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livret YEELEN - lycée Roland Garros

1. 22 00 37 26 Le chef pr sente Attou Nianankoro 23 00 38 47 La nuit Soma se restaure avec ses porteurs l aube il invoque Mari quand sur gissent en marchant l envers un albinos et un chien rouge que Soma veut sacrifier 24 00 43 28 Nianankoro donne Attou un ali ment magique qu il ingurgite son tour Elle se d nude et sourit tandis qu il est pris de spasmes Chapitre 6 L pouse r pudi e 25 00 45 16 De retour au village le jeune homme avoue au chef qu il a eu une relation sexuelle avec Attou et demande tre ex cut Ce dernier lui fait don de la jeune femme et d un sabre avant de leur ordonner de partir Chapitre 7 la promesse du roi 26 00 52 23 l oncle paternel de Nianankoro Bafing accompagn des deux porteurs et du pilon magique surgit dans le village peul et insulte le chef avant de l immobiliser par ses pouvoirs ma giques Bafing s loigne au cr puscule Chapitre 8 Le conseil 27 00 57 13 Un groupe d initi s se r unit pr s de la statue de la grande sorci re Soma obtient leur soutien pour retrouver son fils Une fois la c r monie termin e l aile r appara t dans les bras de la statue Chapitre 9 La source du Bongo 28 01 07 43 Nianankoro et Attou arrivent dans un village troglodyte Le chef les autorise aller se purifier la source du Bongo 29 01 11 24 Nianankoro et Attou se purifient tour tour Chapitre 10 L aile et
2. 2 Malgr un constant souci d unit esth tique la lumi re varie d une sc ne l autre en fonction de ce que veut raconter le cin aste Si Soma lors du sacrifice du chien et de l albinos ou lors de la c r monie du Komo est dans un univers qu il conna t Nianankoro en revanche doit surmonter les preuves d un voyage initiatique il est donc logique qu il soit confront laridit du paysage ou la br lure du soleil qu invoque Soma pour le d truire 2 L Afrique dans la lumi re propos de Souleymane Ciss recueillis par Charles Tesson Cahiers du Cin ma n 402 p 29 ATELIER Le temps ta id Pour comprendre ce qui fait la sp cificit de l criture cin matographique de Yeelen il est n cessaire d interroger le traitement du temps dans le film Dur e Le rythme est diff rent de celui dont nous avons l habitude au cin ma Le film abandonne le tempo du cin ma de divertissement pour nous inviter la contemplation du monde Nous devons nous rendre sensibles au fr misse ment du vent dans les arbres la beaut blouissante de la lumi re Nous devons r apprendre prouver la dur e d un d placement pieds nus dans la savane ou de la discussion d un conseil de village peul C est la dimension la fois contemplative et documentaire du film Il ne s agit pas seulement de nous raconter une histoire Alors que le cin ma classique s attache aux actions le film de Ciss s attar
3. SOULEYMANE CiSS MODE D EMPLOI Le d roul de ce livret suit la chronologie du travail men par les enseignants avec les l ves Les premi res rubriques plut t informatives permettent de pr parer la projection Le livret propose ensuite une tude pr cise du film au moyen d entr es vari es le r cit la s quence le plan ainsi que des pistes p dagogiques concr tes permettant de pr parer le travail en classe Des rubriques compl mentaires s appuyant notamment sur des extraits du film sont propos es sur le site internet www lux valence com image P Le pictogramme indique lt qu une de ces rubriques est o o i en lien direct avec le livret amp lt 2 2 Valence Directeur de la publication V ronique Cayla Propri t Centre National du Cin ma et de l image anim e 12 rue de L beck 75784 Paris Cedex 16 T l 01 44 34 34 40 R dacteur en chef Simon Gilardi p le r gional d ducation artistique et de formation au cin ma et l audiovisuel R dacteur du dossier Fr d ric Sabouraud Stratis Vouyoucas rubriques p dagogiques Conception graphique Thierry C lestine Conception juin 2010 Centre Images p le r gional d ducation artistique et de formation au cin ma et l audiovisuel de la R gion Centre 24 rue Renan 37110 Chateau Renault T l 02 47 56 08 08 www centreimages fr Remerciements Souley
4. affirme Souleymane Ciss Pour Yeelen il a fait appel Michel Portal connu pour ses compositions et improvisations en jazz notamment Je veux une musique qui wait pas de couleur qui soit intemporelle qui puisse donner le son de la poussi re 2 lui explique le r alisateur qui ne conserve finalement qu une faible part de ses propositions Par ailleurs Ciss se refuse de faire appel des musiciens maliens dont la musique chant e ne lui correspond pas La seule exception concerne la m lodie accompagnant le d part de l oncle Bafing chant e par le c l bre chanteur Salif Ke ta en hom mage posthume l acteur Isma la Sarr Pour le reste la musique est souvent pur e l extr me Apr s une br ve ouverture constitu e de cloches grelots et cymbales un th me central se fait entendre mix avec un cri d oiseau Il est constitu d une musique en nappe rappelant des sons de fl tes ponctu e de l g res percussions la basse lectrique Symbolisant l amorce d une nouvelle re il revient trois fois lorsque Nianankoro d couvre l usage de ses pouvoirs lors de l affrontement final et pendant le g n rique de fin D autres formes musicales interviennent de mani re plus discr te sous forme de pr sages mena ants On entend une m lo die peine audible quand Nianankoro d couvre ses visions dans le reflet de l eau Plus tard des cordes frapp es accompagn es d une basse dramatisent le moment qui pr c
5. l ves ce qui rel ve du r alisme et ce qui rel ve du magique puis leur demander par quels proc d s s tablit la continuit entre ces deux univers Yeelen se fonde sur une esth tique r a liste plans longs et descriptifs int grant les personnages dans un espace homo g ne d cors et clairages essentielle ment naturels cela s ajoute une obser vation des coutumes des rituels le conseil seq 27 des modes de vie et de travail les forgerons seq 7 que l on peut qualifier de documentaire Cette esth tique peut sembler para doxale dans un conte initiatique fond sur la mythologie Bambara et qui fait revivre une culture traditionnelle appuy e sur des rituels ancestraux o la magie est toujours pr sente par exemple chap 4 et seq 23 Mais c est la particularit de ce film d ancrer la magie au c ur du r el sans rupture esth tique Il s agit en effet de d crire une culture qui ne distingue pas le monde mat riel du monde spirituel le monde r el du monde magique La magie fait ici partie int grante du r el Montrer la magie On pourra ensuite comparer le traite ment des manifestations magiques ou divines voire malignes dans des films grand spectacle comme Harry Potter ou L Exorciste avec les apparitions magiques de Yeelen quoi servent les effets cin matographiques ostentatoires de ces films contrario quoi sert la discr tion des effets dans Yeelen Harry P
6. une mystique moderne Ainsi lorsqu il voque ses retraites dans la brousse pour nourrir ses sc narios des r ves qu il a eus le r alisateur malien parle de son criture int rieure N le 21 avril 1940 appartenant lethnie Sonink il suit l cole coranique o enseigne son p re tailleur de profession dont il se fait exclure apr s une hos pitalisation Il vit alors de petits boulots et en parall le voit deux films chaque soir en cachette J tais un fanatique du cin ma C est par lui que j ai pu conna tre le monde 1 Ciss voque souvent ces images qui l ont fait pleurer celles de lar restation de Patrice Lumumba leader ind pendantiste du Congo assassin en 1961 par les services secrets de l Etat colonialiste belge cette poque le jeune Malien projette des films qu il commente en public puis suit un stage de pro jectionniste et de photographe en Union Sovi tique avant d obtenir une bourse dans la c l bre cole de cin ma de Moscou le VGIK Il y r alise ses premiers courts m trages en 16 mm il maura les moyens de tourner en 35 mm que pour Yeelen LHomme et ses idoles la relation entre un f ticheur et un malade en 1965 Sources d inspiration pour un peintre 1966 et Aspirant qui confronte m decines moderne et traditionnelle r alis en 1968 C est aussi pour lui l oc casion de prendre ses distances avec le discours religieux dans lequel il a baign depuis son enfance Ava
7. vidence loin d tre dan sants et chantants les films africains sont ax s sur la parole sur le verbe sur la dimension performative comme disent les linguistes de la parole l image vient apr s Les corps dans l image viennent apr s tout tonn s d tre pris dans la logique de fer de la parole M me Semb ne Ousmane lorsqu il se penche lui aussi sur le pass sur les m canismes du pouvoir afri cain Ceddo reste discursif analytique Jusqu ici Ciss tait la seule exception la r gle M me en 16 mm ses personnages avaient une pr sence physique une gr ce dans les mouvements une sensualit diffuse Le Vent inconnues ailleurs Pas l esth tisation du monde ou sa carte postali sation mais l inscription imm diate des corps dans leur environnement une appartenance r ciproque de l homme qui marche dans la brousse et dans le plan brousse au m me rythme et toujours avec une id e der ri re la t te Si bien que le passage du naturel au surnaturel se fait sans roulements de tambours qu un regard suffit transpercer un rival ou poss der la femme que la beaut des acteurs le jeune Issiaka Kane dont c est le premier film est tout simplement extraordinaire a l l gance de ce qui se suffit soi m me Le film arrive en tout cas au moment o cette histoire africaine a comme toute vraie histoire le droit de nous toucher directement nous tous y compris les cannois
8. Est ce bien une r apparition Ces visions de la statue ne se situent elles pas dans une autre temporalit Un futur Un pass Si le temps du film s coule lin aire ment du d part de Nianankoro au duel final une faille s ouvre ici qu on ne peut combler La vie des personnages du film est ench ss e dans une temporalit qui la d passe qui semble cyclique le plan de l enfant attachant la ch vre est repris la fin du film mais dans une prise diff rente c est donc un geste r current C est pourquoi leur mort n est pas tragique Nianankoro mourra d avoir voulu poss der et transmettre le savoir de son p re mais il emm nera son p re avec lui dans la tombe Il aura jou son r le historique et son fils pourra prendre la rel ve 1 Il est m me fait allusion aux armes feu pendant la c r monie du Komo Il ne faut pas gaspiller les balles pour les l phants Pour finir Les trois derniers plans condensent ensemble des probl matiques sur le temps dans Yeelen Ils se situent juste apr s le plan analys page 14 L enfant a fait sortir deux ufs du sable 1 au terme d un long travelling accompagnant le trajet de l enfant celui ci offre un uf sa m re qui le d pose ses pieds juste sous le soleil Attou lui remet la tunique de son p re puis prend l uf et repart dans la direction d o venait l enfant accompagn e par un nouveau travel ling Sur la dune o taie
9. P re et fils nous dit Ciss sont aussi irr conciliables qu indestructibles une lumi re les balaie l un et l autre de nouveaux symboles apparaissent Ni retour aux valeurs ni fuite en avant Impossible de m priser le pass impossible de mimer l avenir c est la v rit du marcheur que le film pouse jusqu ce que le marcheur s arr te lui m me Je ne trouve pas pour ma part que cette d marche soit aujourd hui incompr hensible en Occident ni que Yeelen vienne comme un cheveu folklorique sur la soupe m diatique o se noie le cin ma Le film west ni plus ni moins actuel que ceux de Paradjanov ou de Tarkovski et puisque Cannes n a pas pu r compenser Le Sacrifice il ne faudra pas s abonner si on n y prend pas assez au s rieux Yeelen dont on se contentera sans doute de dire d un air hypocrite que c est bien qu il y ait un film africain Cannes Serge Daney Lib ration samedi 9 et dimanche 10 mai 1987 Ce texte est un extrait de la critique crite par Serge Daney au len demain de la projection de Yeelen au festival de Cannes La lucidit du journaliste est tonnante quand on sait qu il ne s agit pas d un texte analytique longuement m ri mais d un article de presse Il a t sensible tous les aspects essentiels du film beaut des plans traitement particulier du temps dimension initiatique et universel le simplicit du passage du naturel au surnaturel Le
10. es plus tard l art du montage Par ailleurs nul n ignore que le western occupe pour ce jeune pays que sont les tats Unis la fonction de r cit mythique fondateur ce qui le rapproche de lam bition de Yeelen Enfin le combat entre Soma et Nianankoro a un autre point commun avec le duel laide de six coups la ful gurance de l affrontement qui s op re distance entre les deux anta gonistes bien diff rent des combats l p e ou au corps corps qui contiennent leur propre dramaturgie leur n cessaire dur e comme dans Le Cid d Anthony Mann le splendide duel l p e entre Rodrigue et le comte Lozano p re de Chim ne Cette particularit oblige le metteur en sc ne pousser son comble la dilatation de la situation qui le pr c de La s quence se divise en quatre tapes l approche le d fi le temps suspendu et l affrontement Passant de l une l autre Ciss recourt des effets de sym trie pour voquer la r flexivit des personnages m me mani re de filmer Attou la poursuite de Nianankoro et le jeune guerrier traversant le village plan large de face la longue focale M me travelling arri re avec panoramique droite gauche pour l un gauche droite pour l autre pour filmer l arriv e de Soma et de son fils sur le champ de bataille Puis vient le temps du d fi auquel on acc de par un plan large le premier depuis le d but du film o l on voit Soma et son fils dans le
