Roland PEREZ A propos de « responsabilité globale » en
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1. Les tendances la primaut du mod le lib ral Les progr s de l conomie lib rale ont t importants ces derni res d cennies Ils ont t c l br s par la pens e lib rale parfois sans retenue Pour un Francis Fukuyama ite missa est la chute du mur de Berlin a t celle des esp rances d un monde alternatif signant la fin de l Histoire et l av nement du r gne sans partage de la soci t lib rale et de l conomie de march Pour un Michael Jensen 2001 cette derni re s appuie sur une science conomique qui depuis deux cents ans en a d montr la sup riorit Dans les faits ces avanc es du mod le lib ral peuvent tre observ es tout au long de la seconde partie du 20 si cle cr ation du GATT mise en place d ensembles r gionaux comme l Union Europ enne et ALENA d veloppement des changes internationaux Elles se sont acc l r es durant la derni re d cennie mise en place de POMC effondrement des r gimes socialistes tatiques jusqu aux v nements survenus la charni re du nouveau mill naire crise financi re ouverte au printemps 2000 attentats du 11 septembre2001 3 2 Les faiblesses et les limites du mod le lib ral Si le mod le lib ral a montr sa puissance et sa capacit d adaptation il pr sente cependant plusieurs d fauts majeurs qui ne permettent pas d en tre satisfait sans restriction Le principal qui nous para t tre2. si les actionnaires deviennent socialement responsables les managers n ont plus tre cartel s entre les exigences de rentabilit court terme et leurs aspirations ventuelles la prise en compte des externalit s Par l m me le mod le fond sur la dissociation business hors business perd son sens au profit d un mod le fond sur l int gration Avec les r serves d usage li es au crit res de d finitions de l investissement socialement responsable on a pu avancer que celui ci repr sentait quelques 13 de l pargne g r e professionnellement aux USA source Novethic cf P rez 2002 3 4 Difficult s et limites du mod le int gr Les nouvelles aspirations la R G si elles ouvrent des perspectives int ressantes n en restent pas moins d licate mettre en uvre La principale difficult r side sans doute sur les crit res utiliser pour aboutir une gestion satisfaisante au sens simonien tant des portefeuilles de titres concern s que des firmes correspondantes Des exp riences int ressantes sont en cours ce sujet Elles reposent sur une conception dite des parties prenantes stakeholders impliquant des m thodologies multi crit res tant en mati re de pilotage des entreprises balanced scorescard que d analyse financi re triple bottom line Ces approches permettant une s lection screening des firmes vertueuses sont compl t es
3. ils nous soient connus les cl s d interpr tation des ph nom nes induits comme le sont les modes de management et plus litt ralement porteurs d enjeux permettant un jeu de mots par opposition aux porteurs d actions stockholders ou shareholders Conception d velopp e par toute une s rie de contributions notamment R E Freeman 1984 et fortement d velopp e depuis cf Logsdon amp all 2000 cfles travaux initi s par R S Kaplan amp D P Norton 1996 expression faisant r f rence la place o est situ en g n ral le profit financier en dernier ligne bottom line d un compte de r sultats d marche largie aux aspects environnementaux d une part et sociaux d autre part selon la th orie des 3 P Profit People Planet propos e par ses initiateurs cf J Eklington fondateur du Cabinet Sustainability Dans une litt rature immense sur ces th mes que l on rattache souvent aux apports fondamentaux de Schumpeter 1912 puis de Penrose 1959 et Perroux 1969 citons les contributions bien connues de C Argyris amp D Sh n 1978 B Wernefeld 1984 Teece amp al 1997 particuli rement la R G A ce stade de la r flexion on se contentera de quelques pistes de r flexion au demeurant li es 4 1 La mont e de la juridiciarisation de la soci t Cette tendance des soci t s contemporaines si elle a pris des formes exacerb es aux USA commence
4. PUF 231 p C J D centre des jeunes dirigeants d entreprise 1996 L entreprise au XXI si cle Paris Flammarion 158 p Charreaux G et Desbri res Ph 1998 gouvernance des entreprises valeur partenariale contre valeur actionnariale Finance Contr le Strat gie I n 2 juin pp 57 88 Charreaux G para tre Le gouvernement des entreprises in Encyclop die des ressources humaines Paris Freeman R E 1984 Strategic Management a stakeholder approach Marshall MA Pitman Hawley J P amp Williams A T 2000 The Rise of Fiduciary Capitalism Philadelphia Un of Penn Pr Hoarau C amp Teller R 2001 Cr ation de valeur et management de l entreprise Paris Vuibert 217 p Jensen M C 2001 Value Maximization Stakeholder Theory and the Corporate Objective Function Business Ethics Quaterly vol 12 n 1 janvier Kaplan R S amp Norton D P 1996 The balanced Scorecard Boston Harvard Un Pr Levi Strauss C 1950 Introduction l uvre de Mardel Mauss in Mauss M Sociologie et anthropologie Paris PUF Logsdon J M et alii 2000 Research in Stakeholder Theory The Clarkson Centre for Business Ethics Un of Toronto 153 p Maslov A H 1954 Motivation and personality NY Harper Mignon S 2001 Strat gie de p rennit d entreprise Paris Vuibert 232 p Penrose E T 1959 The theory of the growth of the firm NY J Wiley amp Pesqueux Y 2000 Le
