eux un mode objectif des classements possibles un mode d emploi du rangement Belle s ance aussi un jour faire pratiquer l inventaire des cl s appartements mai sons poss d es lou es ou seulement pr t es voitures v los malles bo tes placards cadenas de jardins de pas sages ou cl s sans serrure qui
141. acont deux jours plus t t l arche v que de Canterbury l esquisse tr s vague confuse sans d tails tout ce que lui a dit tr s mal et imparfai 318 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 319 Cinqui me cercle vers le livre tement une dame qui n avait ni don d expression ni clart Suit le th me exact en quinze lignes du Tour d crou avec le commentaire suivant Tout cela est obs cur et imparfait le tableau l histoire mais il y a l dedans la suggestion d un effet un trange frisson d horreur L histoire devra tre racont e avec suffisam ment de cr dibilit par un spectateur un observateur du dehors Le Tour d crou sera crit et publi d but 1898 trois ans plus tard avec une bascule d cisive les revenants d crits l archev que de Canterbury par la dame sans don dexpression ni clart d Addington seront devenus dans le texte achev des cr ations imaginaires de la narratrice elle m me la gouvernante des deux enfants Maurice Blanchot en dit dans Le Livre venir la gou vernante avec ses passions et ses visions qui aveugle elle m me et terrible d inconscience finit par faire vivre les enfants innocents au contact d images effrayantes dont sans elle ils ne se douteraient pas mais naturelle ment il reste un doute en passant l criture fiction nelle et c est le g nie de James le dispositif na
142. adicalement neuve dont aujourd hui nous pouvons construire le concept physiologique de la m moire des perceptions du rapport des mots au corps Et c est lui qui va nous aider entrer dans ces zones obscures mais d cisives L o d autres proposent des uvres je ne pr tends pas autre chose que de montrer mon esprit La vie est de br ler des questions Je ne con ois pas d uvre d tach e de la vie Antonin Artaud L Ombilic des limbes in uvres compl tes t Gallimard 1976 C est en respectant au plus pr s ce qu il nonce en t te de L Ombilic des limbes qu Artaud atteint d s cette premi re uvre m l d autres textes ce qui sera l ar mature m me de Le P se nerfs publi de fa on quasi simultan e Fragments o la tentative est nouveau nomm e comme projet d lib r Se retrouver dans un tat d extr me secousse claircie d irr alit avec dans un coin de soi m me des morceaux du monde r el Antonin Artaud Le P se Nerfs in uvres compl tes t Gallimard 1976 Lui permettant d accepter cette mani re d faite de la pens e par quoi elle d crit comme en temps r el son propre mouvement dans le choc jusqu au surgissement des mots ceux m mes qu on vient de lire 161 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 162 Tous les mots sont adultes Les mots mi chemin de l intelligence Cette possibilit de penser en arri re et d invective
143. adis d ameublement la trace des lettres MEUBLES est encore visible qui se r installe peut tre en mercerie en jug par les articles qu on voit en devanture Le magasin est ferm et n est pas clair Georges Perec L Infra ordinaire Le Seuil 1989 C est un exercice qui m importe parce que ce qui nous fascine dans le texte de Georges Perec c est ce conflit incessant pour chaque signe entre le visuel pris l imm diat pr sent et la m moire d chir e la s para tion impos e et la privation d enfance C est encore le pass qui aide rendre lisible les signes du pr sent Dans les rues de Bagnolet ou d ailleurs les signes se sont affaiblis et normalis s mais c est cette injonction de zoom sur les d tails qui va autoriser la lente r appro priation du r el par l criture Tour Grise douzi me tage on voit d en haut donc il y a plusieurs choses il y a une rue juste devant le b timent il y a un tout petit parking o les voitures se garent juste c t du parking il y a de l herbe et juste c t il y a une pente une toute petite pente qui monte un tout petit peu apr s il y a un autre b timent la rue il y a des poteaux sur le trottoir il y a les bancs rouges la rue est longue elle tourne apr s un autre b timent c t de chez nous mais pareil que l autre on voit le parking apr s il y a un autre b ti 38
144. ages ressemblent ceux de ma famille Un corps Je pense que c est moi Clou e au sol je ne peux ni bouger ni parler Il n y a personne autour seule sur le quai Je pleure je le sens mais je suis bien Tout devient noir je me r veille angoiss e les joues tremp es comme si les sentiments taient partis du r ve pour rejoindre la r alit Une rue grise inqui tante un trottoir I n y a rien autour si ce n est un bureau de poste jaune J tais allong e sur le lit Je me voyais les yeux ferm s endormie Mon corps tait immobile c t de moi et au plafond un visage qui m tait familier auparavant Il me parlait je reconnaissais sa voix Je n ar rivais pas le faire taire Un immense rouleau de tapis tourne sur lui m me Je suis dessus minuscule oblig e de marcher sans discontinuer pour ne pas tomber Il fait noir autour et il semble que la lumi re provient des motifs du tissu L air est lourd d angoisse et d un autre sentiment ind fini Je me vois par mes propres yeux dans une rue grise et mouill e Je suis vue en plong e dans un plan assez large pour qu on voie un r verb re c t de moi le trottoir le bord du mur par dessus lequel je me vois et une partie de la chauss e La pluie bien qu on ne la voie pas tomber colore tout d un gris fonc uniforme les immeubles le trottoir la rue Cette rue est tr s longue mais d une largeur moyenne elle ne laisse d couvrir ses ext
145. agglom rat la tr s mince quoique tr s active adh rence du liquide pro voque sa surface une modification sensible Il semble qu elle la repo lisse et panse ainsi elle m me les blessures faites par leurs pr c dentes amours Alors pour un moment l ext rieur du galet ressemble son int rieur il a sur tout le corps l il de la jeunesse Francis Ponge Le galet in Le Parti pris des choses Gallimard 1942 217 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 218 Tous les mots sont adultes Mais ce commentaire qui le suit courte distance et nomme l enjeu pour le po te Comme apr s tout si je consens l existence c est condition de l ac cepter pleinement en tant qu elle remet tout en question quels d ailleurs et si faibles que soient mes moyens comme ils sont videm ment plut t d ordre litt raire et rh torique je ne vois pas pourquoi je ne commencerais pas arbitrairement par montrer qu propos des choses les plus simples il est possible de faire des discours infinis enti rement compos s de d clarations in dites enfin qu propos de n im porte quoi non seulement tout n est pas dit mais peu pr s tout reste dire Je propose chacun l ouverture de trappes int rieures un voyage dans l paisseur des choses une invasion de qualit s une r volution ou une subversion comparable celle qu op re la charrue ou la pelle lorsque tout coup et pour la
146. aie Voici donc la derni re ann e finie et je vais commencer un autre genre de vie cela me para t singulier et parmi les inqui tudes qui me pren nent la plus forte est le choix d une profession venir Cela me pr occupe d j me tourmente d autant que je ne me sens de vocation rien et que je me sens bien des go ts divers qui prennent alternative ment le dessus Charles Baudelaire Correspondance g n rale Louis Conard 1947 1953 L important c est d obliger ce principe d une phrase continue une phrase qui ne finit pas oblige sans cesse la nourrir et se ressourcer cet instant de temps z ro pour ce basculement vers l avant comme si on n avait jamais assez de toutes ses forces pour tout analyser et d crypter initiant ce mouvement de spirale ou d effondrement qui signe La Nuit juste avant les for ts de Bernard Marie Kolt s par exemple sur cette sc ne de bagarre dans le m tro peut servir de base un monologue explorant sur ce m me principe de retour incessant un temps origine une situation en impasse mais en m me temps que cela je sens dans mon dos que l un des deux met la main dans la poche de mon pantalon qu il tire mon por tefeuille moi je ne bouge pas tout de suite je sens que je tiens la forme alors je me dis mec pas de bagarre je leur parle et il n y a pas de raison que cela ne marche pas je me retourne et dis OK fais pas 273 b
147. aint a c est sain Greg Greg Voir Toujours mille et mille Mille mille gens Timidant Mais a file File des cends C est paix CP C E ce se hein CEI CE2 CE3 CE4 CE12 CE1000 Ce a y est C est Tu sais Tu sais jusqu cent Jusqu a Grande comme a Tu sens CM CM a aime a aime a et ci et si et a aussi Et a aime et a si Et a s expressionne a s expres sionne corporelle No l cole normale sup rieure rue d Ulm 2005 extrait 152 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 31 08 05 17 41 Page 153 Hommage Val re Novarina N e dans une impasse passionn e Passage cassage et chemins de tra verse emprunt s Me suis battue sur les sentiers oui ru e dans les rues d rout e Ai chemin bourlingu de bourg en bourg berlingot baldingu Gamine pas loin de la croix Christ la crois e des chemins rue Saint Jean La croix et la banni re La tani re hier hier Saint Jean 37 Oui saine et sainte enfance Apr s ma m re enceinte en sainte enseignante quelle enseigne Rue Saint Jean Jean qui Jean quoi J en n ai rien faire je mai rien qu un fr re Jean Guillaume Mais c est rue Saint Jean sais rien Jean Jaur s 10 qu i d barque ce compagnon de route Venu pas venu Jean vu j en vois bout de vie v cue avenue Jean Jaur s neuf trois toit neuf non lieu banlieue Jean toujours Jean Des gens des gens avenue Jean Jaur s Bea
148. alis s par la fabrication en s rie Elle est rose fluo avec des autocollants Oxbow Je tiens personnelle ment ma moto qui m appartient et que je ne pr te personne C est un CR 250 Honda j ai t oblig de la commander parce que je vou lais cette couleur l C est celle l qui me plaisait Centre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1997 L objet peut tre l mentaire la montre le crayon ou purement g om trique lalliance nous de prou ver qu en crire soit possible Je me souviens une des premi res fois que j essayais ces exercices Lod ve en 1993 d avoir pris l exemple de la montre comme d un objet toujours identique lui m me dans son fonction nement et ses principes pour expliquer comment cha cun dispose pourtant pour la sienne d une histoire achet e o offerte par qui Un jeune ch meur faisait toujours non de la t te au point que je lui ai demand pourquoi sa fiert tait la possession d une montre dont les aiguilles tournaient en sens inverse de la norme Alors une autre dans le groupe a fait sonner une montre qui imitait le cri du coq tandis qu une troisi me mal voyante a fait d monstration de la sienne qui donnait l heure en parlant Depuis je suis plus prudent dans mes exemples Voici en cho au Galet de Francis Ponge un 219 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 220 Tous les mots sont adultes texte crit e
149. amp l ellipse narrative les questions de cadrage en g n ral ou d installer pour un r cit qu on vient de faire 285 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 286 Tous les mots sont adultes crire le rep rage dans le monde r el qui permettra d en dresser et am nager le d cor Il ne s agit pas de mener l criture cin matogra phique comme finalit m me si le monde du cin ma sait utiliser depuis plus longtemps que la litt rature les techniques du creative writing Ce que nous apprend Marguerite Duras dans ses tentatives les plus auda cieuses comme Le Camion o Navire Night c est que nous projetons consciemment ou pas les dispositifs narratifs et visuels du cin ma dans notre perception du monde au quotidien que nous y avons collectivement autant qu individuellement d plac nos repr sentations mentales mais que la litt rature suivant son historicit propre a besoin d tre quelque peu bouscul e pour s adjoindre ces tentatives et proc d s Ainsi l image panoramique l arr t sur image la bande son et m me l art du dialogue qui ne fonctionne que s il est s par ou autonome de son pur contenu signifiant ne sont pas chez Marguerite Duras une trans position provisoire dans le texte d un imaginaire qui n a sa valeur artistique que dans le film ou sur la sc ne de th tre mais bien en fonction de leurs seuls enjeux de litt rature nous voici devant un liv
150. ance de son objet et qu il le des sine quand m me en volume Comment parler de son propre visage o nous reconnaissons d abord ce dont il h rite qui n est pas lui m me Du visage de l autre ce qui s crit en lui mesure de ce qu il traverse Le rap port qu on a soi m me son visage singuliers moments o on ne se reconna t pas soi m me On s aper oit dans une glace on est surpris que ce soit soi m me Se concentrer sur ces moments et comment alors tait 188 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 189 Troisi me cercle conqu rir l intensit devant nous ce visage devenu un instant tranger Rap port la d formation Francis Bacon peintre de tr s haute perfection technique lorsqu il s agit de se peindre lui m me fait d tour par le sch matisme et la pauvret de photomatons r p t s C est la simplification du pho tomaton dont il se saisit pour cet autoportrait o tout se pousse en avant d form pour atteindre au langage la pr sence Sur cette piste des moments o on ne se recon na t pas soi m me ce texte trange d Henri Michaux Je connais si peu mon visage que si l on men montrait un du m me genre je n en saurais dire la diff rence sauf peut tre depuis que je fais mon tude des visages Plus d une fois un coin de rue rencontrant une glace un magasin qui veut vous faire cette surprise je prends pour moi le premier venu pourv
151. ant deux heures et demie qu il me restait une bonne heure devant moi j ai commenc rouler un peu plus loin j ai commenc aller un peu par tout Une voiture m a crois et comme j avais le camion assez large j ai pris le trottoir et il y avait un poteau je me suis compl tement encastr dedans Je suis parti pied je suis rentr chez moi et vers le coup de deux heures et demie trois heures il a pass un coup de fil chez moi parce qu il ne voyait pas son camion Il m a demand si j avais vu le camion j ai commenc nier mais vu que j tais pas venu l apr s midi il savait tr s bien que c tait forc ment moi J ai expliqu ma m re Ma m re m a dit Tu reconnais tes torts et voyons comment cela se passera Il a t tr s compr hensif il a dit Maintenant moi je connais le pro bl me c est pas la premi re fois que a m arrive Je ne veux pas te virer mais pour les r parations je souhaiterais te le retenir sur ton salaire un petit peu pas tout pour rembourser les d g ts Vu que j tais encore tr s jeune dans ma t te je lui avais dit oui parce qu il tait devant moi pas de probl me mais je ne me suis pas repr sent peut tre par honte de mon acte Pas de ne pas vouloir le rembourser mais de me sentir mal l aise vis vis de cet accident J avais peur de le revoir je ne pouvais plus le regarder dans les yeux Il m avait fait confiance je lui avais fait faux bond
152. ar on ou une fille un enfant couch dans l herbe portant sur le visage et dans chaque recoin du corps une tristesse bien plus ancienne que lui HORN Aux arbres on lit leur ge au moment de la coupe lui aussi en comp tant autour de ses yeux et de sa bouche ses rides lentement d pos es en alluvions En son for int rieur une vieille femme inconnue tout habill e de noir le visage dans l ombre qui vient r guli rement chaque soir s asseoir c t de lui jusqu au matin sans un mot sans un bruit il ne la conna t pas il pourrait le jurer Bernard Marie Kolt s Combat de n gre et de chiens Minuit 1989 278 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 279 Hommage Bernard Marie Kolt s C est une approche tr s forte du concept de person nage parce que quel que soit le concret du mod le la division en trois fragments disjoints et notamment ce terrible saut qu est cette projection dans un for int rieur imaginaire coupe radicalement le texte produit de tout effet simplement r aliste C est un exercice trange parce qu il produit une suite de textes qui ne se rejoi gnent pas et dont l effet de coupe l incompl tude induit l espace des fictions possibles En nous faisant demeurer au seuil de la fiction c est son plein effet qu on va mesurer plus d interrogation sur le biogra phique ou l intime mais ce seuil terrible de l invention fictive parce qu on mesu
153. ar Denis Bablet L ge d homme 1977 Ce sera videmment d autant plus facile qu on m nera l atelier s il s agit d criture de th tre dans un lieu de th tre m me Alors la simple d ambulation des participants dans le lieu une criture au plus direct de l o on est parce qu il s agit d l ments ritualis s loges coulisses fauteuils rideaux lampes reconduira de ce particulier au g n ral Ce qu il faut surtout noter c est combien ce processus m me de nommer le lieu dans l criture fait partie du th tre depuis presque toujours mani re essentielle de figurer dans sa parole m me l ins tance de la repr sentation Et que l criture du lieu peut alors s ouvrir de l int rieur son dispositif fictionnel faire na tre l enjeu fictionnel de cette description m me En voici deux exemples pris des contemporains majeurs Tadeusz Kantor pour La classe morte et Samuel Beckett pour Le D peupleur 252 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 253 Chapitre part de l criture de th tre LA CLASSE MORTE Dans la derni re frange oubli e de notre m moire dans un coin troit se dressent quelques pauvres rang es de BANCS en bois Les LIVRES dess ch s tombent en poussi re Dans les deux COINS comme des modules g om triques dessin s la craie au tableau se tapit le souvenir de punitions endur es Les W C scolaires o l on apprenait conna tr
154. arler Ce qu on voit de la fen tre Ou bien quand on s y est perdu au milieu de la nuit Les cachettes qu on s y faisait Les saisons Les bruits bruits de la journ e quand on y est mais qu on ne devrait pas y tre les bruits du dimanche les bruits de la nuit Mais alterner avec la vision les d tails qu on voit parce qu on est l longtemps d fauts du sol inventaire des objets fixes rampe de balcon tuyaux de chauffage poign es de la porte et de la fen tre organisation du placard Ce qu il y a sur les murs le d fil des lumi res On peut parler des fissures du plafond et des mondes qu on y cr e Proposer que rien de ce qui est indiscret ou priv ne traverse le texte sera une force suppl mentaire o s appuyer pour contraindre parler d objets de disposition de fen tre et de sons Alors l espace qui ne sera plus l espace r el d crit mais ce que nous qui entendons lecture de ce texte r inventons d un espace produit uniquement par ces descriptions parcellaires belle et tr s simple mani re de faire percevoir comment l crit se produit comme fic tion et tire sa force d imaginaire de sa fid lit au r el convoqu Et on accueillera avec la m me simplicit celui qui en fugue dort plusieurs mois sans que ses parents le sachent dans la machinerie d ascenseur deux tages au dessus de l appartement familial avec pour 28 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41
155. aura souvent cette qualit de prof ration d implication cor porelle qui permet de b tir aussit t partir de lui des exercices de plateau Le premier exercice que je proposerai ici sera de sim plement d crire une salle vide parmi celles qu on porte en soi m me Un lieu de repr sentation sans la repr sentation 251 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 252 Tous les mots sont adultes Il y a un moment particulier au th tre o entrent en action des mal fices p rilleux et v n neux quand les lumi res s teignent et que tout le public est sorti sur la sc ne tout devient gris des lointains paysages se transforment en badigeonnage banal coll sur quelque chose Une fois t s les costumes et les accessoires eux qui un moment aupa ravant taient merveilleux et resplendissants r v lent maintenant leur nature une mystification clinquante et mis rable quand meu rent des sentiments et des gestes qui un instant avant taient si vifs et passionn s et qui avaient t tellement applaudis Peut tre qu alors nous voudrions encore une fois errer sur le plateau comme dans un cimeti re recherchant les traces de ce qui encore vivant il y a quelques minutes nous mouvait Sc ne BARAQUE DE FOIRE monde vide comme l ternit o la vie s allume juste un instant comme une illusion Mis rable baraque Tadeusz Kantor Le Th tre de la mort traduit du polonais p
156. ause des ann es pass es Dont pour ceste ann e les chancres iront de coust amp les cordiers reculons les escabelles monteront sur les bancs les broches sur les landiers amp les bonnetz sus les chapeaulx les coissins se trouveront au pied du lict les couilles pendront plusieurs par faulte de gibessi res les pusses seront noires pour la plus grande part le lard fuyra les pois en quaresme le ventre ira devant le cul se assoira le premier Fran ois Rabelais Grande prognostication certaine et infaillible pour Pan perpetuel Claude Nourry 1535 Le deuxi me th me Introspection on peut le conqu rir en s appuyant sur cette accumulation de pourquoi la mani re de Borges 257 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 258 Tous les mots sont adultes Pourquoi sommes nous attir s par la fin des choses Pourquoi n y a t il plus personne pour chanter l aurore et pourquoi tout le monde chante t il le cr puscule Pourquoi pensons nous instinctivement la d faite de Waterloo et non sa victoire Pourquoi la mort de l homme rev t elle une dignit que n a pas sa naissance Pourquoi la trag die suscite t elle un respect auquel ne saurait pr tendre la com die Pourquoi sentons nous qu un d nouement heureux est tou jours factice Pourquoi donc la m moire se souvient elle des vaincus et non des vainqueurs Pourquoi la mort violente est elle aujourd hui si facile P
157. aute pour l autre La relation de hi rarchie entre la narratrice et l acteur lequel r siste ou contredit ou bien en accep tant de filmer ce qu on lui demande fait que ce bref mais magistral texte permet Marguerite Duras de conqu rir son terme une figure in dite et extr me projetant rebours sa lumi re sur tout le livre Me rendre la mort plus proche plus admissible oui sou haitable Le texte de Marguerite Duras ajoute cela un autre espace de fonctionnement bauche fictionnelle d un film il implique que ce qu on dit commande la r alit Le vous y organise la hi rarchie des corps mais aussi leur spatialisation L espace de la parole et celui du geste n interf rant jamais le texte passe sans cesse d une cat gorie l autre parole dite geste fait sans rien d termi ner de qui parle l int rieur de cette cat gorie on distingue s il s agit de se mouvoir de penser ou de par ler sans jamais savoir si c est dit ou imagin adress ou r p t ni pouvoir reconstituer parfois le locuteur Le vouvoiement implique de convoquer ainsi l id e de pouvoir pouvoir vide parce que l autre dans le texte de Duras s y refuse Ici c est la r sistance cette hi rarchie de pouvoir qui va devenir le moteur du texte C est ce qu on va proposer aux participants d affronter convo quer le vous dans une relation de hi rarchie ou d auto 197 b P001 00
158. ble dans cet exercice c est de pou voir se limiter comme th me la seule convocation de cette relation in galitaire la hi rarchie ou l autorit Vous vous tes tromp Vous n avez jamais compris Vous restez en surface sans voir l int rieur le bon des gens 198 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 199 Troisi me cercle conqu rir l intensit Vous voyez une autre en moi vous ne me voyez pas Vous auriez voulu une autre et je ne suis que moi Vous ne dites rien Centre dramatique national de Nancy avec une classe de premi re option th tre du lyc e Chopin 1998 Mais qu on peut crire aussi ce qui concerne celui ou celle qui est c t domin dans sa solitude et sa tension Vous tes dans le noir Votre regard se fige Vos nerfs se raidissent et font mal tant ils sont durs Vous croyez que votre corps va exploser Par quel acte Vous serrez les poings et assis vous balancez votre corps comme quel qu un de fou L explosion est int rieure ne jaillissent que des larmes de vos yeux Votre tension s agite la sienne Vous voulez le calmer en n tant pas calme vous m me Votre visage se d tend avec obligation vous ne voulez pas tre triste encore aujourd hui Votre sentiment de d sespoir s efface par lassitude Vous tes calme car vous pensez que votre col re ne sert plus rien Centre dramatique r gional de Tours avec une classe de premi re option th tre
159. blocs fixes qui par leur agencement et leur coupe en ordre non chronologique vont rendre compte d un temps fini mais continu associant figures individuelles et pratiques sociales ritualis es Il laissait maman le soin de nous empaqueter dans nos plus beaux habits ceux qui nous g naient partout au col aux entournures parce qu on n avait jamais le temps de leur donner le pli convenable On avait pris plusieurs centim tres quand le froid la lumi re insuffisante de l hi ver s emparaient une nouvelle fois de la contr e la faveur de la nuit et c tait toujours la premi re fois qu il fallait nous introduire dans la chemise blanche le pantalon bleu et la veste boutons argent s qui taient d uniforme ce matin l Dehors mon p re essayait de caler les pots de chrysanth mes dans l esp ce de cavit soud e sans profondeur qu il y avait sous le capot de la 4 CV II n a jamais beaucoup parl alors que a aurait contribu clairer bien des choses Mais pour le coup il se montrait moins loquace encore qu l ordinaire Il tait d j assis au volant avec le 244 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 245 Quatri me cercle l image la parole le temps volume inusit que lui donnaient le costume la gabardine et le chapeau quand nous nous installions mon fr re et moi derri re en butte l in commodit des v tements neufs et plus obscur ment au mal fic
160. ce du Vieux Colombier o deux cents pages d accumulations br ves butent chaque fois sur la m me limite l impossibilit de dire la fracture mentale laissant chaque fois le langage basculer dans l illisible Artaud nous enseigne ici une nouvelle dimension de la phrase non pas un encha nement par embo tements et liaisons mais faire texte du moment m me o la phrase vient se composer dans le dire Ou plut t effort dans le dire et l expression de laisser la phrase dialoguer avec l tat brut qu elle est sa naissance mentale pour s en arracher et se faire langue Ainsi Savez vous ce que c est que la sensibilit suspendue cette esp ce de vitalit terrifique et scind e en deux ce point de coh sion n cessaire auquel l tre ne se hausse plus ce lieu mena ant ce lieu terrassant Antonin Artaud L Ombilic des limbes in uvres compl tes t Gallimard 1976 C est en proposant le temps d une s ance l usage exclusif du tiret d dition qu on va tenter d atteindre 164 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 165 Troisi me cercle conqu rir l intensit cet tat suspendu de la phrase d Artaud De m me qu on sera pass par l criture sans ponctuation lap prentissage de cette pratique non hi rarchis e des l ments de la phrase est une phase n cessaire de la d construction par quoi chacun va prendre conscience du rythme singulier
161. cela exprime une singularit une tentative assez large pour se savoir unique En nommant l criture elle m me on a dress cet ensemble brut et discontinu vers la figure du livre On sait dans le territoire avec chacun balay o sont les points d incandescence et avec quoi dans la litt rature cela r sonne entretient dialogue Une aven ture autonome peut commencer une entreprise plus large et solitaire Apr s un an de travail avec des sans abri de Nancy les messages que nous continuons tou jours de nous changer sont invariablement sign s bonne route P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 328 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 329 REMERCIEMENTS Remerciements repris de la 1 dition Sans pouvoir les nommer tous je tiens remercier ceux et celles enseignants biblioth caires formateurs qui depuis mon premier atelier en 1991 au lyc e facques Brel de La Cour neuve puis l Ifad Paillade et lors de la fondation de la Boutique d criture de Montpellier la biblioth que muni cipale de Lod ve celles de Bobigny ou Bagnolet dans les maisons d arr t de Poitiers Grasse Gradignan Tours l cole des Beaux Arts de Lyon la facult des sciences de Bordeaux et au d partement Arts du spectacle de l univer sit de Rennes comme dans de nombreux tablissements sco laires du second degr entre autres coll ge Fran oise Dolto de Villepinte lyc e professionnel
162. cepterez cette fois que je reprenne tout pour tenter d y mettre de l ordre tout depuis le d but Vous me devez cette attention m me si je le sais vous ne me devez rien en v rit vous me la devez parce que vous ne me devez rien Vous avez d j compris que je supplie sous mon air de r clamer Bernard No l La Maladie de la chair ditions Ombres 1993 Dans cette contrainte de commencer chaque phrase par un vous il indique tour tour sans distinction de syntaxe la fois ce qu on nomme ce qu on dit l autre ce qu on voudrait dire ou aurait voulu dire l autre ce qu on pense en disant autre chose comme ce que nous dit l autre ce qu il fait ce quoi on assiste ensemble Y compris la pure sym trie si c est son interlocuteur qui apostrophe le narrateur la phrase qui s crit dans le texte s crira aussi par un vous identique 196 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 197 Troisi me cercle conqu rir l intensit Dans l Homme atlantique de Marguerite Duras Minuit 1982 ce fonctionnement est d multipli celle qui dit vous s adresse un acteur auquel elle dicte des indications de mise en sc ne mais sugg re aussi les paroles dire Si ces paroles sont r p t es deux fois dans le texte il devient ind cidable parole que r p te l ac teur parole dite deux fois pour insister parole qu on con oit int rieurement avant de la dire voix h
163. chambre Estelle finit son caf tranquillement Ga lle com mande une pizza Ana s met son maillot de bain Sonia tourne la page de son livre Le toy se dirige vers le poulailler Daphn fait de la balan oire Et puis ceux l Centre dramatique national de Nancy 1997 Le livre termine par un tr s long passage qui est presque un murmure les noms de cours d eau en France gardent quelque chose du fluide du symbole Val re Novarina en quinze pages serr es nous en four nit plusieurs milliers la plupart inconnu il faut habiter Indre et Loire et encore le canton de Rabelais pour savoir qu y coulent la Veudre et le Mable Et rien de tel pour amorcer l atelier de faire circuler le livre dans le groupe et demander simplement que la voix la voix de chacun la voix de tous ne cesse pas la musique de Novarina tablie et cette pure fascination pour la sug gestion du langage n importe quel contenu pourra en tre travers Et si vos participants ont du culot lancez les donc dans cette exploration d un cimeti re et ses pi taphes voqu e plus haut et qu ils mettent tous leurs morts des plus c l bres au plus humbles des anonymes ceux que porte leur g n alogie qu ils y aient gard nom et histoire ou aient disparu sans trace l animal du Temps Au premier qui lira sa tombe Au chien qui Au Sol et au Seul qui A la viande et autrui Animaux cerveau regardez l insc
164. chine Littr avec vingt deux occurrences avant m me d tre au bout du premier article m a toujours sembl singu lier au plus haut point C est le plaisir qu on prend tou jours aux grands dictionnaires de pouvoir voyager m me si c est sans la distorsion dialogique de Nathalie Sarraute l int rieur d un mot Parce que l exercice est difficile une fois rapidement pr sent s les trois livres de L on Bloy Nathalie Sarraute et Camille Laurens c est sur le ton et la mode du dictionnaire charg d exemples concrets que je propose aux participants de se saisir d une suite de mots ou d expressions pour eux embl matiques OUI oui ce mot a une demi aspiration ce oui des oui dites d oui un oui dites un sans liaison oui le oui et le non eh mais oui dites eh m oui je crois que oui je dis que oui on dit cependant aussi et on crit je crois qu oui je dis qu oui adv Il affirme et est oppos non J y vois des berg res qui ne savent que oui et non BALZAC liv IV lett 15 Ils rapportent les raisons de ceux qui disent que oui PASC Prov XII Et si l on trouve que oui vous aurez la gloire de lavoir mieux entendu ID ib XVII M de Montausier ne vou lut apprendre d autre langage que celui de l vangile oui oui non non FL CH duc de Mont Un honn te homme qui dit oui et non m rite d tre cru LA BRUY V Pour moi j aime les gens dont l me se peut lire
165. ci C est par ce principe d igno rance qu on peut accentuer encore en sugg rant d em ployer des phrases au pr sent sans propositions relatives ni circonstancielles que la continuit du texte lu pas sant par sauts d une image fixe une autre va reconsti tuer finalement l illusion du trajet r ellement fait 59 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 60 Tous les mots sont adultes Voici sur ce principe un fragment de Danielle Col lobert o les deux seules exceptions de propositions relatives ou circonstancielles parmi les neuf phrases du paragraphe permettent de visualiser la force qu on peut tirer de leur conomie Ici c est la ville vraiment des maisons avec des jardins peut tre mais la ville pourtant on sent en bas de la pente au loin tout le quartier industriel de l Est les gazom tres les chemin es d usines fumantes chapp es blanches dans le gris du matin Plein d paisseur P n trer se dissoudre l passer dans les conduits s carteler aux grues monter descendre chocs contre les difices de briques noircies clatement on s abr ge dans du b ton Une paisseur coh rente et lisse On ne vient pas bout si vite des paysages quand on n est plus l devant Il y avait une terrasse C tait un ancien caf avec une tonnelle deux jeux de boules une petite salle pleine de gens du quartier le dimanche qui venaient danser l beaucoup d Espagnols Maintenant i
166. construction proposant que les paragraphes s bauchent comme un travail de sc nario prise de notes et montage d l ments en style t l gra phique s il le faut pourvu que le chemin et les images qu on va lire ensuite nous donnent cette id e d une construction d un choix pr cis d l ments s par s Pierre Bergounioux a plusieurs fois utilis ces figures 243 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 244 Tous les mots sont adultes de r el ritualis comme prisme optique pour lui per mettre d arracher au pass enfoui dont tant d l ments ont d j disparu y compris de sa m moire de narrateur la force et la mati re de sa fiction Son titre La Toussaint est embl matique du th me qu on propose cette s ance th me qui permet d affronter si l on veut des choses graves capable aussi de les d samorcer par cet effet de d tail et d attention au r el qu on restitue En tout cas dans la marche pr cise et fixe du r cit de cent soixante pages qu il articule sur cette seule journ e de novembre qui est celle de la visite aux morts c est bien ce travail de coupe du paragraphe qui va conf rer au r cit sa force saccad e et pr cise d avance implacable Et c est sur cela ce qu on peut gagner cet effet de cl ture br ve d un paragraphe toujours clos sur une image fixe qu on va s appuyer pour demander aux partici pants d amener eux aussi une suite finie de
167. core plus fort le front l le front fait mal frotte plus fort s irrite pas le front de l int rieur pleure 165 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 166 Tous les mots sont adultes un corps l qui s exerce la douleur comme s il n en avait pas assez de cette souffrance chaque instant par flots par vague immense s essayant au d risoire de l exercer Danielle Collobert Il donc Change Seghers Laffont 1976 repris dans uvres compl tes P O L 2004 Les textes d atelier induits par cette proposition don neront la lecture orale leur pl nitude d intensit et de risque Il faut veiller tenir jusqu au bout de la s ance que l nigme vive qu aucun n explique d o a jailli ce texte et de la seconde pr cise d une chute de v lo ou d accident de voiture telle minute d irr pressible fou rire au r veil d une anesth sie apr s intervention chi rurgicale ou gueule de bois ou deuil ou naissance jus qu pouvoir accueillir parfois acc l r par la bri vet du texte le r cit d une longue d pression nerveuse Compte seulement ce dire qui d s que prof r est ren voy sur le mental m me qui l nonce cette mutation en germe chez Baudelaire o elle reste intermittente Sois sage ma douleur et tiens toi plus tranquille trouve sa pl nitude consciente chez Artaud pour s
168. cto 119 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 120 Deuxi me cercle l identit reconstruire ou du d casyllabe la tr s vieille lanc e du verset offre en retour la force qui ramasse une silhouette ou un tre en une ligne On peut avec cette mani re de d signer un tre avoir le sentiment qu il est en entier pr sent dans la phrase m me si elle ne rapporte de cet tre qu un d tail tr s indirect correspondant au je ne Pai pas connu du texte ci dessus C est aussi une proposition formelle consid rable priver le texte de toute proposition principale et n crire qu avec les propositions relatives induites par le celui qui proc d qu on retrouve aussi chez Michaux ou Ara gon sans parler du D ner de t tes de Pr vert mais c est cette raret et cette importance du th me qui distin guent Saint John Perse unicit absolue de qui on parle On insistera sur ce d port qu op re le fait d crire sans proposition principale celle ci tant rejet e tout la fin une atteinte aux droits dominants du sujet dans notre langue Se forcer avancer par cette accumulation de relatives le d port devenant le moteur m me de la gen se du texte accumuler encore par manque de cette proposition conclusive La r p tition m me de l incipit celui qui ou celle qui ou ceux qui permet d j le fait accompli que la main crive et que le texte soit moteur de sa propre gen se
169. d argent un gros bateau l bas montrant sa poupe emboss des voix noires une m lop e noire des cris un groupe noir pataugeant claboussant ahanant tirant sur les cordes deux grosses barques s levant retombant dans les rejaillisse ments d cume ti de Passage de la Barre C te Est de Madagascar et onze heures du matin Zanzibar Water carriers at the pipe des n gresses aux cheveux courts cr pus remplissent des bidons de t le un robinet plac sur un socle de ciment et derri re elles un mur l preux d cr pit avec deux fen tres garnies de barreaux les bidons s entrechoquent avec un bruit creux le soleil tellement violent que l une des femmes se prot ge le visage l aide d un bidon vide une autre v tue d un tricot moutarde d chir s loigne de la fontaine un bras pendant tir vers le sol par sa charge le corps pench de l autre c t pour l quilibrer le bras libre horizontal en balancier Claude Simon Histoire Minuit 1967 L image est trop omnipr sente d sormais pour qu on se contente d noncer une contrainte formelle Le repli 209 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 210 Tous les mots sont adultes est trop facile sinon sur des images toutes pr tes et trop lisses Je demande que l affect soit le principe de s lec tion des photographies sur lesquelles on va choisir d crire Le th me suivant est sans doute le plus riche les cinq premi res
170. d de brusque transition D s Flaubert la syst matique des proc d s de juxtaposition qui fait pas ser d un objet vu dans le d tail Une lampe en forme de colombe br lait dessus continuellement cite Proust une vue bien plus large Les maisons avaient des jardins en pente cite encore Proust nous contraint modifier sans cesse ce qui est une banalit depuis l apparition du cin ma la notion de distance et de focale pour la fa on dont le r cit appr hende ce qu il repr sente Si nous y sommes habitu s pour le visuel cela peut encore n ces siter un apprentissage pour l criture avant d oser ces 39 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 40 Tous les mots sont adultes agrandissements brusques de focale que Rimbaud ose parfois dans une m me phrase La plaque du foyer noir de r els soleils des gr ves ah puits des magies seule vue d aurore cette fois Dans Les Illuminations de Rimbaud le champ visuel est toujours d fini par la phrase et peut changer chaque image Un long pier en bois d un bout l autre d un champ rocailleux o la foule barbare volue sous les arbres d pouill s Dans des corridors de gaze noire suivant le pas des promeneurs aux lanternes et aux feuilles Des oiseaux com diens s abattent sur un ponton de ma onnerie m par l archipel couvert des embarcations des spectateurs Arthur Rimbaud Les Illuminations Publications de la Vogue
171. d oc an d apr s l opacit et nigme de l anagramme produit comme le France Ville dont r ve ici Jules Verne Et d abord le plan de la ville est essentiellement simple et r gulier de mani re pouvoir se pr ter tous les d veloppements Les rues croi s es angles droits sont trac es distances gales de largeur uni forme plant es d arbres et d sign es par des num ros d ordre De demi kilom tre en demi kilom tre la rue plus large d un tiers prend le nom de boulevard ou d avenue et pr sente sur un de ses c t s une tranch e d couvert pour les tramways et chemins de fer m tropolitains tous les carrefours un jardin public est r serv et orn de belles copies des chefs d uvre de la sculpture en attendant que les artistes de France Ville aient produit des morceaux originaux dignes de les remplacer Toutes les industries et tous les commerces sont libres Pour obtenir le droit de r sidence France Ville il suffit mais il est n cessaire de donner de bonnes r f rences d tre apte exercer une profession utile ou lib rale dans l industrie les sciences ou les arts de s engager observer les lois de la ville Les existences oisives n y seraient pas tol r es Jules Verne Les Cinq Cents Millions de la B gum Hetzel 1879 Il y a un vrai manque bibliographique sur cette ques tion tr s importante de la conception spatiale des terri toires du quotidien quand el
172. d finir mais quarante tages et pas un de plus cela ne fait m me pas la tour Mont parnasse monsieur dans des appartements de surface moyenne mes calculs sont raisonnables que ces maisons constituent une ville je dis bien une seule dont les rues auraient dix m tres de large ce qui est tout fait correct Eh bien cette ville monsieur couvrirait la moiti de la France pas un kilom tre carr de plus Tout le reste serait compl tement libre Vous pouvez v rifier les calculs je les ai faits et refaits ils sont absolument exacts Bernard Marie Kolt s Combat de n gre et de chiens Minuit 1989 Autre difficult si les premi res id es viennent faci lement elles peuvent s ass cher vite une fois r dig leur premier clich La consigne cesse une fois le d clen cheur trouv et l imagination seule ne produit rien C est plut t alors dans une intervention individuelle en cours d criture qu on peut s y investir par le dialogue interroger les premi res lignes du texte sur la logique de la ville qu il d crit et aider son auteur reconna tre son propre principe d expansion textuelle possible Quelles sont les lois quoi ressemblent les habitats o se 88 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 89 Premier cercle les trajets la ville situent ils Celui ou celle qui d crit une ville de morts vivants d o viennent ils vont ils chercher les agoni sants dans le
173. d par Marthe Robert Grasset 1954 Les quatre versions de Prom th e Ce n est pas un texte du Journal mais un de ces textes tr s courts et d un fantastique incroyablement puissant lire Le Vautour Le Pont ou La Trappe conter le th me de Un champion de je ne ou La Colonie p nitentiaire Enjeu le rapport de la langue crite la naissance du r cit l immense fondation orale La notion de variante L origine des contes et les multiples formes qu ils pren nent pour une m me cible parler des l gendes de la mort en Bretagne de la r currence dans les traditions occidentales de l image d un village enseveli des pays de marais qui resurgit voir le livre g nial et m connu d Ernst Bloch Traces Gallimard 1976 105 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 106 Tous les mots sont adultes C est parce que Kafka rassemble et condense en cinq lignes l histoire du Prom th e qu il P vide suffisamment et la rend transformable C est parce que ce premier tra vail de r sum rendra le th me choisi suffisamment abs trait et simplifi qu on va pouvoir baucher des variantes invent es du m me th me par simple d placement combinatoire des m mes l ments fixes On peut croi ser l l univers des critures dites contraintes en pro posant de r utiliser les incipit de chaque variante du Prom th e de Kafka leurs trois premiers mots et de finir par ce qui est le dern
174. d rive La chambre qu on r ve Le personnage de La Nuit juste avant les Jor ts Minuit 1988 demande feu ou cigarettes mais il en dispose d j Et retour la case d part On s appuie sur l instant le monologue se d veloppe mais pour pou voir s entretenir comme tel revient pour chaque nou velle figure du discours cet instant z ro Pour s adresser qui depuis quel instant magique ment isol de toute continuit toute dissolution dans la dur e Le monologue s interroge chaque nouvelle figure sur lui m me et trouve dans cette interrogation son propre aliment pour se renouveler Il faut donc pour entrer dans le monologue int rieur aider les participants trouver cet instant qui va servir de plaque tournante sans dur e partir de quoi vont d river des phrases mais auquel on pourra toujours 267 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 268 Tous les mots sont adultes revenir duquel on pourra nouveau repartir pour une autre d rive suffisamment br ve pour qu on puisse en accumuler trois ou cinq le principe de retour en boucles tant une contrainte principale plut t que la seule capa cit de d rive qu on peut susciter plus pr cis ment en sugg rant des champs le lieu le possible les paroles la perception int rieure On s appliquera suivre aussi le dispositif de ponc tuation propos une seule phrase de soixante pages o la r currence de ce point z r
175. d 336 FREE 17 41 Page 128 Deuxi me cercle l identit reconstruire la pure subjectivit complexe toil e l o cette inten tion heurte au monde sans qu en rien transformer soit possible C est le dialogue de fond que Valet renvoie Paul luard dans Sans museli re 1949 et la bascule qui nous int resse on ne heurte pas le po me au monde pour en faire un message mais en se confrontant la plaie vive avec les beaut s et le d lire des mots c est soi m me qu on agrandit qu on complexifie Il s agit donc nouveau de progresser dans le texte non pas lin aire ment en faisant qu une phrase fasse suite celle qui pr c de mais en revenant soi la fissure qu on veut dire celle qui traverse le monde la ville la plan te la relation l autre partout o la g n rosit s irrite o m me le don ne suffit pas ne r pare pas Et chaque fois qu on revient ainsi au lieu de la friction c est une nou velle association subjective qu on va tisser extraire ou d couvrir de soi m me laquelle va en regrouper autour d elle un bouquet un encha nement bref mais on pourra toujours revenir la situation initiale C est un texte qui produit ce d clenchement d cri ture justement parce qu il n est pas raisonnable plut t dans l h ritage du Silence au raisonneur de Rim baud que le tr s grave y c toie sans coupe le presque futile ou le carr ment fou que l a
176. d Nobel de Clichy sous Bois 1999 Accrocher la ville les ciels de Leslie Kaplan Mais l utilisation d Alcools peut induire un effet de rimes de phrase chant e qui affaiblit Pour renforcer la possibilit d criture de nos univers urbains contempo rains c est Le Livre des ciels de Leslie Kaplan PO L 1984 suite de saisies extr mement pr cises de lieux chacun comme une bulle d un monde clos ne tirant sa l gitimit que de lui m me La notion partageable d une pr sence R fl chir d abord l o on est immobile m me pro visoirement m me un instant mais de fa on r p titive dans le quotidien pour regarder la ville devant une fen tre l arr t de bus un feu rouge sur un banc ou l o on prend le pain la caisse d un supermarch C est une suite d endroits o on attend bri vement m me quelques dizaines de secondes pourvu que r p t es presque au quotidien il suffit de penser ce qui revient r guli rement au fil des jours s immobiliser un endroit pr cis pour d celer ces points d arr t m me tr s fugaces pour qu apparaisse son territoire personnel dans la ville et un nouveau portrait de cette ville Insister sur cette tr s provisoire absence totale de mouvement cette disponibilit la r ception arbitraire m me si c est seulement pour quelques secondes arr t devant une porte le temps de prendre sa cl moment o on enl ve son casque pour