11. m me paradoxalement le recouvre d une dimension moderne au sens de l art brut et des primitivistes mais aussi du cin ma contemporain minimaliste tel qu on le trouve notamment chez Roberto Rossellini Pier Paolo Pasolini ou Abbas Kiarostami Une stylistique moderne et pur e Chaque d tail de la mise en sc ne est chez Ciss une mani re d affirmer son point de vue Ainsi le recours au travelling n est jamais anecdotique il s agit toujours d accompagner le trajet d un per sonnage d s lors qu il comporte un enjeu fort r el et symbolique comme lorsque les deux combat tants se rendent sur les lieux du duel Filmer le mouvement d un corps en l accompagnant c est en quelque sorte nous faire adh rer l nergie la volont suppos es qui l habitent m lant imma nence et transcendance De la m me mani re les trajets de la derni re s quence du film l enfant amenant l uf Attou sa m re posant l uf au pied de l aile du Kor puis la rapportant son fils sont film s en travelling pour donner ce par cours sa dimension symbolique et ritualis e Le panoramique renvoie des parcours plus ordi naires de personnages ou des d couvertes de paysages tandis que le zoom utilis uniquement lors du duel s inscrit dans une logique de drama tisation et d affrontement mythique Le d coupage utilise quant lui une figure r cur rente l insert gros plan pour ouv
12. passant au niveau de la superpro duction l chelle africaine s entend Ciss ne se laisse pi ger par ce qui constitue justement son point fort l l gance du filmage et le go t de la beaut On pouvait craindre le hi ratisme lab lis universel d un film revendiqu par son auteur comme intemporel et le d coratisme de l image pour l image Apr s tout il n y a que deux cin astes africains d j la t te d une uvre et Ciss est l un deux l autre est Semb ne Ousmane et il est in vitable que de film en film et de festival en festival ils soient tent s de parler au nom de toute l Afrique Heureusement ce sont des forcen s Et avant tout des cin astes Le travail du cin aste consiste fabriquer des films et esp rer qu eux tous ces plans feront image Les plans sont le sol du film l image en est l horizon Ciss fait des plans et quels Ce r cit initiatique qui a des points communs avec tous les r cits initiatiques du monde se d roule dans un temps paradoxal trangement scand sans h te la fa on dont dans ces soci t s sans criture c est la parole une parole qui se d tache sourde et s che qui se met elle m me entre guille mets qui seule fait avancer les choses f t ce vers l irr parable Il s agit l d un point trop m connu Il faut avoir un peu suivi la courte histoire du cin ma africain pour s tre rendu l
13. 1984 1986 2 d cembre 1987 Issiaka Kane Aoua Sangare Soumba Traore Niamanto Sanogo Isma la Sarr Balla Moussa Ke ta SYNOPSIS Dans une Afrique mythique le jeune Nianankoro membre d une illustre famille bambara dot e d un pouvoir magique ancestral s enfuit sur les conseils de sa m re pour viter d af fronter son p re Soma qui veut l liminer pour des raisons qu il ignore Tandis que son p re le poursuit avec le pilon magique destin le d truire Nianankoro erre travers le Mali la recherche de son oncle Djigui Soup onn d tre un voleur de b tail le jeune homme est arr t et condamn mort par des villageois peuls Apr s avoir fait la d monstration de ses pouvoirs magiques il quitte la communaut avec la premi re pouse du chef Attou Toujours poursuivi par son p re qui trouve lappui des forgerons initi s du Komo Nianankoro retrouve son oncle Djigui fr re jumeau de son p re devenu aveugle pour avoir tent de partager avec son peuple le secret de l aile du Kor Djigui apr s avoir annonc Attou qu elle est enceinte d un fils remet au jeune guerrier laile du Kor Le jeune homme va ensuite affronter son p re dans un duel qui les conduira tous deux la mort terrass s par la lumi re Apr s le cataclysme engendr par le combat le fils de Nianankoro d terre un uf d autruche et s loigne avec l aile et le v tement de son p re qu Attou lui a remis FI
14. Ciss aborde la haine nigma tique de Soma envers son fils renvoie galement par sa dimension totalement irrationnelle au champ de l inconscient Pour autant toute tentative de d calque du complexe d dipe tel que d fini par la psychanalyse freudienne notamment autour de la notion du meurtre symbolique du p re est ici inad quate Nianankoro ne souhaite pas l affrontement avec son p re pas plus qu il ne cherche prendre sa place et poss der inconsciemment sa m re C est plut t le p re qui se sent sans raison menac par sa simple existence En revanche la signification du pilon magique comme objet phallique dimen sion sexuelle et pulsionnelle est av r e figure d une virilit mal contr l e et parano aque contrastant avec celle plus a rienne sensuelle immature et gra cieuse de l aile du Kor cho au corps lanc et dansant d un Issiaka Kane acc dant l ge d homme En m lant habilement les genres Yeelen traite des questions de l appartenance et de l autonomie de la transmission et de l apprentissage en leur accordant par cette approche multiple une port e universelle Western Contest e par Ciss la r f rence au western semble pourtant flagrante Si le cin ma am ricain par excellence est contrairement Yeelen un genre industriel destin au divertissement de masse de nombreux points communs peuvent tre mis jour qui font de Yeelen une sorte de western afr
15. La mani re m me dont la sc ne est d coup e hors de toute lin arit et de raccords d axe de cam ra induit qu il s agit nouveau d un rituel cho au plan de visage de Nianankoro pris de spasmes avec l arri re plan flou pour mieux l isoler du monde Quant sa signification vu le sourire d Attou il pourrait s agir tout autant que de st rilit de frigidit gu rie par la cure articulant ainsi le domaine du sacr au plaisir rotique La cinqui me apparition de corps nus intervient lors de la purification par Nianankoro puis par Attou dans la source de Bongo issue selon les dires de l homme la pipe de la nuit des temps nouveau les corps sont montr s simplement l un apr s l autre dans une gestuelle naturelle qui convient la simplicit du rituel En comparant ces mises en sc ne de Yeelen r cit port e explicitement mythique avec ceux de ses films pr c dents tous deux ancr s dans une r alit contemporaine on remarque que Ciss ne fait aucune distinction entre la nudi t inh rente au rituel ancestral et rural et celle de l ordinaire montr e dans Den Muso pas plus qu il ne distingue cette mise en sc ne de celle splendide autour d un jeu sensuel et innocent des deux jeunes citadins amoureux de Finy Chez Ciss le sacr et le profane ne sont pas s par s pas plus que le pass mythique et le pr sent r el Tous ces corps sont film s de mani re pudique et sensuelle m
16. Nianankoro lumi re douce et chatoyante du lever du jour pour les ablutions de Mah ambiance ombrag e et presque bucolique pour le sacrifice de l albinos et le conseil des initi s du Komo sur exposition pour l aveuglement lors du duel final On pourra imprimer des photogrammes de diff rentes s quences caract ristiques et les comparer on demandera aux l ves com ment ils per oivent les ambiances lumineuses et si elles sont adap t es l ambiance g n rale et au sens profond de chaque s quence Quelle est la fonction dramatique esth tique ou motionnelle de la lumi re dans Yeelen Selon les situations Ciss choisit de placer ses personnages l ombre ou en plein soleil Pourquoi Si Nianankoro semble traver ser des paysages arides et d sertiques son p re est souvent ombre de for ts plus verdoyantes Est ce un hasard Ciss a port une attention particuli re la lumi re de son film pour mettre en valeur les paysages et surtout la peau noire dans tous ses d grad s possibles du noir au m tissage J ai d cid qu il fallait une lumi re tr s dor e tr s douce ce qu on appelle du jaune dor C est une lumi re du matin surtout et aussi du soir midi les contrastes sont bien trop violents pour pouvoir esp rer obtenir de la douceur Tr s t t surtout on se r veillait 2 heures pour pr parer le tournage et mettre en place les com diens et l on commen ait vers 5 heures
17. au cin aste iranien Abbas Kiarostami d un livre consacr l adapta tion et a co crit un ouvrage avec Raymond Depardon Il a r alis des documentaires et des films de fiction Stratis Vouyoucas rubriques p dagogiques a r alis des courts m trages et des documen taires II est galement monteur et metteur en sc ne de th tre enseigne l histoire et l esth tique du documentaire l ESEC et intervient r gu li rement pour la formation des l ves et des enseignants dans le cadre du dispositif Lyc ens et apprentis au cin ma Libert Egali D iternit FR FRAN AISE
18. de l affrontement entre Nianankoro et les villageois puis avec les guerriers Des sons cristallins soutenus par des cordes et une basse l g re ment frapp e leur succ dent annon ant le retour du th me central Lors de lar riv e du jeune couple en pays Dogon on entend des percussions et des cordes jou es sur des instruments traditionnels simple ponctuation devant l tranget magique du lieu et sa dimension ancestrale Le film se termine avec le retour au th me principal qui reprend lorsque Djigui fait ses r v lations Il laisse ensuite la place des percussions symboles d une marche d cisive lorsqu Attou part rejoindre Nianankoro une derni re fois Puis le th me central va aller croissant s accompagnant de d flagrations et de sonorit s m talliques lorsque le pilon s envole Apr s l ultime dialogue entre p re et fils des sons de cloches et de grelots tintent lorsque les vaches surgis sent Lanc par un cri d oiseau qui annonce le d nouement du duel un son de vent cro t auquel s adjoint une sonorit plus stridente et un sifflement aigu qui s imposent lors de l blouissement des antagonistes et du spectateur bient t accompagn s d une puissante d flagration sommet dramatique sonore vo quant le chaos auquel se substitue un sifflement qui son tour d cro t Des percussions ponctu es de coups de cymbales accompagnent les trajets de l enfant et de sa m re dans le sable pour mieux ritualiser
19. e pouvant laisser croire par sa simplicit apparente que le syst me esth tique qui l organise serait facile d crypter D s que l on creuse les fausses pistes sont nombreuses et les tentations de surinterpr ter surgissent comme autant de traque nards Dimension politique Sans aucun doute mais pas seule ment R cit mythique l vidence mais selon un mode qui n ap partient qu Souleymane Ciss Film africain bien entendu mais qui ne se r sume ni l origine de son auteur ni la dimension eth nographique de l intrigue nourrie de la mythologie des Bambaras Car au gr de cette qu te initiatique nous percevons des r son nances avec d autres mythologies avec d autres esth tiques cin ma tographiques donnant au film une port e universelle et une moder nit surprenante Mieux nous croyons d celer travers ce r cit ancr dans une Afrique ancestrale des chos au monde contempo rain et la mani re dont il se met en p ril incapable d articuler sa m moire au pr sent R DACTEUR EN CHEF Simon Gilardi R DACTEURS DU DOSSIER Fr d ric Sabouraud est enseignant de cin ma et intervient r guli rement l Universit et dans diverses coles d art et de cin ma en France et l tranger Il a t membre du comit de r daction des Cahiers du cin ma et collabore r guli rement aux revues Trafic et Images documentaires Il est l auteur d un essai consacr
20. leurs parcours Le futur est en marche une nouvelle re commence ainsi se cl t le r cit qui reprend le th me ancien initial et le d veloppe pendant le g n rique Ciss invente son propre point d quilibre entre tradition et modernit mixant sonorit s d instruments traditionnels percussions cordes et sons plus contem porains synth tiseurs basse lectrique l usage qu il fait de la m lodie reste extr mement sobre charg e de dramatiser discr tement certains moments per cussions et d voquer la puissance de forces invisibles th me principal Ainsi se refuse t il dramatiser musicalement la s quence de s paration de Nianankoro avec sa m re puis avec Attou ou celles des combats individuels et collectifs dans le village peul tant ils ne rel vent pas comme c est le cas pour le duel final d une dimension mythique Cette musique s articule subtilement avec des sons d ambiance rappelant les pouvoirs des l ments cosmiques vent piaillements d oiseaux son du feu et craquement du bois eau jaillissant de la source du Bongo ou lait coulant sur le corps de la m re Yeelen accorde galement une grande importance aux timbres des voix qui noncent des discours tr s ritualis s les saluts les palabres les invocations etc dot s de leurs rythmiques et de leurs sonorit s propres Ce ph nom ne est particuli rement perceptible chez Soma interpr t par Niamanto Sanogo griot la voix gutturale Sa voix agr