5. faire sentir ses effets dans d autres zones g o politiques notamment en Europe Elle se traduit videmment par un largissement de la R G du management et ceci quel que soit le mod le de r f rence pour le mod le lib ral elle revient faire entrer dans la sph re business des facteurs qui avant n y taient pas ex pollution atteinte la sant comme peuvent en t moigner les firmes comme Monsanto Philips Morris voire Mac Donald soumise une gu rilla juridique de la part de personnes ou de collectifs de tous ordres cologistes anti tabagistes pour le mod le int gr elle r sulte de la multiplicit des parties prenantes et du fait que ces derni res si elles ne peuvent faire pr valoir directement leur point de vue par les managers sont tent es de recourir la voie contentieuse cf les cas cit s supra de litiges sociaux allant jusqu la cour de cassation 4 2 La contrainte accrue de rendre compte La capacit rendre compte accountablity est inh rente au principe m me de responsabilit l un ne va pas sans l autre si on ne peut rendre compte on ne peut tre responsable cette vidence est propre plus g n ralement aux syst mes de gouvernance qui impliquent que les mandataire soient en tat de rendre compte de leurs actes cf P rez 2003a L largissement du r f rentiel de responsabilit que repr sente la R G induit in vitablement une
6. les collectivit s locales impliquent ce double lien qui exprime le principe d int gration Ses expressions cependant peuvent en tre diverses depuis les solidarit s de r seaux qui peuvent aller jusqu aux syst mes mafieux celles r sultant d un engagement thique ou religieux existe une infinit de situations que l on ne saurait l instar du mod le pr c dent ramener un paradigme unique HI Evolution de la R G en management Les pr sentations sommaires pr c dentes pourraient laisser penser que les deux mod les de r f rence se r f rent des niveaux de d veloppement historiquement distincts le mod le fond sur l int gration plus ancien remontant aux conomies domaniales pr capitalistes repr sentant une forme archa que appel e tre remplac e par le mod le fond e sur la dissociation plus moderne en phase avec le d veloppement du capitalisme contemporain et une volution des soci t s plus urbaines plus fragment es plus individualistes Cela n est pas notre conviction plus exactement nous pensons que si des tendances lourdes vont dans le sens ci dessus esquiss de l effacement progressif du mod le int gr traditionnel par le mod le dissoci lib ral nous assistons parall lement une crise de ce mod le lib ral et l mergence de nouvelles aspirations la R G appelant revisiter le mod le fond sur l int gration 3 1
7. par un activisme actionnarial des fonds socialement responsables posture la fois p dagogique et civique dans le but de faire voluer les dirigeants des firmes concern es et repr sentant en quelque sorte une expression de la R G non pas du seul management mais de ce management du management que constituent les syst mes de corporate governance P rez 2002 et 2003a Par ailleurs sans qu il y ait une volont a priori d tre socialement responsable l exp rience montre et les progr s de l analyse des performances des firmes confirment que une part souvent d terminante de ces performances tient des facteurs non tangibles intangible assets comme la qualit des relations dans l organisation et entre celle ci et l environnement d o l attention port e la r putation notamment travers les marques la confiance l histoire et la culture de l entreprise le lien social comme facteurs constitutifs du potentiel de comp titivit de la firme prendre en compte dans les mod les de management strat gique IV Quelques traits du futur Il est toujours risqu de tenter de dessiner les configurations futures d un objet d tude si contingent l volution de la soci t comme l est la R G en management On peut cependant les esquisser du fait m me de cette forte d pendance soci tale dont les facteurs de mutation et de structuration nous donnent autant qu
8. rations futures en bref tre globalement responsable la fois travers la compl mentarit de ses comportements professionnels et personnels mais l int rieur m me de la sph re business qui ne peut tre dissoci e de la sph re hors business L histoire des entreprises donne beaucoup d exemples de ce type de comportement Parmi les cas les plus r pandus se situent le mode de management dit paternaliste dans lesquels le chef d entreprise se comporte comme un p re de famille et ou un seigneur local les deux composantes du hors business la priv e et la publique tant alors l une et l autre imbriqu es la composante business Reposant sur des fid lit s interg n rationnelles parfois s culaires cf les h nokiens tudi s par S Mignon 2000 ce mode de management reste tr s r pandu dans les r gions de vieille industrialisation cf la pr gnance qu a repr sent e Michelin dans son bassin d emploi ou en leur temps celle des ma tres des forges dans les leurs il a t la base du mod le de d veloppement japonais jusqu sa crise r cente il constitue probablement le mode dominant dans beaucoup de pays en mergence notamment ceux pour lesquels les facteurs ethniques et ou religieux restent importants par exemple dans les diasporas La R G n est pas alors s parable du lien social qui accompagne l acte conomique Les relations salariales celles avec les fournisseurs ou