177. d Perec nous met la rue La rue Vilin c est la rue natale de Georges Perec telle qu il la parcourt dans le recueil Z Infra ordinaire Le Seuil 1989 Au 9 Restaurant Bar Marcel Au 6 Plomberie Sanitaire Au 6 Coiffeur Soprani Aux 9 et 1 deux boutiques ferm es Au 1 Vilin Laverie Une palissade de b ton apr s le 1 1 fait le coin de la rue Julien Lacroix Georges Perec L Infra ordinaire Le Seuil 1989 Non plus strictement un inventaire mais un d nom brement de choses et d images dans leur distance On revient la rue de l enfance et on l arpente en notant au plus l mentaire de cette notation enjeu po tique de cette nomination d tail par d tail la rue qu on recons truit mentalement en s abstenant c est la contrainte de toute chappatoire sur l usage personnel qu on en avait 37 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 38 Tous les mots sont adultes C est une cam ra qu on prom ne mais qu on se permet d envoyer aussi sous les toits derri re les portes avec pour seule consigne de prolonger l criture vers le d tail comme par effet de zoom tant qu on peut encore s ap procher et d tailler Sur le c t gauche c t impair le n a t raval r cemment C tait m a t on dit l immeuble o vivaient les parents de ma m re Il n y a pas de bo tes aux lettres dans l entr e minuscule Au rez de chauss e un magasin j
178. dans les lieux nocturnes un p re de famille qui met le feu sa maison avec des proph ties absurdes le regard des siens une injonc tion sourde dans la bouche d un camelot distill e entre les arguments de vente comment le regard bat dans les tempes et comment on se r veille dans la nuit s assoit sur son lit croise les mains dans le noir de la chambre un chant infini de braises mourantes mais encore claires sans vapeurs implacables Olivier Py Th tres Les Solitaires intempestifs 1998 260 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 261 Chapitre part de l criture de th tre On gagne une tape quand on fait comprendre que l imaginaire vrai doit s ancrer sur cette pr cision une vocation pr cise de choses pour chacun importantes exprimer quand bien m me elles sont impossibles La liste des images impossibles construire par le th tre ou le film devient alors l outil de l imaginaire du texte qui lui ne conna t pas d impossible Mais on aura intro duit une friction un obstacle Cette pr cision d une prose peut venir de cette m me volont de lui d signer ses obstacles dans le r el L odeur parfois de l allumette craqu e quand il fait tr s froid et que l on attend un train tre trop fatigu pour dormir la gare de province fre donner Ce petit dialogue avec un inconnu devant un distributeur de caf en panne parfois Olivier Py Th tres Les Solitaires
179. de fonc tion que ce dispositif de versification chaque vers tant une image une unit reconstruise cette r alit comme pr sence via la langue Dans ce voisinage le po te Alain Duault qui utilise la longueur graphique de la ligne comme contrainte de longueur pour son vers la page alors pourtant versifi e chaque ligne inaugurant une coupe se pr sentant de fa on presque similaire la prose Les deux autres po tes que je pr sente James Sacr et Antoine Emaz sont comme Beno t Conort coutu miers de livres de format tr s restreint Grand succ s sortir de mon sac une dizaine de leurs opuscules en vers Le paradoxe ordinaire de l atelier d criture qu on appr hende l criture par des exercices qui cumul s font quelques pages tr s loin de l unit livre est soudain invers les exercices sont infiniment plus bavards qu un livre tout entier qu Antoine Emaz aura mis quatre ans 308 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 309 Cinqui me cercle vers le livre construire Dans ces livres Jai Lichen lichen d Emaz une sorte de journal de travail de sa fabrique po tique Le po me est infiniment g om trique abstrait Il se taille au couteau dans le blanc de la page Mais dans ce jour nal Antoine Emaz voque le contexte tr s mat riel de son quotidien celui l m me dans sa modestie et son arbitraire qui nous conduit recevoir ce sentiment de pr sence parfois jus
180. de lecture des textes c est sur cet aspect l que je fais principalement porter mes commentaires J insiste sur la richesse potentielle de ce texte de Claude Simon parce qu il est un texte de transition ouverture par le dedans de la syntaxe un d pli de la repr sentation qui nous permet d accorder avec la plus grande pr cision son point de nettet sa focale non pas sur le monde mais sur l objet qui l a saisi dans un ins tant donn Ce qu il y a hors cadre nous ne le saurons pas Pourtant paradoxalement lorsqu on lira les textes on mettra les participants devant une autre bascule majeure les textes parce qu ils explorent un instant arr t du monde en d ploient la complexit l espace 211 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 212 Tous les mots sont adultes global des relations un point en un instant et l appui autonome sur l illusion cr e par le texte remplace le r el qui en fut la source On est pass dans l univers de la fic tion par ce d coupage de cadre par cette mise dis tance des signes On est dans le roman un petit fragment de roman parce que l interrogation portait tout enti re sur la repr sentation et non sur le r el Variations sur l usage de la photographie Minyana Guibert Barthes J apporte toujours avec moi lorsque je souhaite faire travailler un groupe sur cette notion de r el arr t et cadr par la photographie le livre de Roland
181. de son criture Ce recours une criture sans hi rarchie n est pas un artifice formel mais correspond une ligne de force permanente dans l his toire de notre langue Les curieux pourront se reporter aux sc narios de Gustave Flaubert pour voir comment le tiret sert plus que de s paration de v ritable tremplin ou plaque d orientation la pens e et reste pr sent jusque dans les phrases parfois presque achev es du texte Encore plus pr s de nous les milliers de notes des Cahiers de Paul Val ry n utilisent aussi que le tiret nota tion graphique de silence ou de rupture narrative dans l instant de premier jet la barre d attache a conquis dans l usage contemporain son droit d existence comme signe de ponctuation majeur En particulier au m me lieu troit qu investit Artaud Danielle Collobert 1940 1978 dans I donc a fait de ce principe de phrase sans hi rarchie interne la forme m me de ses textes achev s et ajoute aux possibilit s de la phrase nominale d Artaud celles de l emploi r current de l infinitif pour renforcer l effet d absorption du locuteur Elle nous introduit un principe d aplat comme en peinture dans cette seg mentation non hi rarchis e des phrases Il coule il se cogne heurt aux murs il se ramasse pi tine il ne va pas loin quatre pas vers la gauche nouveau mur il tend les bras s appuie appuie fort frotte sa t te en
182. des constantes ind pendantes de l poque de la rem moration Et si je devais remplacer le lieu fixe par un trajet toujours refait dans l ancrage de cette rem moration je pourrais d crire la seule travers e de la mai son jusqu au pont sur la conche comme on appelle la rivi re derri re en suivant d abord d all e de ciment puis traversant le hangar enfin un chemin dans l herbe et le vieux pont rambarde de fer En se confiant uni quement et enti rement aux choses et au lieu on va sup primer le recours au temps parce que le trajet r el qu on va convoquer a t fait si souvent que toutes les couches de temps se superposent et se superposant s annulent laissant le locuteur en retrait de son texte C est une pro position qui peut valoir pour des publics tr s diff rents auxquels peut tre on ne pourra demander de lire le d but du texte de Julien Gracq quand bien m me on le leur aura fait part oralement du th me et mis en main l objet livre lui m me dont la perception mat rielle de la bri vet est signifiante Mais pour le formateur ou l animateur le travail personnel de pr paration a tout gagner tudier au mot pr s les perspectives ici offertes 56 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 57 Premier cercle les trajets la ville Pourquoi le sentiment s est il ancr en moi de bonne heure que si le voyage seul le voyage sans id e de retour ouvre pour nous
183. ds Brigge traduit de l allemand par Maurice Betz Le Seuil 1966 Rilke nous propose aussi via une esquisse o le mot visage revient le plus souvent avec celui de nuit d crire partir du face face de deux visages En proposant d alterner comme on se parle deux voix les phrases portant sur un visage et puis l autre on est alors d au tant plus fascin que Rilke lui m me a laiss ce texte inachev nous offrant juste l espace blanc o dire Lorsque ton visage me fait ainsi me consumer comme une larme celui qui pleure que je multiplie mon front ma bouche autour des traits que je connais pour tiens 192 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 193 Troisi me cercle conqu rir l intensit Avant l esquisse suivante biff e il me semble par dessus ces ressemblances qui nous s parent parce qu elles sont doubles d ployer une pure identit Et une reprise Une nuit je pris entre mes mains ton visage La lune l clairait la plus insaisissable des choses sous un exc s de pleurs C tait presque un objet docile simplement l calme comme une chose le tenir Rainer Maria Rilke Po mes la nuit traduit de l allemand par Gabrielle Althen et Jean Yves Masson Verdier 1994 La lecture de Rilke qu on introduit ainsi presque par l int rieur en explorant par notre propre geste d crire ce qui chez lui est un th me privil gi mais qu te de toute un
184. du lyc e Grandmont 1996 La situation d atelier provoque parfois des r sistances Si cet exercice avec le vous les catalyse tant mieux pour la suite du travail Vous devriez vous regarder en face Vous tes nul nul chier Vous l adulte L auteur de ce texte est depuis devenue enseignante 199 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 200 Tous les mots sont adultes Autre appui sur le pronom fugue de il et elle m l s D une des rares tentatives lyriques contemporaines La Fable des jours Digraphe Flammarion 1983 de Jean Paul Goux on retient le dispositif narratif de grandes lanc es de paragraphes d une seule phrase aux incipit r currents il est l ou bien comme si et deux personnages un homme et une femme dont cha cun son tour est le centre ou l objet du paragraphe Et parmi ces lanc es deux incipit particuliers une voix nomm e lu une autre voix nomm e elle semblent immobilis es un instant au dessus d un r cit qui lui m me organise en fugue une d ambulation jamais inter rompue Le principe de la d ambulation peut varier on peut supposer lui et elle immobiles dans une pi ce pen ser aux puissants huis clos de Raymond Carver dans un motel ou dans ce texte embl matique La maison de chef et alors la rupture viendra de ce qu on ne dia logue pas vraiment mais que d une figure l autre des phrases on s est d plac dans la carte mental
185. du temps ploie sous les cris trop brusques faisant monter par clats sourds un faux tragique dans l espace confin de l angoisse mais la nuit tombe et mon tre s effeuille dans la cour J attends cole normale sup rieure rue d Ulm 2005 312 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 313 Cinqui me cercle vers le livre Charles Juliet d plier le mot crire En prenant pour titre cet aphorisme de Maurice Blanchot la volont d en venir nommer l criture elle m me ce qui s y passe et pourquoi on y recourt Et parce que ce sera d j faire texte constituer ainsi l cri ture de l criture en criture comme projet Nommer l int rieur m me de l criture et sa m canique Nommer le livre venir qui l accueillera Les propositions qui suivent doivent tre utilis es comme pistes ouvertes partir des explorations pr c dentes au moment o il semble l animateur que les textes collect s manifestent assez de singularit pour en appeler cet largissement exiger de se d finir en tant que perspective de livre Cette mise en relation de ce qu on a parcouru dans un cycle d ateliers ou dans un stage intensif avec le c ur m me de l criture est aussi une prise de distance d avec le travail dont l atelier d criture a cr le germe pour permettre chacun sa continuation autonome dans le dialogue solitaire avec les livres C est une des dimensions
186. duit cet exercice que la locu tion se fait tr s loin depuis un point dans l int rieur d un corps immense et que ce qui est l enveloppe au dehors de ce corps une chambre ou un ciel est tr s pr s m me infinie distance du point de locution c est sou vent tr s troublant Mais si nous investissons cet espace temps de la d soccupation avec notre culture les textes 104 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 105 Hommage Franz Kafka collect s sont plus surprenants c est peut tre tout en haut d un immeuble sur son toit que celui ci se r fugie pour tre inatteignable et ne plus penser rien Alors une nouvelle fois l exercice tout simple met en criture un lieu vierge du monde le monde comme il n a jamais t dit Encore deux brefs exemples pris au Journal de Franz Kafka et ces moments de franchissement de conscience li s au sommeil d apr s midi Cet apr s midi avant de m endormir mais je n ai pas dormi du tout j ai eu le buste d une femme de cire couch sur moi Son visage tait rejet en arri re au dessus du mien son avant bras gauche me com primait la poitrine Cet apr s midi au moment de m endormir Comme si le solide cou vercle qui enveloppe mon cr ne indolore s tait enfonc plus profon d ment l int rieur laissant une partir du cerveau dehors dans le libre jeu des lumi res et des muscles Franz Kafka Journal traduit de l alleman
187. e mieux aimer crire pour que me soient donn s ces instants de f licit o le temps se fracture et o enfoui dans la source j acc de l intemporel l im p rissable le sans limite Charles Juliet in I fait un temps de po me textes r unis et pr sent s par Yvon Le Men Filigranes 1996 ditions Filigranes 1996 La Sentimenth que de Patrick Chamoiseau sources int rieures de l criture Dans crire en pays domin Gallimard 1997 Patrick Chamoiseau introduit tout au long de son livre en fin continu qu il nomme Sentimenth que une suite de notes chaque fois bas es sur le nom d un auteur Ces textes n ont pas seulement pour objet de r sumer une impres sion de lecture mais de d finir en chaque fois une seule phrase une sorte de portrait langue des auteurs qui peu plent son paysage int rieur Il s agit pour lui de construire une sorte d autoportrait par les livres On y trouvera les livres fondateurs ou veilleurs de l enfance Defoe Stevenson les grandes secousses de l adolescence Rimbaud Cendrars les exp riences d terminant l engagement dans la fiction Garcia M rquez Faulkner comme ces figures majeures lues par chacun et qui veillent aux extr mes comme des phares Segalen Saint John Perse ou Pound ou Proust Il ne s agit jamais ici d une d monstration de savoir et encore moins d une prise de possession Patrick 315 b P001 000 bon Atelier
188. e Confessions Les 298 politique et artistique 1922 208 209 Nouvelle H lo se La 195 334 _ amp P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 335 Index Roussel Raymond 320 Comment j ai crit certains de mes livres 320 321 Impressions d Afrique 320 Locus Solus 320 Royer Journoud Claude 304 Sacr James 306 308 310 312 critures courtes 310 311 Saint John Perse Alexis L ger dit 117 120 125 130 315 Exil 119 121 Sarraute Nathalie 9 15 231 234 237 249 disent les imb ciles 232 re du soup on L 236 303 Martereau 231 Tropismes 235 Usage de la parole L 16 232 235 Vous les entendez 232 Segalen Victor 315 316 S r na Jacques 111 331 Lendemain de f te 82 Shakespeare William 195 265 Shonagon Se 115 Notes de chevet Les 116 Simon Claude 9 67 69 168 203 235 Acacia L 323 Discours de Stockholm 241 243 G orgiques Les 296 298 Histoire 209 211 Jardin des plantes Le 68 70 Stevenson Robert Louis Balfour 315 316 Supervielle Jules 121 Swedenborg Emmanuel 171 Swift Jonathan 76 Tallemant des R aux G d on Historiettes 295 Tchekhov Anton 265 Trassard Jean Loup 220 224 228 Espace ant rieur LE 220 222 Val ry Paul Cahiers 165 Valet Paul 127 Soleil d insoumission 127 129 Verne Jules 47 49 Ch teau des Carpates Le 109 Cing Cents Millions de la B gum Les 7
189. e Tout le monde sait tout Leur cerveau p se deux kilos cinq Il n y a pas d cole parce que tout le monde m me les b b s a un QI excessive ment lev Ils ont r ponse tout Ville bulle C est une grande immense gigantesque bulle qui flotte dans l espace Tout le monde vit dans une grande pi ce Les femmes sont avec les femmes et les hommes sont avec les hommes Il n y a pas d en fants parce qu ils ne veulent pas m langer les femmes avec les hommes Tout le monde mange la m me chose et ils ne portent pas d habits Les femmes ne voient jamais les hommes Arpenteurs de la ville avec une classe de quatri me du coll ge Jean Pierre Timbaud de Bobigny Centre de Promotion du livre de jeunesse de Seine Saint Denis 1995 J ai pu aussi explorer de manier cette proposition via un texte en deux colonnes d abord on liste les villes qu on conna t loin ou pas loin en t chant d en d gager la structure la g om trie la repr sentation qu en don nerait un voyageur venu d encore bien plus loin que nous et ne disposant pas de nos facilit s interpr ter le 90 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 91 Premier cercle les trajets la ville monde Et seconde colonne partir des m mes struc tures de texte mais cette fois les laisser voluer pour une ville invent e Et toujours cet appui bien efficace par exemple avec des l ves d cole primaire voir l exp rie
190. e Un homme se fait voler son scooter et le mec me fait un clin d il Tu es au Mac Do assise pr s de la fen tre tu vois un mec en train de te guetter tu te demandes ce qu il veut Tu es devant le lyc e assise sur le banc face au Bois du Temple la cit Tu es devant le lyc e et il pleut un copain essaye de faire des roues avec son v lo et il s clate par terre Tu es dans le 247 il fait chaud et a pue la sueur Tout le monde se pousse et moi je suis cra s e contre quelqu un que je ne connais pas Place du coll ge dos la grille Queue au feu rouge en face Vieille femme qui passe avec son chien qui pisse Parc Jean Valjean Ch teau des C dres Herbe cras e grande pelouse verte Place des Margue rites Enfants qui sortent de l cole primaire Boulangerie L picerie Miranda Place de l glise Voitures dans le parking d c t H pital de Montfermeil Les cit s Flunch de Rosny 2 Glaces repas banana split boules vanille chocolat fraise p pites de chocolat caramel deux bananes cr me Chantilly March le jeudi et le dimanche Livry Gar gan arr t de bus 247 Jennifer magasin de v tements Mim de Chelles 63 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 64 Tous les mots sont adultes 2 Escalator personnes v tements Parc de l Arena terrains de foot gar ons qui jouent Bus Paris th tre de la Colline avec une classe de seconde g n rale du lyc e Alfre
191. e ce texte lui a ouvert un autre espace Dans cette premi re version l motion venait peut tre aussi d un fait bien trop inaper u la voix des humbles la voix des ano nymes ne r sonne encore que bien trop faiblement dans la litt rature Ce qui s pare de la litt rature les gens que nous rencontrons en atelier n est pas seule ment une question de langue mais ce grand cart franchir pour qu entrent dans la langue celles et ceux qui ne se sont pas pr occup s d y prendre voix De la phrase ample et rauque de Michon l anonyme Suzanne Moreau c est en tout cas ce qui d finit le par tage Elle s appelle Suzanne Suzanne Moreau je crois Comment est ce qu on la surnommait avant Suzie Suzon Ou Suze Je ne sais pas Elle rit aux clats elle est c t de celui qu elle aime dans le jardin de leur maison Leur maison eux deux Tunis dans les ann es 40 Elle vient d avoir une petite fille Ils sont beaux tous les trois beaux comme une l gende une histoire qui n existe pas Est ce qu elle a t heureuse Suzanne Moreau M me un petit peu avec celui de la photo Celui qu elle aime et qui en aime d autres Georges g om tre de son tat toujours ailleurs apatride longtemps et maintenant pour toujours en Guadeloupe Mort en insulaire Est ce qu elle a t heureuse un jour m me un petit peu Suzanne Moreau Plus heureuse que ce jour l dans les ann es 80 o je l ai vue
192. e en chapitres chaque fois brefs et incisifs et pr c dant son tude fondamentale du mythe comme parole sont devenus d inusables classiques de grande verdeur Le myst re des Soucoupes Volantes a d abord t tout terrestre on supposait que la soucoupe venait de l inconnu sovi tique de ce monde aussi priv d intentions claires qu une autre plan te Et d j cette forme du mythe contait en germe son d veloppement plan taire si la sou coupe d engin sovi tique est devenue si facilement engin martien c est qu en fait la mythologie occidentale attribue au monde communiste l al t rit m me d une plan te l URSS est un monde interm diaire entre la Terre et Mars Seulement dans son devenir le merveilleux a chang de sens on est pass du mythe du combat celui de jugement Mars en effet jusqu nouvel ordre est impartial Mars vient sur terre pour juger la Terre mais avant de condamner Mars veut observer entendre Roland Barthes Mythologies Le Seuil 1957 108 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 109 Hommage Franz Kafka Faire crire directement partir de ce livre de Barthes est certainement possible mais impose qu on ait avec l objet d sign une explication rh torique que le g nie singulier de Barthes d construit de l int rieur de la rh torique elle m me Avec le texte de Kafka sur le m me contenu pris la typologie sociale on va tenter une mi
193. e suscite autour d elle On franchit une porte un seuil Le lieu o on d couvre ce personnage est clos isol du monde par la rencontre elle m me m me si l ambiance du boulevard Haussmann traverse un instant le texte de Morand Un jeune auteur qui sera un jour c l bre mais pas forc ment plus que cela rencontre un tr s grand cri vain qui ne dispose pas encore de la reconnaissance sociale de ce qu il est Proust est encore accessible quelques intimes qui savent Le jeune Morand venu en connaissance de cause accepte que ce destin lui reste ext rieur On entre il y a le regard C est seulement ensuite qu il y a les murs le lit les meubles Et d j il y a une parole La parole qui nous est dite Peut tre qu on y r pond peut tre pas Toute la Recherche est elle m me dans cette dissym trie Charlus les Verdurin Saint Loup et les autres parlent au narrateur qui ne r pond pas mais juxtapose pour nous ses repr sentations int rieures mesure de ce que lui disent les autres C est une des innovations majeures de Proust Et puis on pense parce qu on voit des objets on voit un tableau au mur Et tout cela qu on voit qu on respire dans l ordre o on le voit le sent vient se m ler aux paroles dites Telle parole dite par Proust ou dite par Morand qui surgit depuis le son coup qu on entend prononcer avant que le texte nouveau soit absorb par la chambre l odeur ou les b
194. e aux trois crayons transparence ou flou autoris s justement parce que le r ve ne se laisse pas saisir Lieux ouverts lieux clos Lieux r els lieux du voyage Faire d abord une liste de ces images m me fragmentaires un album de dia positives pour que cette r criture parte du fragment et arrache un peu ses bords de son contexte Et selon les publics en situation d illettrisme par exemple quel plaisir d apporter dans ce contexte quelques livres de peintres dont Magritte ou Klein ou Bosch ou Les Mys t res de Harris Burdick de l illustrateur de livres pour enfants Chris van Allsburg Contraindre donc d abord se concentrer non pas sur le r ve lui m me mais sur les questions qu il pose L ge qu on y a Les couleurs qu on voit Si on r ve dif f remment selon l endroit o on r ve Ce qui revient et ce qui n est venu qu une fois Exp riences qu on a faites 177 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 178 Tous les mots sont adultes de la dur e du r ve en particulier dans les r ves de r veil Constat tr s trange que d s lors qu on rassemble un groupe d une dizaine de personnes il s en trouvera un ou une pour r ver r guli rement se voir soi m me dor mir Enfin quel visage se conna t on dans le r ve On sugg re chacun de retrouver et travailler sur cette figure de soi m me dans le r ve les fois o on s est vu dans un r ve Le miroir objet
195. e concentrera donc sur le choix d un personnage Plusieurs fois ces derni res ann es j ai utilis cette pro position dans la m me s ance que les Celui qui de Saint John Perse Se saisir d un des personnages voqu s dans la liste et pratiquer sur lui un zoom une ampliation Mais ce personnage on ne le d veloppe selon le dis positif de la premi re partie du diptyque de Charles Juliet qu en dehors spatialement et temporellement de tout rapport soi m me le narrateur Nous nous ser vons de notre exp rience personnelle la part v ritable de notre relation au personnage que pour cette amplia tion d un personnage ne se servir de soi m me l auteur que pour le plausible le juste En crivant le personnage hors de nous en s interdisant de s inscrire dans la rela tion que nous entretenons au pass ou au pr sent avec ce personnage l criture convoque les outils de la fic tion de l imaginaire mais sait encore l ancrer dans une mesure r elle dans une pr sence v ritable les lieux les noms de lieux et de personne les objets l histoire Alors tout sera fiction et seule la fiction permettra la fabrique du personnage sans d voilement autobiogra phique mais cette fiction s enracinera sur une source r elle qui en sera la contrainte la mesure Au contraire de la tentative pr c dente o chaque tl tend recomposer un portrait global ici on va proposer de rester le plus p
196. e d signent les fragments cit s plus haut qu on voit en gestation avant m me que l au teur ne puisse les reconna tre comme dimension princi pale essentielle chacun alors de trouver sa r sonance avec l uvre qu il convoque Mais qu on se contente de proposer l exercice comme manipulation formelle ind pendamment de l auteur qui a crois cette forme pour une n cessit bien plus large et l atelier n a plus d int r t les textes collect s le feront savoir Mais au lieu des textes ci dessus d Antonin Artaud essayez donc de travailler avec Le Merveilleux Normal de Michaux 1966 dont voici l incipit D sorientations Je voudrais d voiler le normal le m connu l in soup onn l incroyable l norme normal L anormal me la fait conna tre De qui se passe le nombre prodigieux d op rations que dans l heure la plus d tendue le plus ordinaire des hommes accomplit ne s en doutant gu re n y pr tant attention aucune travail de routine Henri Michaux Le Merveilleux Normal Gallimard 1966 Et reprenons la demande pr c dente d un journal mental qui ne laisse en aucun cas deviner l v nement biographique source qui l a induit Michaux nous pro pose un outil bien sp cifique un il au pr sent sur lequel je reviendrai propos de Claude Simon ici par un jeu d lib r permanent entre le il se rapportant au 168 P001 000 bon Atel
197. e des deux personnages variante plus rude mais ouvrant une exploitation th trale forte et imm diate Le r el qui entoure les personnages ne variera que lentement et le texte tire de cette lenteur m me ses plus puissants effets de diffraction Surtout on retiendra le principe formel propos par Jean Paul Goukx la phrase continue sans s interrompre sans jamais de point jus qu l interruption par le prochain paragraphe On fait ainsi entrer dans une situation dialogique o c est l paisseur de la langue par le fait accompli de sa continuit qui s pare les personnages de ce qui les entoure et cr e l ouverture fictionnelle L alternance dia logique cr ant d autre part une situation narrative assez 200 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 201 Troisi me cercle conqu rir l intensit forte pour soutenir ce qui merge de lyrisme par la phrase ouverte les seules lanc es de paragraphes valant pour coupure elle assise pr s de lui sur un canap recouvert d un tissu carreaux bleus et blancs l g rement pass comme ceux qu on tend au dos d un fauteuil ancien tenant sur ses genoux un grand livre qu elle garde ouvert d une main pos e plat l index lev comme on voit aux ap tres des tympans histori s elle assise pr s de lui sans pourtant le toucher tr s droite les jambes serr es et les pieds joints comme une jeune fille venue lui rendre visite et qui
198. e fait aussi peu lus faute des cl s toutes simples qui nous rendent pourtant ces lectures n cessaires Tout p se pour nous loigner de Sarraute l image nouveau roman laboratoire ingrat et dat dans le clich qui s en fait loin pourtant de la somptuo sit des pages de Claude Simon ou de la pr cision immens ment simple de Beckett L effet tropismes comme si ce 1sme tait encore une sorte de manipula tion bizarre Dimage m me de la vieille dame l gen daire Ne cesse de me surprendre c t Sarraute que 235 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 236 Tous les mots sont adultes son texte th orique le plus essentiel L re du soup on ait t crit non pas pour commenter l uvre mais alors m me qu elle d bute Nathalie Sarraute nonce avec clart ce qui est pour elle le premier des enjeux en ren dant indiff renci s les locuteurs appeler l activit du lecteur le convoquer lui comme personnage pour que la polyphonie install e par l criture trouve son relief Ce d placement dans la conception du personnage du sujet dans le statut de la voix nous l avons en partie d sormais int rioris Les livres de Nathalie Sarraute sont susceptibles d immenses plaisirs de lecture mais la condition de ce d placement th orique qui reste encore l encontre des usages dominants des livres consacr s par les prix litt raires ou qui nous encombrent en g n ral
199. e le go t de la libert LES L VES vieillards au bord de la tombe les absents Comme s ils demandaient quelque chose d irr m diable lls sortent la classe se vide Et brusquement ils rentrent tous recommence le dernier jeu de l illusion Grand entr e des acteurs Tous portent des petits enfants semblables des cadavres Les uns se laissent porter inertes d autres s accrochent d sesp r ment suspendus tra n s comme des remords des boulets aux pieds comme s ils avaient envahi ces personnages m tamorphos s Ces cr atures humaines qui pr sentent sans pudeur les secrets de leur pass avec des EXCROISSANCES de leur propre ENFANCE Tadeusz Kantor La classe morte Les voies de la cr ation th trale dir Denis Bablet CNRS 1990 S jour o des corps vont cherchant chacun son d peupleur Assez vaste pour permettre de chercher en vain Assez restreint pour que toute fuite soit vaine C est l int rieur d un cylindre surbaiss ayant cin quante m tres de pourtour et seize de haut pour l harmonie Lumi re Sa faiblesse Son jaune Son omnipr sence comme si les quelque quatre vingt mille centim tres carr s de surface totale mettaient cha cun sa lueur Le hal tement qui l agite Il s arr te de loin en loin tel un souffle sur sa fin Tous se figent alors Leur s jour va peut tre finir Au bout de quelques secondes tout reprend Samuel Beckett Le D peuple
200. e ne lui parvient qu assourdi par un poste de t l vision par une image de magazine Elle n a rien dire L ouverture de cette premi re chronique se fera partir de ce fait ne pas disposer de sujet Donc voici j cris pour Lib ration Je suis sans sujet d article Mais peut tre n est ce pas n cessaire Je crois que je vais crire propos de la pluie Il pleut Marguerite Duras L Et 80 Minuit 1980 282 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 283 Cinqui me cercle vers le livre Tautologie qui pourrait enfermer l exercice dans un circuit vide Mais en prenant au s rieux sa propre pro vocation c est la po tique de la prose qu elle autorise surgir advenir au texte en tant que po sie justement parce que vid e de tout contenu pr assign Depuis le quinze juin il pleut Il faudrait crire pour un journal comme on marche dans la rue On marche on crit on traverse la ville elle est travers e elle cesse la marche continue de m me on traverse le temps une date une journ e et puis elle est travers e cesse Il pleut sur la mer Marguerite Duras L t 80 Minuit 1980 Pour cet exercice j ai recopi sur une grande feuille photocopi e les dix d buts des dix chroniques de Duras pour L t 80 Principe r current chacune des dix semaines elle ouvre son texte par cette sorte de bulletin m t o Parler de l air du temps Ne commencer parler qu
201. e nouvelle dition sur les fondamentaux sur la d marche de construction d une proposition plut t que d en tendre les recettes Attention domaine en mou vement Mais bien trop timidement pourtant dans les apprentissages et recherches d aujourd hui P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 18 P0O01 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 19 OUVERTURE HOMMAGE A GEORGES PEREC Un auteur bient t un quart de si cle apr s sa dispa rition peut continuer de cheminer avec nous en avant de nous C est le cas de Georges Perec qui a dispos son vocabulaire formel de telle fa on que cet cart avec les genres les pratiques la notion m me de livre ou d uvre reste en vis vis de nos pratiques comme un d placement en cours de nos propres habitudes et r f rences Les travaux se poursuivent autour de son uvre nous apprenons la cartographier mentalement nous savons tisser les rapports d un livre l autre Mais l an dernier encore une anthologie des textes roma nesques de Perec promise autorit et large diffusion a pu nouveau imposer un recul dans ce qui nous importe de son uvre cette relation justement entre les livres et ce qui place Perec en avant de nous la rela tion de chaque livre un projet global projet sans cesse r nonc dans l uvre m me mais condition de ne pas restaurer les genres qu il d fait Ainsi la place cen trale qu occupent pou
202. e que je dis Le monologue est int rieur parce qu il ne se r f re pas une dur e ext rieure ce n est pas un instant qu on d plie mais une tension mentale qu on examine dans ses superpositions ses simultan it s La situation du monde ext rieur en cet instant ce temps suspendu o en moi cela parle va basculer ne pourra pas tre exploi t e elle est le contexte d un instant qu on laisse se 266 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 267 Hommage Bernard Marie Kolt s refermer sur lui m me sans dur e C est dans une urgence qu on parle et qui a fait du monologue int rieur chez Virginia Woolf Promenade au phare ou William Faulkner Tandis que j agonise ou James Joyce monologue de Molly Bloom la fin d Ulysse ou Tho mas Bernhard le fauteuil oreilles dans Arbres abattre une forme majeure de notre litt rature occi dentale du Xx si cle Un instant Pur isol On voudrait parler celui qui s loigne Ce qu on dit n est pas ce qu il faut dire alors on recommence depuis le m me point de fusion initial Et chaque fois que l criture aura solidifi dans une nou velle figure de r cit on la brisera pour repartir de cet instant initial Dans le texte de Kolt s un homme en apostrophe un autre qui s loigne Il voudrait lui parler de mais on n a pas le temps qu il faut pour Alors a recommence on l aper oit il faudrait La langue
203. e qui avait chang la cr ation en l espace d une nuit l nigme de l quip e annuelle Pierre Bergounioux La Toussaint Gallimard 1994 Variation avec Pierre Bergounioux Le monde a mesur cent pas Une reconqu te par indices mat riels du monde dis paru de l enfance Une d cennie durant le monde a mesur cent pas c est la phrase d ouverture de La Mort de Brune Gallimard 1996 o Pierre Bergounioux d crit dans la ville de Brive en Corr ze une suite de lieux sp cifiques de son enfance le magasin du bou cher la biblioth que municipale ou les salles de musique en haut de la mairie la boutique du photographe l ins tallation de la premi re station service ou la s ance de cin ma offrent alors le plus beau point de d part pro poser non pas de d crire ces lieux mais de faire que le temps d criture proc de par strates successives D un temps assign de l enfance et d un quartier ou d une ville noter d abord les cinq six endroits pr cis qui nous semblent avoir cette valeur un peu magique et nigma tique la fois Puis pour chacun noter en quelques lignes tr s br ves ce qui est pour nous le reste visuel de ces lieux ce qui merge principalement comme image fixe Et puis encore pour les m mes lieux proc der par un tr s bref r cit quelques lignes encore d un v ne ment distinct nous impliquant dans ce lieu L clatement et la pluralit impos s
204. e rasage du matin et d en consid rer le flux de temps continu sur quelques heures Le vrai travail commence l Dans ce que nous nous souvenons de ce r el ritualis sur lequel nous nous fixons quelles sont les images pivots La premi re image qui pourra revenir d un mariage ce sera peut tre l organisation du groupe pour la photo ou l ambiance d faite au terme de la nuit Pour un enterrement l image de la lev e de corps instant bref pourra coexister avec l autre instant bref de la descente dans la tombe et le trajet effectu dans la c r monie comme une histoire ind pendante C est le temps d criture qui devient le nouveau th tre des v nements racont s et c est la charge du temps de la lecture de rendre perceptible ce d roulement r gl et continu du r el comme objet com plexe dont il ne saurait suffire de suivre le d roulement Ce qu analyse magistralement Claude Simon Lorsque je me trouve devant la page blanche je suis confront deux choses d une part le trouble magma d motions de souvenirs d images qui se trouve en moi d autre part la langue les mots que je vais chercher pour le dire la syntaxe par laquelle ils vont tre ordon n s et au sein de laquelle ils vont en quelque sorte cristalliser Et tout de suite un premier constat c est que l on n crit ou ne d crit jamais quelque chose qui s est pass avant le travail d crire mais bien ce qui se
205. e vie permet aussi de mettre entre les mains des participants on les voit circuler de main en main dis cr tement pendant le temps silencieux de l criture ses Lettres un jeune po te qui restent une des plus vivantes et communicatives le ons d crire dans la plus haute exigence Efforcez vous d aimer vos questions elles m mes chacune comme une pi ce qui vous serait ferm e comme un livre crit dans une langue trang re Ne cherchez pas pour le moment des r ponses qui ne peu vent vous tre apport es parce que vous ne sauriez pas les mettre en pratique les vivre Et il s agit pr cis ment de tout vivre Ne vivez pour l instant que vos questions Peut tre simplement en les vivant finirez vous par entrer insensiblement un jour dans les r ponses Il se peut que vous portiez en vous le don de former le don de cr er mode 193 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 194 Tous les mots sont adultes de vie particuli rement heureux et pur Poursuivez en ce sens mais surtout confiez vous ce qui vient Rainer Maria Rilke Lettres un jeune po te traduit de l allemand par Bernard Grasset Grasset 1937 Cette notion de visage o la reconstruction mentale dans le temps de la lecture compl te l univers de signes que ne contient pas l criture implique un processus suffisamment central et important pour qu on examine de fa on pr cise dans l histoire de
206. enir par l criture les armoires du fond demeurent entrou vertes et la m moire sorte d tang obscur laisse affleurer d autres images qui une une se d tachent du pass traversent l opaque dou cement surgissent aujourd hui s imposent la r verie Et l sur chaque page crire d abord puis lire s ouvre un temps de lenteur perdue Au moment o la vie si dangereusement acc l re tremblent encore p n trables des apr s midi d t qui paraissent infinies Jean Loup Trassard L Espace ant rieur Gallimard 1993 220 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 221 Quatri me cercle l image la parole le temps C est une sorte de mus e secret venu de l enfance que Jean Loup Trassard labore par les objets conserv s mentalement d tourn s parfois de leur fonction pre mi re la cr me qu au dessert on mange dans l assiette retourn e la poche de la culotte courte la tartine du go ter La seconde approche de ce monde de l objet sera donc centr e sur la m moire collection de ces objets dont on va retrouver l image et l existence en s immergeant dans ce qui n est plus du temps d abord des objets ensuite On peut parler m me des coll giens m me des l ves d cole primaire de ces objets qu ils ont eus et qu ils n ont plus Sur le fond des assiettes retourn es le service de cuisine tait en grosse fa ence couleur cr me c est
207. entendre Peter Handke est un de ces explorateurs de premier plan convoquant les fronti res des conventions tablies de son art pour en faire la mati re m me de ses pi ces Par exemple sous ce beau titre de L Heure o nous ne savions rien l un de l autre L Arche 1988 la seule men tion un spectacle et une fausse d dicace Pour S et par exemple la place devant le centre commercial du Mail sur le plateau de V lizy Une seconde indication page suivante Une douzaine d acteurs et d amateurs Le d ploiement du texte suit La sc ne est une place ouverte dans une lumi re claire Pour commencer il y en a un qui s enfuit rapidement Ensuite venu de la direction oppos e un second Ensuite deux se croisant chacun suivi courte invariable distance d un troisi me et d un quatri me dans la diagonale Pause Il franchit la place son pas en fond de sc ne Tout sa marche il ouvre et il carte contin ment les doigts tire et l ve lentement les bras jusqu les refermer en arc au dessus de sa t te et avec cette nonchalance qu il met fl ner sur la place il les laisse retomber Peter Handke L Heure o nous ne savions rien l un de l autre traduit de l allemand par Bruno Bayen L Arche 1988 255 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 256 Tous les mots sont adultes La pi ce a t mont e comme un spectacle muet chaque image respectant
208. er provisoi rement une image quels exercices permettent d ac cro tre son attention au r ve ou sa m moire des r ves et la cultiver C est apr s les descriptions des principales typologies du r ve l tape par quoi d j le r ve s ap proche de criture qu on va en tenir parce qu on incite le mental s approprier l objet qui semblait lever confu s ment et distance Dans ces suggestions d exercices sur la ma trise du r ve la notion d arr ter le r ve duquer sa concen tration au moment o on s endort pour ralentir le r ve et l immobiliser un instant face soi Alors se donner 174 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 175 Troisi me cercle conqu rir l intensit l injonction d une pause o on en examine devant soi le d cor et les lieux L tape suivante se tourner lat ra lement pour fixer non plus ce qui est dans le champ visuel mais ses bords demande un peu plus d entra nement On immobilise le r ve mais on tourne son regard sur le c t on oriente en r ve son corps vers le bord du champ visuel et s il s agit d une fen tre ou d une porte on peut d cider de s y d placer pour voir ce qu il y a de l autre c t On peut aussi proposer lexer cice incroyablement productif propos parmi bien d autres par Carlos Castaneda les mains sont rarement dans le champ visuel du corps en sommeil et l exercice est difficile exi
209. erche devienne concr te Et c est ainsi que nous constituons progressivement des d clencheurs d criture et la biblioth que qui les accompagne qui n est pas forc ment notre biblioth que de lecteur Ainsi apprenons nous que le travail de la voix de l nonciation du souffle et de l nergie physique n est pas une affaire de th tralisation mais aussi ce qu on convoque dans l instant de l criture et que cela 14 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 15 Introduction aussi est tellement tenu l cart m a toujours frapp que les Instituts universitaires de formation des ma tres alors que ceux qu on y croise passeront l essentiel de leur vie parler voix haute dans une classe ne b n fi cient dans leur formation que de quatre s ances avec une orthophoniste et que la culture de l oralit soit ainsi r duite sa technique et si bri vement Tout comme le vocabulaire purement artistique par quoi nous appre nons constituer un accueil non jugeant du texte en reconna tre la singularit les potentiels c est au th tre ou la musique qu il nous faut en puiser l irr ductible part technique Il y a donc avant tout ce temps dont l animateur dis pose pour lancer sa s ance Peut tre importe t il plus que le livre choisi puisse permettre de raconter une his toire Non pas l histoire du livre mais celle de son inven tion sa fabrique Et que cel
210. errogation que bient t partir des textes accumul s on travaillera vraiment comme enjeu sp cifique comment passer d une collec tion de textes brefs une criture continue de large for mat Autre proposition possible partir de ce livre magni fique sugg rer que la description la plus pr cise de l ob jet le produise comme nigme sans nommer et que la pr cision m me du texte ne serve qu rench rir sur l in connu construire l objet comme explication toujours refus e port e de langue et repouss e pourtant une de ces devinettes graphiques comme le proposaient ces images d pinal au profil de bandit cach dans les feuillages Deux petites poches ma culotte courte De l une je sortais pour le regarder l objet parfait et nigmatique J tais sur l herbe de notre pr celui qui touche le jardin o sont quatre poiriers cidre et j avais ce souvenir du lointain Absolument myst rieux Bleu assez p le ou sur tout terni par l usure Un c t bomb l autre moins c tait presque rond Rencontr entre vagues et page je me souviens que je savais plus pas une pierre ou alors tr s riche pas un coquillage malgr formes couleurs nacres vers es sur le sable par le bord agit de la mer o je n entrais pas Dans ma paume cette presque boule us e c tait parcelle de l inconnu sans contours que je tenais L sur l herbe entre les poiriers peut tre cinq ans une r ver
211. ert Au bout de ma rue il y a deux grands poteaux o on peut s asseoir Et l quand je suis seul j appelle des copains et on discute de choses et d autres Les gens du voisinage nous espionnent et se demandent qu est ce qu on pr pare encore comme b tises Arpenteurs de la ville avec une classe de quatri me du coll ge Jean Pierre Timbaud de Bobigny Centre de promotion du livre de jeunesse de Seine Saint Denis 1995 Ces textes tirent leur force po tique de cet effet s pia qui transforme en pass le pr sent m me Ou qui utilise la force de convocation mentale du pass pour se saisir des lieux pr sents mais pris d j un espace constitu de repr sentation d cal hors du temps imm diat C est vers ce pr sent imm diat qu on va tendre maintenant l espace de repr sentation n tant pas constitu avant la nomination qu on en fait on va induire un bouscule ment de la phrase plus brutal qui permettra d affronter justement ce que Bergounioux d signe dans sa mutation mergente cette normalisation des signes P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 248 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 249 CHAPITRE PART DE L CRITURE DE TH TRE Je Pai dit d s l introduction le myst re d un atelier c est la fa on dont chacun va cheminer vers sa singula rit et c est elle qui va conditionner le destin ou le mode de fonctionnement du texte Le r le de l an
212. es participants devant le fait accom pli d une mati re phrase qui se constitue comme texte par son montage empirique depuis ses forces orga niques et non par la rh torique de ses liaisons L inventaire la liste est un enjeu litt raire essentiel et la po sie le rep re dans ses techniques depuis l origine num rant les g n alogies les tribus ou les dieux Et il reste une phase mentale essentielle en amont de la com position du texte quel qu il soit d nombrement men tal des possibles des associations des contenus des sources l enjeu litt raire des inventaires est sans com mune mesure avec la simplicit de ses nonc s Pour nous ces formes bris es permettent de rompre avec la feuille blanche traditionnelle de l criture r dac tionnelle On peut plier d couper partir d une carte imaginaire de papier marbr ou d objets ramass s il y a des collections la Boutique d criture de Montpellier de ces objets devenus crits une grosse pierre qu on 21 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 22 Tous les mots sont adultes ram ne chacun un gigantesque ballon une machine invent e Le seul pliage en neuf cases d une grande feuille A3 va g n rer qu on n abordera plus l criture comme lin aire mais comme investigation d une sur face On sera revenu empreinte Un inventaire des lieux o on a dormi c est d abord une r flexion sur la m moire elle m