21. m me cadre Nianankoro s avance avec son aile sur l paule puis Soma entre au premier plan deux plans plus tard on trouve son sym trique avec Nianankoro en amorce de dos et son p re et les deux porteurs du pilon en arri re plan de face Autre sym trie distance lorsque l on voit le visage de Nianankoro en gros plan tandis qu il demande son p re la raison pour laquelle il veut le tuer et quand on d couvre celui de Soma lui indiquant qu il maura la r ponse qu apr s sa mort Sym trie encore dans la mani re de produire les superpositions sur les visages l l phant pour le p re le lion pour le fils dont la symbolique se passe de commentaire Sym trie toujours entre le travelling circulaire qui entoure Soma en se rapprochant le d signant comme coupable tandis que le pilon laccuse et celui encerclant le corps de Nianankoro en se rapprochant de son visage pour indiquer qu il porte lui aussi la responsabilit de la faute dans la tradition des filiations mythiques et lectives telles qu on les trouve dans la trag die grecque et dans la vendetta Le mouvement courbe de la cam ra renvoie ici la repr sentation du Cosmos qui encercle l humain pour agir de mani re invi sible sur lui Ces liens d opposition et de compl mentarit des deux adversaires vont tre renforc s par leurs gestuelles similaires marche immobilit aveuglement face la lumi re On note galement dans la tradition classique du d cou
22. magique du sang frais d gouline dessus Celui d un coq sacrifi Nous devinons alors que la ch vre est une offrande et la statue une divinit Qui est l enfant quelle est la raison de cette offrande Est ce le fils de Nianankoro Dans ce cas cette sc ne serait une projection dans le futur La statue invoqu e par Soma lors de la c r monie du Komo pro t ge t elle pr sent l enfant symbole de renouveau Pourquoi r p ter ce plan Pour voquer un temps cyclique ou un in luctable avenir Aux sacri fices sanglants de Soma succ dera donc l innocence fragile de l enfant 13 14 Nianankoro et la hy ne Peu apr s son d part Nianankoro fait une trange rencontre s q 8 Un long panoramique nous permet de le d couvrir marchant dans une savane en apparence d serte Hors champ venu d un grand arbre se fait entendre un rire tonitruant Gros plan de l arbre per sonne Plan rapproch sur Nianankoro Plan large de l arbre avec notre h ros en amorce nous voyons alors avec lui apparu comme par magie entre les plans un tre hybride moiti homme moiti hy ne qui l interpelle en riant Il lui promet proph tie litt ralement sibylline une vie faste et une fin pleine de lumi re Le proc d d apparition est d une telle simplicit qu il semble appartenir l enfance de l art du cin ma le champ contrechamp loin de tout effet sp cial spectaculaire II ancre pour ta
23. naristiques li s la mort d Isma la Sarr est justifi e par le fait que Nianankoro a fait dispara tre son oncle Bafing Dans le sc nario initial le jeune homme tait accus par son p re d avoir voulu fonder une secte mieux adapt e au monde contemporain dans une posture assez proche de la geste de Ciss Un temps vertigineux Sil est impossible de situer le r cit de Yeelen une poque pr cise le r cit s inscrit dans une continuit reli e des origines mythiques On trouve les r f rences pr cises cette poque imaginaire dans les rites comme dans les pratiques quotidiennes traditionnelles Ce qui n emp che pas que certains per sonnages se comportent de mani re parfois tr s actuelle notamment Attou et Nianankoro pas plus que cela ne prive Djigui de faire allusion un avenir bien r el la colonisation Cette sensation d tre pris dans une temporalit indiscernable va tre accentu e par le recours syst matique aux ellipses qui nous projettent du jour la nuit de l aube au plein jour nous privant de tout rep re pr cis L impression est la m me concernant les sautes dans l espace Ainsi le film jouxte d s ses premiers plans plusieurs points de vue dont deux dominent celui de Nianankoro et celui de Soma mais rien ne nous indique la distance pr cise qui les s pare Lorsque nous retrouvons la m re de Nianankoro en train de se purifier dans le fleuve il est nouveau impossible de savoi
24. toutefois de sa dimension n faste incarn e par Soma et son pilon magique qui choisit lui de s autod truire L une des volont s de Ciss est en effet de pr server avec ce film une culture menac e par l oubli Son projet est donc directement celui de Nianankoro transmettre au plus grand nombre un savoir r serv originellement une seule caste ce qui lui a d ailleurs t vivement reproch par certains ma tres du Komo Une d marche simultan ment conservatrice et progressiste le progr s ne pouvant pour Ciss tre envisag sans ancrage dans la tradition D COUPAGE S QUENTIEL Chapitre 1 Le sacrifice Pr ambule le film pr sente quatre signes du Komo puis le titre avant d expliquer la fonction symbolique de l aile du Kor et du pilon magique 1 00 01 20 Tandis que le soleil se l ve on voit un poulet vivant s enflammer 2 00 01 54 Un petit gar on accroche une petite ch vre blanche la statue de Nial la grande sorci re qui tient dans ses bras l aile du Kor 3 00 02 53 Soma enflamme distance le pilon magique et un tronc d arbre en demandant l aide divine de Mari pour retrouver son fils et le tuer 4 00 04 50 Nianankoro observe dans le reflet de l eau son oncle Bafing et le visage de son p re mena ant Sa m re l implore de s enfuir Chapitre 2 L exil de Nianankoro 5 00 10 17 Soma d fonce la porte d une case avec son pilon magique 6 00 10 48 Nian
25. travers la figure du devin aveugle Djigui cho Tir sias qu on trouve dans l antiquit grecque chez Hom re et Sophocle celui qui d crit le monde d avant sait pr dire lavenir mais ne peut l emp cher C est du mythe galement que surgit l unique apparition de l homme hy ne pour pr dire Nianankoro un avenir faste C est toujours de son fait que le pilon magique s agite soumis des forces contraires et qu il se met soudain voler puis parler au moment du duel pour rappeler la v rit de l ordre du cosmos La dimension cosmologique de Yeelen met en jeu travers les images les invocations et les rituels les quatre l ments Ainsi le p re est rattach au feu la m re l eau et la terre le fils au vent expression des puissances invisibles de la nature Ce qui mem p che pas ces espaces travers s par des forces magiques de contenir une dimension concr te r elle ordinaire villages for ts brousse montagnes d serts l intrigue elle m me ne peut se comprendre notamment dans son d nouement elliptique que si l on consid re ce combat et ses cons quences l chelle du mythe marquant une cassure historique dont la dimension ne peut se repr senter tant elle est de l ordre de l inconcevable C est comme si le manque de moyens financiers avait paradoxalement servi Ciss pour repr senter de mani re encore plus juste par l ellipse la toute puissance divine Il s agit en
26. Culture fran ais Il peut galement profiter du soutien mat riel du Burkina Faso et d une aide en pellicule de la compagnie Fuji Le r alisateur peut d sor mais envisager le tournage m me s il doit s adapter une conomie restreinte Je pensais plut t faire un film fantastique Comme je n en avais pas les moyens j ai d faire une mise en sc ne plus concr te plus ma port e mais j aurais aim aller au del avec plus de moyens 3 Pour la lumi re il obtient des moyens techniques res treints qui ne lui permettent pas d clairer les plans larges comme il l aurait sou hait Les dialogues sont retravaill s avec l aide du com dien jouant le r le du roi peul Balla Moussa Ke ta g nie de la langue bambara 4 selon Ciss Apr s plus d un an de recherche pour trouver les lieux de tournage et les com diens Ciss souhaite que les acteurs soient pour la plupart issus du territoire o il pr voit de filmer les pr paratifs d butent le 15 novembre 1984 Premier Tournage de Yeelen extrait du film d tienne de Grammont A be munumunu production tienne de Grammont Les films Ciss obstacle les vents de sable l Harmattan soufflent pendant plusieurs semaines une dur e assez exceptionnelle au Mali Puis c est la nourriture transport e l quipe huit cents kilom tres qui est pollu e par le gazole Nous nous sommes retrouv s sans nourriture en plein milieu de la for t 5 Par ailleur
27. LMOGRAPHIE 1972 1975 1979 1982 1987 1995 2009 S LECTIVE Souleymane Ciss Cinq jours d une vie 40 min Den Muso La Jeune Fille 1 h 30 Baara Le Porteur 1 h 30 Grand prix du FESPACO 1979 Ouagadougou Burkina Faso Grand prix du festival des Trois continents 1978 Nantes Tanit d argent prix d interpr tation masculine et prix de l humanisme aux Journ es cin matographiques de Carthage 1978 Grand prix du jury et prix de la critique internationale au Festival international du film de Namur Belgique 1978 prix de la meilleure photo et Grand prix cum nique au festival de Locarno Suisse 1978 Finy Le Vent 1 h 40 s lection officielle Un certain regard festival de Cannes 1982 Tanit d or des journ es cin matographiques de Carthage Grand prix de la critique arabe Carthage Grand prix Yennenga FESPACO 1983 Yeelen La Lumi re 1 h 41 Prix du Jury festival de Cannes 1987 Waati Le Temps 2 h 20 s lection officielle festival de Cannes 1995 Min y Dis moi qui tu es 2 h 15 s lection hors comp tition festival de Cannes 2000 Sur le tournage de Yeelen extrait du film d tienne de Grammont be munumunu production tienne de Grammont Les films Ciss R ALISATEUR Le cin aste en mission Qu il s agisse de ses premi res exp riences de spectateur ou de ses films r cents le rapport au cin ma de Souleymane Ciss s apparente
28. ankoro se s pare de sa m re apr s qu elle lui a remis deux f tiches 7 00 11 49 Soma entre dans un village 8 00 15 03 Nianankoro croise un homme hy ne hilare qui lui pr dit une vie faste 9 00 16 36 Pris pour un voleur de b tail le jeune homme est fait prisonnier par des villageois peuls Chapitre 3 Prisonnier 10 00 20 08 La m re de Nianankoro se puri fie dans le fleuve et implore la m re des m res de sauver son fils et le pays 11 00 22 17 Nianankoro condamn mort par les sages du village riposte en faisant usage de ses pouvoirs Chapitre 4 Par les abeilles et le feu 12 00 25 05 Un groupe de guerriers attaque le village Lun d eux bat un villageois au cours d un duel Le vaincu se suicide 13 00 28 12 Le chef du village demande de l aide Nianankoro 14 00 31 36 Nianankoro commence un rituel avec un tibia de cheval 15 00 32 19 Les guerriers se figent brutalement 16 00 32 37 Nianankoro lib re les abeilles de leurs ruches 17 00 33 29 Les combattants pris de panique s enfuient 18 00 33 54 Nianankoro fait un feu 19 00 34 01 Les combattants sont encercl s par les flammes 20 00 35 10 Un enfant vient annoncer la vic toire aux bergers Chapitre 5 La seconde faveur du roi 21 00 35 24 Le chef peul propose Nianankoro de rester en lui promettant une femme et l implore de gu rir sa jeune pouse de la st rilit
29. ccords superpositions que nous sommes pris la diff rence du western cette fois entre l humain et consulat le divin dans un univers propre au film Il nous apporte la confirma tion que Ciss envisage cadres et mouvements de cam ra d une mani re tr s ma tris e li e au sens implicite qu il veut sugg rer au point de vue qu il exprime Il invente ainsi une esth tique la fois classique par sa rigueur et moderne par son d pouillement fond e sur l conomie de moyens la transgression et l pure entre hommage aux grands ma tres et r bellion contre les conventions Lenfant et la sorci re La s quence du duel est interrompue par l un des plans les plus beaux et myst rieux de Yeelen reprise du qua tri me plan du film Un long panora mique suit un petit gar on qui marche tout nu Il tire une chevrette blanche au bout d une corde et va l attacher une statue assise dans une clairi re Dans les bras de la statue que nous appren drons plus tard nommer Nial la grande sorci re se tient l aile du Kor mais nous ne le savons pas encore Le plan suivant d taille un cristal tri angulaire incrust sur l aile du Kor puis se rapproche de la statue o nous d couvrons un cristal similaire Le vi sage de la statue est sali de poudre blanche et de coul es rouges qui vo quent des larmes de sang s ch Dans le plan suivant nous retrouvons un cristal fich sur le pilon