9. t un entrepreneur pre ou un dirigeant implacable Cette dissociation que l on pourrait penser tre source de schizophr nie est tr s bien v cue dans un certains nombre de soci t s contemporaines notamment nord am ricaine et on pourrait citer des dizaines d exemples illustrant cette dualit assum e On se contentera d un seul lorsque la grande maison de titres qu est Meryll Linch avait atteint il y a quelques ann es le montant faramineux de un trillion de dollars d actifs financiers sous gestion le pr sident de cette firme pour f ter cet v nement avait r uni tous ses cadres pour d une part les exhorter redoubler d efforts pour atteindre un doublement de cette somme dans la d cennie et d autre part les inciter s occuper d uvres philanthropiques et caritatives durant leurs week ends et leurs vacances 1 g A A Les guillemets s imposent car une observation non superficielle de l univers dit anglo saxon montre que ce dernier est infiniment plus complexe et diversifi notamment entre UK et USA voire l int rieur de chacun de ces deux pays et qu il convient d viter des g n ralisations h tives Ce m lange d pret et de bons sentiments a t analys par maints sociologues et s exprime notamment en termes d itin raires de vie Selon une succession d tapes de r alisation de soi self actualization la Maslov l homme car ce sont sauf
10. Roland PEREZ A propos de responsabilit globale en management Donner son point de vue sur un th me fix a priori est toujours une t che d licate La r ponse peut prendre l allure d un exercice convenu dans lequel la forme prime la substance et pour lequel la personne interrog e r pond souvent en fonction des attentes suppos es de ses interlocuteurs Cependant cette r ponse peut tre l occasion d une r flexion personnelle qui l instar des pelotes de laine de nos grand m res appelle une s rie de questions successives remettant en question progressivement des pans entiers de nos connaissances explicites voire de nos certitudes implicites Le concept de responsabilit globale d sormais R G me para t illustrer particuli rement cette situation Nous l aborderons sans autre a priori que celui de donner dans une enqu te internationale celui d un observateur acteur des comportements des organisations finalis es mati re privil gi e bien que non exclusive des sciences dites de gestion ou du management Plusieurs observations remarques et r serves d usage doivent cet gard tre pr sent es ambivalence de la situation d observateur acteur pose des probl mes sp cifiques en termes pist mologiques m thodologiques voire d ontologiques probl mes particuli rement aigus en sciences de gestion mais qui concernent peu ou prou l ensemble des sciences de l homme et de l
11. a soci t disciplines pour lesquelles Levi Strauss nous rappelle que lorsque l observateur est du m me genre que le ph nom ne observ il fait partie du champ d observation Levi Strauss 1950 la restriction aux seules disciplines de gestion nous est apparue n cessaire car ces disciplines bien que r centes dans leur expression acad mique sinon dans leurs pratiques sociales sont d j suffisamment complexes alors m me qu il conviendrait de mobiliser pour mieux cerner le th me tudi les disciplines voisines en particulier le droit et la science politique la sociologie et l thique les exemples pris pour tayer ou illustrer le propos seront le plus souvent dans le domaine des entreprises organisations finalis es les plus tudi es dans la p riode contemporaine celle pour laquelle le besoin de d frichement est le plus grand et dans un contexte ethnocentrique celui de l auteur facteurs de contingence dont il conviendrait de s abstraire pour traiter le th me avec toute l ampleur souhaitable Ces observations liminaires rappel es notre propos sur l exploration du concept de R G se d roulera selon la d marche de questionnement suivante qu est ce que la responsabilit globale de quoi est on responsable et pourquoi qui est responsable et devant qui Comment et par quelles proc dures voies amp moyens s exerce la responsabilit globale Ces questions simples a