213. essentielles de la litt rature depuis quelques d cennies d avoir avancer en nom mant son propre proc s de cr ation quitte une preuve suppl mentaire des mises abyme forc ment vertigineuses et une pure bien plus brutale des conte nus Ce que Julien Gracq exprime dans En lisant en cri vant Corti 1980 Le commentaire sur l art d crire est m l de naissance inextricablement l criture De Maurice Blanchot Edmond Jab s Roger Laporte ou Charles Juliet et m me si chacun d eux eu c ur de fonder de Beckett Mallarm ou Rilke ce qui le fon 313 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 314 Tous les mots sont adultes dait dans cette approche c est une m diation dont il est impossible aujourd hui qui crit de faire l conomie Non pas au centre de l uvre de Charles Juliet mais comme un point d appui ext rieur pourtant grave un extrait de cette impressionnante d clinaison justement appuy e sur l infinitif du verbe crire crire crire pour ob ir au besoin que j en ai crire pour apprendre crire Apprendre parler crire pour ne plus avoir peur crire pour ne pas vivre dans l ignorance crire pour panser mes blessures Ne pas rester prisonnier de ce qui a fractur mon enfance crire pour me parcourir me d couvrir Me r v ler moi m me crire pour d raciner la haine de soi Apprendre m aimer crire p
214. est que l es pace entier du cours de la vie est assign au je sa d ci sion et sa volont Le mim tisme que ces deux phrases induiront laissera clos cet espace L o se passe l ate lier on est dans ce domaine encore prot g ou provi soirement s par de la loi du monde On va donc se retrouver pr cis ment enclos dans cet espace fictif o le je commande son choix de vie Insister par contre sur le haut destin de Baudelaire ce qui lui est r serv jus qu au cr nom de l aphasie finale le p cule du p re mis sous s questre et les traductions de Poe vendues au forfait D avoir parl du jeune Baudelaire en regard de ce qu il deviendra permet d imposer une autre s paration arbitraire m me ceux devant nous qui n ont pas des tin eux m mes visible c est dire qu ils sont l tape de la phrase de Baudelaire on demande de se reporter dans leur pass un moment o il a fallu choisir et que 272 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 273 Hommage Bernard Marie Kolt s ce choix engageait leur vie Et les mots cl s fournis sans qu on les d signe comme tels sont vide rien peur C est donc l endroit le plus central o on va se risquer Je sens venir la vie avec encore plus de peur Toutes les connaissances qu il faudra acqu rir tout le mouvement qu il faudra se donner pour trouver une place vide au milieu du monde tout cela m effr
215. et gens c est parce qu on s loigne radicalement cette fois du r alisme de la situation que la langue s autorisera ses exc s et sa libert Ce qu on nomme ruine c est le seul fait que la r alit du monde est tenue distance Si un mot qu on prononce fait arr t ou d multiplie ce quoi il se r f re ou justifie plusieurs associations d id es on mettra le texte en boucle chaque vers consa cr une de ces associations d id es quitte rester plu sieurs vers de suite sur ce m me mot qui fait arr t Il faut revenir sur ce titre de g nie pour le constituer comme d clencheur quelles ruines quoi crier qui chacun sa r ponse Ce qui peut se r v ler fascinant dans cet exercice c est ce renversement tr s simple la r p tition des mots 136 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 137 Deuxi me cercle l identit reconstruire permet que tout l appui soit sur la langue et non pas sur ce qu elle repr sente C est simplement cette envie d y crier qui suscitera le pr sent du monde l appelle et le repousse tout la fois C est une des seules exceptions que je connaisse o la direction indiqu e par le titre suf fise ce qu on puisse exp rimenter une criture quasi libre L ivresse pr cipitait ma course travers les ch nes martyrs Qui saignaient proph tiquement tandis Que le jour faiblissait sur des camions bleus Je me souv
216. et en avion Claude Simon D autres propositions pour ville criture Toujours revenir Blaise Cendrars Limaginaire des cartes Instants privil gi s privil ge de Raymond Queneau Variations nuit dire dans l obscur 337 19 20 27 30 36 37 42 50 55 55 61 64 67 67 71 71 75 79 81 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 338 Tous les mots sont adultes La ville comme conte et utopie Italo Calvino 86 L atelier Roubaud chacun sa boucle 91 Roubaud 1 encore les rues 93 Roubaud 2 la poterne des Peupliers 94 Hommage Franz Kafka 97 Le r el comme bascule le Journal 98 Conscience immobile et perception le canap du Dr Kafka 102 Les quatre versions de Prom th e 105 Autre variation entrer dans la chambre 111 Deuxi me cercle l identit reconstruire 115 crire plusieurs Se Shonagon 115 crire depuis l origine Saint John Perse 117 La grammaire mobile du tu Charles Juliet 123 Le refus la r volte r habilitation de Paul Valet 127 Variation 1 Moi tout seul 130 Variation 2 Avec Khalil Gibran 133 Variation 4 Po me crier dans les ruines 135 Hommage Val re Novarina 141 Vous qui habitez le temps 1 approches de la totalit monde 143 Vous qui habitez le temps 2 autobiographie aux noms propres 149 La Chair de l homme instant fixe vue d multipli e 154 338 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 339 Table des mati re
217. et non pas exactement 69 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 70 Tous les mots sont adultes debout statique mais explosant toujours en expansion non en surface mais en hauteur comme on peut voir sur certaines photographies prises d avion ou d h licopt re avec un objectif grand angle fish eye quand bien s r pendant une fraction de seconde elle semble tre res t e immobile alors qu en fait elle n a cess de cro tre de s lever ce genre d objectif exag rant la perspective de sorte que ses multiples gratte ciel apparaissent non pas verticaux parall les mais ob issant une force divergente faisant penser ces gerbes de cristaux allant s cartant se bousculant poussant vers le ciel ses tours de toutes hau teurs les moins lev es non pas r sign es leur sort mais ayant sim plement pris leur essor avec un peu de retard et se d p chant pour rattraper les autres l ensemble comme plant sur la rotondit bom b e de la terre partir d une troite base comme une sorte d explo sion solidifi e de ph nom ne naturel anarchique tumultueux et g om trique Claude Simon Le Jardin des Plantes Minuit 1998 Avec une insistance particuli re sur la phrase para graphe de ce fragment sur New York mais dans ce livre Claude Simon pratique la m me criture pour Chicago Los Angeles ou Tokyo parce que c est la piste qu on peut sugg rer imm diatement aux partic
218. et toutes les lumi res Et je m loignerai m illuminant au milieu d ombres Et d alignements d yeux des astres bien aim s Un jour Un jour je m attendais moi m me Je me disais Guillaume il est temps que tu viennes Pour que je sache enfin celui l que je suis Tous ceux qui survenaient et n taient pas moi m me Amenaient un un les morceaux de moi m me On me b tit peu peu comme on l ve une tour Les peuples s entassaient et je parus moi m me Qu ont form tous les corps et les choses humaines Guillaume Apollinaire Cort ge Alcools Mercure de France 1913 Voici deux exemples deux l ves de seconde Cli chy sous Bois une l ve de CAP Paris et on remar quera dans le premier la lente remont e de la premi re personne m me travers le filtre de la relative parmi des dizaines de ce qu induit cette r p tition du Moi tout seul Moi toute seule Je fais le travail d une m re de famille Moi toute seule Qui a une famille o il n y a que des malheurs Moi toute seule Qui s est r veill e un jour et qui a appris la mort d un proche Moi toute seule Qui a aussi deux meilleures amies Moi toute seule Qui va avoir beaucoup de boulot pendant les vacances Moi toute seule Qui a regrett d avoir agi ainsi Moi toute seule 131 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 132 Deuxi me cercle l identit reconstruire Qui d teste les sciences physiq
219. eure rue d Ulm et d autres crits la m me semaine voire le m me jour au lyc e professionnel du Val d Argenteuil Reste que celles et ceux qui ont une pratique extr me du r el nous le r v lent non comme fait ou r cit mais d abord structurellement nous le rendent visible J ai besoin quel que soit mon parcours d atelier que le labo ratoire puisse s appuyer sur cet impr visible du r el quand bien m me nous partageons les m mes gares et m mes trains nous verrons diff remment les fen tres les habitats le rapport au quai ne sera pas le m me si c est sur vous que tombe la fouille au corps des policiers r current chez les gar ons du lyc e professionnel l inverse c est seulement parce que eux aussi ceux de l extr me sauront et percevront ce qu on apprend nous 12 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 13 Introduction pour la litt rature leur syntaxe et ce qu ils me rendent visible lisible du monde commun le monde en partage que l exp rience men e ensemble rel vera d une n ces sit pour eux autant que pour moi Autre question savoir s il faut tre crivain pour animer un atelier d criture Question que de mon c t je ne me pose pas puisque c est partir de ma recherche en litt rature que je pratique les ateliers On n anime pas seul un atelier d criture il y a avec nous l enseignant le formateur l ducateur Dans tant
220. eux Peut tre parce qu on l a trop confondu avec un carnet de tra vail une suite d bauches Il faut r affirmer qu Esp ces d espaces est un livre complet et achev Mais que le coup de force le principe de sa tentative c est justement de d signer hors de lui ce qui serait l ensemble r alis des pistes d criture En faisant criture des pistes des indications il permet de lire la tentative elle m me Chaque chapitre se juxtapose pr cis ment gr ce au fait qu on s en soit tenu aux seuls possibles de l criture C est pour cela qu on y croise la totalit des autres fic tions de Perec c est un livre au second degr pour nous videmment un potentiel formidable parce que chaque piste d criture peut tre utilis e comme telle mais dans son enjeu th orique invariance d chelle dans la repr sentation mentale de l espace et ce qui en d coule pour le langage confront aux g om tries structures cin tiques de la transformation urbaine et des transports de pays pays une mine intellectuelle et for melle encore largement vierge C est un classique de notre temps mais que les dispositifs m mes de recon naissance et de genre continuent de rel guer comme uvre mineure d naturant par cette exclusion la port e des romans l uvre de Perec nous apparaissant de plus en plus comme univers ins parable de relations Esp ces d espaces propose chaque chapitre assez d id
221. exe selon qu on l approche par le temps le visible ou l audible la nuit ou le jour les meubles ou les objets ce qu on voit dehors ou ce qu on cache dedans Il faut d abord choisir une chambre parmi toutes les chambres qu on a eues En situation scolaire ce sera presque toujours la leur main tenant Mais on peut travailler sur la convocation d une repr sentation mentale ancienne ou bien rebondir sur un des lieux de l inventaire pr c dent En travaillant avec des jeunes d tenus il m est arriv plusieurs fois de me voir r pondre et si on n a jamais eu de chambre Faute de pouvoir mettre la m me charge symbolique sur les familles d accueil ou les foyers Alors on a choisi avec eux celle o une fois ils ont eu un peu plus de bon heur quitte recevoir cet incipit fe dors dans des car tons Montpellier 1994 ou l trange phrase Au 27 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 28 Tous les mots sont adultes quatri me sous sol il y a le renfoncement o je dors Gradi gnan centre de jeunes d tenus 1996 Quelquefois cer tains pr f reront l inventer d crire cette chambre en haut d un arbre ou au fond de la mer et on pourra ensuite leur apporter les formes litt raires existantes des m mes inventions De chambre dans tous les cas il s agit d en s lec tionner une et une seule Mais d inventorier alors toutes les mani res diff rentes qu on peut avoir d en p
222. ey Aspern Les 318 Tour d crou Le 318 319 Joyce James 92 317 Ulysse 239 240 267 Juliet Charles 125 167 313 314 Il fait un temps de po me 314 315 Lambeaux 16 123 127 298 Rencontres avec Samuel Beckett 184 Kafka Franz 97 98 102 107 326 Colonie p nitentiaire et autres r cits La 105 110 Fen tre sur rue 111 Journal 98 112 M tamorphose La 111 Proc s Le 111 176 324 Muraille de Chine et autres r cits La 106 109 Un champion de je ne 105 Kamo Chome 92 Kantor Tadeusz Classe morte La 252 253 Th tre de la mort Le 252 Kaplan Leslie 64 66 331 Livre des ciels Le 64 66 Klein Etienne Atome au pied du mur L 104 Klein Yves 177 K b Ab 194 Kolt s Bernard Marie 250 265 298 Carnets 274 Cave La 268 Combat de n gre et de chiens 88 274 278 Nuit juste avant les for ts La 266 268 273 274 Solitude dans les champs de coton 266 La Fontaine Jean de 142 Laporte Roger 313 Laurens Camille Grain des mots Le 238 Philippe 238 Quelques uns 236 237 Lautr amont Isidore Ducasse dit Comte de 17 194 205 Chants de Maldoror Les 167 205 Le Breton David Des visages essai d anthropologie 194 Leiris Michel 304 Lowry Malcolm Au dessous du volcan 254 255 Magritte Ren 177 Mallarm St phane 205 206 313 326 Meyrink Gustav Golem Le 53 Michaux Henri 120 121 167
223. futur achev le pass termin le possible ant rieur le futur post rieur le plus que perdu l achevatif l attentatif R Val re Novarina Vous qui habitez le temps P O L 1989 Exercice Le narrateur est immobile Il note dans un temps d limit l ensemble de ce qui parvient de fa on discontinue aux cinq sens Ne pas s interroger sur ce qu on crit mais chaque d clenchement du m tronome int rieur noter la perception dominante comme de s ou vrir soudainement yeux et oreilles par le d clenchement d un diaphragme Ce qu on voit ce qu on entend Si c est un fragment de visage ou quelque chose par terre ou un mot crit ou un mot entendu sans chercher ni relation ni cause C est un exercice qu on peut proposer aux partici pants de faire par deux un qui dicte et l autre qui crit en 144 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 145 Hommage Val re Novarina alternance celui qui dicte pouvant m me fermer les yeux pour se concentrer sur les seules perceptions auditives C est un travail en ext rieur dans un lieu du quoti dien mais du quotidien qui se refuse au langage ou que la tradition du langage n a pas atteint On peut aller avec une classe dans une galerie de centre commercial autour d un rond point ou sur une place Il faut que les signes au bout du compte nous aident nous d chif frer nous m mes C est la beaut ambigu de la
224. gation pour celui qui conduit l atelier et celui qui s y exprime c est alors que la r ticence exprim e pr c demment peut tre surmon t e C est dans cette r flexion que j ai commenc recourir W ou le souvenir d enfance Livre tonnamment complexe puisque paradoxalement quand le r cit bas cule dans l autobiographie c est l absence de souvenirs ce que Perec dit morceaux de vie arrach s au vide sur le fond biographique innommable d Auschwitz qui vient heurter les pages et nous offrir cette beaut d chir e et tendue Le livre peut grener la part commune tout enfant des souvenirs J ai trois souvenirs d cole Le premier est le plus flou c est dans la cave de l cole Nous nous bousculons On nous fait essayer des masques gaz les gros yeux de mica le truc qui pendouille par devant l odeur c urante du caoutchouc Georges Perec W ou le souvenir d enfance Deno l 1975 45 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 46 Tous les mots sont adultes Ou bien Je pilote une petite voiture rouge dans mon souvenir ici manifestement claire avec peut tre quelques enjolivures rouges grille d a ration sur les c t s du capot J ai une sorte de chandail avec un bouton manches courtes ou relev es Georges Perec W ou le souvenir d enfance Deno l 1975 Mais l o il bute sur l innommable c est la gram maire qui vient son secours avec un emplo
225. ger et les caddies sont des moutons 10h 19 petite fleur insignifiante 10h20 la prof donne de l argent pour le gar on la bo te et un homme en donne aussi 10h22 un homme de mon b timent qui parle un de ses amis en arabe des choses que je ne comprends pas bien 10h23 tou jours des gens qui montent et qui descendent les escalators 10h24 un moment de silence puis le tilt d un t l phone qui n accepte pas une carte t l phonique 10h25 B qui essaye de t l phoner sans carte sans carte c est sans argent 0h26 un homme qui fume 10h45 un homme avec un caddie 10h46 une femme habill e de couleur vive 10h47 des jeunes autour de moi 10h48 un magasin qui s veille 10h49 une dame qui se gratte le nez 10h 50 une femme qui nous regarde avec des yeux carquill s 10h51 une ligne de personnes qui attend au Cr dit Lyonnais 10h 52 des gens la caisse de l Atac 10h53 une femme qui regarde un panneau 10h54 des femmes qui essayent des parfums 10h55 quelqu un lave par terre Arpenteurs de la ville avec une classe de quatri me du coll ge Jean Pierre Timbaud de Bobigny Centre de promotion du livre de jeunesse de Seine Saint Denis 1995 146 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 147 Hommage Val re Novarina Il m est arriv en pratiquant cet exercice dans la ville que des participants entrent dans le hall de la mairie et recopient les bans de mariage avec noms pr noms et professions que d autres coutent une s
226. gera parfois deux mois ou plus d atten tion continue aux r ves pour satisfaire quelque chose en apparence simple voir une fois ses propres mains dans un r ve En chemin on en aura d couvert bien plus On aura introduit au travail de notation du r ve par exemple cette exp rience classique o il nous semble noter avec une telle pr cision miraculeuse le r ve qu on vient de faire avec ses paroles et ses musiques ses visages ses couleurs et ses lumi res qu on voit le r cit s en crire graphiquement sous nos yeux sur notre propre calepin et pourtant au r veil il n y a rien le r ve lui m me s est d doubl en r ve de sa propre notation pour se d fendre En pr sentant quelques exercices de cette sorte sur la ma trise du r ve le second Manifeste du surr alisme en contient quelques uns on fait d j approcher les participants de l criture possible on a fix leur attention non pas sur le r ve mais sur la conscience qu on en a les bribes qui en survivent de loubli On peut passer au travail d criture On a soulign la faiblesse structurelle des r cits de r ve dont la logique 175 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 176 Tous les mots sont adultes ne peut tre celle du r cit quand bien m me cette s ance va puissamment aider chacun trouver et mode ler sa voix narrative Et paradoxe pourtant de l impor tance des r ves embo t s dans les tr s grands roman
227. gnes ou d images sont aussi des mani festations d ordres plus dissimul s du r el les rituels les usages symboliques Ainsi un bal dans la rue une gare le soir l heure d affluence une promenade dans un parc le dimanche un match de football aper u la t l vision un coup de t l phone la nuit les journaux qui affichent dans la rue leurs couvertures scandales cela 307 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 308 Tous les mots sont adultes donne le r servoir le bassin de ce qu on va aller puiser o il peut y avoir la fois col re et g n rosit compli cit ou d sarroi Cette vie est la n tre parce que le titre m me incite passer de l observation l implication on a pratiqu plu sieurs fois ces exercices mais en expliquant pourquoi ce texte se veut une rhapsodie tymologiquement de celui qui coud les chants et les porte de ville en ville on s in s re comme partie prenante de ce qu on d crit specta teur agissant et r agissant dans l int rieur m me des vers Beno t Conort utilise un vers ample pour tailler chaque vers une facette diff rente de cette r alit complexe et multiple non pas l installer dans son d roulement mais dans la suite des paisseurs On lui demande une double fonction la premi re ramener au laboratoire cette mati re dans son extension la plus grande l attraper ryth miquement dans sa multiplicit d clats Et secon
228. i Je vois vos sourires complices Ton p re ta s ur Quels mots n est ce pas pour s adresser son propre enfant Mais vos regards montrent de l tonnement vous hochez la t te vous riez Ah il ne s agit pas de a Pas de Ton p re Ta s ur Mais alors de quoi Pourquoi avez vous eu l air tout coup d acquiescer de participer vous paraissiez tout excit s Nathalie Sarraute L Usage de la parole Gallimard 1980 Quelque chose l ve en deux lignes en trois qui est toute la puissance de la fiction plus traditionnelle Mais d velopp en fiction le travail ici men juste sur l em ploi anonyme du pronom ne nous pi gerait pas si fort Et parce qu on est frustr que cela pris dans le rythme 233 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 234 Tous les mots sont adultes du livre soit emport loin de nous m mes c est cette instance insatisfaite de la fiction qui demeure aussi puis sante alors ces fragments de deux lignes que dans ce qui nous reste de livres lus dans l adolescence qu on relit r guli rement comme Stendhal juste pour retrou ver ce seul myst re de la premi re lecture Quelques unes de ces expressions dont Nathalie Sarraute n e avec le si cle vient jouer pour ses quatre vingts ans Un moment d absence je me le demande rien de pr cis Pourquoi pas se paie sa t te faire sem blant Ah oui vous pouvez le d
229. i dans les proses de Rimbaud alors que lui m me au Harar se fait photographe et qu on peut suivre dans ses lettres tout le cheminement depuis la commande entre th odolite barom tre et longue vue qu il me fasse envoyer ici un appareil photographique complet dans le but de le transporter au Choa o c est inconnu et o a me rapportera une petite fortune en peu de temps 28 septembre 1882 la r ception du mat riel je sais tr s bien ce que co te un appareil seul quelques centaines de francs Mais ce sont les produits chimiques tr s nombreux et chers et parmi lesquels se trouvent des compos s d or et d argent valant jusqu 250 francs le kilo ce sont les glaces les cartes cuvettes 203 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 204 Tous les mots sont adultes les flacons les emballages tr s chers qui grossissent la somme 8 d cembre 1882 la lecture du manuel indis pensable un trait de topographie et non de photo graphie j ai un trait de photographie dans mon bagage 15 janvier 1883 jusqu l envoi des premiers r sultats ci inclus deux photographies de moi m me par moi m me 6 mai 1883 de Rimbaud photographe qui n a pas obtenu la fortune pr vue Il reste que mus alement ce 6 mai 1883 ce texte c l bre doit tre le premier d un grand auteur introduire dans la langue la description d une photographie c est dire transposition dans
230. i soudain du conditionnel d chirant d une gravit dont je ne connais pas d autre gale Moi j aurais aim aider ma m re d barrasser la table de la cuisine apr s le d ner Sur la table il y aurait eu une toile cir e petits carreaux bleus Puis je serais all chercher mon cartable j aurais sorti mon livre mes cahiers et mon plumier de bois je les aurais pos s sur la table et j aurais fait mes devoirs C est comme a que a se passait dans les livres de classe Georges Perec W ou le souvenir d enfance Deno l 1975 Ce qu on peut d abord souligner gr ce Perec c est la raret de ces images qui nous sont rest es int rieure ment comme des moments d importance sur la masse noire qu il n tait pas encore autoris lever Et parce que Perec renvoie toujours l image du livre que lui m me ainsi constitue l image du livre dans l enfance prend un r le privil gi de miroir C est de cette poque que datent les premi res lectures dont je me souvienne Couch plat ventre sur mon lit je d vorais les livres que mon cousin Henri me donnait lire L un de ces livres tait un roman feuilleton Je crois qu il s appelait Le Tour du monde d un petit Parisien ce titre existe mais il y en a beaucoup 46 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 47 Ouverture hommage Georges Perec d autres tr s proches Le Tour de France d un petit Parisien Le Tour du monde
231. idien pour le partage du go t de lire une coupure historiquement in dite entre les livres que nous avons transmettre et le monde o nous avons nous compor ter quand le roman tire pr cis ment sa force de l vo cation mentale reconstruite de ce monde Le m me exercice toujours Suite de mes nuits dans les escaliers et les entr es voil que ma jeunesse s est g ch e cause de la prison je n avais que seize ans et la fin de ma peine fen avais vingt deux comment le pluriel initi par l expression suite de appliqu ces mots qui ne sont des espaces ni int rieurs ni ext rieurs escaliers et entr es se r sout dans le singulier de la prison avec le compte de la dur e clat dans les deux ges il s agissait d un d tenu de moins de vingt cinq ans donc de retour en situation carc rale Avec cette r currence du pronom personnel mes nuits ma jeunesse ma peine bien plus 34 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 35 Ouverture hommage Georges Perec forts que le je r duit son ge C est bien cette m ca nique l qui nous agrandit dans la langue et en fonde le partage lorsqu on renvoie l autre ce qu on apprend de lui c est Villon aussi qui s claire alors autrement du fond de notre souvenir Mais c est bien l effet d inven taire de phrases qui n ont ni amont ni aval centr es sur leur seul point de gravit qui permet qu merge cet
232. ids Brigge ces paragraphes sur apprendre voir o cette notion de visage est centrale avec cette image encore deux para graphes plus loin d une vieille femme les deux mains sur le visage et dans le geste de les carter l empreinte 191 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 192 Tous les mots sont adultes du visage dans les paumes et les doigts li s Mais la femme la femme elle tait tout enti re tomb e en elle m me en avant dans ses mains La femme s arracha d elle m me Trop vite trop violemment de sorte que son visage resta dans ses deux mains Je pouvais l y voir y voir sa forme creuse Je fr missais de voir ainsi un visage du dedans mais javais encore plus peur de la t te nue corch e sans visage Il y a beaucoup de gens mais encore plus de visages car chacun en a plusieurs Voici des gens qui portent un visage pendant des ann es Il s use naturellement se salit clate se ride s largit comme des gants qu on a port s en voyage Ce sont des gens simples conomes ils n en changent pas ils ne le font m me pas nettoyer Il leur suffit disent ils puisqu ils ont plusieurs visages et qui leur prouvera le contraire Sans doute puisqu ils ont plusieurs visages peut on se demander ce qu ils font des autres Ils les conservent Leurs enfants les porteront Il arrive que leurs chiens les mettent Pourquoi pas Rainer Maria Rilke Cahiers de Malte Lauri
233. ie vague Jean Loup Trassard L Espace ant rieur Gallimard 1993 222 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 223 Quatri me cercle l image la parole le temps Voici trois exemples de textes issus de cette confron tation qui fascine encore plus lorsqu elle se risque dans ce qui n a jamais eu forme crite soit que le quotidien seul en traite oralement soit que le besoin m me de nommer n ait jamais pr exist l atelier Le premier est d une enseignante d Agadir Deux baguettes taillad es dans un vieux balai qui ne servait plus atta ch es par l un des lacets des baskets de mon fr re Le pan d un caftan que ma m re ne portait plus couleur turquoise rayures dor es cousu grossi rement avec un fil argent confectionnant ainsi un habit de f te La t te Un ruban blanc que ma m re m avait rapport d un moussem et dont elle se servait pour m attacher les cheveux enroul et retenu par une pingle En guise de chevelure des restes de laine couleur noire coll s sur la t te avec de la r sine recueillie sur le tronc d un arbre plant pr s de mon cole coranique Le visage C est ce qui m a donn le plus de peine Il avait fallu attendre que mon p re ach te un nouveau pain de sucre en d colle l tiquette rouge la malaxe avec quelques gouttes d eau pour en extraire un liquide carlate et m en servir pour dessiner la bouche et colorier les joues Deux paillettes bleues
234. iens de tant de choses De tant de soirs De tant de chambres De tant de col res De tant de haltes dans des lieux nuls O s veillait pourtant l esprit du myst re pareil Au cri d un enfant aveugle dans une gare fronti re Je me souviens Je parle donc au pass Que l on rie Si le c ur vous en dit du son de mes paroles violences violences je suis un homme hant Aragon Po me crier dans les ruines in Anthologie de la po sie fran aise du xx si cle Gallimard Po sie 1983 Par quel processus int rieur ce titre Po me crier dans les ruines peut induire ou d clencher de tels textes en atelier cela demeure pour moi une nigme Sans doute gr ce ce principe de r p tition interne des mots et qu il ne soit pas un artefact formaliste mais le sang m me de la voix du texte La r p tition pouvant m me permettre au texte de faire comme du surplace d at tendre le nouveau d veloppement en r p tant simple ment le vers qui fait arr t Alors un seul mot peut suffire 137 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 138 Deuxi me cercle l identit reconstruire amorcer le d marrage du texte qui trouvera en lui m me ses principes de rebondissement et d expansion vers des zones inconnues partir partir renoncer renoncer tout tout laisser tout en l tat l comme a d truire tout briser tout briser l tout lien n tre rie
235. ier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 169 Troisi me cercle conqu rir l intensit sujet et le il ind fini et une notion de dur e le texte semblant pouser micro instant apr s micro instant ce qu on fait dans l tat de secousse ou de cette d so rientation Il essaye de se distraire Il est urgent capital que tout de suite il soit distrait Il allume la lampe abat jour la lampe de chevet puis va tirer le rideau les doubles rideaux d place les fauteuils d place tout ce qu il peut afin d interrompre le dangereux trajet vers le dehors et d y mettre obstacle Non il n est pas sauv et subitement il plante tout l et c est comme s il arrachait la porte pour sortir plus vite de la chambre de la tenta tion C est lorsqu il a fallu descendre les marches que a a t moins vite cause de l attention qu il lui faut mettre qu il lui en co te de mettre des gestes des mouvements vari s et tourner aussi dans la cage d escalier cependant qu avec lui le descend aussi un vertige nou veau venu Enfin le voici en bas Et maintenant dehors Henri Michaux Les Grandes preuves de l esprit Gallimard 1966 Mais toujours exactement sur ce th me d une si grande importance puisqu il apprend conditionner l criture vers ces zones de risques mais faire qu on s y pr sente arm pr t accueillir dans la langue cette zone de soi bouscul e parce que l sera notre s
236. ier mot aussi de Kafka le mot inexplicable En r sumant le th me principal de l histoire que chacun conna t on aura permis l closion de quatre figures invent es de r cit qui vont d multiplier la dimen sion de ce qui reste nigmatique en elle et fait qu elle nous concerne au plus pr s Quatre l gendes nous rapportent l histoire de Prom th e selon la premi re il fut encha n sur le Caucase parce qu il avait trahi les dieux pour les hommes et les dieux lui envoy rent des aigles qui lui d vo r rent son foie toujours renaissant Selon la deuxi me Prom th e fuyant dans sa douleur les becs qui le d chiquetaient s enfon a de plus en plus profond ment l int rieur du rocher jusqu ne plus faire qu un avec lui Selon la troisi me sa trahison fut oubli e au cours des mill naires les dieux oubli rent les aigles se fatigu rent et fatigu e la plaie se referma Restait l inexplicable roc La l gende tente d expliquer l inexplicable Comme elle na t d un fond de v rit il lui faut bien retourner l inex plicable Franz Kafka Prom th e in La Muraille de Chine et autres r cits traduit de l allemand par Marthe Robert Gallimard 1950 Reste proposer un th me qui ne consiste pas simple ment manipuler les mythologies anciennes quel que soit l int r t de l exercice au pr sent Icare et l aviation 106 P001 000 bon Atelier 1 qxd 3
237. ignature essentielle de langue mais ce qu elle doit garder secret la prise de distance propos e par Michaux en crivant non pas directement cet tat int rieur comme dans l exercice Artaud ou l exercice pr c dent mais en s ima ginant le dessiner le peindre le repr senter rien dans ce cas ne vient dire le visage mot central dans ce texte de Michaux mais qui sert condenser tout le reste et l intensit mentale du dedans on aura ci dessous une autre piste pour l approche du visage lui m me En 169 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 170 Tous les mots sont adultes insistant bien que pour nous il s agit de multiplier notre propre visage de le saisir par cette conjonction d une perception du dehors et de l intensit mentale cet ins tant et que ce dessin est imaginaire uvre de langue que le texte provoque imaginer construire dans sa t te Dessinez sans intention particuli re griffonnez machinalement il appa ra t presque toujours sur le papier des visages Menant une excessive vie faciale on est aussi dans une perp tuelle fi vre de visages D s que je prends un crayon un pinceau il m en vient sur le papier l un apr s l autre dix quinze vingt Et sauvages pour la plupart Est ce moi tous ces visages Du pinceau et tant bien que mal en taches noires voil qu ils s coulent ils se lib rent On est surpris les premi res fois Visage
238. ille Limites grises urgentes Je ne connais pas 65 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 66 Tous les mots sont adultes Il y a un mouvement dans l air tr s loin Des arbres des boutiques restreintes Stores baiss s rideaux de fer et cette odeur sucr e de limonade Dans une vitrine immobile quelques robes Au dessus le ciel marbr Je croise un enfant Je reconnais la lumi re peut tre Leslie Kaplan Le Livre des ciels PO L 1983 noter chez Leslie Kaplan un travail tr s rare sur le statut de l adjectif D doubl pour d porter l image hors de l usage qualificatif attendu Dans la ville le ciel est courbe loign Voire tripl C est une vieille ville fran aise disponible Cassant la phrase pour en tre l arr t Temps simple Je suis dehors Redoublant le groupe nom adjec tif quand on ne peut pas s parer l adjectif du nom Au coin un restaurant avec des femmes dessin es des inscrip tions sexuelles S paration forc e du nom et de l adjectif Des cours aussi enchev tr es Redoublement du verbe pour d porter le nom et l associer plus fort son quali ficatif Des hommes vont et viennent dans le cadre blanc Anticipation asym trique du nom e passe des indica tions des feux lectriques Ou au contraire Partout des nuages lourds des escaliers limination du nom par simple accumulation des adjectifs Rouge vert orange Ou sym trie parfaite d
239. imateur d atelier c est que chaque s ance ouvre une porte sur un genre une technique Mais ces propositions ne r sonneront pas de la m me intensit pour chacun des participants On se frotte tous les instruments mais chacun trouvera peu peu le sien Ainsi la notion m me de genre devient vaguement obsol te en atelier Y a t il une sp cificit de l criture dramatique Certainement Mais ce n est pas parce qu on d cr tera que l atelier portera sur l criture dra matique qu on rejoindra cette sp cificit On a d j crois ci dessus des auteurs de th tre et non des moindres comme Val re Novarina ou Nathalie Sar raute sans parler d Antonin Artaud La sc ne exige une criture funambule et autant la pr parer en pratiquant les exercices ci dessus Perec compris sans s interroger sur leur ventuelle utilisation th trale Ce qui m tonne toujours c est comment certains textes ind pendamment de la proposition s imposent 249 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 250 Tous les mots sont adultes chaque fois comme criture dramatique qui appelle la sc ne C est une fa on d exiger du noir et de l espace autour de la prof ration pour se faire image c est une fa on d appeler tre dit par le corps en mouvement comme strophe et antistrophe dans le ch ur grec d origine taient des mouvements du ch ur vers la gauche ou la droite Pai un plai
240. imaux lls viennent la mai son ils mangent toute la famille J ai cherch un flingue de mon p re pour tirer sur les animaux Je tire ils ne meurent pas Apr s ils viennent directement sur moi Apr s je suis coinc dans un coin Je dis mon fr re de faire le coup de main avec moi parce que je suis coinc Mais mon fr re m a dit Non je ne bouge pas Et moi qu est ce que j ai pens Mon fr re il est avec les animaux Apr s les animaux ils se tournent ils regardent mon fr re et mon fr re rigole Et apr s moi j ai tir sur mon fr re apr s mon fr re il est mort il est sorti un animal du c ur Apr s je me suis r veill et je transpirais partout Gradignan centre de jeunes d tenus 1996 179 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 180 Tous les mots sont adultes Mais que chacun crive un texte avec une suite de fragments de r ves et de mani res de r ver et on peut composer par montage un ensemble anonyme qui les m le tous en d sordre et proposer au groupe un travail collectif de mise en voix ou mise en espace sans plus s occuper de qui a crit quoi Sur ce principe le mon tage suivant vient de r ves crits le m me jour que le pr c dent quelques centaines de m tres de la maison d arr t mais la facult des sciences de Talence La surface lisse d un lac Des visages souriants de l autre c t de cette vitre qui s enfoncent Les vis
241. in 2001 Maison des gens de mer Boulogne sur Mer 6 mars 2001 Fen tre de l h tel Terminus gare du Nord Paris 7 mars 2001 Porte fen tre un matin d t 2001 Pare brise T l surveillance Buffet de la gare Saint Jean Bordeaux vendredi 2 mars 2001 Fen tre d appartement c t cour rue Nollet Paris dimanche 25 f vrier 2001 9h 10 du matin Fen tre des n gociations minist re de l quipement et des Transports place Fontenoy Paris 17 juin 1996 Raymond Bozier Fen tres sur le monde Fayard 2004 Raymond Bozier nous propose ainsi trente sept fen tres chacune tant li e de fa on extr mement pr cise une exp rience de vie la vie devenant ainsi une suite parcellis e d univers qui s ajoutent sans forc ment se rencontrer La fen tre depuis la salle du lyc e o il a 51 _ amp P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 52 Tous les mots sont adultes son travail la fen tre de la pi ce o il a son bureau pour crire celle de la caf t ria des repas de midi le pare brise de la voiture lors d un trajet quotidien les h tels de passage ou ces s ances dans un minist re aux antipodes de ce qui nous est d ordinaire r serv Premi re ques tion aux participants pour vous il y en aurait combien de ces fen tres depuis les chambres d enfance celles qui ont compt ou les moments de vie en bascule de grande motion int rieure et m me si le paysage est du genre rien voir
242. in Artaud La com plexit la place de l uvre sont encore en chemin de la m me fa on qu on continue de questionner sa maladie mentale ses pratiques de l h ro ne et de la morphine et que n en finit pas de nous surprendre son visage son quilibre sa radicalit voir ses notes sur le cin ma dans la suite des films o il a tourn avec Dreyer Abel Gance Fritz Lang et tant d autres puisque tel tait le gagne pain de l homme sans maison Une vraie le on de vie qu on peut suivre dans l dition en vingt six tomes de Paule Th venin important pour y d couvrir com bien le travail qui s amorce ici qui ne ressort ni au vers ni la prose est d lib r ment pouss bout dans son apparence brute participe pour chaque fragment d un travail pr cis avec plusieurs ann es de reprises et de r criture Artaud ouvre un espace neuf la litt rature cela signifie que pour quiconque crit apr s lui et dans l usage le plus banal que nous pouvons faire de l cri ture c est comme une lettre de plus dans notre alphabet 160 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 161 Troisi me cercle conqu rir l intensit une note de plus dans la gamme Et que cette note ou cette lettre parce que pr cis ment elle concerne le cer veau devient d sormais d importance primordiale quand l inconnu de notre cerveau est d multipli par les nouvelles pistes de recherche la fa on r
243. in Germany Il m avait habill de neuf et en montant dans le train j avais perdu un bouton Je men souviens je m en souviens j y ai souvent pens depuis Je couchais sur les coffres et j tais tout heureux de pouvoir jouer avec le browning nickel qu il m avait aussi donn Blaise Cendrars Prose du Transsib rien ditions des Hommes Nouveaux 1913 Si on part du trajet quotidien du matin minute par minute sur les quarante minutes qui pr c dent l entr e au coll ge ou au lyc e il y aura pour commencer une porte qui se ferme et puis un escalier une attente un bus On peut souligner mat riellement le flux d infor mations visuelles le flux de photons travers la r tine par seconde parler de l histoire de la formation de la vision ce qui reste des mammif res vision nocturne et sang chaud du temps des dinosaures l volution vers la perception en couleur associ e la station debout le d veloppement des circonvolutions du cerveau Poppo sition vision syncr tique vision analytique On peut aussi parler de la continuit recompos e qui permet l illusion cin matographique depuis les douze images seconde sautillantes de la premi re poque et pourquoi partir de vingt quatre images seconde on n a plus prouv le besoin de faire voluer la technique S il faut une demi heure entre le moment o on ferme sa porte et le moment o on franchit la porte du lyc e ou du col l ge
244. intempestifs 1998 Proposition alors tr s simple quelles seraient pour chacun ces didascalies qui seront impossibles r aliser sur sc ne et fondent pourtant le r ve qu on en a On peut m me radicaliser cette approche en la soumettant la cat gorie de ce qu on cherche pourvu que cette cat gorie on la pousse vers son extr me Aller dans cette fronti re o la perception subjective d un r el excessif commande l organisation de la repr sentation int rieure dont va se saisir le r cit Se servir de l inventaire encore notations br ves plut t qu histoires Pour ce qui fait peur lister mentalement dans la m moire lointaine l enfance puis plus pr s Peurs occasionnelles r gu li res li es un v nement singulier Il y a l intime et s en tenir cette force de l exposition dire en face ne rien ajouter Et si on prononce cet adjectif extr me que 261 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 262 Tous les mots sont adultes ce soit l occasion d introduire Georges Bataille et ce livre o il nonce comme but o l homme atteint lex tr me du possible Alors tout est ouvert pour d autres domaines d criture encore je cherche une f lure ma f lure pour tre bris Georges Bataille L Exp rience Int rieure Gallimard 1943 Comparer ce bref extrait l introduction m me du livre o s en nomme le projet Ce livre est le r
245. ion la densit et au contenu d exp rience qu exige la po sie contemporaine Un exemple r cent 311 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 312 Tous les mots sont adultes l Travail rhapsodique d apr s Beno t Conort Fen tre ouverte sur la cour bruissante du temps du soir l ger Prin temps le ciel en paix dans un froissement l angoisse rampant tout le milieu d apr s midi se fond aux choses soleil bas Ils crient Th tre ce soir sous ma fen tre ouvrant sur le ciel pur gar gouillis du jet d eau du bassin au milieu de la cour Leurs cris trop th traux Je ne les entends pas dans l ombre de la chambre o se diffuse l angoisse comme une ombre Brise Le pantin de mon tre se pend par la fen tre au dessus d eux leurs cris trop forts troublent le temps du soir l ger Froissement des feuillages soulev s par la brise Les pages se tournent Retourne au calme de la nuit le bruit des mots L angoisse s apaise et monte les choses en moi Leurs cris d clamatoires la mort qui plane dit on me bercent J attends 2 cart et intensit d apr s Antoine Emaz m me univers source D ici L ombre s engouffre Dans les pages Se suspendre Au dessus des cris 3 Bloc paragraphe avec James Sacr m me univers source travers la fen tre le printemps s immisce dans l ombre qui s pais sit de mes livres entrouverts effeuill s par le ciel et le calme
246. ion esth tique il faut tre conscient C est pourquoi je soutiens qu un peu comme un ana lyste qui doit tre analys l enseignant qui fait crire ou qui fait d cou vrir la litt rature des enfants doit avoir crit en groupe au pr alable doit avoir t initi lui m me sa propre voix dans des ateliers 227 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 228 Tous les mots sont adultes Parce que cela n est pas facile d crire et de lire devant tout le monde d tre d licieusement malmen par ses propres images litt raires ou par ses r v lations et celles des autres J ai tudi cette vuln rabilit particuli re dans mes ateliers J ai observ que lorsque le texte est crit et que chaque participant le lit alors haute voix il est attentif au moindre changement d expression de ses auditeurs il guette les r actions impr visibles du groupe Il a pris le risque de d nuder sa voix int rieure jusqu devenir tout fait vuln rable Il se lit les autres l coutent ou non il n en sait rien et il ne peut pas s en assurer Deux ou trois fois il s enroue Il n a pas la force de se racler la gorge Il fau drait s interrompre pour cela Il ne peut pas s arr ter de se lire et comme sa sensibilit est extr me il a les yeux qui pleurent Dans le silence inexplicable il entend enfin sa vraie voix sa voie f tale sa langue maternelle des phrases tout humides de lui m me et n
247. ipants pour dire leur ville trois niveaux d altitude et com ment quand un avion approche d une ville d abord on en per oit la structure dans son imbrication avec les l ments naturels et l histoire de son d veloppement ensuite dans les circulations les dispositions de quartier enfin une vue presque de d tail avec les maisons les jar dins les toits les parkings et puis soudain plus rien parce que autour de l a roport il n y a que des espaces vides 70 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 71 Premier cercle les trajets la ville D autres propositions pour ville criture Toujours revenir Blaise Cendrars Proposition un narrateur en translation voiture v lo bus train sur un itin raire du quotidien r p titif m me s il est bref Un narrateur encore une fois pris dans une suite de points fixes ou d instants immobiles mais ces points ou ces instants ins r s dans sa translation Exer cice o le narrateur est pr sent dans son propre texte maintenant peut s crire lui m me dans son texte mais n y est que r cepteur de la sensation ou de l image Parler de ce qu il y a entre chez soi une fois qu on a referm la porte et le lyc e une fois qu on en a franchi le portail Pas forc ment au pr sent m me si on demande que l criture s en tienne au pr sent de l indi catif sugg rer qu on peut retrouver mentalement avec pr cision le m me chemin pou
248. ire et c est partout pareil Mon petit Eh bien quoi a ne tourne pas rond Ne me parlez pas de a il suffit de quelques mots Pour de bon Je ne comprends pas La tentative de Nathalie Sarraute dans L Usage de la parole c est un r ve de livre par quoi chacun on passe un de ces livres qu on lit en se disant chaque ligne qu on voudrait inventer soi m me l quivalent Et puis le livre referm bien s r ce n est pas la peine de l crire ce livre r v puisque celui ci existe d j qu on ne sau rait que refaire Mais cette impression d ouverture voire d incompl tude est contenue dans son principe dialo gique s il n y avait pas au bout de chaque phrase cette possibilit d tendre le livre ou d en r ver un autre la petite musique de la phrase ne pourrait pas ainsi r son ner apr s elle Une petite cristallisation de dix chapitres brefs l o chacun pourrait sugg rer encore trente ou quatre vingts locutions de cet ordre qui restent explo rer On peut sugg rer de reprendre son compte la dis sym trie des deux registres du texte il y a celui ou celle qui prononce la parole toute faite organis e autour de cette locution qui la brouille et la distord ou la vide et il y a celui ou celle qui analyse et r pond Le texte 234 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 235 Quatri me cercle l image la parole le temps pourra se pr senter d