30. de aussi sur les d placements les temps morts La dur e de certaines sc nes du film s tend ainsi au del de ce que n cessite rait leur simple fonction narrative pour atteindre une port e descriptive ou contemplative Par exemple le roi se fait laver les pieds apr s la sc ne de gu rison d Attou s q 25 La dur e de ce plan eu gard son utilit dans le r cit est elle justifi e la c r monie du Komo s q 27 s ouvre sur deux longs plans un travelling d taille un bois puis nous y voyons marcher un vieil homme Qui est il Pourquoi tant d attention lui est elle port e Enfin nous assistons la tota lit de la c r monie comme dans un documentaire ethnographique La dur e de cette sc ne est elle disproportionn e ou bien fondamentale et r v latrice du projet de Ciss transmettre le Komo Ellipse Dans le cin ma classique depuis Griffith le montage parall le entre poursui vants et poursuivis permet en g n rant des ellipses de cr er des effets d acc l ration Ici au contraire le temps semble suspendu la poursuite se transfor mant en qu te initiatique Les ellipses condensent le temps mais n acc l rent pas le rythme du film Elles provoquent plut t un effet d tranget On pourra tudier l effet produit par ces encha nements elliptiques par exemple lors de l arriv e en pays Dogon Combien de temps s est coul Quelle distance a t on parcourue O se situ
31. e a altern entre Moscou et Paris l IDHEC notamment Des formations africaines mergentes Le Burkina Faso a vu appara tre sa premi re cole de cin ma l INAFEC en 1976 L Institut Sup rieur de l Image et du Son Isis a pris la rel ve formant pr s de deux cents professionnels Au B nin on compte trois coles d audiovisuel Au S n gal le M dia Centre dispose d un d partement de production d images Il existe gale ment des coles anglophones en Afrique du Sud AFDA et au Ghana Nafti Au Mali l Union des cr ateurs et entrepreneurs du cin ma et de l audiovisuel de l Afrique de l Ouest UCECAO envi sage d utiliser son futur si ge comme lieu de formation M T i Touki Bouki Cin grit Borom Sarret les Films Doomireew La coop ration fran aise Le cin ma d Afrique francophone a b n fici dans les ann es 1980 d une aide importante de la France qui s est r duite depuis une quinzaine d ann es Demeure un Fonds de solidarit prioritaire de 8 5 millions d euros formation professionnelle aides aux projets et l mergence de producteurs locaux soutien la distribution et la reconqu te du public Par ailleurs un million d euros est attribu chaque ann e au soutien d une douzaine de longs m trages gr ce la participation de l Organisation internationale de la francophonie OIF Le d veloppement du num rique et de la vid o la demande VOD constitue d
32. e bonne conscience Ainsi jusqu sa r alisation la plus r cente le r alisateur malien poursuit ce qu on pourrait nommer sa mission cin matographique qui s est fix e pour but d aider le continent africain se forger un avenir pacifi tout en d velop pant un point de vue port e universelle 1 Propos extraits d un entretien avec Awa To journaliste malienne bonus du coffret Souleymane Ciss Fox Path Europa 2 Entretien de Souleymane Ciss avec Dani le Heymann Le Monde des 29 et 30 11 1987 3 Entretien r alis dans le cadre du dossier Le Vent Lyc ens au cin ma CNC BIFI Paris 2002 4 Entretien r alis par Simon Duflo et Stratis Vouyoucas Paris avril 2010 AC TEURS La tribu de Ciss Il y a deux moments incroyables dans la fabrication de mes films c est celui de l cri ture et la p riode du casting criture cest aventure int rieure mais le casting a toute son importance pour moi Il m arrive de faire six mois de recherche voire un an pour trouver les bons acteurs Jai une image int rieure de mes personnages mais il me faut ensuite la trouver dans la r alit Apr s une premi re tentative peu conclu ante avec des acteurs de th tre maliens Souleymane Ciss a vite constat qu il ne partageait pas la m me conception du jeu Depuis il pr f re recruter ses com diens parmi des d butants Pour Finy il rencontre Fousseyni Sissoko le premier r le
33. e de Soma Pour conserver la trace de son ami et acteur Isma la Sarr Ciss d cide de le rebap tiser oncle Bafing et garde au montage une s quence o il appara t C est ce qui explique son surgissement impromptu dans le r cit et sa disparition tout aussi inattendue s quence 26 Le film fait deux autres allusions l oncle Bafing que Ciss a rajout es apr s la mort de l acteur pour redonner une relative coh rence l intrigue il en est fait mention au d but s quence 4 lorsqu il appa ra t dans le reflet de l eau dans la calebasse et lors de la c r monie des initi s lorsque Soma fait allusion sa disparition dont Nianankoro est tenu pour res ponsable s quence 27 C est galement en souvenir de son com dien que Ciss a eu recours la splendide complainte de Salif Ke ta c l bre chanteur malien qui lui adresse un hommage posthume tandis que la silhouette cor pulente d Isma la Sarr dispara t au coucher du soleil 1 Souleymane Ciss r alisation Rithy Pahn production Amip La sept INA collection Cin ma de notre temps 1991 2 Entretien r alis dans le cadre du dossier Le Vent Lyc ens au cin ma CNC BIFI Paris 2002 ns ai Isma la Sarr dans Den Muso Fox Path Europa GENESE Ou je tourne le film ou il me tue Apr s avoir fait Finy j ai constat que je m tais laiss trop entra n dans une dimension politique le film voque notamm
34. e nouvelles pistes pour l avenir Le r le des festivals Les Journ es cin matographiques de Carthage JCC fond es en Tunisie en 1966 ont jou un r le majeur dans l mergence de ce cin ma Tous les grands cin astes du continent africain et de la M diterran e y ont t prim s Semb ne Ousmane Souleymane Ciss l gyptien Youssef Chahine et tant d autres Le Festival pan africain du cin ma et de la t l vision de Ouagadougou le FESPA CO fond en 1987 joue d sormais jeu gal Il a lieu une fois tous les deux ans en alternance avec Carthage Tous deux s appuient sur une forte participation populaire Les tentatives chaotiques d organiser la production La F d ration panafricaine des cin astes FEPACI a t fond e en 1970 et soutenue par le pr sident burkinab Thomas Sankara grand d fenseur du cin ma africain assassin en 1987 Cette orga nisation enchaine crises et refondations entrant parfois en rivalit avec lUCECAO autour d un m me but donner son autonomie au cin ma africain La Vie sur terre La Sept Arte Haut et court Un d placement du centre de gravit Le probl me demeure concernant la rar faction des lieux de projection et leur v tust il ne reste par exemple qu une salle active Bamako l organisation d une diffusion coh rente bute galement sur limpossi bilit d organiser une gestion saine permettant de faire remonter les recettes aux distributeurs a
35. ec d autres ethnies les Peuls et les Dogons Puis vient le temps de laffron tement avec son p re qui les m ne tous deux la mort l pop e se poursuit sans lui quand Attou et leur fils annoncent l av nement d un monde nouveau Le mythe remis jour l pop e de Nianankoro se d veloppe sous le sceau du mythe apr s une suc cession de signes calligraphiques du Komo le film s ouvre sans crier gare par le sacrifice d un poulet enflamm adress la divinit Mari suivi de l offrande d une ch vre la grande sorci re par celui qui s av rera tre le fils de Nianankoro Les rituels se succ dent visions dans la calebasse enterrement du tibia de cheval purifications r union des initi s les sacrifices s encha nent le poulet le chien rouge l albinos les offrandes s accumulent la ch vre la bi re de mil Cette intrigue dimension magique s exerce sous l emprise du mythe fondateur des Bambaras qu aucun personnage ne vient remettre fonda mentalement en cause Ainsi fonctionne le mythe comme une croyance f d ratrice parce qu incontestable Pour se faire il s appuie sur des rituels et des objets symboliques pilon magique aile du Kor statue de la grande sorci re en t moignent Ces objets auront l occasion d affirmer leurs puissants pou voirs directement reli s une histoire mythique renvoyant aux origines et an non ant le futur Cette loi r gissant un temps mythique s incarne
36. elques ann es Mais cela n explique pas comment le paysage a t modifi comme apr s un cataclysme g ologique qui s tale habituellement sur des millions d ann es On pourrait ajouter que ce bouleversement tectonique peut tre lu les propos du cin aste nous y invite2 comme une m taphore de la destruction du monde par la guerre et un mau vais usage de la science introduisant ainsi au film une dimension de parabole actuelle port e universelle 1 A J Greimas S mantique structurale Paris PU E 262 p 2 C est l histoire de notre propre autodestruction par l utilisation de la science explique le r alisateur propos de la fin du film Il arrivera un moment o il n y aura plus de solutions Entretien r alis par Simon Duflo et Stratis Vouyoucas Paris avril 2010 La S ance Pour pr parer le travail en classe on pourra demander aux l ves d tre attentifs certains aspects du film pendant la projection Peut on dater le film quelle poque se d roule t il Yeelen est il un film r aliste ou un film fantastique Quelle est la part de l un et la part de l autre Yeelen est un film o la magie semble habiter le quotidien Par quels moyens cin matographiques la magie est elle montr e S agit il de proc d s spec taculaires Si on la compare celle d un film hollywoodien la fin de Yeelen semble inhabituelle Selon vous le film se fin
37. ent cette falaise ces habitats tro glodytes et cette grotte Que vient on y faire 1c ii Temps mythique Nous ne savons pas quelle poque se d roule le film il n y a presque aucun signe de modernit ou d occidentalisation l oncle voque d ailleurs dans sa proph tie l av nement d une catastrophe qu on peut associer au colonialisme le film lui est donc ant rieur il est m me certainement ant rieur l islamisa tion du Mali Pourtant il ne s agit pas d une reconstitution historique le monde que nous voyons est film au pr sent dans le Mali rural contemporain mais d barrass des produits modernes v los tee shirts Nous pouvons reconna tre les gestes usuels des paysans maliens femmes pilant le mil for gerons chauffant le fer comme s il s agissait de gestes ancestraux comme si les m mes coutumes perduraient depuis toujours On a donc la sensation d un film hors du temps un film au pass qui se d cline au pr sent Temps discontinu Quelques s quences s ins rent difficilement dans la continuit du r cit Comment les situer dans la narration Lorsqu au d but du film lenfant attache la ch vre la statue le cristal est d j incrust dans l aile du Kor alors que Nianankoro ne le placera dessus qu la fin du film De m me l aile appara t dans les bras de la statue au dernier plan de la c r monie du Komo alors qu elle n y figurait pas au plan pr c dent
38. ent les meutes des tudiants maliens r prim es par l arm e explique Souleymane Ciss J ai voulu cher cher en profondeur cest ainsi que l id e de Yeelen est arriv e La question s est alors pos e d adapter cette histoire au monde moderne pour qu il puisse l accepter sans que cela ne devienne un film ethnographique ou un film touristique 1 Il s agit travers son sc nario de rendre la culture du pass accessible la jeunesse malienne d aujourd hui Le r alisateur choisit pour se faire de mettre en sc ne des pratiques bambaras secr tes issues de la religion ancestrale le Komo ins r es dans une histoire imagin e par ses soins Une fois le film termin le r a lisateur a d faire face de virulentes critiques provenant de certains univer sitaires Les gens ont dit qu en d voilant le secret du Komo j avais touch un tabou Je pense qu un secret doit tre partag par tous 2 Une fois le sc nario d velopp Ciss producteur de ses propres films part la recherche de financements en s appuyant sur ses soutiens fid les il obtient nouveau l aide de sa famille ainsi que celle de l association fran aise Atria cr e en 1981 l initiative d un groupe de techniciens fran ais parmi lesquels Andr e Davanture qui a mont les films de Ciss depuis Den Muso Par ailleurs Ciss obtient pour Yeelen le soutien du minist re des Affaires trang res et du minist re de la
39. essive s oppose au phra s doux et h sitant de son fils Issiaka Kane et celle d une infinie douceur et d une m lancolie retenue de M h la m re de Nianankoro Soumba Traore 1 Entretien r alis par Simon Duflo et Stratis Vouyoucas Paris avril 2010 2 idem ANORAMA Le cin ma africain d une crise l autre Si l on dresse grands traits un panorama du cin ma africain on bute d embl e sur un probl me de d limitation comment en fixer les fronti res Quels genres faut il privil gier En se limitant au cin ma d Afrique noire francophone on peut en esquisser quelques lignes de force Une rel ve difficile Le cin ma a connu une naissance tardive sur le continent africain et un d veloppement en dents de scie Quelques grands noms de cin astes ont r ussi s imposer depuis la r alisation du premier film du S n galais Semb ne Ousmane Borom Sarret 1963 tels que le S n galais Djibril Diop Mambety auteur du c l bre Touki Bouki 1973 et Souleymane Ciss Dans la g n ration suivante citons le Mauritanien Abderrahmane Sissako r alisateur de La Vie sur terre 1998 et les Burkinab s Gaston Kabor auteur de Zan Boko 1988 et Idrissa Ouedraogo qui a r alis Yaaba 1989 La g n ration de Ousmane et Ciss a t form e l cole de Moscou le VGIK cons quence des accords entre l Union sovi tique et certains pays afri cains en pleine Guerre Froide La g n ration suivant