12. ance par Attac et Jos Bov symbolis s par les rencontres de Porto Allegre contre point de celles de Davos Si les critiques au mod le dominant sont bien identifi es force est de constater une grande disparit des propositions visant proposer des mod les alternatifs ces derniers allant des constructions les plus utopiques un simple repl trage de l existant La voie r formiste est issue de l int rieur m me du syst me d conomie de march dont elle ne conteste pas les principes g n raux de fonctionnement mais dont elle tente d en att nuer les effets n fastes pour n en garder que les aspects positifs En termes analytiques cette d marche am ne largir le champ de la R G c est dire le r f rentiel de responsabilit du management en y incorporant un maximum d externalit s Cette d marche est venue parfois des dirigeants eux m mes ce fut le cas par exemple du concept d entreprise citoyenne pr conis par le CJD Centre des jeunes dirigeants d entreprise ou du double projet conomique et social que proposait Antoine Riboud pour son groupe et pour le patronat fran ais d s les ann es 70 Plus souvent une telle volution n a pas t spontan e mais a r sult de la pression de la soci t et des cat gories d acteurs concern es salari s consommateurs mouvements cologistes collectivit s locales pressions relay es par les m dias et parfois traduites
13. ans aller jusque l l id e de R G exprime un largissement du r f rentiel de responsabilit au del de son acception traditionnelle Cet largissement comme on le verra pourra s envisager dans plusieurs directions notamment au plan soci tal et environnemental Il s exprime galement dans le temps par une insertion de l action collective et de ses cons quences dans une perspective long terme telle que les pr voient par exemple les principes de d veloppement durable sustainable development Si l id e de R G est assez ais e percevoir sa concr tisation est plus malais e O en sont les limites Nous vivons dans un monde complexe dont les composantes sont de plus en plus interd pendantes et parfois instables Si un cyclone clate dans le ciel de Chine devra t on en incriminer le papillon qui selon la th orie du chaos aurait pu en avoir t l origine Evidemment pas et l exemple caricatural en a t donn dessein En revanche le probl me se pose en termes tr s concrets lorsque des apiculteurs voient leurs ruchers d vast s par l utilisation d un pesticide dans un champ voisin ou lorsque des nappes phr atiques sont atteintes par les rejets d un levage intensif sans parler des grandes affaires comme l amiante le sang contamin les farines animales les OGM Le double largissement spatial et temporel qu implique le concept de R G renforce cette n cessaire interrog
14. ation sur les limites Une d cision ex implantation d une nouvelle usine peut avoir ici des effets positifs cr ation d emplois flux d achats directes ou induits recettes fiscales mais elle peut par ricochet avoir ailleurs des effets inverses baisse d activit voire fermeture d un site avec ses cons quences Une d cision prise aujourd hui dans un tat donn des informations disponibles peut demain r v ler des cons quences hautement dommageables pour la collectivit ainsi pour les exemples d affaires cit s supra Ainsi le concept de R G fait implicitement r f rence aux principes de pertinence et de coh rence qui constituent la base des syst mes de pilotage des organisations ECOSIP et par l de tout syst me de management La R G exprime alors l id e que le management d une organisation doit rester valide c est dire pertinent et coh rent mais sur un r f rentiel consid rablement largi la fois dans l espace g ographique et soci tal et dans le temps Rude enjeu 1 2 Qui est responsable Pour les activit s humaines port es par une seule personne cas de l entreprise individuelle par exemple la situation est simple la dite personne est responsable de ses actes sauf dans les cas videmment ou son statut ex mineur non mancip ou une d cision de justice ex mise sous tutelle en d cide autrement La situation devi
15. contrainte accrue d accountabily que celle ci mane du souhait de tenir compte de la vari t de parties prenantes ou qu elle r sulte de la n cessit de faire face ici des requ tes de type administratif l des contentieux juridiques Tous les responsables d entreprises de la TPE aux groupes multinationaux s accordent sur le fait que malgr les potentialit s offertes par les technologies de l information et de la communication ces t ches de reporting repr sentent un co t croissant notamment en termes de temps des cadres et des dirigeants qui s y adonnent au d triment parfois d activit s de conception voire de r alisation 4 3 Le risque du no risk L largissement du r f rentiel de responsabilit constitue galement un largissement des champs de risques la fois en termes d items concern s d intensit de dur e et de montants financiers en jeu ex les affaires en cours concernant l amiante On commence le voir dans un certain nombre d activit s transports a riens depuis le 9 11 audit depuis l affaire Enron Les soci t s d assurance elles m mes dont la gestion du risque constitue pourtant le c ur de m tier sont branl es sur leurs fondamentaux Cette orientation qui se nourrit la fois de la volatilit inh rente la nature de plus en plus immat rielle des actifs des entreprises et de la juridicialisation croissante de la soci t peu