249. ire un tome IT mais utiliser les nou velles facilit s de l informatique pour proposer le m me livre d barrass de quelques exercices trop m thodolo giques et renfor ant l appui et la curiosit sur ces pistes in dites du contemporain celles qui permettent de construire soi m me un cycle d ateliers plut t que d en transposer les recettes J ai eu la chance de tester chacune de ces propositions dans des contextes tr s diff rents une proposition d criture se stabilise par rodage carts Au fil du livre viendront des remarques sur la lecture voix haute sur les diff rentes strat gies d criture collective et bien s r de nombreux extraits nouveaux Sans doute aussi la P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 10 Tous les mots sont adultes pratique des ateliers d criture m a permis d infl chir mon travail personnel d entrevoir de plus pr s com ment ces textes inou s qui r sultent de l atelier nous ouvrent des pistes esth tiques d exigence neuve pour la litt rature Ce livre n est donc pas simplement une dition r vi s e du premier Tous les mots sont adultes mais plut t une recomposition du projet Ce qu il y a de fixe dans la d marche s appuyer sur ce qui me semble permanent les param tres isol s ou individuels qu on convoque dans l instant complexe de l criture et pour chacun de ces param tres convoquer une uvre litt raire o son fonctionnement pr
250. is dans le couloir L 195 Homme atlantique L 197 198 281 Moderato Cantabile 281 Navire night 286 Vera Baxter 286 chenoz Jean 75 202 quip e malaise L 81 Lac 75 luard Paul 128 Emaz Antoine 9 306 308 312 Lichen lichen 309 Po mes communs 309 Faulkner William 265 315 316 Tandis que j agonise 267 Flaubert Gustave 39 65 165 208 242 243 Correspondance 98 242 ducation sentimentale L 58 Madame Bovary 242 Freud Sigmund 78 173 174 Interpr tation des r ves L 173 174 Garcia Marquez Gabriel 315 316 Gibran Khalil 133 Proph te Le 133 135 Giraudoux Jean 58 Bella 58 Gl ck Micha l 33 331 Goux Jean Paul Fable des jours La 200 202 Gracq Julien 55 Eaux troites Les 15 55 59 En lisant en crivant 313 325 Ch teau d Argol Le 15 Guibert Herv 212 214 225 Image fant me L 212 214 Guiguet Andr e Anne Roche Nicole Voltz Atelier d criture L 75 332 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 GE 17 41 Page 333 Index Handke Peter 255 Heure o nous ne savions rien de l autre L 255 Outrage au public 257 259 Harms Daniil crits 324 325 Hesse Hermann 324 Loup des steppes Le 322 324 Jab s Edmond 9 167 190 313 326 Livre des questions Le 190 Livre des ressemblances Le 190 James Henry Carnets 317 320 Image dans le tapis L 318 Le on du ma tre La 318 Papiers de Jeffr
251. isant la g n alogie dans un monde o il n y a plus de rep res de lieux et souvent de temps partir du moment o j ai demand aux participants que ces textes ne comportent pas de noms propres M me si on donne comme contrainte de n en pro noncer aucun chacun de nous est un amas condens de noms Pourtant si deux g n rations on sait encore 117 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 118 Deuxi me cercle l identit reconstruire prononcer les huit noms qui nous constituent quatre g n rations on serait bien en peine en g n ral d en ali gner le quart des trente deux C est l cependant qu on va demande d crire malgr le blanc malgr l oubli Descendre dans les noms pour qu une phrase sans nom propre en sauve et en extraie la p te la couleur qui don neront sens et forme silhouette anonyme M me si notre savoir est lacunaire un objet un lieu le trajet d une migration une parole rapport e nous relient cette silhouette et peuvent devenir figure du texte Ce qu on est d os et de visage d armature au fond du sac de peau c est cela qu on demande d aller chercher Et puis aller d lib r ment l o on ne sait pas l o la m moire consciente est comme une trace de pas sur du sable un fragment lacunaire Ne pas tout ramener mais prendre d abord la fronti re du blanc Pour crire sans savoir crire dans l obstacle paradoxalement
252. it Maintenant j essaye d autres points de d part mais qui soient cependant appuy s sur une image mentale facilement convocable un imm diat d p t int rieur de langue que la page blanche doit simplement accueillir transposer Pour crire il faut d j crire 11 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 12 Tous les mots sont adultes dit Maurice Blanchot qui j ai emprunt ce titre Tous les mots sont adultes cela reste le point de d part de l ate lier quel que soit le public mettre chacun face du d j crit qui permette oralement d en souligner la singula rit la beaut l accroche pour poursuivre Ce que nous nommons public faisait aussi l objet d une question j ai toujours d test le mot crivant comme patient subissant passif Je men tiens au modeste participant Il y a aujourd hui une tendance consid rer l atelier d criture comme une sorte de pra tique litt raire pour des gens qui ne sauraient pas l abor der autrement classes en chec scolaire alphab tisation ou adaptation lyc es professionnels en r volte jeunes au ch mage ou dans les dispositifs de r insertion ou d accompagnement y compris prison Non le plaisir de jouer de la musique du texte et s aventurer dans cette recherche est d autant plus pouss que l instrument est souple et lui m me en recherche Voisineront ci dessous des textes venus de l cole normale sup ri
253. it Parlez nous de la beaut Khalil Gibran Le Proph te traduit de l arabe Liban par Camille Aboussouan Casterman 1956 Jai eu d extraordinaires s ances avec ce th me en proposant d crire au marqueur sur de grandes affiches chacun choisissant un th me qui lui semble important Le d calage des choix qui s induit depuis Khalil Gibran est d j signifiant on crira sur la fid lit le respect la confiance Pamour Quand chacun a crit au bout de quelques s ances d atelier il est fr quent de voir les l ves s changer leurs textes pour se les faire lire Pour cet exercice surtout si on peut disposer de grandes affiches je propose que tous les textes soient mis plat par terre et chacun ira crire sur le texte des autres sa propre version sur le th me propos Si chacun s approprie une affiche et r dige un texte sur le th me qui lui tient le plus c ur dans cette deuxi me phase chacun interviendra graphi quement sur l affiche des autres par exemple il me revient cette phrase La fid lit c est le respect de la confiance ajout e par un jeune Sri Lankais au bas du texte d une de ses camarades de classe 134 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 135 Deuxi me cercle l identit reconstruire Et une femme parla disant Parlez nous de la douleur Et il dit Par la douleur se brise la coquille qui enveloppe votre entendement De m me que le noyau du
254. it rendez vous c t d un rond point o il y avait de belles fleurs L on prenait un petit raccourci en passant de jardin jardin on courait car on avait peur de se faire attraper par le proprio Puis dans une all e il y avait un grillage comme on n avait pas la cl on passait par dessus Puis on devait longer diagonalement un grand terrain de foot qui tait juste derri re l cole Et au lieu de faire le tour pour rentrer par la porte principale on passait par la cour Et voil quelquefois ou plut t souvent on arrivait tout crades avec des v tements pleins de terre ou de boue et m me d chir s En rentrant on prenait le chemin le plus long mais ce petit raccourci on tait les seuls le conna tre Paris th tre de la Colline avec des l ves de CAP m nage et hygi ne des locaux du lyc e Edmond Rostand 1999 Insister sur la novation que repr sente l criture de ce r el imm diat la difficult en saisir les objets simple ment parfois parce qu ils n ont jamais encore t nom m s n ont jamais re u de noms sp cifiques et cela d autant plus qu on s en prend au r el ordinaire une rue 74 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 75 Premier cercle les trajets la ville de bord de ville Alors que m me les objets les plus nor malis s de cet environnement quotidien pris dans un dispositif narratif peuvent devenir la marque esth tique affirm
255. it le mur du stade les petits jouent au foot d autres courent et s amusent sur les briques et tous les petits essaient de mettre des paniers fen tre sur la route on voit des voitures passer des personnes de tous ges y passent ga lement des jeunes y tra nent toute la journ e les voitures s arr tent puis des personnes descendent fen tre de l h tel escaliers hypermarch route voitures restaurant chinois universit lac fen tre de la cuisine jardin grillage petit parc b timent d en face les cerisiers les palmiers fen tre sur une cit des petits et des grands des b timents entass s des barreaux gris des voitures stationn es certaines sont d pouill es les halls des b timents sont tagu s fen tre sur la salle polyvalente arr t de bus buissons herbes voitures lampadaires les rails de la gare du Val Lyc e professionnel Fernand L ger d Argenteuil 2004 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 55 PREMIER CERCLE LES TRAJETS LA VILLE Mettre l criture en mouvement Julien Gracq On va raconter seulement raconter ce qui est le magistral contenu d un des textes les plus fascinants de Julien Gracq le tr s bref et tr s dense Les Eaux troites Corti 1976 o un homme de soixante dix ans refait en pens e une promenade rituelle de son enfance et de son adolescence remonter en barque sur quelques kilo m tres un bras d eau clos chacune de ses extr mit s
256. iture de th tre redondante ou l accumulation des pourquoi R duction un fait l mentaire de parole qui va faciliter la mise en abyme du dispositif en demandant aux participants que leur texte soit comme un doublage de la pi ce de th tre r elle se superpose la pi ce jou e devenue provisoi rement muette On vise une diction de ce qui se passe en temps r el dans la pi ce imaginaire du point de vue de la parole comme pour les mouvements du corps les dispositions de l espace des lumi res du rapport aux spectateurs et du rapport entre acteurs Des acteurs d crivent ce qu ils sont en train de jouer sur la sc ne des bribes de la pi ce suppos e traversant le texte et c est cela qui constitue le fait th tral lui m me Vous tes les bienvenus Cette pi ce est un prologue Vous n entendrez rien ce soir que vous n ayez d j entendu Vous ne verrez rien que vous n ayez d j vu Vous ne verrez pas ce qu on vous a toujours montr sur une sc ne Vous n entendrez pas ce que vous tes habitu s entendre Ce qu on vous a montr jusqu pr sent au th tre vous allez l en tendre Vous allez entendre ce qu on ne vous a jamais montr jusqu pr sent Ce qu on va vous montrer n est pas un spectacle Vous risquez fort de rester sur votre faim Ce que vous allez voir n est pas une pi ce Ce soir on ne joue pas On va vous montrer un spectacle o il n y a rien voir Pe
257. ivre triques de la repr sentation les formes syntaxiques le mental et l int rieur Souvent un atelier qui conviendra l ensemble du groupe ne pourra permettre tel ou tel de s y immiscer parce que son rythme ne lui ouvre pas ce dispositif Ce travail identifier ce qui est pour chacun non pas l lan spontan de l criture mais parfois dans l int rieur de textes qui les recouvre une langue secr te mais tymo logiquement inou e c est celui de l animateur D une part pousser les participants cet extr me de langue o la singularit sera reconnaissable audible d autre part permettre au participant de trouver dans l univers contemporain les formes proches qui lui permettent de rep rer cette singularit sienne C est ce que j essaye de mettre en travail dans une s ance uniquement consacr e cette recherche d une dominante dans les rythmes Je propose pour cela titre exceptionnel dans le cycle que la s ance de travail m ne trois textes diff rents qui ne soient pas trois tats du m me texte mais trois prises d criture s tablissant selon un rythme graphique diff rent sur le m me mat riau de d part et chacune se pr sentant comme auto suffisante Cette mati re il faut la d busquer Les th mes de Beno t Conort dans Cette vie est la n tre Champ Vallon 2001 tiennent de l piphanie Dans la masse profuse du r el crois au quotidien des conjonctions de si
258. l uvre d un troisi me po te James Sacr et sans doute les affinit s ne manquent pas entre ces trois hommes Parce que sa forme de pr dilection est une nouvelle contrainte for melle un bloc bref de prose mais chaque bloc fonc tionnant po tiquement utilise accumulation int rieure de ses phrases selon le principe de coupe qui organise le vers En tout cas je demande aux participants un troi si me tat de leur texte qui se pr sente sous forme de cette prose br ve compacte et dans laquelle la phrase puisse tre appr hend e comme purement po tique Ainsi De l picerie au jardin on traversait la rue Petite porte loquet cor ridor troit on arrivait dans l espace et l air avec de la prairie comme a respirante et souriante endroit mal connu du bourg sauf si juste ment on y avait un jardin Sans doute que des choses simples sont devenues des nigmes dans ce jardin Elles tourmentent de la pluie bleue dans la laine les joues d un cerisier Rien on ne fait qu arranger un panier de mos les plus beaux dessus Tout finit dans l ordre rentable du magasin James Sacr critures courtes Le D Bleu 1992 Ou encore 310 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 311 Cinqui me cercle vers le livre Cette fa on de penser autre chose au lieu de vraiment regarder ces images en laine qui sont l c est peut tre bien pour ne pas conna tre en leur fulgurance et leur obsc
259. l enjeu est suffisamment impor tant pour en proposer ici trois approches distinctes Prendre conscience que ce qu on utilise dans un r cit n est pas la r alit d un objet mais que la langue ne se r f re qu elle m me Inversement le nom des choses dans un r cit n est jamais seulement ce nom mais un ph nom ne complexe d appel la repr sentation int rieure du lecteur C est ce qui fait l trange beaut souvent de Rabelais qui ne peut convoquer chez celui qui le lit une accepta tion pr tablie de ce quoi ses mots r f rent s ils n ont jamais eu avant lui d existence crite Le plus bel exemple qu il donne de ce fonctionnement par quoi sa prose doit litt ralement mimer ce quoi r f rent ses mots c est peut tre sur le mot phare d riv pourtant d un n ologisme grec tr s simple 215 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 216 Tous les mots sont adultes Phares Haultes tours sus le rivaige de la mer esquelles on allume une lanterne on temps qu est tempeste en mer pour addresser les mari niers comme vous povez veoir la Rochelle amp Aigues Mortes Rabelais Briefve declaration d aulcunes dictions plus obscures contenues au present livre in Le Quart Livre Michel Fezandat 552 En pr sentant le livre de Francis Ponge Le Parti pris des choses Gallimard 1942 c est ce qu on peut gagner en confiant le r cit de l objet l objet
260. l conjonction de silhouettes et de pay sage prises un moment particulier entre personnages parfois dans la sph re strictement intime L ardeur avec laquelle j ai jou une sc ne de film comique mes s urs dans la salle de bains Pourquoi ne suis je jamais capable de faire cela devant des trangers Franz Kafka le 2 juillet 1911 ou seulement image d tach e de tout contexte et toute explication Un collier de petites boules d or sur un cou bruni Franz Kafka le 3 juillet 1911 On s astreint donc trouver pour les sept jours de la derni re semaine une br ve notation dans ce sens Revenir ces m canismes du tri m moriel y compris dans l nigme biologique qu il repr sente pour le pass le plus r cent il y a saturation digression sur les m ca nismes de s lection de la m moire inductions sur le sommeil affectations temporelles et tri m moriel par variations de porosit de la paroi externe des neurones et mesure qu on s enfonce dans le temps m me 99 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 100 Tous les mots sont adultes restreint de la semaine on va devoir faire surgir au lieu de trier On peut ajouter une contrainte et faire cet exercice en un temps tr s bref en guise d chauffement et que la rapidit m me devienne une force contre l oubli ou la difficult d crire Il m est aussi arriv de proposer aux participants que sur les sept fragmen
261. l l espace o ils retentissent espace infi niment vide comme un jardin o bien apr s qu ils sont disparus conti nueraient de s entendre les cris joyeux des enfants les reconduit vers la mort perp tuelle o ils semblent na tre toujours Comment peut on pr tendre Ce que tu ne sais en aucune mani re en aucune mani re ne saurait te tourmenter Je ne suis pas le centre 326 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 327 Cinqui me cercle vers le livre de ce que j ignore et le tourment a son savoir propre qui recouvre mon ignorance Douleur taillant morcelant mettant vif ce qui ne saurait plus tre v cu m me dans un souvenir Il y a question et cependant nul doute il y a question mais nul d sir de r ponse il y a question et rien qui puisse tre dit mais seulement dire Questionnement mise en cause qui d passe toute possibilit de question La lumi re clate clat ce qui dans la clart se clame et n claire pas la dispersion qui r sonne ou vibre jusqu l blouissement Eclat le retentissement brisant d un langage sans entente Maurice Blanchot Le Pas au del Gallimard 1973 et L criture du d sastre Gallimard 1980 Au terme de ce parcours on a rassembl l ensemble des textes crits par chacun en s interrogeant sur cet assemblage m me dans quel ordre selon quelles liaisons encore absentes Cela ne fait pas un livre mais
262. la litt rature com ment naissent ces descriptions de visages et le statut qu elles ont dans le r cit Pour les grands livres qui nous ont form comment avons nous reconstitu mentale ment les visages qui nous taient donn s Le visage absent de Sade celui longtemps inconnu de Lautr a mont ont provoqu l imaginaire des peintres parce qu aux personnages des romans souvent nous associons le visage m me de l auteur qu il nous donne la couleur globale d un temps On peut se r f rer au livre de David Le Breton Des visages essai d anthropologie M tailli 1994 qui pratique cette exploration de fa on exhaus tive citant Ren Daumal D s lors que leurs visages furent tourn s vers le dehors les hommes devinrent incapables de se voir eux m mes Et c est notre grande infirmit Ne pouvant nous voir nous nous imaginons Et chacun se r vant soi m me et devant les autres reste seul derri re son visage que le Japonais K b Ab C est curieux un visage n est ce pas Quand on en poss de un on n y pense pas Mais d s qu on n en a plus on se sent comme si la moiti du monde avait t arrach e Et tant pis si parfois le visage qui r sulte de l criture 194 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 195 Troisi me cercle conqu rir l intensit devient l armature des signes qui est apr s tout le visage social qu on se fait Description de ma
263. la m moire avec des points d accroche des mergences plus nettes Des d tails des lumi res une ambiance un bruit suffisent et on va demander que le texte pouse au plus pr s leur surgissement Anticiper sur la rupture univers rural univers urbain la notion de promenade aussi est contamin e par l empire marchand quand le lieu rituel du parcours c est la gale rie commerciale de la banlieue Le ciel toil n est pas visible de la ville et l album de photographies de famille a souvent disparu aussi Ce qu on garde des deux pro menades de Proust un portail une couleur d eau Podeur des aub pines la rencontre de Legrandin on peut en par ler mais c est le rapport primaire itin raire fixe fr quence du parcours qui doit primer pour ancrer ce dont Julien Gracq parle dans la premi re page des Eaux troites ce qui de la terre donne le sentiment d tre nous seuls promis et porter d avance les couleurs de notre vie parce qu il y a retour et que dans le texte ci dessous le retour imagin ouvre le livre m me Ce sera grand comme la travers e d un jardin ou le chemin vers la rivi re mais on d couvrira leurs quivalents urbains Ce qu on va proposer pour la syntaxe c est de d composer ce trajet r el en l ments simples qui per mettent que chaque phrase s crive comme si la pr c dente n avait pas exist et comme si rien n allait suivre imm diatement celle
264. laisse pas facile ment approprier en criture collective L outil c est l utilisation r currente d un il qui va en fait noter ce qu on sait ou peut imaginer du personnage uniquement en suivant l ordre d apparition des figures et images sans chercher en produire une mise en ordre chronologique R p tition saccad e d une forme pur e d pouill e sujet verbe compl ment renvoyant imm diatement aux actions objectives du personnage Le texte de Claude Simon commence par une phrase posant le personnage cinquante ans suit par une phrase du personnage trente ans et une autre du per sonnage soixante dix ans Donc disjonction temporelle totale puisque c est leur simultan it dans notre propre repr sentation qu on parcourt Voici le d but de cette biographie que d ploie Claude Simon dans ses G orgiques Minuit 1982 296 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 297 Cinqui me cercle vers le livre Il a cinquante ans Il est g n ral en chef de l artillerie de l arm e d Ita lie Il r side Milan Il porte une tunique au col et au plastron brod s de dorures Il a soixante ans Il surveille les travaux d ach vement de la terrasse de son ch teau Il est frileusement envelopp d une vieille houppelande militaire Il voit des points noirs Le soir il sera mort Il a trente ans l est capitaine Il va l op ra Claude Simon Les G orgiques Minuit 1981 D a
265. le a t en quelques d cennies autant bouscul e Les deux ouvrages que j apporte en vue de cet exercice pour leur iconographie 77 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 78 Tous les mots sont adultes extr mement suggestive sont tous deux d sormais introuvables Il s agit d un num ro de la revue Traverses sur la cartographie ditions du Centre Georges Pom pidou 1984 et agenda de 1997 propos par la revue Autrement avec cinquante deux cartes de l invisible dont voici quelques unes des l gendes qui les accompagnent London Nord 191 1 psychotique intern Berne Adolf W lfli 1864 1930 imagina Londres dans la solitude de son enfermement new symbolical head and phrenological chart t te phr nologique Grande Bre tagne fin xIX si cle Le pays de l artiste tableau du camp de sa grand m re par Elizabeth Nyumi aborig ne d Australie 1992 tiquette de bo te d allumettes Comos Espagne 1902 Extrait d un atlas scolaire sovi tique 1940 Carte de l enfer Birmanie 1830 Quatri me de cou verture du roman policier Chinese Red Delle Books tats Unis 1948 Sigmund Freud topographie psycho sexuelle jointe une lettre Wil helm Fliess en octobre 1895 Carte sib rienne des r ves indiquant les routes sans danger entre la terre les r gions infernales et le paradis xx si cle Carte de la main diagramme de chiromancie Rajasthan XvIEe si cle D tail d une carte austra
266. le parmi cent Tours avec des jeunes en stage d insertion Jeudi J arrive aux baguettes J en prends une elles sont dures c est le 7 a Je reviens la caisse je passe par le rayon vid o je regarde J arrive la caisse elle me demande 3 francs C est cher c est tout Je n avais que 2 75 francs elle m a enlev un bout de baguette Je pars chez moi on m engueule parce qu on croit que je l ai mang e alors que je fais le ramadan Centre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1996 101 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 102 Tous les mots sont adultes Conscience immobile et perception le canap du Dr Kafka Parce qu il travaille dans une compagnie d assurances et parce qu il est malade un des rituels les plus stables de Franz Kafka c est le temps de repos qu il s accorde en d but d apr s midi entre lunivers du bureau et celui de sa propre table de travail Moment de r cup ration mais de conscience floue de r ve mi veill d vacua tion des contraintes de la vie sociale et de lent chemine ment vers la concentration quand Kafka s assied sa table de travail c est tr s souvent par ce qui vient de se passer sur son canap qu il commence crire C est l o il attend quand les migraines sont trop fortes l o il se r fugie ou se morfond lorsque l criture ne vient pas que l insomnie ou que le d couragement sont trop forts Par
267. le submergeait Il leva l il vers la chausseuse touchez mon pied supplia t il juste le bout est ce que a va Est ce que je suis bien dedans Elle ne sut ne voulut r pondre Il renon a On s enfon a dans le passage Piver Jean Echenoz L quip e malaise Minuit 1986 Variations nuit dire dans l obscur D clinaison retour au r el mais pour dire la nuit Tr s surprenant comme sont rares encore les saisies de la nuit dans notre bagage litt raire et comment dans des textes qu on provoque sur l id e de nuit vue d une fen tre de cuisine ou d un balcon de chambre ou pers pective d une place de gare ou d une rue la nuit la situa tion physique du narrateur sera bien plus mergente que dans les textes diurnes Qu on rep re par exemple comment Rabelais du premier Pantagruel au Quart Livre progresse dans ses propres descriptions de nuit ou qu on compare du premier livre du Quichotte au 81 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 82 Tous les mots sont adultes second les deux fameux nocturnes celui du marteau foulon et celui de l arriv e au village de Dulcin e Pro poser d crire sur la nuit est un exercice des plus diffi ciles voir la s rie des po mes Nuits de Rainer Maria Rilke mais opposer quelques lignes d une description de jour quelques lignes d une description de nuit comme au cin ma on a ext rieur jour et ext rieur nuit devient un d
268. les portes et peut changer vraiment notre vie un sortil ge plus cach qui s apparente au maniement de la baguette de sourcier se lie la prome nade entre toutes pr f r e l excursion sans aventure et sans impr vu qui nous ram ne en quelques heures la cl ture de la maison famili re La s curit inalt r e du retour n est pas garantie qui se risque au milieu des champs de force que la Terre garde pour chacun de nous sin guli rement sous tension plus que par le baiser des plan tes cher Goethe il y a lieu de croire que la ligne de notre vie en est confus ment clair e Parfois on dirait qu une grille en nous plus ancienne que nous mais lacunaire et comme trou e d chiffre au hasard de ces promenades inspir es les lignes de force qui seront celles d pisodes de notre vie encore vivre Tout comme un album de photographies de famille qu on feuillette au hasard nous parle de notre pass mais d un pass la fois gomm de ses v nements vifs et pourtant indiciblement personnel nous communiquant en m me temps le sentiment vital du contact avec la tige m re et la tonalit exquise et faiblement souriante encore du fan de tels lieux l vent eux nigmatiquement un voile sur le futur ils portent d avance les couleurs de notre vie au contact de cette terre qui nous tait de quelque fa on promise toutes nos pliures se d plis sent comme s ouvre dans l eau une fleur japonaise no
269. les performances sportives de la vie tudiante les combats des ann es 1930 pour se faire reconna tre comme femme au barreau et comment la fonction m me d avocat cr e un autre rapport la parole la peine pouvant d pendre de cet engagement oral et com ment on l aura men son terme et puis bien s r la R sistance l criture ces livres qu on utilise en atelier disent les imb ciles Vous les entendez L Usage de la parole des livres trop m connus d une verdeur et d une acidit incroyable sont crits par une septuag naire coutons la ciseler notre langue en osant ne parler que de la langue et laissant notre imagination du monde se reconstituer mais au del et d apr s les mots qui nous y lient Le mot amour entour d un halo de lumi re tel lange annonciateur est entr il est re u avec la m me soumission la m me r signation la m me humilit la m me joie timide et la m me crainte Nathalie Sarraute L Usage de la parole Gallimard 1980 LUsage de la parole Gallimard 1980 n est pas un livre isol dans la tradition fran aise on met devant soi un de ces fragments ouverts de phrase qui n apparte nant personne se retrouvent dans le discours de tous et on les fait eux m mes m diateurs des discours qu ils ont organis s et dont nous ne nous souviendrions pas sans eux La forme sonore m me dont nous savons les investir appelle convoquer par l
270. lienne du monde ann es 1990 Carte po me avec profil des amants carte postale Allemagne d but xx si cle Labyrinthe dont le centre est le bonheur int rieur Grande Bretagne 1941 D tail de l itin raire d un ambassadeur vietnamien P kin au xvie si cle Vietnam XVIII si cle Atlas de l me cartes de l invisible L Agenda Autrement Autrement 1997 Parmi les textes les plus tranges qui pour moi restent li s cet exercice celui ci commen ait par cette phrase La terre est une plan te qui flotte Et celui qui me dic tait sa r ponse avait le mode de vie suivant passer la journ e dans une gare de pr f rence en haut d un esca lator parce que c est la meilleure place pour demander une pi ce de monnaie avant de prendre un train de nuit le soir parce qu on est l abri et chauff et changer donc tous les jours de ville dans son cas Paris gare de 78 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 79 Premier cercle les trajets la ville Lyon Rennes Valence pour retrouver chaque fois le m me contexte exactement escalator gare plateau pi tonnier comme une bulle fixe dont la place sur le monde aurait t d pla able ce que de telles conditions de vie extr mes enseignent ne correspond il pas des d placements perceptifs d j amorc s pour chacun de nous dans la fa on de s orienter et de se reconna tre Des exercices qui vont dans cette direction son
271. lier ci dessus l exercice propos sur VHomme atlantique 281 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 282 Tous les mots sont adultes C est de ce regard r trospectif de Marguerite Duras sur son propre travail construisant un r cit une fiction qui int grent l uvre d j crite et la mettent en abyme que je m appuie pour les exercices ci dessous En met tant en valeur pour les participants cet appui on Pin verse ceux qui nous nous adressons n ont pas encore d uvre derri re eux En s appropriant les pistes narra tives de Marguerite Duras nous allons en cr er l em bryon la perspective et lui donner sa premi re perspective Est ce un hommage de dire qu elle nous permet de travailler l intuition L Et 80 retour au r el comme nigme Un texte bien embl matique de l ambigu t formelle d lib r e de Marguerite Duras chroniques crites chaque semaine tout un t pour Lib ration selon un format r gl l auteur les d pose d s le dernier jour aux ditions de Minuit avec une courte pr face dans laquelle elle explique qu elle en souhaite publication pr cis ment parce que crire pour un journal criture ph m re et sans trace perdue dans le bruit du monde pervertit la nature m me de l criture et lui fait atteindre un espace litt raire qu elle n avait pas auparavant suppos Marguerite Duras vit cet t l devant la mer ce bruit du mond
272. lo mais invente un dispositif sym trique de celui par lequel Marco Polo raconte son compagnon de d tention ce qu il a vu en Chine Dans Les Villes invisibles Marco Polo fait Kubila Khan un compte rendu du monde qu il a quitt et les deux tentent de dessiner un atlas du monde qu ils connaissent si peu Seulement dans le compte rendu de Marco Polo c est de notre monde contempo rain ses illusions ses r ves et utopies de la ville qu il est question cinquante cinq fois de suite sous l embl me de cinquante cinq noms invent s de villes imaginaires Une premi re id e de proposition c est de simple ment raconter ce qui est ici et maintenant sous forme de perspective fantastique d cal e dans un temps loin en amont on pr sente la ville d aujourd hui comme un r ve d il y a trente ans Le r cit contraint par la r alit du pr sent vitera l cueil d une projection dans le futur mais devra utiliser le pr sent comme futur d ca lant et distendant le pr sent modifiant notre lecture de la ville imm diate Une id e plus imm diate de proposition c est de pro poser aux participants l invention textuelle d une ville 86 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 87 Premier cercle les trajets la ville Une fois immerg s dans le livre d Italo Calvino et qu on leur pr sente une poign e de th mes les l ves trouvent facilement une piste de d part li e
273. ls ont d moli c est un champ de d combres des portes ouvertes dans le vide sans escaliers un morceau d vier dans un coin de mur sans rien autour Danielle Collobert Dire I Il in uvres compl tes P O L 2004 Un autre exemple magnifique dans ce passage des Illuminations de Rimbaud o la seule utilisation de pro position relative est comme conditionn e par l accumu lation qui la pr c de et d samorc e par son propre redoublement interne de verbes Des ciels gris de cristal Un bizarre dessin de ponts ceux ci droits ceux l boucl s d autres descendant en obliquant en angles sur les pre miers et ces figures se renouvelant dans les autres circuits clair s du canal mais tous tellement longs et l gers que les rives charg es de d mes s abaissent et s amoindrissent Quelques uns de ces ponts sont encore charg s de masures D autres soutiennent des m ts des signaux de fr les parapets Des accords mineurs se croisent et filent des cordes montent des berges On distingue une veste rouge peut tre d autres costumes et des instruments de musique Sont ce des airs 60 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 61 Premier cercle les trajets la ville populaires des bouts de concerts seigneuriaux des restants d hymnes publics L eau est grise et bleue large comme un bras de mer Un rayon blanc tombant du haut du ciel an antit cette com die Arthur Rimbaud Les Illumina
274. lui lamant furieux qui se tient pr s d elle l cart en bordure de for t au milieu du vent et d j ils ne savent plus compter les mois pass s ainsi et c est en eux souvent comme autrefois quand des mers et des continents les s paraient cette douleur chercher l autre dans la transparence du regard comme s il tait pour jamais inaccessible cette passion mise souffrir comme si c tait l le signe par excellence gr ce quoi ils peuvent toucher la certitude d aimer lui l amant furieux et grave Jean Paul Goux La Fable des jours Digraphe Flammarion 1983 Enfin les pratiques d criture ne sont pas boulever s es de fa on radicale par leurs avatars techniques La multiplication des preuves d imprimerie corrig es tat apr s tat puis dition apr s dition par Balzac anti cipe peine les strat gies d utilisation du traitement de texte L obstacle n est pas dans le premier jet d une cri ture il est dans la prise de distance qui conduit la r criture Ou lors de ce premier jet dans une prise de distance imm diate d avec le spontan le raturable Horaires mati res machines versions chaque auteur a ainsi sa fa on de se tromper lui m me pour que le texte parvienne l autonomie On sait que Val re Novarina pourra se donner comme contrainte d crire un livre uniquement le jour et le suivant uniquement de nuit 201 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 1
275. lui de rena tre de se voir encore le plus puissant peseur de traces parmi l abstraction de mon corps Jacques Dupin Malevitch in Le Corps clairvoyant Gallimard Po sie 1999 303 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 304 Tous les mots sont adultes Ce livre de Jacques Dupin dans une collection qui fait r f rence rassemble plus de vingt ans de publica tions s par es Cela aussi en feuilletant le livre avec le groupe on doit l aborder le temps de l crivain peut ainsi se compter en d cennies pour un objet qui ne se r v lera dans sa complexit et sa teneur qu au terme de ce parcours Nous inversons ce que nous pr sente Jacques Dupin qui est un aboutissement parce que nous allons nous en servir de prisme et de grille pour entrer dans ce surgis sement de l criture Que se passe t il entre nous et le support l espace blanc et la mati re de la page que convoquons nous de la voix et de l oreille du souffle et des postures du corps comment appelons nous le temps et quelles sont les g om tries qui peuvent porter l ambition du dire Non pas donc produire un po me ni sur le corps ni sur la page ni m me sur la fascination abstraite des g o m tries et des formes Mais t cher d en rester pour le temps de l exercice cet quilibre on convoque cette grille des formes l espace blanc de la page et la hachure rythmique du signe graphique slash et ce qu on
276. lui m me afin de faire un hold up sac Mourmelonde Sud par Solomondre nulle une victime de plus dont huit Europ ens victimes de nos estimations cons ur Banette Osbert de Poussi re Trois La t l vision d action nous v locidor dop tait tellement son 143 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 144 Tous les mots sont adultes sermon qu chaque fois que j y prenais des nouvelles du temps j avais grand peur de partir avec Val re Novarina Vous qui habitez le temps P O L 1989 C est toujours un dr le de moment quand on lit voix haute un fragment de Novarina une classe ou un groupe qui ne l a jamais entendu Un silence d abord une mise en d fense Et puis on rit apr s on comprend Je lis en particulier toujours des extraits o c est de la langue elle m me qu il est question L ant positif s accorde en nombre au genre de la pr position que son verbe compl mente au mode quilatif tant qu au d pr ciatif le r gime du sujet reste blanc Les six modes sont six l optionnel le dictatif le subodoratif l injonctif l inactif le dod cationnel S paratif est le mode de s paration l optionnel est le mode de l option Seize temps sont quand il en est encore temps le pr sent lointain le futur avanc lin actif pr sent le d sactif pass le plus que pr sent son projectif pass le pass post rieur le pire que pass le jamais possible le
277. lui sont ext rieures Par exemple l espace familial ritualis repas de famille le dimanche d part annuel en vacances Ou bien l espace social ritua lis manifestation du 1 mai 11 novembre ou 14 juillet et ce qu on en retrouve dans la litt rature la balade la f te foraine la fin de Voyage au bout de la nuit la balade l Exposition universelle la fin de Mort cr dit Les manifestations sportives ou le bal ou la danse convien nent aussi Mais pour une grammaire du r el encore plus rigidement fix e on peut convoquer l espace de la c r monie C r monies profanes remise des prix r sul tat de concours dans L Arbre sur la rivi re de Bergou nioux la c r monie annuelle au Conservatoire de Brive pour les apprentis musiciens provisoires Ou c r mo nies h riti res sacr es dans ses contradictions et sa socialisation f te de No l ou rituel pa en du premier de PAn mariages et enterrements s rier d j ces exemples on a assez sugg r le contenu de l exercice On propose donc d isoler mentalement cet espace reproductible ritualis qu on a d fini par l exemple en prenant garde d loigner les participants d un rituel seu lement personnel faute de quoi on se retrouvera avec la seule description d habitudes comme la fabrication du 240 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 241 Quatri me cercle l image la parole le temps caf ou l
278. main Les lettres dont son m tier d enseignante est de transmettre l orga nisation la composition voil qu elles se promenaient dans la rue pour contribuer au mart lement mercantile sans phrase ni sens Le r el avait disparu restait ce d fil 147 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 148 Tous les mots sont adultes de lettres opaques sans m me la ville ni les gens vision fantastique On a voqu des exercices de th tre faire pratiquer un groupe d l ves juste partir de ces quinze lignes chacun partant d un c t de la sc ne et au milieu se retournant vers le public pour dire chaque fois un seul mot parmi ceux du texte Ou bien seul en sc ne avec un paquet de ces pochons plastique les sor tir un par un en pronon ant chaque fois un des noms ce qui s tait impos du r el celle qui l enregistrait lui faisait violence au point qu elle n avait pas eu conscience de ce qu elle nous offrait Variante importante le m me exercice peut s appli quer directement au coll ge ou au lyc e qui deviendront comme un envers du monde On autorise avec la com plicit de l administration l entr e dans des lieux sinon interdits bureau du proviseur et salle des profs inclus comme les toilettes la cuisine et les vues sur l ext rieur voire les nuages incluant aussi l coute aux portes et la travers e des couloirs ou de la cour l interclasse en no
279. mant le monde en de multiples consciences c est l pique neuf au sens ouvert in puisable Patrick Chamoiseau crire en pays domin Gallimard 1997 ditions Gallimard 1997 La distance que prend Patrick Chamoiseau avec tout jugement ou tout tat seulement descriptif des auteurs qu il nomme cette g niale intuition du coup de gong par le De qui suffit prendre distance la fa on dont m me le nom propre de l crivain cit est sollicit pour la couleur et le rythme de la phrase la diversit aussi des lectures convoqu es font que cet exercice n induit jamais en atelier d criture d expression banale quand bien m me chacun parlera forc ment un moment ou l autre du m me auteur Conseils pour l invention du livre Dans ses Carnets Deno l 1954 Henry James rend compte d exp riences du quotidien soir e conversa tion visite et de l intuition qu il en a tir e instantan ment pour une nouvelle un r cit une histoire fantastique Il trace alors parfois plusieurs reprises sur 317 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 318 Tous les mots sont adultes quelques mois ou plusieurs semaines des bribes de sc narios lentement toff es ou bien recompos es par des variantes avant de se lancer dans la r daction elle m me Ces sc narios le plus souvent la nouvelle r di g e quelques mois ou quelques ann es plus tard ne les respectera pas lai
280. me tre comme sans attente sans n cessit de r ponse tonnants r sultats peut tre aussi parce qu on donne aux participants un texte qui d crit la rencontre d un crivain alors qu eux m mes sont en questionnement sur leur criture tonnants r sultats qui tiennent aussi peut tre ce que le texte de Morand se sert de l isolement r el de la chambre de Marcel Proust pour isoler la rencontre elle m me de tout v nement perturbation ou intrusion ext rieure hors C leste Albaret qui fait le lien avec le dehors Je propose aux participants que le texte com mence effectivement avec le face face dans un int rieur clos Qu on commence par l approche ou les transitions plut t que directement par la mise en pr sence et les tapes se multiplieront tenant le texte en chec Mani re enfin d introduire et provoquer une n ces saire fascination pour l unique Marcel Proust et sa cath drale ici entraper ue Le texte que je propose Ode Marcel Proust de Paul Morand 1915 repris dans Anthologie de la po sie du XX si cle Gallimard Po sie 1983 est un objet bien singulier D abord parce qu il pr sente comme un texte 185 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 186 Tous les mots sont adultes complet alors qu il est du m me format que les textes produits en atelier d criture Comment crire sur une rencontre une visite Juste cette tension et ce qu ell
281. me les sur faces que je propose par ce montage un palimpseste au sens propre du mot Je demande seulement que soient 49 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 50 Tous les mots sont adultes pr sentes au terme de l exploration ces lectures d en fance et qu elles incluent la lumi re le temps le corps Et on retrouvera ci dessous d autres pistes partir de l in puisable W Inventions apr s Perec chambres fen tres Perec est omnipr sent dans les tentatives contempo raines Vingt ans apr s sa disparition il ne s agit pas d influence mais de territoires qu il a ouverts et pour lesquels il a construit la premi re grille de vocabulaire Dans ce qui est commun aux critures d aujourd hui ces territoires sont lentement venus se placer au premier plan quelle que soit la diversit des uvres et des che mins d criture et quand bien m me l auteur n accep terait pas l id e d une filiation Perec Ainsi r cemment d Olivier Rolin cette Suite l h tel Crystal Le Seuil 2004 o le narrateur d crit dans chaque s quence une chambre d h tel correspondant pour lui un fragment d autobiographie ou une des variantes de ces lieux o on a dormi qui essaiment d Es p ces d espaces L Infra ordinaire ou W Les chambres d h tel se ressemblent certes Mais si on s occupe avec pr cision de la lampe du mauvais tableau accroch au mur de la couleur de la
282. meilleurs souvenirs que j ai de s ances sur ce th me tiennent moins la singularit des textes qu ce dialogue qui na t lors de la s ance d criture le jeu de questions et r ponses qu on inaugure avec chacun sur la logique de sa construction narrative et qui va le relancer 89 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 90 Tous les mots sont adultes dans son texte permettant de passer d une id e tr s mince tout un d veloppement Quelques variations partir d Italo Calvino par une coll gienne de Bobigny La ville du canal de l Ourcq Les b timents sont en forme de poubelle il y a tellement de salet d s que quelqu un tombe et qu il boit la tasse il faut qu il se fasse d sintoxiquer Il n y a que des fous qui y vivent Les habits puent Tout est sale l bas La ville des claustrophobes Chaque personne a une maison grande comme notre coll ge Il n y a pas d ascenseur La plus petite pi ce fait la taille d une maison d aujourd hui Dans les rues il n y a aucune voi ture que des v los Les magasins sont en plein air Tout le monde a peur de se retrouver enferm dans une pi ce sombre et troite La ville l envers Les immeubles sont l envers Tous les b timents sont l envers si bien qu il faut que tous les habitants portent des ven touses leurs pieds pour marcher sur le plafond La ville des intellos Les immeubles sont en forme de calculatric
283. mes concernant l acteur les mots la langue et l espace L plus d apostrophe mais une convocation m me comme du th tre d crit et des imp ratifs L acteur entre pour capturer le pr sent devant moi IV Alertez l espace Et coutez se taire les cailloux V La sc ne est au pr sent apparition XI Les acteurs sur le th tre gardiens de la langue et du myst re de parler Hallucinatoire clart de leur pr sence lls entendent que parler est un drame ils donnent la parole aux mots qui en savent plus que nous XXI L acteur ne nomme pas ne d signe pas mais cherche capturer L acteur est personne et ne d signe rien Il appelle ce qu il ne nomme pas XXIII L acteur retire tout le th tre de lui en entrant XXVI Le th tre ne repr sente aucun morceau du monde Le th tre contient le monde en paroles Il va jusqu o peut aller la voix XXVII L acteur va sur sc ne pour se d faire du cadavre de lui D o l impression de voir toujours avancer un homme portant son corps devant soi XVIII Le th tre ouvre le tombeau du monde LXII N importe quel mot contient toutes les langues LXXXI Tr s pr cis ment chaque mot d signe l inconnu CXXI coute le monde entier appel l int rieur de nous CXXXII Au th tre on pourrait presque voir la naissance du monde CLXXIII I y a un th tre en personne dans la chair DXCIX L acteur est une le DCIX Offrir le th tre aux acteurs si tu pouvais
284. mettre entre toutes les mains et particuli rement les plus jeunes L atteinte au langage quoi proc de Val re Novarina en ouverture de Vous qui habitez le temps port e sur la grammaire elle m me dispose d un unique effet lib ra toire Une fois perdue la norme par rapport la langue celle ci va pouvoir se fixer bien plus librement sur ce qu elle nomme C est parce qu on porte atteinte au sens que celui ci se refait depuis l cho ou les harmoniques de la langue sa fondation ou son appel en nous ses d p ts On sera capable d crire en renvoyant au monde justement parce que l appui qu on fera de son criture ne sera pas sur le r el dont on se saisit mais sur cette fondation en soi de la langue Si Val re Novarina parle du rituel des actualit s t l vis es on d couvre qu quinze ans de la publication du livre on n est certes pas dans l ph m re c est cela aussi le tour de force litt raire Et c est d j une piste d exercice condition de faire passer ce principe d appui dit plus haut Midi tapant toujours douze fois pour toutes l heure pile la trei zi me p tante la t l vision d action nous v lor p tait son sermon Dijon les forces du Sud Lumi re sont apais es M con l tat d ur gence a t mis en gr ve chez les jaunes Saigon un turic p daire du N R PC A surabonicier Vourguelon mal dans sa base de Bourbelong s est d l gu
285. mier et mise en sc ne d cor parfois peint sur sc ne pendant la repr sentation tourn es et puis Val re Novarina revient son atelier Il est temps de proclamer qu il s agit d une uvre d un seul tenant coh rente et principale qui tient de la litt rature et pas seulement du th tre dans lequel on le range trop vite Qu il ne s agit pas d improvisation de d lire verbal mais ceux qui ont entendu Novarina lire lui m me ses textes savent sous chaque cadence sous chaque d formation r sonne soudain un souffle venu de loin Bossuet La Fontaine Rabelais r sonnent nos appren tissages d enfance les le ons d cole primaire les comptines et chansons et travaille partout la surface m me du texte emprise du monde contemporain ses cin tiques ses villes ses routes Et c est pour ce fonctionnement l chez lui principal que nous le convoquons en atelier Non pas pour pro voquer l expansion folle de la langue ou ce qui pour rait y ressembler mais pour restaurer la langue dans cette surface m me du monde et quitte ce qu elle s y d forme qu elle nous le rende pr sent en r sistant par toutes ses harmoniques toute sa m moire Le croirez vous On y arrive 142 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 143 Hommage Val re Novarina Vous qui habitez le temps approches de la totalit monde Ce livre publi en 1989 est essentiel Tout terrain