40. ette double fonction des objets Voici quelques exemples le pilon objet usuel par excellence se pare de pouvoirs magiques entre les mains de Soma se laver la source rev t une port e purificatrice les ufs d autruche ont valeur d offrande et une fonction symbo lique de transmission 3 Femme et famille Quelle est la place de la femme dans le film Est elle un simple faire valoir du h ros comme sou vent au cin ma De mani re plus globale que peut on dire des rap ports de famille dans le film La femme a plusieurs statuts dans le film Par exemple la m re de Nianankoro s oppose son mari pour prot ger son fils de la menace qu il fait planer sur lui Attou la femme peule sert la fois d objet d change et d instru ment de r conciliation puis acquiert progressivement son autonomie refusant d ob ir l oncle aveugle et guidant son fils vers son destin Dans une soci t domin e par des hommes orgueilleux en conflits perp tuels les femmes incarnent une constance protectrice et bien veillante qui permet la transmission des traditions et des savoirs aux g n rations futures onsultat 4 La lumi re La lumi re est au c ur du film elle en est l embl me elle lui donne son titre Il faut donc s y int resser de pr s Il y a une grande diversit de va riations lumineuses dans le film lumi re tale pour le sacrifice du poulet lumi re crue pour l errance de
41. explicite l uf ce titre repr sente un mode de reproduction qui n en passe pas par le p re et la m re mais en revient au mythe originel de la terre f conde qui donne vie l humain Le film suivant Waati reprendra l histoire l o Yeelen l abandonne en Namibie o l on a d couvert les plus anciennes traces d humains ce jour 1 Solange de Ganay Notes sur la th odic e bambara Revue de l histoire des religions Paris 1949 vol 135 GURE fleur de peau La nudit des corps est une constante dans l uvre de Ciss d s son premier long m trage Den Muso La Jeune fille On y voit T nin jeune fille sourde et muette prendre une douche comme on d couvrira dans le film suivant Finy un jeune couple nu B et Batrou s aspergeant avec de l eau Dans Yelen la nudit intervient une premi re fois d une mani re qui semble vidente quand l enfant vient attacher la ch vre la statue puis lors de la s ance de purifica tion de la m re dans le fleuve La d couverte de cette vieille femme demi nue est proprement saisissante tant le cin ma nous avait habitu avec ces codes issus en grande partie de la culture occidentale et plus sp cifiquement holly woodienne masquer le plus souvent les corps des gens g s comme s ils rele vaient de par eux m mes d une sorte d obsc nit Ciss inscrit M h dans un paysage pur aspergeant son corps de lait avec une calebasse en imp
42. g e Quand tes grands parents te racontent des histoires c est l image que tu vois a n est pas la parole La parole tu l entends mais c est des images que tu vois d filer devant toi Donc cette parole c est d j de l image c est d j le cin ma 1 1 Entretien r alis par Simon Duflo et Stratis Vouyoucas Paris avril 2010 S LECTION VID O amp BIBLIOGRAPHIE Sur Yeelen R cits de tournage et de montage DE BAECQUE Antoine et BRAUNSCHWEIG St phane Pionnier en son pays propos du montage Cahiers du cin ma n 381 mars 1986 p VL WAINTROP douard Souleymane Ciss Les ann es Lumi re Lib ration 6 Mars 1987 p 31 et suiv Critiques BINET Jacques Oedipus Negro Positif n 322 d cembre 1987 p 4 et suiv CARBONNIER Alain La Lumi re Cin ma n 399 400 22 Mai au 2 Juin 1987 p 6 DANEY Serge Ciss tr s bien qu on se le dise Lib ration 9 et 10 Mai 1987 p 24 et suiv DE BAECQUE Antoine Cela s appelle l aurore Cahiers du cin ma n 402 D cembre 1987 p 25 et suiv HEYMANN Dani le Dans la lumi re de Yeelen Le Monde 29 et 30 Novembre 1987 LELIEVRE Samuel Ce qui reste en lumi re Yeelen de Souleymane Ciss Cin mAction n 106 ler trimestre 2003 Paris TESSON Charles Gen se Cahiers du cin ma n 397 Juin 1987 p 10 et suiv DVD Coffret quatre films Souleymane Ciss Den Muso Baa
43. icain Le western a toujours eu dans la cul ture am ricaine la fonction du mythe il permet d interpr ter et de donner un sens au chaos de l Histoire II donne des fondements la soci t et expli cite l ordre actuel des choses Le wes tern interroge ainsi l histoire am ricaine pour tenter de l ordonner mythique ment en cr ant des oppositions qui se d passeront dialectiquement nature et culture ordre et d sordre anarchie et loi l gende et histoire etc Mais le western est aussi ce fond ico nographique et mythique commun qui va permettre de faire valoir selon les poques ou les cin astes des visions du monde tr s diff rentes aventure pop e trag die r vision historique conte initiatique etc cet gard il serait passionnant de mettre en regard Yeelen avec Dead Man de Jim Jarmusch m me rapport au temps la fois contemplatif ellip tique et cyclique m me relation une nature omnipr sente et myst rieuse m mes allusions une culture qui ne distingue pas la vie et la mort le r el et au del m me fin paradoxale la fois tragique et optimiste 10 USE EN SCENE Magie point de vue et cin ma Yeelen est le film de Ciss qui r v le le plus nette ment par les proc d s auxquels il recourt la mani re dont s articulent chez lui les notions de magie et de cin ma D s le d but du film nous assistons des rituels dont la dimension magique par
44. ils qui s loigne derri re la dune G n rique 01 38 09 Rappel du titre et g n rique de fin crit en Bambara Fra UEFA N B Le d coupage en chapitres correspond au chapitrage du DVD Fox Path Europa ANALYSE DU R CIT Un temps initiatique et mythique L intrigue de Yeelen inspir e du Komo ne se prive pas d inventer son r cit propre Il s agit d une qu te au sens o l a d finie A J Greimas travers son mod le actantiell Nianankoro doit pour acc der l ge adulte se soumettre une initiation qui en passe par des preuves marche combats et un appren tissage de ses pouvoirs de la sexualit Il devra faire face des opposants Soma Bafing les Peuls dont certains le chef peul Attou viendront rejoindre le camp des adjuvants la m re Djigui La qu te m ne au combat et le combat aboutit la cr ation d un monde nouveau Nianankoro doit assu mer une mission celle de transmettre les pouvoirs que d tient sa famille pou voirs qui renvoient un syst me de croyance commun Cette transmission transg n rationnelle s op re travers un objet symbolique l aile du Kor oiseau des grands espaces de la chasse de la guerre du savoir et de la mort qui ne trouvera sa puissance qu au bout d un long parcours entre un destina teur Djigui et un destinataire l enfant au prix du sacrifice de Nianankoro La qu te destructrice de Soma la suite des remaniements sc
45. irection d acteurs autre mani re de faire passer les sentiments la fois ancienne mais du coup tr s moderne Un tel parti pris permet au spectateur contemporain fatigu des effets appu y s d un mode de jeu souvent trop explicite emp chant toute exp rience per sonnelle de l motion de retrouver face cette ultime s paration sobrement interpr t e une sorte d innocence D autres acteurs sont devenus des habitu s des films de Ciss o ils font des apparitions plus ou moins importantes C est le cas d Aoua Sangara qui joue le r le d Attou dans Yeelen d j pr sente pour un petit r le dans Finy On cite ra galement Oumou Diarra qui jouait dans Den Muso et incarne une des pouses dans Finy Balla Moussa Ke ta qui joue le r le du chef peul dans Yeelen est un fid le du r alisateur avec qui il a tourn des r les importants dans Den Muso Baara et Finy Mais l acteur dont la pr sence hante litt ralement le film est Isma la Sarr De Den Muso Baara de Finy Yeelen on a vu peu peu s toffer sa silhouette de Falstaff africain Pour Yeelen Ciss lui propose de jouer le r le du p re mais l acteur meurt d une crise cardiaque au bout de trois mois de tournage Effondr Ciss interrompt son travail et part la recherche d un nouvel acteur C est finalement Niamanto Sanogo un chanteur de Komo que le r alisateur d couvre apr s plusieurs mois de recherche qui va jouer le r l
46. it il bien ou mal Dans quelle mesure GENRE Un sacr m lange Sous son apparente unit esth tique Yeelen est un film hybride au regard de nos crit res occidentaux contemporains Il m le en effet le mythique au social le pass au pr sent les dieux aux hommes le peuple l intime Son titre La Lumi re en est l embl me qui peut se d cliner des deux fa ons prosa que et spirituelle Quant au r cit il entrelace cinq genres l pique le mythique le politique l thique et le psychanalytique L pop e au del de la mort La dimension pique appara t d s les premi res s quences Nianankoro doit fuir son p re retrouver son oncle Djigui l enjeu transmettre les valeurs ancestrales la g n ration suivante va se r v ler au gr des p rip ties de ce long voyage qui s annonce plein de menaces Les principaux personnages hors du commun disposent de pouvoirs surnaturels qui les rattachent cette cat gorie que le philosophe allemand G W E Hegel nomme dans Esth tique les h ros piques Tel Ulysse Nianankoro va devoir voyager franchir des obs tacles se faire des alli s affronter des ennemis utiliser ses pouvoirs sa ruse et sa sagesse au nom d une cause qui le d passe peine s est il s par de sa m re qu il doit affronter la fatigue la soif la solitude et la mort Son pop e en passe par l initiation sexuelle et amoureuse les rites de purification la rencontre av
47. koro son fils fond sur le respect celui de l offrande qui inscrit leur histoire commune dans un r cit collectif et mythique On trouve un cho dans les tudes consacr es aux mythes des Bambaras ce plan des deux ufs On y apprend que dans le mythe de la cr ation du Monde le dieu cr ateur Koni qui va se subdiviser par la suite en plusieurs entit s cr e l uf du monde espace d limit dans le cosmos choisi pour y cr er la terre dont seront issus les humains ces personnes qui sortiront de son propre ventre l Les figures f minines seront elles m mes subdivis es en deux la forme g mellaire opposant l une symbole de la lumi re de la puret et de la vie l autre symbolisant les t n bres l impuret et la mort Sans pour autant pr tendre voquer pr cis ment ici le mythe de la cr ation et de l organisation du monde tel qu il a pu tre observ et analys dans les civilisations Bambaras on y trouve n anmoins un d but d explication la conclusion du film et notam ment ce plan Ce quoi nous assistons c est la cr ation du monde celle qui succ de aux affrontements des personnages mythiques des dieux et des demi dieux et ce fils est donc le premier des hommes celui qui choisissant l uf de la Lumi re va ainsi cr er un monde nouveau auquel nous appartenons Et cette naissance ne peut se faire qu en d passant les conflits de g n rations hors de toute filiation
48. koro an nonce au roi peul qu il a couch avec sa jeune femme Nous comprenons alors que la sc ne de gu rison tait aussi et surtout une sc ne d amour La magie relay e par le cin ma a op r double titre 19 16 La musique Apr s la s ance on demandera aux l ves leurs impressions sur la bande son du film On pourra couter le d but du film les yeux ferm s pour mieux percevoir la mani re dont les diff rents l ments de la bande sonore du film sons d ambiance bruits voix mu sique cr ent une atmosph re parti culi re entre r alisme et myst re On s arr tera ensuite sur la musique voque t elle l Afrique II serait int ressant de recueillir les avis des l ves puis de leur faire remarquer qu elle a t compos e par un musicien virtu ose Michel Portal la fois saxopho niste de jazz et clarinettiste classique Cette virtuosit et cet clectisme s af fichent ils On sera attentif la mo destie du travail musical qui reste en retrait et toute au service du film sans ostentation La s quence du duel final montre quel point la bande sonore du film est composite diff rents types de mu siques et de bruits se confondant tout en laissant une place essentielle la voix mais aussi au silence POINT TECHNIQUE Une musique cosmique L image est tr s po tique la musique doit tre un ciment qui se m lange cette po sie et lui donne sa force
49. l il du Kor 30 01 15 04 Djigui le fr re aveugle de Soma annonce au jeune couple qu Attou est enceinte d un fils Il voque ensuite la fonction centrale qu occupe sa famille au sein du peuple Bambara et la mal diction qui p se sur elle pour une raison qu il ignore Il explique ensuite comment il a perdu la vue et voque le lien qui unit la vie et la mort 31 01 19 55 Djigui remet Nianankoro l aile du Kor dans laquelle ce dernier place la pierre pr cieuse que sa m re lui avait remise Chapitre 11 Au service du mal et de l injustice 32 01 22 14 Soma approche avec ses deux porteurs et le pilon 33 01 22 22 Djigui prie puis indique Nianankoro qu il doit partir Ce dernier fait ses adieux Attou et s en va avec l aile du Kor Attou part sa poursuite 34 01 23 20 Attou traverse un village en courant 35 01 23 28 Nianankoro se prosterne devant un difice 36 01 23 44 Attou d passe des femmes v tues de noir 37 01 23 56 Djigui prie 38 01 24 02 Soma s approche des lieux du combat 39 01 24 20 Nianankoro avance d un pas d cid quand surgit Attou qui tente de le retenir Il lui fait don de son v tement qu il lui charge de remettre son fils 40 01 25 07 Soma s avance sur un terrain plat en invoquant l aide de Mari Nianankoro arrive avec l aile du Kor 41 01 25 33 Attou se r fugie aupr s de Djigui qui lui annonce l imminence d u