16. el vent du domaine p nal la mise en cause directe des personnes impliqu es est n cessaire quel que soit leur statut par rapport l entit personne morale ex op ration de blanchiment d argent au sein d un r seau comportant la fois des entreprises et des particuliers Par ailleurs l organisation des syst mes juridiques am nent en g n ral une hi rarchisation source de d pendance cf l adage en mati re de contentieux le p nal tient le civil en l tat 1 3 Devant qui est on responsable La question est galement moins simple qu il n y para t Le management d une organisation doit rendre compte de ses actes et des cons quences de ceux ci devant plusieurs types d instances et cat gories d acteurs concern s tout d abord aupr s de ceux qui les ont nomm s et dont ils d pendent in fine ex assembl e g n rale pour les soci t s et associations parfois aupr s d instances sp cifiques pr pos es une fonction d analyse valuation et mandat es par les instances pr c dentes pour les aider dans leurs missions de gouvernance ex comit s d audit cabinets d expertises agences de notation galement aupr s des Pouvoirs Publics eux m mes susceptibles d une multiplicit de repr sentations chacune d entre elles repr sentant une expression de l int r t g n ral opposable l entit concern e plus g n ralement tout acteur clien
17. en termes de d cisions publiques ou de contentieux judiciaires Des exemples significatifs peuvent en tre donn s travers les accidents cologiques comme celui provoqu par le naufrage de l Erika Dans un premier temps le groupe p trolier Total propri taire de la cargaison mais non du navire se consid rait non seulement comme non responsable du naufrage et de ses cons quences mais ayant perdu sa cargaison se situait plut t du c t des victimes Ce groupe a du faire voluer sa position vers une responsabilit li e sa position d affr teur apr s la mise en cause de sa politique d externalisation des op rations de transports trop ax e sur des consid rations de co ts au d triment de la s curit On a bien une extension du r f rentiel de responsabilit du management sous les effets conjugu s de l opinion des pressions des pouvoirs publics et des recours judiciaires Une autre s rie d exemples d largissement de la responsabilit de l entreprise concerne le domaine social De plus en plus la chambre sociale de la Cour de Cassation a adopt des positions visant largir le r f rentiel de responsabilit Ce fut le cas notamment en mati re d accidents de travail ou de travail clandestin mettant en cause des entreprises donneur d ordres via les entreprises sous traitantes On peut citer dans le m me sens des prises de positions relatives des d cisions de fermeture de sites ou d externalisa
18. ent moins triviale pour les activit s d velopp es au sein des organisations lorsque ces derni res poss dent le statut et les attributs de la personnalit juridique Il se cr e alors une distinction entre d une part la personne morale d tentrice de la personnalit juridique et des droits aff rents ex capacit de contracter embaucher licencier effectuer des op rations commerciales ou financi res ester en justice et d autre part les personnes physiques habilit es parler et agir en son nom les mandataires sociaux La question est alors qui est responsable l entit personne morale ou ses mandataires sociaux Les syst mes juridiques nationaux travers leurs codes et leurs jurisprudences apportent des r ponses diversifi es ces questions mais leurs orientations g n rales sont communes Tant que l on reste au niveau des incidences de type mat riel champ de la responsabilit civile le statut de personne morale permet de consid rer cette derni re comme acteur responsable avec toutes ses cons quences ex paiement de dommages amp int r ts un tiers l issue d un litige Parfois les mandataires sociaux sont mis en cause directement ou par l interm diaire de l exercice de leurs mandats ex positions prise par des membres du conseil d administration dans des d cisions strat giques engageant une soci t Enfin lorsque les fautes commises ou consid r es comme telles r
19. ette volont de faire participer les agents conomiques ici les entreprises la prise en compte des externalit s li es leurs activit s Des questions d externalit s sont d autant plus importantes traiter que le mod le lib ral de march produit des in galit s qui ont le statut d externalit s n gatives En effet du fait m me de son dynamisme le capitalisme lib ral g n re de fortes disparit s tant au niveau des revenus individuels que des revenus appr ci s par groupes sociaux ou par zones g o politiques Ces disparit s sont elles m mes sources de tensions et de d penses aides sociales s curit lesquelles ne sont pas prises en compte sauf exception dans les calculs conomiques des acteurs Ces derniers font par l preuve d une R G d ficiente et cette non prise en compte met en cause l optimalit du syst me global fond sur l agr gation des situations individuelles 3 3 Les nouvelles aspirations la R G Face cette indiff rence ou cette insuffisance du mod le n o lib ral face aux externalit s n gatives qu il g n re deux attitudes classiques sont observables l une plus radicale l autre plus r formiste La critique radicale du capitalisme lib ral a pris de nouvelles formes apr s que le naufrage du monde sovi tique eut marginalis le mod le de socialisme tatique Ces nouvelles formes sont celles des mouvements anti mondialisation illustr s en Fr