286. moquette ou du carrelage de la poign e de fen tre et puis de ce qu on voit par la vitre chacune va retrouver une vraie singularit Et suffisam ment trange alors pour que l auteur laisse entrer une figure class e du roman traditionnel d aventure d es pionnage de voyage d amour policier science fiction qu appellent cette chambre et cette vue et le narrateur qui y attend Ce n est pas un exercice technique l auteur 50 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 51 Ouverture hommage Georges Perec joue d autres cartes plus tranges je le cite parce que lui m me dit dans son livre sa dette Perec pour ce ter ritoire offert Et on peut facilement transposer en s ance d criture comme aussi d Olivier Rolin son Invention du monde dans W Perec explorait comme piste auto biographique ce qui s tait pass dans le monde au jour de sa naissance Dans cette Invention du monde Rolin se fait transmettre et traduire l actualit ordinaire d une journ e tout autour du monde Ce dont on h rite c est du go t de convoquer une technique une contrainte pour tracer le r el nous livrer une part de son inconnu Ainsi r cemment aussi ces Fen tres sur le monde pro pos es par le po te Raymond Bozier Extrait de la table des mati res M ditation devant une fen tre Fen tre orient e sud ouest tage d une maison individuelle zone portuaire de La Pallice ju
287. n atelier illettrisme la Boutique d criture de Montpellier Un jour en rentrant de l cole mon fils m a ramen un galet d une sor tie la plage Maman regarde ce que je t ai amen une pierre Et moi je dis mon fils Ce n est pas une pierre c est un galet Je l ai pos sur le buffet de la salle de s jour il est gris et blanc Depuis que mon fils me l a donn j y tiens beaucoup Ma s ur me dit Jette cette pierre Et je lui dis Non car c est mon fils qui me l a ramen e et a restera l en souvenir de mon fils Si ma s ur me l avait jet e j au rais beaucoup de peine car mon fils me dit des fois Maman tu te rap pelles quand j tais l cole que j avais six ans Il me dit des fois a fait deux ans ou trois ans Et chaque ann e il me le dit La Boutique d criture Montpellier La Paillade 1994 Variation 1 Jean Loup Trassard Absolument myst rieux Seconde approche dans L Espace ant rieur Galli mard 1993 Jean Loup Trassard compose un livre entier sur une suite de brefs textes tous li s un objet d enfance C est leur recherche qu il part projet qu nonce la quatri me de couverture du livre Qui ne conna t ces closions en surface de la m moire d images mon t es du fond lumineuses tonnamment pr cises quoique assi g es de flou silencieuses Si vous capturez ces images entreprenez par exemple de les ret
288. n des voitures de l avenue de la porte d orl ans l heure de l ouverture du salon de coiffure de la rue des colonnes du tr ne Jacques Roubaud La forme d une ville change plus vite h las que le c ur des humains Gallimard 1999 Je cite ce texte comme exemple de travail imm diate ment transposable en atelier Mais qu on lui adjoigne la fa on dont Jacques Roubaud organise ses promenades dans Paris et on peut doubler chaque item par une r flexion personnelle sur quoi quand et comment cette rue ou pourquoi Roubaud 2 la poterne des Peupliers Dans Autobiographie chapitre dix Roubaud utilise la page comme surface en s parant par des espaces blancs les diff rents syntagmes d une longue phrase continue pour atteindre une sorte de simultan it dans l image de la ville tenue distance o l criture va tre comme une plong e fictive la d couverte d un microcosme m lant les l ments r ellement observ s ceux qu on suppose ou imagine Utilis sans ponctuation cet apprentissage de la juxtaposition du poids mat riel de silence qui peut par 94 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 95 Premier cercle les trajets la ville le blanc entourer un segment de phrase la forme d cri ture pr sent e ci dessous est une tape forte pour un r apprentissage de la ponctuation Ce texte plus ancien de Jacques Roubaud pris Autobiographie chapitre dix offre un th
289. n ma on peut tre distrait m me s il pleut Raymond Queneau Courir les rues Gallimard 1967 Sur cet exemple tr s simple de la pluie et comment l crire on comprend vite qu on acc de la possibilit d criture po tique comme Queneau en la contraignant au point de d part d une singularit temporelle en cri vant plut t la co ncidence d un instant particulier et de comment le r el s y d forme M me th me et principe au d but des Champs d honneur de Jean Rouaud Minuit 1990 o le glissement de la prose s tablit sur la continuit reconstruite de deux instantan s essuyer ses verres de lunette et surgissement du soir sur la ville li s au m me objet pluie Les porteurs de lunettes essuient machinalement leurs verres vingt fois par jour s accoutument progresser derri re une constellation de gouttelettes qui diffractent le paysage le morcellent gigantesque ana morphose au milieu de laquelle on peine retrouver ses rep res on se d place de m moire Mais que le soir tombe qu il pleuve doucement sur la ville que les n ons des enseignes clignotent dessinent dans la nuit marine leur calligraphie lumineuse ces petites toiles dansantes qui scintillent devant les yeux ces tincelles bleues rouges vertes jaunes qui claboussent nos verres c est une f erie versaillaise En com paraison lunettes t es comme l original est plat Jean Rouaud Les Champs d honneur Minui
290. n plus rien plus vouloir plus te vouloir plus rien vouloir oublier cracher vomir notre amour n en rien garder et aux chiens et aux chiens et aux chiens o l amour vider son sac vider son corps et ses poches et bisser et renoncer renoncer et toi et moi et nous s loigner nous nous loignons et marcher et aller et plus que a n tre plus que a va va va 138 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 139 Deuxi me cercle l identit reconstruire ne te retourne pas et que sous ses pieds si durs comme du feu des traces de feu ou des sources d sert d sert m endormirai au d sert o c est sec o c est sec vide chaud et lourd et fou oui cingl oui timbr oui d rat allum fatigu oui oui perdre perdre la raison au d sert dans le vide Centre dramatique r gional de Tours stage avec des acteurs professionnels 1995 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 140 P0O01 000 bon Atelier 1 qxd 336 UE 17 41 Page 141 HOMMAGE VAL RE NOVARINA Une des uvres les plus chant es les plus narratives les plus fortement po tiques et subversives de notre temps est encore souvent consid r e avec effroi comme une sorte de monstre r p titif et vaguement d lirant un bloc massif et lourd qui vous repousse L poque pr f re le p le Val re Novarina s impose pour chaque livre un mode d criture diff rent comme La Chair de l homme
291. n se jette avec confiance et qu on dispose chacun par les textes d j accumul s de pistes d exploration d envies d ve lopper Ce qu on demande c est par la r p tition des vers de garder face soi le risque et la tension de l criture 135 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 136 Deuxi me cercle l identit reconstruire sans cesser de la faire avancer On continue d crire mais on la garde s il le faut plusieurs vers d affil e sur le m me objet ou le m me mot qui r siste Ainsi c est l obligation de chercher par le rythme lui m me une source chaque fois neuve l criture On aura juste cette directive formelle pr cise le retour la ligne pour seule structure et seule ponctua tion Porter toute son attention sur le surgissement m me de l criture son surgissement instantan et gar der vivant ce surgissement quitte ce que plusieurs vers successifs reprennent la m me id e si elle nous para t vivante ou appuy e sur un mot fort Le retour la ligne d finissant donc l unit rythmique minimum id e qui vaut d ailleurs aussi bien pour le d roulement de la phrase en prose que pour le vers libre Il y a donc c est le th me qu on propose la tr s simple travers e d une ville par les rues et les parcs au long des cit s des maisons Et celui qui marche on peut s imagi ner qu il parle seul ou m me qu il apostrophe choses
292. nce crire la mer avec la Biblioth que nationale de France sur les divers anagrammes recel s par le nom et le pr nom de l l ve chaque anagramme devenant une ville diff rente L atelier Roubaud chacun sa boucle Depuis Le Grand Incendie de Londres Jacques Rou baud construit une suite de livres qui chacun r inscrivent son uvre po tique dans leur processus autobiogra phique Roubaud se contraint laisser visible dans les livres de ce qu il nomme la boucle le processus d cri ture lui m me les incises et les bifurcations sont num rot es les ajouts ou retraits sont mis en gras ou barr s En cela aussi Math matique comme Po sie et les autres livres de son grand projet multiplient les pistes de tra vail Donc une inscription directe du mouvement et de la gen se de l criture autobiographique et de ce qui conduisait Roubaud ce moment pr cis tel po me et telle forme criture qui se fait l arch ologie d un chemin de po mes men depuis parfois trois d cennies en amont Qu on ne se trompe pas au refus apparent et un peu provocateur du travail de la prose dans la boucle l exp rience de la langue pour Roubaud est dans sa po sie et maintenir de fait sa prose dans cette descrip tion de l amont c est garantir que ce saut d intensit qui constitue l criture comme exp rience sera visible et ne se confondra pas avec l entreprise du r cit 91
293. nch dessus j y ai entr la t te et j ai senti le plomb plier sous mes mains J ai moi son grand ch le bariol une m che de cheveux la table et le pupitre sur lequel elle crivait Voil tout Voil tout ce qui reste de ceux qu on a connus Hamard a voulu venir avec nous Arriv s l haut dans ce cimeti re der ri re les murs duquel j allais en promenade avec le coll ge et o Hamard m a vu pour la premi re fois sur les bords de la fosse il s est agenouill et lui a envoy des baisers en pleurant La fosse tait trop troite le cercueil n a pas pu y entrer On l a secou tir tourn de toutes les fa ons on a pris un louchet des leviers et enfin un fossoyeur a march dessus c tait la place de la t te pour le faire entrer J tais debout c t mon chapeau la main je l ai jet par terre en criant Gustave Flaubert Correspondance uvres compl tes Club de l honn te homme 1974 Claude Simon poursuivant son analyse dans son dis cours de r ception du prix Nobel ram ne justement Flaubert crivant exactement dix ans plus tard la fin de Madame Bovary 242 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 243 Quatri me cercle l image la parole le temps Plus ou moins consciemment par suite des imperfections de sa per ception puis de sa m moire l crivain s lectionne subjectivement choi sit limine mais aussi valorise entre cent ou mille quel
294. ncore de livre o nous reconna tre Voici comment Christian Boltanski pr sentait au mus e d Art moderne de Paris en 1998 sa plus r cente exposition comme si chaque intitul tout pr s de l exer cice propos devenait lui aussi fabrique de r ves Le spectateur p n tre d abord dans la grande salle du rez de chauss e bas du mus e plong e dans l obscurit et o sera pr sent Menschlich 1994 pi ce monumentale constitu e d environ 1500 photographies d tres humains anonymes photos souvenirs ou m moires de d funts qui ont form la mati re de plusieurs uvres de l artiste Il continue dans la m me atmosph re de p nombre dans une autre salle o les Registres du Grand Hornu 1997 une installation de bo tes m talliques voquent le souvenir d enfants qui ont travaill dans les mines en Bel 230 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 231 Quatri me cercle l image la parole le temps gique entre 1910 et 1940 Plus loin les Lits un ensemble d uvres in dites 1998 les Images Noires s rie de cadres sans image 1996 et les Portants photographies noir et blanc recouvertes de tissu 1996 constituent une sorte de passage entre la vie l an antissement et le repos de la mort Puis il acc de au sous sol du mus e o seront expo s s La R serve du Mus e des enfants 1989 entassement de v tements d enfants appartenant aux collections du mus e et Perdu 1998 envi
295. nd si on pouvait aller en Russie par voie de terre il prenait sans doute la Rus sie pour une le avoir disput g n reusement contre le directeur d une revue qui chaque objection r pondait C est ici le parti des honn tes gens ce qui implique que tous les autres journaux sont r di g s par des coquins avoir salu une vingtaine de personnes dont quinze me sont inconnues avoir distribu des poign es de main dans la m me proportion et cela sans avoir pris la pr caution d acheter des gants tre mont pour tuer le temps m tre vant pourquoi de plusieurs vilaines actions que je n ai jamais commises et avoir l che ment ni quelques autres m faits que j ai accomplis avec joie Charles Baudelaire Petits po mes en prose Michel L vy 1869 85 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 86 Tous les mots sont adultes La ville comme conte et utopie Italo Calvino Le livre in puisable d Italo Calvino Les Villes invi sibles peut tre utilis de multiples fa ons en atelier d criture rep rage de structures dans la ville o on est d calage dans la narration fantastique de voyages dans des villes r elles et encore plus simplement travail sur des structures invent es de villes d apr s les principales symboliques utilis es par Calvino villes verticales villes transparentes villes des morts etc Calvino reprend la narration du Livre des Merveilles de Marco Po
296. ndera aux partici pants de lire d un seul mouvement l exercice de base et 289 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 290 Tous les mots sont adultes ce qu on y a ajout dans le suivant on sera bien en peine de reconna tre la premi re veine de la seconde On a dis soci artificiellement que l criture est un usage sym phonique de registres qui ne concordent pas On met les participants devant le fait accompli que la pleine r so nance ou le plain chant d un texte naissent de cette dis continuit m me de l cart des registres qu on y emploie Et que prenant conscience de ce fait c est d s la prise d criture d s le premier jet m me qu on a faire effort sur soi m me pour emmener cette disconti nuit La Mort du jeune aviateur anglais nigme intuition r cit crire Gallimard 1993 est un des derniers livres publi s de Marguerite Duras Le long texte qui donne son titre au livre est important dans cette phase o on voudrait que les participants se pr parent continuer seuls leur d marche dans l criture hors du dispositif collectif qui arrive son terme Marguerite Duras y parle de sa maison des heures pour crire des peurs de la nuit de s il faut mettre sa table devant une fen tre contre un mur l tage ou en plein centre de la pi ce principale L alcool les pages d chir es Ou bien du moment o on sait qu un livre est fini et qu on doit s
297. ne de ces asp rit s qui font m moire par l image et res sentie comme un objet singulier C est l occasion de pr senter le Journal de Franz Kafka Grasset 1954 qui est un des tr s rares docu ments avec la Correspondance de Flaubert les articles bauches et essais du Contre Sainte Beuve de Marcel Proust et les lettres de Rilke en particulier ses Lettres un jeune po te faire entrer dans l atelier m me d un crivain au jour le jour dans l exaltation et les lenteurs des phases du travail d crire et nous permettre d ac 98 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 99 Hommage Franz Kafka compagner pour chacun la part volontaire de construc tion d analyse et d effort comme les moments de grands arrachements plus sauvages o na t la litt ra ture Dans cet in puisable document qu est ce Fournal je rel ve pour les participants quelques unes de ces plus significatives passerelles o Kafka en notant au plus pr s telle sc ne du quotidien nous fait traverser une image belle et tendue comme ses fictions m mes Ce soir apr s avoir pass la journ e tudier depuis six heures du matin je remarquai que depuis quelques ins tants ma main gauche embrassait les doigts de ma main droite par piti Franz Kafka 16 novembre 1911 L o l image qui nous est confi e du quotidien sort de l ordinaire et se fixe telle quelle bribe de voix lumi re d un cie
298. ne constitution mat rielle du texte par ce que voit une cam ra Non pas simplement chez Duras une description mot tymologiquement li l crit le script mais l installation autonome des images leur statut mental tel que d sormais nous savons le m moriser les convoquer les utiliser cin tiquement Son installation des choses vues des ciels des perspectives mais cela en mouvement par un registre essentiellement po tique de la prose J oublie il y a le cimeti re nouveau aussi un kilom tre de Vauville C est un cimeti re de prisunic Il y a des gerbes de fleurs grandes comme des arbres Tout est repeint en blanc Et il n y a personne ici personne l dedans on dirait qu il n y a rien Que ce n est pas un cime ti re Que c est on ne sait pas quoi peut tre un terrain de golf Marguerite Duras crire Gallimard 1993 Ou notation purement plastique 292 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 293 Cinqui me cercle vers le livre Les arbres morts les pr s le b tail tout ici regarde vers le soleil du soir Vauville Le lieu lui reste tr s d sert Vide oui Presque vide Marguerite Duras crire Gallimard 1993 Et comme on l avait vu dans L Amour notations qui tiennent de la bande son J entends de nouveau les chants des petits enfants de l cole commu nale Les chants des enfants de Vauville a devrait pouvoir se suppor ter C est encore
299. ne id e reprise Micha l Gl ck liste chronologique des occasions qu on a eues de gagner de l argent Par exemple mettre des pros pectus dans les bo tes aux lettres travail pay d avance 300 FE fini au bout d une heure Aider mon p re routier pendant une semaine de travail r veil 2h du mat retour 14h gagn une bouteille de parfum et 25 queues de lan gouste congel es Dans les textes collect s m me les rituels de mort dans la grande ville mergeaient dans un passage o l un d eux crivait comment au premier novembre ces adolescents se mettaient la porte des cimeti res pour aider les familles porter les chrysan th mes de leur voiture aux tombes que la taille des grandes villes rend loign es aux vendanges c tait bien pay mais la fin de la journ e on tait crev et on avait mal au dos 300 F journ e avec mon p re dans un chantier et mon p re ne me payait presque pas rien journ e au march je me levais tr s t t le week end et c est tr s rare et fati gant 100 F journ e vendre au march aux puces avec des copains c tait d lirant de 0 500 F journ e peindre et tapisser ma maison rien journ e porter les pots de fleurs pendant la f te des morts j tais petit et il y avait des plus grands que moi qui me prenaient les clients de 0 200 F journ e distribution de prospectus on les prenait et on les jetait la rivi re pour aller plus vite 50
300. ne pas nous en tenir aux grands mots m me s ils sont injustice ou racisme mais de nous en expliquer par une sc ne ou une figure concr te Un livre de mille ans nous enseigne alors des r voltes pour aujourd hui Choses d solantes Un chien qui aboie pendant le jour Une nasse poissons au printemps Un v tement de couleur de prunier rouge au troisi me ou au quatri me mois Une chambre d accouchement o le b b est mort Un brasier sans feu Un conducteur qui d teste son b uf Un savant docteur qui naissent continuellement des filles Choses d testables Un visiteur qui parle longtemps alors qu on est press En frottant le b ton d encre de Chine sur la pierre de l cri toire on rencontre un cheveu qui s y est introduit On encore un petit caillou tait cach dans ce b ton d encre et il grince gishi gishi Sou dainement quelqu un tombe malade on va chercher l exorciste Mais il n est pas o d ordinaire on le trouve on le cherche partout on attend impatiemment et un long temps s coule Enfin il arrive on l invite avec joie faire ses pri res H las peut tre s est il fatigu dompter les d mons ces jours derniers peine a t il pris place que d j sa voix endormie n est plus qu un murmure C est tr s d testable Se Shonagon Les Notes de chevet traduit du japonais par Andr Beaujard Gallimard Connaissance de l Orient 1966 116 P001 00
301. nit f ri e un ensemble de plumes et de couteaux caresse et menace mon c ur pr tentieux comme un livre d histoires confortables Qu est ce que je peux y reconna tre de familier en feignant d y lire des souvenirs plus ou moins invent s James Sacr Ecritures courtes Le D Bleu 1992 Blocs paragraphes qui peuvent se d caler vers une libert po tique plus souple La difficult le plaisir les visages qui donnent un sens au verbe aimer la mis re on entend le malheur au loin la guerre pour rien comprendre la nuit qui s effondre le corps fragile et qui s en va des gens qu on aime l agr ment d crire l inqui tude aussi la couleur d un mot qu est ce que a peut faire et son bruit Me voil dedans pour toujours le temps d un po me en tout cas comme on dit vivre comme on dit mort James Sacr Ecritures courtes Le D Bleu 1992 C est vraiment un beau partage en fin de s ance de rendre t moin tout le groupe de comment pour chacun l quilibre principal s tablit sur tel ou tel rythme gra phique telle ou telle cadence du rapport de l criture au blanc On ne peut pas r ussir ce que les trois tentatives sur le m me univers source r ussissent avec la m me intensit mais la fa on dont l ensemble produit une nigme parce que justement chaque texte d signe pour le lecteur au del de sa grille formelle la source dont il est issu est bien fascinante et une belle introduct
302. ns la cour il parle La porte claque la chaleur nous envahit Une vitre des gens qui travaillent Une odeur dans les couloirs peut tre de la peinture Trois portes du bruit Un prof tape sur la table La sonnerie retentit Vu par les fen tres route voiture maison Des jeunes hommes perch s nous regardent travailler en rigolant Au bout du couloir BEP il y a une masse de gens c t g n ral L alarme s est d clench e la surveillante ouvre toutes les portes BDT des gars en gal re Ancienne camarade revenue au lyc e Surveillant en train de se marrer Des meufs en train de se taper une garo Certains se prennent pour des gladiateurs Un surveillant r v le sa vraie personnalit il se met chanter Des gens envahissent le lyc e Bruit tr s chelou apparu de nulle part Un cland dans le lyc e Du bruit de gens qui parlent Encore des bruits mais surtout des cris Un journal j entends les feuilles d un journal Des cl s Paris th tre de la Colline avec une classe de seconde g n rale du lyc e Alfred Nobel de Clichy sous Bois 1999 Vous qui habitez le temps 2 lPautobiographie aux noms propres Dans chaque livre de Val re Novarina sont convoqu s de fa on r currente des principes de discours dont cha cun devient ainsi rep rable et peut provoquer exer cice Ainsi le journal dans le Discours aux animaux cette travers e d un cimeti re en notant les pitaphes des tombes sur ce m me p
303. ns merveilleux du r el De Rilke Se tenir au difficile Chaque maille de l crire comme une vaste exp rience De Garcia M rquez Contre les murailles du Vrai le dire horizontal et les rideaux du Temps enchante en lucioles en odeurs en improbables naturels en cercles de d mesures ourle la phrase et foisonne foisonne dans les possibles de l esprit et prends garde aux m caniques de la Merveille De Cendrars L appel du monde en sensations houles et cassures s ches rimes et d raillages l immesure caress e au del des Peaux Rouges au del de la soif au del des d serts au del des montagnes De Segalen L exigence intensit go t e de Diff rence et de Divers 316 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 317 Cinqui me cercle vers le livre De Beckett Attendre non pas la satisfaction du pr visible mais la d route simultan e de l impr vu demeurer d sirant dans les errances immobiles o le pr sent s acclame solaire se fondre alors une autre lucidit De Yourcenar Du paragraphe cueille les mots et cueille encore jus qu ce que la lumi re l ve sobre du dedans De Joyce crire fond langue en tombeau ouvert sur tes ombres pro fondes en avenir en tout risquant fond dans la trembl e des certi tudes et des os de ton cr ne non l expos e de soi mais tout le soi en mati re dans l crire le personnage tiss langage et le langage tra
304. nt des outils dont on a t priv mais qu on conna t si bien par le cartable des enfants Et si vous faites une classe d cole primaire ou de col l ge prenez le temps d exp rimenter la diff rence que c est d crire avec l objet devant soi ou seulement sa convocation mentale objets qui sont vraiment dans la trousse sur la table y compris les inscriptions qu elle comporte ou les noms de chanteurs qu on a griffonn s sur ses classeurs et les m mes objets mais distance de temps Et puis ce qu on avait dans le cartable ou le car table lui m me et la blouse en maternelle s il s agit d l ves de primaire ou bien l arriv e au coll ge quand on est en quatri me ou en troisi me et ainsi de suite R gine Detambel est de son m tier crivain n est pas un m tier masseur kin sith rapeute et rien d indiscret le dire Elle s est lanc e elle m me depuis lors dans la pratique des ateliers d criture mais ce n tait pas le cas lorsqu elle a publi ces Graveurs d enfance Mais l atten tion au corps dans l criture est un des points singuliers de sa d marche et ouvre bien d autres exercices Or on crit de tout son corps et nous sommes en train de parler de litt rature de faire crire des adultes ou des enfants de les faire lire et de cette motion esth tique il faut bien tenir compte Et de son mo tion litt raire de ses capacit s ressentir l mot
305. nte de l cole et de l universit Et bien s r par la d couverte progressive de nouvelles pistes d ateliers la litt rature est une discipline artistique l atelier n est pas seulement une pratique de relais ou de transmission il nourrit ce point fragile d change et de recherche entre l art et le monde P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 9 Introduction Ainsi je pratique plus souvent des cycles o proc der par r criture suite d exercices continus sur un seul texte Ou l appui sur des auteurs que je ne savais pas auparavant utiliser tonnante Marguerite Duras mais aussi Jacques Roubaud Antoine Emaz ou Edmond Jab s partir d auteurs comme Georges Perec Val re Novarina ou Claude Simon on peut d velopper des pistes d criture susceptibles d explorer des territoires qu ils bauchent mais nous ont laiss s ouverts Et d autres auteurs trouvent dans cette utilisation cr ative une importance neuve par exemple Nathalie Sarraute ou Francis Ponge facile de les utiliser pas forc ment vident de trouver quel appui et comment Au bout du compte la possibilit pour nous de nous rendre visible le monde une r alit qui ne se produit pas forc ment d elle m me comme repr sentation J ai pu v rifier ces quatre ans la stabilit de ce que j avais propos dans la premi re dition de ce livre qui r sultait d j de dix ans de pratique Je n ai donc pas souhait en produ
306. ntre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1996 Ou bien Je me souviens que je suis all l cole j tais timide parce que je venais d une autre ville et je connais pas les l ves Un jour il neigeait c tait le soir et puis quand le matin on s est r veill s il y avait presque un m tre de neige et puis j tais pied pour aller l cole 42 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 43 Ouverture hommage Georges Perec et je suis all l cole il y avait un gros trou puis jai gliss je suis rentr dedans apr s j ai cri aide pour m aider puis ma m re elle est venue C tait dans mon village Ontakiska l bas il neige tout l hiver beaucoup derri re chez nous il y avait un gros trou et m me devant Centre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1996 Ou encore Quand j tais petite je marchais sur la route et tout d un coup je suis tomb e et un bout de verre m est rentr dans le genou Centre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1996 Enfin le m me jour que les trois pr c dents J tais la maternelle Paul Langevin Jou les Tours J avais peu pr s 4 ans je venais du Maroc j avais un an de retard Il caillait c tait en hiver il faisait tr s froid j tais avec ma petite s ur je subissais le froid On ressentait le plus le froid dans les mains et les oreilles J tais bien v tu mais j avais pas de gants C tait
307. ntrer sur cette variation la provoquer de fa on ce qu elle fasse na tre le texte plut t qu en tre le r sultat l gance louche et pr cision aigu le Compas Chrom Brillant a lal lure masculine d un grand individu travesti Bien qu il semble inadapt la marche en raison de la hauteur de ses talons le Compas sait une danse facile un pas compass aussi r volu que la ronde mais qui semble le geste unique permis par ses hanches troites Danseur bip de donc moussant ses pointes sur le parquet cit et s autorisant de grands carts maladroits ou plut t patineur prisonnier de la piste aux longues jambes de faon il est image glissante de lac gel Au del de ces r veries pointilleuses il y a outil m me avec ses deux segments bien quilibr s d un c t le point d ancrage une aiguille effi l e de l autre le point encreur mine de graphite ou plume dessin qui font de la trousse une corbeille de dattes o trouver l aspic tout coup Sous l ongle du majeur le doigt le plus long est le plus expos la piq re est tr s douloureuse R gine Detambel Graveurs d enfance Christian Bourgois 1993 226 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 227 Quatri me cercle l image la parole le temps Livre in puisable et qui prendra une dimension encore plus symbolique si on l essaye avec des groupes en situation d illettrisme puisqu il s agit pr cis me
308. o bleu qui tache le vert du pay sage Une c te en for t je cours et n arrive jamais en haut Une falaise un immeuble un man ge un avion un pont une gare un trou je tombe Au dessus d une ville je vole Une cour sombre je poignarde la mort Universit Bordeaux facult des sciences novembre 1996 extraits Le dialogue la voix approche par l asym trie Le dialogue est la forme d apparence la plus banale identifi e dans le roman le plus ordinaire C tait d j comme a dans notre langue en 1532 Et lors Pantagruel leur dist Estes vous qui avez ce grand different entre vous deux Ouy dirent ilz monsieur Lequel de vous est demandeur C est moy dit le seigneur de Baisecul Fran ois Rabelais Pantagruel Claude Nourry 1532 Avec d j le savoir de l irruption du dialogue dans le r cit parl Donc commen a en la maniere que s ensuyt Monsieur il est vray que une bonne femme de ma maison portoit vendre des oeufz au march Couvrez vous Baisecul dist Pantagruel Grand mercy monsieur dist le seigneur de Baisecul Mais a propos passoit entre les tropicques vers le zenith diametralement oppos es Troglodytes par autant que les mons Rhiph es avoient eu celle ann e grande sterilit de happe lourdes Fran ois Rabelais Pantagruel Claude Nourry 1532 182 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 183 Troisi me cercle conqu rir l intensit Ou du recours au
309. o du temps tu tournats le coin de la rue revient comme un leitmotiv Tu tournais le coin de la rue lorsque je t ai vu il pleut cela ne met pas son avantage quand il pleut sur les cheveux et les fringues mais quand m me j ai os et maintenant qu on est l que je ne veux pas me regar der il faudrait que je me s che retourner l en bas pour me remettre en tat les cheveux tout au moins pour ne pas tre malade or je suis descendu tout l heure voir s il tait possible de se remettre en tat mais en bas sont les cons qui stationnent tout le temps de se s cher les cheveux ils ne bougent pas ils restent en attroupement ils guettent dans le dos et je suis remont juste le temps de pisser avec mes fringues mouill es je resterai comme cela jusqu tre dans une chambre d s qu on sera install quelque part je m enl verai tout c est pour cela que je cherche une chambre car chez moi impossible je ne peux pas y rentrer pas pour toute la nuit cependant c est pour cela que toi lorsque tu tournais l bas le coin de la rue que j ai vu j ai couru je pensais rien de plus facile trouver qu une chambre pour une nuit une partie de la nuit si on le veut vraiment si l on ose demander malgr les fringues et les cheveux mouill s malgr la pluie qui te les moyens si je me regarde dans une glace Bernard Marie Kolt s La Nuit juste avant les for ts Minuit 1988
310. oires de son fonds Certes le groupe entend le texte il le d m le il sourit int rieurement mais ce qu il entend bien plus profond ment c est la voix nouvelle qui a accept de se d pouiller la voix originelle qui affleure le ton inconnu la nouvelle caisse de r sonance l invention de luthier la nudit enfin trouv e et que tout l heure se lisant chacun exp ri mentera son tour R gine Detambel www detambel com Variation 3 chez Christian Boltanski Une nouvelle exception au domaine litt raire c est l univers plastique qu on va se confier pour cette troi si me approche des objets On a abord dans les deux propositions pr c dentes deux figures oppos es avec Ponge le pr sent sans bio graphie avec Trassard la biographie sans pr sent J ai mis longtemps avant de trouver comment les rappro cher ouvrir un espace interm diaire toujours partir de cette criture des choses en restant distance et du pr sent et de cette m moire enfouie En travaillant plu t t sur un pr sent d cal Non pas le pr sent ni l enfance mais en se fixant sur une date qui soit par exemple pour chacun aux deux 228 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 229 Quatri me cercle l image la parole le temps tiers de son ge Proposer un adolescent de dix sept ans de travailler sur son univers d objet de lui m me quatorze ans les chaussures ont chang
311. oliloques attribu s aux per sonnages l exception des r flexions sur la nuit et l in somnie de Horn ne sera repris dans la pi ce CAL SONGERIES D UN ING NIEUR INSOMNIAQUE Il y a trop de nuits une par vingt quatre heures quoi qu on fasse et trop longues bien trop longues avec tout ce qui y bouge et qui n a pas de nom qui y vit l aise comme nous le jour dans notre l ment natu rel eux c est la nuit cach s derri re les arbres le long des murs cach s couch s dans l herbe tout en haut des palmiers et les nuits sans lune cach s derri re le long en haut de dedans rien du tout la nuit suffit Or qui sait le nombre et la taille l intention et le but de ce qui dans la nuit bouge ou est immobile mais vit dans son l ment naturel Bernard Marie Kolt s Combat de n gre et de chiens Minuit 1989 Soyez exigeant avec les participants la proposition d criture doit respecter strictement ces trois tapes de constitution du personnage y compris de recopier sa formule magique en son for int rieur mais sans se sou cier de l utilisation fictionnelle ou th trale du person 276 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 277 Hommage Bernard Marie Kolt s nage L enjeu de la proposition c est qu appliquer un personnage r el qu on le connaisse peu ou beaucoup la grille tr s pr cise de Kolt s le texte va cr er un person nage qui n aura pour l
312. on des r ves de Freud est sans doute l outil principal de 173 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 174 Tous les mots sont adultes pr paration pour l animateur pour l organisation de sa d marche C est le c t technique du travail de Freud dont on pourra se saisir pour restituer comme une arbo rescence plut t que le versant interpr tation qui r tabli rait une hi rarchie entre l animateur et ceux qui vont crire alors qu il s agit seulement d apprendre tre ensemble spectateur de ses propres r ves Les textes qu on va induire ne sont pas mati re interpr ter mais fragments o se r v ler soi m me ses dominantes de po tique je cite toujours par exemple cette occasion les titres de Gaston Bachelard qui eux seuls sont comme un po me l Eau et les r ves essai sur l imagina tion de la mati re LAir et les songes essai sur l imagination du mouvement La Terre et les r veries de la volont essai sur l imagination des forces La Terre et les r veries du repos essai sur les images de l intimit Plut t faire r ver les par ticipants ce qu ils trouveront la lecture personnelle du grand livre de Sigmund Freud et quel plaisir on peut avoir faire ainsi miroiter pareille uvre qui encore ne la conna t pas parfois en d couvre m me l existence Parler aussi de comment on peut soi m me d placer sa ma trise du r ve comment en immobilis
313. on raconte Ma vie est une maison quelles en sont les pi ces Ma vie est un oc an ce qu il y a au fond au nord au sud la sur face voir L Atelier d criture Andr e Guiguet Anne Roche Nicole Voltz Bordas 1989 Dans ma t te chaque endroit ce qu il y a si on s y promenait dans les ges les lieux et les gens comme dans autant de pi ces 75 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 76 Tous les mots sont adultes L identit bafou e faite d instants clat s on va la ras sembler dans un bloc solide o la continuit invent e du texte va compenser la discontinuit des images s par es qu il contiendra o on peut faire porter l accent sur les maisons ou sur les rues ou pourquoi pas sur les visages de chaque poque de sa biographie Un m me person nage pouvant repara tre dans des contextes chang s La notion de carte a une histoire parler de ce ministre espagnol au XvIr si cle demandant tous les cur s de dresser la carte de leur village pour en tirer une carte du pays Admirables textes de ceux qui traversent les d serts connaissent les noms mais n ont aucune id e d une repr sentation graphique de leurs d place ments On peut collationner facilement diverses repr sentations cartographiques cartes aborig nes avec leurs structures concentriques cartes du cerveau du XVII si cle itin raire d un ambassadeur en Chine au XVII si cle pour introduire ce seul
314. onel Love et Souly le sable des enfants qui jouent une table de ping pong des lumi res Ali qui joue la p tanque Bagnolet centre de quartier Pablo Neruda et Centre de promotion du livre de jeunesse en Seine Saint Denis 1997 Je propose pour cet exercice de prendre une s rie de lieux ordinaires personnellement importants et de mettre en vis vis sur deux colonnes de la feuille s pa r e verticalement ce qu ils sont le jour et ce qu ils sont la nuit La nuit fait surgir les lignes vide le temps on reconna t les lieux familiers on en porte l image men 83 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 84 Tous les mots sont adultes tale m me si notre pratique nous y conduit d abord le jour entr e de supermarch parking d immeuble ou arr t de bus ce qu on aper oit de la fen tre de cuisine quand on vient la nuit boire un verre d eau tre pr t aussi recevoir que l exercice va faire venir au jour litt ralement toute la potentielle violence de la nuit incen die de l immeuble d en face avec des morts explosion la station service qu on aper oit de sa chambre souve nirs d un b b mort dans l appartement du dessus Moi j ai habit dans une maison hant e C tait pas vraiment une cit des b timents Bagnolet c t du col l ge Travail quand on avance un peu Parce qu il y avait une fille qui tait un b b qui s
315. onne heure le chariot vide avec un grand cheval maigre 100 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 101 Hommage Franz Kafka devant Tous deux faisant un ultime effort pour gravir une c te extra ordinairement tir s en longueur Le spectateur les voit pos s de tra vers Le cheval les pattes de devant l g rement lev es le cou tendu lat ralement et en hauteur Au dessus de lui le fouet du cocher 20 ao t 1912 La mani re dont je d boutonne mon gilet pour montrer mon ruption M B Comment je lui fais signe de venir dans une chambre voisine 3 mai 1913 Le caniche de la concierge assis en bas sur une marche il coute le bruit de mes pieds qui commencent au quatri me tage me regarde quand j arrive pr s de lui et me suit des yeux quand je continue mon chemin Agr able sentiment de confiance qui vient de ce qu il n a pas peur de moi et m inclut dans la maison famili re et dans ses bruits 4 d cembre 1913 Franz Kafka Journal traduit de l allemand par Marthe Robert Grasset 1954 ditions Bernard Grasset 1954 Tr s tonnantes souvent la qualit et la complexit des micro narrations issues de cet exercice peut tre pour une notion de centre le fait que l histoire en trois ou cinq lignes soit articul e sur une toute petite asp rit du r el ordinaire suffisamment fort pour que le texte s organise autour d elle plut t que mouvement du texte vers le r el Un exemp
316. ons de campagne Villas de location Chambres d h tel a h tels miteux garnis meubl s b palaces Conditions inhabituelles nuits en train en avion en voiture nuits sur un bateau nuits de garde nuits au poste de police nuits sous la tente nuits d h pital nuits blanches etc Dans un petit nombre de ces chambres j ai pass plusieurs mois plu sieurs ann es dans la plupart je n ai pass que quelques jours ou quelques heures il est peut tre t m raire de ma part de pr tendre que je saurai me souvenir de chacune quel tait le motif du papier peint de cette chambre de l H tel du Lion d Or Saint Ch ly d Ap cher le nom beaucoup plus surprenant quand il est nonc que quand il est crit de ce chef lieu de canton de la Loz re Mais c est videmment des souvenirs resurgis de ces chambres ph m res que j attends les plus grandes r v lations Georges Perec Esp ces d espaces Galil e 1974 24 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 25 Ouverture hommage Georges Perec Esp ces d espaces n est pas encore consid r aussi cen tralement qu il devrait l tre Perec est devenu comme une marque d pos e un visage quel que soit le bon heur qu on prouve le croiser Mais dans cette com pilation des romans de Perec on a vinc Esp ces d espaces texte de r f rence texte atelier qui les nourrit en fait rebondir les proc d s croise leurs enj
317. opre est particuli rement en vi dence Il n y a pas de d clinaison particuli re de l atelier d criture selon ses publics seulement une fa on de se positionner soi m me quant ce qu on cherche et com ment on l expose Quelle que soit la forme prise par cet expos et la simplification ventuelle de la consigne c est en sachant avec pr cision sur quoi on l appuie dans la litt rature qu on saura l utiliser ou inventer son tour ses propres appuis Un bon souvenir de cette p riode travers e depuis la premi re publication de Tous les mots sont adultes c est une vid o r alis e pour une des rares formations d ani mateur en atelier d criture celle de l universit de Rennes neuf questions de Cathie Barreau auxquelles je devais r pondre en moins de quatre minutes Que se passe t il par exemple la premi re fois qu on anime un atelier d criture Il s agissait d un stage d insertion Bezons en 1982 et je ne savais m me pas que faire crire des gens cela s appelait atelier d criture Bien plus tard au lyc e Jacques Brel de La Courneuve en 1991 j tais venu douze semaines d affil e j apportais sim 10 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 11 Introduction plement les auteurs qui me semblaient importants et c est l motion v hicul e par les textes qui peu peu me permettait ce moment en amont o dans sa biblio th que on choisit le li
318. oreille les voix qui les pronon aient et donc ce qui se disait avec ce qui se disait c t ce qui se disait par eux Effet imm diat de diffraction parce que ce qui se disait prend distance avec ce que la parole dit dessous fait passer dans une 232 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 233 Quatri me cercle l image la parole le temps profondeur inexprim e qui contredit ou va au del C est justement cause de ce d calage que la parole se saisissait de ces syntagmes muets par eux m mes et qui ne valent que par la voix que par le blanc ou le brouillage qu ils imposent au sens qu ils introduisent ou en apparence soutiennent Une suite de syntagmes que Nathalie Sarraute com mente donc un par un avec un effet magistral de fiction par ces bauches qui naissent soudain un tour de phrase par une illusion de personnage ou d ombre parce que nous lecteurs sommes apostroph s et inclus dans le jeu parce que ce g nie de parole suscite autour de leur r p tition toute l id e d un lieu ou de silhouettes figures qui viennent tout au bord nous laissent entrevoir des mondes tout entiers lourds de tout un roman pos sible dans une m canique quasi infernale d accent port sur l attaque des mots quelquefois juste par le d port d un guillemet d une occurrence l autre Ah cette fois il me semble que nous y sommes Vous tes avec moi cette fois vous avez per u comme mo
319. orges Perec Penser classer Hachette 1985 Ce qui est int ressant dans ce texte c est comment le dispositif d criture dans sa r p tition automatique est lui m me sujet variation mais non pas syst matique on peut toujours repasser par la forme de d part Je n aimerais pas mais parfois si Ce qui est passionnant c est qu il ouvre l imaginaire g ographique en renvoyant aux coupes d chelle d Es p ces d espaces la petite ville Issoudun la grande Paris la ville imagin e Xanadu l onomastique et la magie du nom Zanzibar mais aussi des symboliques 36 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 37 Ouverture hommage Georges Perec Ursula Andress la lune l Am rique et qu il suffit de commenter le texte de Perec pour que chacune de ces cat gories devienne active et provoque pour le partici pant l appropriation imaginaire qui pr c dera l criture Difficult manier l exercice les noms ne valent pas en eux m mes mais pour une valeur symbolique en connivence avec le lecteur L o Perec parle d Ursula Andress on risque de se retrouver avec telle chanteuse la mode ou telle enseigne d mission t l vis e nous d insister en amont sur une lecture ambigu qui vienne interroger ce statut symbolique lui m me le mette en vis vis du monde qui le produit et de nous qui l ac ceptons merci Dominique Dussidour Et quan
320. ots sont adultes Texte o la phrase elle m me doit attendre o rien ne doit bouger o les seules variations sont celles de la lumi re et des bruits videmment enjeu social ce qu on fait dans la cit quand on n a rien faire l emploi du temps de qui est rel gu Ce qui se maintient d un rapport au monde ext rieur m me lorsqu on est seul et isol La notion de temps r versible aberrante peut tre il y a encore quelques d cennies est un outil auquel les physiciens recourent obligatoirement lorsqu il s agit d laborer les premiers mod les d expansion d univers ou la r partition statistique ondes particules pour tel tat instantan de la mati re voire pour tels processus de division cellulaire dans cette immobilisation du temps qui s tablit lors de ces brefs moments de conscience floue aucune raison de ne pas sugg rer aux participants de s ouvrir cette notion complexe et encore tr s neuve du temps voir par exemple tienne Klein L Atome au pied du mur Fayard Le Pommier 2000 Autre enjeu de cet exercice le r el s crit via les per ceptions sensorielles d un sujet immobile Le corps dont on n a pas le droit d crire les mouvements avant ni les mouvements apr s devient aussi immobile que dans le temps arr t d un tableau Du coup c est lui m me qui s inscrit rebours des sensations qu il d crit comme ind pendant du narrateur On dirait ce que pro
321. our surmonter mes inhibitions me d gager de mes entraves crire pour d terrer ma voix crire pour me clarifier me mettre en ordre m unifier crire pour purer mon il de ce qui conditionnait sa vision crire pour conqu rir ce qui m a t donn crire pour faire droit l instance morale qui m habite crire pour retrouver par del la lucidit conquise une na vet une spontan it une transparence crire pour agrandir mon espace int rieur M y mouvoir avec toujours plus de libert crire pour produire la lumi re dont j ai besoin crire pour m inventer me cr er me faire exister crire pour soustraire des instants de vie l rosion du temps crire pour devenir plus fluide Pour apprendre mourir au terme de chaque instant Pour faire que la mort devienne une compagne de chaque jour crire pour donner sens ma vie Pour viter qu elle ne demeure comme une terre en friche crire pour affirmer certaines valeurs face aux garements d une soci t malade crire pour tre moins seul Pour parler mon semblable Pour cher cher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime Des 314 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 315 Cinqui me cercle vers le livre mots qui auront peut tre la chance de le r v ler lui m me De lai der se conna tre et cheminer crire pour mieux vivre Mieux participer la vie Apprendr