50. la vie traditionnelle aux sujets tr s contemporains tels que la contestation tudiante ou la sexualit des jeunes Maliens Ciss dispose pour Waati 1995 d une production plus impor tante qui lui permet de raconter le p riple de Nandi jeune fille noire d Afrique du Sud traversant diff rents pays tels que la C te d Ivoire le Mali et la Namibie Waati se veut la fois loge de la connaissance discours contre la drogue apo logie de l engagement et d fense de la transmission interethnique Ciss fonde en 1997 l Union des cr ateurs et entrepreneurs du cin ma et de l au diovisuel de l Afrique de l Ouest UCECAO pour que les films africains soient vus par les Africains Plus pessimiste aujourd hui Ciss consid re que l Afrique n a pas saisi le cin ma au bond Cela aurait pu l aider pour son d veloppement et au niveau des mentalit s C est la m me chose qui s est produite avec l arriv e de la t l vision Les images de nos cha nes sont irregardables Pendant cette p riode il tourne trois por traits de cin astes Semb ne Ousmane Martin Scorsese et Jean Jacques Annaud Tourn en num rique Min y a t pr sent Cannes en 2010 hors comp ti tion Les deux personnages principaux incarnent les contradictions d une soci t malienne dans laquelle hommes et femmes se renvoient la balle entre polygamie et infid lit s et dont la bourgeoisie accapare les pouvoirs et les richesses en tout
51. lant sentiments profonds plaisir innocent et croyances religieuses Filmer la nudit est aussi pour Ciss l occasion de filmer la peau celle des noirs souvent mal clair e par un cin ma occidental incapable d en saisir les nuances C est ici le croisement de questions technique et esth tique qui se joue filmer des peaux sombres est pour Ciss une fa on d en r v ler la diver sit les nuances les couleurs De celle de Soma celle du chef peul de celle de Nianankoro celle d Attou le film nous pr sente une gamme subtile de peaux brunes obtenue par un travail pr cis sur la lumi re tant au moment de la prise de vue que lors du d veloppement et de l talonnage des copies loge d une diversit trop souvent ignor e par le cin ma La naissance de Pamour Ici la nudit semble un tat naturel Elle ne suscite pas le d sir Pourtant au moins dans la s quence de la gu rison d Attou le rapport de la nudit au d sir semble vident Alors que la nudit est montr e sans tabou l acte sexuel est ici m taphori s de mani re complexe et pudique Attou se d shabille Nianankoro assis ses c t s d tourne la t te La ca m ra se rapproche lentement de son visage fr missant Attou dans un faux raccord elle n est plus de profil mais de face les cheveux relev s sourit Nianankoro sur fond de ciel surexpos C est dans la sc ne suivante que se r v le la m taphore Nianan
52. le roi va finir par donner sa jeune pouse Nianankoro Le couple ira ensuite au pays Dogon se purifier la source du Bongo De leur union na tra un fils qui incarne la renaissance du Mali et peut tre du conti nent africain Car le film voque aussi la disparition et la renaissance de la culture Bambara la mort et la r surrection du Mali cet gard les l ves pourront interpr ter la proph tie de l oncle aveugle La menace qui plane sur les Bambaras frappera ton pays mais elle pargnera ta famille Vos descendants subiront une profonde mutation ils seront r duits en esclavage Ils en arriveront d nigrer leur propre race et leur croyance Tout bouleversement est porteur d espoir Et ces d sastres que j ai vu constitueront un tremplin pour les Bambaras Je vois aussi que notre pays sera l objet de bien des convoitises Je crois qu on peut mourir sans cesser d exister Soma et Nianankoro doivent mourir mais ils sont porteurs d un savoir qui leur survivra comme l Afrique survivra au colonialisme et la traite n gri re Survie ou plut t renaissance symbolis e la fois par l enfant et par les ufs d autruche Enfant qui Attou transmet le v tement de son p re et l aile du Kor Sur le paysage r duit un d sert de sable apr s l affrontement des deux hommes il pourra refonder la nation car s il symbolise lavenir il est aussi porteur d une culture ancestrale d barrass e
53. lorant la d esse des eaux de prot ger son fils En trois plans de plus en plus rapproch s de toute beaut de face puis de trois quarts puis presque de profil Ciss nous fait entrer dans le rituel Dans le m me temps en r inscrivant ce corps trop souvent oubli de l histoire du cin ma il la recompose instantan ment rendant obsol tes bon nombre des repr sentations auxquelles la pro duction dominante nous avait habitu s en nous assoupissant de ses conven tions et de son rotisme de pacotille La troisi me confrontation du spectateur la nudit intervient nouveau de mani re ritualis e lorsque Nianankoro pr pare le tibia de cheval afin de mettre en d route les attaquants du village L encore montr e dans une lumi re dif fuse qui l inscrit naturellement dans ce paysage d pouill la nudit se donne voir tout son naturel celui de la situation mais aussi du jeu de l acteur ou pourrait on dire plut t de son absence de jeu par rapport cette nudit mon tr e sans aff terie exprimant le rapport intime et charnel de l tre au divin La quatri me mise en sc ne de la nudit intervient lorsque Nianankoro la demande du chef peul tente de gu rir Attou de sa st rilit On d couvre le jeune homme nu donnant la jeune femme une substance qu il ing re son tour La femme alors se d v tit et l homme est pris de spasmes Dans le plan suivant on voit le visage d Attou radieuse
54. mane Ciss Simon Duflo Achev d imprimer septembre 2010 SOMMAIRE Synopsis et fiche technique R alisateur Le cin aste en mission Acteur La tribu de Ciss Gen se Ou je tourne le film ou il me tue Contexte Une soci t multiethnique D coupage s quentiel Analyse du r cit Un temps initiatique et mytique La s ance Genre Un sacr m lange Western Mise en sc ne Magie point de vue et cin ma R alit de la magie Analyse de s quence Duel au soleil L enfant et la sorci re Analyse de plan Le nouveau monde Nianankoro et la hy ne Figure fleur de peau La naissance de l amour Point technique Une musique cosmique La musique Panorama Le cin ma africain d une crise l autre Pistes de travail Atelier Le temps Lecture critique Un spectateur lucide S lection vid o et bibliographie 10 12 14 15 16 17 18 19 20 Yeelen France 1987 R alisation Sc nario Image Musique Son Montage Production Distribution Dur e Format Tournage Sortie fran aise Interpr tation Nianankoro Attou La m re Le p re Soma L oncle Bafing Le chef Peul FICHE TECHNIQUE Souleymane Ciss Jean No l Ferragut Jean Michel Humeau Michel Portal Salif Ke ta Daniel Olivier Michel Mellier Andr e Davanture Les Films Ciss Atriascop Midas s a Path 1h 41 35 mm couleurs 1 1 66 fin
55. masculin B apr s de longues nuits pass es dans les bo tes de nuit Il re p re Issiaka Kane qui joue le r le de Nianankoro dans Yeelen la biennale artis tique des jeunes du Mali o il est danseur de ballet Pour trouver celle qui va jouer le r le de la m re dans Yelen Ciss arpente son pays et rencontre Soumba Traore lorsqu elle revient des champs Dans un premier temps elle refuse la proposition mais son mari parvient la convaincre bien qu elle craigne pour sa propre vie Comme ce sont des non professionnels je parle beaucoup avec eux avant le tour nage mais je ne les fais pas r p ter car j ai toujours peur de rater la bonne prise explique Souleymane Ciss C est parfois plus long que pr vu il m arrive de faire jusqu dix prises pour un m me plan 2 La mani re dont le r alisateur dirige ses acteurs est tout en retenue ce qui donne certaines sc nes par leur sobri t m me une grande beaut ainsi lors de la s paration ultime entre Nianankoro et Attou s quence 39 le jeune homme lui remet sa tunique destin e son fils Cette s quence intervenant la fin du film est d autant plus bouleversante qu elle s op re sans aucun pathos on imagine pour l avoir tant vu ce quau rait donn une telle situation mise la sauce de l Actors Studio regard charg et voix vibrante treinte appuy e et musique m lodramatique Ici tout a lieu de mani re tr s pudique autre culture autre d
56. n autre combat tant Lorsque le jeune homme va aider les villa geois combattre les assaillants c est le montage parall le qui permettra au spectateur de faire le lien entre le rituel du tibia et ses effets distance immobilisation des guerriers attaque des abeilles encerclement par le feu L encore les effets pro duits sont trait s de mani re simple et symbo lique les feux sont produits par des branchages entass s sans autre justification la pr sence des abeilles est signifi e par la pr sence des ruches et la bande son Lorsqu on retrouve Soma invoquant les dieux ce sont de simples ralentis et l inversion de d file ment des images qui produisent l effet magique d un chien ou d un albinos marchant reculons Il s agit ici d voquer un rituel le sacrifice que Ciss se refuse filmer la diff rence de Jean Rouch dans Les Ma tres fous exprimant la fois sa crainte d une incompr hension du spectateur face la cruaut du geste et sa d sapprobation impli cite notamment concernant le harc lement des albinos perp tr dans certains pays africains La s quence du duel final repose sur la m me logique fils invisibles ralentis travail en labora toire pour obtenir une surexposition fumig nes Nous sommes la diff rence des effets r alistes et spectaculaires d Hollywood dans un mode de repr sentation qui rapproche le cin ma de Ciss de l art na f et par l
57. n grand malheur 42 01 25 49 Soma et Nianankoro s affrontent Le pilon s envole et vient se placer face l aile puis se d fait de son fourreau Nianankoro demande son p re de le reconna tre et de lui expliquer l origine de sa haine son gard Ce dernier refuse de r pondre Le pilon se met alors raconter pourquoi il retire d sormais ses pou voirs des mains de la famille Diarra 43 01 29 46 On retrouve l enfant qui am ne nouveau la ch vre devant la statue de la grande sorci re 44 01 30 17 Nianankoro pleure tandis qu une vache s avance au ralenti Se superpose au visage de Soma celui d un l phant et celui de son fils se substitue quelques instants la face d un lion La lumi re surgit du pilon tandis qu on entend un son strident Chapitre 12 pilogue et g n rique de fin 44 suite d but 01 32 28 La lumi re jaillit de l aile du Kor et aveugle Soma Nianankoro s agenouille et se frotte les yeux l image devient blanche tandis qu on entend gronder un volcan 45 01 33 17 Dans un paysage de montagnes d o s chappent des fum es Attou se dirige vers l aile du Kor Deux mains d enfant creusent dans le sable et d couvrent deux grands ufs blancs Le petit gar on se saisit de l un deux qu il remet sa m re tandis que celle ci lui transmet la tunique de son p re Elle prend l uf et va le d poser au pied de l aile Elle prend laile et la donne son f
58. ne semaine 6 Confront des d boires comme il n en n avait jamais connu Ciss se demande en cours de tournage s il n est pas victime d une mal diction pour avoir tel Djigui rendu publics les secrets du Komo Il en arrive la conclusion suivante Ou je tourne le film ou il me tue 7 1 2 3 Entretien r alis par Simon Duflo et Stratis Vouyoucas Paris avril 2010 4 5 6 Souleymane Ciss les ann es lumi re Edouard Waintrop Lib ration 6 mars 1987 7 Entretien avec Dani le Heymann Le Monde 29 30 1 1 1987 Dy flo Rappel Avant le plan de soleil levant qui ouvre le film plusieurs indications sont donn es au spectateur Quatre signes du Komo les id o grammes bambaras reproduits ci contre sont plac s en exergue L chauffement donne le feu et les deux mondes la terre et le ciel exis tent par la lumi re Puis quatre cartons pr cisent le con texte culturel Le Komo est pour les Bambaras l in carnation du savoir divin Son ensei gnement est bas sur la connaissance des signes des temps et des mondes Il embrasse tous les domaines de la vie et du savoir Le K r est la septi me et la derni re soci t d initiation bambara il a pour symbole le vautour sacr Mawla Duga oiseau des grands espaces de la chasse de la guerre du savoir et de la mort Son embl me est un cheval de bois symbole de diligence de l esprit humain son
59. nt avec la force de l vidence l ap parition surnaturelle dans le r el ANALYSE DE FLAN Le nouveau monde Un plan de Yeelen demeure inoubliable celui qui surgit 1 h 34 min lorsque deux mains d enfant creusent dans le sable Sa dur e nous laisse le temps de voir la composition des couleurs brun fonc pour la peau ocre pour le sable blanc des ufs d autruche qu aucun morceau de ciel ne vient relativiser Ce plan affirme d autant plus ses choix picturaux que film en plong e dans une lumi re douce en rupture avec la s quence pr c dente il ne laisse entrevoir rien d autre que ces formes et ces teintes myst rieuses Nous ne savons pas qui creuse ni o nous sommes aucune image de dune de sable ne nous a t montr e jusqu alors a n est qu la fin du long plan suivant travelling en diagonale qui nous rapproche de cet enfant que nous d couvrirons qu il est le fils d Attou et de Nianankoro et dans la vie celui de Ciss lorsqu il pose aux pieds de sa m re l uf qu il vient de d terrer Ce plan des mains qui creusent prend d autant plus de force symbolique qu au moment de sa d couverte nous ne pouvons identifier ni le sujet ni le lieu ni m me l action qui demeure en grande partie nigmatique a n est que lorsqu Attou d posera l uf aux pieds de l aile du Kor qu elle va ensuite d ter rer et offrir son fils que nous comprendrons que cet uf agit comme offrande san