20. exception des itin raires masculins cherche devenir le plus riche puis le plus puissant enfin le plus aim De Rockfeller Bill Gates en passant par Onassis ou Soros l histoire contemporaine est jalonn e de ces sagas la fois singuli res et semblables dans la liste desquelles aurait bien voulu s inscrire un JM Messier La R G n est pas loin si les deux composantes business et hors business sont strictement dissoci es elles se conjuguent au terme d une journ e d une semaine d une ann e d une vie accomplie j ai gagn beaucoup d argent mais j ai ai donn beaucoup ici aux uvres de mon Eglise l un h pital ou une universit voire en cr ant une fondation qui portera mon nom et dira ainsi la post rit que j ai t un tre non seulement riche mais g n reux donc globalement responsable 2 2 Le mod le fond sur l int gration Ce second id al type s oppose radicalement au pr c dent dans la mesure o son principe fondateur n est pas la dissociation vie professionnelle vie personnelle priv e ou publique mais au contraire leur int gration Le manager consid re que sa mission et celle de l entreprise qu il dirige est multiple il doit videmment tre comp titif le contraire serait suicidaire mais aussi autant que faire se peut se montrer attentif ses partenaires internes et externes penser l environnement et aux g n
21. gouvernement d entreprise comme id ologie Paris Ellipse 268 p Pesqueux Y 2002 Organisations mod les et repr sentations Paris P U F 396 p Perroux F 1969 L conomie du XX si cle Paris PUF 764 p Riboud A 1987 Modernisation mode d emploi Rapport au premier Ministre Paris 10 18 Savall H amp Zardet V 1987 Ma triser les co ts cach s Paris Economica 334 p Schumpeter J 1912 Theorie der wirtschaftlichen Entwitcklung Leipzig Dunker amp Humblot Scitovsky T 1954 Two concepts of external economics The Journal of Political Economy pp 153 155 avril Soros G 1998 The crisis of Global Capitalism Perseus Books Teece D amp alii 1997 Dynamic capabilities and strategic management Strategic Management Journal v 18 n 7 pp 509 533 Wernefeld B 1984 A resource based viev of the firm Strategic Management Journal v 5 n 2 pp 171 180 Wallerstein I 1974 Le capitalisme historique Paris La D couverte Rep res Williamson O E 1999 Strategy research governance and competence pespective Strategic Management Journal v 20 pp 1087 1108 V A 2001 Mondialisation thique environnement de nouvelles r gles pour l entreprise Revue Fran aise de Gestion N sp cial coordonn par R de Rochebrune amp R A Tietart n 136 nov d c 176 p V A 2001 Loi sur les Nouvelles R gulations Economiques Paris Journa
22. idiciarisation des soci t s contemporaines la contrainte accrue de rendre compte accountability enfin le risque de mont e d aversion pour le risque facteurs sociaux collectifs qui sont li s et dont la conjonction am ne envisager l hypoth se d un risque syst mique 11 Annexe A travaux r cents ou en cours de l auteur et de son quipe sur ce th me ou sur des sujets connexes Management de la comp titivit et emploi MCE 1998 2001 programme collectif coordonn par R P rez et J Brabet cahiers de recherche ERFI Montpellier n 19 102 p et n 20 100 p septembre 2001 pr publication d un ouvrage collectif chez L Harmattan Gouvernance d entreprise performances et d veloppement durable GEP2D 1998 2001 r seau forum de recherches et exp riences coordonn par M Capron R P rez amp F Quairel U Paris Dauphine La gouvernance des entreprises europ ennes entre syst mes nationaux et globalisation Univ Euro d t coordonn e par R P rez Montpellier septembre 2001 Mutation du mode de gouvernance dynamique de comp titivit et management strat gique des groupes le cas des firmes multinationales alimentaires en Europe convention de recherche Univ Montpellier 1 Commissariat G n ral du Plan Rapport final janvier 2002 260 p annexes coordonn par R P rez amp F Palpacuer R P rez 2002 L actionnaire socialeme
23. l Officiel V A 2001 Livre vert promouvoir un cadre europ en pour la responsabilit sociale des entreprises Commission de l U E Bruxelles V A 2002 Global Reporting Initiative GRI Sustainability Reporting Guidlines Amsterdam C Principaux sites internet utilis s http www arese sa com http bsr org http www calpers governance org http www domini com http www earthsummit2002 0rg http globalreporting org http oecd org http www orse org http www novethic fr http sirigroup org http www socialfunds com http sri in progress com http www stakeholderforum org http www terra nova fr http www unrisd org http worldesr com