322. ourquoi pensons nous l agonie et non la r surrection Jorge Luis Borges Pr faces avec une pr face aux pr faces traduit de l espagnol par Fran oise Rosset et Jean Pierre Bern s in uvres compl tes t Il Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1999 Le troisi me th me inventaire accumulation de ce tout ce qui pourrait sugg rer une raison d appeler au secours vite syst matiquement d en employer le mot avant de s en rapprocher lentement Spectateurs et auditeurs ne tarderont pas d couvrir ce que recher chent les acteurs Les choses se passent comme au th tre de marion nettes quand les h ros sont menac s par le crocodile ici les spectateurs s ils le veulent soufflent aux acteurs le mot cl secours Mais les acteurs ne comprennent pas ils interpr tent les cris comme de v ritables appels au secours ce qui ne les trouble que dans le contexte de la pi ce Finalement lorsque les acteurs ont trouv le mot secours celui ci se transforme en un grand cri de triomphe Ce cri est r p t sans cesse jusqu ce que sa signification soit enti rement brouill e Peter Handke Appel au secours in Outrage au public traduit de l allemand par Jean Sigrid l Arche 1968 Une pi ce de th tre suppos e explore un des trois th mes ci dessus l appel au secours la pr diction 258 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 259 Chapitre part de l cr
323. p cificit dramatique 250 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 251 Chapitre part de l criture de th tre Dispositifs de repr sentation repr sentation du texte L id e actuelle que l crivain doit se conformer aux exigences de la sc ne est mortelle c est l inverse qui est vrai la sc ne doit aller chercher chez les crivains les t ches qui la maintiendront en vie Cette phrase de Robert Musil la revendiquer du c t de l criture nous donnerait trop confiance en nous m mes un texte n est pas de th tre parce qu on le d cr te tel Mais elle pose un niveau exigeant d approche pour que vive th tra lement un texte il doit rejoindre l o le th tre s inter roge aussi sur lui m me C est ce principe qui me conduit pr senter ici quatre exercices qui tentent cette remont e en amont dans les principes m mes de la rela tion de l criture la sc ne Bien s r la fronti re est d j poreuse dans les exer cices pr c dents sur l adresse le monologue la construction de personnage avec l criture de th tre Mais ce n est pas l apparence formelle d un texte qui signe cette appartenance Ce qui fait qu un texte suscite ce myst re de l appel au th tre est bien loign du simple fait qu il comporte des dialogues ou des attribu tions de personnages Un inventaire crit par un acteur ou avec une classe dite option th tre d un lyc e
324. pe Depuis les grands r cits au mode pistolaire comme La Nouvelle H lo se de Rousseau jusqu au domaine contemporain La Modification de Michel Butor L Homme assis dans le couloir de Marguerite Duras et La 195 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 196 Tous les mots sont adultes Maladie de la chair de Bernard No l qui pousse ce prin cipe son extr me et introduit une passerelle de contenu le vous n est pas seulement ce qu on adresse l autre mais la description de ce que fait l autre la pos sibilit en m me temps qu on note les paroles dites de noter aussi bien le positionnement corporel du narrateur et de son interlocuteur que ce qui se passe int rieure ment pour chacun et n est pas dit Vous vitiez ma parole tout en multipliant les tentations capables de briser mon silence Vous faisiez battre en retraite votre coute comme s il vous tait possible d augmenter la profondeur de votre oreille Vous reculiez devant mes confidences mesure que gr ce vous elles deve naient in vitables et tant pis pour ma m moire mise ainsi l estrapade par les tiraillements que lui infligeait l galit de votre distance et de votre int r t Vous faisais je peur en m lant mon c ur aux mouve ments de l aveu ou bien vouliez vous me faire subir je ne sais quelle preuve de la glace et du feu Vous ne pouviez ignorer ce qu il m en co tait ni ce que j engageais Vous ac
325. personnalit Vous avez sans doute devin depuis longtemps que la d livrance du temps l affranchissement de la r alit et tous les autres noms que vous pouvez donner votre nostalgie ne signifient en somme que le d sir de d pouiller votre soi disant personnalit Elle est la prison o vous demeurez Et si vous entriez au th tre tel que vous tes vous verriez tout avec les yeux de Harry travers les vieilles lunettes du Loup des steppes Hermann Hesse Le Loup des steppes traduit de l allemand par Juliette Pary Calmann L vy 1947 Th me r current du film comme des r cits fantas tiques Chaque porte ouverte d couvre une sc ne qu on photographie dans sa globalit imm diate et qui consti tuent ensemble le premier carr des figures qu on juge rait les plus importantes pour un livre faire qui serait le n tre Contrainte rester la porte et que le m ca nisme d obturation qui nous r v le la sc ne la fasse dis para tre aussit t Ne pas entrer dans la sc ne qui a commenc avant sans nous et se prolongera sans nous On la traite comme ferait un Polaro d Variantes pos sibles un train et des compartiments l Acacia de Claude Simon mais toujours le m me r sultat esp r produire des figures qui comptent les saisir par o elles s imposent nous et dicteront leur mode de narration Th me par exemple r current d Alain Robbe Grillet dans Le Labyrinthe La Maison de rende
326. personne Rangers peron t te mort et 4 pointes sur chaque peron ceinture en cuir avec un aigle dessus et une boucle avec un aigle dessus aussi pantalon trou et ticherte avec un groupe de musiciens dessus et les manches coup es portefeuilles en cuir noir et marqu dessus harley davidson et une cha ne antivol un porte clefs et accroch dessus une bague la cl de chez moi un ouvre bouteille une fantaisie faite d une ficelle et une fantaisie en plastique un bracelet en cuir un couteau trois boucles d oreille un collier avec une t te de mort et un bonnet Rico S te le de Thau stage d insertion 1992 Vous l adresse et ses miroirs Le vous de politesse la seconde personne du pluriel est une sp cificit fran aise L anglais a oubli le thou qu employait encore Shakespeare supprimant dans son you g n ral notre distinction du tu au vous L allemand utilise la m me singularit mais la reporte comme l ita lien sur la troisi me personne du pluriel Pas tonnant alors que ce vous de politesse sit t convoqu place le texte en situation d adresse quand le tu d Apollinaire peut s appliquer au narrateur lui m me et mettre cette adresse elle m me l preuve pour ce que le vous pose d irrejoignable entre qui parle et qui il s adresse D o son utilisation tr s sp cifique et bien ancienne dans nos traditions narratives Des livres fonctionnant tout entiers sur ce princi
327. peut tre le premier hiver en France ou mon deuxi me Il y avait ma petite s ur qui pleurait J ai dit la prof est ce qu on peut rentrer Elle m a dit non elle n est pas finie la r cr ation et elles sont tr s longues les r cr ations C est une des choses qui m ont marqu c est pour a que je m en rap pelle alors qu il y a d autres choses qui me sont arriv es apr s et je ne m en rappelle pas Je pense que la m moire c est dans le c ur que a se d pose La m moire elle passe dans la t te mais il y a un lien entre le c ur et la m moire C est dans le c ur que a se stocke Centre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1996 43 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 44 Tous les mots sont adultes Mais en travaillant ainsi j avais toujours l impression qu on restait dans le pr visible atelier gale souvenir gale enfance et qu on savait y r pondre sans trop se mettre en danger Quand bien m me convoquer directement l enfance on peut collecter de telles mer veilles de sensibilit que les quatre textes ci dessus en un seul matin avec des jeunes de vingt ans en r inser tion sociale il ne faut pas s tonner que s expriment aussi des r ticences entrer dans le jeu les souvenirs c est comme le temps a passe vite et puis on oublie le dernier souvenir que j ai en t te c est quand j ai nettoy le chat du copain et apr s qu on l
328. plis au nom m me du mat riau qu il aborde et de ses modes neufs de relation C est en s ouvrant au concept d espaces de phases que la physique contemporaine vingt ans avant le livre de Perec a pu commencer penser les objets non lin aires ou chaotiques c est cette dimension r volutionnaire d Esp ces d espaces ensemble de possibles non achev s qu il faut prendre au s rieux Elle va permettre d s la premi re s ance des objets texte en rupture radicale avec des habitudes scripturales fig es comme le recours 26 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 27 Ouverture hommage Georges Perec au pass simple en milieu scolaire d s lors qu il s agit de narration On rappellera bien s r tout d abord un peu de la vie de Perec et ce que repr sente pour un enfant la dispa rition des siens dans le g nocide l enjeu de ce gouffre sous l uvre en rapport si intime avec sa pr cision et l apparent exc s de technicit sur ce gouffre plus rien de Perec n appara t formaliste ou ludique ne reste que le langage pour s y accrocher Variation 1 La chambre L enjeu sur un espace clos dont la repr sentation mentale est facilement accessible multiplier des approches distinctes d criture par une suite de phrases br ves Cette fois inventaire se d place sur les formes de langue tendues vers un objet unique Mais un objet la chambre videmment trouble et compl
329. pr cis ment pass ce jour l de entr e des troupes hitl riennes en Rh nanie aux publicit s Gibbs et c est encore une piste de travail Il d crit une cole d serte reprend les photographies familiales raconte une s ance de cin ma autres pistes de travail En pr sentant l enfance non comme m moire mais comme conqu te on tablit cette galit qui permet le partage Et quand je lance cette proposition d sormais plut t en milieu voire en fin de cycle qu au tout d but avec le conditionnel de Perec j ai toujours souvenir de ce texte d un jeune de dix huit ans gravement malade disparu depuis J ai eu un chien pour No l un caniche J tais plus jeune On en avait plusieurs on en avait trop Mon p re a fait cadeau de mon chien un de ses amis m a demand je n ai pas os lui dire non Il avait donn celui de mon fr re et pour pas faire de jaloux a m a touch j tais 48 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 49 Ouverture hommage Georges Perec triste J tais malade de l avoir donn Uriel il tait blanc je lai gard 3 ans Un autre cadeau de No l mon p re m avait offert un v lo Rouge et blanc un v lo de cross J tais rentr dans un magasin j avais laiss le v lo dehors Je commence pleurer qu est ce que va dire mon p re Et c est mon p re en passant qui me l avait pris qui m avait fait une farce Le voil le v lo
330. premi re fois sont mises au jour des millions de parcelles de paillettes de racines de vers et de petites b tes jus qu alors enfouies ressources infinies de l paisseur des choses ren dues par les ressources infinies de l paisseur s mantique des mots Francis Ponge Introduction au galet in Le Parti pris des choses Gallimard 1942 Au point de rendre compte par l criture de ce que criture elle m me a d j explor du m me objet et comment Du peu d paisseur des choses dans l esprit des hommes jusqu moi du galet ou de la pierre voici ce que j ai trouv qu on pense ou qu on a pens de plus original Un c ur de pierre Diderot Uniforme et plat galet Diderot Je m prise cette poussi re qui me compose et qui vous parle Saint Just Si j ai du go t ce n est gu re Que pour la terre et les pierres Rimbaud Francis Ponge introduction au galet in Le Parti pris des choses Gallimard 1942 218 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 219 Quatri me cercle l image la parole le temps Chercher un objet non par la pens e mais en le lais sant s imposer nous m mes par cette secr te conni vence avec notre art de dire en constitution Et entrer dans cet objet au plus exact de ce qu il est pour tre mis en pr sence de cette m taphore mais sans l avoir construite Et quand bien m me les objets d aujourd hui sont complexes et norm
331. produit et cela dans tous les sens du terme au cours de ce travail au pr sent de celui ci et r sulte non pas du conflit entre le tr s vague projet initial et la langue mais au contraire d une symbiose entre les deux qui fait du moins chez moi que le r sultat est infiniment plus riche que l motion Claude Simon Discours de Stockholm Minuit 1986 Comme t moignage de ce flux simultan de conscience et du conflit qu il instaure imm diatement 241 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 242 Tous les mots sont adultes avec la lin arit de l criture l appel aux images du pass les objets d tach s qu on tient au dessus des mots ce moment presque insupportable de pure mo tion crit par le Flaubert de vingt cinq ans au lendemain de l enterrement de son bon rat Carolo sa s ur Caroline qui avait pous son ami d enfance Alfred Hamard C est hier onze heures que nous l avons enterr e la pauvre fille On lui a mis sa robe de noce avec des bouquets de roses d immortelles et de violettes J ai pass toute la nuit la garder Elle tait droite cou ch e sur son lit dans cette chambre o tu l as entendue faire de la musique Elle paraissait bien plus grande et bien plus belle que vivante avec ce long voile blanc qui lui descendait jusqu aux pieds Le matin quand tout a t fait je lui ai donn un dernier baiser dans son cer cueil Je me suis pe
332. ptions de l criture rapport la fiction au cin ma au voyage Et une inscription qui si elle laisse Kolt s comme 265 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 266 Tous les mots sont adultes auteur minent de th tre impose son uvre ce c t inclassable des grandes uvres po tique de La Nuit juste avant les for ts d placement des concepts de temps et d espace dans les r currences et le dialogue de Soli tude dans les champs de coton C est parce qu il nous emm ne dans des zones inconnues que Kolt s prend place dans cette biblioth que restreinte des ateliers d criture et y est incontournable Voici deux exercices que je consid re tr s importants dans les cycles que je m ne le premier parce qu il pro pose une piste formelle d une incroyable efficacit pour aborder le monologue une seule phrase qui ne finit pas et temps r f rentiel nul dont on retraverse le temps d origine chaque stabilisation d une figure narrative le second parce qu il permet une approche la fois abs traite et distanci e du personnage en trois marches d criture qui permet de s ancrer sur une sensation ou une relation r elle mais la produire d embl e comme fic tion susceptible de porter bien plus que l exercice La Nuit juste avant les for ts temps r f rentiel nul et art du monologue Enjeu je parle qui ne m entend pas Ma libert vient de ce qu il ne saisit pas c
333. qu l implacable Il suffit de Nuit tomb e Cette esp ce de courant d air frais plut t que de vent c est calme avec quelques voitures sur la route en bas le gr sillement des insectes les bruits de nuit Quelque chose comme entendre la terre respirer Antoine Emaz Lichen lichen Rehauts 2004 Ou de De qui se moque le merle Puissante odeur de javel le voisin nettoie son caillebotis Odeur qui rejoint l enfance crire pour rien crire en surface Antoine Emaz Lichen lichen Rehauts 2004 Mais ces notations l ne seront pas dans l uvre po tique On y trouvera par contre la violence ordinaire rend muet le plus souvent le jour ainsi charrie jusqu au soir pour ne pas perdre pied on dit a passe a ira et on dort Antoine Emaz Po mes communs ditions Pays d herbes 1997 309 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 310 Tous les mots sont adultes En proposant aux participants de pratiquer ce grand cart je demande express ment que malgr la com pression mais gr ce au blanc cette retenue qui d cuple la pr sence des mots tout ce qu on avait dire int rieurement dans le premier texte soit pr sent Et m me lorsqu on lit les deux textes la file reconnais sable Avant cependant de lire une fois qu on a crit l pi phanie la collecte rhapsodique du mat riau et qu on a pratiqu cette compression je propose
334. quand j ai vu l assiette j ai cru que c tait pour moi J ai pris l assiette et la dame tirait tirait Et a ils l ont film Sidi Bel Ab s il y avait plein de cin mas ce n tait pas si cher mais des fois je m enfilais avec mes fr res et s urs lls disaient Elle est petite Et chaque fois qu ils y allaient j entrais avec eux On a vu des Charlot sans paroles Un film que je voyais souvent c est celui qui avait un bonnet avec une grande queue Davy Crockett Mon fr re me disait Tu me fais les courses Et ce soir je t emm ne au cin ma Et si je ne voulais pas lui faire les courses Ah bien tu ne viendras pas au cin ma Je me rappelle des fois je m endormais et c est mon fr re qui me portait Yamina A La Boutique d criture Montpellier La Paillade 1994 Si cet exercice concerne avant tout le th tre il est surprenant comme la litt rature a peu utilis les salles de cin ma dans ses dispositifs fictionnels au contraire du cin ma qui souvent se cite lui m me Il y a des excep tions la sc ne de l orage dans Au dessous du volcan de 254 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 255 Chapitre part de l criture de th tre Malcolm Lowry les sc nes li es au bombardement de Nantes chez Jean Rouaud mais il y a certainement une disproportion entre notre propre imaginaire et les terri toires contemporains de fiction Ce qu on vous a montr vous allez
335. ques l ments d un spectacle Un homme en bonne sant crit Tolsto pense cou ramment sent et se rem more un nombre incalculable de choses la fois Cette remarque est rapprocher de ces phrases de Flaubert propos d Emma Bovary Tout ce qu il y avait en elle de r miniscences d images de combinaisons s chappait la fois d un seul coup comme les mille pi ces d un feu d artifice Elle aper ut nettement et par tableaux d tach s son p re L on le cabinet de Lheureux leur chambre l bas un autre paysage des figures inconnues Claude Simon Discours de Stockholm Minuit 1986 C est pour entrer dans ce processus mais le ramener une chelle compatible avec les conditions de l criture collective qu on propose de se fixer sur un v nement r el reproductible conditionn par l ext rieur Parce que ce temps continu r el sera immobilis par les lois sociales qui le rendent reproductible on pourra se concentrer sur le seul fonctionnement du r cit Et c est sur le poids de coupe du paragraphe qu on va faire porter l exercice Demander que chaque para graphe se saisisse d un fragment et d un seul de cette totalit continue du r el ritualis reproductible et que ce soit la combinaison non chronologique des cinq ou six paragraphes qu on va crire le temps de la s ance qui restitue distance cette continuit du r el J insiste sur tout sur ce travail de
336. quotidien pr sent dans un r ve Insister l encore sur l id e de liste et d inventaire en par tant d abord de ces typologies majeures du r ve donc r ve r current r ve de vol r ve de r veil r ve qui se fait prendre pour la r alit r ve o on se voit soi m me cou leurs du r ve ges du r ve lieux du r ve villes Et revenons pour la piste que je pr f re Henri Michaux et un texte de trente pages crit en 1963 Le Rideau des r ves D clencheur exceptionnel en ce qu il ne l ve pas la difficult du travail sur le r ve mais qu il l aborde comme fragmentaire tablit comme objet du texte non pas le r ve lui m me mais la construction d un rapport avec l univers pluriel du r ve comme un journal de bord des mani res de r ver Bien insister avec le groupe sur le fait que chacun serait susceptible d crire en suivant la d marche de Michaux une bonne trentaine de pages rien que pour cet inventaire de la diversit des r ves R ver tant endormi est ce avant tout voir des images et des sc nes est ce avoir affaire du visible de l audible Pour moi de tout temps si j excepte une lointaine poque vers l ge de six ans o je subis des cauchemars mes r ves furent p les sans couleur Je n y voyais gu re et n y entendais pas grand chose non plus Semblable quantit d autres r veurs de nuit en r ve je ne pro teste pas m habituant l instant l
337. r mement surprenant et riche pour l atelier Point un chaque personnage est pr alablement d fini par une marque physique rendue abstraite un peu comme un masque ou une silhouette stylis e cette 274 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 275 Hommage Bernard Marie Kolt s notation Kolt s en associe ensuite une autre tout aussi br ve mais tr s plastique ou po tique en tout cas oni rique en son for int rieur une image tonnante d au dace langagi re Opposition d un caract re physique rendu abstrait masque ou silhouette et d un for int rieur po tique ou m taphorique CAL Si l gers qu on dirait deux traces de doigt salis deux plis partent de l extr mit ext rieure de chaque il jusqu au creux de la joue puis tr s profond ment presque une fossette verticale du c t droit pr s des l vres une ride En son for int rieur un grand oiseau vert au dessus de la prairie avec dans ses serres un chiot aux yeux de femme et son hal tement pr s de l oreille Bernard Marie Kolt s Combat de n gre et de chiens Minuit 1989 Point deux pour chaque personnage on construit un paysage r el hors de la sc ne de la pi ce Une sc ne relevant de l instantan qui ne rel ve pas du th tre et rien de cela paysage ou sc ne ne sera repris dans la pi ce Et Kolt s associe chaque personnage au moins une de ces sc nes prises la r alit quo
338. r mit s que deux petites parcelles d un ciel gris plus clair Je r ve que je dors Je voudrais me r veiller mais je n y parviens pas 180 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 31 08 05 17 41 Page 181 Troisi me cercle conqu rir l intensit Tous mes membres sont paralys s mes paupi res sont lourdes Lorsque je tente p niblement de les ouvrir une lumi re aveuglante m oblige les refermer Pourtant je vois la pi ce qui m entoure II fait jour Je suis allong e dans mon lit J entends tous les bruits ext rieurs Il me semble que je suis r veill e et consciente pourtant je ne peux bouger Mes dents grincent Je m che des petits os go t de sang Je crache cette bouillie qui me g ne du sang et mes dents voil ce que c tait Je regarde ma bouche dans une vitre vision d horreur multitude de trous de sang noir coagul Tout est vert blouissant l herbe est haute Je suis dans une clairi re je ne peux pas voir plus loin que les arbres qui m entourent Je rentre dans une maison dont les fen tres sont au ras du sol Toutes les pi ces sont enterr es dans le sol Un tube immense Son mouvement de rotation accentue une sensa tion de malaise Il est lourd il est b tonn Sa dimension condamne sa possible ma trise Je suis au centre de ce tube Je m y vois Le tube est tapiss d un rev tement froid rugueux Sensation d avoir les pieds sur du papier cellophane froiss Le tube tourne de pl
339. r s grand pas mental 41 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 42 Tous les mots sont adultes Travailler avec W Dans mes premi res exp riences d atelier d criture faire crire sur l enfance me semblait devoir venir tr s t t dans le cycle et je le justifiais vis vis des partici pants en parlant de l importance du travail sur la m moire Quoi de mieux par exemple que de remon ter aux premiers souvenirs conscients l o la m moire semble nous fournir une image si pr cise mais sans rien qui la pr c de ni qui la suive Et les grands r cits de l en fance sont jamais dans notre Panth on personnel qu il s agisse du Cher d Alain Founier ou du Combray de Marcel Proust Les textes qu on accueille font partie de ces pierres tablir ensemble pour que la vie reparte Ils sont cette masse obscure du monde dont chacun porte sa charge et qu il faut bien que la m moire collective accepte Je me souviens d avoir vu le terrain vague o allait tre construite la maison de mes parents On allait souvent voir la maison pour voir l avanc e du chantier Ce terrain tait plein d herbes sauvages On avait une chienne son nom tait C line C tait un basset art sien bref un saucisson quatre pattes Elle tait blanche avec des taches marron Un jour elle avait mis au monde deux chiots pendant que j tais l cole On avait choisi de les appeler Mabelle et Macha Ce
340. r s possible de ce qui est en nous m mes pensant et imaginant le personnage une simul tan it d images Comme dans l exercice pr c dent le temps lin aire du texte suivra le temps en nous m mes de l apparition ou de la qu te des images sans chercher les restaurer dans leur suite chronologique r elle 125 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 126 Deuxi me cercle l identit reconstruire Dans cette premi re partie du livre de Charles Juliet successivement l image d une petite fille sur le seuil d une porte celle d une jeune femme adulte dans un deuil enfin celle d un cahier d cole avec des notations de journal intime et la lumi re que porte le temps ver bal sur une chronologie pourtant clat e qu il contribue rendre comme simultan e et comme il renforce l ef fet de coupure des paragraphes la confiance dans le pr sent de l indicatif est en atelier un des outils les plus urgents reconstruire tant l identification narration pass simple est devenue r flexe scolaire Ce recour au pr sent de l indicatif alors que le r f rent temporel change chaque paragraphe est le troi si me volet de la contrainte tr s stricte que j impose pour cet exercice Les r sultats sont admirables Tu es l a n e et c est toi qui t occupes d elles Le plus souvent la m re est dehors dans les champs travailler avec le p re Toi riv e la mai
341. r un parc Le travail va consister utiliser le cadrage de l image r elle comme organisation mat rielle du r cit cadrage 61 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 62 Tous les mots sont adultes lat ral ce qu on voit gauche devant droite mais aussi les diff rentes profondeurs de champ Faire que chaque phrase corresponde une strate du plan de vision C est un des rares exercices potentiellement assez forts aussi pour une premi re s ance une prise de contact avec un nouveau groupe Sur une grande feuille pli e par exemple en trois sur chaque c t pour cr er quatre rectangles format carte postale neuf lieux diff rents neuf tu qui ne d signent que la distance qu on prend soi m me scripteur avec le narrateur pr sent dans le texte qu il construit sur lequel il agit quand bien m me ce narrateur qui voit pour nous c est nous m mes distance dans le temps Parler ici de Guillaume Apollinaire est un appui important aussi bien parce qu il propose dans Zone le d but d Alcools un dispositif tr s proche m me clat la dimension de sa vie et des villes o il est pass de ce qu on demande aux participants que comme pr texte introduire sa biographie de la fuite d un h tel avec son petit fr re la tr panation pendant la guerre Ceux qu on a devant soi auxquels on demande un engagement important dans l criture on leur pr sente un auteur pour qui
342. r le lire Esp ces d espaces ainsi que les deux recueils posthumes L Infra ordinaire et Pen ser classer Quant W c est un livre qui heureusement gr ce aux travaux th oriques qui l accompagnent a d j 19 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 20 Tous les mots sont adultes commenc franchir cette barri re en lisant W on ne lit pas une autobiographie on voit se d ployer la stra t gie m me de l criture autobiographique l o sa forme conventionnelle serait en chec Et c est en cela que le livre prend un caract re privil gi pour notre tra vail On se r f rera aux travaux de l Oulipo pour l utilisa tion des travaux de Perec dans le domaine des jeux d criture et des textes contrainte ce sont des approches compl mentaires elles ne s opposent pas et d ailleurs m me en les ajoutant on ne recouvrirait pas cette uvre laboratoire laboratoire non pas seulement de Perec crivant mais de nous tous dans nos recherches d aujourd hui Lieux o on a dormi Les inventaires ont deux qualit s la premi re c est de ne pas en appeler l imaginaire mais la m moire effective disponible et donc de pouvoir lancer l criture sans en appeler des crit res d inspiration mot bien obsol te ou ces pr tendues angoisses de la page blanche ce qu on va crire on l a fait c est av r par notre existence m me il n y a qu secouer
343. r les bifurcations les notations en gras en italique les souli gnements voir par exemple p 117 130 environ Le Seuil 2000 les contraintes de Roubaud pour ses itin raires de marcheur dans Paris et la relation la compo sition mentale de po sie P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 97 HOMMAGE FRANZ KAFKA Franz Kafka n est pas seulement un des quatre prin cipaux auteurs du XX si cle il nous l gue une uvre tout enti re chantier La partie publi e de son vivant qui n est pas mince ni mineure compl tement imbri qu e dans ce qui est rest dans ses cahiers Et si les cahiers sont parfois fiction parfois r flexion les cahiers sp cifiquement journal accueillent sans jamais de dis continuit l observation quotidienne la r flexion sur th tre lectures ou conversation et les essais de fiction Ainsi nous disposons d une s rie de pistes r currentes qui permettent de suivre ce qui pr pare qu une fiction soit autonome ind pendante lanc e hors de lui m me Et cela s ancre la fois dans ce travail sur l image du r el une intensit de concret partir de quoi transf r e dans la phrase de fiction cette intensit de concret ta blira la teneur ou l illusion de vrai n cessaire au fantas tique D autre part ces s ries r currentes irruption d un personnage dans la chambre rencontre d un per sonnage sur une route d entr e de village chasseur Gracchus
344. r ses souvenirs d cole maternelle et que la place qu y occupait une maison aux volets clos un chien qui aboyait trop fort a grandi avec nous Ou bien l o on allait le dimanche ou qu on par tait en vacances c est la forme qui compte la capacit jouer de diapositives fixes et isol es s parer et cou per animer le texte par cette suite d l ments chacun lev s comme une surface fixe Sugg rer que ce travail puisse s tablir aussi sur un endroit o on va en courant un endroit qu on est press de rejoindre et c est cette h te qui produit la superposition des images o on est celui qui capte et ce qui s crit c est la suite discontinue de ce qu on capte La force des textes qu on peut tirer de cette proposition c est de l arbitraire du quotidien pr sent ou pass qu elle va l extraire ce n est pas un trajet choisi mais un trajet impos un trajet utile 71 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 72 Tous les mots sont adultes On parlera d abord de l aventure de Cendrars dans quelles conditions son d part P tersbourg et la vie bord du Transsib rien On raconte avant de lire en reprenant la biographie de l crivain les marques de son propre acc s l criture On souligne aussi pour le fonctionnement du texte attendu comment avance le texte de Cendrars une autonomie de chaque vers et chaque vers tabli depuis un nouveau point de
345. r tout coup sa pens e Ce dialogue dans la pens e L absorption la rupture de tout Et tout coup ce filet d eau sur un volcan la chute mince et ralentie de l esprit Antonin Artaud Le P se Nerfs in uvres compl tes t Gallimard 1976 Parler du mental et de ce qui se passe lors de ses exp riences les plus bouleversantes et constitutives par ce bouleversement ne peut pour autant conduire la seule criture autobiographique pas plus que l criture autobiographique ne m ne forc ment au risque d sign par Artaud Les textes les plus d chirants qu accueille r guli rement quiconque anime un atelier d criture surgissent de fa on impr visible partir de l exercice le plus humble ou d apparence la plus technique Appr hender volontairement ces zones de risque mental c est au contraire se doter de protections contre la d chirure ou le bouleversement en apprenant aux participants jouer de la fronti re elle m me hisser des rambardes et s y tenir On va se rendre dans les zones les plus expo s es les plus vuln rables mais en tablissant une pro tection suffisante c est le langage qui sera notre armure mais on va proposer que le texte se fasse nigme Que rien dans ce qui sera dit ne permette de remonter l exp rience r elle qui en est l origine En travaillant sur cet interdit et cette barri re le langage dira le boulever sement en laissant de l autre c t
346. rce d incantation ou d ex ploration que suscite ce texte son obscurit m me per met l l ve d investir sa propre obscurit J ai pratiqu cet exercice avec des dizaines de groupes ou publics diff rents ce qu on en obtient me surprend toujours autant quel que soit le groupe avec lequel on tente l exp rience Je le propose syst matiquement dans chaque cycle d ateliers ou stages que j ai conduits et l immense liste anonyme des celui qui et des celle qui ou ceux qui que j ai rassembl e progressivement l ordina teur dans un texte presque infini auquel ont contribu des dizaines d auteurs devient lentement comme un monde une sorte de r f rent silencieux et anonyme de ceux qui n ont eu ni m moire ni parole une peau vivante du monde juste en arri re de nous sur notre paule regardant par nos yeux C est peut tre l exercice par quoi on rend le plus sen sible malgr le d luge de signes et de mots o on baigne le peu qui est vraiment crit du meilleur de notre m moire 121 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 122 Deuxi me cercle l identit reconstruire Deux exemples seulement crits Nancy en 1996 auxquels je suis plus particuli rement attach et qui d signent les plus hauts enjeux de cette proposition Celui qui est parti et que les gendarmes cherchent toujours Celle qui m aimait tellement qu elle est morte le jour de mon anni versaire
347. rce fantastique vient de passer d abord par le mot de lui refuser son sens et de glisser alors presque subrepticement qu il ne s agit pas d une chose mais d un tre Les uns disent que le mot Odradek a des origines slaves et cherchent expliquer sa formation l aide de cette hypoth se D autres pr ten dent qu il provient de l allemand et n a t qu influenc par un dialecte slave Mais l incertitude de ces interpr tations autorise bon droit de conclure qu elles se trompent toutes deux d autant plus que nulle ne permet de trouver un sens au mot Naturellement personne ne s occuperait de telles recherches s il n y 110 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 111 Hommage Franz Kafka avait pas r ellement un tre qui s appelait Odradek Au premier abord on dirait une bobine de fil plate et en forme d toile et il semble bien en effet qu il soit entour de fil Franz Kafka Le Souci du p re de famille in La Colonie p nitentiaire et autres r cits traduit de l allemand par Alexandre Vialatte Gallimard 1948 Autre variation entrer dans la chambre Jacques S r na propose un exercice tr s proche dans ses r sultats de ces r cits brefs de Kafka de l ultra court Fen tre sur rue qui est le premier que Kafka n ait pas d chir de ses cahiers de jeunesse jusqu au d but du Proc s en passant par sa M tamorphose textes qui s ou vrent
348. re appui qu eux m mes Ce passage par l criture sans ponctuation est n cessaire pour appr hender concr tement l id e de rythme interne de la langue ce qui pour sa construction m me passe par un appui sur le temps propre de prononciation et l ordre des mots plut t que sur les rep res visuels des signes diacritiques L criture sans ponctuation implique d en passer par une apparente d construction mais on croise nouveau ici un point d origine de l criture un appui sur la seule scansion L impossibilit m me de clore le texte ou bou cler la phrase deviendra un principe neuf d expansion une mani re de sentir ce mouvement de bascule en avant qu est le r cit Quand on reviendra la ponctua tion nul doute qu on l utilisera avec une conscience accrue de son r le propre Des enseignants r torquent parfois qu une telle proposition va au rebours de ce qu ils s efforcent de construire la ma trise m me de la ponctuation un des crit res historiques les plus variables de la langue impose de comprendre de fa on dynamique ce qu elle a pour t che de r gler au sens musical du mot dans la gen se de sa propre criture ce qui ne nous choque plus dans l absence de ponctua tion pour un texte po tique de Cendrars ou d Apolli 207 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 208 Tous les mots sont adultes naire que le vers d coupe garde l apparence d un d fi pour la
349. re du sol plissements et fractures ruptures des pais seurs surabondance des couches en difficult d tre au jour sor tir au visible l coute corps s loignant toujours d sir au devant la parole d atteindre un mot lente travers e ou projet expuls ou vomi en mall able dire l veil bouche ouverte enfin d sesp rant afflux douleur Danielle Collobert Il donc Change Seghers Laffont 1976 repris dans uvres compl tes P O L 2004 Le continent Michaux L uvre de Henri Michaux est videmment en conti nuit avec les chantiers ouverts par Artaud Multiforme on la retrouvera dans la section suivante sur le r ve Il ne suffit pas qu une uvre se manifeste par sa pl ni tude par son risque pour devenir proposition d cri ture Notre travail permanent c est de savoir offrir l uvre nos participants comme perspective comme 167 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 168 Tous les mots sont adultes invention tout en maintenant l interrogation concr te sur un fragment de quelques lignes ou le montage de quelques paragraphes qu on d cortique et qui vont condenser les possibles Ces fragments mettent en avant souvent artificiellement parce que l uvre source ne les utilise pas comme contrainte formelle ainsi dans Z Om bilic des limbes et Le P se Nerfs de nombreux textes ne participent pas de ce qu
350. re l effort dont il doit tre le prix Une boucle jaune lui tombe sur son grand front Grandes l vres grand nez ab m Une t te qui d vore l espace dans lequel elle se trouve En son for int rieur une boule jaune Elle se nourrit du soleil roule lentement calme diminue dans les coins d ombres Dans le sillon qu elle forme une berceuse Sur les rochers pos s devant lui Que font ils ces rochers des ann es qu ils sont l ils n ont pas boug Une forteresse cass e par le ressac Des formes mouvantes vivantes c est moi qui les fige les anime Gr ce mon chant je leur montre le chemin Je souffle je d coche des sons qui transpercent la coque de pierre et atteignent le c ur Je les chevauche elles m em portent Universit Rennes Il avec des tudiants du d partement Arts du spectacle 2000 Un visage coup la serpe triangulaire mal ras Deux caves noires sans fond incrust es au dessus des pommettes saillantes Deux agates et un sourire relevant l g rement une des commissures des l vres En son for int rieur deux ailes noires battantes sur un pur sang bleu et rouge survolant une ville anim e 279 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 280 Tous les mots sont adultes Il est 20 heures Un troquet avec ses habitu s Jeux de d s jeux de cartes Les yeux de certains commencent se dilater les conversations s envenimer Patron de bistrot il ne s en lais
351. re neuf un principe d criture non encore explor parce qu au nom m me de l imaginaire du livre on lui a ins min un peu de cette perception du monde quoi nous ont ouvert les tech niques du cin ma Un bon exemple chez elle c est Vera Baxter d abord pi ce de th tre puis film enfin livre Elle utilise ostensiblement pour les dialogues le s quen age discontinuit et dur e des plans et les didascalies la forme du sc nario mais voil le texte publi n est pas celui qui a servi de base au film mais un film imagi naire diff rent de ce qu elle a tourn C est un livre au 286 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 287 Cinqui me cercle vers le livre plein sens du terme parce que chaque paysage chaque note l intention des acteurs chaque lieu vaut litt rai rement par la phrase et le rythme la po tique C est seulement que Marguerite Duras travaille sur un espace visuel agrandi du livre L Amour Gallimard 1971 est un livre pr cieux de ce point de vue parce que crit apr s la p riode des grands livres classiques de Duras en prologue cette phase bien plus exp rimentale de l uvre On ne b tit pas une histoire mais on s interroge sur les tensions la structure le mode d apparition litt raire de l histoire La trame seulement la relation d un homme et d une femme La notion de personnage via la tension entre un person nage qui a d
352. rieur Aller soi m me sa limite et trouver la phrase qui co ncide avec ce que nous d signe si profond Antonin Artaud une sensation de br lure acide dans les membres des muscles tordus et comme vif le sentiment d tre en verre et bri sable une peur une r traction devant le mouvement de la marche des gestes des mouvements Une volont perp tuellement tendue pour les gestes les plus simples le renoncement au geste simple une fatigue renversante et centrale une esp ce de fatigue aspirante Les mouvements recomposer un tat d engourdissement douloureux une esp ce d engourdissement 163 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 164 Tous les mots sont adultes localis la peau qui n interdit aucun mouvement mais change le sen timent interne d un membre et donne la simple station verticale le prix d un effort victorieux Antonin Artaud L Ombilic des limbes in uvres compl tes t Gallimard 1976 C est l interdit autobiographique ne rien laisser deviner du r el source qui est devenu dans ce passage du jeune Artaud la fois le principe g n rateur et la bar ri re de protection Il faut souligner cette permanence d lib r e d Artaud choisir comme mat riau m me de sa po sie ce seul fonctionnement mental renversement de premi re importance de ses premiers crits de jeu nesse jusqu ses notes de pr paration pour la conf ren
353. rincipe de relation de la phrase l imaginaire ainsi la fausse biographie la biographie qu on d cline et qui devient elle seule le reflet du monde Retour Vous qui habitez le temps 149 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 150 Tous les mots sont adultes Le principe d associer une phrase personnelle chaque item de l accumulation multipliant les champs de son application Presque tous les registres qu utilise Val re Novarina dans Vous qui habitez le temps peuvent fournir de tels th mes d exercices Le faux journal et l argent gagn ou d pens de La femme aux chiffres Trois juin gagn trois briques en huit secondes deux Juin huit seize briques de mieux sous porte monaille Juin dix joie cinq fois en six secondes Dix sept du m me m mes jours cass s Val re Novarina Vous qui habitez le temps P O L 1989 L association de villes et de m tiers dans l autobio graphie d clin e par L homme aux as 169 items J ai beaucoup v cu j ai pas t d u vendangeur Vilivret ausculteur Trois Chantier marchand d id es M rignac fermeur d usine Jean Souffre circulatorateur aux Offrants juge de touche en Losogne tom beur en Val d Oise lotier aux Houffes cloueur de stop Lumigny h sitateur la patte d oie moutonnier aux bois de Chelles rappeleur de morts dans les Yvelines Val re Novarina Vous qui habitez le temps P O L
354. ription ils ont grav leurs tombes dans des planches Ici repose l homme sans les choses Tout est sans moi Voici les tombes qui sont grav es j ai vu les noms des phrases crites sur un caillou Lui qui a crit dans la nuit Lumi re du monde est sans raison Et lui Ci g t mon trou sans soif Lautre ici J ai v cu sans terre d inscription Lui dit Le monde a t mont sans 156 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 157 Hommage Val re Novarina socle et nous oblig s d habiter en civi re et il n y a aucune colonne au monde qui porte personne qui est C est une parole d un danseur Lui dit Gloire aux musculassiers honte aux m dicinins Il dut souffrir de l h pitau Val re Novarina Le Discours aux animaux P O L 1987 En voulez vous encore Cette fois travail au pr sent sur la ville r elle ses impasses ses errances ses points fixes et ses pourtours et ce qui s en induit cette fois avec des tudiants de Rennes Rue Ren Char c t du G ant rue du Ch teau qui part de l glise rue des Granges que les chevaux traversent et qui en a encore l odeur rue des Trois Fleurs o poussent les HLM rue luard qui descend vers les tables rue Basse en haut de la colline place Saint Amour o je me suis ramass rue de la Madeleine pour l heure du go ter rue Cha teaubriand anciennement rue des Juifs Grand Rue de petits magasins
355. ris en charge collectivement Et une terrible ambigu t l o 16 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 17 Introduction nous devrions partir d un corpus commun nous consacrer aux questions touchant l atelier d criture lui m me aux textes qu il est susceptible de produire et comment les accueillir nous avons nous faire les inter cesseurs de cet h ritage contemporain peut tre qu au trefois cette dyschronie entre le nouveau Rimbaud Lautr amont et m me Nerval et le moment o on les accueillait dans la transmission n avait pas ce caract re d urgence ce qu on la r duise Nous sommes quelques dizaines sans doute plus continuer de travailler dans ce sens y apprendre Des s ances en commun avec un danseur et l criture du corps deviendra un autre enjeu suscitera d autres r cits Une rencontre hebdomadaire dans un th tre avec des enseignants qui chaque semaine font eux m mes crire leurs l ves primaire coll ge ou lyc e sur le m me th me Les textes qu on re oit d un travail effectu par quelqu un dont vous n aviez jamais appris l existence dans une prison ou un tablissement psychiatrique et c est encore une nouvelle r v lation de possibles Un stage de trois jours pour lequel on s offre le luxe d ex plorer une seule uvre litt raire et le domaine des ate liers semble d multipli ouvert D o l accent mis dans cett
356. roche du r cit de vie de l enqu te sur le trajet g ographique de chacun Mais la normalisation de nos villes vacue ce danger Au contraire la double d formation du nom de lieu de la phrase induite est une protection majeure Non pas pro tection seulement de soi m me contre un ventuel d voi lement mais protection de soi m me pour r ins rer la force et l appel de la langue dans son histoire personnelle A e les roses mamie l tait rose l t rose L hiver vert Moi dans un chou rose par le nez Puis un pu n puis deux Moi chou rose lui chou fleur Petit peur Petits puis petits puis on part Puis deux Puis trois Puis toi Pas un Un matin Pas un Pas deux Pas de deux Puis trois Pas de trois Patatras On rit On rit Rionrionrionrion rigola Rennes Rennes Pas harem Que des gars Quel d g t D g t pas Pas pas D gayapa Papadapa Puis quatre Taratata Quatre apr s trois Quatre feuilles Quatre tr fles en fleur Quatre tr fles en feuilles de fleur Bama mille F nifeur Chaleur Et alors il y a dehors Dehors o les mille dehors o y a grand dehors de la mer du bleu dehors de dedans y a dehors Les Gantelles Les Gantelles des petits Mille mille de mille petits des Gantelles Jaune ma s Brut de c ur Brute de cour Zut je cours Je cours cours cours cours cour cr cre crek crek grek grec greg greg allons voir Tiens Gr goire Saint Gr goire a c est s
357. romotion du livre de jeunesse en Seine Saint Denis 1997 84 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 85 Premier cercle les trajets la ville Et pourquoi ne pas rajouter sur cette variation nuit la contrainte formelle du pass compos avec avoir par quoi le souvenir du jour se m lera aux images nocturnes le pass compos galant toutes les dur es r volues dans la m me s paration temporelle de celui qui parle Sur le po me en prose de Baudelaire une heure du matin merci Thibaud Saintin l esp ce de vide cr mat riel lement par Baudelaire temps et t n bres autour de la rem moration comme suspendue et isol e Et la faire tomber par pans qui s embo tent ensemble comme un puzzle sans chronologie par la seule r p tition de l incipit des paragraphes sur un participe pass exercice simple et puissant qui touche au temps parce que le temps de la phrase aval e par son participe pass est plus fort que le temps r el suffit le ramasser dans la nuit on peut m me sugg rer de coller encore mieux au texte de Baudelaire en ne produisant qu une seule phrase tenue par ses points virgules Et d composer arbitrairement avec cet outil le d tail d une journ e la veille par exemple Ou ce qui s est pass le matin m me de ce jour o on fait l atelier jusqu rejoindre l instant m me de l criture Avoir vu plusieurs hommes de lettres dont l un m a dema