60. nt d aller Moscou j tais un fanatique un croyant ter rible Si j avais continu je serais aujourd hui un int griste et m me pire 2 De retour au Mali il r alise pour le minist re de l information une trentaine de films d actualit et cinq documentaires En 1972 Ciss tourne Cinq jours d une vie un moyen m trage qui suit les pas d un jeune homme qui abandonne l co le coranique et survit de vagabondages en larcins Son premier long m trage Den Muso 1975 conte l histoire inspir e par les d boires d une ni ce du r ali sateur d une jeune fille muette enceinte apr s avoir t viol e par un jeune homme qui choisit de se suicider apr s avoir t reni e par sa famille Soup onn tort d avoir vendu les droits du film Ciss est arr t Bamako puis rel ch apr s avoir convaincu le chef de l tat de lui venir en aide Baara tourn en 1977 d crit la rencontre entre un man uvre et un ing nieur Pendant l mission Bulumba production ORTM dit e en DVD par Fox Path p k f Aka j z f 7 r n sn 1 ee IF j f i x ir 1 PE NT t k 7 tifini dans le cadre d une gr ve sous le r gime autoritaire de Moussa Traor Ce film est couronn de nombreux prix en Afrique et en Europe Cinq ans plus tard il r alise Finy premier pan d une trilogie que Ciss d die aux combats et aux mythologies de l Afrique Finy articule subtilement
61. nt pos s les ufs est apparue l aile du Kor Attou pose l uf au pied de l aile qu elle prend avant de rebrousser chemin accompagn e par un dernier travel ling Elle donne l aile Penfant Ils quittent le champ 2 bref gros plan sur l uf rest seul 3 Penfant seul tenant l aile et le man teau dispara t derri re une dune Le premier plan d taille dans sa totali t et en temps r el les mouvements des personnages Cela leur donne du poids insistant sur la valeur symbo lique et rituelle des actions Mais l as pect r aliste que donne la dur e ce plan est perturb par un l ment magique lapparition de l aile du Kor Ce contraste l int rieur du plan est renforc par l encha nement des deux plans suivants qui couvre une ellipse inexpliqu e la disparition de la m re Cette information primordiale aurait normalement suscit une expli cation Peut tre n voque t elle ici que le cours naturel du temps l en fant peut poursuivre seul son chemin 19 20 LECTURE CRITIQUE Un spectateur lucide Ciss tr s bien qu on se le dise M me Cannes le temps joue pour les beaux films Une nuit passe et un matin on sait On sait qu on n oubliera plus Yeelen que a durera des ann es qu on a entr en m moire des plans et des corps que c est comme a Que Yeelen la lumi re en Bambara soit donc Fiat Yeelen On pouvait craindre bon droit que
62. nthousiasme de Daney est d autant plus fort qu il est pr c d par un doute une inqui tude Ciss ne c dera t il pas maintenant qu il en a les moyens une tendance d corative ou esth tisante Cette inqui tude vous semble t elle justifi e Que veut dire Daney quand il parle de d coratisme de l image pour l image Pourquoi avoir peur des belles images La beaut nuit elle au film Peut on relier cette crainte de la carte postale au reproche de film touristique mis par les premiers lecteurs du sc nario Les plans de Yeelen dont se souviennent les l ves ne sont ils pas la fois les plus beaux et les plus signifiants La critique de Daney ne contient elle pas un paradoxe dans la mesure o elle met en avant les qualit s visuelles de Yeelen tout en affirmant que les films africains sont ax s sur la parole le verbe Pour lui ils ne s inscrivent pas dans le clich que nous avons de l Afrique le chant la danse mais dans la tradition du r cit oral sur lequel se fonde la transmission du savoir Et si Yeelen nous semble un film d images c est aussi un film qui sait enregistrer et restituer la parole On peut revoir cet gard le dialogue entre Mah et Nianankoro au d but du film la longue proph tie d oncle Djigui ou m me le monologue du pilon magique interrompant le duel final Un paradoxe qui n est peut tre qu apparent comme semble le dire Ciss Mais la tradition orale est ima
63. otter ou L Exorciste ne cherchent pas faire croire la magie mais au contraire creuser l cart entre le monde r el et leur univers fictionnel notamment pour satisfaire la soif de divertissement du spectateur l inverse Yeelen d crit un monde o la magie est l l ment constitutif d une culture Il s ins re ainsi dans les gestes du quotidien Une autre mani re de faire intervenir extraordinaire serait chercher chez Rossellini les manifestations divines dans Stromboli Voyage en Italie chez Dreyer le miracle dans Ordet ou chez Pasolini L vangile selon Saint Matthieu Th or me Toujours trait volontairement avec la plus grande simplicit le sacr ne peut surgir chez eux qu au c ur du monde mat riel Th or me Carlotta films 11 12 ANALYSE DE S QUENCE Duel au soleil Souleymane Ciss naime pas qu on compare la s quence du duel final de Yeelen un western N oublions pas pour autant que ce genre constitue une bonne part des films que le jeune Ciss d cou vrit lors de ses premi res exp riences cin philiques Bamako N occultons pas non plus le fait que le d coupage des s quences d action tel qu il est pratiqu dans les films hollywoodiens a t invent dans les ann es 1920 par des cin astes de l Union Sovi tique tels que Lev Koulechov et Serguei M Eisenstein ensei gnants de la c l bre cole de Moscou le VGIK o Ciss a appris quelques ann
64. page un resserrement progressif du cadre sur les visages qui s accompagne d un raccourcissement de la dur e des plans produisant un effet d acc l ration cr ateur d une tension dramatique croissante La lumi re blanche irradiant ce pay sage d sertique contribue sa mani re cet effet de dramatisation Les flux invisibles entre ciel et terre Outre les effets explicites renvoyant la magie les superpositions le pilon qui s anime vole et parle l apparition des deux vaches la lumi re qui surgit Ciss recourt aux faux raccords pour renforcer la dimension surnaturelle de la situation Ainsi on passe d un gros plan de profil de Soma un plan de face de Nianankoro On pour ra citer aussi la sym trie invers e entre le panoramique vertical de haut en bas lorsque le pilon se d fait de son enveloppe et celui de bas en haut lorsqu il commence parler le mouvement vertical indique le passage d un flux invisible comme lorsque la cam ra partant du pied et remontant au visage filme le corps de Nianankoro Ce flux relie le ciel et la terre symboliquement et permet la lumi re de jaillir Le son contribue renforcer cette pr sence de pouvoirs surnaturels notamment dans l usage sobre que Ciss fait de la musique voir page 15 Le style de cette s quence nous rappelle sans cesse par le recours pr cis aux r gles cin matographiques dilatation travellings d coupage et leur remise en question faux ra
65. purant et en actualisant le r cit mythique de produire un nouveau syncr tisme une r actualisation qui permettent de lui redonner vie et usage pour les g n rations futures dans un geste port e universaliste Ainsi le lieu mythique de Bandiagara est il montr par un lent panoramique sans pour autant qu on ne mentionne explicitement la signification de cette falaise qui s tend sur plus de 200 km du Mali au Burkina Faso laissant au spectateur le choix d interpr ter le sens li l tranget du lieu et son apparence originelle plut t que de mentionner explicitement ses r f rences la culture Dogon et celle des peuples troglodytes qui les ont pr c d s Abus de pouvoirs Si Yeelen accorde plus de place que les autres films de Ciss au mythe il n en reste pas moins une r flexion politique sur le pouvoir et ses abus celui du m le et des castes dirigeantes qui de g n rations en g n rations usent et abu sent de cette autorit leur profit C est bien l l argument mentionn par le pilon magique pour justifier sa d cision de priver d sormais la famille Diarra de ses services Cette critique de l exercice abusif du pouvoir fait cho des situations politiques contemporaines dans de nombreux tats africains sans que le film n omette pour autant d voquer les ravages commis par le colonia lisme A ce potentat s oppose l attitude de l oncle Djigui qui enfant souhaitait faire partager les connais
66. r si cette action se situe au m me moment dans un lieu proche ou loign de celui o nous avons laiss son fils prisonnier des Peuls Seules des indications de paysage pour l un le d sert pour l autre le fleuve nous sugg rent qu ils sont loin l un de l autre Cela ne nous emp che pas de croire que les invocations de la m re adress es la d esse des eaux jouent un r le b n fique dans la mani re dont son fils va tre tir d affaire dans la s quence sui vante Mais comme souvent dans les mythes les liens de cause effet ne sont jamais explicites En cela le montage cin matographique joue plein tant il permet de sugg rer leur efficience tout en conservant le myst re qui les entoure Du mythe au cin ma m me si elle n est pas du m me ordre il est toujours question de croyance et de forces invisibles On peut m me consid rer les incoh rences du r cit l apparition puis la dispa rition de l oncle Bafing ou encore le fait que le chef peul et Attou se mettent subi tement comprendre le Bambara comme une caract ristique propre aux r cits mythiques contribuant paradoxalement en renforcer le pouvoir de v rit la fin du film une derni re ellipse vient confirmer la nature mythique du temps narratif quelle dur e s est il pass entre la mort de Nianankoro et la s quence finale o l on voit son fils d terrer les ufs Le temps pour le petit gar on de na tre et de grandir de qu
67. ra Finy Yeelen bonus Fox Path Europa 2004 puis Deux documentaires sont disponibles en DVD sur le site internet d Images de la culture Souleymane Ciss r alisation Rithy PAHN pro duction Amip La sept INA collection Cin ma de notre temps 1991 Souleymane Ciss r alisation Philippe FR LING production M rapi La cinqui me collection Faiseur d images 2000 Sur d autres films de Souleymane Ciss LALANNE Jean Marc Terre et m re sur Waati Cahiers du cin ma n 492 Juin 1995 p 50 et suiv SABOURAUD Fr d ric Le Vent dossier p dago gique Lyc ens au cin ma CNC BIFI Paris 2002 2 p Entretiens avec Souleymane Ciss HEYMANN Dani le Souleymane Ciss Je cr e en marchant propos de Yeelen Le Monde 29 et 30 Novembre 1987 MALAUSA Vincent Retrouvailles propos de Min Ye Cahiers du cin ma n 646 Juin 2009 p 24 et suiv SABOURAUD Fr d ric Le Vent dossier p dago gique Lyc ens au cin ma CNC BIFI Paris 2002 24 p Pleins feux sur Ciss Souleymane Les deux crans n 2 avril 1978 Pionnier en son pays Cahiers du cin ma n 381 mars 1986 Entretien sur La Lumi re Yeelen Positif n 322 D cembre 1987 Entretien sur Waati Cahiers du cin ma n 492 Juin 1995 Autres entretiens et articles concernant Souleymane Ciss sur le site d Africultures http www africul
68. rir une s quence L insert peut tre destin cr er un suspense en d but de s quence qui appartiennent ses mains voire m me garer le spectateur pen dant un temps ainsi en est il du lavage des pieds du chef peul la nuit qu on peut croire un temps tre le fait d Attou lavant ceux de Nianankoro Cet garement n a rien d anecdotique Il s agit d induire des effets de miroirs entre deux personnages pris dans un conflit d egos entre Nianankoro et le chef peul entre le fils et son p re Faire un insert est aussi un moyen lorsqu il s accompagne d une rupture d axe de donner au geste sa dimension magique lorsque Nianankoro place la tige de bois l int rieur du tibia de cheval le cadre est plus serr et rompt avec l axe du plan large pr c dent pour accentuer sa dimension symbolique dont le feu en arri re plan t moigne Et le travelling fil mant les pieds de Nianankoro foulant la terre cra quel e est l cho direct des incantations de son p re aux dieux pour ass cher le sol Lui succ de un plan large en plong e le montrant isol dans ce paysage hostile Le d coupage interne aux s quences est aussi l occasion d insister sur la mul tiplication des points de vue qu il s agisse de la s quence des initi s dans la brousse du duel final ou de la s paration de Nianankoro avec sa m re suite de champs contre champs ponctu s de regards appuy s et silencieux expression d une