24. la fois d ordre conceptuel et factuel est l hypoth se parfois explicite Jensen 2001 le plus souvent implicite d absence d externalit Les actions des agents conomiques notamment des entreprises n auraient pas d autres cons quences que celles contenues dans les relations d changes structur es par les prix au sein de leurs march s respectifs Il n y a pas de pollution d amiante canc rig ne de troubles de la sant de personnels licenci s de bassins d emploi sinistr s Pourtant ces effets externes n gatifs quand ils sont circonscrits peuvent tre incorpor s dans les syst mes de prix par deux voies possibles la premi re rel ve de l initiative priv e par l interm diaire des primes d assurances que les entreprises sont incit es souscrire ou des provisions pour risques qu elles peuvent directement mettre en place la seconde rel ve de l initiative publique par la prise en charge par l Etat ou les organismes sociaux des d penses induites par ces externalit s n gatives ces d penses publiques ou para publiques tant couvertes par l imp t ou les cotisations sociales lesquels leur tour p seront pour tout ou partie sur les co ts et revenus des entreprises Le principe pollueur payeur qui a fait l objet de maintes discussions et plus g n ralement des instruments fiscaux conditionnels comme le 1 logement ou la taxe d apprentissage rel vent de c
25. nt responsable mythe d hier ou r alit de demain R F G dossier coordonn par G Charreaux novembre 2002 R P rez 2003 a La gouvernance des entreprises La D couverte collection Rep res para tre R P rez 2003 b La dimension ressource humaine des restructurations industrielles article pour l Encyclop die des Ressources humaines coordonn par J Allouche para tre B R f rences bibliographiques Aglietta M 1976 1997 R gulation et crises du capitalisme Paris Ed O Jacob 486 p Albert M 1991 Capitalisme contre capitalisme Paris Ed du Seuil Argyris C amp Sh n D 1978 1996 Organizational learning Reading MA Addison Wesley Auberger Barr M N coord 2002 Evaluation globale et management responsable N sp cial Revue Cadres CFDT n 400 juillet 124 p Baillet J amp De Bry F 2001 L entreprise et l thique Paris Ed du Seuil Points 437 p Batsch L 2002 Le capitalisme financier Paris La D couverte Rep res 121 p Braudel F 1985 La dynamique du capitalisme Paris Flammarion Champs 123 p Capron M amp Quairel F 2001 Les dynamiques relationnelles entre les firmes et les parties prenantes rapport pour le C Gal du Plan cahier de recherche CREFIGE ERGO Paris 165 p Chevalier J M amp al coord 2002 Les strat gies d entreprises dans les nouvelles r gulations Paris
26. otre sujet de r flexion sur ce que nous appellerons le principe de dissociation Quelle dissociation entre la sph re ou plut t l h misph re de l activit conomique et le reste c est dire l autre sph re concernant aussi bien le domaine de la vie priv e familiale religieuse thique que celui de la vie publique locale nationale internationale pour tre bref entre business et hors business Dans cette situation le concept de R G est vide de sens Que ce soit au niveau des entrepreneurs personnes physiques ou des grandes entreprises personnes morales travers leurs mandataires sociaux l alternative est claire dans la sph re business les objectifs et donc la responsabilit sont strictement conomiques leur efficacit se mesurant au montant du revenu net obtenu ou pour les entreprises cot es l volution du cours de l action ces deux crit res tant sens s tre congruents du moins en longue p riode selon les principes fondamentaux de 1 valuation financi re Il n y a pas de limites a priori sinon le respect des lois Dans le cadre de la loi tout est permis y compris l avidit greed business is good business avait on pu entendre Dans la sph re hors business c est galement le principe de libert qui r pond ce qui permet l homo economicus de se montrer s il le souhaite aussi bon p re de famille bon voisin et ou bon citoyen qu il a
27. ppellent des r ponses qui ne le sont pas toujours car travers elles ce sont d une part le contenu et les acteurs de la RG d autre part ses modalit s de mise en uvre qui seront abord s et autant que faire se peut explicit s et ou mis en perspective Ces s ries de questions structureront l expos I Le contenu et les acteurs de la RG Ces deux termes de questionnement sont compl mentaires la d finition du contenu de la RG renvoyant aux acteurs concern s travers le champ de leurs actions interactions 1 1 De quoi est on responsable Premi re approche de la R G A cette premi re question la r ponse manant des principes g n raux du droit est apparemment limpide on est responsable de ses actes pour soi m me et pour ceux dont on a la charge plus exactement des cons quences de ses actes Tout apprenti juriste a appris le c l bre article du code civil tout fait quelconque de l homme qui cause autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arriv le r parer Si le concept g n ral de responsabilit est ais ment perceptible celui de responsabilit globale n cessite une premi re interpr tation du qualificatif utilis et de son contexte L adjectif global est relier la tendance g n rale de globalisation qui caract rise les conomies et les soci t s contemporaines et dont le champ de r f rence s est tendu la plan te enti re S