358. rratif a pris le dessus sur le contenu qui pourtant le pr c de Voici ci dessous la deuxi me occurrence d une des notes de gen se de La Le on du ma tre curieuse en ce que l cri vain met en sc ne un autre crivain et expose cette nig matique notion de coup de pouce 4 juin 1895 Le probl me consiste faire tenir dans un cadre tr s res treint 10000 ou 8000 mots la petite id e not e il y a quelque temps Le petit drame du malheureux homme de lettres qui g che sa vie en tentant de d crocher le succ s vulgaire dont le frustre l extr me raf finement de son talent Il voudrait se marier crire au moins un ouvrage qui se vende MAIS il a beau faire comment d un sac de son tirer du froment C est dans sa lamentable petite tentative presque tragiquement avort e que devra r sider ma mince action Il succombe 319 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 320 Tous les mots sont adultes il est condamn chouer s effondrer mat riellement parce que le pire qu il puisse crire est encore trop bien pour atteindre au succ s trop bien pour le march Toujours la vieille histoire de mes chro niques pour le New York Times quand j ai d crire Whitelaw que c tait ce que je pouvais produire de plus mauvais pour de l argent C est en se heurtant une petite s rie de cas analogues de cong die ments de m saventures d impuissance attraper le ton malgr le d sir
359. rs Jacques Roubaud Autobiographie chapitre dix Gallimard 1977 L encore ce texte peut tre utilis seul Mais la coupe la disposition graphique le blanc sont autant de fa ons d inclure du silence du non dit d attirer l atten 95 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 96 Tous les mots sont adultes tion sur les mots Le retour la gen se du texte avec les m canismes de la boucle la contrainte qu on va pro poser de rassembler autour du texte la totalit des asso ciations mentales quand et comment moi j y allais ce que c est aujourd hui et ce que je vois si j y retourne les personnes entrevues qui elles sont et ce qui me reliait elles et un chantier consid rable d criture peut tre ouvert pour d autres prolongements Tentez l exp rience ces mots tels qu utilis s ci dessus par Roubaud avec les blancs les disjonctions les silences Et puis c t en vis vis l ensemble des notes que chacun peut rassembler sur le lieu les gens ses propres visites et bien s r propos des choix d cri ture pourquoi cette image pourquoi ce d tail ce que telle toute petite chose voque d une sc ne d une conversation d un regret Autobiographie chapitre dix reste un des livres les plus riches pour une utilisation en atelier d criture Po sie en particulier propose de multiples passages o cette approche plurielle est rendue visible pa
360. rs les chaises Les patrons c est trop sympa C est Jean Claude et Christiane Ils sont l depuis le mois de novembre les autres que je connaissais avant ils sont partis lls connaissent mon p re une fois j ai t chez eux ils m ont dit Tu es la fille R my J ai dit oui On boit un coup on parle Coca bi re ap ro C est le premier en arrivant quand on vient de Rilly Savigny Ils ont une pancarte dehors PMU J y vais surtout quand je n ai plus de clopes toutes les deux ou trois semaines Mais des fois je fais des courses pour des gens ou des copains Je prends du tabac des cartes anniversaire photos meilleurs v ux Je prends Banco Solitaire ou Monopoly Mes pr f r s c est Banco et Solitaire Une fois j en ai pris un j ai gagn cent vingt balles Une fois mon copain m en a pris un j ai gagn cent balles Centre dramatique r gional de Tours Tiers Lieu 1997 Classements inventaires autres variations Perec Encore un livre indispensable de Georges Perec le recueil Penser classer Hachette 1985 et sa tr s belle superposition de deux textes Notes br ves concernant les objets qui sont sur ma table de travail et celui qui suit Notes br ves sur l art et la mani re de ranger ses livres Faire remarquer la subjectivit du premier emploi des pro nominaux je mon mes etc Il y a beaucoup d objets sur ma table de travail Le plus ancien est sans doute mon stylo le plus r
361. rs stricte ment la m me image deux tiers eau un tiers ciel Tou jours le m me principe pour la photo rien d autre de repr sent m me cadrage m me hauteur du pied et 210 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 211 Quatri me cercle l image la parole le temps travail magnifique jamais semblable Sugimoto accom pagne ses photographies de narrations envoy es ses commanditaires qui produisent toutes les conditions concr tes de la prise de vue voyage transports et acc s m t orologie h tels et repas L aussi s ouvrent de belles pistes pour qu un texte appliqu une photogra phie qu on a faite soi m me s appuie sur la narration des circonstances au plus pr cis de la prise de vue pour que le clich lui m me soit fix l int rieur du texte comme un arr t provoqu du temps et du mouvement Si je n en parle jamais en pr sentant forme et th me de la s ance l int r t adjacent mais majeur aussi de cette voie d exploration c est que les textes issus de des criptions de photographies par effet de cadre en parti culier et par la distance toujours lisible dans le texte du repr sent et de ce qu il repr sente apprennent manier narrativement des objets extr mement com plexes figures de groupe tensions entre personnages bauches saisies de mouvement criture de d cor pure ment visuel et d objets d tach s En fin de s ance dans le temps
362. rt Grasset 1954 Et si on saute quatre ans au hasard le 13 mars 1915 Une soir e couch sur le canap six heures Dormi jusqu huit heures environ Incapable de me lever j ai attendu une sonnerie de pen dule que ma torpeur m a emp ch d entendre Je me suis lev neuf heures Le sentiment parfois d une d tresse presque d chirante et en m me temps certitude de sa n cessit et de la n cessit d un but vers lequel je fais un pas de plus chaque fois que j attire le malheur moi Franz Kafka Journal traduit de l allemand par Marthe Robert Grasset 1954 Ou encore le 17 mars 1915 Au dessus de moi hier le roulement perp tuel d une boule par terre comme si l on jouait aux quilles une fin qui m chappe apr s quoi il y eut encore le piano d en bas Hier soir calme relatif j ai travaill avec un peu d espoir aujourd hui j ai commenc dans la joie puis subitement des gens se mettent parler c t ou au dessous de moi avec des voix si fortes et si changeantes que j ai l impression qu ils m envelop pent de toute part Je me suis un peu battu avec le bruit puis je suis rest allong sur le canap les nerfs litt ralement vif pass dix heures le calme est revenu mais je n ai pas pu me remettre au travail Franz Kafka Journal traduit de l allemand par Marthe Robert Grasset 1954 103 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 104 Tous les m
363. ruits la lampe ou le visage Chaque parole prononc e dans le texte de Paul 186 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 187 Troisi me cercle conqu rir l intensit Morand est port e par un dispositif narratif particulier qui lui reste sp cifique jamais employ deux fois Et toujours enclos par la chambre qui s pare ces paroles et les isole dans le texte La lin arit du temps convoqu parall le du temps de r cit et du temps r el de la visite est sans doute l l ment porteur secret de ce qu on peut provoquer par ce texte via cette id e de visite ou le nar rateur s efface en apparence parce que ce qui est d crit c est son propre mouvement d entrer dans un monde clos comme la Miss Havisham des Grandes Esp rances de Dickens Ombre n e de la fum e de vos fumigations le visage et la voix mang s par l usage de la nuit C leste Avec sa rigueur douce me trempe dans le jus noir De votre chambre Qui sent le bouchon ti de et la chemin e morte 1 Derri re l cran des cahiers sous la lampe blonde et poisseuse comme une confiture votre visage g t sur un traversin de craie Vous me tendez des mains gant es de filoselle silencieusement votre barbe repousse au fond de vos joues Je dis Vous avez l air d aller fort bien Vous r pondez Cher ami j ai failli mourir trois fois dans la journ e Paul Morand Ode Marcel Proust in Anthologie de la po sie d
364. s Troisi me cercle conqu rir l intensit 159 Prof ration et appel au langage Antonin Artaud 159 Le continent Michaux 167 Le r cit comme inconscient crire le r ve 170 Le dialogue la voix approche par l asym trie 182 Variation Paul Morand visite Marcel Proust 185 Visages d criture criture du visage 188 Vous adresse et ses miroirs 195 Autre appui sur le pronom fugue de il et elle m l s 200 Quatri me cercle l image la parole le temps 203 Avec Claude Simon le r el comme image 203 Variations sur l usage de la photographie Minyana Guibert Barthes 212 Ponge la langue des choses 215 Variation 1 Jean Loup Trassard Absolument myst rieux 220 Variation 2 les Graveurs d enfance de R gine Detambel 225 Variation 3 chez Christian Boltanski 228 La langue prise elle m me la subversion Sarraute 231 Autour de ou apr s Sarraute 236 Temps r el complexe temps du r cit Pierre Bergounioux 239 Variation avec Pierre Bergounioux Le monde a mesur cent pas 245 339 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 340 Tous les mots sont adultes Chapitre part de l criture de th tre Dispositifs de repr sentation repr sentation du texte Ce qu on vous a montr vous allez l entendre Didascalies de l impossible Novarina Bond instructions aux acteurs Hommage Bernard Marie Kolt s La Nuit juste avant les for ts temps r f rentiel nul
365. s le r ve de Raskolnikov dans Crime et ch timent le r ve au milieu du Proc s Rappel des ph nom nes de cen sure ce n est jamais exactement un r ve qu on raconte parce qu en l crivant le r ve se d fend l criture refa brique un r ve dans le temps m me qu on crit Enfin attention port e la technique m me d crire le r ve nous force donc affronter une caract ristique tr s pointue du premier jet fictionnel l intuition fragile d une image ne r v lant pas encore d o elle vient ni o elle va L image de d part du r ve est souvent une image pont au milieu du r ve On va donc tre dans le senti ment d avoir toujours en tenir le double mouvement voquer ce que cela implique pour l criture s par e du temps r el pour capter le temps mental du r ve On crit une image et il faut crire la fois ce qui pr c de et ce qui suit tenir sur un r cit continu une criture qui va dans les deux sens du temps la fois Richesse des trappes qu on l ve une par une citer le livre de Michel Butor Un r ve de Baudelaire cent cin quante pages pour explorer toutes les harmoniques d un r ve racont dans les trois pages d une lettre de Baude laire mais o on retrouvera plus tard plusieurs germes des Po mes en prose Sympt mes de ruine B timents immenses Plusieurs l un sur l autre des appartements des chambres des temples des galeries des esca liers
366. s de pose sur le portrait photographique Mais si le texte ci dessus appartient aux lettres de Rimbaud et non son uvre c est Lautr amont qui devient le pr curseur par ce tr s trange passage de l ouverture du chant III de Maldoror Il utilise en effet pour noter mesure de la narration elle m me son principe de fonc tionnement et d expansion le tr s pr cis vocabulaire technique de la photographie dans l instant m me de sa r v lation l image flottante du cinqui me id al se des sine lentement comme les replis ind cis d une aurore bor ale sur le plan vaporeux de mon intelligence parlant de cuves de l il oblique de cercles concentriques pour disposer la surface m me de son texte ses personnages brillant d une lueur man e d eux m mes avant quelques pages plus loin dans le m me troisi me chant de convoquer l instant de la prise de vue en reconstruisant explicitement une chambre obscure avec la phrase r currente et mon il se collait la grille avec plus d nergie et appari tion d une lueur phosphorique pour sa fameuse sc ne du cheveu m me si Isidore Ducasse est familier de ces emprunts des manuels techniques ou scienti fiques zoologie chimie math matiques qu on a pu pour la plupart identifier la performance et l intuition sont remarquables Rien chez Mallarm non plus C est seulement chez Proust et alors elle est li e l
367. s des personnalit s sacrifi es des moi que la vie la volont l ambition le go t de la rectitude et de la coh rence touffa tua Visages qui repara tront jusqu la fin c est si dur d touffer de noyer d finitivement Visages de l enfance des peurs de l enfance dont on a perdu plus la trame et l objet que le souvenir visages qui ne croient pas que tout a t r gl par le passage l tat adulte qui craignent encore l affreux retour Hommes regardez vous dans le papier Henri Michaux Passages Gallimard 1950 Le r cit comme inconscient crire le r ve Le R ve est une seconde vie Je n ai pu percer sans fr mir ces portes d ivoire ou de corne qui nous s parent du monde invisible Les pre miers instants du sommeil sont l image de la mort un engourdissement n buleux saisit notre pens e et nous ne pouvons d terminer l instant pr cis o le moi sous une autre forme continue l uvre de l existence C est un souterrain vague qui s claire peu peu et o se d gagent de l ombre et de la nuit les p les figures gravement immobiles qui habi 170 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 171 Troisi me cercle conqu rir l intensit tent le s jour des limbes Puis le tableau se forme une clart nouvelle illumine et fait jouer ces apparitions bizarres le monde des Esprits s ouvre pour nous G rard de Nerval Aur lia suivi de Pandora LGF
368. s les mots sont adultes machine et sur notre me par cons quent Jean Jacques Rousseau Les Confessions Elle d finit tr s bien ce que va conqu rir un par un chacun des z qu on va lancer selon l ordre de leur seul surgissement mental l assaut du personnage d finir On se souvient d avoir abord plus haut le person nage avec Kolt s d une part avec Lambeaux de Charles Juliet d autre part Le texte de Claude Simon peut tre utilis dans le m me contexte d exercice d criture mais sa structure avec le il se pr te parfaitement un nou veau d pli et la r criture Tout simplement d abord en int grant pour chaque il d finissant un ge le lieu Notes sur le lieu ce qu on y voit ce qu on y accumule les objets la disposition des pi ces les trajets qu on peut y associer C est une pre mi re passe celle de mat riaux pour lesquels je demande qu on s obstine une bonne demi heure durant les collecter sans s interroger sur le lien sur l inclusion Ces mat riaux c est aussi les noms propres associ s les personnages secondaires qu on peut asso cier Ensuite j aime sur cette proposition travailler presque en direct me promenant dans les textes en cri ture essayant de faire rebondir le groupe sur ce que je d couvre chez chacun Par exemple ins rer le mot r ve cela provoque quoi r ve du personnage ou r ve pro pos de lui ou de ces lieux
369. s permet prise L autre d calage qu on affronte c est la notion m me de classique Les ins tructions de programme ont beau avoir connu r cem ment un assouplissement une ouverture jamais l cart n a t si grand entre les valeurs fixes sur lesquelles on s appuie pour la transmission et cette biblioth que res treinte mais si active que nous avons appris constituer lentement collectivement pour que cette n cessit qu on entend dans la langue soit reconduite dans le rapport aujourd hui de Penfant au monde Des livres comme Esp ces d espaces de Georges Perec Vous qui habitez le temps de Val re Novarina L Usage de la parole de Nathalie Sarraute Lambeaux de Charles Juliet et quelques autres devraient tre utilis s bien plus largement et activement par l ducation nationale d s le coll ge encore faut il en acqu rir la conviction et se doter des outils de transmission n cessaires Le refus obstin de toute structure de recherche en ce domaine malgr la d saffection aggrav e des effectifs en fac de lettres comme si nous tions l iconoclastes au mieux un genre de rebouteux au pire un genre de plombier manipula teur est videmment pr judiciable au terme de cinq ans intervenir dans des stages de formation pour des ensei gnants je ressens souvent cet cart comme un terrible g chis qui m attriste Un chemin toujours refaire notre minuscule chelle parce qu il n est pas p
370. s reprendre la r p tition de cette trange formule en son for int rieur et la magie ne s tablit pas Qu on s tende sur le visage ou la silhouette au lieu de cette stylisation en une ligne et la magie ne s tablit pas 277 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 278 Tous les mots sont adultes On demande de travailler dans cet ordre d abord la stylisation corporelle associ e cette phrase onirique qui surgira de la notation en son for int rieur puis le per sonnage spectateur d une sc ne ou situation r elle qu on puisse lui associer enfin cette captation de parole ou de pens e qu on ne cherchera pas d velopper ni entrete nir C est seulement lors de la phase de lecture qu on s interroge sur comment les trois strates s par es s arti culent reconstituent pour qui ne sait pas le m canisme originel un texte fictionnel d un seul bloc La recompo sition induit un effet tr s fort de fiction potentielle li sans doute au vide laiss par la s paration des trois approches li aussi cette mani re de faire sortir le per sonnage du r el o on l a t chercher en particulier par la force onirique que peut prendre cette notation que Kolt s dit pour chaque personnage aussi en son for int rieur L ONE Une autour de chaque il deux rides seulement deux cercles gaux parfaits En son for int rieur de l ge o il est difficile de dire si c est un g
371. s stations service pareilles des navires blanches trou es de hublots pavois es de pavillons multicolores comme une invite au c ur des terres appa reiller Pierre Bergounioux La Mort de Brune Gallimard 1996 La magie li e cet exercice c est qu il s appuie sur une convocation mentale de la m moire de ces lieux mais qu ils assignent aussit t une fermeture au texte comme sont clos et troits loin de nous ces lieux qu on voque La surprise dans les yeux des coll giens quand on leur sugg re de mettre en criture ces lieux de pra tique hebdomadaire qu on n a jamais rapport s un fait langagier l o on vient pour le judo ou la danse les vestiaires de la piscine ou l accueil la patinoire la caisse du cin ma et les tables du fast food le parking du super 246 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 247 Quatri me cercle l image la parole le temps march et comme peut en surgir avec rapidit une nou velle cartographie de la ville On peut m me sugg rer que le texte sera d autant plus fort qu il s agit d un lieu qu on a du mal se rem morer auquel c est l criture plus que la pr cision mentale qui va donner sa couleur un soir o je m entra nais Saint Ouen il y avait du verglas sur le terrain synth tique crit Giovanni en quatri me Bobigny en 1996 et Christophe dans le m me atelier d un int rieur cette fois ouv
372. s vraies villes la mani re de l Ankou breton ou bien ceux des grandes villes leur am nent ils leurs portes les morts de leur ville Et une id e trait e en trois lignes peut devenir un sch ma digne du Borges de L Immortel Rare par exemple qu un des textes n en revienne pas au vieux r ve de ville sous marine qu on mentionne alors celle dont la construction fut d cid e par Himmler dans la Baltique au pire du nazisme et dont s chappa Armand Gatti le t moignage de l hor reur ramen par un rescap homme d aventure consi d rable et voil la r flexion sur la bulle imagin e d multipli e Qui la construisit et comment d o venaient ils pourquoi la b tir et qui nous en ram ne r cit qui explique le texte en train de se faire Ou bien chez une autre cette ville o personne ne meurt on doit s y ennuyer Et on vous r pond que non parce qu on s y raconte des histoires Et quand on crit cela le texte qu on a fait devient logiquement une de ces histoires et nous m mes sommes dans cette ville d crite voil sou dain la classe initi e ces fonctionnements circulaires ou en abyme qui sont la base de la litt rature fantastique On peut aussi sugg rer que le nom choisi pour la ville et tous les noms propres employ s soient des ana grammes de ses propres nom et pr nom mani re d in duire encore mieux que l utopie d crite soit li e la singularit individuelle Les
373. se en boucle qui vide toute possibilit de le on Sur ces mythologies de notre quotidien dont on peut faire ora lement une liste pour suggestion l clatement prisma tique propos par Kafka fonctionne admirablement nous offrant une lecture soudain distanci e du monde le plus proche l invention du t l phone ou de la t l vision peuvent susciter des textes aussi puissants que l utilisa tion que fait Jules Verne de la reproduction de la voix dans Le Ch teau des Carpates Mais n importe quelle invention usuelle rapport e son roman singulier peut devenir aussi l gendaire on peut se renseigner facile ment sur la fa on dont un monsieur Bill Browerman r cemment disparu l ge de quatre vingt huit ans entra neur sportif l universit d Oregon au d but des ann es 1960 se servit du moule gaufre de son pouse pour inventer dans son garage sa semelle rebondissante et revenir au dictionnaire Grimal pour faire le lien avec la d esse grecque Nik laquelle on n a pas demand son avis pour devenir l embl me de la marque Nike Il suffit en coll ge de puiser parmi les logos coll s sur les v tements ou les couvertures de classeur pour exhiber l immanquable iconographie des chanteurs vedettes ou footballeurs c l bres On peut aussi parler de fortunes familiales particuli res propri taires de supermarch s ou constructeurs de b timents on aura d s lors un pre mier mat riau de base
374. se pas conter et sa connaissance des turpitudes humaines l aide calmer ses clients avec humour et dext rit Biblioth que nationale de France stage avec des enseignants 2000 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 UE 17 41 Page 281 CINQUI ME CERCLE VERS LE LIVRE Construire avec Marguerite Duras la fiction se cr ant partir d elle m me Marguerite Duras est une pr sence essentielle Une musique imm diatement reconnaissable qui peut insupporter par son apparence faussement na ve ses r currences une syntaxe provocante de simplicit Ce chant qu elle inaugure d s ses premiers livres et notamment Moderato Cantabile il s ancre pourtant dans une biographie d exception dans le contexte de l Asie coloniale et la travers e de la guerre dont deux livres celui de son compagnon Robert Antelme LEsp ce humaine et le sien La Douleur donnent la dimension innommable mesure qu elle avance dans son uvre son g nie est aussi de ne pas la concevoir comme simple exten sion un livre qui s ajoute aux autres livres Un d pouille ment progressif une assomption qui revisite toujours les m mes th mes en tenant compte de ce qu ils ont d j t explor s Le g nie aussi de passer au cin ma d y exp rimenter de la m me fa on et de contaminer l uvre litt raire par ce qu on apprend de l image des cin tiques du dialogue et de sa propre posture d auteur c t cam ra voir en particu
375. ser pour la litt rature Pour moi je consid re ma t che termin e si devient possible pour le participant de mar cher seul dans le travail et s orienter dans ses lectures Je n ai jamais consid r ma t che en atelier comme accom pagnement de la gestation d un livre mais cette fronti re aussi d sormais se fait plus poreuse quand si souvent on reconna t dans tel jeune auteur publi celle ou celui qu on a crois dans tel stage ou bien que d animer soi m me un atelier est ce qui vous permet de passer de l criture personnelle la route plus pre du livre Ajou tons que les lieux de pratique d criture sont de plus en plus des lieux d initiative et d v nements cr ant une nouvelle tradition de lecture publique inventive et contri buant d placer le statut m me de la litt rature po tique ou narrative dans ses usages sociaux le livre n en est plus le territoire unique mais c tait tellement r cent qu il le soit devenu Depuis quatre ans j ai men de nombreuses exp riences nouvelles notamment en lyc e professionnel ou lors de stages de formation Si jai m ri c est en m ap puyant plus r solument sur une autre description de la litt rature d apr s sa relation au r el au mental au sta tut de la voix ou de l image plut t que selon la division par genres ou par si cles qui m appara t de plus en plus pr judiciable et obsol te mais reste l organisation domi na
376. sir particulier travailler l criture avec des acteurs professionnels parce que d s la page blanche et le temps immobile et silencieux de l criture c est le corps et la voix que mentalement ils convoquent Mais les textes qui leur viennent sont aussi bien de po tique et de narration qu avec des publics non pratiquants du th tre Le myst re est ailleurs on ne peut que l approcher et tant mieux si ces deux trames dans ce livre constamment se superposent Ainsi la nouveaut formelle et le caract re d excep tion de l uvre de Bernard Marie Kolt s font que je l emploie dans tous mes cycles d ateliers et qu il n est pas r serv lui non plus au monde du th tre Mais avant de le rejoindre ces quelques propositions vou draient pratiquer une sorte de mise en abyme laisser venir l univers du th tre dans le texte mais par ses bords Installer sur le papier l univers mat riel du th tre l arch ologie des images en nous m mes des dispositifs de repr sentation et leur myst re Puis les didascalies les instructions aux acteurs Laisser le plus longtemps possible enti rement ouvert et blanc le lieu de ce qui sera le surgissement du th tre Avec l atelier construire l amont l autour et tout ce qui accueille Alors les textes qui viendront quelle que soit ensuite la proposition auront une chance de s crire dans ce th tre mental ce th tre imaginaire qui tablit leur s
377. son int rieur et non pas depuis ce qui la pr c de ou ce qui suit Va merger une mati re litt raire sans bords mais pour cela m me palpable comme bribe de mati re abrupte et tranch e ou chant e il n y a rien de mineur dans le recours pour cela aux inventaires Enfin rien de plus intime que le lieu o on dort Ce qu on va crire est donc une coupure un d collement ce qui tient de cette perception de cette m moire par tielle tient bien videmment l intensit affective du 23 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 24 Tous les mots sont adultes souvenir Mais cette intensit et la part autobiographique du souvenir sont vacu es par la contrainte la bri vet des items de l inventaire l obligation de coupe apr s cette perception dominante et subjective Ainsi c est une tra vers e de soi m me qui va conduire au souvenir mais celui qui coute ou lit le texte devra faire appel ses propres sensations pour le reconstruire sans avoir acc s l origine autobiographique et c est ce qui constitue le texte dans son fonctionnement litt raire C est la mani re d tre au monde qui compte et qui constitue l exp rience ou la perspective du texte et qu imm diatement par cette s ance on mettra en partage Mes chambres Dortoirs et chambr es Chambres amies Chambres d amis Couchages de fortune divan moquette coussins tapis chaise longue etc Mais
378. son lit de mort et un clich repr sentant sa mai son natale une fa on de sugg rer que l enfant en nous ne meurt jamais explique Viktor Mazine l inventeur du mus e On est pr t alors entrer dans la seconde salle troite et tout en longueur bai gn e dans une p nombre douce avec accompagnement discret d une musique quelque peu planante De chaque c t une vitre nou e de reflets derri re lesquels flottent des gravures des feuillets gar s des livres ouverts des statuettes gyptiennes une Bible un masque mor tuaire une chemise de nuit des photos autant d objets pars et croi s s Aucune logique sinon celle d sarmante des r ves aucune explication Au fond entre les deux vitrines nocturnes au dessus du sol fait de carreaux noirs et blancs un cran Vide Chacun peut y pro jeter ce que bon lui semble Un visiteur venait d y voir des loups cou rant dans la ta ga enneig e Jean Pierre Thibaudat Lib ration le 5 avril 2000 extraits Et ce mus e du r ve construire ici pour soi m me et d vions les regards et l attention de l objet central comme pour le r ve lui m me demandons de lui attri buer un lieu un b timent dans la ville une architecture int rieure des guides pour la visite de raconter une visite type voil une belle piste d criture Qu on suive ou pas pour ses propres r ves cette id e d un mus e o on les mettrait en vitrine L Interpr tati
379. sont que des consignes de jeu ou des apr s dire Ci dessous un extrait d Edward Bond dont on peut retenir pour crire la fa on de commencer par une apostrophe Acteurs Ne cherchez pas rendre votre personnage possible Les hommes font des choses qui devraient ne pas tre possibles Ne dites pas jamais il ne ferait cela Les hommes ne se conduisent pas de fa on pr visible Ne faites pas du personnage un seul et m me homme Malheureusement un homme est plusieurs hommes Ne vous tracassez pas lorsqu une action manque de logique Les hommes manquent de logique Demandez vous pourquoi ils manquent de logique D couvrez ce qui dans un personnage n est pas personnel D couvrez pourquoi le personnage cesse d tre lui m me Dans le monde pr sent nous ne sommes toujours pas devenus humains Certains essaient d tre humains D autres sont bouchers ou pires Remettez vous au travail lorsque vous dites jamais il ne ferait cela Peut tre n tes vous pas loin de comprendre Pourquoi tel homme aspire la libert et tel autre est un boucher Edward Bond Conseil aux acteurs in L nergie du sens Climats 1998 ditiions Climats 1998 textes r unis et pr sent s par J r me Hankins Le livre de Val re Novarina Pendant la mati re PO L 1991 est une suite continue de six cent seize fragments 263 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 264 Tous les mots sont adultes ou aphoris
380. ssant aux Carnets leur qualit princi pale de laboratoire Mais ces brefs sujets voqu s sont autant de perspectives qui s autosuffisent font r ver des r cits possibles et jamais crits m me pas par Henry James lui m me Mais quand dans ses Carnets il ana lyse lui m me les r cits une fois r alis s et en quoi leur logique ne pouvait se plier au projet en particulier tous ces r cits majeurs qui impliquent eux m mes une figure d auteur aux prises avec son uvre narrative les plus embl matiques tant La Le on du ma tre L Image dans le tapis Les Papiers de Jeffrey Aspern c est comme une mise en abyme quatre niveaux le germe r el le projet d criture la nouvelle telle qu elle a t crite enfin l analyse r trospective qui fait de ce document une exp rience unique de l imaginaire C est la notion de germe qui est tr s forte James acceptant que le point de d part soit chaque fois tr s t nu commen ant souvent ses notes par une phrase du genre N y aurait il pas par hasard quelque chose tirer de Ou bien Trame mince mais qui peut tre contient quelque chose Id es suivies de listes massives et r p t es de noms de descriptions de lieux et obsession de James d s que ce germe est trouv d en d finir et le narrateur et le prin cipe de narration avant m me de nourrir et d velopper ce germe Par exemple c est le 12 janvier 1895 qu il note ce que lui a r
381. sse pas appara tre ou Don Quichotte Gr ce une foule d histoires de brigands et de romans de chevalerie lus pendant les nuits et les veill es Sancho Pan a qui ne s en est d ailleurs jamais vant parvint si bien au cours des ann es distraire de lui son d mon auquel il donna plus tard le nom de Don Quichotte que celui ci commit sans retenue les actes les plus fous Le on bien retenue par Borges puisque c est selon cet exact 107 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 108 Tous les mots sont adultes principe de condensation initiale sur un th me dont chacun sait d avance la figure principale mais en d ca lant le point de vue de narration au Minotaure lui m me qu il construit une des plus puissantes fictions de LAleph La Demeure d Ast rion Je tente d sormais de proposer le m me exercice mais en mettant en relation les quatre variantes du Pro m th e de Kafka avec un autre livre qui apparemment n a pas de point commun avec lui et partir duquel j avais aussi cherch l aussi sans trouver de vrai point d appui b tir des s ances d criture La conjonction des deux se r v le une exploration largement ouverte et productive Il s agit du livre de Roland Barthes Mytho logies Les morceaux o il parle des catcheurs comme de la starlette de la DS 19 des photos de Paris Match du bifteck frites et du Tour de France comme du costume cravat
382. ssentiel ou sur un bouquet de quelques mots qu on aura identifi s avec le partici pant devenir comme un dictionnaire invent ou l unique fragment d un dictionnaire retrouv Et quand bien m me nous aurons choisi avec le participant pour la r sonance prise dans son texte un mot des plus com muns des plus simples Temps r el complexe temps du r cit Pierre Bergounioux L enjeu rendre compte par le r cit d un fragment continu de temps r el ne passe pas forc ment par un r cit qui mime cette dur e continue On sait que James Joyce rel ve pr cis ment ce d fi l avec Ulysse on mettra id alement vingt quatre heures pour lire minute par minute vingt quatre heures de la vie de Leopold Bloom passant en m me temps que lui 239 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 240 Tous les mots sont adultes des rognons frits du petit d jeuner aux phrases dites lors de l enterrement qu on suit une savonnette dans la poche arri re du pantalon Le temps d criture lui est bien plus large puisqu il faut sept ans de 1914 1921 pour que Joyce en s appuyant sur l odyss e de celui qui tait son h ros d enfance pr f r Ulysse construise la suite d pisodes que Bloom traversera dans sa journ e C est en partant de ce travail de synchronie dans Ulysse qu on peut amener la proposition suivante Isoler une tranche singuli re de r el soumise r p tition par des lois qui
383. ssez mais surgissement d un autre paradoxe lorsqu un v ritable crivain traverse ces situations collectives c est peut tre ce crit re de nuque raide impossibilit de se plier une consigne qu on peut le d pister et le renvoyer au 35 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 36 Tous les mots sont adultes plus t t sa d marche solitaire La citation indiscr te est videmment en hommage l auteur devenu Variation encore fe waimerais pas ma s si Dans les tr s riches ressources du petit recueil Penser classer ce texte bien connu des perecquiens De la dif ficult qu il y a imaginer une Cit id ale crit pour La Quinzaine litt raire en 1981 donc peu de temps avant sa disparition Je n aimerais pas vivre en Am rique mais parfois si Je n aimerais pas vivre la belle toile mais parfois si J aime bien vivre en France mais parfois non J aimerais bien vivre dans le grand Nord mais pas trop longtemps Je n aimerais pas vivre Issoudun mais parfois si J aurais bien aim aller sur la lune mais parfois si Je n aimerais pas vivre sur un r cif mais parfois si Je n aimerais pas vivre dans un sous marin mais parfois si Je n aimerais pas vivre avec Ursula Andress mais parfois si J aimerais vivre vieux mais parfois non J aimerais bien vivre Xanadu mais m me pas pour toujours Je n aimerais pas que nous vivions tous Zanzibar mais parfois si Ge
384. st lui m me le miroir grossissant de ce qu on va chercher faire Je lui parle de la pauvret de son univers tant en ce qui concerne la langue qu en ce concerne les moyens mis en uvre peu de per sonnages peu de p rip ties peu de probl mes abord s et cependant tout ce qui importe est dit et avec quelle vigueur quelle singularit En souriant il convient que quelque part les deux mani res doivent se rejoindre Souvent continu je je me suis demand comment il a pu se faire que vous n ayez pas t cras par la honte Il va me r pondre se ravise Comme la fois pr c dente il s immerge totalement en lui m me et alors il semble que rien en lui ne vive plus le regard incroyablement intense fixe et aveugle le visage et le corps p trifi s Charles Juliet Rencontres avec Samuel Beckett P O L 1999 184 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 185 Troisi me cercle conqu rir l intensit Variation Paul Morand visite Marcel Proust tonnants r sultats sur le m me th me partir d un texte bref myst rieux parce que c est la litt rature qui y est personnifi e via le personnage d crit Mais r sul tats qui m importent parce qu on part de ce qu on a appris crire un int rieur une ambiance un visage pour y faire r sonner des paroles qui restant s par es sauront conqu rir cette exigence de la parole dialogu e valoir pour soi m
385. style indirect pour faire coexister trois locuteurs dans la page au plus pres du lieu ou l on vent les vieulx drapeaux dont usent les painctres de Flandres quand ilz veullent bien droict ferrer les cigalles amp m esbahys bien fort comment le monde ne pont veu qu il faict si beau couver Icy voulut interpeller amp dire quelque chose le sei gneur de Humevesne dont luy dist Pantagruel Et ventre sainct Antoine t appartient il de parler sans commandement le sue icy de ahan pour entendre la procedure de vostre different amp tu me viens encore tabus ter paix de par le diable paix tu parleras ton sou quand cestuy cy aura achev Poursuyvez dist il Baisecul amp ne vous hastez point Voyant doncques dist Baisecul Fran ois Rabelais Pantagruel Claude Nourry 1532 Il n emp che que le dialogue est l exercice le plus dif ficile justement celui pour lequel il ne peut y avoir d autre pr paration que d int grer progressivement tous ces param tres comme musculaires de la langue C est peut tre m me la plus haute preuve quoi on peut mesurer quand on feuillette un livre la force d un auteur cet art de faire r sonner comme si elle valait pour soi seule n importe quelle r plique dite L exercice que je pr senterai ici a un statut particu lier parce que venu d un auteur que j ai peu fr quent Page exceptionnelle et qui peut tre tire son exception de son contenu m
386. t 1990 L enjeu c est d ob ir l arbitraire du quotidien faire coller la narration ces micro v nements d autant plus complexes qu on les examine de pr s Il suffira alors 80 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 81 Premier cercle les trajets la ville d un d calage minuscule d un appui un peu plus pro nonc du d tail pour que ce m me quotidien devienne fiction ouverte aussi bien la distance critique du monde qu aux harmonies les plus fines de l humour Attends fit Paul en arr t devant un magasin de chaussures J aime bien a dit il en d signant une paire expos e j aime bien ce genre Toi non Bob grima a devant le mod le son empeigne s ornait d une esp ce de revers d une mani re de col de part et d autre du la age qui avait l al lure d un n ud texan serr comme autour d un cou la base de la cheville Ils entr rent la vendeuse tait humble timide en blouse lavande aimable par r signation Paul plongea son pied dans le soulier qui d abord lui parut trop grand Puis trop petit quoique en m me temps toujours trop grand Test e chaque taille adjacente accentuait l un de ces d fauts sans jamais tout fait r soudre l autre Il essaya plu sieurs fois toutes les demi pointures dans les deux sens incertain de son confort sans pouvoir faire appel d autres t moins que ses propres pieds et le sentiment de la solitude nouveau
387. t pr cis dans La Chair de l homme je propose d utiliser un narrateur fixe dans un temps et un lieu assign s distance pour proc der une accumulation la plus compl te possible port e sur ce lieu et ce temps liant personnages et actions Depuis la colline je veux voir en une fois tout enti re la grande foire de Thonon Quel jour sommes nous Nous sommes le premier jeudi de septembre J ai dix ans Que voyez vous Quatorze cent soixante et onze personnes hommes femmes enfants Que font ils Qu est ce qu ils font cet instant pr cis Oui M d e la Quine te son b ret Ti non pousse une charrette Lucien Pitaque examine une corde Goutti re vise Louis Lanl sort son porte monnaie Marcelle Grab tartine des rillettes Goni enfonce un bouchon Dian Tantiet flatte une pouliche Batiste du Martinet revend deux poules Joset au R tami verse boire Val re Novarina La Chair de Phomme P O L 1994 Et ce qui s en induit Nancy pour une jeune ch meuse Jean Charles prom ne Fasco dans la cour Laurence pr pare le repas Am lie joue dans sa chambre Pascal t l phone sa m re Mick dort paisiblement Moli lit une BD de Tintin Leslie crie apr s la pauvre 154 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 31 08 05 17 41 Page 155 Hommage Val re Novarina Arween Mag essaye un pantalon Yannick r pare une fuite d eau Le petit Christophe
388. t d autant plus n cessaires qu ils r v lent cette appropriation du territoire quotidien dans des syst mes de repr sentation parfois compl tement neufs La Noue Tofo pour Tofo letti Pablo pour Pablo Neruda Le plateau ou Cit rouge les cit s de Bagnolet peuvent tre per ues par ceux qui y habitent comme autant de territoires clos que relient les num ros d une ligne de bus Mais La Noue et Pablo cit s distantes mais sur la m me ligne de bus constitueront une famille laquelle n appartient pas Tofo tout pr s de Pablo un pont sur l autoroute les s pare mais qu on rejoint par le 171 au lieu du 165 le num ro de la ligne de bus devenant lui m me un signe d appartenance plus fort que le crit re de proximit Instants privil gi s privil ge de Raymond Queneau L enjeu se saisir de l imm diat pour franchir la force du r el une porte dans l criture le rythme m me du r el et sa mati re conditionnant la po tique instanta n e du dire Que l imm diatet soit merveilleuse par exemple Queneau Il pleut un compagnon ma on passe c t de moi il est en compagnie d un autre compagnon ma on tout d un coup le compagnon ma on num ro un s crie 79 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 80 Tous les mots sont adultes merde j ai oubli ma veste au restaurant et il court sous la pluie chercher sa veste au restaurant sous la pluie comme quoi un compagno
389. t le texte Rh torique crit en 1929 et publi seulement en 1942 avec Le Parti pris des choses c est cette volont d lib r e de Ponge qu on peut souli gner Les paroles sont toutes faites et s expriment elles ne m expriment point C est alors qu enseigner l art de r sister aux paroles devient utile l art de ne dire que ce qu on veut dire l art de les violenter et de les soumettre Donnez tout au moins la parole la minorit de vous m mes Soyez po tes Francis Ponge Rh torique in Pro mes Gallimard 1948 Compte donc moins le po me lui m me que de pou voir crire comme main double l objet et la d marche qui nous y conduit les obstacles par quoi il nous r siste Le po me videmment Mais au contraire l eau qui rend glissant et communique sa qualit de fluide tout ce qu elle peut enti rement enrober arrive parfois s duire ces formes et les entra ner Car le galet se souvient qu il naquit par l effort de ce monstre informe sur le monstre galement informe de la pierre Et comme sa personne encore ne peut tre ache v e qu plusieurs reprises par l application du liquide elle lui reste jamais par d finition docile Terne au sol comme le jour est terne par rapport la nuit l instant m me o l onde le reprend elle lui donne luire Et quoiqu elle n agisse pas en profondeur et ne p n tre qu peine le tr s fin et tr s serr
390. ta blir comme une donn e permanente et majeure de la lit t rature qui suit jusqu nous C est un exercice d criture qui a totalement sa place dans un cycle parce qu il rend non able la relation du mental son expression hors de toute tentative de repr sentation ou m me d articulation d une forme nar rative C est un exercice tout terrain parce qu il est au plus pr s d o surgit le langage comme n cessaire l o l affect est le plus grand Je l ai propos des enfants d cole primaire des coll giens et lyc ens je le pro pose r guli rement des adultes en y d couvrant 166 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 167 Troisi me cercle conqu rir l intensit chaque fois moi m me des potentialit s neuves Mais c est plus qu un exercice d criture c est rejoindre un terrain central de exp rience neuve de la langue qui s est impos elle lentement mais qui de Henri Michaux et Maurice Blanchot Edmond Jab s ou Charles Juliet est un invariant de l engagement d cri ture aujourd hui C est pourquoi les quelques livres lais s s par Danielle Collobert avant son suicide en 1978 sont un pivot central de notre criture contemporaine dommage qu on soit si peu le savoir apr s tout Une saison en enfer et Les Chants de Maldoror ont eu aussi leurs d cennies de placard voix silence souterrain profondeurs calmes rompre surgir enco
391. tant toutes bribes de parole entendue Dehors il y a des bancs vides On entend les voix des personnes Il y a des personnes qui font de l EPS Il y a des v los et des brelles dans le parking v los On a rencontr une fille qui s appelle Davina Les l ves font de l anglais Il y a une dame qui passe en toute vitesse On a vu des l ves travailler en perme les toilettes sont vertes La pionne fume sa cigarette et l autre travaille et une autre boit son caf Sur le mur il y a des chevalle Au CDI les l ves lisent des livres il y a des affiches sur les murs Dans le hall il y a des casiers il y a des l ves qui vont en r union tous les l ves sont excit s de sortir en r cr ation La pionne est la sortie pour les cartes Nicolas se bagarre pour jouer Graziella se r chauffe car elle a froid Centre dramatique r gional de Tours avec une classe SEGPA du coll ge Andr Bauchant de Ch teau Renault 1996 148 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 149 Hommage Val re Novarina Extincteur 62 Un gars une fille dans les couloirs Un surveillant qui pense que le lyc e est d truire Une porte qui claque Un avion qui passe Femme de m nage serviette en main se prom ne dans la cour Passage de Colombo dans la cour Un petit fait le malin Alarme incendie appuyer ici La cigarette est interdite Dans l int r t de tous Plan d vacuation Un corbeau Un homme chevelure blanche se prom ne da
392. taux de la perception visuelle d s la gen se de notre criture Tenter que ce qu on repr sente la photographie conditionne le texte jusque dans ses ponctuations ici le refus de certaines majuscules son grain la r p tition ceux qui jouent jouent le rapport entre instant et dur e r p t entre constat et supposition ce qu on peut d duire Prose de la photographie La photographie repr sente une cour d cole platanes et marron niers C est l automne quelques bogues de marrons sont terre Le photographe de la photographie a saisi des enfants en tabliers noirs certains jouent D autres regardent car ceux qui jouent jouent aux barres Je suis sur la photographie ma position marqu e d une croix Je viens juste de me mettre courir partir de mon camp c est ce qu on 206 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 207 Quatri me cercle l image la parole le temps peut d duire de ma position si on a une connaissance m me som maire du jeu de barres Jacques Roubaud Autobiographie chapitre dix Gallimard 1977 Mais on va s appuyer aussi sur l objet repr sent par le texte la photographie assemblage de pigments selon une largeur de grain pr cise pour explorer une compo sante importante de la langue crire sans ponctuation pour se contraindre mieux cette tension de surface des mots dont le rythme et la texture s organiseront sans aut
393. te Ce bruit terrible et violent du monde lorsqu il se manifeste celle qui crit sa chronique passe ici par le visage d un enfant ailleurs par une banderole sur la silhouette monochrome d une usine La force alors de ce livre c est de nous offrir ce contingent j ai affaire des tudiants qui n taient pas n s lors des v nements de Pologne par cette relation l individuel et l intime qui portent au pr sent notre lien l histoire puisqu elle continue de reproduire comme para t chaque jour le m me journal o elle crivait la fois violence et famine des Jeux et des gr ves Suite de la chronique 5 Ce matin il y a aussi un grand cargo blanc La faim encore une fois s est abattue sur l Afrique cette fois sur Ouganda La t l vision a montr des Images de l Ouganda La t l vision montre toujours tr s fid lement les images de la faim Des quipes partent et vont la photographier de cette fa on nous la voyons agir Je pense que c est mieux de voir que d entendre dire Ainsi nous regardons l Ouganda nous nous regardons dans l Ouganda nous nous regardons dans la faim Marguerite Duras L t 80 Minuit 1980 284 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 285 Cinqui me cercle vers le livre S il n y avait pas ce grand cargo blanc ni la majus cule la premi re occurrence du mot Image il ne pourrait y avoir d inscription du narrateur via son poste de