69. ropos de Souleymane Ciss contrastent avec ceux des premiers lecteurs du sc nario de Yeelen qui y voyaient un projet de film tou ristique Qu en pensent les l ves Selon eux quel public ce film s adresse t il Que raconte t il aux Africains aux Occidentaux Les propos de Ciss montrent que Yeelen d passe largement le cadre d un film touristique ou ethnographique pour s assigner plusieurs objectifs On pourra tudier avec les l ves ce qui dans le film rel ve d objectifs sp cifiquement maliens et ou africains transmettre le Komo et la culture malienne s affranchir de ses pr jug s ethniques ou claniques donner confiance la jeunesse reconstruire la soci t sur des bases nouvelles en puisant dans la tradition de ce qui touche luniversel la question du pouvoir la transmission du savoir le conflit p re fils Le succ s de Yeelen sa sortie aussi bien au Mali qu en Occident semble montrer que le film a bien interpell des publics tr s diff rents Les l ves pourront t moigner de ce que Y elen leur dit encore aujourd hui 1 Entretien r alis par Simon Duflo et Stratis Vouyoucas Paris avril 2010 2 Faire parler les objets Dans le monde de Yeelen comme dans la culture africaine tradition nelle les objets usuels comme les l ments naturels ou les gestes du quotidien ont une port e symbo lique qui d passe leur aspect mat riel ou pratique Peut on rep rer c
70. s Ciss non satisfait de son chef op rateur d cide d en changer Apr s trois mois de travail en mars 1985 l acteur qui jouait le personnage prin cipal Isma la Sarr meurt d une crise cardiaque alors qu un tiers du film est d j tourn Au del de la perte de son ami qui affecte le r alisateur la quasi totalit des plans est inutilisable Apr s plusieurs mois de recherche Ciss trouve un nouvel acteur Niamanto Sanogo pour jouer le r le de Soma Il obtient gale ment un compl ment de financement aupr s du minist re fran ais de la Culture le film a co t deux trois fois plus cher que son budget initial Le tournage reprend en octobre 1985 pour s interrompre nouveau quelques semaines plus tard Le nouveau directeur de la photo Jean No l Ferragut a attrap un panaris et doit tre vacu en urgence Ciss d cide alors pour ne pas perdre trop de temps de commencer le montage en France Le gouverne ment fran ais accepte de payer les frais de laboratoire le gouvernement malien l aide obtenir un pr t aupr s des banques et une t l vision allemande pr ach te le film Le tournage recommence en 1986 Interrompu nouveau par des vents de sable il se poursuit dans l Est du Mali et au B nin Des chefs Komo voulaient nous interdire de tourner car on n avait pas demand d autorisation Les vieux du village arrivaient avec tous les villageois il fallait n gocier nouveau parfois pendant u
71. s que le destinataire ne soit clairement d sign le p re du jeune gar on ou les dieux qui on emprunte l aile du Kor Et pourtant ce plan fascine par sa valeur signifiante intrins que et universelle Tentons en l analyse deux mains creusent avec douceur dans le sable d terrant l un apr s l autre deux gros ufs blancs Ils sont situ s l un c t de l autre pos s verticalement tels deux seins que les deux mains font merger du sol Une fois d gag s l enfant se saisit de l un deux d sor mais situ dans un creux qu il a r alis pour les faire appara tre comme un ventre dont on extrairait l ovule f cond On trouve dans ce geste de l enfant une double dimension sensuelle lorsqu il d gage ses deux ovules g ants qu il caresse pour en enlever le sable maternel donnant ce sable une dimension nourrici re et reproductrice C est donc la fois la Terre femme et la Terre m re qui sont ici c l br es dans un plan qui ne renvoie explicitement aucun culte mais que cha cun peut reconna tre dans sa port e sensuelle et symbolique Un peu plus tard nous verrons Attou offrir cet uf en change de l aile Il devient donc offrande Mais d o sort cette offrande Nul ne peut le dire mais l enfant ou plut t ses mains le savent qui d terrent sans h siter ces deux ufs jusque l invisibles Ainsi avons nous l indication que par del la mort un pouvoir magique s est transmis de Nianan
72. sances d tenues par sa famille dans une version pr c dente du sc nario il voulait r adapter le Komo au pr sent et au futur Il le paye instantan ment d un terrible ch timent la lumi re de l aile du Kor le rendant d finitivement aveugle Ainsi celui qui s oppose la Loi des anciens en paie lourdement le prix Des enfants et des femmes thique le film l est dans sa mani re de respecter les points de vue si les sentiel du r cit est consacr la logique de l affrontement entre le p re et le fils il ne donne totalement raison ni l un ni l autre et accorde une place non n gligeable la diversit des peuples aux enfants les bergers peuls ou ceux qui activent le feu de la forge sur la place du village mais aussi celui qui prendra la rel ve le fils de Nianankoro et d Attou ainsi qu aux femmes Ces derni res ne sont pas seulement comme dans tout syst me patriarcal celles qui agissent en retrait Le film comme beaucoup d autres r alisations de Ciss leur accorde une place qui ne se r duit pas au r le de la victime ou de lintri gante Dans Yelen la femme est porteuse de la sagesse la m re initiant l amour et au sexe en s initiant elle m me Attou prenant en charge les des cendants apr s la fuite du p re ou sa disparition gagnant ainsi en autonomie la m re Attou Elle est celle qui fait lien Pulsion de vie pulsion de mort La mani re concr te avec laquelle Souleymane
73. sceptre une planche ajour e appel e Kor Kaman ou Aile du Kor Le Kolonkalanni ou pilon magique sert retrouver ce qui est perdu d couvrir et ch tier les brigands les voleurs les criminels les tra tres et les parures L aile du Kor et le pilon magique sont en usage au Mali depuis des mill naires CONTEXTE Une soci t multiethnique Une vingtaine d ethnies vivent au Mali Chacune d entre elles poss de une cul ture sp cifique Elles entretiennent entre elles de nombreux changes cono miques sociaux rituels Le film s int resse aux plus importantes d entres elles En s inscrivant dans la tradition du conte malien Ciss voque leurs rela tions la fois conflictuelles et d interd pendance Les Bambaras dont fait partie Nianankoro sont l ethnie majoritaire en par ticulier Ouest du pays Comme on le voit dans la s quence 7 ce sont essen tiellement des cultivateurs mais aussi des forgerons C est sous l autorit de ces derniers qui savent dominer le fer et le feu que se place la soci t secr te du Komo l une des plus prestigieuses confr ries d initiation du Mali Les Peuls que Nianankoro rencontre au d but de son exil sont un peuple nomade ils sont essentiellement leveurs S ils ont besoin des outils et des armes forg s par les Bambaras ces derniers les sollicitent pour leur lait ou le produit de leur levage Ils sont nombreux a
74. souffrance des personnages et d une trag die qui se noue sur un mode la fois pluriel et solitaire Le dernier l ment contribuant produire cette dimension mythique donne son titre au film c est le travail sur la lumi re l il divin comme l crit Charles Tesson Le film se passe soit dans des ambiances d aube ou de cr puscule soit dans des lumi res plus clatantes soit dans des plans de nuit clair s avec des sources artificielles lampes ou naturelles le feu Cette lumi re du d but ou de la fin du jour sublime la r alit rend les corps sensuels les paysages lyriques La lumi re blanche plus crue est utilis e par Ciss lorsqu il inscrit ses personnages dans des situations de souffrance pendant la s cheresse ou lors du duel final La nuit et le temps du myst re des confi dences et des r v lations celles de Djigui Ciss retourne en quelque sorte le handicap qui est le sien le manque de moyens pour en faire une force Son cin ma devient par l entremise d une mise en sc ne rigoureuse et inspir e le lieu m me ou la magie du mythe et celle du cin ma se confondent dans une recomposition une r appro priation une articulation entre pass et pr sent fond es sur une stylistique moderne pur e en symbiose avec celle des rituels ancestraux 1 Gen se Charles Tesson Cahiers du cin ma n 397 juin 1987 p 10 R alit de la magie On pourra tudier avec les
75. tir d effets de superposition et de pyrotechnie simples est vidente un poulet vivant en train de br ler un homme qui enflamme un cylindre de bois et l corce creuse d un arbre Et lorsqu on pense revenir la r alit c est pour voir appa ra tre dans le reflet du liquide d une calebasse par un simple effet de superposition des corps et des visages Ces trucages sont la r sultante d un m lange complexe entre choix et contraintes Ciss aurait aim faire un film fantastique avec des moyens dont il ne disposait pas Paradoxalement cette conomie restreinte trouve une corr lation avec la mani re dont le r alisateur con oit son uvre loin du cin ma ethnographique comme du film de simple distraction Il s agit plut t d inven ter travers une esth tique qui lui est propre une nouvelle articulation qui ne se confonde ni avec le discours archa que trop rigide ni avec le rejet des traditions sous influence occidentale Tout au long du film Souleymane Ciss va multi plier les effets de magie par des proc d s d une simplicit d sarmante le surgissement de la hy ne dans larbre est obtenu en d guisant et maquillant un com dien de mani re d lib r ment na ve Plus tard lorsque Nianankoro fait usage pour la premi re fois de ses pouvoirs magiques c est par la simple immobilisation d un com dien que l effet se donne voir en m me temps que des flammes surgissent de l p e d u
76. tures com php index php nav article amp no 4046 Sur le cin ma africain BARLET Olivier Les Cin mas d Afrique noire fran cophone le regard en question Paris L Harmattan 1996 bibliographie d velopp e GARDIES Andr Cin ma d Afrique noire franco phone EHarmattan Paris 1989 190 p biblio graphie d velopp e LEQUERET Elisabeth Le cin ma africain d Cahiers du cin ma Paris 2003 Cin mas africains d aujourd hui collectif RFI Les passeports ditions Karthala 2007 142 p bibliographie d velopp e Cin mas africains une oasis dans le d sert col lectif Cin mAction n 106 ler trimestre 2003 Paris Dictionnaire du cin ma africain Association des trois mondes Karthala 1991 Sur la mythologie Bambara DE GANAY Solange Notes sur la th odic e bambara Revue de l histoire des religions Paris 1949 vol 135 Sur le mod le actantiel de Greimas et des structures de r cit Voir le site qu b cois http www signosemio com greimas HEBERT Louis Dispositifs pour l analyse de textes et des images Presses de l Universit de Limoges 2007 GREIMAS A J S mantique structurale PU E Paris 1966 262 p Gen se en Afrique Comme tous les grands films Yeelen rend difficile le passage de l vi dence ressentie au moment de sa projection la complexit de son analyse d autant plus que la forme dune beaut blouissante s avance masqu e pur
77. u centre du pays Les Dogons que Nianankoro rencontre la fin de son voyage occupent la falaise de Bandiagara pr s de la fronti re avec le nord du Burkina Faso Ils sont c l bres en occident pour leur cosmogonie complexe et pour avoir attir l attention des ethnologues comme Marcel Griaule Nianankoro traverse donc le pays du sud ouest vers le centre et le nord en croisant certaines des ethnies les plus importantes Sa m re dit qu elle ira au Mand consulter le griot Kouyat Or le Mand situ au sud ouest est juste ment la r gion m re du Mali d o s est construit le grand empire Mandingue et d o seraient originaires les Dogons avant qu ils ne quittent cette r gion pour fuir l islamisation La religion islamique aujourd hui majoritaire au Mali est quant elle totalement absente de Yeelen Ce sont donc bien les fondements m me du Mali qui sont en question dans Yeelen La r conciliation On pourra travailler avec les l ves sur la mani re dont le film qui semble intemporel et mythique d ploie plusieurs m taphores politiques et voque l histoire africaine Yeelen propose en effet une forme de r conciliation natio nale travers la rencontre des principales ethnies du Mali les Bambaras les Peuls et les Dogons D abord confilictuels les rapports entre Nianankoro Bambara et le roi peul vont se normaliser non seulement ils n auront plus besoin d interpr te pour se comprendre mais
78. ux producteurs et aux auteurs Les productions t l visuelles offrent pour l instant un d bouch d une qualit assez m diocre comme en t moigne le d veloppement fulgu rant des Home videos nig rianes fictions tourn es la va vite et diffu s es sur cassettes et DVD raison de 650 par an Depuis quelques ann es l Afrique du Sud accueille de nombreuses productions internationales et devient le lieu principal de la pro duction anglophone Angola Mozambique Nigeria La cr ation d un bureau ex cutif de la FEPACI Johannesburg t moigne d un recentrage vers les pays de langue anglaise qui s il se confirmait pourrait avoir des incidences esth tiques tant les pays anglophones subissent plus directement l influence des standards des produc tions internationales 17 18 ol Eo DE TRAVAIL 1 qui s adresse Yeelen C est un film intemporel Mais il peut concerner aujourd hui les Maliens Si tu regardes le film du d but la fin le fond de ce film c est de r v ler la conscience d une autre mani re une nouvelle vision du Mali ou m me de l Afrique Pour que les jeunes puissent avoir confiance Dire que l homme est le capital c est lui qui peut apporter tout mais ce capital a une base c est sa cul ture S il wa pas cette culture sur laquelle il se base il perd tout Le film ne nous interpelle pas seulement en tant qu Africains mais en tant qu tres humains l Ces p

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