28. que estim d un contentieux Les externalit s n gatives indirectes notamment celles inh rentes aux in galit s g n r es par la dynamique m me des march s ne sont pas prises en compte hypoth quant l optimalit pr suppos e du syst me global Au niveau individuel la R G n est assur e qu en compl tant les deux sph res business hors business en termes de comportements voire d itin raires de vie 4 Le mod le fond sur l int gration qu il soit sous les formes traditionnelles du paternalisme ou sur les aspects modernes des entreprises citoyennes chappe ce risque de sous optimalit syst mique mais en revanche doit affronter celui de l op rationalit du moins lorsque l aspiration la R G du management cherche tre traduite en crit res explicites de pilotage des organisations concern es La multiplicit des parties prenantes et des crit res d valuation risque de rendre malais s les n cessaires arbitrages trade off aux d pens de l efficacit globale du syst me 5 Insuffisance de la prise en compte des externalit s versus difficult s d un management multicrit res nous retrouvons le dilemme fondamental justice efficacit qui traverse dans le domaine de la R G comme dans tant d autres les d bats soci taux contemporains 6 Des tendances cependant apparaissent communes aux deux familles de mod les de comportements Elles concernent la tendance la jur
29. t fournisseur concurrent salari consommateur repr sent par une personne physique ou une autre personne morale tiers qui s estimant tort ou raison atteint par les actes de l organisation peut en demander r paration par une voie arbitrale ou contentieuse Ainsi se dessine tout un ensemble d instances et de cat gories d acteurs enserrant la R G de l entreprise et de son management dans un contexte de contraintes potentielles d autant plus complexe que le r f rentiel de cette R G s est largi dans l espace et le temps I Esquisse d une typologie des comportements manag riaux en mati re de R G A d faut d une tude syst matique r f enqu te Novethic on se contentera d esquisser certaines situations stylis es telles qu elles ressortent la fois de doctrines affich es et de comportements observables Nous d gagerons ainsi deux mod les oppos s 2 1 Le mod le fond sur la dissociation Le premier id al type non pas qu il constitue un mod le suivre mais un point de r f rence relativement commode d crypter est constitu par le mod le lib ral pur tel qu il est la fois pr n par les conomistes lib raux et par la plupart des milieux d affaires notamment dans les contextes soci taux et culturels dits anglo saxons Cet ideal type mille fois d crit tant pour le louer que pour le vilipender repose pour ce qui concerne n
30. t amener maints managers adopter des profil plus prudents en mati re de prise de risque Ce comportement d aversion pour le risque risk adverse n est pas en soi nouveau mais toutes choses gales par ailleurs il peut tre source de renoncements des projets novateurs et porteurs de croissance Par l un risque syst mique n est pas exclure V Point d tape A d faut d une conclusion il est possible de faire un point d tape de ces premi res r flexions 1 Le concept de R G a t con u comme un largissement tant en termes soci taux que temporels du r f rentiel traditionnel de la responsabilit du management En termes analytiques cet largissement am ne tenir compte des externalit s dans les comportements de management en quelques sorte tenter de les internaliser 2 Deux mod les de r f rences ont t explor s l un fond sur le principe de la dissociation des sph res business hors business l autre au contraire sur le principe de leur int gration dans la vision que les managers ont de la strat gie de leurs organisations et dans leurs comportements concrets 3 Le mod le fond sur la dissociation est conforme avec les principes conomiques n o lib raux Les managers n incorporent pas les externalit s dans la sph re business sinon par le jeu des charges induites par le respect des lois amp r glements en vigueur ou en provisionnant le ris
31. tion arr t Perrier Dans d autres cas encore les nouvelles orientations viennent du monde des actionnaires eux m mes ce qui peut sembler paradoxal on a pu parler d oxymoron propos du concept d actionnaire socialement responsable P rez 2002 Pourtant ce mouvement a quitt depuis quelques temps le domaine de l anecdote pour s inscrire comme un acteur cons quent et reconnu comme tel dans le monde de l pargne et des investissements financiers Il est en effet port non seulement par des minorit s engag es pour des raisons id ologiques ou religieuses dans une posture thique mais de plus en plus par des cat gories plus nombreuses d pargnants soucieux certes de la garantie de leur pargne notamment lorsqu il s agit d une pargne salariale constitutive d un fonds de retraite titre principal ou compl mentaire mais inscrivant cette exigence dans le long terme c est dire avec une pr occupation proche de celle du d veloppement durable sustainable development Il ne faut pas s tonner en cons quence que contrairement une opinion largement r pondue ce sont certains grands fonds de pension comme Calpers qui non seulement ont t l origine des principes de corporate goverance mais qui ont fait voluer ces derniers notamment apr s les exc s et d rives qui ont caract ris la r cente crise des march s boursiers La relation au d bat sur la R G est imm diate
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