394. te il s agit d impressions fugitives dans la r p tition via l emploi du vers libre Impresses le mart lement de la pluie sur les carreaux le va et vient assommant des voitures les lumi res chan geantes du jour clairage artificiel des nuits urbaines Avant le livre de Bozier je l avais essay avec des portes mais tr s na vement l image de la porte pourtant tr s charg e en litt rature fantastique voir La Porte dans le mur de H G Wells ou la porte apparaissante disparais sante dans Le Golem de Meyrink est d abord une porte qu on retrouve de l ext rieur pour aller vers l int rieur Ce qui me fascine depuis lors dans cet exercice au point de l avoir choisi parfois comme d but de cycle c est de convoquer la technique de l inventaire mais d y chapper aussit t Et c est l effacement du narrateur on peut demander aux participants s ils envisagent plut t une fen tre ouverte ou une fen tre ferm e a a l air de bana lit s mais ces questions sont pr cis ment celles qui conditionnent le texte La vitre et le cadre ont une double fonction ils font qu on a affaire au monde d j devenu surface et image Mais aussi que le narrateur front contre la vitre n appartient pas son texte On construit de l criture ou bient t on pourra lui m me le faire entrer mais on vite un blocage consid rable Fen tre sur cour Il y a toujours dans les villes des
395. ter Handke Outrage au public et autres pi ces parl es traduit de l allemand par Jean Sigrid L Arche 1968 259 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 260 Tous les mots sont adultes Didascalies de l impossible Les acteurs sont tous pass s par ce cauchemar d tre sur les planches et de ne pas savoir son texte Les met teurs en sc ne ont leur part de mauvais r ve aussi qui les m ne des situations impossibles Olivier Py produit des mises en sc ne tonnantes o il s implique lui m me faites de mouvements d images excessives et puissantes proc dant exactement de ce genre de didas calies au point que la mise en images et en espace de ses pi ces avec sc nographie d placements d acteurs et lumi res pr c de m me l criture du texte Je ne sais pas la part de ces r ves de metteur en sc ne dans cette id e d crire la liste des didascalies de ce qui paradoxe per sonnel ne pourrait tre mont au th tre et d en faire encore texte de th tre J aurais pu crire quelques didascalies d lirantes un cadavre de jeune fille se d compose vue d il un homme se noie en chantant une vieille chanson lamour na t entre deux tres qui se voient pour la pre mi re fois un troupeau de chim res pi tine un de mes meilleurs po mes en pleine temp te un jeune homme aiguis d espoir aux portes de la grande ville l insatiable inqui tude d un danseur profes sionnel
396. ternat et tant d autres Je ne sais o se sont bris s les fils qui me rattachent mon enfance Comme tout le monde j ai tout oubli de mes premi res ann es d existence Mon enfance fait partie de ces choses dont je ne sais pas grand chose Elle est derri re moi pourtant elle est le sol sur lequel j ai grandi elle m a appartenu quelle que soit ma t nacit affirmer qu elle ne m ap partient plus 47 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 48 Tous les mots sont adultes Ce qui caract rise cette poque c est avant tout son absence de rep res les souvenirs sont des morceaux de vie arrach s au vide Nulle amarre Rien ne les ancre rien ne les fixe Presque rien ne les ent rine Nulle chronologie sinon celle que j ai au fil du temps arbi trairement reconstitu e du temps passait Il y avait des saisons Georges Perec W ou le souvenir d enfance Deno l 1975 On peut aussi proposer d employer la troisi me per sonne pour renforcer l enjeu des sc nes rapport es et souligner cette s paration Et demander comme le fait Perec de les rapporter au pr sent non pas soi m me aujourd hui rapportant le souvenir mais lier la sc ne rapport e l tre subjectif qui la traverse et avec lequel nous avons coup Georges Perec ins re dans son livre un passage magnifique qui est un inventaire de tout ce qui se pas sait de par le monde le jour de sa naissance il dit ce qui s tait
397. tidienne suppo s e du personnage L one descendant d avion Horn traversant son chantier un soir d orage fantasmes de Horn sur l ensevelissement d un ouvrier noir cras par un camion Images li es au personnage mais prises au monde r el le personnage l comme spectateur ind pendamment de toute repr sentation sc nique et sans d pendance temporelle la sc ne L ONE son arriv e en descendant de l avion apercevant le ciel sans soleil et sans nuages un vol tournoyant d aigles apercevant sur une rivi re un groupe d perviers noirs pench s sur un corps gonfl ob se 275 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 276 Tous les mots sont adultes d j blanc de d composition qui flotte doucement touffant un petit cri une main sur la bouche Quel petit grain de sable on est ouh Bernard Marie Kolt s Combat de n gre et de chiens Minuit 1989 Point trois maintenant qu on a le visage le for int rieur et la mise en situation r elle il s agit de savoir com ment le personnage parle Alors la troisi me strate consiste crire pour chacun une bribe relevant du monologue mais non pas du monologue de th tre qu on tudiera ci apr s seulement d un soliloque sur des id es convenues Juste une captation de ce que pense le personnage de telle chose qui va du r ve de la maison de campagne aux lieux communs sur l Afrique L encore rien de ces brefs s
398. tils ici pertinente associant dans une m me page des locuteurs qui parfois n auront pas d autre occurrence ni apparition dans le livre les quatorze volumes du Livre des questions puis les cinq volumes du Livre des ressemblances sont un mou vement qui se r g n re de lui m me pour approcher toujours plus pr s de l nigme qu il d signe c est ce mouvement o l clatement des formes est sans cesse orient e par le but troit et inaccessible qu on essayera de faire partager En se concentrant sur l image int rieure que nous avons d un visage on va d multiplier la prise de notes dans l espace et les ges du temps bribes de dialogue fragments descriptifs interrogation sur la parole m me qui tente de dire ce visage Et c est l clatement du texte qui reconstituera comme l exp rience en relief du visage nigme Il disait Le visage d un enfant n tant pas encore sculpt par le lan gage est visage hors du temps Le temps du visage est le temps de ses rides Il disait aussi Le premier visage est tendre appel aux visages qu il pr figure le dernier la somme de tous nos visages fl tris Edmond Jab s Le Livre des ressemblances Gallimard 1978 Choisir un visage parler de son visage Il n y a rien dire puisqu un nez est un nez c est comme la bouche entre les deux oreilles Mais il suffit de noter mesure 190 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336
399. tions Publications de la Vogue Paris 1886 Variation retour Apollinaire On introduit une dimension fondamentale le narra teur On lui demande d tre fixe mais que celui ou celle qui crit puisse s abstraire de lui ou d elle m me pour que le narrateur comme corps et esprit r fl chissant et percevant sentant touchant voyant soit figur immo bile dans son texte Chaque phrase commencera par ce tu par quoi le narrateur en s interpellant lui m me s inscrit dans son propre texte Il n y aura pas de liaison exprim e d un paragraphe l autre et le pliage d une grande feuille de format A3 en neuf cases gales sera une nouvelle fois une bonne aide Je propose simplement de se concentrer sur la liste des lieux ext rieurs du quotidien qui sont pour chacun les plus importants et sensibles Et trouver pour chacun de ces lieux sans aucune explication biographique sans qu on sache rien de ce narrateur que ce qu il voie des vues immobiles du dedans vers le dehors qu il y ait un cadre une fen tre une visi re de casque la ligne d un arr t de bus la porte de sortie d un magasin et tou jours un peu de ciel Faire que la nettet de la phrase corresponde la nettet mentale de ce qu on peut convoquer l int rieur de soi m me parce que le quo tidien en induit la r p tition si fr quente Je propose comme illustration des reproductions d Edward Hop per un carrefou
400. tique des bars une librairie un distributeur du Cr dit Agricole il est vrai que j y prends parfois de l argent et on devrait penser Bal zac toutes les fois que l on prend de l argent Non je pense lui en traversant du sud au nord direction Bourges o un sens obligatoire vous d vie dans des faubourgs endoloris grosses maisons de notaires avec glycines volets peu ouverts tilleuls personne Pierre Michon Trois auteurs Verdier 1997 Autant de textes o l important c est que la narration s tablisse depuis une perception en mouvement une perception cin tique du r el et que le texte s tablisse depuis ce que met jour ce changement dans la percep tion et non pas notre point de vue fixe ext rieur global Non je n oublie pas que ce livre se pr tend une m thode pour l atelier d criture Ma m thode pour cette proposition je rassemble sur une feuille A4 pho tocopi e pour les participants six extraits de six approches formelles diff rentes de Perec pour sa rue Vilin Je ne les donne pas ici allez les chercher Je demande aux participants de se concentrer sur une rue ainsi convoqu e mentalement ou le trajet immeuble bus si la notion de rue est vinc e de leur habitat et de s appuyer sur les six variations pour qu une seule rue devienne six fragments d criture Qu on voie le m me r el mais partir de six modes diff rents de le repr senter C est un t
401. tout ce que les gens me disent et je retiens les bonnes choses Moi toute seule j aime pas les gens qui se vantent Paris th tre de la Colline avec une classe de CAP m nage et hygi ne des locaux du lyc e professionnel Edmond Rostand 1999 Variation 2 Avec Khalil Gibran Pour parler de l exp rience humaine partir de lex p rience de la ville on se saisit d un th me tr s simple mais avec pour consigne de reprendre la d finition de ce th me depuis l origine comme pour viter l inter locuteur tout effort de raison ou de sens et l amener la plus haute complexit que nous ressentons sur telle figure essentielle Un homme revient dans sa ville apr s une longue absence des exp riences que lui seul a faites et son savoir il va le transmettre chacun selon sa propre part concr te de l exp rience du monde 133 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 134 Deuxi me cercle l identit reconstruire En t tes de quelques chapitres du Proph te de Khalil Gibran Alors un homme riche dit Parlez nous du don Alors un laboureur dit Parlez nous du travail Et il r pondit disant Alors une femme dit Parlez nous de la joie et de la tristesse Alors un ma on s avan a et dit Parlez nous de maisons Alors un des juges de la cit s avan a et dit Parlez nous de crime et de ch timent Et un homme dit Parlez nous de la connaissance de soi m me Et un po te d
402. tres fois une lumi re ou encore la dis 22 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 23 Ouverture hommage Georges Perec position des lieux ou une conversation qu on y a eue ou bien seulement qu on ne sait plus o c tait qu un d tail revient sans qu on puisse le faire correspondre autre chose Ce n est pas un fait neutre que de partir du sommeil qui est cessation de conscience Insister sur la filiation revendiqu e de Proust par exemple ce titre de Perec Un homme qui dort reprenant la c l bre phrase de la recherche du temps perdu Un homme qui dort tient autour de lui le fil des heures l ordre des ann es et des mondes Il les consulte d embl e en s veillant et y lit en une seconde le point de la terre qu il occupe le temps qui s est coul jusqu son r veil pour d crire com ment tait telle chambre un soir Saint Ch ly d Ap cher comme Proust d crit chaque virage de la Recherche une chambre diff rente de Combray Bal bec ou Ronci res ou Versailles pour contraindre l cri ture partir d o la conscience se dissout et comment il fait tenir sur la r currence de ce seul instant o on s en dort ou on se r veille la nappe de temps tout enti re li e ce moment L enjeu ici est pourtant le coup port aux rh toriques en faisant surgir une phrase qui ne tire sa l gitimit que d elle m me construit son appui depuis
403. tribuait la biblioth que scolaire du lyc e L autre enjeu c est de faire percevoir comment le r cit continu s appuie sur des perceptions diff renci es d un narrateur dont la position d observation a t d plac e d un instant l autre du r cit par le r el qu il d crit et qui l englobe On peut donner quelques exemples de cette m canique de la langue en compa rant par exemple la patache de Un d but dans la vie de Balzac au bateau qui emm ne Fr d ric Moreau dans L ducation sentimentale de Flaubert Amplification de cet enjeu pour la prose d aujourd hui irruption de la voiture automobile chez Proust sur le m me trajet qu on faisait en cal che les trois clochers et son article dans Le Figaro motif d cisif dans la gen se de la Recherche Exemple novateur de Giraudoux dont les d buts de roman convoquent syst matiquement des figures en d placement auto bateau train sauf Bella figures immobiles sur la terrasse mais c est une mise en mouvement globale de la plan te qui en d coule Un itin raire connu pour chaque m tre et chaque d tail mais y revenir par la m moire oblige trouver les variations de saisons de lumi res et ce que le mental 58 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 59 Premier cercle les trajets la ville trouve chaque pas du trajet Surtout se concentrer sur ce caract re connu c est une surface tout enti re qui vient
404. ts pr sent s au terme de l exercice Pun soit invent Mais que la condition pos e la micro scopique fiction en cinq lignes soit qu aucun dans le groupe ne puisse d terminer avec certitude des sept fragments lequel tient la seule fiction Mani re d in terroger sur une des lois les plus fortes du fantastique son ancrage dans le r el le plus ordinaire pour en tirer sa cr dibilit et renforcer son effet d tranget par sa cr dibilit m me Travail en groupe on lit les fragments jour par jour chaque participant lisant seulement ce qu il a crit pour ce jour et on recommence pour sept tours Gros effet de lecture collective garanti pour donner confiance dans la lecture voix haute Faire circuler le plus vite possible sans jamais d interruption Attirer l attention sur ce qui ne manque pas de ressortir de toute une po tique de la contemporan it bus t l phones et r pondeurs t l vi sions voitures etc dont les barri res pr tablies se vola tilisent souvent de fa on stup fiante dans cet exercice L wy me parle d un de ses amis qui est mari qui vivant Postin petite ville pr s de Varsovie se sent isol dans son int r t pour les id es pro gressistes et par suite malheureux Postin c est une grande ville Grande comme a Et il me tend la paume de sa main Elle est couverte d un gant jaun tre et rugueux et elle figure un d sert 22 novembre 1911 Ce matin de b
405. ttaque s rieuse encha ne avec la provocation la plus gratuite juste alors en privil giant l accumulation l analogie l assonance Et pourtant loin des rimes tellement r guli res du rap qui se revendique de la m me fonction de la m me cathar sis Et si dans ce qui fait qu un texte est d clencheur tout tenait ce que le titre que donne Paul Valet ce po me est Et je dis non plut t que seulement e dis non noter aussi la contrainte d crire en bloc quitte utiliser les 128 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 129 Deuxi me cercle l identit reconstruire majuscules pour rythmer visuellement l int rieur du bloc Je dis NON aux miasmes et marasmes et tout ce qui rampe et glisse et se d compose Je dis NON aux paroles en beurre avec tous les hon neurs prix des prix m dailles promotions nomenclatures carri res diverses et de sable Je dis NON aux nargues et venargues et subardes l air conditionn Je dis NON aux cabotons pieds de biche archi voltes croupions et portails jarretelles et jarreti res et collants int graux Et je dis NON au gros au d tail aux tarifs aux clients au d bit au cr dit aux factures et l escompte Je dis NON aux affaires fruc tueuses au lugubre la lie Pas d argent pas de sang Je dis NON tout ce qui se d robe clandestinement la folie naturelle Je dis NON la suite l axonge et la panne et la glu et le
406. u qu il ait le m me imperm able ou le m me chapeau je sens pourtant un certain malaise jusqu ce que passant mon tour dans le reflet de la glace je fasse un peu g n la rectification Mon visage est un peu plus loin reperdu J ai cess depuis vingt ans de me tenir sous mes traits Je n habite plus ces lieux C est pourquoi je regarde facilement un visage comme si c tait le mien Je l adopte Je m y repose Henri Michaux Passages Gallimard 1950 Le peintre Francis Bacon central ici on pourra l ap procher par ses entretiens L Art de l impossible Skira 1976 mais aussi par Gilles Deleuze dans Logique de la sensation le visage a perdu sa forme en subissant les op rations de nettoyage et de brossage qui le d sorgani sent et font surgir sa place une t te Ne pas appuyer donc la proposition sur un seul texte mais d embl e voquer comment cette th matique traverse de fa on mineure mais centrale la quasi totalit des grandes uvres contemporaines permet de situer avec pr cision 189 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 190 Tous les mots sont adultes l attente du texte non pas l enfermer dans une forme fixe mais faire converger pour soi m me vers un centre absent des figures clat es Privil gier le frag ment comme on tiendrait un journal par une suite de notes et r flexions C est l uvre d Edmond Jab s qui peut nous proposer la gamme d ou
407. u xx si cle Gallimard Po sie 1983 187 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 188 Tous les mots sont adultes Visages d criture criture du visage Un homme se fixe la t che de dessiner le monde Tout au long de l an n e il peuple l espace d images de provinces de royaumes de mon tagnes de golfes de vaisseaux de royaumes de montagnes de golfes de vaisseaux de maisons d instruments d astres de chevaux et de per sonnes Peu avant de mourir il d couvre que ce patient labyrinthe de lignes trace l image de son visage Jorge Luis Borges L Auteur traduction de Paul B nichou in uvres compl tes t Il Gallimard Biblioth que de la Pl iade 1999 La reconnaissance des visages est un ph nom ne de tr s grande complexit qui se forme peu chez l enfant pr c dant cependant la lecture la d composition arbi traire et simplifi e des portrait robots comporte au moins quatorze mille combinaisons Et les typologies pour le visage sont aussi sommaires que l induit lex pression comme un nez dans une figure Pourtant c est par l que nous percevons et voyons par l que nous par lons et nous faisons reconna tre en crire sera forc ment crire ce passage vers l autre ce don l autre et comment Mais l criture qui s approcherait trop de son sujet s y br lerait et y dispara trait il faut trouver le biais pour tenir le texte dist
408. ucoup de gens dans l avenue all es et venues avenue Jean Jaur s Est ce l que j en suis venue Un jour advient on quitte le pavillon Pavillons sous bois sans bois ni sous bois sans le sous bois dessus bois dessous c tait pas une vie Pavillons sous bois Et de chenille je deviens papillon Je m envole Pari capital Paris capi tale Rue Valette plus une fillette a valait le coup oui l tait rudement bien le deux pi ces rue Valette Valait le coup de prendre valise et poudre d escampette Rue Valette que je d vale vaillante guillerette Mais j allais d couvrir Lhomond rue dont je me suis fait un monde tout un monde mon rue Lhomond non pas grand monde tourne en rond tourne en monde en Lhomond tourne pas rond Approcher l homme l on me l a dit c est long c est long rue Lhomond Home sweet Lhomond Suite des faux logis de cette chronologie Rentr e en gr ce rue Gracieuse dix disgracieuse alors Non pas dit Pas grasse non plus la rue seulement les matin es heureuses heures creuses Je m y rue Ma rue au nom sans rudesse ma rue en gras son nom en ita lique Ecole normale sup rieure rue d Ulm 2005 extrait 153 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 154 Tous les mots sont adultes La Chair de l homme instant fixe vue d multipli e partir de la reconstitution immobile que fait Val re Novarina de la ville de Thonon les Bains un instan
409. ues Moi toute seule Qui a envie de repartir d o je viens Moi toute seule Qui en a marre de tout Moi toute seule Qui a toujours les cheveux attach s Moi toute seule Qui suis dans une classe de seconde g niale Moi toute seule Je suis seule Paris th tre de la Colline avec une classe de seconde g n rale du lyc e Alfred Nobel de Clichy sous Bois 1999 Moi m me dans ma chambre seule avec le papier peint rose et les pal miers Moi m me avec mon jean bleu ma chemise carreaux et mon pull bleu Moi m me avec mes parents dans l album photo Moi m me avec le visage sous un bonnet en hiver dans la neige Moi m me les yeux ouverts les yeux ferm s les yeux ouverts les yeux ferm s enfin je dors Moi m me noire comme de l b ne Moi m me avec mon manteau noir mes chaussures noires Moi m me sur mon fauteuil marron devant la t l Moi m me parlant des Kabyles des Alg riens des Ha tiens des Pakis tanais Moi m me l h pital en radiologie Moi m me la cantine avec une bouffe vraiment d gueulasse Moi m me ayant l eau la bouche Moi m me devant un drame Moi m me devant ma m re Moi m me devant un spectacle extr mement horrible Paris th tre de la Colline avec une classe de seconde g n rale du lyc e Alfred Nobel de Clichy sous Bois 1999 Moi toute seule j aime fumer des Marlboro Moi toute seule j en ai marre de la vie Moi toute seule je suis d prim e Moi toute seule j aime 132
410. ui ne sont pas n cessaires l auteur dans sa relation ce qu il d crit puisqu il en dispose d j de la repr sentation mentale mais qu il lui faut installer dans le r cit pour sa compr hension Et g nie de Duras en tout cas ce que je souhaite faire passer dans cet exercice que ces l ments informatifs ne sont pas vidents qu il ne s agit pas d une convention de langage mais bien d une curiosit qui implique distance au monde distance ce qu on nomme par l interrogation mat rielle de ce qu on nomme La s quence sur le nom du village c est deux alin as blanc avant blanc apr s en trois phrases dont une d un seul mot ce nom avec r p tition du c est se souvenir du magnifique titre de Beckett Comment c est Une tautologie bien s r mais le nom du village et le 291 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 292 Tous les mots sont adultes droit qu on a de l installer du r cit passant par l l ment mat riel qui le prouve hors de l auteur le panonceau toi lecteur a se passe dans un village tr s pr s de Deauville quelques kilo m tres de la mer Ce village s appelle Vauville Le d partement c est le Calvados Vauville C est l C est le mot sur le panonceau Marguerite Duras Ecrire Gallimard 1993 Trois images fixes ou cin tiques de lieux Ce qu on a explor avec L Amour une construction des images des sons u
411. ui que la langue qui l a produit D o la force de cet exercice on va se trouver brutale ment jet dans une fiction toute pr te potentielle avec des personnages dot s de physique de contexte et de parole et dont pourtant nous ne savons rien loign s qu ils sont de la source r elle par laquelle nous les avons rejoints On demande de se concentrer sur deux ou mieux trois personnages et de r p ter pour chacun la grille de Kolt s en n crivant pas les trois tapes pour un per sonnage avant de passer un autre mais bien d crire le point un pour trois personnages puis le point deux pour les trois m mes personnages enfin le point trois Au moment de la lecture on choisira de rassembler les trois points pour chaque personnage lu s par ment ou de laisser le texte dans son ordre de premi re criture Je demande de partir simplement de la simple moti vation qu on peut avoir s expliquer avec tel person nage source bien r el m me s il n appartient pas notre cercle proche et de respecter ces trois strates distinctes de notations C est un exercice qui permet d approcher de tr s pr s les ambiances et les formes de Kolt s Pourtant il ne s agit pas de mimer le style Ce qui me surprend encore le pratiquer c est son c t funambule respecter l ordre et les tapes l effet fictionnel est tel qu on serait pr t s y lancer Qu on veuille simplifier par exemple ne pa
412. uire Les yeux de l esprit sont tourn s au dedans il faut s efforcer de rendre avec la plus grande fid lit possible le mod le int rieur Un seul trait ajout pour briller ou pour ne pas trop briller pour ob ir un vain d sir d tonner ou l enfantine volont de rester classique suffit compromettre le succ s de l exp rience et la d couverte d une loi On n a pas trop de toutes ses forces de soumission au r el pour 208 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 209 Quatri me cercle l image la parole le temps arriver faire passer l impression la plus simple en apparence du monde de l invisible dans celui si diff rent du concret o l ineffable se r sout en claires formules Marcel Proust r ponse une Enqu te sur le renouvellement du style La Renaissance litt raire politique artistique 1922 En exemple de ce bouleversement potentiel de toutes les cat gories d action mentale du r cit par la circulation autonome des images je propose un texte extrait de His toire de Claude Simon livre en g n ral m connu d un auteur fondamental de notre modernit o cette explo ration des images trait es pour telles devient mati re m me du livre dans sa brutalit et ses brillances gr ce justement cette mani re de d faire la prose en de de toute ponctuation autre que la coupe du paragraphe et sept heures du matin le ciel blanc la mer
413. ur Minuit 1970 Quant aux salles de cin ma qu on porte en soi si chaque description qu on en fait entreprendre garde un peu en elle de la magie du spectacle capable d enfermer en miroir dans l criture de la repr sentation un peu de 253 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 254 Tous les mots sont adultes la repr sentation elle m me c est ce texte ci dict lors d une s ance en illettrisme par Yamina A la Boutique d criture de Montpellier La Paillade en 1995 qui m en reste comme le plus bel embl me Tel Hag c tait un petit village Le cin ma n avait pas de chaises fallait amener le tabouret la chaise pliante Les gens un peu g s se faisaient porter leurs chaises Et mon fr re y allait il emportait les chaises pour les gens trois chaises sur lui J avais peut tre trois ou quatre ans Mon fr re quand il revenait il vidait ses poches il avait plein de sous Il disait Regarde j ai travaill ce soir l tait jeune aussi huit neuf ans Sidi j avais peut tre aussi neuf ans Le cin ma j y suis all plusieurs fois La premi re fois avec l cran au mur on rentrait dans la pi ce et on revoyait Ils avaient film un mariage et j tais dedans Mais qu est ce que je fais Pourquoi je suis l dedans Je suis l Je ne savais pas On ne m avait pas expliqu au d but ce mariage on avait distribu des g teaux tout le monde Et moi
414. ur son texte renvoyant donc lui m me pour installer la relation celle qui est maintenant sa m re dans une relation videmment tout aussi complexe et profonde que la premi re partie d au tant que le narrateur traverse chaque instant la catas trophe extr me celle qu a inscrite la fin de la premi re partie pour se constituer dans cette relation Qu on mette en avant que l criture pour un auteur d aujourd hui puisse servir affronter porter surmon ter une d chirure aussi irr vocable je l assume avec les participants Je ne leur demande pas et j y insiste d al ler dans ces zones En revanche l outil formel qu on va manier par le pronom par la situation narrative il est sur ce fond de gravit Nous ne sommes pas dans les jeux d criture La langue pour d aucuns a cette n ces sit cette urgence vitale dans l appel C est cela aussi qui justifie l atelier et ma pr sence parmi eux En opposant visuellement les deux r cits je montre les deux parties sym triques du livre je montre aussi les deux dates tout la fin 1983 1995 douze ans pour cent soixante pages je leur permets de s ancrer dans le dis positif technique de la premi re partie et de laisser 124 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 125 Deuxi me cercle l identit reconstruire Charles Juliet la gravit de ce qu il nous fait traverser eux je les en d charge On s
415. ur commente la photo Dans l entr e gauche cinq placards plafond lambriss la porte d en tr e tant compos e de nombreux vitrages la lumi re palpite dans l en tr e l agencement de l entr e rend la villa originale chaleureuse Philippe Minyana Habitations Pi ces Editions th trales 2001 O le dispositif graphique qui relie la photographie l acteur qui la dit permet une autre variation pour lexer cice le commentaire du narrateur qui peut tre com pl tement d cal de la r alit passer onirique au fantasme 214 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 215 Quatri me cercle l image la parole le temps Ponge la langue des choses Au centre de l image de la parole du temps l objet muet la r alit opaque du monde En d pliant et en ins tallant sa tension propre dans l espace de la repr senta tion c est un peu de l nigme du monde au del du langage qu on cherche capter d o l importance de Francis Ponge Le statut des choses dans la description romanesque est une marche constante un permanent d placement de la fronti re entre la litt rature et l tat brut du monde c est cette fronti re qu on peut explorer en prenant l ob jet m me comme but et lieu de l criture En travaillant sur cette fronti re et en proposant l criture de s im merger dans l objet c est sur le statut du sujet dans la langue qu on travaille
416. ur construire cet cart il faut accepter que ce qui semble vident ne le soit pas En m appuyant sur ces livres de Camille Laurens voici un outil formidable demander chacun de poser devant soi le texte crit la s ance pr c dente ou bien qui vient juste d tre crit et s interroger sur les mots C est un exercice que font les acteurs pour s appro prier un texte et que j utilise souvent dans le moment de lecture haute voix d un atelier ne lire que les quelques mots pivots les mots charni res Et quel que 238 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 EE 17 41 Page 239 Quatri me cercle l image la parole le temps soit le texte qu on ne me fasse pas croire qu ils seront plus nombreux que les doigts de la main Ensuite m me exercice mais avec les bribes essentielles de phrases qu elles entourent et incluent ces mots ou en soient ind pendantes Alors seulement on relira le texte en entier et plus rien ne sera pareil dans les rythmes les inflexions l architecture qu on aura soi m me per ue de son propre travail Ainsi ces quelques mots nous allons prendre le temps de les ouvrir d en s parer les strates d en aper cevoir les sous sols Comme s il s agissait de r diger un lexique ou comme on a besoin si on lit un texte venu d une couche tr s ancienne de civilisation Gilgamesh ou Ossian de disposer de notes Mais ce lexique doit valoir en lui m me et sur un mot e
417. ur familiale Lorsqu il veut d velopper la photo il constate que la pellicule mal enclench e est rest e enroul e la pr paration et le geste de la photo graphie ont remplac l image qui n existera pas Chez Guibert soixante quatre chapitres qui corres pondent chacun non comme chez Barthes une d fini tion du r le ou du statut de la photographie mais l inventaire mat riel de l image Photos d identit photo matons comme le peintre Bacon ou le po te Queneau les pratiquaient aussi radiographies m dicales planches contact album ou carton de photos le Polaro d la retouche la s quence l autoportrait la photo souvenir l clatement propos par Herv Guibert n est pas un simple inventaire et jamais un jeu formel Il est ce prisme par quoi l image nous apprend nous m mes et notre corps Mais c est la dispersion et le prisme qui les d bus quent parce qu on convoque les formes mat rielles diff rentes de l image qu on pousse bout cet inventaire pour soi m me et qu on t che chaque fois de savoir quelle photographie pr cise cela correspond dans ce qu on en garde au dedans et ce qu on en a appris il y a encore dans la table des chapitres l image amoureuse l image ro tique l image pornographique l image parfaite les diapos l appareil ou le fait divers lexercice barbare L trange avec ce livre c est la fa on dont il agit sim plement en d
418. us de la terre Il reste des heures en face de son armoire Sur l armoire il y a un tableau mais on ne le voit pas l armoire g ne Beaucoup de jours de semaines et de mois passent Chaque jour l homme se tient devant son armoire et essaye de s lever dans les airs Il n y arrive pas mais par contre il commence avoir une vision toujours la m me Il per oit chaque fois davantage de d tails L homme oublie qu il voulait s lever au dessus de la terre et s adonne totalement l tude de sa vision Et voil qu un jour la bonne qui faisait le m nage dans la chambre lui demanda de d crocher le tableau afin de pouvoir le d poussi rer Lorsque l homme monta sur la chaise il jeta un coup d il sur le tableau et vit que celui ci repr sentait ce qu il voyait dans sa vision Il comprit alors que depuis longtemps d j il s levait dans les airs qu il restait suspendu devant l armoire et voyait ce tableau travailler Daniil Harms crits traduit du russe par Jean Philippe Jaccard Christian Bourgois 1993 Le fragment forme majeure Maurice Blanchot Maurice Blanchot a forc ment sa place ici au terme de ce parcours parce qu il reste l auteur d abord d une uvre ouverte o comme parall lement En lisant en crivant de Julien Gracq le travail d un commentaire de l criture L Espace litt raire Le Livre venir Faux Pas 325 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE
419. us en plus vite Je tombe Cette derni re image s vanouit Je me l ve machinalement je vais demander ma m re de me cacher J ai tu quelqu un Des sifflements des hurlements le vent Le bateau tangue roule plonge plonge il m entra ne o allons nous encore trois mille m tres de profondeur c est loin Dans une grande salle bien clair e J tais l assise devant une porte attendre Il y a beaucoup de monde qui bouge qui parle constam ment Mais je ne sais toujours pas pourquoi j attends l devant cette porte Une sensation absolue d apesanteur emplit mon corps je suis en train de voler et cela ne me surprend m me pas Je ressens seulement une joie intense qui va jusqu un certain soulagement mais de quoi je ne sais pas Je sais seulement que cela paraissait vraisemblable Je cours on me poursuit on veut me tuer je ne sais pourquoi Je veux aller plus vite mais mes muscles ne r pondent pas C est horrible Je force mais je suis bloqu e il s approche je me r veille Du vert rien que du vert un relief plat ce doit tre une prairie une tendue de gazon ou peut tre tout autre chose Je marche du moins je me d place vers l horizon Du vert toujours et encore du vert Non du bleu un v lo bleu qui passe sur lequel mon p re est en sueur Non 181 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 182 Tous les mots sont adultes ce n est pas mon p re je suis sur ce v l
420. us nous sentons inexplicablement en pays de connaissance et comme au milieu des figures d une famille encore venir Julien Gracq Les Eaux troites Corti 1976 On pourra sugg rer pour ce retrait du locuteur de son texte l emploi du on tel que l utilise musicalement Gracq pour des notations pourtant personnelles Ainsi on rebrousse chemin apr s avoir amarr la barque dans une trou e des roseaux et s tre tendu un moment sur l herbe de la berge et la fa on tr s singuli re au d but du r cit dont il amorce ce passage du je au on On s embarquait on s embarque je pense toujours au bas d un escalier de planches qui d gringolait la haute berge glaiseuse les branches se croisaient au dessus de 57 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 58 Tous les mots sont adultes l troit chenal d eau noire on entrait de plain pied dans une zone de silence plus subtil et comme alert ami de l eau comme l est la brume avec cette mani re d y recroiser en ordre inverse et au singulier les deux mots du titre Gracq gardant le je pour les notations concer nant non pas le r cit lui m me mais les souvenirs litt raires qu il y associe le pique nique dans Le Grand Meaulnes ou G rard de Nerval D s que j ai connu ces vers de Nerval bien longtemps avant les Chim res je devais avoir une douzaine d ann es et je les lisais dans les Morceaux choisis que nous dis
421. utre part le texte de Claude Simon alterne nota tions d archives notations parfaitement objectives balises de vie et reconstructions minemment subjec tives dans une stricte galit formelle Dans Les G or giques Claude Simon d ploie sur soixante dix pages cette forme strictement lin aire mais toujours a chro nologique appliqu e au m me personnage Dans la s ance d criture videmment on n ira pas si loin mais on doit avoir en t te qu on impulse un mouvement qui pourrait se prolonger bien au del du texte Il est temps chacun de choisir ce personnage en fonction de son importance pour chacun et ce qui le relie lui Insister sur le fait que cet outil permet de r fl chir une grande part d ind termin d nigme c est il ou elle rien d autre pas de nom Chaque phrase donc b tie sur un temps et un lieu une chose mais chaque fois un saut quant au temps au lieu aux choses jamais deux phrases sur le m me continuum Joindre la pr sentation ou la lecture d extraits de ce texte de Claude Simon qu on aura eu soin bien s r de situer comme tournant majeur de l uvre et de la biographie de son auteur la phrase qui lui sert d pi graphe Les climats les saisons les sons les couleurs l obscurit la lumi re les l ments les aliments le bruit le silence le mouvement le repos tout agit sur notre 297 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 298 Tou
422. vieux immeubles construits autour d une cour int rieure o le soleil m me son apog e peine des cendre Perc es d une multitude de fen tres les fa ades de ces constructions constituent comme les parois d un grand puits d ombre humide et vici e Parfois un laurier ou un arbre puis par le manque de lumi re et la solitude s l ve tristement dans un coin La musique d un poste transistor r sonne Une odeur de friture s chappe d une cuisine Une voix d homme en col re retentit puis s apaise Du linge s che au dessus du vide 53 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 54 Tous les mots sont adultes Baie vitr e d une caf t ria zones commerciales voies lact es s urs lumineuses aplaties der ri re vos talus bord s de poteaux en ciment supportant des grillages o s entortillent des touffes d herbe jaune et contre lesquels le vent plaque poches en plastique pages de journaux prospectus abandon n s Zones travers es par des lignes haute tension rel gu es aux abords des villes l o les rocades s abandonnent aux ponts routiers ralliant les quatre voies qui filent entre les stations service les h tels et les restaurants retrouver au loin les m mes d sastreux d cors Raymond Bozier Fen tres sur le monde Fayard 2004 Et un exemple des textes d clench s par cette propo sition fen tre sur le stade de b ton on aper o
423. vol es au foulard de ma m re servaient pour les yeux Un morceau de charbon cras malax faisait l affaire pour les cils et les sourcils Cette poup e qui avait peupl mes r ves d enfant de sept ou huit ans je ne saurais le pr ciser tait toujours pr sente dans la chambre de la petite fille de l adolescente de la jeune mari e de la m re Cette poup e que ni l ge ni l usure du temps n avait fl trie f terait ses trente cinq ans dans quelques mois Cette poup e que ni les pleurs de mon a n e il y avait de cela treize ans ni les caprices de ma cadette huit ans plus tard n avaient pu d tr ner de la place qu elle occupe toujours sur ma table de nuit Stage d enseignants Tanger Maroc 1998 223 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 224 Tous les mots sont adultes Le second nouveau de l atelier illettrisme de la Bou tique d criture de Montpellier La Paillade J ai apport d elle de l bas une ceinture ancienne on l appelle zem Quand je suis malade je mets la zem je la sens je l embrasse C est fait avec de la laine et il y a beaucoup de franges Elle l a fait elle m me C est difficile faire Il n y en a pas beaucoup qui savent faire a Elle mettait des grands clous par terre elle mettait de la laine elle passait repassait J ai vu comment elle faisait mais je ne saurais pas le refaire C est rien que des vieilles qui portaient a
424. volant aux bosses brutales le man ge avec ses cha nes en rayons de soleil la roue avec ses cages mobiles le puits de la mort avec ses motocyclistes la t te en bas la coupole du cirque avec la grappe de trap zes qui pend en son milieu L autre moiti de la ville est en pierre en marbre et en ciment avec la banque les usines les palais l abattoir l cole et tout le reste Italo Calvino Les Villes invisibles Le Seuil 1972 Mais il ne s agit pas de conduire la d clinaison ludique de ce qui est chez Calvino un travail majeur sur les processus de constructions d utopie Le devenir du 87 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 88 Tous les mots sont adultes monde est un enjeu assez imm diatement partageable pour qu on demande aux participants de travailler vrai ment sur le risque des utopies on d cide des conditions mat rielles de ceux qui viendront apr s nous partir de notre seule r action au pr sent En parlant de quelques tentatives majeures les cit s radieuses de Le Corbusier ou de quelques id es qui ont command la structure des villes nouvelles de la ceinture parisienne on leur remet les cl s des villes futures Je lis souvent cette magnifique vision de Kolt s propos de ces fameux trois milliards d tres humains dont on fait une montagne j ai calcul moi qu en les logeant tous dans des mai sons de quarante tages dont l architecture resterait
425. vole une voiture ric r pare un pare brise Isabelle r vise un cours d histoire Laurent discute avec sa s ur Jean Luc ach te des fruits Marie Jo r pond un client ivre Didier classe un dossier en retard Sandrine se mouche bruyamment Marie Caroline contemple un tableau Caroline repasse la chemise de Denis Vincent trifouille dans sa moto H lo se passe par sa fen tre H l ne s ach te une paire de bas kets Jean Mich fait des pompes Armand coute un de ses morceaux Laurence met les restes de son repas d hier soir dans une assiette Christelle chante un air connu Marie Laure s allume une cigarette Val rie tape sur sa machine crire C cile s invente une histoire Claude change les couches du b b Odile nettoie sa collection d assiettes Maxime pleure Aur lia se f che avec sa m re Djoul se marie Sisou r ajuste sa cr te Fr d rique crit son fr re Serge rit tr s fort Emma nuel raconte une histoire son fils Laure crit une lettre Annie r ve en se balan ant dans un rocking chair V rane attend l arr t de bus Jean tond sa pelouse Albert regarde la t l vision Michel joue quelques notes sur le vieux piano de sa tante Claudine fait une piq re un petit vieux Claire suce son pouce Adeline brosse ses longs cheveux blonds Barbara se remplit un grand verre d eau St phane d marre sa voiture Alain range ses instruments de travail Jacqueline recompte son argent Salom travaille son solf ge Aurore regarde son p
426. vre la forme ou le passage ou l histoire raconter une vie d auteur tout enti re par fois en fonction de l atelier Encore deux ans et lorsque je recommencerai ce sera Montpellier S te et Lod ve et la possibilit de tenter la m me proposition d criture plusieurs fois la m me semaine avec des publics tr s diff rents Alors ce moment si important le temps dont on dispose pour lancer l atelier on peut l appr hender lui m me comme travail On peut provoquer des s ances d atelier formidables avec une proposition qu on utilise pour la premi re fois mais rien voir avec la m me proposition lorsqu on l aura prouv e cinq ou huit fois qu on peut anticiper en partie les textes qu elle va induire et que c est tout cela qu on va mettre en Jeu Seconde premi re fois l ternelle premi re fois qu est la d couverte d un groupe nouveau quels que soient le parcours et la diversit du public Longtemps je m en suis tenu un exercice f tiche les eux o on a dormi de Georges Perec voir ci dessous qui rend si bien visible la fonction n cessaire de l criture et ce qu elle fait appa ra tre qui ne lui pr existe pas comme il place si bien la langue sur cette autre phrase pour moi f tiche le on crit toujours avec de soi de Roland Barthes cette magnifique faute de grammaire qui permet que la convocation et la travers e n cessaires de l intime ne soient ni d voilement ni final
427. xe d intertextualit la rue Jadin voisinant l immeuble de La Vie mode d em ploi de Perec mais elle m me crite sans e comme La Disparition devenant une des rues cibles des prome nades textuelles de Roubaud dans Po sie et capable aussi de court circuit avec des enjeux bien plus poli tiques ou scientifiques la th orie des ensembles du groupe Bourbaki ou l explosion de la premi re bombe atomique fran aise La suite de livres constituant la boucle est une mine ciel ouvert pour engager l cri 92 P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 ge 17 41 Page 93 Premier cercle les trajets la ville ture sur des territoires vierges en prolongement du tra vail de Perec tout simplement par exemple en per mettant de d finir pour le texte qu on vient d crire quel serait le livre qui l accueillerait Roubaud 1 encore les rues En hommage aux deux livres de Perec La Dispari tion crit sans la lettre e et Les Revenentes o c est la seule voyelle employ e Jacques Roubaud propose sous ce m me titre une longue liste de rues de Paris ne com portant que la lettre e ces l gendes l g res de legendre street ces lemmes de leneveux street ces l pres de leredde strett ces lestes lests de lesseps street ces l vres lev es des levrettes de levert street Jacques Roubaud La forme d une ville change plus vite h las que le c ur des humains Gallimard 1999 Dans ce livre de
428. z entendu on a cri J ai entendu Marguerite Duras L Amour Gallimard 1971 Il faut qu un texte pr existe n avons nous pas celui issu de L t 80 Pour chacun des cinq paragraphes que j avais demand d crire je demande qu on crive en vis vis y compris si on pratique le second exercice comme rebond dans la m me s ance en ayant pris la pr caution de demander d crire le premier texte dans la partie droite d une feuille A3 pli e verticalement un paragraphe compl mentaire qui tienne d un de ces registres Comment le trouver En partant de ce que le paragraphe ne contient pas on n y voit pas d image alors laissons la cam ra installer travelling ou panora mique ou plan lointain on n y voit pas le d cor instal lons des objets des photos un papier peint et un canap mais en d tail on n y entend pas de paroles laissons venir du dialogue installons une bande son J insiste sur un th me aussi pur et ancien livre de transition L Amour est celui qui installe ces registres en les laissant visibles avec m me une provocation Chaque para graphe surgit en fonction de ce que nous attendons et le confirme plut t qu il ne nous en loigne c est par cette tautologie l chelle des cent vingt pages du livre qu il nous rend visible cette distorsion de param tres venus du cin ma et qui soudain mettent en abyme la lit t rature Et lorsqu en fin de s ance on dema
429. z vous Topologie d une cit fant me ou Souvenirs du Triangle d or Il n y a gu re en fait d h sitation possible un seul chemin s offre moi un couloir exigu aux parois lisses sans ouvertures lat rales que je crois 323 b P001 000 bon Atelier 1 qxd 336 FREE 17 41 Page 324 Tous les mots sont adultes d abord devoir tre long et rectiligne mais qui tourne brusquement angle droit sur la gauche continuant ensuite dans cette nouvelle direc tion sans pr senter davantage de portes ou de voies adjacentes sa lar geur toutefois serait pr sent un peu moins r duite On entend dans le lointain silence quelque chose qui ressemble des notes de piano solitaires espac es comme des gouttes d eau amorties par les lourds rideaux et draperies d un appartement ancien o tout repose immobile jusqu la jeune l ve elle m me qui r p te en sommeillant sa le on dans l ternit monotone Alain Robbe Grillet Souvenirs du Triangle d or Minuit 1978 Sur chaque id e le principe est le m me un cloison nement o on se d place volontairement et o on ouvre volontairement les portes des loges du th tre d Her mann Hesse une suite de portes dans un couloir d une maison ind finie ou bien les compartiments successifs d un train o chaque porte laisse apercevoir un frag ment d un temps diff rent une image toujours l je parle par exemple de l homme battu par

les mots sont adultes, méthode pour l`atelier d`écriture

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